Un bon pour Dead End



Elle fut tirée de ses pensées par des grondements d’ordres venant d’au dessus d’elle. Elle replia, ou plutôt chiffonna maladroitement le papier qu’elle contemplait. Terre en vue. En relevant la tête, elle pouvait effectivement apercevoir, plus loin vers l’horizon, ce qui devait être l’île de Clockwork ; d’étrange ruines et plate-formes émergés qui formaient une sorte d’archipel de fortune.

Après avoir rengainé et replacé l’épée qu’elle affûtait dans son dos, elle quitta sa cabine et remonta les marches jusqu’au pont du navire de la Transiléenne. Elle avait dépensé une petite partie de sa fortune accumulé au fil des traques pour se payer le luxe d’utiliser l’une des lignes de cette compagnie, et force était de constaté que ça en valait la peine ; en à peine quelques semaines, la voilà proche de son but. Proche, mais pas encore tout à fait à la ligne d’arrivée ; la navire accosta lentement ce qui servait de port, et la petite foule d’usager de la Transiléenne commença a débarquer, tandis que d’autres attendaient patiemment leur tour pour grimper sur le navire et faire le chemin inverse.

Klara sauta agilement sur le sol de pierre, avant de s’étirer, prête à aller se dégourdir les jambes après un voyage sensiblement ennuyant, du moins pour la majeure partie du temps. Elle regarda rapidement autour d’elle, et posa le regard sur un petit être, un peu plus loin, qui grattait sur un petit calepin sale, en face de plusieurs types qu’elle avait pu croiser durant son récent périple. La seule chose intéressante, ou du moins anormal, c’était l’allure du gratte-papier. Tout bossu, les bras ballants quand il n’écrivait pas, le dos recroquevillé, et surtout le corps et la tête recouvert d’une sorte de tenue métallique faites en plaques de cuivres usés par le temps. Tout ça lui donnait un air étrange mais pas si anormal, comparé à l’allure général des habitants de l’île. Elle fini par s’en désintéresser rapidement et prit la direction de l’endroit qui semblait le plus animé, prête à chercher un moyen, n’importe lequel, de rejoindre sa prochaine destination.

*

– Alors…
– Voyons c’qu’on a la…
– Hey ! Ca serait pas l’argenterie du vieux Jeff ?
– Fumier !
– Il a jamais eu d’argenterie, Jeff…
– La ferme, il le sait pas lui. Fumier ! Voleur !
– Alors, t’as quoi à dire pour ta défense, cloporte ?
– Ganglion, fit-il en posant sa palme sur son poitrail.
– Hein ?
– Humaine, fit-il en pointant sa palme face à lui.
– Salut.

La chasseuse l’avait reconnu directement. Si elle semblait l’avoir trouvé par chance, elle avait en fait suivi ses cinq agresseurs depuis l’auberge dans laquelle elle se trouvait être à ce moment-là. La journée n’avait pas été fructueuse pour elle ; ici, les gens avaient pour la plupart suffisamment de problème pour être en mesure d’aider d’une quelconque manière. Alors elle avait décidé de reprendre son travail habituel, et supposa que ces pirates avaient une chance de la mener à plus grosse prise. Au lieu de ça, ils l’avaient mené au petit bonhomme chétif qu’elle avait déjà aperçu en débarquant. Toujours aussi étrange, mais il avait été dépossédé d’une partie de sa tenue pittoresque, et sa peau était maintenant visible. L’homme poisson ne tentait cependant rien contre ses assaillants. Il restait au lieu de ça tout penaud, comme si la situation l’ennuyait plus qu’autre chose.

Il resta ainsi sans rien faire quand Klara ne bougea pas d’un pouce quand on lui indiqua la ruelle par où elle était venu, comprendre « casse-toi connasse ». Il ne bougea pas non plus quand la plupart des pirates dégainèrent chacun leurs armes qui allaient de l’objet contondant de la vie de tout les jours à des sabres d’abordages rouillés. Mais si ils n’avaient pas spécialement fier allures, ils n’en restaient pas moins menaçant. Si en règle général, Klara avait tendance à se placer, par principe, du côté de l’opprimé en sous-nombre, il subsistait toujours un doute, même minime, qu’elle fasse une connerie. Le doute s’évapora quand trois d’entre eux se jetèrent sur la chasseuse, l’arme levée.

Elle n’eut aucun mal à s’en débarrasser ; une esquive agile des premiers coups, un bond sur le côté, et la voilà droit dans le dos du premier. Quand aux deux autres, ce n’était de toute façon pas avec leurs bouts de bois et leurs casseroles qu’ils auraient fait grand-chose. Ils tombèrent au sol en soulevant légèrement la poussière. Les derniers, prêt à en démordre et à venger leurs coéquipiers qui respiraient pourtant encore, tombèrent à leur tour avec fracas sans que la chasseuse n’eût à bouger le petit doigt.

Derrière eux ; l’homme-poisson, toujours aussi badaud mais à une position légèrement décalée. Proche de l’eau, il venait d’en balancer droit devant lui.

– Merci humaine.
– Klara.
– Ganglion.
– Pardon ?
– Ganglion, répéta-t-il en tapotant sa palme contre sa poitrine.
– Ah… Enchantée. Ils voulaient quoi ?
– Ils voulaient les trésors de Ganglion ! Aaah…

Il ouvrit le sac en toile qui gisait à ses pieds et en sorti plusieurs babioles, de l’argenterie pour la plupart.

– Ganglion les trouve dans les profondeurs.
– C’est ça que tu vendais au port ?
– Oui ! Ganglion aime les affaires.
– Super. Tu connais bien l’endroit ?
– Oh, oui ! Important, pour les affaires.
– Tu saurais comment je peux me rendre sur Dead End ?
– Ganglion peut trouver boussole dans les profondeurs.
– Je n’ai pas de navire…
– Pleins de navires dans les profondeurs aussi ! Mais Ganglion pourra pas les remonter…
– Ouais… Merci.
– Sinon, autre moyen, mais Klara devra aider Ganglion encore un peu, et attendre. Mais pas longtemps, Klara tombe bien !
– Ah bon. Dis, tes copains s’en vont.

Ceux encore en état s’étaient péniblement relevés en jurant et crachant au sol un peu de sang, avant de partir le plus vite possible en traînant les autres encore séchés.

– Pas amis de Ganglion.
– Ils vont ramener les leurs.
– Oui ! Parfait pour Ganglion et Klara. Humaine venir.

*

Le soleil s’était quasiment couché quand les choses se mirent enfin à bouger. Klara sorti de la petite étable dans laquelle elle avait trouvé refuge et s’adossa contre le mur en tôle en attendant que les visiteurs n’arrivent. Elle avait accepté d’aider Ganglion dans ce petit litige ; si la vaste majorité des habitants de la surface de Clockwork Island haïssaient les hommes-poissons -qui leur rendaient bien-, Ganglion lui avait réussi à obtenir une sorte de sursis auprès de certains d’entre eux. Fragile, certes, mais tant qu’il ne faisait pas de vague et tâchait de rester discret, il n’avait pas trop de problème. Après tout, ce n’était qu’un humble marchand qui usait de ses capacités naturelles en remontant à la surface des objets et trésors perdus depuis des années. C’était cependant un business lucratif qui n’avait malheureusement pas manqué de lui attirer tout de même les foudres de quelques personnes. Et parmi celles-ci, on pouvait trouver Rust, un ancien riche propriétaire à l’époque où Clockwork était encore entière. Il avait depuis changé drastiquement d’activité, préférant maintenant la violence et la menace au marchandage et à la négociation. Il avait lâché la plupart de ses anciennes manières d’homme aisé bien élevé pour devenir une sorte de beau parleur rustre et violent. Mais il n’était en rien comparable à son associé et garde du corps, Wacko, qui lui n’avait pas vraiment changé depuis la catastrophe ; il était tout simplement devenu pire. Et avec eux, on dénombrait une multitude de sbires tous aussi anonymes et insignifiants. Ils n’aimaient ni les hommes-poissons, ni ceux qui marchaient sur leurs plates-bandes. Malheureusement pour Ganglion, il faisait parti des deux, et ce n’était pas la première fois que des membres de la bande lui cherchaient querelle. Après tout, il était connu pour n’être qu’un simple homme-poisson simplet et peu dangereux.

Et c’était cette même bande qui, formant un groupe d’une petite douzaine de protagonistes, était venu à la rencontre de la chasseuse, informés par leurs compagnons à moitié en pièces. Il ne leurs avait pas fallu bien longtemps pour retrouver l’auteure de ce qu’ils appelaient un « crime contre l’Humanité ». Forcément, ils ne furent pas vraiment amicaux. Ils se trouvaient sur une sorte de péninsule de pierre qui continuait à s’avancer jusqu’à petit à petit s’enfoncer dans la mer. Sûrement le reste d’une plate-forme surélevée. Rust s’avança directement vers la chasseuse, suivi de plusieurs de ses hommes. Wacko, lui, resta légèrement en retrait, le regard vers la mer, caressant le bord de l’énorme bloc d’acier taillé en bouclier qu’il portait au bras gauche. Il était entièrement chauve, et son large crâne avait une forme suffisamment carré pour lui donner l’air grognons en chaque instant. Les gens se moqueraient probablement, si il n’était pas si menaçant, grand, et large d’épaules.

– ‘l’est pas vraiment impressionnant… Nan, j’dis que t’es pas impressionnant, relança plus fort Rust.

Il avait les cheveux blonds plaqués en arrière et une légère barbe mal-entretenue. Il rappelait à Klara un ancien primé ; la même tête à claque. Peut-être qu’elle finira de la même manière : détachée du reste, se dit-elle attendant fébrilement le début des hostilités, inévitables.

– Patron…
– ‘Tends, Macko. C’quoi ton petit nom ? Qu’je sache qui j’écrase.
– Klara, fit-elle en posant sa main sur sa poitrine.
– Patron, il manque…
– Ganglion, fit-elle en pointant son index vers la mer.

A quelques mètres du bord, des remous se firent sentir, et l’eau se mit à onduler légèrement. Une silhouette noire et floue se rapprocha alors de la surface, jusqu’à ce que la forme s’échappa de l’eau avec force en éclaboussant les quelques pirates qui se trouvaient non loin. En atterrissant proche du bord, le silhouette devint plus reconnaissable.

– Attaque surprise, fit nonchalamment l'homme poisson avant d’éternuer bruyamment.

Conservant son air piteux, les pieds toujours dans l'eau, Ganglion balaya celle-ci de sa paume pour former et lança rapidement une multitude de flèches aqueuse qui vinrent se planter un peu partout. Plus pour la frime que pour réellement faire des dégâts, la majeure partie des projectiles avaient fini leur course dans le mur derrière Klara et dans des caisses de bois environnements qui explosèrent à l'impact. Et si quelques sbires étaient tombés, Rust n'eut rien à craindre ; Wacko, son second, s'était jeté devant lui en plantant furieusement son bouclier dans le sol. La flèche aqueuse qui avait miraculeusement trouvée son chemin vers le chef de bande s’écrasa contre le mur d’acier et disparu aussitôt en une minuscule flaque d’eau.

– Rah, saleté de poiscaille ! On t’pensais tout naze.
– Ganglion est fier homme-poisson.
– Taré. On t’avait prévenu… On t’avait même proposer d’régler ça à l’amiable…

Rust s’avançait à pas lourds tout en parlant à ce qui semblait être son Némésis du moment.

– Ganglion est fier marchand à son compte.
– Forcément, on est passé à la menace.
– Ganglion est fier et courageux !

Les projectiles que l’homme-poisson envoyait ne faisait que se confronter au barrage que constituait Wacko.

– Alors, forcément, mes hommes sont passé à l’étape suivante. Mais même là, tu trouve encore le moyen de te dégoter une…
– Ganglion est également très sociable.
– La ferme.

De sa manche gauche se mirent à descendre de longues cordes qui tombèrent en sol en s’enroulant sur elles-mêmes. Il leva également son bras droit, vers l’homme-poisson. Il eût du mal à percevoir quoi que ce soit, ci n’est au dernier moment ; il sauta sur le côté d’un bond de crapaud, et c’est à l’endroit où il se trouvait un instant plus tôt que l’eau crépita. Un autre projectile tenta de le toucher, une fois encore en vain. Puis un autre, et encore un autre. Ganglion dansait maladroitement et tournoyait en tentant de rester le plus possible au contact de l’eau, pendant que Rust faisait tout pour l’en empêcher et le sortir de sa zone de confort. Les projectiles -que Ganglion identifia comme étant des petits hameçons de pêche- se mirent à virevolter dans la direction de l’homme-poisson.

C’est à ce moment là que Klara décida de rentrer dans le tas à son tour, profitant que Rust se concentrait sur son autre adversaire. Elle dégaina son épée et la pointa derrière elle, prête à asséner au chef bandit un rapide et puissant coup de bas en haut. Elle fut malheureusement contrainte de jouer au même jeu que Ganglion, quand elle vit les cordes traînant au sol s’animer à leur tour et ramper, avant de prendre leur envol, vers la chasseuse. Elle parvint, tout comme son allié, à esquiver les premières attaques, puis effectua un tour sur elle-même avant d’assener un coup d’épée rapide et précis qui coupa l’une des tentacules, qui s’affaissa au sol, comme si elle n’avait jamais été animée.

Tout en s’occupant des quelques pirates qui tentaient leur chance, Klara parvint à se rapprocher quelque peu de son adversaire, sans pour autant l’atteindre, protéger par sa multitude de cordes qui entravaient tout mouvement. Elle était cependant assez proche pour remarquer que Rust n’était pas des plus à l’aise à l’idée de devoir gérer deux adversaires dans le même temps. Il lui apparu alors évident qu’il suffirait de le fatiguer en virevoltant autour de lui, jusqu’à ce qu’une ouverture fasse sa grande apparition, et Klara ne comptait pas la manquer. Elle continua ainsi à user de bond, de roulade et de taille rapide pour se dépêtrer des cordes qui tentaient tantôt de l’immobiliser, tantôt de simplement la harceler pour l’empêcher d’avancer. Jusqu’à ce que le moment opportun arriva ;

Ganglion faiblissait de son côté. Si la maîtrise partiel du karaté propre à son peuple lui permettait de faire face à de dangereux adversaires, il n’en restait pas moins un homme-poisson frêle, et ne tarda pas à ralentir la cadence. Lui et Rust le remarquèrent tout deux quand l’un des hameçons du bandit parvint à frôler la jambe poisseuse de Ganglion, laissant ainsi apparaître une légère coupure qui créa une minuscule flaque de sang flottant dans l’eau. Il en profita pour lancer un second hameçons tout en redirigeant le premier dans sa direction ; l’homme-poisson n’en démordit pas pour autant et parvint à arrêter les deux projectiles dans leur course d’un seul mouvement de palme. Énervé mais entêté, Rust concentra ses forces sur le petit être qui fit la grimace en voyant l’attaque ratée de son adversaire. Il changea cependant d’attitude quand il vit la multitude de fil et crochet voler à toute vitesse dans sa direction. Rust, trop absorbé par l’idée de faire rôtir la poiscaille au dessus d’un feu, ne fit guère attention à Klara qui s’était hissée à toute vitesse à son niveau, prête à l’assaillir d’un puissant coup d’estoc.

Elle fut malheureusement interrompue dans son élan. Comme tout le monde, en fait. Les sbires restant s’affalèrent au sol, Ganglion s’affaissa en même temps que l’eau sous ses pieds fut repoussée d’où elle vient dans de multiples vagues. La petit bâtiment en tôle dans lequel Klara et Ganglion avait patienté et fait connaissances menaça de s’écrouler.

Klara se tint le ventre et s’appuya sur son épée, plantée au sol, pour ne pas tomber elle aussi. Le cri qui venait de retentir les avait littéralement tous sonné. Un cri indubitablement puissant, et qui provenait de celui qui était resté aux côtés de son patron depuis le début. Wacko lui-même semblait affecté par sa propre attaque. Il secoua la tête rapidement et fit la moue, avant de reprendre consistance, tandis que du sang perlait légèrement de l’une de ses oreilles. Il avait ses deux énormes mains plaquées sur celles du chef, son bouclier tenant debout, bien planté dans le sol.

La chasseuse n’était pas en reste. Ses oreilles sifflaient intensément et l’empêchèrent de se concentrer durant des secondes qui s’avérèrent bien trop précieuse pour Rust. Plusieurs hameçons écorchèrent la peau de l’homme-poisson et de Klara, avant que de long et étrangement solides fils vinrent s’enrouler autour de Ganglion, qui l’entravèrent complètement. Il en fut de même pour Klara avec les cordes qui lui avaient posé problème un peu plus tôt.

– Lààà… Un peu d’calme. Vous êtes terriblement fatiguant. Surtout irritant, en fait.

Les entraves se resserrèrent encore plus, manquant de faire suffoquer la poiscaille et la chasseuse, qui se remettait seulement du choc précédant. Elle n’entendait quasiment pas son adversaire, et sa vantardise tomba ainsi littéralement dans l’oreille de sourds. Surmontant la soudaine nausée qui l’assaillait, Klara rassembla son esprit et tenta de se défaire des liens qui rampaient tout autour d’elle, l’étouffant et empêchant tout mouvement. Ce ne fut que lorsque l’une des cordes s’approcha dangereusement de son cou sans défense que le déclic eût lieu. Elle puisa dans le peu de force qui lui étaient encore accessible pour se projeter en avant dans un bond qui aurait dû la faire tomber à la renverse, mais en profita plutôt pour se transformer sous les yeux de ses adversaires.

La jeune femme qui se débattait auparavant, piégée dans l’amas de corde, avait laissé place à une louve de grande taille, elle belle et bien libre. Les cordes n’avait pu contenir ce changement Klara fonçait maintenant à toute vitesse vers Rust qui, sous l’effet de surprise, ne parvint pas à se décaler suffisamment tôt pour éviter l’attaque. Elle lui sauta dessus et plaqua de ses pattes le bandit qui s’écrasa au sol, le choc l’empêchant de contrôler ses cordes et fils, ainsi inanimés.

– Ganglion libéré, fit-il faiblement en massant son corps endolori.

Klara, elle, montra les crocs mais se retrouva balayée sur le côté avant d’avoir pu croquer le cou chef bandit, qui lui semblait maintenant irrésistiblement délicieux. La louve se relava et grogna férocement vers Wacko, qui n’était pas prêt de laisser son acolyte se faire manger sous ses yeux. Il avait repris son énorme bouclier en main, et Klara en avait fait les frais. Pas encore tout à fait à l’aise dans cette forme, elle tenta de ne plus penser à la nourriture que pouvait constituer Rust et se concentra sur l’essentiel ; il lui fallait récupérer son arme, laissée derrière. Elle contourna alors rapidement son nouvel adversaire, qui la suivi avec une vivacité étonnante compte tenu de sa carrure et de l’acier qu’il transportait avec lui. Malheureusement pour elle, l’amas de corde se réveilla, en même temps que son propriétaire, au moment où Klara arrivait au niveau de son glaive, qui fut rapidement balayé avec force par ces boyaux mouvants.

La louve ne pouvait arrêter sa course et continua à décrire des arcs de cercles autour de Wacko et des liens animés dont Rust avait repris le contrôle total. Il tendit même son autre bras pour prendre la louve à revers avec ses fils, eux presque invisible. Si Ganglion n’était pas intervenu, elle se serait sûrement retrouvée à nouveau écorchée. Rust poussa un cri qu’il étouffa rapidement lorsque la flèche aqueuse vint se planter dans son avant bras, faisant tomber les crochets qui commençait à filer vers leur cible.

– Mais… CONNARD.

Klara repéra facilement son glaive, qui gisait à un coin de la plate-forme dont le sol commençait à s’enfoncer dans la mer, non loin du terrain de jeu de son récent ami l’homme-poisson. Arrivée au niveau de l’arme, elle reprit sa forme humaine dans une roulade gracieuse et reprit l’épée en main en faisant face à Wacko qui venait de la rejoindre, lui barrant la route.

– Un fruit du démon, hein ?! Fit-il un peu trop fort, à cause de surdité temporaire.

Elle n’était pas encore tout à fait habitué à en faire usage, mais il fallait bien admettre que c’était loin d’être désagréable. Le seul côté négatif étant qu’elle avait maintenant une furieuse faim.

– Je crois connaître quelques trucs à leurs propos.

Ça, et le fait que l’eau profonde était devenu synonyme de mort pour elle. Le mastodonte montra ses chicots sale dans une atroce grimace qui ferait passer les crocs de Klara-louve pour un sourire amical. Il se mit à frapper le sol de son mur d’acier à maintes reprises, de plus en plus fort, augmentant à chaque fois la taille des fissures provoquées par sa force monstrueuse. La chasseuse senti alors le sol trembler sous ses pieds. Elle n’était vraiment pas à un endroit idéal. Tandis que Wacko redoublait de force et de vitesse, elle reprit sa course en contournant son adversaire, malheureusement trop tard. Le sol se déroba sous ses pieds, et la pierre qui l’entoura se fractura en de multiple morceaux qui soulevèrent l’eau qui gisait patiemment en dessous. Elle perdit un instant l’équilibre alors que la plaque sur laquelle elle se trouvait se pencha dangereusement. Elle parvint cependant à sauter sur l’autre petite plate-forme fraîchement née qui se trouvait à sa droite, elle aussi dans un équilibre précaire. Elle continua ainsi à tenter de s’approcher d’un endroit stable, et fini par devoir s’accrocher de ses mains sur le côté d’une plaque de pierre qui coulait lentement à la verticale. Et elle serait parvenue à se sortir de se pétrin indemne et avec une certaine grâce, si ce n’était pour ces crochets qui vinrent lui faire perdre appuie.

La suite fut un peu flou pour elle. Elle se sentit plonger dans l’eau froide, puis eût un agréable aperçu de ce qui reposait dans les profondeurs, sous leurs pieds ; un ancien bâtiment qui devait jadis avoir un aspect quelque peu majestueux. La pierre blanche avait laisser place à de la rouille s’était effritée, mais on pouvait toujours distinguer de jolies sculptures taillées à mêmes les murs, dont certaines volèrent lentement en éclat à la suite des chocs à répétition qu’avait fait subir à la structure le mastodonte.

La dernière chose qu’elle vit avant le noir total fut une étrange silhouette qui filait vers elle à une vitesse hallucinante.

*

Quand elle reprit conscience, sa première action fut de prendre ce qui devait être la plus grande respiration de sa vie. Elle crachota de l’eau, et tâcha de comprendre rapidement où elle se trouvait. Ganglion avait plongé pour la récupérer et l’avait amené un peu plus loin, à l’intérieur du vieux bâtiment englouti, dans une sorte d’alcôve d’air. Tout était sombre et en ruine, mais l’homme-poisson avait amené avec lui un mystérieux bocal avec plusieurs lucioles qui virevoltait à l’intérieur. Il s’en servait probablement pour ses explorations sous-marines.

– Pfiou, dangereuse situation pour humaine ! Et pour Ganglion aussi, constata-t-il tristement en balançant sa palme rougie par le sang devant ses yeux globuleux.
– Gurhk, fut la seule réponse que lui apporta Klara.

Elle avait failli mourir, et si ce n’était absolument pas la première fois, ça avait toujours le même petit effet désagréable, pour l’ego notamment. Prenant rapidement le temps d’apprécier le fait de ne pas avoir encore rejoint le monde des morts, elle prit également conscience qu’elle appréciait bien ce petit mollusque qui venait de lui sauver la vie. Il était plutôt marrant, dans sa bizarrerie.

– Pffu. Merci.
– Ganglion veut y retourner.
– Bien sûr. Mais laisse-moi reprendre un peu mes forces.

La défaite, même partielle, donna à Klara une autre raison d’en découdre. Ce serait un peu plus personnel, cette fois.

– Tu peux t’occuper du gros ?
– Ganglion peut, oui ! Mais que Klara amène le champion dans son arène !
– Quoi ? Oh.

*

– V’là ce qu’il en coûte de se frotter à l’incroyable et terrorisant Rust ! Et à l’incroyable et terrorisant Wacko, aussi, hein. Wacko ? Ça va pas mieux les oreilles ?
– De quoi ?!?
– Hmph.

La nuit était totalement tombée. Rust se massait lentement le dos et le torse, qui avait été quelque peu écorché par l’assaut de la louve. Wacko lui, observait avec fierté les dégâts qu’il avait causé à l’endroit, hochant lentement la tête de haut en bas, fier de son action. Et il avait de quoi l’être ; sans son cri strident et sa dernière attaque, Rust serait probablement mort, ou pire. Dommage qu’il soit si peu habitué à son propre cri, mais les acouphènes semblaient heureusement disparaître petit à petit. Il tourna la tête pour observer un instant son patron, qui dansotait de joie. Wacko, lui, n’allait pas crier victoire trop vite. Ganglion avait simplement disparu, il était encore là, quelque part. Peut-être que l’autre s’en était sortie elle aussi. Il l’espérait, même. Un combattant digne de ce nom se devait de voir le corps de son adversaire gésir sous ses yeux. Rust, lui, n’en avait rien à carrer ; tout ce qu’il voulait, c’était annoncer à ses hommes et à la terre entière qu’il s’était débarrasser de cette horrible poiscaille, avant de perpétrer quelques crimes et terroriser quelques bonnes personnes, parce que, tout de même.

Wacko avait le regard concentré sur la mer qui s’étendait face à lui. Il avait prit soin de s’en éloigner de quelques mètres, et de se rapprochait de son chef, prêt à le sortir une nouvelle fois du pétrin. Sa surdité s’estompa au moment où il entendit derrière lui un grognement. D’instinct, il planta son morceau d’acier derrière-lui dans une rapide volte-face, et vit la louve à quelques pas à peine, montrant les crocs d’un air menaçant. Elle fit mine de s’apprêter à lui bondir dessus, mais changea subitement de direction et fonça vers Rust, qui fut prévenu par son fidèle garde du corps. Aussitôt, les cordes et hameçons se remirent à voler autour de lui, formant une sorte de barrière à l’allure impénétrable. Mais Klara ne tenta rien, se contentant de décrire un cercle autour de lui, à bonne distance, puis changea de sens pour perturber le colosse qui tâchait de la rattraper. Rust se décida à attaquer, timidement, curieux de savoir ce qu’elle préparait. L’attaque modifia une nouvelle fois l’allure et les mouvements décrit par la louve. Moins rapide qu’elle, Wacko fini par se retrouver à son tour non proche du bord fissuré qu’il avait lui-même créé plus tôt. Il s’immobilisa un instant et fit craquer ses doigts. Il observait attentivement la scène qui se déroulait devant lui.

Soudainement, la louve se mit à hurler vers la Lune. Wacko ne mit qu’une fraction de seconde à comprendre, et n’eût qu’à plisser les yeux pour apercevoir des remous dans l’eau un peu plus loin. Criant garde à son compagnon, il se prépara à foncer tout droit, tandis que la louve s’apprêtait à bondir vers Rust, dont l’attention avait été détourné par l’avertissement de son acolyte. Klara dévia cependant une nouvelle fois sa course. Le colosse, qui l’avait pourtant vu, dû plaquer son bouclier face à la mer pour se protéger des projectiles aqueux qui fonçait dans sa direction. Klara se jeta sur lui à ce moment précis. Sous l’eau, Wacko vit la silhouette de Ganglion filer vers lui en provoquant des remous derrière lui.

A la surface, Klara avait repris forme humaine, et balaya l’air de sa lame. Enfin, elle était libre d’accorder à Rust toute l’attention qu’il méritait. Celui-ci, bien que soucieux, n’eût pas le temps de s’inquiéter du sort de son ami.

– Tu es primé ? Demanda curieusement Klara.
– Quoi ?
– Il y a une prime sur ta tête ?
– Hinhin, évidemment, personne ne s’allierait avec ce taré comme ça. Ouais. Quelques millions. C’est tout ce qui vous intéresse, vous autres, hein ?
– Dommage.

Elle se mit alors à courir vers son adversaire qui déposséda sa barrière de quelques fils qu’il fit changer de direction vers la chasseuse. Il ne voulu plus perdre son temps en l’entravant, de peur qu’elle ne lui joue à nouveau un de ses tours, et tenta plutôt de l’écorcher, voir de l’empaler. Elle esquiva habilement les premières attaques, para plusieurs des crochets qui avaient réussi à la suivre dans sa danse, et s’approcha dangereusement de son adversaire ; jusqu’à ce qu’elle réussissent à parvenir à son niveau en alternant de forme pour l’empêcher de la suivre correctement à l’aide de ses cordes. C’était extrêmement fatiguant pour elle, mais ça fut rentable, et elle parvint ainsi à taillader le bras qu’avait tendu vers elle Rust, dans le but de la noyer sous une vague d’innombrables fils acérés. Malheureusement trop tard pour lui. Il poussa un cri strident, mais réussi tout de même à profiter de la relative fatigue de la chasseuse pour bondir en arrière et envoyer vers elle les cordes qui lui restait grâce à son bras gauche, l’obligeant elle aussi à s’éloigner. Il ramena cependant ces extensions de lui-même vers lui, reformant une sorte de bouclier. Son bras droit était ballant et maintenant inutile. Il venait d’être amputé d’une partie de ses capacités, mais il n’avait cependant pas dit son dernier mot.

*

Pendant ce temps, sous l’eau, le colosse tentait tant bien que mal de remonter à la surface, ne serait-ce que pour reprendre son souffle. Il y parvint un instant, lui laissant le temps d’apercevoir son acolyte, plus loin, au milieu d’un ballet étrange de cordes qui s’entrechoquaient rapidement, avant de subitement s’embraser. Il fut tirer sous l’eau à ce moment là.

Il donna de furieux coup de pied en contrebas, contre l’homme-poisson qui lui tirait le pied pour l’amener de plus en plus profondément. Wacko savait qu’il n’avait que très peu de temps, et prit soin d’y mettre toute ses forces. Malgré la vivacité dont bénéficier Ganglion sous l’eau, elle ne l’empêcha pas de se prendre un coup sur le crâne qui l’envoya un peu plus loin. Se mouvoir avec un énorme morceau d’acier sous l’eau pourrait paraître insensé, mais le bouclier était devenu pour le colosse une sorte de seconde peau, une extension, comme l’étaient pour Rust ses cordes. Voyant Ganglion se préparer pour sa prochaine attaque, il plaça péniblement son mur d’acier devant lui, et poussa sur ses jambes de toute ses forces pour remonter, ou plutôt pour éviter de sombrer dans les fonds marins. Il savait qu’il n’atteindrait pas la surface à temps, alors autant se protéger et gagner du temps pour Rust. Ganglion envoya d’abords plusieurs flèches aqueuses, bien plus puissante que celles qu’il lançait à la surface, mais Wacko et son bouclier tinrent bon, malgré quelques fissures.

Jusqu’à ce que l’homme-poisson ne lance sa dernière attaque ; il s’enfonça dans les profondeurs, disparaissant à la vue de son adversaire, avant de remonter à une vitesse folle vers Wacko, qui se prépara pour le choc à venir. Il eût un mince espoir quand il vit Ganglion tendant sa minuscule main devant lui, serrée. Mais l’onde de choc qui suivi l’impact du poing contre le mur d’acier réduisit tout ses espoirs à néant ; le bouclier explosa en plusieurs débris, et l’attaque atteignit l’estomac de Wacko sans rencontrer aucune autre résistance. L’eau s’agita tout autour de lui, et il recracha le peu d’air qu’il lui restait.

*

Les langues de feu du bandit s’agitaient tout autour de lui. Il savait qu’il n’avait que peu de temps avant que ses cordes ne fondent, malgré le traitement spécial qu’appliquait toujours Rust sur elles. Il devait se dépêcher. Il ne lui restait qu’une ou deux attaques maximum. Il n’allait pas les gâcher. Il envoya une première salve de liens vers la chasseuse, qui en trancha quelques uns mais fut tout de même toucher par les autres, lui brûlant rapidement un côté du bassin. Elle plongea à sa gauche et para du mieux qu’elle put le reste des cordes. La chaleur et la douleur l’empêchèrent cependant de se préparer à la seconde vague ; elle fut projeter en arrière et senti une vive douleur à la cuisse et au bras. Les fouets enflammés se levèrent devant elle dans un aspect menaçant et s’apprêtaient à foncer sur la chasseuse. Le feu diminuait à vue d’œil alors que quelques secondes à peine s’étaient écoulées.

Elle eût alors une dernière idée. Voyant les flammes s’approcher dangereusement d’elle, elle tenta une dernière attaque. Inspirée par son précédent adversaire, elle prit son glaive à deux mains et fonça tête baissée vers le ballet de feu, avant de rabattre son arme vers le sol, dans un impact puissant qui eût l’effet escompté. Le sol, déjà fragilisé par le temps et la catastrophe survenu quelques années plus tôt, se fondit soudainement en deux en direction de Rust. Déstabilisé, il perdit sa concentration et ne put réaliser sa dernière attaque avant que les cordes ne partent subitement en fumée, ne laissant au sol que des cendres. L’air frais de la mer repris sa place, tandis que Klara filait comme le vent sous forme de louve avant de plaquer pour la seconde fois son adversaire au sol, prête cette fois à finir le travail.

– Attention ! Klara pas tuer.

La louve cessa de grogner et de montrer les crocs, puis repris lentement forme humaine, dans une transition par forcément belle à voir. Rust relaissa sa tête tomber contre le sol froid et soupira.

– Pourquoi pas ? Fit-il en voyant Klara revenir en pointant son glaive droit vers la glotte du primé.
– Tu es mon ticket pour Dead End.
– Eh oui !

Ganglion se tenait non loin d’eux, prêt du bord, le corps de Wacko gisant à ses pieds. Il respirait encore, Ganglion s’en était assuré.

– Ganglion sympathique.

*

Klara s’étira durant de longues secondes. Ses blessures, légères, avaient déjà commencées à guérir. Elle se leva de son lit de fortune et passa sa tête par la fenêtre. D’ici, elle pouvait voir le port par lequel elle avait débarqué. Il y avait sensiblement moins de monde qu’à son arrivée, et pour cause, le passage de la transiléenne était la source d’une bonne partie du trafic.

Cela faisait maintenant plusieurs jours qu’elle était arrivée. Elle avait, depuis le temps, eût largement le temps de discuter avec Ganglion, qui passait régulièrement la voir. Bien qu’en apparence simplet, c’était une source inépuisable d’anecdotes et d’informations intéressantes à propos de l’île et de ses trésors cachés. Il prenait à cœur à distraire la chasseuse qui n’avait plus grand-chose à faire en lui ramenant parfois des petites antiquités qu’il avait repêché dans les profondeurs, lui racontant l’histoire de celles-ci, qu’il inventait probablement puisque la plupart de ce qu’il disait ne faisait aucun sens pour Klara. Mais ça restait toujours plaisant. Il lui avait aussi fait visité l’île, même si elle n’aimait pas trop s’éloigner de son habitat temporaire, et ce pour une raison très simple.

C’était aujourd’hui le jour du grand départ, qui aurait dû arriver un peu plus tôt, mais selon Ganglion ; « mes amis ont sûrement un peu de retard ». Ce fut l’homme-poisson qui lui annonça la nouvelle, en entrant sans prévenir dans la chambre de Klara, qui n’était composée que d’un simple matelas et d’une table de nuit à moitié éreintée. Elle n’avait pas vraiment besoin de plus. Elle leva le seul drap sale dont elle disposait pour dormir contre elle, et jeta un regard noir à l’homme-poisson qui venait de faire son apparition.

– Ganglion porteur de bonne nouvelle ! S’exclama-t-il avec un grand sourire.
– Fous le camp attendre dehors, bon sang.
– Quoi ? Ah ! Klara indécente ! Fit-il en écarquillant les yeux.
– Ganglion casse-couille, surtout.

*

Ils purent entendre le bruit de la clef s’insérer dans la serrure et tourner péniblement. La porte s’ouvrit difficilement elle-aussi, raclant le sol dans un bruit insupportable, et laissa la lumière inonder la pièce jusqu’ici plongée dans le noir. Rust et Wacko virent apparaître sur le seuil de la porte les deux personnes qui les avaient laissés ici. Klara ne passait alors qu’en trombe pour leur donner rapidement de quoi manger, boire, et s’assurer qu’ils étaient toujours suffisamment entravés. Ce qui était le cas. Il possible pour eux de tenter quoi que ce soit ; les chaînes étaient solides, ils étaient séparés l’un de l’autre, et ils étaient de toutes manières encore trop faible pour s’essayer à l’évasion.

Cette fois, ils comprirent que leurs « ravisseurs » n’étaient pas là pour la bouffe. Il était de toute façon bien trop tôt. Non, c’était autre chose.

– Il est temps de partir, fit nonchalamment Klara en bâillant.
– Pas de mauvais coup, sinon Ganglion sévit !

Ses yeux globuleux brillaient dans l’ombre. Le seul moment où il avait l’air menaçant, c’était quand on ne le voyait que partiellement.

– Argh. Vous nous emmenez ou, bande de tarés ?
– Pour l’instant ? Le port.

*

Le port connaissait en ce jour un peu plus d’animation que d’habitude ; un imposant navire venait de faire son apparition. Les membres de l’équipage qui naviguaient à son bords étaient descendue, et si la plupart étaient partie se dégourdir les jambes comme l’avait fait Klara à leur place, certains restaient au pied de leur fier bateau. Assit sur un tonneau probablement rempli rhum, celui qui semblait être le capitaine reconnu instantanément la personne qui vint à sa rencontre.

– Ganglion ! Oh… Et qui est-ce qu’on a là…
– Salut Owyne. Klara, pointa-t-il du doigt.
– Ah ! Enchanté.

Owyne tira une révérence qui n’allait pourtant absolument pas avec son apparence ; il portait une chemise en lin, sale et à moitié déchirée, un sabre d’abordage sur un flanc et un coutelas sur l’autre. Il avait les cheveux blonds en batailles et un air assez hautain et un aspect crade d’une manière générale.

La chasseuse frissonna légèrement en apercevant le pavillon pirate qui surplombait le navire. Mais c’était un mal nécessaire. Elle tira derrière elle Rust et Wacko qui tentèrent tout de même de se débattre, ne serait-ce que pour la forme.

– Ohoh ! C’est un bien beau cadeau que tu nous fais là, Ganglion.
– Ganglion généreux !
– Je vois ça mon ami.
– Ganglion pas si généreux que ça.

L’homme-poisson tendit sa palme vers Owyne, qui afficha un grand sourire et lui jeta une bourse bien rempli qui atterrit dans le mile.

– Bien sûr, bien sûr. J’connaitrais pas ta tronche, à toi ? Demanda le pirate à Rust. Mais si ! T’es primé mon p’tit gars. Boah, ça n’a pas d’importance. La gente dame a pas le droit à sa part, Ganglion ?
– Si ! Tu es sa part.
– Ohohoh, tu m’en dira tant.
– Non. Humaine veut aller à Dead End !
– Tiens donc ! Bon, puisque c’est notre ami commun qui demande, j’peux pas vraiment refuser surtout vu c’qu’il m’amène. Mais j’te préviens, je suis pas taxi. Les passagers chez moi, ils filent droit direction l’arène du Crack.
– Ça me va.

Owyne hésita un instant, avant de reprendre ;

– Boah, tu fais c’que tu veux. Et pour quelle folle raison tu voudrais faire ça ?
– Je cherche quelqu’un. Sur Dead End.

Pour appuyer ses dires, elle sortit de sa poche un bout de papier chiffonné qu’elle tendit à Owyne. On pouvait y voir un portrait approximatif d’un homme qu’elle semblait connaître.

– Ce type là. Déjà vu ?
– Nan.
– On m’a parlé de lui, et de Dead End.
– Tu veux retrouver un vieil ami ?
– Oui. Puis en finir avec lui, tout simplement. Vieille querelle personnelle.
– Hinhin, je vois. Montez donc.

Le blondin fit d’abord monter, sans précaution, les deux primés, avant d’inviter Klara a faire de même. Elle s’élança sur la planche de bois, avant de se retourner vers l’homme-poisson, en contre-bas.

– Merci.
– On s’est bien amusé !
– Adieu, Ganglion, fit-elle avec tristesse.
– Adieu, humaine.

Il balança sa palme de gauche à droite.

– Bienvenue à bord, gladiatrice, s’exclama Owyne en lui tapotant l’épaule.


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