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Au marché, au marché, tu peux, tu peux tout trouver...

Il est des jours où on se demande si se lever le matin est vraiment nécessaire. Si on ne ferait pas mieux de garder pour toujours cette position confortable, la tête enfouie dans un oreiller bien douillet, le corps contenu dans une couette bien chaude, les yeux à peine entrouverts et l’esprit totalement convaincu qu’il n’existe nul endroit meilleur que celui qu’on s’apprête à quitter. Le dimanche fait bien entendu partie de ces jours là. Parce qu’au fond, le dimanche, surtout pour un agent de la fonction publique, c’est chiant. Bon, techniquement, je ne suis pas un agent de la fonction publique, mais mettons que j’en sois un, et ça aurait été vraiment chiant.

Je vais vous dire un truc, selon toute vraisemblance, pour que ce que je m’apprête vous raconter ait un intérêt, ne serait-ce qu’infime, il faut absolument que j’me lève, alors pour vous faire plaisir, j’vais quitter ce matelas confortable et on va passer un chouette dimanche tous ensemble.

« Chééééééééééééériiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ! Tu devais aller au marché ce matin. »

Voilà, même pas besoin de vous faire plaisir, l’agréable voix de ma p’tite femme atteint tranquillement mes ouïes et v’là que j’suis sur mes pieds en moins d’un quart de seconde. J’enfile une paire de savates déposées la veille au soir au pied du plumard et c’est parti, le sergent Kosma va passer un excellent dimanche.

Quand j’passe dans la pièce d’à côté, l’horloge de la cuisine indique déjà neuf heures et demie, la cafetière est encore fumante et quelques tranches de lard sont en train de cuire dans une poêle. À côté, rayonnante et pimpante, madame Kosma, l’air visiblement contrit me regarde durement. Son expression fâchée ne me dit rien qui vaille, je file me servir un grand bol de café noir, je choppe le lard rapidement et j’me pose à table. A priori, tant que j’commence pas la conversation, elle en restera aux regards noirs et destructeurs. Mais arrivera bien assez tôt le moment où je devrai me confronter à la logorrhée verbale de la magnifique Harpie qui partage mes nuits depuis bientôt, oulah… Mais revenons à notre bacon, notre café et notre petite cigarette que j’me grille au coin du museau, toujours dans le silence le plus total, émettre un son serait de mauvais augure.

Tandis que ma douce rumine ses idées sombres dans le coin de son cerveau, sans me quitter du regard un seul instant, je termine mon petit déjeuner et opte pour la solution du lâche. Je m’élance doucement dans sa direction et viens l’embrasser tendrement pour qu’elle évacue cette mauvaise humeur. Bien entendu, lorsqu’elle détourne la tête au dernier moment et que c’est sur la joue droite que viennent se coller mes lèvres, je me rend compte que ma technique n’a pas marché.

« Ben, qu’est-ce qu’il y a mon amour ?
-…
-Je…
-Tu ?
-J’ai fait quelque chose de mal? »

Je n’attends bien sûr rien du tout en réponse. À tort. Et c’est un grand coup de poêlon en acier qui vient me cueillir le côté de la tête. Et je m’écroule piteusement sur le sol. Quand je me relève quelques secondes plus tard, le visage de mon aimée s’est détendu, ses traits ont regagné leur douceur habituelle et elle me regarde avec un franc sourire.

« Tu l’as pas volée celle-là mon bonhomme. Si tu n’es pas capable de tenir tes promesses, évite d’en faire, bon à rien. »

Et voilà, tout est rentré dans l’ordre. Un bon coup de poêle à frire sur le coin de la tête, une bonne bosse en perspective et le sourire revient. J’ai toujours pensé qu’il ne valait mieux pas faire du tort aux femmes, à la mienne en particulier. J’colle un baiser prudent sur ses lèvres et j’file me préparer, j’ai du boulot.

Un petit passage rapide à la douche, suivi d’un choix rapide des vêtements à enfiler et me voilà parti, un sac de courses dans la main gauche, une clope dans la main droite, j’adresse un rapide salut à la cantonade et j’prends la route du marché. Le chemin est gentil, plein de fleurs des champs, le soleil est haut dans le ciel vierge de tout nuage et les oiseaux chantent. Quel beau jour que le dimanche.

« Hé m’sieur Kosma, comment qu’y va ce matin ? Vous m’gout’rez bien ce p’tit fromage, il m’arrive tout droit du pis d’la vache.
-Des belles tomates bien mûres m’sieur Kosma, un kilo, ça vous va ?
-Et qu’est-ce qui vous fera plaisir monsieur Kosma ? J’viens de décapiter ce poulet, je vous l’emballe ?
-Monsieur Kosma, quel bon vent vous amène ? Je vous met un peu d’œufs de lompe avec votre pavé d’saumon ?
-Un p’tit bouquet de fleur pour vot’ femme ?
-APPROCHEZ, APPROCHEZ, AUJOURD’HUI MONSIEUR UN OBJET RE, UN OBJET VO, UN OBJET LU, UN OBJET RE-VO-LU-TIONNAIRE ! ET ON VOUS EN FAIT UNE DEMI-DOUZAINE POUR LE PRIX DE SIX ! IMPARABLE ! AVEC CA MESSIEURS DAMES, VOUS N’AUREZ PLUS JAMAIS A FROTTER POUR RÉCURER VOS TOILETTES, PARCE QUE BROSSACHIOTT3000 LE FAIT POUR VOUS, ET SI VOUS ÊTES SATISFAITS DU PRODUIT, ON VOUS EN OFFRE UN AUTRE POUR LA MODIQUE SOMME DE LA MOITIE DU PRIX ! »

Pas de doute, j’suis bel et bien au marché. Un bel entrelacs de paroles aguicheuses, de marchands sympathiques et commerçants roublards, d’odeurs divines et de gamins braillards qui courent dans tous les sens pour demander à leurs parents s’ils peuvent faire la pêche au canard, seul stand véritablement intéressant dans cet enchevêtrement de cahutes. Et c’est là que j’me rends tout d’abord, adressant des signes aux diverses connaissances qui essaient de me refourguer leur bouffe avec leur plus grand sourires.

En l’occurrence, le sourire qui m’intéresse, c’est celui de Léna, la jeune étudiante qui gère le stand de pêche avec une énergie qui fait plaisir à voir. Elle n’est pas là depuis très longtemps, elle remplace parfois son oncle, une espèce de grosse barrique avinée qui doit certainement cuver l’alcool ingéré la veille à l’intérieur de la caravane située juste derrière le stand. Trois mômes font irruption juste devant moi, un billet dans la patte, en regardant la mam’zelle avec un regard qui pétille. Elle sait s’y prendre avec les gosses. Ça m’plaît. J’lui adresse un sourire des plus ravageurs et elle cherche d’un œil lequel des marmots pourrait être le mien. Naïve. C’est pas vraiment pour les p’tits que je suis là, que j’pense très fort dans ma tête. Elle me retourne l’estomac cette jeune fille. Tout ce qui faut pour m’ouvrir l’appétit.

« Alors, c’est lequel, le vôtre ?
-Oh, il n’est pas encore arrivé.
-Ah bon ? D’habitude les gamins arrivent plus vite que leurs parents, qu’elle répond avec un petit rire cristallin.
-Le mien n’est pas encore venu au monde, mais dans quelques années peut-être, qui sait ?
-Ah ? Son sourire se fige quelques instants. Vous accompagnez vos neveux alors ?
-Non, je me contente de regarder.
-Vous êtes un grand enfant, vous.
-On peut dire ça comme ça. J’me présente, tout de même, Alexandre Kosma, j’habite dans le quartier.
-Oui, oui. Léna, je travaille pour mon oncle.
-Je sais, madame Michu me l’a dit la semaine dernière quand je lui ai demandé qui était cette charmante jeune fille au stand de pêche.
-Excusez-moi d’être aussi franche monsieur Kosma, c’est comme ça que vous faites votre marché ? En venant draguer lourdement au stand pour enfants ? »

Décidément, c’est pas mon jour ; une poêle dans la tronche, puis une pique dans la gueule, qu’est-ce qui vient après ? Bêtement, j’fais ce que je sais faire de mieux : sourire. Ça n’a pas l’air d’améliorer la situation mais ça m’laisse le temps de réfléchir un peu à ce que j’vais pouvoir répondre. J’la quitte pas du regard, espérant trouver une faille mais non, elle a de l’aplomb la gamine.

« Vous allez rester là toute la journée ?
-Bien sûr que non, je me demande comment vous faire changer d’avis à mon sujet, j’suis pas méchant vous savez, j’ai plein de défauts et plein de qualités qui ne demandent qu’à être découverts.
-Eh bien allez les faire découvrir à madame Michu, moi je travaille.
-Excellente idée, je vais aller faire mes courses et je reviendrai après, au cas où vous seriez plus ouverte à la discussion. Je ne demande rien de plus qu’à papoter un moment, hein.
-C’est ça, revenez à ce moment-là, ça me fera un petit moment de répit. »

J’zieute un coup ma liste de courses. Bordel, le nombre de conneries qu’il faut pas acheter pour manger sainement. Des navets ? Et puis quoi encore ? J’en prends quand même, au cas où ma p’tite femme aurait encore une ou deux poêles non utilisées à la maison. J’fais le tour de c’qu’il me faut pour compléter la liste, j’repasse par le maraîcher parce que j’ai oublié les pommes et les bras encombrés de victuailles en tous genre, je retourne à mes poissons.

La demoiselle est en train de fermer le stand, les derniers enfants crient qu’ils voulaient encore faire une partie mais ils sont vite rattrapés par leurs parents, tout aussi encombrés que moi. Quand elle me voit arriver, elle lève les yeux au ciel et esquisse un sourire amusé.

« Vous êtes vraiment obstiné. Je vous ai dit de me laisser tranquille.
-Ah, non. Excusez-moi mademoiselle, mais vous ne m’avez jamais demandé ça. Maintenant, si c’est ce que vous voulez, je vous laisse, il fallait le dire plus tôt. De toute façon, vous m’avez donné ce que je venais chercher, un joli petit sourire avant de rentrer.
-Décidément, vous êtes carrément nul pour draguer, vous. Lourd, maladroit et un brin beauf.
-Merci, je le prend comme un compliment. À la semaine prochaine mademoiselle, si vous êtes toujours là.
-À la semaine prochaine alors, je vous donnerai des leçons, ça me fait de la peine de vous voir dans cet état. »

Je me fends d’un léger rire avant de reprendre ma route. J’avale les quelques centaines de mètres qui séparent le marché de chez moi et me voilà rentré. Ah, rien n’est si bon que de retrouver sa petite femme.

« Je suis rentré mon amour !
-La pêche a été bonne mon canard ? »
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