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Sceller le pacte

- J'ai modéré un peu nos activités, déclara Habu Jackson, mais il n'empêche que ça doit bien faire quarante ans que notre gang trafique à Las Camp. Tenko Sozen c'est pas n'importe qui, ça pourrait très mal tourner.

Discutant dans le bureau du chef de gang, à l'intérieur de la base sous-marine des hommes-poissons, Roy décrivait les étapes de son plan à son ami. Ce dernier écoutait attentivement la proposition de l'humain, conscient qu'il en aurait besoin pour la suite. Le jeune pirate avait déjà fait ses preuves en magouillant pour qu'Habu prenne le pouvoir du Gang des hommes-poissons. Il n'y avait pas de raisons pour que ce plan-ci ne réussisse pas également.

Maintenant sous l'égide du Silencieux, l'ancien Gang des hommes-poissons avait été renommé la Famille Jackson. Plus qu'une simple organisation criminelle, Habu voulait en faire une grande communauté réunissant tous les hommes-poissons de Las Camp et agissant dans leurs intérêts et ceux de leurs partenaires commerciaux. Il s'était mis en tête de diversifier le business du gang, développant les activités qui venaient plus naturellement aux hommes-poissons telles que la pêche et la construction de navires. En effet, quel était l'intérêt de trafiquer de la drogue quand l'on pouvait faire du profit en obtenant le monopole d'un marché ? Pouvant respirer indéfiniment sous l'eau, les hommes-poissons étaient capables de plonger plus loin et d'atteindre des endroits inaccessibles aux humains. Dans le même ordre d'idées, leur force physique supérieure en faisait un atout de choix dans un chantier naval, leur permettant de soulever des charges qui d'ordinaire requérait dix hommes.

Cependant, pour que sa vision de la Famille Jackson devienne réalité, les Lunes de Las Camp devaient disparaître. Non seulement ces triades freinaient la progression des affaires du gang, mais en plus de nombreux hommes-poissons souhaitaient toujours se venger d'elles. Afin de garder une emprise sur son organisation, Le Silencieux devait remplir les promesses qu'il avait faite à ses hommes, parmi lesquelles se trouvait l'assouvissement de leur soif de sang... une tâche impossible si l'on considérait le rapport de force gravement en défaveur de la famille. Seule contre les trois organisations les plus puissantes de la ville, elle avait un besoin cruel d'alliés. Roy comptait y remédier avec son plan.

 - Tout va bien se passer je te dis, le rassura le pirate. On a défendu un galion contre une frégate pirate ensemble une fois, on est quasiment des frères d'armes.

Derrière lui Lily laissa échapper un léger gloussement. Fronçant les sourcils, le jeune homme se retourna et la foudroya du regard. La femme-poisson lui servit un sourire innocent avant de détourner les yeux sur le côté.

Recrue la plus récente de l'équipage de Roy, elle accompagnait ce dernier durant cette entrevue avec Habu. Native de Las Camp, cette jeune comptable était une ancienne membre du Gang des hommes-poissons, recherchée par la Marine à hauteur de cinq millions de berrys. Connaissant bien la ville, elle était censée conseiller son capitaine dans sa plaidoirie mais avait choisi de bouder plutôt que de remplir son rôle.

 - Oui... m'enfin sans même parler de ça, continua Habu sans faire attention à l'écart de la jeune femme, tu surestimes un peu la Famille Jackson. Nous restons des gangsters. S'allier à la marine ce serait... contre-nature.

 - Ce sera une alliance officieuse que je te propose, expliqua Roy en réponse. Seuls les hauts gradés de Matheson prendront connaissance du pacte de non-agression, tout comme tu n'en informeras que tes plus proches lieutenants. Derrière vous coordonnerez vos effectifs pour faire en sorte qu'ils ne se tapent pas dessus et ce sera déjà bien. Ils n'ont pas besoin d'en savoir plus.

 - Ça ne me plaît pas de les garder dans le flou..., hésita le chef de gang.

 - Eh il faut choisir, le pressa le jeune homme. Soit tu leur mens par omission et ils restent en vie grâce à leurs nouveaux alliés, soit tu joues la carte de l'honnêteté, comme ça ils refuseront mon plan et s'en iront mourir à dix contre un, avec le plaisir de savoir que tu ne leur as rien caché cela dit. C'est toi qui vois.

 - Tu marques un point, soupira Habu, acceptant sa proposition d'un hochement de tête.

 - Je sais, et puis avec les nouvelles recrues de la Famille Jackson, cette alliance ne sera peut-être pas si "contre-nature" que tu le redoutes.

Bien loin des voyous de rues de l'époque d'O'Clayne Eustache que l'on payait le plus souvent pour aller tabasser quelqu'un, les gangsters de la Famille Jackson accueillaient maintenant des commerçants et travailleurs honnêtes, de simples citoyens que le charismatique Habu Jackson avait convaincus de le rejoindre. Un effet en découlait : la présence de civils diluait l'animosité des gangsters envers la marine et de l'autre côté du spectre, le fait de ne plus entendre parler d'hommes-poissons fracassant les humains aux coins des ruelles de Last End contribuait à donner une meilleure image du gang aux militaires. Le terrain était propice à une alliance.

 - Dommage, lâcha Lily derrière Roy, du venin plein la voix, j'aurais peut-être pu garder mon travail si tout ça était arrivé un peu plus tôt.

D'ordinaire douce et avenante, la femme-poisson laissait parler sa colère en présence d'Habu. Du peu qu'en savait Roy, la pauvre Lily avait travaillé avec le Gang des hommes-poissons pendant plusieurs années, avant de trouver un travail et abandonner la vie de gangster. Cela n'avait pas plu à O'Clayne Eustache, qui s'était débrouillé pour la dénoncer à la marine en révélant son passé de mafieuse. Cela lui avait valu une prime et une certaine animosité à l'encontre du chef actuel de la Famille Jackson. La jeune femme étant en plus de mauvaise humeur, Roy regrettait de l'avoir amené avec lui en cet instant.

 - Je suis désolé Lily, lui répondit Habu, une mine triste sur le visage. Ce n'était pas de mon ressort à l'époque, tu le sais bien.

 - Oh je sais Le Silencieux, minauda Lily en souriant méchamment. Dommage que tu aies attendu la venue de Roy pour sortir la tête de l'eau. O'Clayne a fait beaucoup de mal autour de lui pendant que tu te complaisais dans ta petite bulle.

Écarquillant les yeux, le jeune homme s'excusa silencieusement auprès de son ami, mais ce dernier lui fit signe que ce n'était pas grave. Fort heureusement, elle disposait d'un statut particulier dans la Famille Jackson, étant la principale bienfaitrice des orphelins hommes-poissons qui vivaient dans la base sous-marine, un fait qui avait immédiatement charmé Roy quand il en avait pris connaissance. De plus, elle aidait présentement Habu à étendre les affaires de son organisation. N'agissant pas dans le cadre de la loi, le gang ne payait aucune taxe pour monter son business et n'hésitait pas à casser des bras pour forcer ses accords commerciaux à passer. Au milieu de tout cela, il fallait bien une femme d'affaires avisée pour limiter la casse.

 - Bref, s'écria Roy, revenant à leurs moutons, le plan est prêt, et on est prêt. Il ne nous reste plus qu'à trouver un moyen de contacter Tenko. Ça en est où ?

 - Ça va être compliqué, répondit immédiatement Habu, fuyant le regard accusateur de Lily. Il est toujours en déplacement pendant la journée et la nuit il se rend dans son appartement au milieu de Last Joy. Le quartier est bourré à ras bords de marines, impossible que tu t'y aventures avec la prime sur ta tête.

 - On l'a déjà fait une fois, lâcha distraitement la femme-poisson, on peut bien le refaire...

Elle n'avait même pas fini sa phrase que Roy secouait déjà la tête. Lors de leur première rencontre, Lily avait eu la bonne idée de lui donner rendez-vous au beau milieu de Last Joy, le quartier le plus riche de Las Camp, dans lequel la marine était ultra-présente. Inconscient à l'époque qu'une prime était tombée sur sa tête, le pirate avait pris son petit-déjeuner le plus naturellement du monde au Goodbelly, un café huppé du quartier en compagnie de la jeune femme. Alors qu'ils ne devaient qu'à la chance de ne pas avoir été repéré par les marines, Lily soutenait qu'ils s'en étaient sortis parce qu'elle savait ce qu'elle faisait. Pour Roy en revanche c'était clair : pas question de remettre ça.

 - Tu le fais suivre comme je t'ai demandé ? s'enquit le jeune homme.

 - Oui, acquiesça Habu, nos recrues humaines se sont révélées bien pratiques pour le coup.

Un autre avantage de l'abandon de la politique raciste de ses prédécesseurs. La Famille Jackson accueillait maintenant n'importe qui pour peu qu'il soit en accord avec la philosophie du gang, même si ce dernier restait composé essentiellement d'hommes-poisson.

 - Très bien, et donc ?

 - Et donc..., hésita Habu, il a également de nombreux hommes sous ses ordres qui se mettraient en travers de ta route si tu venais à l'approcher. À ce stade, le seul moyen de l'atteindre serait de lui tendre une embuscade la prochaine fois qu'il s'aventurera dans Last End. C'est la seule option, ajouta le leader gangster.

 - Ok, accepta immédiatement le pirate, emballé, c'est pesé. Contacte-moi par Den Den Mushi dès que Tenko est aperçu se dirigeant là-bas alors.

Ce faisant, ils prirent congé de leur hôte.

 - Lily, tu es prête ? demanda ensuite le jeune homme.

 - Mmh, bougonna la femme-poisson en traînant des pieds, je n'ai pas rejoint ton équipage pour faire le taxi Roy.

Initialement recruté en tant que comptable, Roy avait remis toutes ses économies à la jeune femme. Cela faisait maintenant des jours qu'elle le suppliait de la laisser utiliser cet argent pour investir dans une affaire ou en monter une. Ne sachant pas combien allait lui coûter le retapage de son navire, Le Palazio, le capitaine pirate avait refusé tout net. En attendant le moment propice, il se contentait de profiter des talents amphibiens de son nouveau membre d'équipage, ce qui lui permettait d'entrer et sortir à loisir de la base secrète. D'où la mauvaise humeur de Lily.

 - Tu vas continuer à rouspéter encore longtemps ? lui demanda Roy en la poussant gentiment, forçant la jeune femme à avancer. Allez hop, direction Las Camp.


Dernière édition par Roy D. Aston le Lun 25 Déc 2017 - 21:54, édité 5 fois
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Ayant terminé son paquetage, qui se résumait à un vulgaire petit baluchon, regroupant ses quelques affaires médicales et le petit pécule, bien maigrichon, qu'il avait réussi à mettre de côté, le toubib était fin prêt à quitter Las Camp, à mettre les voiles, littéralement. Pour ce faire, il avait négocié la veille avec un capitaine de marine marchande, dont le médecin de bord avait tristement et ironiquement péri d'une maladie inconnue. Recherchant un nouveau gars pour le remplacer, avec le pied marin de préférence. Mochi s'était retrouvé là, au bon moment, recrue idéale. Alors qu'il s'était proposé pour le poste, le capitaine avait accepté tout de go et avait mené les négociations par lui même. Le médecin n'eut rien à dire, qu'il se retrouvait déjà avec un joli petit salaire et un poste pérenne. De toute façon, il ne comptait pas rester bien longtemps dans cet équipage, il s'y ennuierait trop à la longue. Et puis il avait d'autres ambitions, son tour des Blues allait bientôt se boucler, bientôt, il ne lui resterait qu'une option, Grand Line. Le rêve de tout marin, le rêve de tout aventurier qui se respecte. Et ce n'est pas ce capitaine, aussi sympathique soit-il, qui le mènerait sur les mers les plus sombres de ce monde.

C'était l'heure, il se devait de rejoindre son nouveau rafiot, il était même en retard, le navire allait quitter le port d'un instant à l'autre, le capitaine l'avait prévenu, il avait une espèce de sacro-saint respect pour la ponctualité, s'il ne se pointait pas à l'heure, tant pis pour lui, ils lèveraient l'ancre, médecin ou pas. Dussent-ils affronter scorbut et dysenterie sans lui. Mais s'il se dépêchait, il arriverait bien à le choper, quitte à nager derrière. C'est qu'il en avait plus qu'assez de cette île.

Clope au bec, il descendit, quittant son auberge, saluant pour la dernière fois son bougon propriétaire bien trop heureux de se débarrasser de cet étrange client, qui passait son temps à lui causer des ennuis. Et Mochi était si content de laisser cet imbécile derrière lui, qu'il ne manqua pas de lui offrir un grand sourire goguenard en guise d'adieu. Ne souhaitant pas se perdre une énième fois dans les ruelles étroites de la ville, il décida de rejoindre une des artères principales. Mauvaise décision, elle était bouchée, bondée de monde, cohue vivante et boursouflée marchant de ci de là, se percutant et s'excusant sans même se jeter le moindre regard. Tableau simulacre d'une ville en apaisement. Ville qui, il y a quelques jours à peine, était plongée dans une terrible guerre de gangs, laissant les "honnêtes gens" sur le carreau. Alors, maintenant que tout était plus calme, ils en profitaient et sortaient, comme s'ils n'étaient pas certain de survivre un jour de plus. Bien sûr, il y avait encore quelques escarmouches occasionnelles, mais la marine, renforcée par des troupes venues d'ailleurs, veillait au grain.

Comme il n'avançait guère dans cette vague humaine, il se décida à emprunter un autre chemin, une rue plus petite et désengorgée où il serait plus facile de circuler. La première à se présenter à lui, était une ruelle partant sur la gauche. S'il avait encore du mal avec la géographie de la ville, il lui semblait que cette rue était en lisière de Last End, quartier à problème qu'il avait d'ores et déjà expérimenté par le passé. Tant pis, il n'en pouvait plus de cette foule qui le ralentissait. Aussi, bifurqua t-il. Même si ça lui faisait faire un petit détour, ce serait toujours plus rapide que se farcir l'avenue de long en large. Oh, même dans ces ruelles il y avait pas mal de monde, mais beaucoup moins qu'ailleurs et la circulation y était bien plus fluide.

Aux alentours d'un étroit croisement à quatre embranchements, il aperçut trois Hommes-poissons encerclés par une douzaine de types farouchement armés lesquels, pour d'obscurs raisons menaçaient les poissons. Mochi l'ignorait, mais il ne s'agissait là que d'une escarmouche isolée dans cette guerre qui frappait Las camp. Les quelques badauds qui passaient dans la rue s'évertuaient à contourner soigneusement la scène, allant jusqu'à fuir le moindre regard, passant, tête baissée sur le côté. Et le toubib s'apprêtait, comme tout le monde à s'esquiver. Non pas qu'il eut peur, mais ces problèmes là ne le concernait pas, depuis qu'il était arrivé en ville, il avait eu sa dose. Il n'était pas un foutu super héros.

Mais la providence, en voulut autrement et au moment où il passait derrière les humains belliqueux, l'un d'entre eux se jeta sur l'un des Hommes-Poissons, un homme-alose au physique tout à fait ridicule. En dépit de son aspect faiblard, d'un revers de l'avant-bras, il remballa son adversaire, qui fut propulsé sur Mochi. Aussitôt, les Humains restant se jetèrent âprement sur la poiscaille et les poissons répondirent avec la même violence.

Après avoir cogné son boulon contre le mur, le binoclard chuta. Quand il releva la tête, il ne voyait plus rien, sinon une immense tache aux couleurs variées qui se débattait toute seule, nébuleuse mouvante, autour, le néant. Posant sa main sur son visage, il n'y trouva pas les lunettes qui servaient habituellement à satisfaire et à corriger sa vision merdique. Encore au sol, il avançait à tâtons, balançant ses mains de tous les côtés afin de retrouver ses lunettes. Mais en vain. Fronçant les sourcils, il aperçut quelque chose à même pas un mètre de sa tête, un petit rien reflétant une faible lumière. Persuadé qu'il s'agissait là de sa paire de binocle, il s'y précipita, toujours au sol. Bingo, c'était bien l'objet convoité, alors qu'il tendit le bras pour la ramasser, un autre gangster fut propulsé sur lui, probablement par l'un des poissons. Mais cette fois, il le vit venir et s'interposant, il le renvoya au coeur de cette masse difforme de mêlée humaine et poissonnière, attrapant rapidement ses lunettes, il y voyait enfin.

"Regardez !!! Il s'est joint aux poissons !" se méprirent-ils.

Se retournant subitement, le médecin se rendit compte que les Hommes-Poissons, inférieurs en nombre et sans armes avaient été vaincus par les gangsters qui se précipitaient désormais sur lui. Véloce, il se saisit de quatre aiguilles d'acupuncture cachées dans sa blouse, prêt à les balancer sur ses assaillants. Aiguilles en joue, gorges prises pour cibles. Il était certain de terrasser les quatre premiers, quand un cri puissant interrompit la scène.

"Stoooop !!!!!" hurla une voix, "Mains en l'air !!!" reprit-elle.

S'immobilisant, les protagonistes de ce combat de rue constatèrent avec amertume, qu'ils étaient encerclés à leurs tours par une horde de Marine, fusils menaçant, levés vers leurs minois effrayés. Aussitôt, les gangsters s'exécutèrent.

"Merde, Mochi, qu'est ce que tu fous encore là ?"

La tronche narquoise du Lieutenant Lumard approchait. Lionel Lumard, encore lui, la poisse. Ce gosse de pauvre né dans la misère de Zaun et avec lequel Mochi avait passé une grande partie de sa jeunesse. Ce gars qu'il n'avait pas vu depuis un baille, qu'il ne pensait jamais revoir. Et aujourd'hui il n'arrivait plus à s'en défaire. Depuis qu'il était arrivé sur Las camp, à chaque fois qu'il croisait sa route, ça tournait mal. La première fois, il avait voulu l'arrêter et le foutre au cachot sur de simples présomptions et la seconde fois, alliés, ils étaient allés en foutre plein la gueule à quelques Hommes-Poissons et au passage, ils avaient failli y laisser leur peau. Qu'allait-il donc lui arriver cette fois-ci ? Où est-ce qu'ils allaient finir ce coup-là ? Sur une île céleste ? Mais cogitant un peu, la présence de Lumard pourrait lui être bénéfique, il allait pouvoir s'en tirer et puis, après tout il était innocent.

"J'ai un bateau à prendre, faut que j'me tire" répondit le toubib sans aucune considération pour l'officier.

Comme il faisait mine de se tailler, il fut arrêté par le lieutenant qui lui choppa le bras.

"Hep hep hep !!! T'y échapperas pas cette fois !" dit-il, content de lui.

"Pourquoi pas ?"

"Les hommes derrières ... Ce ne sont pas les miens. Comme je connais bien l'île on m'a affecté aux troupes du Lieutenant-colonel Sozen, venues en renfort." dit-il comme si Mochi était supposé réagir à ce nom là.

"En quoi ça me concerne ?"

"Ben je peux pas te laisser filer comme ça ! Sozen doit être dans le coin ... Je le connais pas bien, mais j'ai bien peur qu'il fasse du zèle et si je te laisse partir, ses hommes risques de poucaver." répondit-il en lâchant le bras de Mochi, comme pour lui laisser une chance de se faire la malle.

Voilà, cette nouvelle rencontre avec Lumard lui valait encore des soucis et des cheveux blancs ... Façon de parler ... S'il avait encore une once d'espoir, cette fois, c'était sûr, son nouvel équipage, sa corde de sortie allait lui filer sous le nez. Lumard se retourna vers les hommes qui l'accompagnaient, beuglant l'ordre de boucler tout le monde. Comme il semblait détourner son attention du toubib et que les soldats s'occupaient en premier lieu des gangsters et des Hommes-Poissons, le binoclard, à la faveur d'un moment d'inattention, en profita pour disparaître, empruntant pour ce faire, l'une des quatre rues du croisement. Mais sa disparition fut très vite remarquée et quelques secondes à peine après son "évasion", il entendit crier derrière lui, une multitude de voix s'élevaient "Arrêtez-le !".

Il ne le savait pas, mais sa tentative, vaine, se solderait probablement par un échec, car, les troupes du fameux Lieutenant-colonel machin, dont le toubib avait déjà oublié le nom, s'étaient éparpillées dans les quelques rues adjacentes.
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Gagner du terrain

Tenko Sozen, Roy D. Aston, Mochi

Le colonel Matheson mâchait plus son cigare qu'il ne le fumait. L'objet s'était éteint depuis deux bonnes minutes mais préoccupé qu'il était par les manœuvres de ses hommes sur l'île, il n'avait pas pris attention à la fumée qui n'arrivait pas quand il inspirait. Tenko était lui aussi penché sur les différentes cartes qui montraient la géographie locale et l'urbanisme confus. Le vieil officier soupira et se laissa tomber sur une chaise, ouvrant son briquet d'un geste de la main pour raviver la flamme de son seul plaisir en ce jour.

"On aura du mal à tenir les positions au nord, vers Last End. C'est là que j'ai envoyé les gars en priorité et ça a pas payé..."

"Vous aviez deux régiments de moins Colonel. Maintenant nous pouvons élargir notre zone opérative. On a déjà sécurisé plusieurs quartiers."

Une semaine s'était écoulée depuis que l'Émérite, le croiseur que commandait le jeune officier, avait débarqué ses hommes sur la terre ferme. Le lieutenant-colonel avait alors pris les choses en main, après avoir plus ou moins déclaré la guerre aux usuriers en décimant une troupe d'une trentaine d'individus. Matheson ne s'y était pas vraiment opposé, lui même peinant à garder le contrôle de l'île. Les deux hommes s'étaient vu le matin suivant le début des hostilités et ils avaient convenu d'un plan. Le colonel semblait éprouver un profond respect pour le jeune soldat qui tendait maintenant à être connu par tout ses pairs sur cette mer. Sa réputation avait bondi après les évènements qui l'avaient emmené à démanteler le réseau de corruption sur Poiscaille. Il était maintenant fréquent que les visages s'illuminent sur son passage, chose à laquelle il avait prêté attention depuis son retour de South Blue.

"Il ne faut pas sous-estimer les Usuriers. Ils pourraient nous laisser gagner du terrain pour préparer une défense acharnée à leurs portes... Ces gars là pourraient s'acheter la population entière contre nous s'ils le voulaient!"

"Il faut avancer vite alors, ne plus se contenter d'arrêter les altercations entre eux et les Hommes-Poissons. Il faut attaquer leurs positions au plus vite, efficacement. D'autant que nous ne savons pas à quoi nous attendre du côté des êtres marins..."

"Ça fait un moment qu'ils ne sont pas en forme. Ils avaient réussi une belle évasion du temps du ponton mais leurs actions ont diminuées comme peau de chagrins. Ils faisaient des basses besognes jusqu'à ce que cette guerre se déclare. Incompréhensible d'ailleurs, quelque chose a dû bouger."

"Comme j'ai pu vous le dire, cet homme est en jeu, d'une manière ou d'une autre."

Sur un coin de la table traînait une prime au montant assez conséquents. Les criminels qui accumulaient plus d'une dizaine de millions pour leur seule tête sur les Blues étaient des individus dangereux. Mais ce qui avait étonné le jeune officier, c'était que la personne en question était une de ses connaissances. Ils s'étaient rencontrés dans des circonstances peu heureuses, alors que les deux hommes avaient repoussés à l'aide d'autres soldats une attaque pirate concertée sur un galion de croisière non armé. Le bédouin n'était à l'époque qu'un simple garde du corps accompagnant une jeune femme qui se révélait plus être un mentor pour lui qu'une simple cliente. Qu'est-ce un a pu te faire changer de bord, Roy? Le capitaine Aston etait néanmoins crédité d'une valeur de plus ou moins seize millions de berries. Il valait plus daube année de salaire à vrai dire. Le colonel s'était saisi comme tant de fois avant de la prime du jeune pirate et avait essayé de faire le lien avec les évènements du passé. Mais rien n'y faisait, il leur fallait enquèter pour comprendre l'histoire. Il haussa les épaules alors qu'un troisième officier se présentait devant ses supérieurs, le lieutenant Karnak. Il avait été celui qui avait accueilli Tenko sur l'île et les deux hommes semblaient faire bonne équipe jusqu'ici. Il salua les deux autres hommes avant de faire son rapport.

"Colonel, Lieutenant-Colonel. Nous avons fini d'évacuer les habitants des zones limitrophes vers l'intérieur de nos lignes. Les soldats de la 480ème s'occupent de dresser des camps pour les accueillir."

"Parfait Lieutenant."

Alors que les deux gradés commencèrent à parler de formalités et de stratégies déjà établie, l'escargophone du Lieutenant-Colonel émit sa sonnerie distinctive et Tenko s'empressa de répondre. À l'autre bout du combiné, une voix semblait gueuler des ordres à des soldats visiblement agités. Le timbre était celui de Lionel Lumard, un autre lieutenant affecté directement aux ordres du jeune officier qui l'avait alors chargé de patrouiller aux frontières des lignes de combat pour dénicher des poches de malfrats ayant échappé à la vigilance des soldats. C'était une mission plutôt tranquille et son exécutant devait avoir de bonnes raisons d'appeler.

"Lumard, un problème?"

"Lieutenant-Colonel! On a stoppé une altercation aux abords de Last End mais l'un des participants nous a filé entre les pattes... C'est un pirate potentiellement dangereux et je pense qu'il se dirige vers le port pour quitter l'île."

"J'espère que vous pensez mieux que vous n'appréhendez les criminels. Il a prime sur sa tête qu'on puisse le distinguer de la foule?"

"Non mais vous le reconnaîtrez à sa blouse de médecin et au boulon qui sort de son crâne."

"Parfait. Arrangez-vous pour le pousser vers le port Lumard."

Tenko ne laissa pas à son subordonné le temps de répondre et raccrocha. Il se saisît de son sabre, posé contre la table, et passa son pistolet dans son étui de cuir. Il allait intervenir lui même pour mettre fin à la discorde. Une ligne de front solide impliquait que l'arrière du terrain était solidement maîtrisé. Aussi il ne tolérerai pas que le manque de prudence d'un lieutenant mette à mal leur stratégie pour reprendre l'île. Il se tourna vers Karnak et Matheson avant de quitter la pièce de l'hôtel réquisitionné pour mener bataille.

"Colonel, je dois m'occuper d'un problème de criminel en fuite qui restera mineur. Lieutenant, bloquez le port et empêchez les navires de partir, même ceux déjà inspectés. Rien ne sort de l'île par là aujourd'hui. Et communiquez à L'Émérite l'ordre de patrouiller le long de la côte opposée. On ne prend aucun risque!"

"Oui Lieutenant-colonel!"

Tenko quitta le bâtiment et se dirigea au pas de course vers l'endroit désigné par Lionel Lumard. La douleur dans sa jambe s'était quelque peu estompée depuis une semaine mais la balle avait fait son ouvrage, ne lui laissant pas disposer de toutes ses capacités. Les rues pavées étaient bondées, ne facilitant pas la progression du jeune officier. Sitôt les affrontements repoussés les gens reprenaient leurs habitudes. Le jeune soldat n'avait pas vraiment d'avis sur ce fait et il n'était de toute manière pas là pour mener une étude comportementale. Il finit par atteindre le quatrième secteur. Les affrontements étaient récents ici et les lieux en gardaient les stigmates frais. Les murs étiraient troués et tâchés de sang, à l'instar du sol. L'endroit était particulièrement lugubre, d'autant plus qu'il se trouvait à la bordure du quartier sans loi de l'île, Last End. Tenko ne tarda pas à repérer les escouades qui cherchaient activement le fuyard. Il repéra aussi son subordonné mais avant même qu'il ne puisse s'enquérir de la situation des coups de feu retentirent deux rues au Nord.

"Lumard vous me suivez. Les autres vous coupez sa retraite vers Last End."

Les détonations venaient de cet endroit. Si le criminel s'engouffrait dans ce dédale, sa capture serait reportée mais plus grave encore, les positions de la Marine et leur organisation pourrait tomber dans l'oreille de leur ennemi, mettant une sacrée épine dans le pied des soldats. Le lieutenant-colonel s'élança dans la direction des bruits de tir, le lieutenant Lumard à sa suite. Ils allaient mettre un terme à ce cirque une bonne fois pour toutes.
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Roy patientait tranquillement sur un balcon suspendu. Ce dernier traversait la rue sur sa largeur et faisait le lien entre deux rangées de bâtiment. En-dessous du jeune homme, le fugitif traqué par les marines passa en courant, talonné de près par Tenko Sozen.

Le pirate avait réagi efficacement suite à l'appel d'Habu, éparpillant ses unités dans le secteur à la recherche du meilleur coin pour tendre son embuscade. Profitant du savoir de la Famille Jackson sur la carte de la ville, Roy avait rapidement trouvé cette allée se trouvant justement sur la route du cortège des poursuivants et du poursuivi. Elle était parfaite pour les piéger, avec cette balustrade qui la surplombait, offrant une vue dégagée idéale pour préparer le terrain, ainsi que le grand canal qui la traversait sur toute sa longueur. Le quartier en lui-même n'était pas très animé et les marines, bien qu'ils soient en train de l'investir à la poursuite du fuyard, n'en avait pas encore le contrôle. Au loin, le port vers lequel se dirigeait la cible de Tenko s'était fait investir par les militaires, mais entre-temps ce district était le terrain de jeu du pirate. Et sa proie s'était imprudemment aventurée dedans.

Courant de toutes ses forces, l'objet de la course-poursuite s'arrêta brusquement quand un tir de sniper atterrit juste à ses pieds. Stoppé net, il regarda autour de lui à la recherche du tireur, paniqué à l'idée de se faire attraper. Derrière lui, Tenko Sozen avait également ralenti le pas, se demandant visiblement si le tir était ou non allié. Roy quant à lui hocha la tête. C'était le signal, celui annonçant le début des festivités. Tandis qu'une horde d'hommes-poissons jaillissait soudain de l'eau du canal en contrebas, il leva son sabre et l'abattit sur les fondations du balcon. Tranchant la pierre et le métal de façon à fragiliser les fondations de la construction, il observa du coin de l’œil les gangsters amphibiens prendre les marines par surprise. La balustrade céda bientôt sous les assauts répétés du pirate et ce dernier bondit hors de la structure alors qu'elle s'ébranlait et commençait à s'écrouler.

Atterrissant dans la rue au milieu des marines - les gangsters de la Famille Jackson les avaient rapidement maîtrisés avant de les délester de leurs armes - Roy se retourna pour observer le résultat de sa besogne. Une fraction de seconde avant que la voie ne soit obstruée, il aperçut une seconde escouade de marine de l'autre côté. Les soldats furent forcés de s'arrêter, observant avec des yeux médusés le grand blacon s'effondrer et emporter avec lui les deux bâtiments auxquels il était relié. Dans un immense fracas, les constructions privées au préalable de leurs fondations s'écrasèrent au sol, noyant la rue sous leurs débris.

Cette voie était maintenant condamnée, bloquant la route d'une bonne partie des hommes que Tenko avait amenés avec lui. Dans ce quartier tortueux, les marines allaient mettre un petit moment à contourner l'obstacle avant d'atteindre cette allée. Cela laissait tous le temps à Roy et ses hommes d'embarquer le fameux lieutenant-colonel coupé de ses troupes.

Le jeune homme reporta son attention sur les marines. Placés en embuscade dans les eaux du canal, les hommes-poissons les avaient totalement pris par surprise. Jaillissant de l'eau comme des boulets de canons, ils les avaient percutés avec force, arrivant au corps-à-corps sans leur laisser le temps d'utiliser leurs armes. Seuls quelques rares militaires avaient réussi à faire feu avant d'être submergé et seul un tir avait fait mouche. L'homme-poisson qui s'était fait toucher se tenait présentement le ventre en gémissant, ses compagnons l'entraînant sous l'eau pour l'amener à Adam Coste, le médecin de la Famille Jackson. Le responsable quant à lui s'était fait maîtriser par un large spécimen d'homme-poulpe qui avait décidé de lui casser un bras pour le punir. Le fier marine ne laissa pas échapper un gémissement tandis que son coude cédait sous la poigne puissante de son tortionnaire.

Ce dernier croisa le regard mauvais de Roy et comprit immédiatement que pour sa sécurité, il valait mieux qu'il cesse de suite son manège. Autour d'eux, les marines révoltés par le calvaire de leur camarade avaient redoublé d'efforts pour s'échapper. Criant et invectivant les gangsters, ils s'agitaient férocement en tentant vainement d'échapper à leurs poignes. Ils n'étaient pas au niveau pour pallier la force supérieure des hommes-poissons.

Plus loin, Tenko avait oublié sa cible. Le regard mauvais, l'officier approchait lentement de son escouade, étudiant froidement le petit groupe d'amphibiens qu'il allait se faire un devoir d'exterminer.

 - Gardez votre calme, lâcha le pirate à l'intention de ses alliés gangsters par-dessus le vacarme ambiant, nous avons ses hommes à notre merci, il n'osera pas attaquer.

 - Ouais ben soit gentil de passer devant Roy, demanda l'un d'eux en toussant, indisposé par la vague de poussière soulevée par la destruction des bâtiments, je suis pas tranquille...

Hochant la tête, le jeune homme joua le tout pour le tout et passa l'attroupement, avançant à la rencontre du lieutenant-colonel. C'était l'heure de vérité, il allait voir si son ancien compagnon d'arme se rappelait de lui.

L'officier supérieur écarquilla les yeux en découvrant le visage jeune capitaine pirate, qui en cet instant fut sûr d'avoir été reconnu. Cependant, contrairement à ce qu'il avait imaginé, le marine ne ralentit pas sa marche vengeresse. En théorie c'était bien, Roy ne voulant pas que son ami soit soupçonné de trahison pour s'être associé à un pirate. Il était vital que les soldats derrière lui n'apprennent jamais que les deux hommes se connaissaient. Cependant, non seulement l'officier ne s'était pas arrêté, mais en plus il semblait prêt à l'attaquer, ce qui était beaucoup moins bien et passablement imprévu. Visiblement, avec ses hommes entravés et le bâtiment effondré derrière Roy, le militaire avait choisi d'oublier le combat héroïque qu'ils avaient livré contre des pirates il y avait des années de cela.

Tenko leva bien haut son sabre dans l'intention de partir à l'attaque et sauver ses soldats, mais fut immédiatement arrêté par un nouveau tir de sniper. La balle fusa, percutant le sabre du marine qui lui échappa des mains. L'arme de belle facture fit un petit arc de cercle en tournoyant dans les airs avant d'être attrapée au vol par Roy.

 - Pas un geste soldat, l'avertit ce dernier, ou vos hommes en paieront les frais.

Ignorant le regard furibond que lui jeta son ancien allié, il se dirigea vers lui et, muni d'une corde qu'un sous-fifre venait de lui tendre, entreprit de lui lier les mains dans le dos. Ceci fait, il ne perdit pas de temps et poussa simplement le lieutenant-colonel dans l'eau.

Un hoquet d'indignation parcourut les marines quand ils entendirent le bruit de leur supérieur tombant dans le canal. Surprit, Roy se retourna et constata avec perplexité que tous les soldats avaient redoublé d'ardeur dans leurs tentatives de se libérer, hurlant et invectivant le pirate en le traitant de meurtrier.

Mais qu'est-ce qui leur prend ? s'interrogea le jeune homme. D'accord il a les mains entravées, mais ce n'est pas ça qui va empêcher un marine vétéran de nager, non ?

Haussant les épaules tandis que deux gangsters s'occupaient d'attraper Tenko Sozen pour le ramener à la base secrète, Roy reporta son attention sur le responsable de toute cette agitation.

C'était un personnage des plus singuliers. Habillé d'une blouse et affublé d'une belle paire de lunettes, il avait les cheveux blancs et un énorme boulon lui sortait littéralement du crâne. En voyant le jeune capitaine approcher, l'homme commença à s'agiter, semblant pondérer ses options en jetant de nombreux coups d’œils dans la direction opposée. Finalement, prenant sa décision, l'individu esquissa un geste vers la seule porte de sortie : le côté de la rue qui n'était pas enseveli sous plusieurs tonnes de décombres.

Un troisième tir fusa, atterrissant à quelques centimètres du pied levé du bonhomme, lequel renonça immédiatement à son projet. Arrivant au niveau du fugitif, le capitaine pirate se félicita silencieusement d'avoir recruté Moria Brittania. Premier membre de l'équipage de Roy, Moria était un remarquable navigateur doublé s'un sniper virtuose. Présentement, il était placé tellement loin pour que les gens présents dans la rue ne pouvaient même pas entendre le bruit provoqué par ses tirs, sans même parler de repérer sa position. Et malgré la distance, sa précision restait mortelle. Roy était impressionné.

 - Et vous qui êtes-vous ? apostropha-t-il l'étrange individu. Je ne me souviens pas avoir vu votre visage sur un avis de recherche, pourquoi êtes-vous poursuivi par la Marine ?


Dernière édition par Roy D. Aston le Mar 2 Jan 2018 - 1:47, édité 5 fois
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Autant se rendre à l'évidence, ce coup-ci, la fuite était compromise, faute à un tireur embusqué que le toubib avait d'abord pensé du côté de la Marine. Visiblement, il n'en était rien, le bonhomme était vraisemblablement du côté de ces types, nouveaux venus, qui venaient d'enlever l'officier en charge de sa poursuite, sous les yeux hébétés et impuissants de ses hommes ligotés. Dans un sens il s'en retrouvait soulagé, il n'était certes coupable de rien, si ce n'est de légitime défense, mais dans l'atmosphère pesante et actuelle de l'île, il ne préférait pas prendre le risque d'être foutu en taule pour si peu.

D'un autre côté, il avait maintenant affaire à une tout autre engeance, des plus étrange, une bande d'Hommes-poissons dirigée par un humain. Jeune homme au teint hâlé et aux traits autoritaires, armé comme un soldat. Mais ce qui intriguait encore plus le docteur, c'était ce tireur qui l'empêchait de s'escamper. Aussi se mit-il à examiner la zone alentour, bien décidé à trouver l'emplacement du sniper, ignorant totalement la question qui lui avait été posée. Rien à faire, il était invisible. Face à cette ostracisation involontaire, le jeune homme commençait doucement à s'impatienter. Aussi, comme pour interpeller son interlocuteur, le rappeler de sa présence, il fit un signe de main au devant des lunettes du binoclard qui fut aussitôt rappelé à l'ordre.

"Pardon, vous disiez ?" demanda poliment le médecin.

Que lui voulait donc cet individu ? Était-ce une nouvelle menace ou, au contraire son salut vers une escapade heureuse ? Il ne semblait avoir pour cible que la marine, il s'agissait probablement là, d'une action liée à ces sordides histoires de gangs. Sans doute le laisserait-il filer après avoir satisfait sa curiosité.

"Qu'avez-vous fait, pour être ainsi recherché par la marine ?" répondit l'homme, reprenant son calme.

"Rien de bien intéressant, je me suis retrouvé impliqué dans une bagarre de rue et on a voulu m'arrêter. L'histoire bête", après une courte pause à triturer son boulon et constatant que son interlocuteur ne semblait pas pleinement satisfait de cette réponse, il  reprit "Je devais embarquer sur un navire comme médecin de bord ... C'est sans doute trop tard, ils ont dû quitter le port maintenant !" finit-il par conclure comme s'adressant à lui même.

Le jeune homme qui lui faisait face, afficha soudainement un large et mystérieux sourire, faisant au passage totalement disparaître l'expression sévère de son visage. Il avait une idée nouvelle en tête, trottant fièrement dans son crâne, mais il semblait encore avoir besoin de quelques précisions et pour combler ces manques, il se mit à questionner Mochi, sorte d'interrogatoire.

"Vous savez vous battre ?"

"Oui ..."

"La piraterie, ça vous fait peur ?"


Le toubib avait toujours assimilé piraterie et liberté et la liberté, il en rêvait. Bourlinguer de mers en océans, d'îlots en continents, explorant le monde, tout ce à quoi il aspirait. Il avait même été dans un équipage pirate auparavant, mais il n'avait pas été satisfait de son capitaine et de ses suivants,  qui se préoccupaient plus de pillage et de viol que d'aventure à proprement parler.

"J'ai été dans un équipage pirate une fois et ..."

Le jeune homme se mit à rire, satisfait de cette réponse, interrompant au passage le toubib.

"Je suis capitaine d'un navire pirate ! Et je vous ... Hmm ... Vous permettez qu'on se tutoie ? Histoire de simplifier les choses ?"  demanda t-il, et comme le toubib, d'un signe de tête, répondit favorablement à cette requête, il reprit sur un ton triomphant "Je te veux dans mon équipage !"

Proposition spontanée et insoupçonnée. Ça lui tombait comme ça, net, en pleine poire, difficile à esquiver. Offre idoine, maintenant qu'il n'avait plus de navire où officier. Mais ce genre de décision ne se prenait pas à la légère. Entre l'offre d'un honnête marchand et celle d'un pirate, y avait de la marge. S'élançant à la réflexion, se torturant le ciboulot, il retourna la question dans tous les sens. Mais le capitaine en face de lui ne voulait pas s'éterniser ici, évidemment, il avait un plan, des choses à faire, il n'avait pas fait tout ça au hasard et il devait foutre le camp, pas le temps de lambiner. Ne se doutant pas que, faute à une grave blessure, le cerveau du toubib marchait au ralenti. Quoi qu'il marcha quand même fort bien, largement mieux même que la moyenne, mais au ralenti. Le jeune capitaine le mit au pied du mûr.

"T'as pas vraiment le choix ! Tu me rejoins et tu t'échappes tout de suite, ou tu t'obstines et tu restes ici, aux mains de tout ce qui reste de la Marine. Et crois moi, ils sont beaucoup dans le coin, d'autant qu'ils auront été alertés par tout le vacarme qu'on a causé ! Et puis surtout, j'ai besoin d'un médecin à bord."


Présenté sous cet angle, il semblait n'avoir qu'une seule porte ouverte, seule échappatoire. Sans doute pas la seule en réalité, c'était surtout sa manière de limiter ses choix. Certes, il pourrait choisir de se faire la malle tout seul, mais il n'avait probablement plus de navire à rejoindre et il risquait fort de se faire coincer, d'autant que son portrait était facile à établir. A grand renfort d'escargophone, toute la marine de Las camp, devait avoir eu des échos, des bribes de descriptions physiques. Et même après avoir troqué blouse et lunettes, son boulon, signature irremplaçable, finirait par le trahir. Et son innocence ? Il pourrait toujours la plaider, mais pas sûr qu'on l'écoute, surtout avec tout ce remue ménage. La marine avait tout intérêt à le mettre aux fers, plutôt que de passer pour une armée de zigotos. Dans tous les cas, il lui fallait des garanties, tant pis, pas le temps de demander, le temps pressait, il ne lui fallait rien de plus que d'observer le regard pressant du jeune pirate pour le ressentir. Après tout il n'avait rien à perdre et il avait eu une première impression plutôt positive du flibustier qui lui faisait face, autant lui faire confiance.

"J'accepte, enfin je viens avec toi ... Mais ! Mais ! Mais ça veut pas dire que je rejoins ton équipage, pigé ? On verra à l'usure si ça colle, ok ? Sinon, je te rendrais juste la pareille pour m'avoir sorti de là et après je disparais !"


"Vendu ! Au fait, je m'appelle Roy !" déclara le capitaine en souriant, "Roy D. Aston !", conclut-il, tendant sa main.

Roy D. Aston ? Mochi avait entendu ce nom là une fois, tout récemment, un jeune gars à la tête primée, à l'origine des troubles de Las camp. Il l'avait entendu de la bouche Lumard. Où était-il d'ailleurs celui là ?

"Mochi", répondit le médecin, serrant la main qui lui avait été tendu, "Enchanté !"

L'affaire était conclue. Mais le toubib n'oubliait pas ce qui avait été dit, s'il n'était pas satisfait, il quitterait le navire et à la nage s'il le fallait. Poignée de main terminée, les deux pirates s'en retournèrent vers les Hommes-poissons et leurs prisonniers.

"Bon, on y va les gars !"

"Un instant !" l’interrompit le toubib, remarquant la présence de Lumard, "Embarque-le avec nous" dit-il, pointant du doigt son ami d'enfance.

Constatant qu'il était ciblé par la main inquisitrice de Mochi, le lieutenant fut pris de panique, se débattant dans ses cordes comme pour signifier sa désapprobation, sans savoir de quoi il pouvait bien en retourner. Marmonnant, le toubib et le capitaine étaient trop loin pour entendre sa complainte.

"Pourquoi faire ?" demanda le jeune homme qui ne comprenait pas.

Bonne question, c'était plus ou moins un caprice. Depuis qu'il l'avait retrouvé, il allait d'emmerdes en emmerdes. Pourquoi pas une dernière ? Pour la route ? Et puis Roy avait déjà kidnappé un officier, un de plus un de moins, officier subalterne qui plus est, ça passerait inaperçu, il pourrait même lui trouver une utilité. Si seulement le toubib connaissait le plan du capitaine, il lui en trouverait une d'utilité. Cherchant une justification, il n'en trouvait pas, non c'était juste un caprice, comme s'il ne voulait pas priver Lumard, qu'il détestait autant qu'il affectionnait, d'une dernière aventure côte à côte.

"C'est un ami d'enfance, je suis sûr qu'il pourra t'aider !"

Roy ne semblait pas franchement convaincu, le toubib qui n'avait pas d'argument vraiment solide afficha une moue boudeuse.

"C'est un officier lui aussi" annonça Mochi, comme si ce simple fait pouvait être déterminent.

Le capitaine soupira et donna l'ordre qu'il soit, lui aussi, embringuer. Le poisson le plus proche l'attrapa et sans sourciller, plongea dans les eaux froides du canal. Roy se retourna vers le boulonné, affichant un sourire amusé.

"A toi l'honneur" dit-il.

Sans crier gare, il poussa le boulonné à la flotte. La chute. Glacée. A peine fut-il à l'eau, qu'il aperçut tout un tas d'Hommes-poissons prêt au départ, comme le toubib se mit à nager dans leurs directions, ils se mirent à rire et l'un d'entre eux, face de seiche, flippante et visqueuse, vint attraper le pirate, l'entraînant à vitesse ahurissante, ils s'engouffrèrent dans les profondeurs marines. Bientôt ils arrivèrent au fond de la mer, un trou, une grotte, d'abord englouties sous les eaux, puis enfin, de l'air. Le toubib, fumeur invétéré, a peine sortit de l'eau, aspira un grand bol d'oxygène, à plein poumon. Reprenant son souffle par interlude saccadé comme s'il n'avait pas goûté aux joies vitales de la respiration depuis des lustres. Heureusement qu'il avait été accompagné d'un Homme-poisson, sans quoi, il n'aurait pas pu nager jusque là. Atteignant ses limites bien avant son objectif, il serait remonté, vaincu, à la surface. Il ne put le remercier, tant il avait du mal à reprendre son souffle.

Sortant de l'eau, il découvrit les grottes, étonnamment lumineuses dans lesquelles vivaient les Hommes-poissons. Aménagées comme il se doit.  Le bruit de l'eau ruisselante venant ajouté au tout, une once de sérénité. Lénifiante. Les Hommes-poissons, tour à tour sortirent de l'eau et à ses côtés, Mochi remarqua la présence de Lumard, toujours ligoté et bâillonné ainsi que le Lieutenant-colonel Sozen, cible privilégiée de toute l'opération. Avachi au sol, littéralement lessivé, il semblait avoir mal supporté le voyage. Suivirent Roy, accompagné par une charmante femme-poisson et un autre gars à lunette conduit quand à lui par un énorme requin, mastodonte au nez aplati.
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Chez les poissons

Tenko Sozen, Mochi, Roy D. Aston

Les yeux grand ouverts dans un premier temps, Tenko sentait son corps se vider intégralement de ses forces alors que les Hommes-Poissons l'entraînaient vers les profondeurs. Ne sachant pas le but de la manœuvre, son esprit ne lui permettait de toute manière pas d'y réfléchir. Ses paupières commencèrent alors à se faire lourdes alors qu'il pouvait presque sentir son énergie se disperser dans l'eau autour de lui. La légende n'en était pas une, sa plus grande faiblesse restait le milieu marin. Et les balles. D'un seul coup, il sentit sa tête qui crevait la surface de l'eau. L'altercation d'en haut n'avait durée qu'un instant et la colère l'avait laissé sans aucune possibilité. Quelques instants à peine après qu'il fut agenouillé et ligoté, son subordonné fit son apparition, précédant lui même de peu le gros de la bande de malfrats. Le lieutenant-colonel jeta un regard en coin à l'officier subalterne. La prochaine fois, coffrez-le d'emblée. S'il y a une prochaine fois. Le regard de la mouette n'avait pas pu être plus expressif. La fatigue engendrée par sa plongée commençait à se dissiper et il regardait ses liens de cordes avec un sourire dissimulé. Les brigands n'auraient pas pu se bercer de plus d'illusions. Une voix familière se fit entendre derrière lui alors que l'ensemble des forces de leur opération surprise s'étaient rassemblées.

"Tu vois que c'était pas si difficile!"

"Effectivement, mais c'est étonnant qu'il n'ait pas montré plus de résistance que ça... Il est pas mal réputé ce mec, Roy..."

Les poignets du soldat se dessoudèrent de son corps et il attrapa la corde de ses mains toujours faibles pour éviter d'attirer l'attention. Il les passa dans les liens qui avaient perdu toute utilité. Le capitaine pirate se rapprocha de l'officier supérieure qui restait silencieux. La présence de son ami de longue date sur l'île lui avait fait se poser des questions pour lesquelles il attendait des réponses. Le bédouin se plaça face à lui et lui attrapa les épaules dans une accolade amicale. Tenko ne changez pas son expression froide en prenant la parole.

"C'est quoi tout ce bordel, Roy? La dernière fois que je t'ai vu j'avais pas quinze motifs d'emprisonnement à ton encontre."

Le pirate mit un certain temps à répondre, alors qu'un silence gênant venait de s'installer. Les retrouvailles n'étaient pas aussi joyeuses qu'ils avaient pu l'espérer. L'enlèvement d'un officier n'était d'ailleurs jamais la meilleure manière de célèbres son amitié avec lui. La réponse du jeune homme finit néanmoins par arriver.

"Des choses ont... changées. Mais je suis resté le même homme."

"Avec une prime sur ta tête."

Habu Jackson s'avança alors que son partenaire avait du mal à faire progresser le débat. C'était un homme-requin de belle taille et qui s'imposait naturellement comme une figure d'autorité au milieu de ses pairs. Malgré son regard qui ne laissait pas transparaître une folle assurance. Il se pencha vers Tenko pour chuchoter quelque chose à son oreille.

"Lieutenant-Colonel, nous avons une requête, nous aimerions trouver un accord..."

"Je ne marche pas. La Marine ne s'alliera pas avec des criminels, sous aucun prétexte."

Les choses étaient pour ainsi dire posées. Le jeune soldat n'avait absolument pas envie de négocier avec les membres du gang, et l'aurait-il voulu qu'il n'en aurait pas eu la possibilité. Il n'avait pas autorité sur des décisions de ce genre malgré son grade. Matheson était responsable de l'île et lui seul pouvait véritablement indiquer la marche à suivre de manière officielle. Les sbires du gang avaient beau ne pas avoir entendu la conversation qui venait d'avoir lieu, ils comprirent que la situation se tendait. Leur présumé chef fit un geste de la main et quatre poissons se rapprochèrent de l'officier. Ils l'encadrèrent et se saisirent de lui. Roy pensa donner le dernier mot.

"Il faut que tu nous écoutes... Emmenez-le dans le bureau."

Le jeune officier lâcha un grand sourire et parcourut quelques mètre avant de laisser tomber ses liens au sol. Il tira l'épée de la ceinture du garde devant lui et envoya son coude dans le visage de l'homme derrière lui avant d'écraser le pommeau de l'arme dans le visage du second. La carpe désarmée se retourna pour être propulsée par le plat du pied de l'officier dans des tonneaux qui traînaient là. Le quatrième tira son arme avant d'être rapidement désarmé. Tenko attrapa rapidement une femme-poisson violette qui se trouvait là et recula avant de menacer l'auditoire en plaçant sa lame sous la gorge de la jeune femme, se plaçant lui même dos à un mur.

"Je suis presque sûr d'avoir déjà vu son visage sur les candidats aux primes de l'île. Je suis en position de force maintenant, alors vous allez gentiment lâcher vos armes et libérer le Lieutenant Lumard."

Sous les yeux effarés de leur meneur, les autres sbires s'empressèrent de relâcher le jeune officier subalterne. Mais alors que Tenko gardait son regard rivé sur la scène, il ne vit pas arriver le coup de coude qui le plia en deux sous la douleur. Son otage s'enfuyait avec sa seule chance de s'échapper. Il avisa rapidement la porte qui restait son seul moyen de sortir début Las pièce, quitte à s'enfoncer dans le dédale. Il saisit sa chance alors que Roy luttait contre les hommes-poisson sur pour qu'ils ne tirent pas sur le jeune soldat en fuite. Peut-être était-il sincère en affirmant de n'avoir pas changé? Il s'engouffra dans le couloir sans prendre le temps d'y réfléchir... pour faire face à une escouades de poissons armés de fusils, prêts à le trouer au moindre mouvement.

"Et si vous me faisiez faire le tour du propriétaire?"

L'officier était visiblement coincé.

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Après avoir apaisé le lieutenant-colonel déboussolé, la petite clique s'était rendu dans la spacieuse salle qui servait de bureau au chef de la Famille Jackson. Ce dernier avait dispersé ses troupes immédiatement après la "reddition" du marine, ne voulant pas oppresser ses hôtes déjà bien énervés. À présent, ils conversaient à huis clos, jouant l'avenir du gang d'hommes-poissons et de la marine à Las Camp.

Agité, Tenko Sozen tournait comme un lion en cage, délesté de ses armes par mesure de précaution. Devant lui, assis à une table se trouvait Roy, encadré de deux de ses membres d'équipage : Moria Brittania son second et Lily sa comptable. Habu Jackson observait la scène adossé à un mur, écoutant silencieusement les tentatives répétées du capitaine pirate d'apaiser son ancien compagnon d'armes. Le docteur Mochi était également de la partie, ayant simplement suivi le mouvement de ses ravisseurs qui, trop occupés par l'affaire en cours, avaient omis de lui prêter attention. Le lieutenant Lionel Lumard en revanche n'avait pas été convié, ce projet d'alliance devant rester inconnu du soldat moyen. Il avait été attaché quelque part dans le complexe et oublié.

 - Attend Tenko, expliquait Roy, ne te méprend pas. Ce n'est pas moi qui cherche l'aide de la Marine, c'est la Marine qui a besoin de mon aide et moi qui consens à la lui offrir, qu'on mette bien les choses au clair.

L'officier lui jeta un regard féroce, n'appréciant pas du tout le point de vue du pirate. Etudiant calmement les yeux de son ami, le jeune homme eut l'étrange impression que Tenko était prêt à tous les abattre ici et maintenant et que seul l'idée d'être bloqué à tout jamais dans cette grotte le retenait. C'était étrange. Dans son souvenir, l'homme combattait avec une épée et des armes à feu, or il était complètement désarmé dans le cas présent, son sabre reposant à la ceinture du jeune capitaine. Qu'est-ce qui lui donnait cette assurance dans le regard, comme s'il possédait toutes les cartes du jeu sans que Roy ne soit au courant ?

 - T'es bien arrogant, pirate, cracha le marine. J'arrive sur Las Camp avec deux cents hommes pour renforcer la 480ème, on a déjà commencé à sécuriser les quartiers chauds de la ville et on a mis des centaines de malfrats derrière les barreaux. Le reste de la ville suivra.

 - Vous n'arriverez pas à nettoyer Last End, énonça platement ledit pirate en réponse.

Cela lui valu un nouveau regard mauvais de la part de son ami, mais le venin dans ses yeux se dilua en constatant que toutes les personnes présente dans la salle rejoignaient le jeune homme sur ce coup. Même l'inconnu dénommé Mochi avait automatiquement hoché la tête.

 - Vous avez échoué à Las Camp Tenko, continua implacablement le capitaine. Moria ici présent n'était qu'à quelques jours du pilori quand je l'ai fait évader, lâcha-t-il en désignant son second, lequel foudroya le militaire du regard. La Marine l'avait jeté en prison sans prendre la peine de lui faire un procès, continua-t-il. Tout ce qu'il a fait a été de se mettre une bande de gangsters à dos, et ces derniers n'ont eu qu'à claquer des doigts pour le faire éliminer.

 - Les triades sont toute-puissante à Las Camp, confirma Habu Jackson un peu plus loin. De nombreux fonctionnaires du gouvernement leur mangent dans la main et rendent Matheson complètement impuissant.

 - Ah, et donc la solution à la corruption serait de m'allier à un pirate ? ricana Tenko Sozen. Entendons-nous bien : il est hors de question que je m'associe...

 - Quinze motifs d'emprisonnement c'est ça ? le coupa Roy, reprenant les mots de son ami. La vérité Tenko, c'est que cette prime qui te dérange tant, je l'ai obtenu en sauvant un innocent du billot.

 - Qu'est-ce que tu racontes ?

 - J'ai fait sortir Moria de prison, lâcha le jeune homme d'un air triomphant, ce qui m'a valu une prime de seize millions cinq cent mille berrys.

 - Arrête de me prendre pour une bille Roy, rétorqua immédiatement l'officier qui n'était pas né de la dernière pluie, j'ai faits mes devoirs en arrivant à Las Camp. Je suis navré pour monsieur Brittania, fit-il en s'excusant auprès du pirate d'un signe de tête, mais tu as également libéré Habu Jackson, continua-t-il en revenant à Roy, qui étrangement se trouve maintenant être le chef du Gang des hommes-poissons. Et tu as également déclenché une émeute dans la prison, creusé des trous dans les murs du complexe, tué des détenus et des gardes. Comment tu justifies ça ?

 - Le chef de la Famille Jackson, le corrigea timidement l'homme-poisson en levant un doigt palmé, s'attirant un regard mauvais de la part du marine.

Mais ce dernier marquait un point. Le silence s'intstalla dans la pièce, le jeune capitaine ne sachant pas comment répondre à la tirade du marine. Il étudia le visage franc et profondément peiné du lieutenant-colonel. Par-dessus la colère, le pirate y lisait l'incompréhension, le désarroi de découvrir qu'un homme autrefois noble et droit, un ami, avait basculé du côté obscur de la loi. Comment lui expliquer qu'il était destiné à devenir un criminel ? Comment aurait-il pu lui révéler qu'il avait tué des agents du Cipher Pol ? Que cela faisait de lui un ennemi mortel du Gouvernement Mondial, un ennemi mortel de Tenko ?

Il décida d'ignorer cet état de fait. Plutôt que de faire appel à la raison et la logique, Roy devait prouver à son compagnon d'armes qu'il était toujours le même, malgré son nouveau statut de criminel.

 - Ecoute, lâcha-t-il finalement, je ne nie pas être un pirate primé, mais tu trouveras intéressant d'apprendre que je suis également recherché par les gangsters et ils sont prêts à payer plus cher que la Marine pour en finir avec moi.

Lily fit un large détour pour contourner le lieutenant-colonel - quelques instants auparavant il menaçait quand même de lui couper la gorge - et tendit un papier au jeune capitaine. Ce dernier le déplia avant de le tendre à Tenko, qui l'attrapa avec des yeux circonspects. Etudiant le document, le marine découvrit un avis de recherche de vingt millions de berrys. Au-dessus des chiffres se trouvait le visage de son compagnon d'arme déchu, surmonté du logo de la Guilde des Usuriers.

Relevant les yeux, le militaire croisa le regard de Roy.

 - Fais-moi confiance, l'enjoignit celui-ci, les yeux emplis de gravité.

Tenko sembla pondérer ses options. Etudiant le visage du pirate, effectuant des allers-retours entre l'homme et son avis de recherche, il cherchait la sincérité derrière ses pupilles qui ne cillaient pas.

 - D'accord, soupira finalement l'officier au soulagement des personnes en présence, parle-moi de ce plan alors. Le but final est de détruire les triades, les Lunes de Las Camp, c'est ça ?



Toujours dans le bureau d'Habu Jackson, la discussion allait maintenant bon train. Tenko avait plus ou moins accepté l'idée d'une alliance officieuse entre la Famille Jackson et la 480ème division. Les pirates lui avaient expliqué leur stratagème pour contacter Matheson et le convaincre à son tour de leur faire confiance. Pour cela, ils allaient avoir besoin de l'aide du lieutenant-colonel, le hic étant de pouvoir bénéficier de cette aide sans faire risquer sa place à l'officier. En effet, au moindre soupçon de copinages avec des criminels, le marine risquait de se retrouver à récurer les chiottes jusqu'à sa retraite. Roy avait fait en sorte de limiter les risques au maximum pour son ami.

 - Il nous faudra rester en contact, énonçait le jeune capitaine, notre coordination devra être parfaite pour que ton coup d'escargophone arrive au même moment que notre entrevue avec Matheson.

 - À ce compte-là il faudra que je fasse la demande d'un Den Den Blanc, nota pensivement Tenko, je ne peux pas risquer d'être surpris à l'escargophone avec un pirate ou un gangster...

 - Ça va prendre du temps pour t'en procurer un ? demanda Moria en retrait.

 - L'affaire de quelques jours, le rassura Tenko. Ça me laissera le temps de monter mon opération pour capturer la Reine des Cendres, ajouta-t-il, parlant d'une tueuse à gages folle furieuse qu'il traquait depuis son arrivée sur l'île. Je vous contacterais dès que tout sera prêt. Tu es sûr des informations contenues dans ce carnet ?

Hochant la tête, Roy sortit le journal de Shifumi, la chef de la Guilde des Usuriers de Las Camp. Ce document inestimable lui avait déjà bien servi, bourré à ras bords d'informations sur l'île et sur les magouilles de la guilde. Etant donné cette dernière avait des ramifications dans tout ce qui se faisait de vicelard à Las Camp, autant dire que le carnet contenait des informations sur toute la ville.

Admirant le petit journal plein de merveilles en rêvassant, Roy se reprit rapidement et en déchira brutalement les quelques pages contenant les informations qui aideraient Tenko dans sa traque.

 - Tiens, fit-il en tendant les morceaux de papier au marine, et n'oublie pas de raconter partout que tu me les as arraché en t'enfuyant. Tes collègues ne doivent pas avoir le moindre soupçon à ton encontre. C'est vital et pour l'opération, et pour toi.

Le lieutenant-colonel hocha la tête en rangeant les précieuses pages dans un compartiment hermétique, qu'il rangea dans son manteau d'officier.

 - En revanche, le jour J je serais occupé avec la capture de cette fichue reine-tueuse à gages, Mura Folion. Du coup ça va être compliqué de gérer ça, et de vous aider en plus à vous infiltrer dans la caserne, expliqua-t-il ensuite.

Un petit silence s'installa dans la salle. Roy sembla réfléchir à une alternative pour pallier ce problème inattendu, son entourage attendant silencieusement que le jeune capitaine parvienne à une solution... mais le silence s'éternisa.

 - Aaaaaargh ! s'écria-t-il soudainement après de longues secondes, faisant sursauter l'assistance. Ça me gonfle ! Je n'ai pas pris la mer pour m'embêter avec des histoires pareilles ! rajouta-t-il ensuite en croisant les bras avant de se mettre à bouder.

 - Et moi j'ai rejoint ton équipage pour m'occuper de la comptabilité, réagit la femme-poisson au quart de tour, pas pour faire le taxi. Et en plus j'ai failli me faire embrocher par un marine zélé il y a quelques heures à peine, tu parles d'une déconvenue.

 - Bon tu ne vas pas remettre ça sur le tapis Lily, se plaignit le pirate, je me suis déjà excusé, ça ne se reproduira plus, promis.

 - Roy, le plus difficile est encore à venir, intervint Habu, il faut absolument régler ce point avant de relâcher Tenko au-dehors.

 - Arrête de te plaindre et va au bout de ce que tu as commencé, rajouta impitoyablement Moria, ou je plaque ton équipage pour aller monter un stand de churros avec Kusaki.

 - Vous êtes tous virés..., grogna le jeune capitaine dans sa barbe.

 - Lionel Lumard pourrait s'en charger, lâcha soudain une voix quelques mètres en arrière.

Tous se retournèrent pour découvrir le dénommé Mochi, qui écoutait depuis le début sans se faire remarquer.


Dernière édition par Roy D. Aston le Lun 25 Déc 2017 - 21:43, édité 6 fois
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"Le lieutenant Lumard ?" interrogea le lieutenant-colonel, "Un homme intègre comme lui ! Laissez le donc en dehors de ça !" dit-il, comme s'il refusait de voir l'un de ses subordonnés se corrompre dans cette affaire.


Lumard ? Un homme intègre ? Il était loin le gosse de rue qui s'amusait à balancer ses crottes de nez dans la pâte à pain de la vieille madame Simone, boulangère de son état et qui se régalait  à observer les clients qui se précipitaient et se bousculaient devant son petit stand ambulant ... Hmmm, délicieux vos petits pains madame Simone ! Quel est donc votre secret madame Simone ? Qu'est-ce qui donne ce goût si particulier et si exquis ? Quoi, vous ne voulez pas le dire ? Ah vous êtes êtes aussi mystérieuse que géniale madame Simone. Se remémorant la scène, Mochi afficha un sourire amusé, qui passa bien inaperçu.

"Allons, monsieur l'officier, pas la peine de se formaliser, le Lieutenant Lumard n'est pas du genre à balancer, croyez en mon expérience." répondit Mochi pour le rassurer, mais il ne rétorqua pas, préférant rester silencieux.

Le toubib, s'il était resté en retrait, n'avait pas raté une seule miette de tout ce qui s'était dit. L'affaire semblait honnête, Lumard, qui se considérait avant tout comme un homme de bien, épée de justice et de lumières, -selon ses propres termes, démesurés- accepterait probablement. Et ce plan, serait, à long terme, fort profitable pour Las camp. C'est d'ailleurs pour cette raison que le lieutenant-colonel y avait adhéré. Comme lui, Lumard approuverait la démarche, quitte à se salir les mains, quitte à s'allier avec les pires margoulins. Il l'avait déjà fait, il serait à même de le refaire. Et ils avaient intérêt à l'embrigader, après tout il était sur place depuis un bout de temps. Plus de mille fois, il avait dû arpenter les couloirs étriqués de la base Marine. Plus de mille fois, il avait dû emprunter la porte qui menait au bureau de son supérieur, sans qu'on ne lui demanda de montrer patte blanche.

"Tu sembles bien le connaître, on peut lui faire confiance ?" demanda le jeune capitaine.

"Oui" répondit Mochi sans une once de doute dans la voix, avant de reprendre "En plus, si j'ai bien compris, le lieutenant-colonel n'est pas du coin" dit-il, jetant un coup d’œil vif à l'officier, "Lumard est affecté ici depuis plus d'un an, il connaît la base comme le fond de sa poche et il pourrait même nous faire éviter le gros des patrouilles."

Silence dans la salle, silence d'approbation, sous un air de soulagement, la proposition semblait avoir convaincue.
Roy D.Aston demanda à ce que l'officier soit amené. Habu Jackson ouvrit la porte, interpella l'un de ses subalternes et demanda à ce que soit amené le dit Lumard. Quelques secondes après, il fut jeté là, littéralement, toujours ligoté, au milieu du petit groupe qui l'examinait, cherchant à évaluer le bonhomme, comme pour jauger s'il était ou non, digne de confiance. Comme tous les regards étaient braqués sur le petit lieutenant aux cheveux argentés, ce dernier se sentit quelque peu harcelé et prit la parole en premier.

"Ben quoi ? Lieutenant-Colonel Sozen ? Pouvez-vous m'expliquer ? Mochi, c'est quoi cette foutue histoire encore, qu'est-ce que je fais ici ?" dit-il, parlant à vive allure, ne masquant pas le moins du monde son anxiété.

"T'occupes, on va t'expliquer" dit le médecin sur un ton qui se voulait apaisant, avant de tendre nonchalamment sa main vers Roy, comme pour l'introduire, lui laissant le plaisir de développer son propos.  

Le pirate reprit donc ses explications, mais ce coup-ci, resta évasif sur bien des points. Visiblement, il ne souhaitait pas que lieutenant en sache trop, sans doute ne lui faisait-il pas pleinement confiance, ou alors, il estimait ne pas avoir à tout lui révéler. Et il avait bien raison, Lumard jouerait un rôle aussi essentiel que marginal et, dans sa position, il n'avait nul besoin d'en savoir plus. Sozen, de temps à autre, opinait comme pour confirmer le tout, histoire de rassurer son subalterne dans la démarche proposée. Quand le plan fut entièrement dévoilé, Lionel se mit à réfléchir, balançant sa tête de droite à gauche et de gauche à droite, toujours lié qu'il était, il était semblable à une sphère désireuse de rouler à ne plus pouvoir s'arrêter, mais qu'une énigme de la physique venait brider.

"Donc tout ce que j'ai à faire, c'est vous conduire jusqu'au Colonel Matheson ?" demanda t-il.

"On travaillera à une mise en scène pour que vous n'ayez pas l'air d'être de notre côté, il faudra que vous paraissiez aux yeux de Matheson comme un otage."

Lumard se remit à réfléchir, quelque chose le turlupinait encore et il ne semblait pas vouloir accoucher des pensées ténébreuses qui lui traversaient le cigare. Mochi crut les deviner, son ami ne trouvait pas son compte dans l'histoire. Pas son compte personnel en tout cas. Certes toutes ces manœuvres seraient, dans un sens, payantes pour la Marine, mais lui ? Lui, passerait  pour un pauvre nase, bon à rien, si ce n'est, se faire coincer et manipuler par une bande de voyous, alors que tous les autres ici présent s'en sortiraient avec les honneurs, même Tenko Sozen. Sans doute, cette simple pensée, idée fixe, obsession d'une ambition personnelle qui venait obscurcir le tableau, le bloquait.

"Alors ?" demanda Moria Brittania, impatient.

"Il veut juste sa part du gâteau ..." répliqua Mochi, soupirant.

Lumard détourna le regard, honteux d'avoir été ainsi mis à nu, surtout devant son officier supérieur, qui semblait, jusque là avoir une bonne image de lui et, il n'osa rien ajouter. Et par la même, il venait confirmer la déclaration du docteur. Somme toute, la nature humaine était bien simple à comprendre.

"On a des fonds suffisant, si vous nous aidez, vous serez grassement récompensé" répondit Habu Jackson sur un ton à mi-chemin entre l'amusement et le dédain.

Mais mesurant la requête du Lieutenant à l'aune de critères purement pécuniaires, le chef des Hommes-poissons faisait fausse route. Lionel Lumard n'était pas du genre à se coucher devant un petit pécule, c'était le désir de gloire qui animait sa retenue. Et comme pour indiquer cela, muet, ses lèvres restèrent clauses. Le toubib s'il saisit aussitôt les ambitions de Lumard, n'avait rien à lui proposer, il n'était d'ailleurs pas en mesure de suggérer quoi que ce soit, étant donné qu'il n'en savait guère plus sur l'affaire. Alors, Roy se saisit du livre et le brandit devant son visage.

"Voilà le journal de Shifumi, à la tête de la guilde des usuriers de Las camp. Comme vous pouvez le deviner, il y a là dedans des informations sur plus ou moins tout ce qui se trafique sur l'île. Avec des noms, beaucoup de noms et des preuves, beaucoup de preuves. Si vous nous aidez, je vous le donnerais et vous pourrez retourner, triomphant vers votre supérieur"
déclara le capitaine, sourire aux lèvres, avant de reprendre "Qu'en dites-vous ?"

Offre alléchante. Livre en main, il n'apparaîtrait plus comme un looser, mais serait accueilli en grandes pompes.

"J'accepte" répondit-il mollement, "Mais j'émets encore quelques conditions !"

"Lesquelles ?" demanda le médecin que la scène commençait à agacer lentement.

"Premièrement, pas de sang, je ne veux pas un seul mort du côté de la marine. Deuxièmement ... enfin ça découle du premier mais bon, deuxièmement, on se déguise, je veux pas d'émeutes, on passera plus discrètement ! Et plus discret on sera, mieux ce sera pour tout le monde."

"On avisera des moyens plus tard, il y a un troisièmement j'imagine ?" demanda Aston.

"Oui, dans tous les cas, je veux qu'il vienne"
conclut-il, désignant Mochi du bout du menton.

"Pourquoi donc ?"


"Je ne vous fais pas confiance à vous autres, s'il est là, au moins je suis sûr de ne pas finir avec une balle dans la caboche"

Le capitaine paraissait d'accord, les conditions seraient acceptées. Une fois de plus, le binoclard se retrouvait impliqué contre son gré, dans des histoires qui ne le regardait pas. Peut-être un peu, de loin, après tout, il devait une fière chandelle à Roy pour l'avoir sorti de sa course poursuite, aussi, il ne dit rien, conscient qu'il en devait une au capitaine.

L'affaire était donc entendue, Habu Jackson délivra le marine de ses liens. Heureux de sa libération et désireux de se soulager des fourmis qui le démangeaient jusqu'alors, il étira bras et jambes en se laissant tomber à la renverse. De leurs côtés, Roy, Tenko et Habu discutèrent des derniers détails de l'affaire et le lieutenant-colonel Sozen fut congédié. Le toubib qui s'était désintéressé de ces négociations finales s'était éclipsé dans son coin, visitant en solitaire les merveilleuses grottes des Hommes-poissons. L'exécution du plan n'était pas prévu pour tout de suite, il avait donc un peu de temps devant lui pour glandouiller.
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Mise en place

Tenko Sozen

La nuit avait pris place au dessus de l'île en état de guerre. Droit sur ses deux jambes, l'eau de la rivière finissant de ruisseler de son manteau d'officier, son regard plongé dans l'étude des défenses de cette portion de la ville. Tenko se tenait encore sur la berge d'où il avait été enlevé, n'ayant pas bougé depuis qu'on l'avait ramené à la surface. Entre ses mains, ce bout de papier si précieux qui le mènerait tout droit vers sa proie. Mais avant ça, il lui fallait encore trouver un moyen d'entrer sans sonner l'alerte dans tout le quartier ennemi. Deux artères semblaient s'enfoncer dans le quartier sans loi et si personne ne semblait tenir la garde comme l'aurait fait des soldats, des embuscades devaient être tendues tout le long du chemin. Comme il l'avait présagé, il n'irait nulle part sans l'appui de ses hommes. Présomptueux étaient les officiers assez arrogants pour penser que leur seule puissance renversaient le cours de guerres. Un homme seul ne peut compter que sur la chance. Et si c'est un vent puissant, c'est aussi le seul à pouvoir se retourner aussi brusquement, au détriment de celui qui était porté jusqu'alors. Aussi, après cette courte réflexion, le lieutenant-colonel se dirigea vers son centre-opérationnel, à la surprise peut-être  de ceux qui l'avaient inclus dans un plan risqué.

De leur côté, les hommes qui avaient accompagné leur supérieur dans sa traque parlaient peu. Groupés autour d'un feu, ils ressassaient les évènements avec amertume. Ils avaient subi un revers humiliant en étant si facilement soumis par les Hommes-Poissons et ils ne comprenaient pas la capture de leur chef, si soudaine et inattendue. Tous avaient vu sa force au combat et pourtant c'était presque comme s'il s'était rendu.

"Je comprends pas... Comment il a pu se faire prendre?"

"Il les a à peine attaqués..."

"Il y a un truc qui cloche... Vous en dites quoi sergent?"

Otto Karm restait silencieux, fixant son assiette toujours remplie d'une nourriture déjà froide entre ses mains. Cet échec pesait de tout son poids insoutenable sur ses épaules. C'était qui lui qui s'était retrouvé en charge de la bonne conduite des opérations après la capture du Lieutenant Lumard dans la "bataille." Le sous-officier avait réussi à se libérer après d'intenses efforts et avait immédiatement plongé dans la rivière à la poursuite des assaillants. Mais son corps vieillissant ne lui permettait plus les prouesses d'antan. Alors il s'était démené pour quadriller le secteur avec sa section, des heures durant. Mais la nuit tombante l'avait poussé à se retirèrent et il avait commencé à réfléchir à une solution pour récupérer les gradés, quelqu'en fusse le prix.

"Tout ne tourne pas rond, en effet..."

Dans la nuit, des bruits de pas se firent entendre et les sentinelles réagirent prestement. Après Las avertissements, l'individu s'approcha de deux pas avant de s'immobiliser. La silhouette qui se dessinait était celle d'un homme de moyenne taille mais robuste. Le vieux Karm, tiré de son sommeil somme toute léger, s'avança derrière ceux qu'il avait posté en gardes et observa avant de parler. Il n'eut cependant pas le loisir d'interroger son interlocuteur car celui-ci déclina spontanément son identité.

"Lieutenant-colonel Sozen, commandant de la division Sozen du QG de West Blue."

"Avancez-vous dans la lumière!"

On était jamais assez prudent, surtout quand un homme disparu revenait tout soudainement. L'ennemi pouvait tout à faire ait envoyer un homme semblable faire diversion à un endroit pour frapper à un autre. Néanmoins tout les doutes de dissipèrent quand Tenko s'avança. On le fit rapidement rentrer et il n'eût pas à attendre avant de s'adresser à ses hommes. Leur moral avait été revigoré par sa seule apparition, mais il avait aussi un devoir: ne pas laisser la culpabilité d'un échec dans leur esprit.

"Soldats. Ce qui est arrivé aujourd'hui nous dépassait tous. Un embuscade tendue à un tel endroit était la dernière chose que nous pouvions attendre de notre ennemi. À voir vos têtes je devine la culpabilité qui vous ronge. Mais nous allons porter ensemble ce fardeau. La guerre vient juste de commencer messieurs!"

***

Le colonel Matheson dévisageait son subordonné, entré dans son bureau quelques instants plus tôt. Le vieil homme se trouvait vraiment perplexe face à cet officier qui avait été enlevé sous les yeux de ses hommes mais qui avait finalement reparu, presque comme par miracle. Une fois de plus, il voulut s'assurer de la tournure des évènements.

"Donc ils vous ont capturé et vous ont interrogés mais vous avez réussi à vous échapper et à revenir seul depuis une base jamais localisée auparavant par les différents commandants qui ont officié sur cette île?"

"Oui monsieur"

"Tout ça en prenant un homme-poissant en otage pour qu'il vous remonte à la surface?"

"Oui monsieur"

L'officier supérieur soupira et posa ses coudes sur la table et son front sur ses mains. Il avait passé le stade de l'indignation depuis un moment déjà. Au garde à vous devant lui, Tenko ne bougeait pas d'un cil malgré la fatigue intense qui le tenait. Il redoutait que le colonel ne change pas sa vision sceptique de la situation. C'est pour ça qu'il gardait un atout dans sa poche. Matheson se redressa et reprit la discussion.

"Honnêtement votre histoire semble tellement farfelue que je devrai vous boucler juste au cas où... Mais vous m'avez apporté votre aide au détriment de vos projets personnels et vous avez fait passer la sauvegarde de cette île avant tout depuis... J'ai conscience de vos capacités et de votre potentiel mais j'ai l'impression que c'était trop... facile? D'autant que vous revenez sans être capable de me dire dans quel pétrin s'est fourré Lumard. Je ne sais pas quoi vous dire, Sozen."

"Et bien il y a quelque chose qui pourrait témoigner de ma bonne foi, en dehors de ma connaissance de la position approximative de la base des Hommes-Poissons."

Le lieutenant-colonel tira un morceau de papier de sa poche et le posa délicatement sur le bureau de son supérieur. Celui-ci s'en saisit et jeta un coup d'oeil rapide à ce qui lui semblait être une page de journal. Après l'avoir lue trois fois au moins, il la reposa et planta son regard dans celui de son subalterne qui avait gardé le silence. Il finî par jurer avant de reprendre la conversation.

"Bon sang de bois! Si ce que vous avez pris est vrai, on pourrait anéantir les usuriers en un clin d'œil!"

Dans un geste audacieux, la jeune mouette posa ses mains sur le bureau, dominant provisoirement le colonel. Son atout avait l'air de fonctionner, mais il lui faudrait certainement argumenter avant de pouvoir agir de nouveau à sa guise. Il se racla discrètement la gorge et commença son argumentation.

"Colonel, nous avons l'occasion de frapper un grand coup mais nous devons le faire prudemment. Je pense que je suis le plus qualifié pour cette mission, mais je ne veux pas le faire sans votre appui, ce serait impensable. C'est pour ça qu'il va me falloir votre approbation et une autre chose que vous seul pourriez me fournir à présent."

"Vous me mettez encore dans une situation délicate Sozen... Si je vous en empêche je prends le risque de laisser filer Shifumi mais si jevous met sur la mission et que vous êtes compromis je perd l'île pour de bon..."

"Alors je vais vous donner une contre-partie. Avant mon retour la Division Sozen passera sous votre commandement direct. Nous communiquerons régulièrement, toutes les six heures, via cet escargophone. Si je viens à ne plus répondre, lancez l'assaut sur Last End et considérez moi comme un ennemi. Je n'opposerai pas de résistance."

Le vieil homme sembla réfléchir quelques instants avant de finalement ouvrir un tiroir et d'en sortir un escargophone blanc. Il me tendit vers le jeune officier mais ferma la main quand celui-ci essaya de le prendre.

"Une dernière chose. Croyez-bien que vous jouissez d'une telle liberté du fait de la situation. Si je n'avais pas cette impression que le temps est compté vous seriez déjà en route vers Whipéria, les chaînes autour des poignets et des chevilles. Si vous renversez la guerre en notre faveur, vous serez digne de respect pour votre abnégation. Ne l'oubliez pas."

Tenko acquiesça silencieusement et prit le petit dispositif. Il sortit de la pièce, partant vers les préparatifs qu'il devait mettre en place. Il allait jouer selon les règles du colonel, et quelque part ça me soulageait. Il ne voulait plus vivre cette peur constante de glisser de l'autre côté de la ligne. Même si le plan de Roy resterai en vigueur.



Dernière édition par Tenko Sozen le Mar 6 Juin 2017 - 16:25, édité 4 fois
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Le temps passait lentement depuis le départ de Tenko. Deux jours à peine s'étaient écoulés depuis l'enlèvement - et la libération - de ce dernier et Roy commençait déjà à perdre les pédales.

Les pirates n'avaient pas reçu la moindre nouvelle du marine, l'escargophone prêté par Habu restant désespérément silencieux. L'ambiance n'était pas au beau fixe dans la base secrète, la tension, palpable. Non seulement ils n'avaient reçu aucune transmission de la part de leur nouvel allié, mais en plus les espions de la Famille Jackson avaient perdu la trace de ce dernier. Il était donc impossible de savoir comment évoluait le plan, ou même s'il avait été amorcé. Bien sûr, Roy était conscient que monter une opération pour capturer une criminelle requérait du temps, mais il ne pouvait s'empêcher de penser aux trop nombreuses façons dont le plan pouvait dégénérer.

Si Tenko mettait trop de temps à monter son opération, les hommes d'Habu finiraient par s'impatienter et remettre en question son autorité. Le marine pouvait également échouer dans sa traque, ne parvenant pas à donner suite aux informations contenues dans les pages qu'il avait "volés", ce qui diminuerait la valeur du journal de Shifumi aux yeux des marines. Également, il se pouvait que la supercherie du kidnapping de Tenko ait été percée à jour ou que quelqu'un fasse le lien entre lui et Roy. Il ne pouvait rien faire pour influer sur ce dernier cas, mais il avait pris de nombreuses précautions pour que l'enlèvement paraisse réel et quelque part il l'avait été. Le choix du lieu d'attaque, la rapidité de l'opération, mêmes le peu de paroles prononcé par Roy, tout avait été scrupuleusement choisis, calculés pour éviter d'éveiller les soupçons. Provoquer l'effondrement de plusieurs bâtiments, cela en imposait, attirait l'attention sur Roy et prévenait que l'on s'attarde trop sur les réactions du lieutenant-colonel. Mieux valait passer pour un pirate voyou et destructeur qu'encanailler publiquement son ami.

Malgré toutes ces précautions cependant, le jeune homme ne pouvait s'empêcher de repasser l'opération en boucle dans sa tête. Ressassant les derniers événements, il vérifiait méthodiquement son plan à la recherche de failles, comme il le faisait chaque jour depuis plus d'une semaine. Pernicieuse, l'idée qu'un détail avait été omis quelque part ne le quittait pas.

Et bien sûr, il y avait toujours la possibilité que le lieutenant-colonel lui ait menti. Se sachant piégé, mais réalisant que Roy lui faisait suffisamment confiance pour passer un marché, il avait très bien pu sauter sur l'occasion, racontant au pirate ce qu'il voulait entendre afin d'être relâché. Dans ce cas de figure, le plus désastreux d'entre tous pour les pirates, Tenko avait d'ors et déjà révélé tous les projets de Roy à la Marine. Moria ne cessait d'évoquer cette hypothèse, mettant les nerfs de son capitaine à vif.

Heureusement, un potentiel nouveau compagnon évoluait entre les murs du complexe, offrant de quoi se changer les idées au jeune homme qui n'avait pas oublié la promesse de Mochi. Ce dernier allait réfléchir à l'idée de rejoindre l'équipage du pirate et Roy s'était mis en tête de l'aider à prendre la bonne décision. Ils s'étaient assidûment côtoyé au cours de ces deux jours, apprenant doucement à se connaître.

D'un naturel confiant et légèrement naïf, le jeune hors-la-loi n'hésitait à partager des informations personnelles, telles que son passé de mercenaire bédouin à Hinu Town ou la suite de ses projets à Las Camp, tout ceci dans un effort pour briser la glace. Le docteur quant à lui faisait montre d'un peu plus de réserve, lâchant des informations au compte-goûte, restant le plus évasif possible quant à ce qu'il avait décidé pour la suite. Impassible voire absent, à aucun moment il n'avait laissé filtrer ce qu'il pensait de leur petite clique. Ayant d'ors et déjà fait la connaissance de Moria Brittania et Lily, il ne lui restait plus qu'à rencontrer Kusachi Kuzaki, mais ce dernier n'était pas présent dans la base. De manière générale, Mochi s'était bien entendu avec le jeune équipage. Il promettait de rester parmi eux pour le moment, au moins tant que son ami marine resterait impliqué dans les affaires des pirates. Roy était bien décidé à profiter de ce laps de temps pour le convaincre de le rejoindre.

Lors de son arrivée à Las Camp, si on avait dit au jeune homme qu'il allait trouver un médecin non seulement compétent mais également prêt à rejoindre un équipage pirate et doté en plus d'un minimum de sens moral, il ne l’aurait pas cru. Il avait trouvé la perle rare en quelque sorte. Une perle un peu fêlée cela dit, Mochi étant de temps en temps sujet à des ralentissements de quelques minutes durant lesquels il stoppait tout mouvement et cessait de répondre quand on lui parlait. Quand on lui demandait ensuite de quoi il retournait, le docteur faisait comme si rien ne s'était passé et reprenait la conversation où elle s'était arrêtée. Manifestement, l'homme n'était pas prêt à révéler son passé à un groupe qu'il ne connaissait que depuis quelques jours et Roy n'avait pas insisté. De toute façon, il ne fallait pas être sorcier pour comprendre que cela avait quelque chose à voir avec cet écrou géant qui lui traversait littéralement le crâne de part en part.

Présentement dans la clinique médicale à l'intérieur de la base sous-marine, Mochi se préparait à vérifier la blessure de Roy. Dès son arrivée, le médecin avait pris en charge la santé de l'équipage pirate, s'occupant de l'épaule endommagée du capitaine en lieu et place d'Adam Coste, le docteur de la Famille Jackson.

 - Bon, voyons voir où ça en est tout ça..., marmonnait le médecin à l'écrou en défaisant le bandage de son patient.

 - La blessure était assez sérieuse, commenta Adam, quelques mètres en arrière, mais elle ne s'est pas infectée fort heureusement. Et puis il cicatrise vite, rajouta ensuite le médecin amphibien.

Il était compétent et jusqu'à présent c'était lui qui s'occupait du jeune homme. Cependant, Roy ne lui avait toujours pas pardonné l'injection surprise d'opium qu'il lui avait administré quelques jours plus tôt. Une ou deux minutes après sa confrontation avec O'Clayne Eustache, le précédent chef du gang des hommes-poissons, le pirate avait commis l'erreur de faire confiance à l'éthique d'Adam. Ce dernier en avait profité pour lui enfoncer une seringue dans les veines, profitant de ce qu'il soit distrait par le changement de pouvoir ayant lieu à ce moment-là ; "pour la douleur" s'était-il justifié ensuite. Au lendemain, furieux que le guérisseur ait pris une telle décision sans le concerter au préalable, Roy l'avait averti qu'il allait le forcer à revoir ses méthodes. Avec Mochi dans la base, c'était l'occasion rêvée.

Son bandage relevé, le jeune capitaine observa piteusement l'état déplorable de son épaule. Une flèche l'avait traversé de part en part lorsque Roy avait fait sortir Moria et Habu de prison. Quelques jours plus tard, c'était la double rangée de dents d'O'Clayne Eustache qui s'était refermée dessus, déchiquetant le membre du pirate. À présent, une rangée de points de suture maintenait les nombreuses déchirures en place, mais la guérison prenait plus de temps que prévu.

Les prochains jours promettaient d'être mouvementés et Roy ne pouvait pas se battre décemment avec une épaule dans cet état. Il n'y avait plus qu'à espérer que Mochi fasse un miracle.


Dernière édition par Roy D. Aston le Mar 2 Jan 2018 - 1:52, édité 4 fois
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L'épiderme reprenait le dessus. Globalement, la cicatrisation faisait son office. Mais en quelques endroits, là où la morsure s'était faite plus profonde, la plaie restait bourgeonnante, toujours rougeâtre et mamelonnée. Le temps ferait son affaire, cependant, la mise en œuvre prochaine du plan risquait de retarder la guérison. Mais encore de gêner le capitaine, voir même de limiter ses mouvements, handicap considérable pour ce qui se préparait. Surtout si le plan en venait à mal tourner. Le toubib, silencieux, sérieux, quasi révérencieux, observait la blessure, sous le regard interloqué de l'Homme-poisson, médecin lui aussi.

"Vous avez des lotions ? Des huiles médicales ?" demanda Mochi, sans regarder son confrère.
"Tout un tas, j'ai déjà appliqué de l'huile de lavande pour accélérer la cicatrisation" répondit fièrement Adam.
"Vous pouvez me les apporter ? Ainsi que du ca ..."
"Pas ce ton avec moi l'ami, je suis médecin, je suis pas votre assistant. Tout est là-bas, allez chercher vous même !" dit Adam Coste, interrompant, sans complexe, son confrère.
"Y a un problème ?" Demanda Roy, "Des complications ?"

Le jeune toubib se retourna vers le lieu indiqué, petite table d'apothicaire, en bois nacré, pleine à craquer d'huiles essentielles et d'herbes en tout genre. Adam Coste semblait préparer ses huiles lui même, en tout cas il avait tout l'attirail pour. Si le tout semblait, de loin, harmonieux, c'était en réalité un joli foutoir, bordel sans nom. Rien n'était à sa place. Aucun ordre. Si certaines fioles étaient étiquetées, il en manquait pléthore. Obligé d'ouvrir et de renifler pour déterminer ce à quoi il avait affaire. Après quelques minutes, lesquelles paraissaient bien longues pour Adam et pour Roy. Mochi s'en revint finalement avec un mélange d'huiles.

"Qu'est-ce que c'est ? J'ai déjà appliqué de l'huile de lavande sur la plaie, elle va se refermer !"

"Ah, c'est bien. J'y ai juste rajouté du cajeput et de l'huile de thym, ça va accélérer le processus." Dit simplement le toubib avant de reprendre "Vous auriez du miel ?"
"Du miel ?"
"En cuisine peut être ?"
"Possible"
"Vous pouvez m'en chercher ?"
"Je suis pas votre assistant !"
"S'il vous plaît, je vais me perdre dans ce dédale"
"Mais qu'est-ce vous allez en faire ?"
"J'en ai besoin ..."

Soupir. L'homme-poisson se résigna alors. Virevolta et se dirigea d'un pas lourd vers la sortie et enfin, disparut. Mochi alla farfouiller dans ses affaires médicales.

"Alors, tu t'es décidé ? Tu viens avec nous ?" s'enquit Aston, curieux.

Non, il n'avait rien décidé. S'il en savait désormais plus sur le capitaine et qu'il avait eu quelques aperçus de son passé, il était encore incapable d'affirmer une décision quelconque. Néanmoins, s'il refusait encore d'admettre quoi que ce soit, l'affaire était plutôt en bonne voie. Il appréciait le bonhomme et l'idée de sillonner les océans, ne pouvait que l'enchanter. Néanmoins, si Roy avait pas mal parlé de son passé, il ne s'était pas franchement éternisé sur le futur. Aussi, le toubib était-il curieux d'en savoir plus sur ses objectifs futurs et sur sa vision de la piraterie.

"Vous comptez faire quoi quand cette histoire sera terminée ?" demanda le toubib, éludant tout bonnement la première question.

Sans attendre de réponses, il sortit de son petit baluchon une petite boite remplie à ras bord d'aiguilles d'acupuncture et ressemblant fort à une tabatière.

"Mettre les voiles, destination : Grand Line"

Grand Line. Mer que tout marin qui se respecte se doit d'affronter au moins une fois dans sa vie. Route de tous les dangers. Destination logique pour tout aventurier. Le binoclard afficha un léger sourire à l'entente de ce nom. Mais continua son œuvre, sans rien dire. Préparant pour ce faire, un certain nombre de ses aiguilles. Roy, de dos, ne voyait pas la scène et reprit.

"J'ai en ma possession une carte au trésor inestimable qui mène a priori sur Grand Line. On partagera le butin entre tous les membres d'équipage ..." argua t-il, avant de reprendre, "Si tu nous rejoins, tu auras bien évidemment ta part du trésor"

Offre affriolante s'il en est, le boulonné était dans le rouge. S'il n'accordait pas franchement d'intérêt à l'argent, il ne cracherait pas non plus sur une jolie petite somme, en laquelle il voyait une source de subsistance de long terme. Mais il chassa assez vite l'idée de son crâne, pour se concentrer sur les soins apportés à Roy. Saisissant un certain nombre d'aiguilles et jouant avec elles, les faisant tournoyer entre ses doigts, il s'approcha du blessé. Aussi s'amusa t-il du regard inquiet de son patient.

"Heu ... C'est pour quoi faire tout ça ?"
demanda t-il, pas franchement rassuré.

"Je vais stimuler ton système énergétique pour favoriser la cicatrisation" faisant une courte pause, il reprit "Prêt ?"

Le pirate se contenta de répondre par un léger gloussement et un timide acquiescement. Visage crispé. Mochi entreprit donc son œuvre. Habile, il planta une bonne trentaine d'aiguilles avec une vélocité peu commune et une précision chirurgicale. En quelques instants à peine, la blessure était cerclée par tout un tas d'aiguilles. Le toubib conclut son travail en plantant quelques aiguilles sur le visage de Roy et sur ses chevilles. Une fois le travail terminé il claqua ses mains et s'assit.

"Bouge plus maintenant"

"Mais combien de temps je vais devoir rester comme ça ?" demanda doucement Aston pour ne pas faire tomber les aiguilles de son visage.

"Pas bien longtemps, une quinzaine de minutes" répondit le médecin, puis il reprit "Et sur le long terme ? Qu'est-ce qui est prévu ? Ce trésor, aussi alléchant soit-il, ne constitue pas franchement une fin en soi ..."

"Ce trésor là, non ... Mais il en est un, qui mérite qu'on y consacre sa vie : Le One Piece !"

Le One Piece. Trésor absolu s'il en est. Combien furent-ils ? Ceux qui se lancèrent dans la quête de ce mythe, de cette chimère. Combien furent-ils ? Ceux qui, sans l'atteindre purent se vanter d'en approcher qu'un tant soit peu. Combien furent-ils ? Ceux qui se vouant corps et âmes à la recherche de cette légende, moururent et qui dans leurs derniers instants ne pouvaient même pas affirmer avec certitude si, seulement, le trésor existait. Le pirate avait des prétentions peu banales. Un rêveur. Qu'est-ce qu'il lui faisait croire qu'il pourrait y arriver. La question, en réalité n'importait que peu. La simple audace de ses ambitions avait de quoi exciter l'ardeur du jeune toubib dans ses désirs de pérégrinations lointaines. Ils n'eurent cependant pas le temps d'aller plus avant dans cette conversation, car le Dr. Coste revenait avec un petit pot de miel.

"J'ai eu du mal à en trouver ... Tenez" dit-il, tendant le pot de miel à son confrère.

Mochi, se saisissant du pot, s'en retourna vers la table où il avait posé la fiole. Trouvant un petit récipient propre, il demanda par signes, s'il pouvait s'en servir. Avec l'accord d'Adam Coste, le bigleux versa le contenu de la fiole dans le petit bol et y ajouta une belle lampée de miel qu'il se mit à battre aussitôt, dans l'optique de créer une sorte de pommade un peu pâteuse.

"Au fait, Dr. Coste, j'ai eu vent de quelques problèmes éthiques dans vos méthodes ... Pour reprendre le code de déontologie des médecins de North Blue, je cite : L'exercice de la médecine implique le respect de la vie, de l'autonomie morale et du libre choix du patient. D'après ce que j'en sais, vous ne faites pas grand cas du dernier de ces points." déclara Mochi, qui était encore en train de manipuler fiole et bol.

Le médecin, visé, ne répondit pas, se contentant de grommeler quelques mots incompréhensibles sous le regard satisfait de Roy qui se mit à rire, occasionnant au passage la chute de quelques-unes des aiguilles, que le pirate tenta discrètement de remettre aux bons endroits. Sans succès, la tentative demeura infructueuse.

Une fois la lotion terminée, Mochi vint ôter les aiguilles encore plantées sur le corps de son patient. Il les retira avec la même habileté et la même célérité que lorsqu'il les planta. Dextérité qui détonnait une fois de plus d'avec sa gaucherie habituelle. Après avoir retiré la dernière des aiguilles, il vînt badigeonner la plaie avec cette lotion nouvellement concoctée. Pâteuse et gluante à souhait. Quand il eut appliqué la pommade, il banda à nouveau la blessure, à l'aide d'un bandage tout neuf.

"Travail terminé !" dit le toubib, "N'utilise pas ton bras, contente-toi de l'autre. Je vais en préparer davantage, tu devras en mettre trois fois par jour. Ca devrait faire de l'effet très rapidement. Je garantie pas que tu sois à 100% au moment de passer à l'action, mais t'en seras pas loin ... Enfin, ça dépend de quand on va commencer tout ça ..." conclut-il, comme pour signifier qu'il trouvait le temps bien long dans cette caverne.
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Prémices

Tenko Sozen

Les brigands placés à l'entrée de Last End étaient nerveux depuis plusieurs jours. Les soldats ne cessaient de s'approcher de la "frontière," comme s'ils cherchaient à sonder les lieux pour entrer en force. C'était d'ailleurs probablement ce qu'ils faisaient avec leurs patrouilles régulières. Aussi, les criminels tiquaient au moindre bruit suspect, braquant la plupart du temps leur fusil sur des rats qui avaient le malheur de faire bouger un débris en passant. La nuit était sombre et la lune ne parvenait pas à percer les nuages de sa lumière. Dans ces conditions, la visibilité se voyait énormément restreinte, les lampes étant éteintes par souci de dissimulation. L'un des trois hommes bailla, couvrant de justesse sa bouche pour éviter de faire du bruit. Les deux autres le fusillèrent du regard. Mais ils pouvaient le comprendre. Leurs yeux se fermaient tout seuls eux aussi en cette heure avancée du matin. La fatigue commençait à les miner. Et pourtant, toute leur somnolence s'évaporant quand des bruits de pas, léger, se firent entendre. Les embusqués réagirent au quart de tour. Ils visèrent au centre du couloir qui leur faisait face et ouvrirent le feu, dans un tir croisé meurtrier.

"Vous croyez qu'on l'a eu?"

"Tu crois vraiment qu'on peut survivre à une embuscade comme ça?"

"C'est tout à fait possible, en fait."

Le dernier homme à avoir parlé eut à peine le temps d'apercevoir près de lui la silhouette d'un homme que cette dernière se saisissait de son bras et le tordait dans une clé efficace avant de le relâcher en le poussant violement vers le sol. Les deux autres bandits se tournèrent vers leur assaillant qui fondait déjà sur eux. Après quelques échanges de coup, Tenko attacha les malfrats ensemble et les bâillonna, les dissimulant dans un bâtiment pour ne pas donner l'alerte. Puis il sortit un escagophone blanc de sa poche et pianota dessus avant de mettre l'écouteur près de son oreille.

"Colonel Matheson, Lieutenant-colonel Sozen au rapport."

La voix du vieil officier retentit avec un ton de soulagement de l'autre côté du combiné. Malgré leurs communications régulières, Matheson craignait que son subordonné soit capturé une fois de plus, et livre des informations.

"Bon sang de bois! J'ai cru qu'on vous avait perdu ce coup-ci!"

"Je n'avais pas vraiment le luxe de sortir l'escargophone jusqu'ici. Je suis rentré dans Last End, il ne me reste plus qu'à débusquer la Reine des Cendres."

"Faites vite Sozen, on ne peut pas se permettre d'attaquer ce taudis sans que vous ayez fait le ménage d'abord."

"Oui, monsieur."

Une tonalité se fit entendre, signe que l'officier avait coupé la conversation. Le jeune soldat tira un bout de papier de sa poche et lit le message qui y était inscrit: "La Reine des Cendres me rencontrera quand la Lune ne saura percer les nuages, à minuit à la croisée des champs." C'était en se basant sur cette information que la mouette s'était glissée jusqu'ici. Ce bout de papier provenait du journal de Shifumi, qui était en quelque sorte la dirigeante des Usuriers sur Las Camp. Le lieutenant-colonel se remit en route, empruntant des ruelles sombres pour éviter les quelques gardes qui protégeaient le quartier. Au bout d'une heure, il arriva aux bordure extérieures de la ville, là où commençaient les champs. Se déplacer furtivement en plaine relevait presque de l'impossible mais les champs lui offraient un avantage non négligeable. Il détacha son corps de ses pieds et le fit basculer à l'horizontale. Non seulement il avait le pouvoir de se fragmenter mais il pouvait aussi faire léviter, dans une certaine mesure, les parties de son corps. Il avançait ainsi au dessous du niveau des crêtes de maïs, son corps et ses pieds se dirigeant de concert vers son objectif. Après une vingtaine de minutes, il s'immobilisa alors qu'au loin se trouvait la ferme des Gropps. Une fois de plus, il sortit l'appareil de communication non sans avoir remis son corps dans son état initial. Il tapa un numéro différent de celui du colonel et attendit.

"Ça va pas de nous faire poireauter comme ça?! J'ai presque failli croire que tu nous avais trahi..."

"Heureux de t'entendre aussi Roy..."

"Désolé, j'étais un peu sur les nerfs... Tu as pu trouver celle que tu cherches?"

"Je vais bientôt la coincer, aucun doute là-dessus. Vous pouvez commencer de votre côté."

"Ça marche. Au fait, Tenko, ça fait du bien de travailler avec toi..."

"Je peux dire le contraire..."

La discussion continua et le jeune officier se focalisa rapidement sur la grange qui ne semblait pas encore investie. Il inspecta rapidement les environs et ne trouvant aucune trace d'un quelconque danger, il s'empressa d'investir les lieux, montant rapidement sur la mezzanine qui dominait le centre de l'entrepôt de foin. Il s'assit et attendit patiemment que vienne l'heure décisive. Il lui restait environ dix minutes avant de pouvoir rentrer en scène.
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L'air soucieux, Roy fixait un mur du hall de la base secrète, le regard absent tandis qu'il contemplait les ondes chatoyantes de l'eau qui se reflétaient sur les murs. En suspens devant sa bouche, le combiné de l'escargophone reposait dans l'une de ses mains tandis que de l'autre, il pianotait sur l'une des estrades en pierre de la salle. À ses côtés, Mochi et Lily attendaient patiemment qu'il coupe la transmission avec Tenko, Moria étant parti en vadrouille dans la base à la recherche de Lionel Lumard. Manifestement, quelque chose trottait dans la tête du capitaine pirate qui n'avait toujours pas raccroché. Le silence s'éternisait.

 - Roy ? l'appela finalement l'escargot, reproduisant la voix de Tenko à la perfection. T'es toujours là ? Je voudrais pas te presser mais on ferait mieux de couper la communication à présent.

 - Oui je suis là..., répondit le pirate après quelques instants, passés à pondérer ses prochaines paroles.

 - Et ben alors quoi ? le pressa le marine. Roy, je suis au milieu d'un territoire de gangster, je peux pas m'éterniser à l'escargophone, et puis même avec un Blanc je suis pas tranquille, on prend des risques à prolonger cet appel. T'as quelque chose à me dire ?

 - Ok, finit par se décider Roy, voilà le truc : tu n'as pas fait ce qui était prévu Tenko, lâcha-t-il de but en blanc.

 - De quoi ? demanda le marine après quelques secondes de silence.

 - Tu étais censé me contacter quelques jours à l'avance, expliqua le pirate, pour me tenir au courant de l'avancée du plan, faire en sorte qu'on s'organise et qu'on se coordonne, qu'on mette les choses au point en gros. Là tu nous as oubliés pendant une semaine, et quand tu te décides enfin à appeler, tu le fais le jour J ? Quelques instants avant de partir en chasse ? Ce n'est pas sérieux, qu'est-ce qui te dit qu'on est prêt nous ?

 - Ah... eh bien ça me semblait plus sûr de ne pas multiplier les appels, expliqua Tenko, et puis je me rappelle pas qu'on ait parlé de ça, dans la base, quand on mettait le plan en place.

 - C'est une question de bon sens enfin, maugréa le jeune capitaine Jusqu'à il y a quelques minutes nous n'étions même pas sûrs que tu étais encore de la partie. On en était à envisager de te kidnapper une deuxième fois pour obtenir de tes nouvelles et d'un coup tu nous appelles pour nous annoncer que tout est prêt, qu'il faut y aller ? Maintenant ? Ce n'est pas du travail de professionnel que tu nous a...

 - Attends, vous êtes pas prêt là ? s'enquit soudain le marine en lui coupant la parole.

Un filet de panique avait filtré dans sa voix. Soudain, il semblait réaliser ce que son manque de communication risquait de provoquer.

 - Non mais ce n'est pas la question Tenko..., soupira le pirate en se massant la nuque. Oui oui on est prêt, se reprit-il vivement cependant, rassurant son ami qui semblait au bord de l'affolement à l'autre bout du fil. Enfin on est prêt..., tempera-il ensuite, combien de temps avant ton appel à Matheson ?

 - Une heure ou deux tout au plus, répondit anxieusement le lieutenant-colonel.

 - Une heure ou deux ?!

 - Ah oui, confirma Tenko, là dans une heure max j'ai la Reine des Cendres menottées, et je pourrais pas attendre bien longtemps avant de donner la nouvelle à Matheson, sans quoi ça paraîtra suspect à mes hommes. Ça va aller ? s'enquit-il ensuite, nerveux.

 - Oui ça devrait aller, lâcha le capitaine pirate après quelques secondes de réflexion, ne t'inquiète pas. Mais ce sera juste juste.

Un silence inconfortable s'installa entre les deux hommes, Roy poussant un profond soupir tout en se frottant les paupières. Mentalement, il re-calculait toute l'opération à l'aube du développement apporté par Tenko, vérifiant si effectivement tout était fin prêt pour sa rencontre avec le colonel.

 - Bon ok, commentait le marine pendant ce temps, je me suis peut-être un peu cafouillé sur la partie "travail d'équipe et coordination", mais tu vas voir ce que je vais en faire de la Reine des Cendres. Ça c'est mon rayon et j'ai pas fait les choses à moitié t'inquiète. Je vais lui tomber dessus, elle ne saura même pas ce qui lui est arrivé.

 - Content de l'entendre Tenko, répondit finalement Roy une fois sa réflexion terminée. Compte une heure et demie entre maintenant et notre entrevue avec Matheson, rajouta-t-il ensuite après un rapide calcul mental. Rendez-vous dans trois heures du coup, je te contacterais pour te dire comment s'est passée notre entrevue avec Matheson. Et puis si tu ne reçois pas d'appel et bien... c'est que l'on s'est fait attraper et emprisonner.

 - Parle pas de malheur.

Hochant la tête en voyant que Moria arrivait avec Lionel Lumard, Roy coupa la communication.

 - Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? s'enquit immédiatement le marine en arrivant au niveau des criminels. Tenko vient d'appeler ? Tu lui as demandé si on m'a fait porter disparu ? J'ai reçu la Croix de Sang ?

 - On n'a pas le temps pour ça, rétorqua Roy, autant à son attention qu'à celle de son second, lequel hocha la tête. Tenko a tout préparé et il s'apprête à capturer Mura Folion. On part à la rencontre du colonel Matheson immédiatement.

 - Pff ouais, "immédiatement"..., ricana le lieutenant en réponse, avant de se reprendre en réalisant que Roy ne plaisantait pas. Attend, t'es sérieux ?

Le jeune capitaine acquiesça du chef en tendant son escargophone à un homme-poisson qui passait par là, attendant la réaction du marine. Celle-ci ne se fit pas attendre.

 - Non mais vous croyez que c'est un moulin la caserne ?! fulmina le lieutenant, abasourdi par tant d'inconscience, qu'on y entre et qu'on y sort comme si...

 - Tenko a déjà ouvert les hostilités avec les gangsters, lâcha Roy, coupant court à tout semblant de protestations. Il est trop tard pour faire machine arrière. Dès à présent nous n'avons plus qu'une fenêtre de tir, il s'agit de ne pas la rater.

 - Mais on peut pas s'infiltrer dans la caserne au hasard ! s'écria Lionel Lumard en réponse. J'ai préparé un itinéraire sûr, mais il repose sur un timing précis, si on arrive au mauvais moment on risque d'enchaîner les rencontres avec les patrouilles, prévint-il ensuite, la voix chargée d'inquiétude.

Cela faisait des jours qu'il partageait tout ce qu'il savait de l'agencement de la caserne à ses "ravisseurs". Ensemble, ils s'étaient servis de ses informations, combinées aux rapports des espions d'Habu, pour établir une carte précise du complexe militaire et des patrouilles qui le quadrillaient. Avec cela, ils étaient parvenus à se concocter un trajet plus ou moins sûr jusqu'au bureau de Matheson.

 - C'est bon, finit par le rassurer le jeune capitaine, si on part maintenant on arrivera là-bas pile au bon moment pour l'une des ouvertures entre les rondes. De là il ne nous restera plus qu'à suivre la voie que tu as prévue. J'ai donné à Tenko la fourchette de temps correspondante, tout devrait bien se passer.

 - Bon et bien il faut que vous partiez maintenant alors, conclut Moria en claquant le dos du militaire ronchon.

 - C'est parti, acquiesça Roy en se levant.

 - Attendez, vous voulez pas que je jette un dernier coup d’œil aux plans de la caserne avant ? hésita une dernière fois le lieutenant, avant de se faire entraîner par un homme-poisson, histoire d'être bien sûr ?

 - Non c'est bon Lionel, refusa le jeune capitaine, j'ai tout calculé avant de donner mon feu vert à Tenko. Ne t'inquiète pas.

Tandis qu'un deuxième amphibien partait prévenir Habu, un troisième attrapa Roy et plongea dans le bassin du hall à la suite de son collègue, qui transportait un lieutenant Lionel Lumard livide. Ils partirent en direction de la sortie de la base sous-marine.

Laissée seule dans le hall, Lily s'apprêtait à faire de même avec Mochi quand elle constata, ennuyée, que l'homme au boulon semblait avoir disjoncté une fois de plus. Comme déconnecté du monde extérieur, le docteur semblait plongé dans une profonde réflexion. La femme-poisson pondéra un instant ses options, avant d'attraper dans un soupir la manche de son futur compagnon de voyage et l'entraîner à sa suite.


Étudiant la muraille qui entourait la caserne de Las Camp, Lionel Lumard hésitait à donner le feu vert à ses deux compagnons. Roy et Mochi derrière lui, affublés chacun d'une tenue de soldat, patientaient en attendant le bon vouloir de leur ticket d'entrée dans la caserne.

Comme prévu, directement après leur arrivée à la surface, ils étaient allé chercher les uniformes de marines dissimulés au préalable dans une cache de la famille des jours plus tôt. Une précaution nécessaire, histoire qu'ils ne se retrouvent pas au milieu de la caserne avec des uniformes mouillés qui auraient attiré l'attention sur eux. Roy avait un problème toutefois, ses yeux fiévreux très reconnaissables promettant de le gêner dans leur tentative d'infiltration. Il en était réduit à faire confiance à l'ami de son futur homme d'équipage, lequel lui avait promis qu'ils ne rencontreraient qu'un minimum de marines sur leur chemin - si tout se passait bien - avec l'itinéraire qu'il avait concocté.

 - Ok, c'est là, se décida finalement le lieutenant.

Trois marines patrouillant autour du mur d'enceinte, ce n'était pas incongru. Trois marines poireautant comme des corniauds en fixant ledit mur en revanche c'était suspect. Ils étaient pourtant bien conscients de la nécessité d'agir vite, mais Lionel Lumard avait été pris d'un doute soudain à deux mètres de la muraille : il n'était pas sûr que c'était le bon endroit.

 - Donc il n'y aura pas de patrouilles derrière pour nous accueillir, tu en es sûr ? demanda Mochi.

 - Oui, j'aurais préféré choisir l'heure du début de l'opération moi-même, mais à priori il n'y a pas de patrouilles ici à cette heure précise, confirma son ami.

Autant l'itinéraire prévu par le lieutenant semblait sûr, autant l'entrée dans le complexe était hasardeuse, spécialement avec l'erreur de Tenko qui les avait poussé à précipiter les choses. Ils avaient pour projet de progresser dans la caserne en profitant des connaissances de Lumard sur les patrouilles, attendant à certains endroits que les marines ne passent, avant de continuer leur progression sans rencontrer personne. Il y avait un cycle de rondes qui se répétaient sans discontinuer dans le bâtiment, un pattern qu'ils avaient étudié, analysé et dans lequel ils avaient prévu de s'imbriquer pour une infiltration sans complications. Problème : ils devaient respecter un timing précis pour entrer sans accrocs dans ledit cycle, et leur manque de préparation menaçait de perturber ce timing. Le moindre décalage conduirait à tomber nez à nez sur une une escouade, il était donc vital que leur entrée se fasse au bon endroit et au bon moment. En somme, s'ils arrivaient à poser la première pierre à l'édifice, les suivantes s'imbriqueraient sans le moindre problème, sauf que dans le cas présent, la première pierre était branlante.

 - Bon et bien... ça passe ou ça casse, fit Roy en s'avançant, s'échauffant les mains en mesurant la hauteur du mur d'enceinte.

 - Mais on fait comment sans grappin du coup ? s'enquit Mochi derrière lui. Je comprends toujours pas pourquoi tu as refusé qu'on en prenne un avec nous.

 - Un grappin aurait attiré l'attention sur nous, je suis assez fort pour vous propulser par-dessus, expliqua simplement le pirate. On vérifie une dernière fois que personne n'est en train de nous observer et on y va, ordonna-t-il ensuite.

Ils avaient perdu assez de temps à discuter dans ce périmètre des plus risqués. Ils regardèrent rapidement autour d'eux et quand il fût admis qu'ils ne risquaient pas d'être surpris en train de d'escalader la muraille, Roy se mit en action.

Il se plaça dos au mur et présenta ses mains en coupe. Lionel Lumard fut le premier à courir vers le jeune capitaine, prendre appui sur son tremplin improvisé et être propulsé au sommet du mur. Mochi suivit et pour finir, le jeune capitaine escalada l'obstacle et atterrit de l'autre côté en même temps que ses complices.

Ils étaient à l'intérieur de l'enceinte, direction Matheson.


Dernière édition par Roy D. Aston le Mar 2 Jan 2018 - 2:03, édité 2 fois
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Le toubib réajusta sa casquette. Celle-ci avait été serrée au niveau des tempes afin de camoufler son boulon. Et s'il était bel et bien dissimulé derrière le chapeau, son crâne, turgide, ne passait pas inaperçu. Songeant à cela et à la description qui avait été faite de lui lors de sa tentative de fuite de Las Camp, il serait assez aisé de faire le lien. Heureusement que les Hommes qui l'avaient poursuivi, subordonnés à Tenko Sozen, n'étaient pas en garnison. Mais bien des choses avaient dû échapper sur son physique particulier, pour parvenir aux oreilles des marines locaux. Ajouté à cela, la jolie prime sur la tête de Roy et ce plan d'infiltration semblait être voué à l'échec. Finalement, tout reposait sur Lumard et sa capacité à leur faire éviter les patrouilles. Et encore, voilà qui était assez hasardeux. Un homme quittant son poste, s'en allant poser une pêche, une patrouille à la traîne, un p'tit jeune lambinant sur ses corvées et ils étaient faits. Ne resterait alors plus qu'à compter sur l'autorité du Lieutenant Lumard qui pourrait se targuer d'une réplique du genre "Non, mais s'ils étaient des criminels recherchés, vous pensez bien que je serais pas là, à leur faire la visite de la base, non ?". Quoi qu'il fut porté disparu par Sozen, ce qui pourrait également causer quelques problèmes. Et si ça ne marchait pas, ils n'auraient plus qu'à l'assommer. Ce qui ne posait pas franchement de problème s'il tombait sur un type isolé, mais sur toute une patrouille, il y avait de quoi parier que l'un d'entre eux parviennent à s'échapper et à donner l'alerte.

Alors qu'il était perdu dans ses hypothèses les plus pessimistes, Mochi suivait machinalement son ami Lumard. Lionel avait opté pour une marche militaire. Lui devant, escorté par le binoclard et Roy à l'arrière. De loin, il ne paraîtrait pas suspect. La traversée de la cour, à la faveur de l'obscurité, se fit sans esclandre. Deux gardes en rondes avaient salué le Lieutenant Lumard et avaient, dans la foulée, disparu, se fondant dans les ténèbres de la cour. Accédant à la bâtisse centrale, éclairée par des torches parsemées sur le mur, ils tombèrent à quelques pas latéraux d'une porte non surveillée. Si elle ne l'était pas, la marine avait fait l'effort d'en faire une porte blindée. Il s'agissait là d'un accès au cellier, entrepôt alimentaire de la marine, indispensable à la vie quotidienne de la garnison et de sa cantine. Si une porte donnait sur l'extérieur -histoire de faciliter les livraisons- depuis l'intérieur, une autre, menait directement aux cuisines et de là, ils auraient accès au reste du bâtiment. Lionel Lumard, possédant un trousseau de clef bien garni, réussit, après quelques essais ratés à ouvrir la porte et discrètement le marine et le deux pirates entrèrent, prenant soin de refermer derrière eux. Découvrant alors une pièce obscure, pleine à craquer de caisses mal agencées.

"Bon maintenant, plus qu'avant vous me suivez à la trace. Côte à côte, derrière moi ! C'est comme ça qu'on se déplace chez nous. Si on croise quelqu'un, pas un mot. Si on vous adresse directement la parole, vous êtes des Hommes du Lieutenant-colonel Sozen. Pigé ?" Comme il parlait à vive allure, Lumard prit une bouffée d'air avant de reprendre, "J'étais affecté aux troupes de Sozen et maintenant j'ai été porté disparu ... Alors pas d'esclandre, on se fait ultra-discret. On n'utilise pas mon identité. Et si quelqu'un me reconnaît, j'improviserais !"

"Comment ?"
"J'en fais mon affaire et puis, c'est pas de l'impro si c'est préparé à l'avance. "
"T'es sûr de toi?"
"Oui ! Tu me sous estime ! Je suis capable de leurrer n'importe qui !"
"Si tu le dis"
"Ben je le dis, oui"
"D'accord"
"Bon on y va ?"
"Une dernière chose, si ça s'envenime, si on me reconnaît et qu'en prime vous êtes reconnus, j'essaierais de faire comprendre aux autres Marines, que je suis pris en otage. Ce sera à vous de nous sortir de là. Et sans meurtre ! C'est que je tiens à garder mon intégrité moi ..."

Et ils y allèrent. Quittant l'entrepôt, ils atteignirent les cuisines. Sans doute les cuistots avaient fini leurs boulots. Tout était propre, tout était rangé et bien ordonné. Comme s'il n'y avait pas eu de service du soir quelques heures plus tôt. Puis ils arrivèrent dans la salle à manger, immense et austère cantine destinée aux soldats, tout aussi vide que la cuisine. Suivirent un couloir, puis un second, plus large. Pour la première fois, ils croisèrent un petit gars, tout seul. Les trois gaillards avancèrent sans décélérer, baissant au mieux leurs têtes pour camoufler -à l'aide de leurs casquette- leurs visages. Fort heureusement, ce marine ci se contenta de s'écarter, saluant manuellement son officier supérieur. Et les trois infiltrés continuèrent à déambuler de couloirs en escaliers sans grandes difficultés.

"Lionel ? Qu'est ce que tu fous là" demanda une grosse voix qui fit sursauter les trois gaillard.

Se retournant, ils découvrirent un jeune officier élancé et sûr de lui, accompagné d'une jeune demoiselle aux airs sévères, deux lieutenants, à en juger par leurs uniformes. Ils sortaient semblent t-ils du mess des officiers.

"Jake, Ellie ? Vous allez bien ?"
"C'est à toi de nous le dire, je croyais que t'avais été porté disparu pendant ta mission avec le lieutenant-colonel Sozen ! Qu'est ce que tu fais là ?" demanda la lieutenant.
"Les choses ont ... changé ... disons que ça faisait parti du plan de Sozen tout ça ... C'est tout planifié pour ... Pour faire tomber quelques têtes corrompus dans la Marine locale ... déclara Lionel sans grande conviction.
"Mais alors qu'est ce que tu fous là ?
"C'est secret pour le moment ... Je peux pas en parler. Je devais même passer incognito jusqu’à Matheson ... Sur ordre de Sozen, je ne peux parler qu'avec lui ... Désolé ... Le colon vous en avertira s'il juge la chose nécessaire ... Enfin, il avisera.
"Ben dis donc, ça à l'air sérieux !" répondit le bonhomme, crédule.
"Il préfère que ça ne s'ébruite pas, pour garder l'effet de surprise le plus total."
"Et toi t'es impliqué là dedans, ben merde, j'ai comme qui dirait l'impression qu'on va plus t'appeler Lieutenant bien longtemps"

De son côté la jeune et suspicieuse officier, qui avait délaissé la conversation, reportait toute son attention sur les deux soldats qui accompagnaient Lionel Lumard. Zieutant alternativement Mochi et Roy, c'est sur ce dernier qu'elle tiqua le plus. Le capitaine qui semblait avoir remarqué l'affaire, baissa son visage, tentant de camoufler son regard dans l'obscurité de sa casquette. Le toubib, ayant lui aussi remarqué la chose, donna un léger coup de pied dans le tibia de son vieil ami, afin qu'il fasse quelque chose.

"Ce gars là, il ressemble vachement à ..." commença la jeune femme avant de s'interrompre, comme pour confirmer son interrogation.

Le lieutenant Lumard opina alors et par signe, essaya de faire comprendre qu'il était pris en otage. Souhaitant innocenter son ami d'enfance, le binoclard, sans réfléchir et sans prévenir, balaya Lumard, laissant ce dernier s'affaler sur le sol, tête la première, sous le regard incrédule des deux officiers qui faisaient face. Dans le même temps, Aston se précipita sur les deux Marines à une vitesse telle qu'ils ne purent réagir et, infligeant deux coups bien placés à chacun, les mit hors d'état de nuire. Lumard se releva alors et jeta un œil au sas des officiers, il n'y avait personne d'autre.

"Merde Mochi !" commença t-il, larme à l’œil, "T'aurais pu me ménager ! Au lieu de me fracasser comme ça ! Et toi Roy, tu les as pas tué au moins ?"

"Normalement, non ..."

"Enfermons les dans le mess. Personne n'y vient à cette heure de la nuit."

Avant qu'ils n'aient pu faire quoi que ce soit, une porte claqua dans un couloir perpendiculaire. Lumard fit signe à ses compagnons de fortunes de rentrer illico dans le réfectoire, avec les deux officiers. Ils s'exécutèrent aussitôt et dans la foulée, il ferma la porte avec grand fracas. Depuis l'intérieur du mess, l'on pouvait entendre des bruits de pas pressés, puis une voix s'éleva.

"Lieutenant Lumard ? Que se passe t-il ? Nous avons entendu du bruit ! et un claquement de porte !"
"Rien de bien grave Sergent Serpico ... rien ..."
"Vous êtes sûr ?"
"J'ai bêtement trébuché, voilà tout ..."
"Et le claquement de porte ?"

L'homme posa sa main sur la poignée de la porte derrière laquelle les pirates se cachait avec les corps inanimés de leurs victimes. De l'autre côté, l'on vit la poignée s'abaisser légèrement.

"Arrêtez !" cria Lumard.
"Que se passe t-il Lieutenant ? Je sais bien que je ne suis pas officier, mais l'affaire est louche !"
"Très bien, je vais vous dire la vérité ! J'ai surpris les Lieutenants Jake Ellington et Ellie Woodlaif là derrière ... En train de ..."
"Quoi ? Ahah ! Depuis le temps qu'ils fricotent ensemble ces deux-là."

Et la pression qu'il opérait sur la porte s'amoindrit, pour finalement, totalement cesser.

"Naturellement, n'ébruitez pas la chose"

"Je serais muet comme une tombe ! Mais j'espère quand même qu'il y aura un mariage ! Bon, je retourne à mon poste mon Lieutenant !" et il commença à s'en aller, avant de subitement se retourner, "Mais au fait ? Qu'est ce que vous faites là ? Vous avez été ..."

"Oui porté disparu, capturé par les Hommes-poissons ! Mais les Hommes de Sozen m'ont délivré. C'est un secret, je compte sur votre discrétion !" l'interrompit-il, utilisant cette excuse de confiance pour le faire taire et le faire disparaître au plus vite.

Et son plan fonctionna. Le sergent, affichant, un sourire qui se voulait complice à Lumard se retourna satisfait et disparu. Mochi et Roy purent sortir, soulagés. Prenant soin de fermer la porte à clef, ils enfermèrent les deux officiers et reprirent le chemin du bureau de Matheson. Et ils y étaient quasiment, à peine un demi-couloir les en séparait. Ils ne croisèrent personne d'autre sur le court chemin qui restait à parcourir. Arrivé à quelques pas de la porte de l'officier en charge de Las Camp, huile s'il en est, le lieutenant se retourna vers ses suivants.

"Il est là derrière normalement, il travaille très tard en général. Faites en sorte que j'ai vraiment l'air d'un otage cette fois" dit Lumard, chuchotant.
"Quoi ?!"
"Chuuuut !!!"
"Quoi ?"

Roy sortit son flingue et nonchalamment l'envoya à Mochi, qui, à son tour, empoigna le lieutenant et lui pointa son canon dans la nuque. Sa requête était satisfaite. Sans attendre un instant de plus, Roy s'approcha de la porte et l'ouvrit délicatement, laissant découvrir une salle ni grande, ni petite, meublée de quelques étagères chargées en livres et cerclant la pièce. Au centre, un bureau massif, derrière, une fenêtre, unique, laissant transparaître la lueur légère et agréable de la lune qu'une lampe au plafond venait vulgairement et violemment briser. Derrière le bureau, ils aperçurent pour la première fois le Colonel Matheson, assis sur son séant, cigare et moustache vaguement dessinée derrière un épais nuage de fumée, qui retombait avec lourdeur sur les narines tant la pièce demandait à être aérée.

"On frappe avant d'entrer !!!"
grommela t-il sans même lever l’œil.
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Voyant que Matheson ne regardait même pas dans leur direction, Roy fit signe à Mochi de baisser son arme. Le docteur obtempéra, le canon de son pistolet bientôt dissimulé derrière les hanches de Lionel. Finalement le pirate s'était ravisé : inutile de faire passer leur allié marine pour un otage et alerter inutilement leur cible. Une fois celle-ci maîtrisée, ils auraient tout le temps d'assurer la couverture du lieutenant Lumard.

Cette précaution ne fut pas nécessaire cependant. Bravant la fumée nauséabonde qui emplissait la pièce, les trois hommes avancèrent à la rencontre du Bon, lequel ne leva même pas les yeux de son document. Mochi aurait tout aussi bien pu brandir un bazooka à deux centimètres de la caboche de son ami que cela n'aurait fait aucune différence.

Tandis que Matheson, interloqué par l'absence de réponse, relevait enfin la tête dans leur direction, Roy arriva jusqu'à lui et entreprit de contourner son bureau. D'abord surpris par le sans-gêne de ce marine inconnu, l'officier supérieur voulut demander de quoi il retournait. Il eut juste le temps de noter l'intense regard dudit "marine" qu'un déclic métallique devant lui attirait son attention. Tournant la tête vers les deux autres intrus, il oublia bien vite l'individu qui l'approchait sur sa gauche - sa tête lui était familière, il ne savait pas pourquoi - et se retrouva nez à nez avec le canon d'un pistolet. S'étranglant sur son cigare devant ce braquage inattendu, Matheson se leva dans un sursaut en s'écartant de la trajectoire de l'arme. Dans sa hâte cependant, son genou vint percuter le bureau couvert de paperasse et le fit trébucher. Il avait totalement oublié Roy, une erreur que l'on ne commettait pas deux fois.

Profitant de la diversion offerte par Mochi, le pirate se jeta sur le colonel vulnérable et l'éjecta de son siège. Projeté au sol, le marine tenta bien de résister mais il ne pouvait rien faire face à la férocité de son agresseur. A califourchon sur la hanche de sa victime, ce dernier leva bien haut son poing et mit toutes ses forces dans une frappe qui s'enfonça puissamment dans les lombaires de Matheson. Écarquillant les yeux, le marine serra involontairement la mâchoire et sectionna son cigare d'un coup de dents, manquant d'en avaler un morceau tandis qu'il arquait le dos sous la douleur. Impitoyable, Roy accompagna son mouvement et s'en servit pour le plaquer sur le ventre. Ceci fait, il se saisit des menottes précédemment remises par Lumard et verrouilla les poignets du colonel. Calant son genou sur les bras entravés de sa victime, il plaça une main sur la nuque de cette dernière. La tête plaquée contre le sol, le Bon ne pouvait pas recracher le morceau de cigare dans sa bouche et était de ce fait parfaitement incapable d'appeler à l'aide.

Le calme revenant dans la salle, les trois intrus tendirent l'oreille, vérifiant que le bruit provoqué par cette courte altercation n'avait pas alerté un quelconque marine au-dehors. Après quelques secondes, ils soupirèrent de soulagement : si ce n'était les mugissements furieux du vieux soldat dompté, il n'y avait pas un bruit aux alentours.

 - Va relever le siège du colonel, ordonna méchamment Mochi à son otage après ces quelques secondes d'accalmies, et profites-en pour t'occuper de son cigare.

Tandis que Lionel Lumard obtempérait en se retenant de grogner, Roy résista aux soubresauts de l'officier supérieur qui tentait de désarçonner son agresseur. Jouant le tout pour le tout, le vieux moustachu battait des jambes et donnait des coups de pied au sol, tentant d'alerter ses subalternes aux alentours. Forcé de maintenir la tête de sa victime au sol pour qu'elle ne recrache pas son bâillon improvisé, le pirate ne pouvait pas l'en empêcher. Cela n'irait pas.

 - Colonel ! l'appela Roy, je ne suis pas venu ici pour vous tuer ! Cessez de résister ou votre homme va y passer !

À côté d'eux, le lieutenant avait redressé le fauteuil du colonel et s'approchait maintenant de ce dernier avec un mouchoir. Énervé et affolé comme l'était Matheson, Roy craint un instant qu'il n'ait pas enregistré ses paroles. Mais c'était un vieux de la vieille, un vétéran. La panique reflua peu à peu dans son regard et il cessa bientôt son manège, entreprenant plutôt de regarder autour de lui. Sentant que sa cible se calmait, le capitaine pirate accepta de lui donner un peu de marge en diminuant la pression exercée par sa main.

Le colonel put redresser très légèrement la tête. Ses yeux firent la navette entre les trois intrus, assemblant lentement les morceaux du puzzle dans son esprit. Le regard implorant de Lionel Lumard, associé au canon de pistolet qui gravitait perpétuellement autour de son visage, acheva de le convaincre de cesser de résister. De toute manière, à ce stade il n'y avait plus grand-chose qu'il puisse faire pour s'en sortir.

 - Si vous hurlez nous vous tueront tous les deux, l'avertit Roy une seconde fois, avant de faire signe à Lumard de continuer.

Il relâcha un peu plus la pression sur la nuque de sa victime, permettant au lieutenant de glisser le mouchoir devant la bouche de son supérieur. Ce dernier put enfin recracher le morceau de cigare qui l'empêchait de parler, libérant un mélange informe de débris humide et de salive noirâtre. Ceci fait, le marine retint péniblement un haut-le-cœur et s'en alla jeter le papier souillé dans une poubelle, tandis que Roy aidait le colonel à se relever et l’asseyait sur sa chaise.

Ne trouvant pas d'autre siège dans la salle, le jeune homme s'assit sur le bureau de Matheson, et attendit patiemment que ce dernier ne reprenne son souffle. De longues secondes s'écoulèrent tandis que le vieux colonel essuyait sa bouche sur son épaule en prenant de grandes inspirations. Il jaugeait manifestement ses agresseurs ainsi que l'état de la pièce, laquelle s'en était somme toute bien tirée compte tenu de l'assaut des pirates.

 - Qui êtes-vous soldat ? demanda soudain Matheson à l'intention de la "victime" de Mochi, prenant Roy de court en l'ignorant superbement. Vous avez été maltraité ?

 - Lieutenant Lionel Lumard mon colonel, répondit leur complice après quelques secondes d'hésitation. J'ai été enlevé par les pirates en même temps que le lieutenant-colonel Tenko Sozen... j'ai aidé ce dernier à s'échapper, mais malheureusement je n'ai pas été capable de le suivre. Ils m'ont bien traité, ne vous inquiétez pas.

Hochant la tête, rassuré, le Bon s'en retourna à Roy qui avait posé sa casquette de marine sur le bureau à ses côtés. Le militaire écarquilla soudain les yeux, semblant enfin reconnaître son agresseur maintenant qu'il pouvait détailler le visage du pirate. Les deux hommes se mesurèrent du regard.

 - Mon colonel, reprit Lumard derrière eux, inconscient de l'affrontement silencieux qui avait lieu entre les deux hommes, je suis tellement navré de...

 - Bon, le coupa Mochi en enfonçant le canon du pistolet dans la joue de son ami, il est temps de passer aux choses sérieuses.

Le colonel jeta un regard mauvais au médecin hors-la-loi. On ne peut plus d'accord avec son futur membre d'équipage cependant, Roy claqua des doigts devant les yeux de sa victime et attira de nouveau son attention.

 - Très bien, commença-t-il, comme je vous le disais je ne suis pas venu ici pour vous tuer, mais pour vous proposer une alliance.

 - Pardon ? fit immédiatement l'officier en levant un sourcil, surpris par cette révélation inattendue.

 - Prêtez-moi attention, l'avertit le pirate en ignorant sa confusion, j'ai bien peur de manquer de temps pour vous convaincre de me faire confiance.

Le colonel lui jeta un regard proprement abasourdi à ces derniers mots. Roy ne se laissa pas décourager cependant et entama enfin la discussion qu'il avait planifiée, imaginée et escomptée depuis plusieurs jours déjà. Sans perdre une seconde, il se présenta au militaire et enchaîna de but en blanc avec la description des projets qu'il nourrissait pour la 483ème division. De son côté, s'il était soulagé de ne pas avoir affaire à des assassins, Matheson n'en montrait rien. Écoutant calmement le résumé grossier que lui fit Roy de l'alliance officieuse qu'il espérait développer entre la Marine et la Famille Jackson, il ne chercha pas à s'échapper ou à appeler à l'aide, respectant la vie de son subalterne.

 - En fait c'est très simple, conclut le jeune homme après de longues minutes d'explications, je veux que vous nous fichiez la paix, à mon équipage et moi et à la Famille Jackson. Vous nous laissez bosser tranquille, démolir les Lunes de Las Camp, tuer des gangsters, rétablir l'ordre dans la ville... le travail de la Marine en gros, glissa-t-il au milieu de son argumentation, s'attirant un regard noir du colonel. Nous vous offrirons les têtes des dirigeants mafieux sur un plateau. Accessoirement, aidez-nous à stopper les massacres d'hommes-poissons perpétrés par la Guilde des Usuriers et en contre-partie je m'engage à vous livrer toutes les informations que j'ai en ma possession.

 - Vous prenez vos désirs pour la réalité gamin, réagit finalement Matheson, qui en avait assez entendu. La Marine n'est pas une organisation de seconde zone qui noue des alliances au gré du vent. Nous avons des institutions, des lois et des règles à respecter. Même si l'idée d'un copinage avec des canailles de votre acabit m'intéressait - et elle ne m'intéresse pas - je n'aurais aucun droit d'en faire une réalité sans l'aval de la hiérarchie.

 - Oho..., ria doucement le jeune capitaine, je suis sûr qu'avec un petit effort, vous devriez trouver un moyen pour faire fonctionner ce "copinage" sans en informer toute votre garnison, ou tout West Blue à cet égard... c'est la partie "officieuse" de ce projet vous comprenez ?

 - Et de quel genre d'informations parlons-nous d'abord ? réagit le vieux moustachu en ricanant à son tour, ignorant la pique du pirate. Et pourquoi diable devraient-elles m'intéresser ?

 - Le jeune "héro" que vous avez pris sous votre aile, répondit immédiatement le forban avec un sourire mauvais, ayant depuis longtemps prévu cette question, il m'a volé une partie de ces fameuses informations.

Les yeux plissés, Roy détailla le visage de sa victime aussitôt sa phrase terminée. Le marine tenta bien de ne rien laisser paraître, mais ce fut sa prudence elle-même qui le trahit : il était soudain devenu impassible, le faciès figée dans une expression fermée, trop calme pour être naturelle.

 - Oui, vous voyez de quoi je veux parler n'est-ce pas ? devina le jeune homme. Initialement je comptais le prendre en otage, commenta-t-il ensuite, et vous faire accepter cette alliance de force, sans quoi je l'aurai égorgé au beau milieu de Last Joy. Il m'a filé entre les doigts cependant et je me suis retrouvé avec lui au lieu de votre pupille, grogna-t-il en jetant un regard noir à Lionel Lumard derrière lui, lequel remua légèrement, mal à l'aise avec le pistolet pointé sur sa tempe. J'ai été forcé d'improviser, d'où ma présence ici ce soir. Vous voyez..., reprit-il en en revenant au colonel, se penchant vers ce dernier tout en lui servant son plus beau sourire, si Tenko ne s'était pas enfui nous n'aurions pas eu le plaisir de converser en tête à tête en cet instant. Vous le remercierez de ma part.

Le fier militaire se retint visiblement de se jeter à la gorge de son jeune interlocuteur. Heureusement, un mouvement de Mochi qui raffermit sa prise sur le pistolet eut tôt fait de le ramener à l'ordre.

 - Les pages du carnet que Sozen m'a volé ne sont qu'un avant-goût de ce que je peux vous offrir. J'ai des renseignements sur tout, continua Roy, sur les têtes des principaux trafiques de la ville, sur l'emplacement de toutes les planques de gangsters, sur les noms des marines véreux qui pourrissent votre entreprise et j'en passe. Oubliez momentanément ma prime, faites sauter celles des membres recherchés de la Famille Jackson, faites ce qui est nécessaire pour gagner la confiance d'Habu Jackson et je vous livrerais toutes ces données. Cela vous permettra de nettoyer votre garnison en profondeur.

 - Ce n'est pas une alliance avec votre équipage pirate alors, commenta Matheson qui, doucement, semblait commencer à envisager le projet du primé. Qu'est-ce que vous en tirez, vous ?

 - La destruction des Lunes, répondit immédiatement le jeune capitaine, comme si c'était l'évidence même. Vous voyez..., reprit-il ensuite, je suis probablement l'homme le plus puissant de l'île en cet instant, mais cela ne me sert pas à grand-chose lorsque mon camp est en sous-effectif. Or je prévois bientôt un assaut généralisé sur toutes les infrastructures, affaires et réseaux des Lunes, révéla-t-il, soutenant le regard empli de gravité que lui servit le colonel, à la lumière de ce qu'il venait d'apprendre des projets du pirate.  Pour cela il me faut des hommes. Habu Jackson me donne le contrôle de ses troupes, mais son gang n'est pas assez puissant pour combattre seul les triades.

 - Ah, et donc vous voulez commander mes hommes, déduisit le colonel avec une mine entendue. Vous avez perdu l'esprit.

 - Non, le rassura le pirate, je veux que vous vous joigniez à cette croisade et que vous choisissiez un camp. Si vous acceptez je vous mettrais en contact avec Habu Jackson et vous vous concerterez pour organiser vos actions. Ainsi, les marines et les hommes-poissons se soutiendront mutuellement lors des nombreuses escarmouches à venir.

Haussant un sourcil, Roy regarda ostensiblement l'escargophone reposant sur le bureau du marine. Un mot et il appelait le chef de la Famille pour le colonel. Mais ce dernier semblait en pleine réflexion.

 - Vous n'avez pas d'autre choix, commenta simplement le jeune homme, en attendant que l'officier ne se décide. C'est une opportunité unique que je vous offre. En acceptant de prêter main-forte à un gang, somme-toute pas si important que ça, la Famille Jackson, vous pourrez anéantir l'immense organisation triade qui vous tient en échec depuis tant d'années. Qu'est-ce que vous en dites ?


Dernière édition par Roy D. Aston le Mar 2 Jan 2018 - 2:37, édité 4 fois
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Préparer le mat

Tenko Sozen
Les lourdes portes de la grange grincèrent soudainement, déchirant le silence qui régnait jusqu'alors. Tenko releva la tête, se concentrant sur l'espace qu'allaient bientôt occuper les différentes factions venues négocier. Des silhouettes traversèrent les ténèbres avant qu'une lumière chaude ne commence à illuminer la pièce au ras du sol. Les ombres des bandits présents s'étendaient contre les parois de bois, dansant au gré des mouvements des flammes. Les lanternes avaient été fixées aux piliers soutenant la mezzanine sur laquelle se trouvait le lieutenant-colonel. Le silence avait repris possession des lieux, les différents membres de l'entrevue procédant certainement à un jugement mutuel du regard. Le jeune soldat s'était discrètement glissé dans un endroit depuis lequel il pouvait le mieux observer la scène. Les deux groupes étaient composés de cinq membres, au milieu desquels on retrouvait les deux principales cibles de l'officier. À gauche, une jeune femme aux cheveux noirs et courts se tenait debout, visiblement fatiguée et anxieuse. En face d'elle, la Reine des Cendres, une ennemie que le jeune homme avait rencontré à de maintes reprises à présent et qui avait toujours eu l'avantage sur lui. Les autres personnes avaient gardées leurs capuches sur leur têtes, mais la jeune mouette pouvait clairement voir la tension qui les parcourait. Leurs mains agrippées sur leurs armes, ils étaient prêt à en découdre au moindre écart. Aussi les meneuses commencèrent leur discussion.

"J'avais cru comprendre que vous travailliez seule, j'étais surprise de savoir que vous aviez rejoint un équipage."

"Il est toujours noble de trouver un but autre que l'accumulation de richesses, Shifumi."

Les mots de la tueuse à gage avaient encore refroidi l'ambiance, même si ses propres hommes semblaient plus menaçant encore que les usuriers. Tenko attrapa la poignée de son sabre, prêt à intervenir à la moindre occasion. Il serra les dents, conscient qu'il devait tirer le plus d'informations de la rencontre avant d'agir. Il n'était pas un officier pour rien, tout devait pouvoir lui servir à écourter le conflit. Néanmoins une certaine colère s'insinuait en lui, d'une part à cause de l'ambiance mais aussi du fait de sa rancoeur envers ces individus. Ils faisaient des dizaines de mort au seul nom de l'argent, et c'était quelque chose qu'il ne pouvait pas supporter. L'usurière reprit la discussion avec un ton beaucoup moins assuré.

"La diplomatie ne coule pas de source chez vous... Passons au sujet principal si vous le voulez bien. Notre situation est plutôt... ennuyante. Nous peinons à lutter à la fois contre les poissons et les marins. De plus, un sale mioche m'a volé un carnet qui m'est très précieux. Une alliance avec vous serait une aubaine pour notre cause."

"Et qu'en serait-il de la nôtre? Qu'est vous pouvez m'apporter que nous n'avons déjà?"

"De l'argent, un prêt sans intérêts. Vous serez plus riches que jamais en aidant les Usuriers."

"Si c'est tout ce que vous avez nous refuserons. Comme vous l'avez dit, ce pacte est sans intérêts pour nous. Nous ne serons pas redevable à votre corporation au bord de l'effondrement."

Bouillonnante, Shifumi se retenait presque de sauter à la figure de son interlocutrice. Tenko sentît que son moment n'allait pas tarder à arriver. S'il était rapide et efficace, il pourrait frapper l'ennemi et prendre les deux cibles d'un seul coup. L'usurière ne put s'empêcher d'exploser, vocalement seulement néanmoins. Le rapport de force était clairement en sa défaveur, tout le monde en était conscient.

"Alors pourquoi avoir organisé cette rencontre?!"

"Pour le voir lui."

Dans la même foulée, une flèche vint se planter dans une botte de foin vide. Les regards se figèrent sur l'endroit innocupé de la mezzanine et les bouches restèrent closes pendant quelques instants. Avant qu'un cri ne brise le silence alors qu'un des hommes de Shifumi s'effondrait sous l'effet d'un puissant coup de sabre. Son homologue le plus proche eut à peine le temps de tirer son arme de quelques centimètres qu'un coup de pied le chassait en arrière. Un coup de feu retentit et le troisième bandit s'écroula tandis que le quatrième reculait de peur. L'atmosphère s'était complètement transformée en quelques secondes, alors que Tenko se tenait à présent derrière la dirigeante des Usuriers, confiant dans sa maîtrise de la situation. Shifumi se jeta sur lui, plus pour le dépasser et atteindre la sortie que pour le vaincre. La lame du jeune officier fendit l'air avant d'ouvrir une plaie profonde dans le torse de la jeune femme, impuissante face à son adversaire. Elle s'écroula et essaya de ramper, non sans difficultés. Les hommes de la Reine des Cendres n'avaient pas bougé d'un pouce, sous l'ordre de leur cheffe. Elle se recula, apprêtant son arc. Le terrain ne lui était, une fois de plus, absolument pas favorable.

"On dirait que mes informations étaient bonnes."

"Tenko Sozen... Je ne comprends pas l'engouement du capitaine à ton égard. Tu représentes sûrement quelque chose de spécial pour lui, mais je ne saurais dire quoi."

"Donne moi son nom et je pourrai t'aider. Et donne moi le tiens au passage. Ça servira quand il faudra remplir les petites cases des registres de prison."

Les deux adversaires se jaugeaient, chacun à bonne distance de l'autre. Le jeune homme concentra son regard sur les compagnons qu'elle avait emmenée avec elle. Il ne pouvait voir leurs visages encapuchonnés mais Deux d'entre eux tremblaient légèrement, tenant fébrilement la garde de leurs épées. Les deux autres ne bougeaient pas d'un cil et leurs armes semblaient de trop bonne facture pour appartenir à de simples sbires. Trois contre un? Ce serait pas idiot, que ce soit contre Shifumi ou contre moi... La Reine des Cendres ne répondit pas à l'injonction de l'officier, gardant le silence. Tenko se remit donc au travail.

"Comment tu as pu savoir que j'étais ici? Et tu devrais demander à tes hommes d'enlever leurs capuches, ce sera plus simple pour la photo."

"Peut-être que parmi les réfugiés chez les Hommes-Poissons, des oreilles m'appartenant ont pu me transmettre des informations d'importance... Qui sait?"

"Ne t'inquiètes pas, je ne tarderai pas à le savoir!"

Le temps des paroles était révolu. Le jeune soldat s'élança, tenant son sabre dans une de ses mains tout en tenant son arme à feu dans l'autre. Quatre mètres séparaient les deux combattants et Tenko ne fut pas le seul à les parcourir. Immédiatement, les deux hommes qui avaient retenu son attention le chargèrent à leur tour, dégaînant leur lames à leur tout. À cette vision, la mouette jeta son pistolet sur le côté et planta ses jambes en appui, saisissant par la même occasion la poignée de son épée de ses deux mains. Les deux combattants arrivèrent presque immédiatement à son niveau. Les deux lames se heurtèrent avec violence sur la troisième et dans le même élan, les sabreurs s'écartèrent d'un bond en arrière. Néanmoins, alors qu'ils pensaient avoir l'occasion de se replacer, le lieutenant-colonel choisit son opposant de droite et le chargea sans tarder. Dans la plupart de ces situations, l'hésitation perds un opposant pourtant plusieurs talentueux que ses attaquants. Comme pour lui donner raison, un flèche alla se planter dans la paroi du fond, passant à l'endroit où il s'était tenu quelques seconde plus tôt.

"C'est pour ça qu'on a des sbires sacrifiables, Tenko!

Le militaire se désengagea sans tarder et recula de quelques pas. Avant qu'il n'ait le temps de réagir, les quartes hommes se jetèrent sur lui, plantant leurs sabres dans son corps sans lui laisser d'occasion de s'échapper. L'homme qui l'avait apostrophé releva sa capuche, dévoilant son visage.

"Les frères Jons..."


Dernière édition par Tenko Sozen le Mer 14 Juin 2017 - 8:28, édité 1 fois
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- Je ne marche pas, refusa catégoriquement le colonel. Qui me dit que tout ceci n'est pas qu'une vaste fumisterie pour m'enregistrer en train de m'associer à des pirates ?

 - Pardon ? demanda Roy en haussant les sourcils.

 - Arrêtez d'essayer de m'embobiner, l'avertit Matheson. Vous vous êtes infiltré jusqu'ici malgré le danger pour m'asseoir à une table et me forcer à accepter une association entre la Marine et la mafia ? Ça ne prend pas. Vous avez un Sound Den Den pour enregistrer notre conversation, avouez-le. C'est manifestement un piège pour me faire céder, que je dise à haute voix que j'accepte votre marché et ensuite vous me ferez chanter.

Perplexe, le pirate marqua un temps d'arrêt et se retourna vers Mochi. Silencieusement, il demanda au docteur s'il comprenait ce qui se passait. Ce dernier haussa simplement les épaules avant de faire un signe de tête au jeune capitaine, l'enjoignant de reprendre la conversation. Pondérant un instant ses propos, Roy se retourna et accusa le coup en découvrant le regard accusateur de l'officier. Ce dernier semblait convaincu d'avoir vu juste.

 - Non rassurez-vous, plaida le pirate. Notre entrée en matière peut certes paraître un peu... brutale, mais je puis vous l'assurer, il n'a jamais été question de vous forcer la main. Au contraire, nous voulons poser les bases d'une collaboration durable entre la Marine et la Famille Jackson. Je ne cherche pas à vous piéger.

Roy voulut continuer, mais la mine sceptique de l'officier supérieur le força à prouver ses dires. Sautant du bureau, il fit un rapide tour sur lui-même, détaillant chacune de ses poches au colonel pour lui montrer qu'il ne dissimulait pas de Den Den Mushi quelconque.

 - Je ne savais même pas qu'une variété d'escargophone pouvait enregistrer les sons, commenta-t-il ensuite au colonel, lequel jeta quand même un coup d’œil appuyé à Mochi et Lionel.

Dans un soupir, Roy céda à la méfiance du vieil officier et fit signe à ses deux compagnons d'approcher. Tandis que le jeune capitaine récupérait un instant son pistolet pour tenir leur "otage" en joue, Mochi eut tout le loisir de faire une pirouette devant le colonel. Puis ce fut au tour du lieutenant de prouver qu'il ne dissimulait pas d'appareil d'écoute.

Ceci fait, Matheson sembla rassuré. Il était en train de réfléchir calmement quand Roy - qui avait repris place sur le bureau du marine - décida qu'ils avaient assez perdu de temps. Il allait reprendre la conversation, quand soudain l'on frappa à l'entrée du bureau.

Qui que soit la personne à l'origine de ce bruit, elle semblait habituée à entrer directement après avoir toqué, car la poignée de la porte s'abaissa sans attendre de réponse. Bondissant sur leurs pieds, les pirates eurent un sursaut de panique, Mochi pointant le pistolet sur la joue de son ami, oubliant presque que Lionel n'était pas un véritable otage.

 - Non ! s'écria Matheson, arrêtant son subordonné in extremis, la porte déjà à moitié entrouverte quand il suspendit son geste. Bon sang ! reprit le chef de garnison avec brusquerie, je vous ai dit cent fois d'attendre ma permission avant d'entrer ! Qu'est-ce que vous voulez ?!

 - Hum... mes excuses colonel, hésita une voix masculine derrière la porte, vous m'aviez demandé les profils des gangsters de la Ruche, je vous apporte les dossiers.

Le soldat fit mine de continuer son mouvement, provoquant un sursaut de panique 

 - AHA ! s'écria de nouveau Matheson, son éclat arrêtant une fois de plus son subordonné à la dernière seconde.

Prudemment, les pirates se déportèrent sur leur droite, prenant bien garde à rester à l'écart de la portion de pièce accessible à la vue de l'intrus. Roy jeta un regard appuyé au vétéran, son sabre à moitié dégainé. Le message était clair.

 - Merci Oliver mais je les compulserais demain, reprit le vieux militaire. Je vous libère pour la soirée, rentrez chez vous.

 - Hum, d'accord..., hésita un instant le soldat. Colonel ? Maintenant que je suis là vous ne préférez pas plutôt que je dépose les documents sur votre bureau ? Comme ça ils seront déjà là quand vous arriverez demain matin.

 - Bon sang lieutenant je suis à l'escargophone avec ma famille ! explosa Matheson, tout en faisant signe aux pirates de s'apaiser. Vous me dérangez, débarrassez-moi le plancher !

Après quelques secondes, la porte se referma, au grand soulagement des comploteurs et de leur victime. Ils entendirent les pas du marine s'éloigner à mesure qu'il partait sans demander son reste.

Après avoir pris le temps de se remettre de leurs émotions, les pirates reprirent les positions qui étaient les leurs avant l'interruption d'Oliver.

 - L'heure tourne colonel, lâcha finalement le pirate, pressant le vieil officier. Vous réagissez vite et nous avons été chanceux, mais rien ne garantit que tout se passera aussi bien la prochaine fois. Décidez-vous, exigea Roy.

Le colonel sembla pondérer un instant ses options. La potentielle catastrophe qu'il était parvenu à éviter in extremis l'avait fait suer à grosses gouttes. Ceci, associé au coup qu'il s'était pris dans le bas du dos et au fait d'avoir été maîtrisé et attaché par des pirates, lui avait donné mauvaise mine. Pâle comme la mort, le colonel était sous tension, bien que ses yeux aient encore du feu en eux.

 - C'est toujours non, lâcha-t-il finalement. Je n'ai aucune garantie que vous tiendrez parole, ou que vos fameuses "informations" en vaillent la peine. Je ne vendrais pas mon âme ou ma garnison à un pirate, oubliez ça.

Roy hocha la tête : il s'y attendait. Tout n'était pas encore perdu. Que le colonel refuse l'alliance à ce stade de la conversation était prévu. C'était là que Tenko entrait en scène, il n'y avait plus qu'à espérer que son coup de Den Den arrive rapidement. En attendant, il allait falloir maintenir le dialogue avec cet officier têtu.


Dernière édition par Roy D. Aston le Mar 2 Jan 2018 - 2:44, édité 3 fois
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Disposer l'échec

Tenko Sozen
Les quatre bandits exultaient de joie, leurs lames plantées dans le corps du lieutenant-colonel qui avait cessé de bouger. Tenko regardait le sol, retardant encore un peu l'effet de surprise. Ce répit que lui avaient donnés les pirates lui donnait la possibilité de réfléchir à une tactique efficace pour mettre fin à l'affrontement au plus vite. Il jeta un coup d'œil à son sabre, toujours fermement tenu par sa main. Puis d'un mouvement brusque, il brisa la position d'entrave de ses adversaires et fit valser sa lame autour de lui. Les deux frères eurent le temps de s'écarter contrairement à leur deux compagnons. L'un d'entre eux se vit sectionné au niveau de l'abdomen tandis que l'autre servit au jeune soldat de bouclier contre la flèche qui lui était destinée. Les deux épéistes allaient charger le pirate de nouveau quand la tueuse à gages s'avança, impérieuse.

"Vous ne pouvez pas le battre, retirez-vous"

"Mais..."

"Retirez-vous."

Elle s'était tournée vers eux et avait très clairement laissé entendre, au ton de sa voix, qu'aucune négociation n'était possible. Les deux pirates se retirèrent, amers. Ils passèrent la porte non sans avoir couvert leur têtes des leurs capuches et disparurent dans la nuit. Tenko ne se laissa pas distraire et conserva son regard rivé vers son adversaire, celle qui lui donnerait véritablement du fil à retordre. Ils s'étaient rencontrés à deux reprises et l'avantage n'avait pas été au soldat. Mais à présent, il se sentait capable de la vaincre, dût-il y laisser un membre.

"Laisse tomber ton arc et tire une épée d'un de tes camarades tombés."

"Et te donner l'avantage de l'arme en plus de celui du terrain? Je vais rester raisonnable."

"Comme tu le souhaites..."

Le lieutenant-colonel s'élança, chargeant son adversaire qui encochait rapidement une flèche. La corde revînt en arrière et l'arme toute entière se tendît. Le trait partit dans un claquement sec. Tenko se décala d'un pas sans briser son rythme. Je te tiens! Arrivé au niveau de la Reine il abattu son sabre dans un geste large. Mais l'assassin se glissa rapidement au dessous de la lame avant de frapper le jeune homme dans le ventre avec l'armature métallique de son arc. La mouette se plia en deux en reculant. Elle avait visiblement compris que les lames ne lui feraient rien et elles allaient donc le frapper jusqu'à la défaite. À elle avait un bon œil, il ne pouvait le nier. Soit je la joue loyale et je m'expose, soit je garde mon sabre et l'avantage par la même occasion.. Il rapprocha sa lame de son fourreau et la glissa délicatement à l'intérieur de l'étui de bois. C'était imprudent, probablement stupide aussi, mais ça lui donnait le sentiment d'être juste, honnête. Pour peu qu'il en ai besoin. Il expira longuement avant de mettre ses poings desserrés à hauteur de ses épaules. Il n'avait aucune expérience en combat à mains nues autre que les quelques échauffourées de taverne dans la marine marchande. Étrangement, son adversaire glissa son arc dans son dos à son tour, visiblement soucieuse de faire les choses bien. Ils se rapprochèrent l'un de l'autre, lentement, avant que les coups ne fusent. La jeune femme enchaînait des prises défensives, envoyant le lieutenant-colonel dans le décor à plusieurs reprises. De son côté, le jeune officier avait réussi à placer quelques coups efficaces, fatiguant son adversaire. Propulsé contre une poutre, il se releva et s'approcha en marchant. Arrivé au niveau de l'assassin, il envoya un coup de poing dans sa direction. Alors qu'elle levait ses bras pour se protéger, il décrocha son poing qui, libéré de ses attaches, prit de la vitesse avant de percuter le masque de la tueuse, qui se brisa sur le coup. Elle recula alors que Tenko s'approchait déjà pour continuer son assaut. D'un mouvement souple, elle envoya un coup de pied au jeune homme avant d'effectuer une roue pour se mettre à une distance raisonnable. Elle attrapa son masque et le jeta au sol, dévoilant pour la première fois son visage au soldat. Elle avait des cheveux bruns mi-longs qui encadraient son visage fin, des yeux couleur amande et une bouche fine. Son front était couvert de sueur après les échanges de coups avec le jeune marin.

"Aucun de nous ne cherche à tuer l'autre, pas vrai? Prépare-toi, je viens avec tout ce que j'ai au prochain coup."

Elle se mit dans une position étrange, dégainant un long coutelas. Le jeune homme se demanda ce qu'elle avait en tête. Elle savait pertinemment que les lames resteraient innefficaces contre lui et pourtant elle semblait confiante dans son entreprise. Il resta focalisé sur la lame qui ne tarda pas à se teinter d'un étrange revêtement noir, semblable à un liquide poisseux. Elle aurait les pouvoirs d'un fruit? Il attrapa le pommeau de son arme et l'assassin choisît ce moment-là pour lancer sa charge. Le lieutenant-colonel voulût tirer son sabre mais une des lanières se bloqua sur la garde et l'ennemie était déjà là. Il tira d'un grand coup alors que le couteau entaillait sa chair. De sa main libre, il attrapa la jeune femme et la rabattit contre lui alors que le lien de cuir cédait et que le sabre se dégageait. Il décrivit une courbe et alors que Tenko repoussait la jeune femme, la lame trancha le long de son torse, la laissant dans l'incapacité d'agir de nouveau. Elle tomba sur ses genoux et essaya de ramener sa propre lame vers elle. Le soldat l'écarta d'un vif coup de pied avant de jeter un œil autour de lui. Shifumi avait mis les voiles, sûrement à l'aide de ses sbires encore en vie. Elle n'était de toute manière plus vraiment en bonne condition. Des bruits de pas et des échos de voix se firent entendre au dehors, se rapprochant du bâtiment. Prenant l'initiative, le jeune homme tira un briquet d'une de ses poches et le lança sur un tas de foin proche de l'entrée qu'avaient empruntés les Usuriers. Il menotta la jeune femme avant de la jeter sur son épaule et de prendre la poudre d'escampette dans la nuit. Après avoir parcouru quelques centaines de mètres, il s'arrêta et regarda son épaule meurtrie. Il perdait beaucoup trop de sang et il lui faudrait rentrer au plus vite. La ville se dévoilait au loin, il ne l'atteindrait pas. La Reine des Cendres s'était évanouie, aussi il se plaça près d'elle avant de sortir son escargophone. Il composa le numéro du Colonel et attendit une réponse.

"Colonel Matheson..."

Au ton de sa voix, Tenko devina qu'il avait bien choisi son moment pour appeler. Le colonel avait laissé glissé une pointe d'inquiétude dans ses salutations.

"Lieutenant-colonel Sozen, au rapport. Je viens de capturer la Reine des Cendres. Les informations contenues dans cette page étaient exactes, il faut qu'on se procure le reste du bouquin..."

"Ce ne sera pas nécessaire, Sozen. Bien joué, revenez-vite!"

Le jeune homme se hâta de parler à nouveau, rechignant à l'idée de se vider de son sang en cet endroit pou n'avoir pas osé s'imposer à son supérieur.

"A propos de ça! Vous pourriez envoyer une équipe me chercher? Je suis blessé et je ne vais pas réussir à rentrer seul. Dites leur de prendre cap Nord-est et de chercher le Verger des Brumepoix..."

"Je vous envoie vos gars, officier."

Le vieil homme raccrocha et Tenko put enfin se reposer. Il posa sa tête contre l'arbre et lutta pour rester éveillé. Une autre journée mouvementée venait de passer.
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- Belle prise, commenta simplement Roy en fixant intensément le colonel.

Une main posée sur le combiné de l'escargophone, Matheson jeta un regard noir au pirate. Ce dernier avait un air entendu plaqué sur le visage. Levant son sabre, il l'approcha du membre de l'officier supérieur, le forçant à lâcher le Den Den Mushi et s'en éloigner.

 - Belle coïncidence..., rétorqua le colonel, la mine sombre. Comment se fait-il que ce jeune prodige de Tenko m'appelle précisément maintenant et m'assure justement que vos informations sont authentiques ? Que s'est-il réellement passé lorsque vous l'avez enlevé ? demanda carrément Matheson. Qu'avez-vous fait ?

 - Oh mais ce n'est pas une coïncidence, lui assura Roy en sortant le journal de Shifumi, révélant pour la première fois l'intégralité du précieux document au militaire.

Ouvrant le carnet pour Matheson, il s'arrêta à l'endroit manquant trois pages, lesquelles étaient présentement entre les mains de son ami.

 - Je sais quelles informations m'a dérobé Sozen, expliqua le pirate. Après son évasion, mes hommes ont rapidement trouvé sa trace. Je l'ai fait suivre à son insu et quand j'ai compris qu'il allait partir à la poursuite de Mura Folion, j'ai eu l'idée d'un plan. Je l'ai aidé en dirigeant les pions de la Reine des Cendres dans la bonne direction, révéla-t-il, manipulé pour que son opération tombe ce jour précis, à cette heure précise. Ma présence dans ce bureau alors même que votre protégé prend contact avec vous était préméditée.

Enfonçant le clou, Roy rengaina son arme et s'approcha du colonel. Attrapant la nuque de ce dernier, Roy ne le laissa pas détourner la tête lorsqu'il approcha son visage à quelques centimètres de celui du marine. Ses yeux fiévreux terriblement proches de ceux, médusés et effrayés, du colonel, il continua son explication sur le ton de la menace.

 - Je sais tout ce qui se passe dans cette ville, lâcha-t-il avec férocité. J'ai des connexions avec tous les groupes de gangsters, des informations sur tous vos sous-fifres corrompus, que je peux faire chanter selon mon bon vouloir. Mon réseau s'étend sur toute l'île, d'un claquement de doigt je suis à même de faire s’entre-tuer les gangs et faire régner le chaos dans vos rangs. Vous seriez bien avisé de m'avoir dans votre camp, marine.

Le pirate marqua le coup pendant quelques secondes, appuyant son effet en plongeant son regard dans celui de Matheson. Puis, doucement, il desserra sa prise sur la nuque et les cheveux du vieil homme et le libéra de son emprise avant de s'éloigner lentement.

 - Monstre..., souffla simplement le colonel une fois que le jeune homme se fût écarté, ébranlé par les mots de ce derniers et la force qui irradiait de lui.

 - C'est un pouvoir qui pourrait être vôtre colonel, lâcha le pirate sans laisser au marine épuisé le temps de se remettre. Il vous suffit d'accepter ma proposition, susurra le pirate, agitant doucement le journal de Shifumi devant les yeux de sa victime.

Déjà pâle quelques minutes auparavant, le vieil officier était quasiment livide à présent. Un air abattu sur le visage, il sembla réfléchir aux révélations du jeune homme. Détournant le regard, il jeta un rapide coup d’œil par-dessus son épaule, faisant jouer ses menottes en remuant les bras. Il était piégé. Retournant à Roy, il dévisagea longuement le pirate.

 - Très bien, céda-t-il enfin. J'accepte.

 - Magnifique..., lâcha le jeune capitaine d'une voix amère, secrètement écœuré d'avoir eu à manipuler Matheson de la sorte. Donnez-moi vos coordonnées, Habu Jackson vous contactera sous peu.

Les mains toujours liées dans son  dos, Matheson obtempéra. Ce n'était sûrement pas ainsi qu'il avait imaginé ramener l'ordre à Las Camp, mais il n'avait pas vraiment le choix. Dans tous les cas, sa mort ne rendrait pas service à l'île.

 - Pas un geste, ordonna ensuite le pirate en s'approchant du colonel avec la clé de ses menottes, n'oubliez pas que Mochi a un pistolet sur votre homme.

Respectant cette fois-ci l'espace personnel du Bon, Roy le laissa lui présenter ses poignets de lui-même et déverrouilla ses entraves. Heureusement pour les pirates, ainsi que pour Matheson, ce dernier ne chercha pas à faire de vagues et se rassit simplement sur son siège. Il allait honorer sa parole semblait-il.

Mais le pirate avait un autre test en tête. D'un geste, il fit signe à son futur membre d'équipage de lui rendre son arme. Raffermissant sa prise sur son ami, Mochi lança son pistolet à Roy. Attendant de voir si le colonel allait en profiter pour se retourner contre eux, l'arme sembla prendre un temps infini au pirate avant d’atterrir dans sa main. Il lâcha un soupir inaudible au contact de l'arme, soulagé de ne pas avoir été attaqué par le militaire vétéran maintenant que Lumard n'était plus tenu en joue. Finalement, il se retourna et se pencha vers son nouveau "partenaire".

 - Une dernière chose..., lâcha Roy d'un ton soudain très menaçant, si jamais il vous prenait l'envie de doubler Habu, non seulement je tuerais Lionel Lumard, mais je vous promets également d'assassiner Tenko et de planter leurs cadavres au sommet de piques, bien en évidence dans les rues de Las Camp.

Le colonel fit mine de s'offusquer de la menace du pirate, mais ce dernier ne lui laissa pas l'occasion de répondre. Trop vite pour qu'il puisse réagir dans sa position désavantageuse, Matheson se prit un coup de crosse sur le crâne et tomba face contre son bureau.

 - On s'en va, ordonna Roy, d'une humeur massacrante malgré le succès de leur plan.

Lionel Lumard prit les devants.



Quelques heures plus tard, au milieu de la nuit, l'escargophone de Matheson se mit soudain à sonner, tirant ce dernier de sa torpeur. Avec un grognement de douleur, le Bon se frotta le crâne en regardant de tous les côtés d'un air confus. Finalement, il sembla parvenir à se repére, et décrocha le combiné du Den Den Mushi. Une voix mélodieuse le salua après quelques secondes de silence.

 - Habu Jackson ? demanda le colonel en se frottant le visage.

 - Lui-même, répondit le chef de gang. Comme convenu par notre... "ami commun", j'aimerais décider du lieu et de l'heure d'une rencontre, démarra l'homme-poisson sans perdre de temps.

 - Ce n'est certainement pas mon ami, grogna le colonel en ignorant sa demande, je l'aurais sur un échafaud avant la fin de cette histoire, promit-il.

 - S'il vous plaît marine, plaida Habu, mon peuple se fait massacrer par les triades et a cruellement besoin d'assistance. J'ai conscience de mon statut de gangster mais pour le bien des hommes-poissons de la cité et pour le bien de Las Camp, nous devons parvenir à un accord.

Matheson marqua un temps d'arrêt, prenant doucement la mesure de ce qui s'était passé. Jetant un coup d'oeil à son bureau dévasté, il peinait toujours à croire que des pirates aient pu s'infiltrer dans la caserne et s'en prendre à lui. Avisant une horloge qui avait échappé à l'assaut de Roy D. Aston, il se rendit compte de l'heure avancée. Sa famille l'attendait et devait sûrement s'inquiéter de son absence. Il devait envoyer quelqu'un chercher Tenko Sozen, comment allait-il pouvoir lui expliquer tout le temps qu'il avait perdu avant d'accéder à sa requête ? Il devait se dépêcher.

 - Je vous écoute, soupira le Bon, la mine sombre.


Dernière édition par Roy D. Aston le Mar 2 Jan 2018 - 2:51, édité 1 fois
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La voie de la raison

Tenko Sozen
Le sergent Karm n'avait pas tardé à trouver son supérieur avec son escouade. Il avait fini par s'assoupir contre le fameux chêne, sa prisonnière évanouie à côté de lui. Il avait néanmoins eu l'intelligence de faire un garrot pour contenir l'hémorragie de son épaule. Les soldats avaient peiné à ramener ces deux poids morts mais ils avaient accompli leur devoir. La division Sozen retrouvait son chef après sa longue et périlleuse mission. Il s'était réveillé quelques heures plus tard et avait fait fi des conseils des médecins, qui lui avaient demandé de rester couché. Le colonel l'avait fait demander. Tenko savait qu'il devait poser la dernière pierre à l'édifice, et il comptait le faire au plus vite. La situation était propice à la victoire si les bonnes décisions étaient prises sans attendre. Cette fois-ci, le chemin jusqu'au bureau de l'officier supérieur fut pénible. Le jeune lieutenant-colonel croisa des subordonnés qui le saluèrent en le dévisageant, sa mine demeurant épouvantable. Quand il arriva devant la porte, il frappa rapidement avant d'entrer. Matheson se tenait là, fumant son cigare, la page de journal et son escargophone devant lui. Il fit signe au soldat de s'asseoir.

"Sale nuit, pas vrai soldat?"

"Je ne vous le fait pas dire..."

"Mais je dois dire que vous vous êtes montré digne de votre réputation, Sozen. J'ai cru comprendre que vous avez blessé Shifumi dans la mêlée d'hier?"

"C'est exact. Je pense qu'elle survivra, mais elle ne pourra plus se battre correctement avec une telle blessure. Il faut que l'on frappe au plus vite!"

"A ce propos..."

Il s'interrompit, pesant visiblement ses mots avant de continuer. Son regard s'était fixé sur cette feuille qu'il tenait entre ses mains moites. Il se racla la gorge et reprit son propos.

"Les hommes qui vous ont kidnappés se sont montrés juste ici dans la soirée d'hier. Ils sont venus avec une proposition d'alliance entre la Marine et les Hommes-Poissons. J'ai réservé ma décision à plus tard mais ils tiennent Lumard et on ne sait pas où ils se cachent..."

"Monsieur. Vous connaissez toute la droiture qui m'habite et mon respect de la loi. Néanmoins, dans des circonstances pareilles, nous devrions considérer l'opportunité que nous offre une telle proposition. Les Usuriers sont en très mauvaise posture, il suffit de donner un dernier coup et nous en aurons fini avec eux."

"Mais que dira le QG et l'Amirauté? S'ils apprennent que nous avons collaboré ils nous feront..."

"Colonel! Ne croyez-vous pas que j'ai pris le risque de voir ma tête rouler au bas d'un échafaud en infiltrant les Videurs de Poiscaille et les soldats corrompus? Ne pensez-vous pas que je risquais tout pour une mince chance de victoire? Mais je l'ai fait, jusqu'au bout, jusqu'à obtenir la victoire. Vous avez vécu beaucoup de malheurs sur cette île, monsieur, mais il ne faut pas courber l'échine. Nous sommes la loi et rien ne peut stopper notre jugement!"

Le jeune homme s'interrompit, laissant le temps d'agir à son discours. Le colonel ouvrit un de ses tiroirs et en sortît une vieille médaille. Une bande verte, avec deux liserés jaunes encadrés de bleus près des extrémités, et au centre une petite croix du Gouvernement Mondial. La médaille du Mérite Civil, distinction réservée aux meilleurs colonels. Ceux qui avaient protégé la population plutôt que leurs propres intérêts. Matheson regarda son subordonné droit dans les yeux et lui donna une réponse.

"De toutes les îles que j'ai pu arpenter, aucune n'a été aussi difficile à gérer que Las Camp. Je crois qu'il est temps de reprendre l'île avec une poigne de fer. Vous avez raison, Sozen, et je vous remercie de m'avoir remis sur la voie!"

Le jeune homme acquiesça d'un mouvement de tête, se leva et passa la porte dans l'autre sens. Il prit la direction du centre-ville, voulant rejoindre ses hommes qui maintenaient certainement le périmètre en cet instant. Arrivé au niveau du port, il croisa le Lieutenant Karnak qui s'approcha de lui au pas de course, visiblement avec quelque chose en tête.

"Lieutenant-colonel! Ça fait du bien de vous revoir!"

"C'est réciproque, Lieutenant."

"Désolé de vous importuner, mais il semblerait qu'une caravelle avec un médecin et des renforts logistiques à bord arrive dans l'après-midi. Vous voudrez peut-être les rencontrer?"

"Bien entendu, Karnak. Merci de m'avoir prévenu!"

Tenko continua son inspection, se montrant à ses hommes pour remonter leur moral. L'assaut final serait brutal et il aurait besoin de toute la volonté de ses soldats. Mais il aurait surtout besoin d'un plan d'attaque cohérent.
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