Et voilà, Six est cuit. Ah ouais, qui est Six ? Dis donc, t'es un inconditionnel de mes aventures toi, ça fait plaisir. Dans l'épisode précédent, je me réveille dans un genre de cave de pédophile. Sauf qu'il n'y a pas de pédophile. Et que c'est pas une cave. Mais j'aurais limité préféré, parce qu'il y avait juste un molosse incestoïde à six pattes que j'ai astucieusement baptisé Six Feet Under. Celui dont j'aspire la pince là. On devrait pas nommer ses animaux de compagnie dès l'adoption, ça fait toujours un pincement quand ils partent trop tôt. Un pincement, ha ha ha, t'as pigé Six ? Ah si seulement t'avais ri à mes blagues. Ton goût me rappelle un peu les gambas. Mais en plus faisandé, y a un retour violent. J'imagine pas ce que tu dois être infect cru. D'ailleurs, je vais pas tout finir. On va se contenter des pattes et d'un peu de chair du dos pour faire passer.
Fait toujours quasi noir dans cette grande cellule éclairée au cocon-mystère. C'est de là qu'on vient, avec Six, mais y a pas que nous. La plupart des compartiments sont vides, ou plutôt occupés par un liquide qui pue. Et dans ceux qui ont un hôte, ben quelques humains, pour la plupart. Ou des humanoïdes en tout cas. On dirait un musée de la résine, un genre d'hôtel de la momification parfaite. Je me demande d'ailleurs si les clients ne sont pas des richards qui se sont fossilisés pour échapper à la mort. Peut-être le temps qu'on trouve un remède à leur maladie ? J'étais malade à mon arrivée. C'est un des trucs dont je me rappelle. J'ai l'air retapé maintenant et c'est tant mieux, parce qu'on a du pain de viande sur la planche.
Je glande pas là, je reprends des forces. Soigné sommairement où j'étais entaillé, débarrassé un max de la matière de conservation, j'ai découvert que les grosses branches d'arbre qui font le décor du sol au plafond ne sont pas toutes pareilles. Certaines sont plus légères, d'autres brûlantes. Six a eu droit à une cuisson sur poêlon improvisé. Sort qui m'attend aussi si je macère quelques heures ici, parce qu'il fait de plus en plus chaud.
Le repas terminé, je repars déterminé. J'avais fait le tour de la zone en fouillant les murs, mais la sortie vient peut-être d'en haut. A nouveau, je tripote les racines en faisant gaffe d'éviter celles qui brûlent. Suffirait d'un appel d'air pour que je fore. Un temps que je ne veux pas mesurer continue de passer. Je suis trempé de ma propre eau et n'arrête de fouiner que pour éviter que le sel ne me pique la rétine. C'est là qu'un tissu aurait été pratique, parce que faire tout ça à poil avec juste de la chitine d'insecte et des pitons improvisés avec ses mimines, c'est franchement pas le salon des matières absorbantes.
Ah! Appel d'air. Cette fois, on y va. Je plante les faucheuses de Six dans le décor qui se déchiquette en quelques coups. Le temps de quelques débris et je vois Le ciel. Un ciel d'étoiles régulières. Ça me suffira. Je continue le boulot de taupe en épargnant les machins qui pourraient me cuire et m'accroche aux racines pour escalader ce qui me sépare de la liberté. En quelques impulsions et jurons, je me rends compte que le ciel n'est en fait qu'une plaque d'un genre de métal. Quand je veux la pousser, je me prends une décharge qui me fait lâcher prise. Saloperie! Tu veux la manière forte ? Ok, tu vas l'avoir.
Je vais choper la carcasse de Six, reprends de la hauteur et me sers de sa tête comme d'un bélier. Y a des arcs électriques et une vive odeur de brûlé, mais rien à foutre. Je pilonne encore le plafond pour me rendre compte qu'il cède. Et que quand il cède, y a de la lumière aussi vive qu'artificielle qui perce les flancs de la plaque que je suis en train de défoncer. Un coup supplémentaire et elle saute comme un bouchon sous pression. Et devine qui fait les bulles ?
Avec la chitine qui me sert de bouclier anti-décharges, j'élargis l'issue de secours, puis traverse l'ouverture pour débouler dans un couloir poussiéreux, mais bien éclairé. Construction humaine ça, aucun doute. Ça fait très prison. Six est rendu aux abîmes. A jamais, immonde saloperie. En quelques pas, j'arrive devant une porte où un bouton unique se présente. J'appuie. Les portes en métal poli s'ouvrent pour m'amener dans une petite pièce avec une rambarde, des miroirs et encore des boutons. J'en presse un. J'ai une sale gueule. Les portes se ferment et je me sens glisser doucement vers le bas. Un monte-repas ? Hé hé, pourvu que ça ne soit pas celui du charbon pour la fournaise.
Quand les portes s'ouvrent à nouveau, j'ai changé d'étage. Je me retrouve dans une pièce sombre, où il fait étouffant, à nouveau éclairée de cocons. Et à nouveau jonchée du cadavre de Six. Hein ? Rho merde, me dis pas que...
Ha ha ha! Ok, en fait je suis revenu dans la pièce de base. Sauf que là j'y suis entré par la vraie sortie. En tâtant, j'ai pas capté qu'en fait une part des racines sur le mur étaient un trompe l'oeil très bien ouvragé et qui suis les portes de l'ascenseur quand elles s'ouvrent. Beau boulot, y a pas à dire. J'aurais juste aimé qu'on signale cette sortie par un truc tout con. Je sais pas moi, comme le voyant rouge, là. Ah oui, y a un voyant rouge. Bonjour l'échec critique en perception. Non, mais il n'était pas là tout à l'heure! Sûrement qu je l'ai réparé en pétant des trucs pour filer à la glaise. Ouais, c'est comme ça que ça s'est passé. Minos gagne toujours.
Du coup, je repars par là. Autre bouton cette fois, on monte. J'entends sous mes pieds un bruit de pression, un machin hydraulique à priori. Ça sent le complexe scientifique c'te zone. Ce qui fait de moi un cobaye. En fuite ? Ça, je sais pas. Aucun gardien, aucune entrave. Les couloirs suivants sont vides et encrassés par le temps. Mais toujours lumineux, toujours dotés d'ascenseurs qui m'amènent toujours plus haut. Je fais pas le coup du "hé oh y a quelqu'un ?" mais je prends quand même le temps de zieuter un peu l'installation. D'autres salles sont pleines de cocons. Des salles dont la taille est adaptée aux spécimens. J'avais une des suites les plus vides, mais c'est normal. Y a peu d'humains de mon format. Celui qui me ressemblait le plus, c'était un vieux guerrier avec de longues moustaches. Surtout une. Ici, c'est le musée de cire des bébés éprouvettes. J'entre pas, je tiendrais pas debout dans ces alcôves. Et si tous ceux que je sors de leur cocon essayent de me refroidir, je vais passer ma vie à génocider des pensionnaires. Je retiens mon idée des maladies. Les gens ici sont là pour être soignés de quelque chose. Pas d'ingérence dans ce machin auquel je pige pas grand chose, mais à qui je dois probablement ma survie. J'ai déjà tué le père, je vais pas tuer la mère aujourd'hui. Au final, j'étais plus un patient. Terme parfait vu le temps que doivent attendre ceux qui sont toujours dans leur blister.
Tout en veillant à monter les étages, je poursuis ma visite. J'ai remarqué un truc, les couloirs ne sont pas toujours alimentés. En fait, la plupart sont dans le noir total. Je m'aventure parfois dans une zone d'ombre pour me rendre compte que les ascenseurs n'y sont pas en service, ou que ça mène à des endroits où ma taille ne permet pas le déplacement. J'en conclus que mon parcours est fléché. Le zig qui pousse les boutons de sa salle de contrôles a tout bien classifié et s'éclate à me guider vers la sortie. Du moins, je suppute que c'est vers la sortie. Mais je ne vois pas pour quelle autre raison il me baladerait. Après plusieurs poussées hydrauliques, je déboule dans ce qu'il conviendrait d'appeler un appartement en sous-marin. Comprends couloir étroit, plutôt arrondi et avec des échelons dans un tube d'acier qui mènent à j'ignore quoi. Et nettoyé, sans poussière. Pas d'autre indication, c'est visiblement mon billet de retour à la surface. Alors je monte.
Arrivé en haut des échelons, je distingue mieux le couvre-chef de la pièce. Une bonne grosse écoutille avec sa valve piquée au centre. Elle résiste un peu, mais n'est ni rouillée, ni verrouillée. Ça tourne de plus en plus facilement, à tel point que la porte manque de peu de m'empaler la main sur le mur quand elle s'ouvre de mon côté. De l'autre, y a un plafond de terre soigneusement tassé. Ça pourrait angoisser de se découvrir enterré vivant, mais moi je chope un sourire de gosse. De la terre, de la vraie! Je plonge la main dedans et y agite les doigts. C'est celle de l'île des animaux, grasse et sombre. Je la racle et la retape en contrebas. Tout en creusant, je me remémore mon rêve, qui me donne un peu l'impression d'arracher mon propre corps. Je pense aussi à Sergueï. Jamais là quand on en a besoin lui. Il suffirait d'un "hey, le vieux, ouvre un passage" et ça serait réglé. Mais non, il n'est plus là. Shinji, Alucard, Kana, Sergueï, tous ceux que j'ai croisé étaient des ambitieux qui ont échoué. Certains dès l'entrée sur la route des périls. Si ça se trouve, même Tahar est mort aujourd'hui. Même la légion en poste sur l'île. Tout en remontant vers la liberté, je me rends bien compte que ce que je peux y trouver me forcera à tout reprendre. J'imagine que Union John aura tenu, vu l'armée sur place. Mais les cent gars laissés ici, sous l'égide de l'usurpateur, aucune idée. J'espère juste qu'il n'a pas filé avec le bateau. Mais même si c'est le cas, la planète est ronde. Y a aucun coin où se cacher. Et tout ce qui compte, c'est que moi j'ai survécu, comme mes ambitions.
Je sens des vibrations et entends du bruit. Très sourd, mais y a de l'activité au-dessus. Prudent, mais revigoré, j'y vais à coups de poings pour défoncer ce qui me sépare de l'air libre. C'est la deuxième fois que je fais exactement ce même travail de revenant. La première, c'était pour ne plus être enterré. Cette fois, y a la volonté de rejoindre la surface.
Le poing aboutit sur du vide. Le vent glisse sur les grumeaux qui dérapent entre mes doigts. J'empoigne le sol et pousse sur les jambes pour passer de l'autre côté. Ma tête apparait, suivie du corps. Je m'arrête un instant quand ça m'arrive à la taille pour constater que je suis entouré. Des cornus, ces créatures de l'île qu'on chassait. Ils ne sont pas hostiles. On dirait même qu'ils ont la pétoche. Ça me ferait quelque chose aussi de voir surgir de terre un prédateur, surtout s'ils connaissent ma copie qui doit sévir ailleurs. Un second Minos, c'est pas une bonne nouvelle pour eux. Pourtant, je ne compte pas les attaquer.
L'effet de surprise passé, je finis de sortir de mon cercueil pour souffler un peu. On est dans une grotte, visiblement une piaule commune des cornus. La lumière du jour suffit à en éclairer le fond où nous sommes. C'est l'un d'eux qui prend la parole en premier, pour dire un truc auquel je ne vois pas trop quoi répondre.
"Lorsqu'Il annonça le retour d'un Roi en ce lieu, jamais nous ne pensâmes qu'il s'agirait d'un Roi humain."
J'acquiesce, faute de mieux. Malgré leur présence et mon plaisir de trouver des trucs vivants qui n'essayent pas de me tuer, je me sens détaché de tout, comme si une partie de moi était encore enfouie bien loin sous le sol. En fait, je me sens étranger à ce monde qui est pourtant le mien. J'y reste calme parce que je le connais, mais il ne m'est pas encore permis de m'y sentir chez moi. De leur côté, la peur des cornus s'apaise vite. Ils voient bien que je ne compte pas me battre. Y a même une forme de respect qui s'installe. L'un d'eux tire des dents une grande coquille d'un fruit exotique reconvertie en gamelle de flotte pour l'amener près de moi. Je remercie d'un hochement de tête et soulève le bol naturel pour y boire quelques gorgées. Je repose ensuite l'offrande et jette un oeil au trou d'où je viens. Une de mes jambes balance encore par dessus le long tube à présent totalement éteint. Les mots reprennent leur place dans mon esprit. Je regarde celui qui avait pris la parole pour lui répondre, de mon ton le plus humble.
J'ai quelques questions au sujet de cet endroit.
Fait toujours quasi noir dans cette grande cellule éclairée au cocon-mystère. C'est de là qu'on vient, avec Six, mais y a pas que nous. La plupart des compartiments sont vides, ou plutôt occupés par un liquide qui pue. Et dans ceux qui ont un hôte, ben quelques humains, pour la plupart. Ou des humanoïdes en tout cas. On dirait un musée de la résine, un genre d'hôtel de la momification parfaite. Je me demande d'ailleurs si les clients ne sont pas des richards qui se sont fossilisés pour échapper à la mort. Peut-être le temps qu'on trouve un remède à leur maladie ? J'étais malade à mon arrivée. C'est un des trucs dont je me rappelle. J'ai l'air retapé maintenant et c'est tant mieux, parce qu'on a du pain de viande sur la planche.
Je glande pas là, je reprends des forces. Soigné sommairement où j'étais entaillé, débarrassé un max de la matière de conservation, j'ai découvert que les grosses branches d'arbre qui font le décor du sol au plafond ne sont pas toutes pareilles. Certaines sont plus légères, d'autres brûlantes. Six a eu droit à une cuisson sur poêlon improvisé. Sort qui m'attend aussi si je macère quelques heures ici, parce qu'il fait de plus en plus chaud.
Le repas terminé, je repars déterminé. J'avais fait le tour de la zone en fouillant les murs, mais la sortie vient peut-être d'en haut. A nouveau, je tripote les racines en faisant gaffe d'éviter celles qui brûlent. Suffirait d'un appel d'air pour que je fore. Un temps que je ne veux pas mesurer continue de passer. Je suis trempé de ma propre eau et n'arrête de fouiner que pour éviter que le sel ne me pique la rétine. C'est là qu'un tissu aurait été pratique, parce que faire tout ça à poil avec juste de la chitine d'insecte et des pitons improvisés avec ses mimines, c'est franchement pas le salon des matières absorbantes.
Ah! Appel d'air. Cette fois, on y va. Je plante les faucheuses de Six dans le décor qui se déchiquette en quelques coups. Le temps de quelques débris et je vois Le ciel. Un ciel d'étoiles régulières. Ça me suffira. Je continue le boulot de taupe en épargnant les machins qui pourraient me cuire et m'accroche aux racines pour escalader ce qui me sépare de la liberté. En quelques impulsions et jurons, je me rends compte que le ciel n'est en fait qu'une plaque d'un genre de métal. Quand je veux la pousser, je me prends une décharge qui me fait lâcher prise. Saloperie! Tu veux la manière forte ? Ok, tu vas l'avoir.
Je vais choper la carcasse de Six, reprends de la hauteur et me sers de sa tête comme d'un bélier. Y a des arcs électriques et une vive odeur de brûlé, mais rien à foutre. Je pilonne encore le plafond pour me rendre compte qu'il cède. Et que quand il cède, y a de la lumière aussi vive qu'artificielle qui perce les flancs de la plaque que je suis en train de défoncer. Un coup supplémentaire et elle saute comme un bouchon sous pression. Et devine qui fait les bulles ?
Avec la chitine qui me sert de bouclier anti-décharges, j'élargis l'issue de secours, puis traverse l'ouverture pour débouler dans un couloir poussiéreux, mais bien éclairé. Construction humaine ça, aucun doute. Ça fait très prison. Six est rendu aux abîmes. A jamais, immonde saloperie. En quelques pas, j'arrive devant une porte où un bouton unique se présente. J'appuie. Les portes en métal poli s'ouvrent pour m'amener dans une petite pièce avec une rambarde, des miroirs et encore des boutons. J'en presse un. J'ai une sale gueule. Les portes se ferment et je me sens glisser doucement vers le bas. Un monte-repas ? Hé hé, pourvu que ça ne soit pas celui du charbon pour la fournaise.
Quand les portes s'ouvrent à nouveau, j'ai changé d'étage. Je me retrouve dans une pièce sombre, où il fait étouffant, à nouveau éclairée de cocons. Et à nouveau jonchée du cadavre de Six. Hein ? Rho merde, me dis pas que...
Ha ha ha! Ok, en fait je suis revenu dans la pièce de base. Sauf que là j'y suis entré par la vraie sortie. En tâtant, j'ai pas capté qu'en fait une part des racines sur le mur étaient un trompe l'oeil très bien ouvragé et qui suis les portes de l'ascenseur quand elles s'ouvrent. Beau boulot, y a pas à dire. J'aurais juste aimé qu'on signale cette sortie par un truc tout con. Je sais pas moi, comme le voyant rouge, là. Ah oui, y a un voyant rouge. Bonjour l'échec critique en perception. Non, mais il n'était pas là tout à l'heure! Sûrement qu je l'ai réparé en pétant des trucs pour filer à la glaise. Ouais, c'est comme ça que ça s'est passé. Minos gagne toujours.
Du coup, je repars par là. Autre bouton cette fois, on monte. J'entends sous mes pieds un bruit de pression, un machin hydraulique à priori. Ça sent le complexe scientifique c'te zone. Ce qui fait de moi un cobaye. En fuite ? Ça, je sais pas. Aucun gardien, aucune entrave. Les couloirs suivants sont vides et encrassés par le temps. Mais toujours lumineux, toujours dotés d'ascenseurs qui m'amènent toujours plus haut. Je fais pas le coup du "hé oh y a quelqu'un ?" mais je prends quand même le temps de zieuter un peu l'installation. D'autres salles sont pleines de cocons. Des salles dont la taille est adaptée aux spécimens. J'avais une des suites les plus vides, mais c'est normal. Y a peu d'humains de mon format. Celui qui me ressemblait le plus, c'était un vieux guerrier avec de longues moustaches. Surtout une. Ici, c'est le musée de cire des bébés éprouvettes. J'entre pas, je tiendrais pas debout dans ces alcôves. Et si tous ceux que je sors de leur cocon essayent de me refroidir, je vais passer ma vie à génocider des pensionnaires. Je retiens mon idée des maladies. Les gens ici sont là pour être soignés de quelque chose. Pas d'ingérence dans ce machin auquel je pige pas grand chose, mais à qui je dois probablement ma survie. J'ai déjà tué le père, je vais pas tuer la mère aujourd'hui. Au final, j'étais plus un patient. Terme parfait vu le temps que doivent attendre ceux qui sont toujours dans leur blister.
Tout en veillant à monter les étages, je poursuis ma visite. J'ai remarqué un truc, les couloirs ne sont pas toujours alimentés. En fait, la plupart sont dans le noir total. Je m'aventure parfois dans une zone d'ombre pour me rendre compte que les ascenseurs n'y sont pas en service, ou que ça mène à des endroits où ma taille ne permet pas le déplacement. J'en conclus que mon parcours est fléché. Le zig qui pousse les boutons de sa salle de contrôles a tout bien classifié et s'éclate à me guider vers la sortie. Du moins, je suppute que c'est vers la sortie. Mais je ne vois pas pour quelle autre raison il me baladerait. Après plusieurs poussées hydrauliques, je déboule dans ce qu'il conviendrait d'appeler un appartement en sous-marin. Comprends couloir étroit, plutôt arrondi et avec des échelons dans un tube d'acier qui mènent à j'ignore quoi. Et nettoyé, sans poussière. Pas d'autre indication, c'est visiblement mon billet de retour à la surface. Alors je monte.
Arrivé en haut des échelons, je distingue mieux le couvre-chef de la pièce. Une bonne grosse écoutille avec sa valve piquée au centre. Elle résiste un peu, mais n'est ni rouillée, ni verrouillée. Ça tourne de plus en plus facilement, à tel point que la porte manque de peu de m'empaler la main sur le mur quand elle s'ouvre de mon côté. De l'autre, y a un plafond de terre soigneusement tassé. Ça pourrait angoisser de se découvrir enterré vivant, mais moi je chope un sourire de gosse. De la terre, de la vraie! Je plonge la main dedans et y agite les doigts. C'est celle de l'île des animaux, grasse et sombre. Je la racle et la retape en contrebas. Tout en creusant, je me remémore mon rêve, qui me donne un peu l'impression d'arracher mon propre corps. Je pense aussi à Sergueï. Jamais là quand on en a besoin lui. Il suffirait d'un "hey, le vieux, ouvre un passage" et ça serait réglé. Mais non, il n'est plus là. Shinji, Alucard, Kana, Sergueï, tous ceux que j'ai croisé étaient des ambitieux qui ont échoué. Certains dès l'entrée sur la route des périls. Si ça se trouve, même Tahar est mort aujourd'hui. Même la légion en poste sur l'île. Tout en remontant vers la liberté, je me rends bien compte que ce que je peux y trouver me forcera à tout reprendre. J'imagine que Union John aura tenu, vu l'armée sur place. Mais les cent gars laissés ici, sous l'égide de l'usurpateur, aucune idée. J'espère juste qu'il n'a pas filé avec le bateau. Mais même si c'est le cas, la planète est ronde. Y a aucun coin où se cacher. Et tout ce qui compte, c'est que moi j'ai survécu, comme mes ambitions.
Je sens des vibrations et entends du bruit. Très sourd, mais y a de l'activité au-dessus. Prudent, mais revigoré, j'y vais à coups de poings pour défoncer ce qui me sépare de l'air libre. C'est la deuxième fois que je fais exactement ce même travail de revenant. La première, c'était pour ne plus être enterré. Cette fois, y a la volonté de rejoindre la surface.
Le poing aboutit sur du vide. Le vent glisse sur les grumeaux qui dérapent entre mes doigts. J'empoigne le sol et pousse sur les jambes pour passer de l'autre côté. Ma tête apparait, suivie du corps. Je m'arrête un instant quand ça m'arrive à la taille pour constater que je suis entouré. Des cornus, ces créatures de l'île qu'on chassait. Ils ne sont pas hostiles. On dirait même qu'ils ont la pétoche. Ça me ferait quelque chose aussi de voir surgir de terre un prédateur, surtout s'ils connaissent ma copie qui doit sévir ailleurs. Un second Minos, c'est pas une bonne nouvelle pour eux. Pourtant, je ne compte pas les attaquer.
L'effet de surprise passé, je finis de sortir de mon cercueil pour souffler un peu. On est dans une grotte, visiblement une piaule commune des cornus. La lumière du jour suffit à en éclairer le fond où nous sommes. C'est l'un d'eux qui prend la parole en premier, pour dire un truc auquel je ne vois pas trop quoi répondre.
"Lorsqu'Il annonça le retour d'un Roi en ce lieu, jamais nous ne pensâmes qu'il s'agirait d'un Roi humain."
J'acquiesce, faute de mieux. Malgré leur présence et mon plaisir de trouver des trucs vivants qui n'essayent pas de me tuer, je me sens détaché de tout, comme si une partie de moi était encore enfouie bien loin sous le sol. En fait, je me sens étranger à ce monde qui est pourtant le mien. J'y reste calme parce que je le connais, mais il ne m'est pas encore permis de m'y sentir chez moi. De leur côté, la peur des cornus s'apaise vite. Ils voient bien que je ne compte pas me battre. Y a même une forme de respect qui s'installe. L'un d'eux tire des dents une grande coquille d'un fruit exotique reconvertie en gamelle de flotte pour l'amener près de moi. Je remercie d'un hochement de tête et soulève le bol naturel pour y boire quelques gorgées. Je repose ensuite l'offrande et jette un oeil au trou d'où je viens. Une de mes jambes balance encore par dessus le long tube à présent totalement éteint. Les mots reprennent leur place dans mon esprit. Je regarde celui qui avait pris la parole pour lui répondre, de mon ton le plus humble.
J'ai quelques questions au sujet de cet endroit.
Dernière édition par Minos le Sam 3 Mar 2018 - 13:41, édité 2 fois