Comme à ton habitude, tu arborais cette même tenue sobre et ample, la tête décoiffée du traditionnel chapeau pirate. Placé sur le gaillard avant, le capitaine que tu étais sondait la profondeur des eaux avec ses subalternes pour engager en douceur l'amarrage. Après plusieurs semaines, vous y étiez finalement arrivés.
Similaire à l'archipel Shabondy mais toutefois plus dense, Mangrove Works semblait s'étendre à perpétuité sans toutefois offrir un véritable sol. En vérité, tout n'était que racine et ici le pied rencontrait directement un bois sombre et terne incroyablement couvert d'un mucus, d'une mousse verdâtre similaire à de l'herbe. La nature arrivait étonnamment à trouver des solutions palliatives dans certaines situations. Raison de plus de tout laisser au hasard.
- On y est. Cette fichue île, j'ai cru qu'on l'atteindrait jamais.
- Ne sous-estime jamais tes hommes, Capitaine, ils sont capables de tout surmonter. Même cette satanée tempête de serpentaires qui a failli nous tirer par le fond.
- Mes manipulations climatiques y sont pour quelque chose, aussi. Mais tu as raison, excuse moi Mère.
Toujours à couver tes hommes, à les valoriser. Ton quartier-maître était une femme spéciale, mais douce et gentille. Malgré sa force hors du commun et son parcours, elle vous voyait comme une sorte de grande famille. Une cinglée, c'était bien ce qu'il fallait en terme de second pour une flotte aussi immense, de toute manière. Toi-même, tu n'arrivais plus à la contrôler désormais. Tu avais entendu des abus de certains, notamment de McKlayn dans la seconde flotte. Ainsi que de la présence d'une fausse sixième flotte dans les Blues. Les Sunset, c'était devenu quelque chose, vraiment. Et tu ne te sentais pas toujours très méritant à ce sujet. Pourtant tu avais travaillé dur, mais c'était l'effet boule de neige qui t'avait véritablement propulsé au sommet.
Tu posas finalement le pied à terre, bientôt suivi d'une dizaine de tes hommes avec lesquels tu aimais t'entourer. Des joyeux lurons pour la plupart, peut-être tes préférés. Bien loin d'être des assassins sanguinaires, ils avaient le sang pirate. Et le goût pour la liberté, comme toi. Vivant, l'anarchiste en toi avait juré que l'on ne te reprendrait jamais. Que tu avais déjà passé assez de temps derrière les barreaux. Que tu préférais encore mourir que de subir ça à nouveau.
Dans les ténèbres des profondeurs d'Impel Down, tu avais vu des choses aussi terribles qu'impossibles à oublier. Et le septième sous-sol n'était pas qu'une légende. Des fois tu entendais des cris s'en élever. Des fois, quand ça n'était pas ta folie.
Mais désormais c'était terminé et Impel Down avait été détruite, ses cauchemars avec elle. Aujourd'hui Mangrove donc, demain Erbaff : les endroits à visiter dans le Nouveau Monde étaient si nombreux que la majorité de ta vie, passée à servir sous un uniforme, te semblait d'un ennui monstrueux désormais. Et si Erbaff n'était qu'une escale, Mangrove offrait de quoi discuter, de quoi pactiser. Ce n'était pas en conquérant que tu avais débarqué sur l'île.
C'était en diplomate.
Certaines îles ne pouvaient pas simplement être prises par la force et c'était le cas de celle-ci. Être diplomate, c'était beaucoup demander aux flibustiers anarchistes, mais tu gardais encore de vieux restes de ton expérience passée. Tu pouvais être raisonnable si tu avais quelque chose à y gagner, c'était ce qui faisait ta force. Sinon tu détruisais, pillais, violais et ça faisait tes journées. Tu avais décidé de vivre pour toi et tes hommes, non plus pour les autres. La masse informe que l'on appelait les "civils" comme ceux constituant le sommet de la hiérarchie : ils ne valaient pas la peine que tu mourusses pour eux.
Mangrove Works constituait depuis longtemps un échec pour le Malvoulant et laissait fréquemment planer la menace de représailles. Si les conditions étaient réunies, le Yonkou pouvait aisément s'emparer du pays ou bien le raser. Ta présence aujourd'hui était là pour amener un sentiment de protection. C'était ta première conquête dans le Nouveau Monde... ainsi que l'une des rares fois où tu n'étais pas obligé de sortir les armes.
Après plusieurs heures de marche à travers la forêt de mangroves, ton groupe atteignit finalement l'un des rares espaces civilisés du coin. Lieu de villégiature du Conseil des Colons de Mangrove, c'était ici que tu avais prévu de dialoguer avec un dénommé Mallory Perkins qui avait daigné répondre à ton courrier la semaine précédente. Neutre, le président avait adopté un ton accueillant toutefois, une invitation. Lui aussi cherchait un marché raisonnable où il pourrait être gagnant ; et le nom d'Amber Frost et celui des Sunset Pirates n'étaient pas sans résonner par-delà les mers.
L'endroit possédait un charme bien spécifique qui reflétait la composition végétale de l'île : le village relevait principalement d'un ensemble de maisons bâties contre ou dans les nombreux arbres s'élevant depuis les marécages en contrebas. Une odeur nauséabonde flottait dans l'air, probablement liée à l'absence de véritables égouts parcourant le sol de la ville. Car celle-ci n'en avait pas.
Des pirates, vous n'étiez visiblement pas les seuls à avoir posé le pied sur l'île, puisque Mangrove reposait principalement sur ses affaires de contrebande. Il ne fut donc pas rare que tu eusses à échanger des regards avec des semblables alliés ou rivaux qui, comme toi, arpentaient les rues. Sans faire preuve de davantage d'animosité pourtant, car tu n'étais pas là pour faire couler le sang. Tu ne répondais pas à leurs provocations. Ça n'était pas dans ton intérêt.
Puis tu arrivas devant le plus grand bâtiment. En partie bâti dans un arbre, en partie bâti sur l'eau, l'édifice en bois imposant semblait abriter toute une civilisation. Celle de riches marchands, probablement, berçant dans l'illégalité. Ça te plaisait, tu pouvais y contribuer. Laisser des hommes ici, faire fleurir les affaires de ton côté aussi tout en percevant ta dîme. L'endroit avait des héros locaux mais cherchait des noms. Tu allais les rencontrer, tous. Non pas par crainte, mais par respect. La dissidence naissait du manque du considération, tu ne souhaitais pas la dissidence. L'anarchie se mêlait bien à la dissidence, pourtant. C'était donc ta bête noire.
Tu fus accueilli par un vieil homme, le sourire aux lèvres, charmant. Il te guida à travers la bâtisse, te fit grimper des escaliers jusqu'à son bureau dont la fenêtre panoramique donnait efficacement sur toute sa ville. Derrière lui, tu admirais encore le paysage si particulier, toi qui avais rêvé à Shabondy devant les bulles et les mangroves, dénaturalisés, ici tu contemplais la forêt vierge à perte de vue.
- Et pourquoi aurions-nous besoin de vos services ?
Salutations passées, le vénérable interlocuteur était aussitôt rentré dans le vif du sujet. Pas de blabla, ça te plaisait. Les choses sérieuses.
- Vivre sur le fil du rasoir, je sais ce que ça fait. Pendant huit ans mon existence n'a tenu qu'à un fil, simplement car je n'étais pas en capacité de mettre fin à mes jours. Chaque jour, vous le vivez avec la crainte de voir réapparaître celui qui vous a asservi jadis.
- Que nous avons repoussé jadis.
- Car il l'a bien voulu. Je me suis confronté au Malvoulant, une fois. Je sais quel genre d'homme il est, comment il agit. Il n'abandonne pas, il disparaît et revient plus fort. Il lui arrive de perdre des batailles car il est humain. Il ne lui arrive jamais de perdre des guerres.
- Et vous, vous êtes assez puissant pour lui tenir tête ? Votre nom nous est familier, à tous. Vos actes de barbarie sont certains et vos hommes nombreux. Mais rien ne prouve votre capacité à défendre les Mangroves.
Tu avais déjà accusé le coup. Tu t'y attendais, cette négociation ne se ferait pas dans un claquement de doigts. Il te fallait du temps, une démonstration. Ici, faire preuve de ta force et de tes pouvoirs ne donnerait rien. Ce qu'ils voulaient, c'était une autre bataille.
Tu n'avais pas débarqué à cette date là au hasard. Tu avais vu les voiles noires flotter à l'horizon. Tu avais vu le conflit approcher. Et définitivement, tes troupes n'avaient pas débarqué si loin de la cité par hasard. Tu avais un coup d'avance sur l'ennemi qui te permettait, opportuniste que tu étais, de profiter de la chose.
Quand un homme, hors d'haleine, creva la porte du bureau de Perkins, pour dévoiler l'assaut.
Similaire à l'archipel Shabondy mais toutefois plus dense, Mangrove Works semblait s'étendre à perpétuité sans toutefois offrir un véritable sol. En vérité, tout n'était que racine et ici le pied rencontrait directement un bois sombre et terne incroyablement couvert d'un mucus, d'une mousse verdâtre similaire à de l'herbe. La nature arrivait étonnamment à trouver des solutions palliatives dans certaines situations. Raison de plus de tout laisser au hasard.
- On y est. Cette fichue île, j'ai cru qu'on l'atteindrait jamais.
- Ne sous-estime jamais tes hommes, Capitaine, ils sont capables de tout surmonter. Même cette satanée tempête de serpentaires qui a failli nous tirer par le fond.
- Mes manipulations climatiques y sont pour quelque chose, aussi. Mais tu as raison, excuse moi Mère.
Toujours à couver tes hommes, à les valoriser. Ton quartier-maître était une femme spéciale, mais douce et gentille. Malgré sa force hors du commun et son parcours, elle vous voyait comme une sorte de grande famille. Une cinglée, c'était bien ce qu'il fallait en terme de second pour une flotte aussi immense, de toute manière. Toi-même, tu n'arrivais plus à la contrôler désormais. Tu avais entendu des abus de certains, notamment de McKlayn dans la seconde flotte. Ainsi que de la présence d'une fausse sixième flotte dans les Blues. Les Sunset, c'était devenu quelque chose, vraiment. Et tu ne te sentais pas toujours très méritant à ce sujet. Pourtant tu avais travaillé dur, mais c'était l'effet boule de neige qui t'avait véritablement propulsé au sommet.
Tu posas finalement le pied à terre, bientôt suivi d'une dizaine de tes hommes avec lesquels tu aimais t'entourer. Des joyeux lurons pour la plupart, peut-être tes préférés. Bien loin d'être des assassins sanguinaires, ils avaient le sang pirate. Et le goût pour la liberté, comme toi. Vivant, l'anarchiste en toi avait juré que l'on ne te reprendrait jamais. Que tu avais déjà passé assez de temps derrière les barreaux. Que tu préférais encore mourir que de subir ça à nouveau.
Dans les ténèbres des profondeurs d'Impel Down, tu avais vu des choses aussi terribles qu'impossibles à oublier. Et le septième sous-sol n'était pas qu'une légende. Des fois tu entendais des cris s'en élever. Des fois, quand ça n'était pas ta folie.
Mais désormais c'était terminé et Impel Down avait été détruite, ses cauchemars avec elle. Aujourd'hui Mangrove donc, demain Erbaff : les endroits à visiter dans le Nouveau Monde étaient si nombreux que la majorité de ta vie, passée à servir sous un uniforme, te semblait d'un ennui monstrueux désormais. Et si Erbaff n'était qu'une escale, Mangrove offrait de quoi discuter, de quoi pactiser. Ce n'était pas en conquérant que tu avais débarqué sur l'île.
C'était en diplomate.
Certaines îles ne pouvaient pas simplement être prises par la force et c'était le cas de celle-ci. Être diplomate, c'était beaucoup demander aux flibustiers anarchistes, mais tu gardais encore de vieux restes de ton expérience passée. Tu pouvais être raisonnable si tu avais quelque chose à y gagner, c'était ce qui faisait ta force. Sinon tu détruisais, pillais, violais et ça faisait tes journées. Tu avais décidé de vivre pour toi et tes hommes, non plus pour les autres. La masse informe que l'on appelait les "civils" comme ceux constituant le sommet de la hiérarchie : ils ne valaient pas la peine que tu mourusses pour eux.
Mangrove Works constituait depuis longtemps un échec pour le Malvoulant et laissait fréquemment planer la menace de représailles. Si les conditions étaient réunies, le Yonkou pouvait aisément s'emparer du pays ou bien le raser. Ta présence aujourd'hui était là pour amener un sentiment de protection. C'était ta première conquête dans le Nouveau Monde... ainsi que l'une des rares fois où tu n'étais pas obligé de sortir les armes.
Après plusieurs heures de marche à travers la forêt de mangroves, ton groupe atteignit finalement l'un des rares espaces civilisés du coin. Lieu de villégiature du Conseil des Colons de Mangrove, c'était ici que tu avais prévu de dialoguer avec un dénommé Mallory Perkins qui avait daigné répondre à ton courrier la semaine précédente. Neutre, le président avait adopté un ton accueillant toutefois, une invitation. Lui aussi cherchait un marché raisonnable où il pourrait être gagnant ; et le nom d'Amber Frost et celui des Sunset Pirates n'étaient pas sans résonner par-delà les mers.
L'endroit possédait un charme bien spécifique qui reflétait la composition végétale de l'île : le village relevait principalement d'un ensemble de maisons bâties contre ou dans les nombreux arbres s'élevant depuis les marécages en contrebas. Une odeur nauséabonde flottait dans l'air, probablement liée à l'absence de véritables égouts parcourant le sol de la ville. Car celle-ci n'en avait pas.
Des pirates, vous n'étiez visiblement pas les seuls à avoir posé le pied sur l'île, puisque Mangrove reposait principalement sur ses affaires de contrebande. Il ne fut donc pas rare que tu eusses à échanger des regards avec des semblables alliés ou rivaux qui, comme toi, arpentaient les rues. Sans faire preuve de davantage d'animosité pourtant, car tu n'étais pas là pour faire couler le sang. Tu ne répondais pas à leurs provocations. Ça n'était pas dans ton intérêt.
Puis tu arrivas devant le plus grand bâtiment. En partie bâti dans un arbre, en partie bâti sur l'eau, l'édifice en bois imposant semblait abriter toute une civilisation. Celle de riches marchands, probablement, berçant dans l'illégalité. Ça te plaisait, tu pouvais y contribuer. Laisser des hommes ici, faire fleurir les affaires de ton côté aussi tout en percevant ta dîme. L'endroit avait des héros locaux mais cherchait des noms. Tu allais les rencontrer, tous. Non pas par crainte, mais par respect. La dissidence naissait du manque du considération, tu ne souhaitais pas la dissidence. L'anarchie se mêlait bien à la dissidence, pourtant. C'était donc ta bête noire.
Tu fus accueilli par un vieil homme, le sourire aux lèvres, charmant. Il te guida à travers la bâtisse, te fit grimper des escaliers jusqu'à son bureau dont la fenêtre panoramique donnait efficacement sur toute sa ville. Derrière lui, tu admirais encore le paysage si particulier, toi qui avais rêvé à Shabondy devant les bulles et les mangroves, dénaturalisés, ici tu contemplais la forêt vierge à perte de vue.
- Et pourquoi aurions-nous besoin de vos services ?
Salutations passées, le vénérable interlocuteur était aussitôt rentré dans le vif du sujet. Pas de blabla, ça te plaisait. Les choses sérieuses.
- Vivre sur le fil du rasoir, je sais ce que ça fait. Pendant huit ans mon existence n'a tenu qu'à un fil, simplement car je n'étais pas en capacité de mettre fin à mes jours. Chaque jour, vous le vivez avec la crainte de voir réapparaître celui qui vous a asservi jadis.
- Que nous avons repoussé jadis.
- Car il l'a bien voulu. Je me suis confronté au Malvoulant, une fois. Je sais quel genre d'homme il est, comment il agit. Il n'abandonne pas, il disparaît et revient plus fort. Il lui arrive de perdre des batailles car il est humain. Il ne lui arrive jamais de perdre des guerres.
- Et vous, vous êtes assez puissant pour lui tenir tête ? Votre nom nous est familier, à tous. Vos actes de barbarie sont certains et vos hommes nombreux. Mais rien ne prouve votre capacité à défendre les Mangroves.
Tu avais déjà accusé le coup. Tu t'y attendais, cette négociation ne se ferait pas dans un claquement de doigts. Il te fallait du temps, une démonstration. Ici, faire preuve de ta force et de tes pouvoirs ne donnerait rien. Ce qu'ils voulaient, c'était une autre bataille.
Tu n'avais pas débarqué à cette date là au hasard. Tu avais vu les voiles noires flotter à l'horizon. Tu avais vu le conflit approcher. Et définitivement, tes troupes n'avaient pas débarqué si loin de la cité par hasard. Tu avais un coup d'avance sur l'ennemi qui te permettait, opportuniste que tu étais, de profiter de la chose.
Quand un homme, hors d'haleine, creva la porte du bureau de Perkins, pour dévoiler l'assaut.