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Mercenaire Bebop

Hat Island, c'était la première île que le toubib découvrait depuis qu'il avait quitté Boréa quelques jours plus tôt. S'il se remettait assez bien de ses blessures, il se sentait encore fragile et la traversée l'avait exténué, aussi décida t-il de remettre la suite de son voyage à plus tard et de s'installer un temps sur l'île. C'est une étendue jaune pâle qui s'offrait à perte de vue sous le regard curieux du jeune Mochi qui pour la première fois découvrait le désert, lui qui n'avait connu que les dédales souterrains de Zaun et les neiges éternelles de Boréa. Après s'être amusé de sa nouvelle découverte, il prit la route pour Exact Town, plus communément appelé Saloons. Il avait entendu dire que la ville était du genre ... festive. L'alcool y coulait à flot et la castagne y était monnaie courante, en outre, le précédent médecin avait rendu l'âme après avoir perdu un duel, dont la cause semblait trouver sa source dans une sombre histoire de carte et de manche trop fournie.

Il faisait chaud, Mochi avait ôté sa blouse et avait retroussé ses manches. Comme il avait loué un cheval, la traversée se fit à dos de la bête et pourtant elle parut bien longue à Mochi qui était parti sans prendre aucune des précautions qu'il convient de préparer lorsqu'on voyage dans un environnement aussi hostile qu'un désert. Malgré la difficulté du voyage, le médecin arriva finalement à bon port. A l'entrée, une église en bois s'élevait, dont le cloché surplombait l'ensemble de la ville, laquelle église, était entourée par un grand cimetière, dont l'entretien ne semblait pas être la préoccupation principale du prêtre. Continuant sa route, le toubib s'enfonça dans la rue principale, dans laquelle, tout un tas de bâtisses en bois se succédaient. Si l'architecture de chacune d'elle différait quelques peu, l'ensemble dévoilait une certaine homogénéité tout à fait assumée.

Mû par la soif, le médecin décida d'aller boire un coup dans un pub, histoire de s'hydrater le gosier. N'importe lequel ferait l'affaire. Se rendant compte que l'essentiel des bâtiments de la rue principale était composé de bar, il rentra dans le plus proche, attachant sa monture à une rampe prévue à cet effet. Il ouvrit la porte et découvrit une pièce remplit de gaillard aux allures tout à fait vulgaire, celles de travailleurs éreintés par la vie et ses duretés, buvant ou jouant aux cartes. Quelques demoiselles se trouvaient également là, plus ou moins charmante qui ne semblait être là que pour divertir la clientèle. Comme il était nouveau venu et que les nouveaux venus attiraient toujours les regards curieux, toutes les activités cessèrent et tous les regards se tournèrent vers lui, même le pianiste cessa de jouer. Masquant sa gène et ignorant l'assemblée, il vînt s'accouder au bar. Il avait entendu dire que cette ville était connue pour ses bagarres. Il avait pensé qu'en tant que médecin, il ne serait pas concerné par tout ça. Car pour être honnête, il ne s'était pas battu depuis qu'il avait quitté Nar Shaddaa et il se remettait à peine de ses blessures, il ne se sentait pas capable de remonter sur le ring aussitôt et avait perdu confiance en ses compétences martiales. Et les regards des clients, qui, pour certains, semblaient assez hostiles ne le rassurait pas franchement. Finalement l'ambiance se calma et chacun revînt à ses activités. Mochi put boire son verre tranquillement sans que quiconque ne se soucia de lui. Puis, déclarant au barman qu'il était venu remplacer l'ancien médecin, ce dernier lui indiqua la direction du cabinet qu'il pouvait reprendre, car il était inoccupé depuis la disparition du dernier toubib. Il lui dit également qu'il pouvait prendre possession des lieux et que le proprio viendrait ultérieurement afin d'exiger son loyer.

Le binoclard, qui avait terminé son godet se dirigea donc vers son nouveau lieu de travail. Ce dernier se situait dans une des deux rues secondaires de la ville, juste entre un barbier et un tonnelier. Rentrant dans ses nouveaux locaux, il se rendit compte que ceux-ci était dans un état peu engageant. La poussière avait élu domicile dans chaque recoin. Aussi ce décida t-il à faire son ménage. Quand il eut fini, on toqua à la porte. Un grand bonhomme au corps malingre et au nez énorme entra.

"Bonjour" dit-il et comme Mochi répondit par un simple signe de tête, il reprit, "Je suis votre voisin, celui dont le travail commence quand le votre se termine Ay ay ay ! Mais appelez moi Benny"

"Enchanté, je suis Mochi !"

"Vous êtes doc' ? V'errez, y a beaucoup de boulot pour nous dans le coin ! Ay ay ay ! Surtout grace à la guerre entre Black Homère et Della Magniolia"

Devant l'incompréhension du toubib, qui de toute évidence ne savait pas de qui il voulait parler, le bonhomme aux allures étranges repris.

"Ay ay ay ! Ce sont les deux taulier du coin et ils sont en guerre, pour des affaires que tout le monde semble avoir oublié. A cause de ça, la population du village à décuplé, ils embauchent des mercenaires à tour de bras, je crois qu'on atteint l'apogée du conflit. Des jours bénis pour moi en somme."

"Vous pouvez m'en dire plus sur ces deux là ?" demanda Mochi à moitié intéressé et inquiet de se retrouvé au beau milieu d'un merdier pareil.

"Della Magniolia est une femme forte. Elle s'occupait bien de son bétail dans le temps, avec son époux. Quand ce dernier est décédé elle s'est métarmophosée et est devenu un vrai tyran, organisant des rackets contre tout les éleveurs du coin. Enfin elle appelle pas ça du racket elle, mais plutôt d'une compensation pour service rendu"

"Quel genre de service ?"

"La protection, contre qui ? On se demande encore. Elle également proprio de plusieurs bar dans le centre. De l'autre côté, on a Black Homère, cet homme est le proprio des maisons de jeux. Il est aussi notoirement connu pour être le patron de la grande majorité des filles de joies du coin et puis ..."

Le bonhomme fut interrompu par deux coups de feux, dont le bruit venait indubitablement de la rue principale. Le croquemitaine se retourna vers le toubib avec un sourire satisfait.

"Votre premier client ? Ou peut être est-ce pour moi ! Ay ay ay!"

A peine quelques instants plus tard on entendit quelqu'un courir en grande pompe vers le bâtiment et un gamin se mit à hurler.

"Tonnelier ! Un cercueil ! Un mètre soixante-dix à vu de nez !"

"C'est pour moi" dit-il en s'en allant, avant de reprendre, "Ne vous en faites pas pour nous, cette ville est une aubaine pour les gens comme nous" et il disparut.

Mochi ne se considérait pas le moins du monde comme étant de la même catégorie que ce gars qui se réjouissait tant de la camarde. La comparaison ne lui plaisait guère, mais il ne dit rien et puis de toute façon son interlocuteur avait déjà disparu. Ayant fini son ménage, il s'affala plutôt sur un vieux fauteuil, tout en se demanda pourquoi il avait foutu les pieds dans cette ville de fous.
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Le lendemain midi, le toubib n'avait toujours pas eu de patient. Mais il se décida à tailler le bout de gras dans une des tavernes de la ville, car il n'avait rien chez lui pour se sustenter. Comme il ne savait pas vraiment quel endroit choisir, il se mit à marcher le long de la grand rue, lorgnant chaque nouveau saloon qui défilait sous son regard curieux. Il finit par se laisser guider par ses narines. En effet, sentant quelques bonnes odeurs de boustifaille, il décida de rentrer dans l'un des bars, duquel les effluves émanaient.

Il était tôt et pourtant, le saloon était déjà plein à craquer, c'était à se demander ce que pouvait bien glander tous les habitants si ce n'est picoler. Le médecin commanda un plat du jour et s'assit sans se faire remarquer, tout comme la veille, personne ne semblait vraiment s'intéresser à lui, à l'exception de quelques regards fureteurs, on lui foutait la paix. Après quelques minutes, on lui servit des flageolets dont l'aspects peu ragoutant n'allait pas franchement de pair avec la bonne odeur qu'ils dégageaient. Attrapant sa cuillère en bois, il se mit à satisfaire son appétit. Alors qu'il mangeait, deux gaillards de l'assistance commençait à s'en envoyer plein la gueule insultant tour à tour leurs patrons respectifs de manière assez pathétique. Chacun d'eux semblait travailler pour un des deux criminels dont lui avait parlé son voisin. Et les choses s'envenimaient, aussi finir t-il par en venir aux mains, sans que Mochi n'eut véritablement su l'origine de l'escarmouche.  Leurs acolytes respectif se joignirent aussitôt aux festivités et bien vite les clients qui n'avaient rien à voir avec le conflit se mirent à se taper les uns les autres. Un bordel général s'organisa assez vite, comme si, guidé par leurs pulsions primaires, ils étaient incapables de se retenir.

Mochi qui trouvait le spectacle plutôt pathétique, haussa les épaules et continua à manger, jusqu'à ce qu'un bonhomme ne vienne s'affaler sur sa table. La table chuta et par une opération qu'aucun physicien de puisse expliquer logiquement le plat de flageolet se retrouva en plein dans la face du toubib qui commençait doucement à perdre son calme. Il réussit néanmoins à se contenir et tendit même la main à celui qui était tombé. Mais ce dernier lui répondit par un joli coup de poing dans la figure. S'en était trop, le toubib devenant rouge se mit à frapper tout le monde. Oubliant alors sa peur de se remettre à combattre, il s'élança, frappant chacun de ses adversaires un à un. Grâce à ses compétences médicales il se rendit compte qu'il avait conservé sa précision de frappe, parvenant à taper ses adversaires en des endroits stratégiques, glottes, plexus solaire, couilles.

Néanmoins et il s'en repentait, sa force et sa vitesse avait diminuée depuis sa blessure. Faut dire, il avait passé huit mois à tenter de récupérer ses habitudes et ses réflexes. Dans tous les cas, ses compétences actuelles étaient largement suffisantes pour s'occuper de tous les traînes-patins du bar. Aussi, après une dizaine de minutes de lutte acharnée, le toubib était le seul à tenir encore debout. Seul le barman, qui s'était planqué sous son bar était encore debout. Impressionné, il applaudit à l'exploit. Mochi qui n'en avait strictement rien à secouer se dirigea vers la sortie en titubant. Là il se rendit compte qu'une foule s'était amassée devant le saloon, assistant au spectacle. Certains s'échangeaient même de l'argent, comme s'ils avaient parié sur l'issue du combat. Tout était question d'argent dans ce patelin. Qu'on parle de cartes ou bien de vie humaine. Dans un silence de cathédrale, les spectateurs s'écartèrent au passage du binoclard qui, éreinté par l'effort allait se rentrer. Deux gosses d'une dizaine d'année cependant suivirent discrètement Mochi jusqu'à devant chez lui où ils l'interpelèrent.

"Vous êtes vraiment trop balaise M'sieur ! Comment vous faites ?

"Ouais trop fort, vous pouvez nous apprendre ?"

Mochi se retourna vers le gamins et se grilla une cigarette. Ce combat lui avait remonter un peu le moral et il avait quelque peu reprit confiance en lui, les félicitations des gamins l'énervait autant qu'il l'attendrissait et et le gargarisait.

"Aaaah ! Vos lunettes sont cassées !" Cria l'un des gamins.

Le toubib attrapa ses lunettes lesquelles étaient en effets fissurées à certains endroits. D'un geste vif il les nettoya avec sa blouse.

"C'est pas comme ça que vous ..."

Le gosse n'eut pas même le temps de finir sa phrase que le docteur remis ses lunettes sur son nez et celles-ci ne présentaient plus aucune fissure. Surpris les deux gamins s'exlamèrent ensemble.

"Ouaaaah !!! Impossible !"

Puis, les délaissant totalement, il entra dans son cabinet et s'affala lourdement sur son fauteuil avec l'intention de ne fermer les yeux que pour quelques minutes. Mais il ne se reveilla que 4 heures plus tard et encore, c'est parce qu'il entendit des bruits de pas s'approcher de lui. Comme il se reveillait en sursaut, l'intrus sursauta aussi.

"M'enfin, c'est pas des manières d'accueillir du monde !"

"Einh ? C'est pas des manières de rentrer chez les gens comme ça pendant qu'ils roupillent surtout !!!"

L'intrus fit la moue quelques instants et ôta son chapeau en guise d'excuse ou bien de salutation. Au vu de son accoutrement, le blond à gueule d'ange qui se trouvait en face de lui semblait être un cow boy. Mochi le dévisagea furtivement de la tête au pied, mais il lui semblait que ce cow boy était bien trop apprêté pour en être un véritable et sa tenue bien trop sophistiqué. Le toubib prit finalement la parole.

"Et qu'est ce que je peux faire pour vous ?"

Le cow boy eut un petit sourire satisfait, heureux sans doute de ne pas à avoir tourner autour du pot.

"On a pris en charge les gars de la bagarre, des petits bobos, mais rien de grave, rien dont on ne puisse s'occuper nous même. Car on a pas vraiment besoin de grands médecins dans ce coin du monde. En revanche, ce dont on a besoin, c'est d'homme qui savent se battre et vous, visiblement, vous savez y faire"

"Et donc ?" demanda Mochi qui savait très bien où il voulait en venir.

"Et donc Black Homère voudrait vous voir, je suis là pour vous escorter jusqu'à chez lui."

Le binoclard n'avait pas bien envie de bouger de là, mais comme le cow boy insistait, il finit par céder et ainsi il le conduisit jusqu'à la baraque de son patron, le dit Black Homère.
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Sa demeure, bien que ne détonant pas dans la pauvreté de l'architecture locale, pullulait en son intérieur de richesses. La décoration tape à l'oeil et d'un goût plus que douteux était étouffante et Mochi se sentait quelque peu oppressé au milieu du salon où le pourpre et le doré dominaient. Un bonhomme élancé, au visage creux et à la moustache saillante fit son apparition. Il était vêtu d'un costume violet à carreau et ses longues jambes interminables donnaient un drôle d'effet. Il avait l'air d'un dandy de sous catégorie. A ses côtés, un jeune homme, aux antipodes du premier, car il s'était habillé de façon bien plus rustre. Disons qu'il devait faire moins tâche dans l'environnement local. Mais il fut très vite renvoyé par le dandy qui le gratifia même d'un sévère mais bienveillant "Fiston". Après que le "fiston" eut disparu, il se présenta comme étant le seul et l'unique Black Homère, joueur de carte et tricheur hors pair. Il s'en vantait, disant qu'il devait toute sa richesse à son art de la duperie. Il se présentait en toute légèreté et il n'avait absolument pas peur de faire part de ses méfaits à Mochi, qui n'était pour lui qu'un illustre inconnu. Ce qui eut tendance à surprendre le toubib. Le gars était tellement sûr de lui qu'il prenait le risque de dévoiler ses activités les plus illicites, comme s'il avait en plus de ça le contrôle totale sur la justice locale ou qu'il était juste inconscient. Puis, après avoir terminé son spectacle, il prit un ton plus sérieux et plus solennel.

"J'ai entendu parler de votre fait d'arme ce matin. Je vais être franc, nous n'avons pas besoin d'un médecin ici, nous avons besoin de types balaises comme vous ! On est en guerre ici et à la guerre, il y a des morts, au diable le médecin, je veux le guerrier. Et je vous le garantie, ça vaudra mieux pour vous, je veux dire pour votre bourse."

Le médecin regarda son interlocuteur d'un air interrogateur, aussi le businessman reprit.

"Huit cents milles Berry par mois, nourrit et logé, c'est tout benef !"

La somme était surprenante, tout ça en récompense pour avoir cassé la gueule de quelques types bourrés. Certes Mochi avait gagné, mais ce salaire lui semblait démesuré. Selon le médecin, ça cachait probablement quelque chose, quelque chose de plus gros. Le toubib, perdu dans ses pensées et ses réflexions se mit à ignorer totalement Black Homère qui, dépité, lui faisait de grands signes. Comme sa démarche n'aboutissait pas, il racla sa gorge avant de reprendre.

"Je suis bien entendu prêt à des négociations si c'est ce que vous avez en tête et ..."

"Je vais y réfléchir, laissez moi la nuit pour vous répondre."


Comme il fut vexé d'être coupé en plein milieux de sa phrase, le bonhomme serra la poing, ce que Mochi remarqua et comme Homère remarqua qu'il avait remarqué, il le desserra et se mit à rire bêtement.

"Bien sur prenez votre temps ! On va vous raccompagner !"


Et en effet, on le raccompagna, jusqu'à la porte. Le toubib rentra chez lui pensif. La proposition était alléchante, avec cette somme il gagnerait bien plus qu'en pratiquant comme médecin dans ce trou et il pourrait repartir pour ses aventures avec une coquette somme. Car oui, à peine arrivé, il pensait déjà à se barrer. Déjà parce qu'il y faisait chaud. Mais surtout parce qu'il ne voulait pas devenir un petit mercenaire dans une ville perdue, d'une île perdue. Chose qui pourrait être marrante un temps, mais à la longue ... Hors, il semblait que ce soit la seule chose que cette ville ait à lui proposer.

Et cette pensée se confirma lorsqu'il arriva dans son petit cabinet. Une femme l'y attendait, décidément, la question de la propriété privée ne semblait préoccuper personne dans ce bled. Elle était vêtue à la mode locale elle aussi, mais contrairement à ses derniers interlocuteurs, elle semblait moins se préoccuper de son apparence physique et ses vêtements avaient visiblement été salis par les poussières du désert, comme si elle avait passé sa journée à chevaucher dans ces plaines arides.

"Docteur Mochi je présume ? Je t'attendais"

"Et à qui ai-je l'honneur ?" répondit le médecin toujours aussi surpris qu'une son embrouille de pub lui ait offert une telle renommée.

"Je suis Della, Della Magniolia, je suppose que tu as déjà entendu parler de moi, ne serait-ce que par la bouche de mon concurrent, Mister Homère ?"

"Décidément, les nouvelles vont vite. M'enfin, ça m'étonnes pas, j'ai l'impression que tout tourne autour de votre petite guèguèrre dans cette ville"

"Ach ach ach ! Ne nous donnes pas tant d'importance, notre guèguèrre comme tu dis, a commencé il y a quelques mois à peines et se terminera bientôt. Alors le vainqueur ira s'occuper de son business et cette guerre tombera dans l'oublie et une autre, avec d'autres belligérants commencera. C'est comme ça que ça marche dans le coin."

Cette vision des choses amusa le toubib, Miss Magnolia était plus terre à terre que Black Homère et semblait bien moins prétentieuse que son adversaire.

"Et combien t'as t-il proposé ?"

"Huit cent mille par mois" dit spontanément le toubib, avant de ce dire qu'il aurait dû mentir et augmenter la somme histoire d'avoir une plus belle proposition encore.

"Un million par mois et deux millions une fois le combat gagné." dit-elle avant de reprendre "Et avec vous, je suis sûr de gagner avant la fin du mois."

L'offre était d'autant plus alléchante et puis elle avait l'air d'être sûr d'elle, contrastant avec Homère qui semblait plus quémandeur dans son offre. Sans aucun doute, la demoiselle avait un avantage sur le dandy et avec Mochi en plus dans sa manche, l'affaire serait d'ores et déjà pliée. Trois millions en un mois, pour un combat gagné d'avance c'était tout benef. Comme il pesait le pour et le contre, il affichait un visage vide et hébété et un vilain filet de bave se mit à couler de ses lèvres, conséquence facheuse de sa blessure au cerveau.

"Heu ... ça va ?"

Rappelé à la réalité par son interlocutrice, le toubib secoua sa tête en se mettant quelques  baffes énergiques sur le visage devant le regard abasourdi de Della Magniolia.

"Je marche, mais je veux cinq cent milles d'avance !"

N'étant plus certaine qu'il s'agissait d'un bon deal ou non, devant l'étrange comportement du docteur, Della hésita un moment, avant d'afficher un sourire satisfait et triomphant. Elle tendit sa main et Mochi l'empoigna, le contrat était conclu.
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"L'allégeance" de Mochi envers Miss Magnolia avait fait grand bruit. Black Homère avait mobilisé ses troupes, les autres grands patrons de la ville étaient en retrait, attendant comme des charognes de se jeter sur le cadavre du futur perdant. D'après les commérages, le proxénète avait l'avantage du nombre, mais Miss Magniolia avait des Hommes plus compétant et d'après ce qu'on disait, Mochi n'était pas le plus puissant. Mais le leader des mercenaires de sa nouvelle patronne, un dénommé Joe D. Alton, n'était pas en ville, il avait été dépêché par Della pour quelques missions de haute importance, dont Mochi ne savait rien et qui de toute façon, ne l'intéressait pas franchement. En revanche, ce qui l'intriguait beaucoup, c'était cet homme que l'on disait plus fort que lui. Il comprit également pourquoi Miss Magnolia avait tant confiance en sa victoire et pourquoi Homère voulait tant l'embrigader, s'il l'avait choisi, il aurait peut-être pu rétablir l'équilibre des forces. Et à l'idée de ne pas pouvoir affronter un gars aussi fort, il regrettait son choix, mais il était trop tard, il ne reviendrait pas sur sa parole.

En tout cas, toute cette histoire l'avait motivé. Il avait repris son entraînement et peu à peu, recouvrait quelques-unes de ses capacités physiques. Mais sa -encore trop récente- blessure au cerveau le fatiguait bien trop et après trop d'efforts, il convulsait devant l'oeil hébété des autres mercenaires. En tout cas il avait le temps, toutes les activités étaient gelées, personne n'osait attaquer. Selon le toubib, c'était une erreur, surtout pour Black Homère, qui aurait dû profiter de l'absence de Joe D. Alton pour attaquer, c'était sa seule chance. Mais il n'en fit rien.

Mochi délaissa aussi la médecine. Faut dire, que personne ne venait le voir pour ses qualités médicales, ce qui avait tendance à démoraliser notre bon docteur qui se réfugiait dans l'entraînement. Un jour alors qu'il terminait l'un de ses entraînements et qu'il allait prendre une bonne douche, il entendit, au détour d'un couloir de la grande demeure sa nouvelle patronne une conversation entre elle et quelques-uns de ses subordonnées. Ceux-ci avait eu vent de la paye faramineuse - en tout cas pour un simple mercenaire- du toubib et s'en plaignait auprès de la dame. Car, et ils le dirent clairement, selon eux, le binoclard n'était pas à la hauteur. Autant ils acceptaient qu'un tel salaire soit versé à Joe D. Alton qui avait fait ses preuves, autant ils refusaient ce salaire à Mochi qui n'avait brillé que dans une vulgaire bataille d'ivrogne. Sur ce point là, le médecin était on ne peut plus d'accord. Il fut en revanche plus que surpris de la réponse de la dame. Celle-ci, en riant répondit qu'elle ne comptait pas le payer plus que ce qu'elle lui avait donné. Elle avait tout planifié. Dès que le fameux Joe reviendrait, ils passeraient à l'attaque et dans l'hypothèse ou Mochi y survivait, il se ferait abattre sans sommation par son second.

A l'entente de ce plan, le toubib afficha un sourire désabusé, voilà un coup qu'il n'avait pas vu venir. Dans le même temps, il remarqua qu'il n'était pas seul dans le couloir, à ses côtés se trouvait une jeune demoiselle aux longs cheveux châtains. Mochi l'avait déjà aperçu, c'était Romy Magniolia, la fille unique de sa patronne. Au premier regard le toubib compris qu'elle avait tout entendu. La demoiselle sortit un bout de papier et griffonna quelques chose qu'elle posa délicatement dans la poche de la blouse du toubib avant de se volatiliser.

Trouvant ce petit numéro des plus surprenants, le toubib ne tarda pas, lui aussi, à disparaître, allant se cacher dans son cabinet désormais abandonné. Quand il fut certain d'être seul, il lut le message. Celui-ci n'indiquait qu'un lieu et une heure. "Derrière la grange du vieux Smith, deux heures du matin". Très probablement le lendemain matin. Mochi hésitait. Devait-il y aller ? L'entrevue aurait sûrement pour thème la conversation qu'il avait surprise quelques instants plus tôt. Mais ce message le laissait perplexe. Il lui semblait que cela ne pouvait être qu'un traquenard et pourtant l'idée lui semblait absurde, car Della Magniolia avait encore besoin de lui pour affronter Black Homère du moins c'est ce qu'il avait entendu. A moins que le tout ne fut qu'une brillante mise en scène pour le mettre en confiance quant à cet entretien ? Même par cette grotesque tentative de compréhension, rien n'était expliqué, car Miss Magniolia n'avait encore tiré aucun profit de son nouveau mercenaire, le tuer maintenant ne rimait à rien.

Comme Mochi commençait à perdre la raison dans ces réflexions inutiles, il décida d'arrêter et de se reposer. Après tout, le moyen pour lui de connaître le fin mot de cette histoire, c'était de se rendre à ce rendez-vous et c'est ce qu'il fit. Ainsi donc, après une bonne petite sieste, il se rendit au lieu du rendez vous. Comme il psychotait sur l'éventuel guet-apens qui l'y attendait, il s'y rendit avec une heure d'avance. La grange du vieux Smith se trouvait à l'écart de la ville, à environ quinze minutes à pied. Une fois arrivé sur place il examina les alentours, personne ne l'y attendait, il avait une quarantaine de minutes d'avance.

Finalement, alors qu'il était venu avec tant d'avance afin de ne pas être pris au dépourvu, il fut réveillé par la jolie Romy Magniolia. Le toubib s'était bêtement assoupi sur une meule de foin. La demoiselle n'était pas seule, elle était accompagnée d'un jeune homme en la qualité duquel, Mochi reconnut le fils de Black Homère, celui là même qu'il avait croisé lors de son entretien avec le père Homère.

"Mr. Mochi" dit le jeune demoiselle qui devait pourtant avoir le même âge que lui.

Le toubib n'y comprenait plus rien, voilà que la progéniture des deux rivaux fricotaient ensemble, probablement dans le dos de leurs parents.

"Heu ... Oui ? Vous voulez bien m'expliquer ?" demanda le toubib, perplexe.

"On ne va pas y aller par quatres chemins" répondit le jeune homme dont Mochi ignorait encore le nom "Nous voulons fuir, Romy et moi et nous voulons votre aide ! Car aussitôt que nous aurons quitté la ville, il est certain que nos parents lanceront des poursuites et il ne leur faudra pas bien longtemps pour qu'ils nous retrouvent. Nous devons quitter l'île avant que leurs sbires n'aient mis la main sur nous !"

"Vous voulez mon aide pour fuir ?"

Ils acquiescèrent, se prenant la main comme pour éclaircir quelques points troubles. Alors qu'il triturait son boulon, comme pour réfléchir, il sembla au binoclard que l'affaire devenait clair. Au milieu de cet affrontement sans queue ni tête était née une histoire d'amour. Un amour dramatique, rendu impossible par la rivalité des deux parents qui étaient très probablement au courant de l'affaire et qui désapprouvaient l'union. La fuite devenait alors la seule échappatoire. En revanche, Mochi ne s'expliquait pas pourquoi les tourtereaux s'adressaient à lui, ni en quoi il pouvait ou même devait les aider dans leur entreprise.

"Pourquoi me dites vous cela ? Je pourrais tout raconter ! On se connaît pas, je n'vous dois rien que je sache !"

Non pas que le toubib fut totalement désintéressé dans l'affaire, mais il risquait d'y perdre des plumes et il ne comprenait pas ce qui les poussaient à avoir confiance en lui.

"Vous n'avez pas vraiment le choix, ma mère a l'intention claire et nette de vous descendre ! Vous l'avez entendu comme moi."

"Et vous n'êtes pas en odeur de sainteté du côté de mon père depuis que vous avez choisi Miss Magnolia plutôt que lui"

"Votre seule issue, c'est de nous aider."

Le toubib, qui n'appréciait pas vraiment d'être mis au pied du mur comme c'était le cas à l'instant se mit à se crisper et son visage se tordit légèrement sous le regard stupéfait et inquiet des amoureux.

"C'est quoi cette tête !"
s'écrièrent-il d'une seule voix.

Mais comme il réfléchissait, il en vînt à la conclusion que ce devait être la meilleure des solutions. Et rompre son accord avec sa patronne ne le gênait plus, étant donné que celle-ci n'avait pas non plus l'intention de respecter sa part du deal.

"Alors ? Vous nous suivez ?"

"Je crois que oui" répondit le toubib en jouant avec son boulon.

"Il faut qu'on réfléchisse à comment fuir, attendre le moment opportun !"

"C'est tout réfléchit, on attend que ça pète ! Miss Magnolia prévoit de passer à l'attaque dès que Joe D. Alton sera de retour. Je ferais mine de prendre part au combat pendant ce temps vous profiterez de tout le foutoir pour venir ici. Quand la bataille sera à son paroxysme, je m'éclipserais et je vous retrouverais ici !"

"Ca m'a l'air d'être une bonne idée" déclara le fils Homère, tout de suite soutenu par sa bien aimée.

"Mais il y a quand même quelque chose que je veux que vous fassiez  ..."

"Quoi donc ?"

Mochi n'avait pas l'intention de repartir les mains vides. On lui avait promis deux millions de berrys et il repartirait avec et même plus s'il le pouvait. Et puis aussi attendrissante soit l'histoire du petit couple, il n'allait pas les aider sans contrepartie aucune.

"Avant que tout n'éclate, vous allez chercher l'argent que cache vos parents. Un coffre, un faux plafonds, un matelas, j'en sais fichtre rien, cherchez, et le jour J vous volerez le tout et on se partagera la magot en trois parts égales. Si vous êtes d'accord avec ça je suis avec vous. En attendant, soyez discrets ..."
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Le temps paraissait bien long dans l'attente du jour J et Mochi s'impatientait de voir son plan mis à exécution. Pourtant il ne passa que quelques jours avant que l'arme fatale de Madame Magniolia, Joe D. Alton ne revienne. Celui là même qui était supposé mettre un terme à la courte vie du médecin. Le retour du bonhomme avait fait grand bruit, tout le monde en ville ne parlait que de ça. La bataille approchait, Black Homère, de son côté avait encore embauché bon nombre de mercenaires. Les présentations avec le nouveau venu furent assez sommaire, Joe D. Alton était une montagne haute de deux mètres cinquante, issus d'un métissage entre indigène et cow-boy. Il arborait d'ailleurs, deux plumes d'aigles du côté de son oreille gauche et des peintures tribales sur le visage. Beaucoup d'ailleurs voyait d'un mauvais oeil d'être commandé par ce "bâtard", ce "sang mêlé" et s'il l'acceptait, c'était pour sa force, pour sa supériorité. Lui, ne prêtait pas beaucoup d'intérêt à ces racontars et la mise en exergue de sa propre dichotomie ne semblait pas l'atteindre. Taciturne et solitaire, il restait le plus souvent à l'écart, méditant dans son coin. Aux yeux de Mochi, il apparaissait avant tout comme un adversaire coriace contre lequel il aimerait combattre. Mais, en accord avec son plan, cela n'arriverait pas.

D'ailleurs, concernant son plan, il semblait que ses deux acolytes avaient avancé dans leur recherche, chacun avait trouvé la cachette de leur vieux. Et dans une ultime réunion ils avaient assuré Mochi qu'ils se pointeraient avec l'oseille. Ce qui enlevait une épine dans le pied du toubib qui n'avait plus qu'à s'occuper du reste, s'assurer de la réussite de la disparition des trois fuyards. L'attaque tardait, les jours passaient et rien d'autre ne se passait. Pourtant les habitants prenaient leurs précautions, barricadaient leurs maisons, certains avaient même quitté temporairement la ville, histoire de ne pas prendre une "balle perdue" comme il disait. Vînt enfin l'utltme jour, Mochi n'avait pas été prévenu à l'avance de la bataille et ne fut mis au courrant qu'au réveil. Alors qu'il faisait la grasse mat', on vînt le réveiller, en fin de matinée, c'était Joe l'indien qui vînt le secouer.

"T'es prêt l'ami ?" demanda t-il sobrement.

"Je crois, oui" répondit le toubib.

Un ange passa, le géant restait devant le binoclard, silencieux. Et Mochi se demandait ce qu'il lui voulait et le géant, lui, souriait.

"T'as choisi le mauvais camp mon vieux, mais si tu prends la bonne décision, il est peut être pas trop tard pour toi." et il disparut.

Qu'est-ce que pouvait signifier cette mise en garde ? Etait-ce sa manière de mettre Mochi au jus du plan de sa patronne ? Ce n'était plus franchement le moment de s'en inquiéter et puis de toute façon, il avait l'intention de s'enfuir. Il aurait pu s'enfuir tout de suite. Mais son absence au début de la bataille l'aurait rendu suspect et il préférait s'assurer que la bataille éclate et profiter du chaos pour fuir discrètement, facilitant d'autant le pillage des fortunes parentales par ses deux compagnons de fortunes.

Alors qu'il sortit il se rendit compte que tout le monde était déjà dehors. Tous les habitants s'étaient réfugiés chez eux, mais tous les mercenaires étaient là. Alignés, les deux grands groupes se faisaient face. Une cinquantaine d'hommes du côté de Black Homère. Moitié moins du côté de Della Magniolia. Celle-ci, d'ailleurs, étaient présente et quant elle vit le docteur, elle lui offrit un fort joli sourire. Et comme il connaissait ses plans, le toubib trouva ce sourire aussi audacieux qu'hypocrite.

"C'est un grand jour aujourd'hui, fais moi honneur"

"J'y veillerais Miss Magnolia, j'y veillerais"

"Parfait" répondit-elle satisfaite

Le toubib avança dans les rangs de la petite armée de sa patronne et on le poussa au-devant de la scène, aux côtés du mastodonte Joe. C'était le moment où l'on se servait de lui. Le mettre en avant, au premier rang, comme un leader, afin d'effrayer l'ennemi faisant usage de son seul et unique fait d'arme et de l'image qu'il en avait retiré. Mais il n'en était rien et si l'ennemi savait que le toubib s'apprêtait à être trahi, ils riraient bien.

Pour l'heure les deux groupes s'invectivaient avec véhémence, probablement plus pour se donner du courage à eux même que pour effrayer l'adversaire. Mochi ne prêtait pas grand intérêt à ce spectacle et le dit Joe non plus. Le toubib remarqua que ce dernier fermait les yeux et récitait quelques mots, comme une prière. Il était assis et pourtant faisait la même taille que le binoclard. Mochi, lui, triturait son boulon.

Autour, les hommes semblaient avancer par centimètres, en face, ils jouaient le même numéro, ô combien pathétique. Quand l'indien eut fini ses récitations, il se releva. Les troupes adverses s'immobilisèrent. Et l'indien se mit en marche d'un pas déterminé, voyant cela, les mercenaires qui le suivaient se mirent à foncer, comme galvaniser par l'aura du géant. Mochi qui était moins pressé, suivait, sans détourner son regard de Joe, il allait enfin voir la montagne en action.

Et il ne fut pas déçu. A peine les deux gangs se joignirent qu'il étalait déjà quatre types en un seul revers du poing. A ce rythme, l'ennemi ne ferait pas long feu, c'était à se demander pourquoi Della Magnolia avait insisté pour embaucher le toubib. Sans doute avait-elle peur de voir un rival potentiel à son champion de l'autre côté. C'était logique, s'il ne pouvait évaluer correctement le niveau de l'indien il était clair que le seul à avoir une chance de rivaliser avec lui sur ce champ de bataille, c'était Mochi.

Et le binoclard suivit, frappant un premier adversaire à la gorge, alors que deux autres se jetaient sur lui, il les esquivait sans grand tracas et, se déplaçant délicatement derrière eux, frappa leurs nuques. Autour de lui, le combat faisait rage, violent, beaucoup mourrait et un certain nombres de cadavres et de moribonds jonchaient déjà le sol. Le nombre de combattant avait diminué. Les armées luttaient à nombre égal, mais personne ne pouvait rivaliser avec Joe l'indien, l'issus du combat se dévoilait, l'armée de Black Homère était sur le point d'être annihilé. Il était temps pour le toubib de mettre les voiles et retrouver le couple. Aussi, profitant du tumulte il disparut.


Dernière édition par Mochi le Lun 17 Avr 2017 - 23:06, édité 1 fois
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A grandes enjambées, le toubib rejoignit le couple, ceux-ci l'attendait comme prévu à la grange abandonnée, prêt au départ. De leurs côtés, tout c'était déroulé selon le plan. Ils avaient apprêté trois chevaux, lesquels étaient chargés de deux gros sacs remplis à ras bord de berrys. Ils avaient là de quoi vivre aisément pour le reste de leurs vies.

"Rend toi compte, on a réussi à dérober quatre-vingt-sept millions !"
s'écria la jeune fille.

"Soit vingt et un million chacun ! Le rêve !" reprit son compagnon tout excité.

"Pas du tout !" s'écrièrent Romy et Mochi d'une seule voix.

"Mais bien sûr que si ! Quatre-vingt-sept, divisé par trois, ça nous fait six, je retiens un et ... non attendez, je vais le refaire" répondit-il, vexé.

"Pas le temps, on doit filer au plus vite !"

Et ils filèrent. Grimpant sur leurs montures, ils s'élancèrent à grande vitesse dans l'étendue désertique. Cette fois, la traversée fut plus agréable, en effet, ses compagnons ayant l'habitude de voyager dans cet environnement avaient pris toutes les précautions que le toubib n'avait pas pris la première fois. Aussi, le voyage parut bien plus rapide au doc'. Pendant la traversée, ils ne rencontrèrent aucun obstacle. Ils croisèrent bien sûr quelques voyageurs et quelques caravanes marchandes, dont l'apparition se matérialisait toujours par d'énormes nuages de poussières, mais rien de plus. Personne ne semblait non plus les suivre. Pourtant, le combat avait dû se terminer et le vainqueur qui était très probablement Della Magnolia avait dû lancer ses sbires à la recherche des fuyards.

Au crépuscule, ils arrivèrent à la ville portuaire de Bull Town. Les bêtes étaient harassées tant elles avaient couru et elles n'avaient plus la force d'avancer, il fallut les tirer jusqu'au premier abreuvoir qu'ils croisèrent. Une fois que les chevaux furent réhydratés, ils acceptèrent de faire quelques pas de plus vers le port. De là, ils commencèrent à chercher un navire en partance. Mais aucun ne quitterait le port ce soir là, aussi leur faudrait-il attendre le lendemain matin. Ils eurent vent des plusieurs navires qui partiraient le lendemain aux alentours de cinq heures, optant pour l'un d'eux, ils négocièrent avec le capitaine. Après quoi, ils trouvèrent une auberge, qu'ils choisissent minutieusement sur le port et prirent une seule chambre. Celle-ci n'était pas franchement grande, mais l'unique fenêtre offrait une bonne vue sur le port et surtout, sur l'unique entrée de la taverne. Et, dans le cas où un indésirable faisait son apparition, la fenêtre était assez large pour passer et en plus, elle n'était pas trop élevée.

Mochi, excité par l'adrénaline de la mission n'avait aucune envie de dormir, aussi ils décidèrent qu'il monterait la garde toute la nuit et, si le sommeil se pointait, il passerait le relai. Alors qu'il était assis près de la fenêtre, le couple sortit les billets de leurs sacs, l'heure de la répartition était venue.

"Je vais compter !"

"Surtout pas !" S'écrièrent Romy et Mochi d'une seule voix.

Finalement, se fut la jeune fille qui fit les comptes, pendant que son compagnon boudait dans son coin. Quand elle eut finit son expertise, elle répartit les trois sommes dans les sacs. Deux énormes sacs pour Mochi et quatre pour le couple. Le compte était bon et le couple s'endormit, pendant que le toubib, à sa fenêtre, faisait le guet.

Le temps passa lentement et le binoclard commençait à cligner de l'oeil quand il aperçut une silhouette familière entrer dans la taverne. C'était Joe l'indien ! Il avait survécu et était parvenu à remonter la piste des trois fuyards. Sans tarder, le toubib réveilla le couple et les informa de la nouvelle. Les amoureux étaient dépités, persuadés que leurs escapades s'arrêtait là. Romy regarda son gousset, il était quatre heures, le navire ne partait que dans une heure. Une heure, c'était long, il allait les retrouver.

"Fuyons, il y a d'autres villes portuaires sur l'île !"


Ils pourraient fuir vers un autre port et prendre un autre navire. Mais cela ne ferait que retarder l'échéance, si Joe était déjà là, il les retrouverait encore et rien ne changerait. Dans tous les cas, l'affrontement aurait lieu.

"Non, je dois l'affronter maintenant, pendant que vous filez"

Affronter, le mot était peut-être exagéré, ce qu'il devait faire avant tout c'était retarder leur poursuivant pendant une bonne heure. Pendant ce temps le couple n'aurait qu'à se faufiler dans le navire et attendre. Quelques minutes avant le départ du navire Mochi devrait trouver un moyen pour semer son adversaire et gagner le navire. Ce plan était tout à fait bancal, mais ils n'avaient pas le temps d'en trouver un autre, déjà on entendait des bruits de pas dans le couloir.

Sans réfléchir plus longtemps le couple donna son accord au plan qui venait d'être exposé, la jeune Romy donna son gousset au toubib puis, empruntant la fenêtre, ils disparurent. Les pas se faisaient de plus en plus lourd derrière la porte, le toubib essaya de taper la pose la plus decontract' et la plus cool possible sur son fauteuil, mais ne se satisfaisait de rien, finalement, avant qu'il n'opte pour une position particulière on toqua à la porte. Et le toubib n'avait pas eu le temps de se poser, aussi, se leva t-il précipitamment.

"Entrez"

Et on entra, la massive silouhette de l'indien fit son apparition, son visage affichait un sourire mystérieux.

"Alors ? Tu viens me tuer sous les ordres de la patronne?"

"Pour qui tu me prends, j'ai des principes tu sais ? J'ai été en désaccord avec cet ordre là ..."

"Et pourtant te voilà" rétorqua le toubib ironique.

"Je viens récupérer l'argent ... Pour moi même ... Sans rancune"
conclut-il, comme s'il était sûr de son coup.

A peine eut-il finit de parler, que la montagne fonça sur le toubib, voulant le frapper au visage. Le binoclard eut la présence d'esprit de parer le coup en croisant ses bras devant sa tête, mais le coup était si puissant qu'il fut propulser par le fenêtre.
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Quatre heures sept, le toubib avait bien encaissé le coup et après une jolie pirouette dans les airs, retomba sur ses pattes, en plein milieu de la rue du port et leva sa tête vers la chambre désormais détruite qu'il occupait jusque là. Derrière le nuage de poussière occasionné par la destruction du mur, l'on pouvait aisément deviner la présence de Joe D. Alton, dont le spectre était visible à travers l'épaisse couche de fumée. Sans crier gare, le demi-géant bondit depuis le rebord, cherchant à enchaîner avec un coup marteau venu du ciel vers le crâne de Mochi, mais cette fois-ci, le toubib eut la présence d'esprit d'éviter le coup par une simple roulade arrière. L'impact encore une fois, fut, en plus d'être bruyant et puissant, poussiéreux. De plus l'homme semblait avoir frappé tellement fort que son poing était resté bloqué dans les dalles de la rue. Profitant de cet instant de faiblesse, le binoclard vint assener un coup de pied magistral dans la face de l'indien qui fut propulsé à quelques mètres de là. Après quelques secondes, la montagne se releva et Mochi crut percevoir un léger tremblement de sa part. Quelques gouttes de sangs perlaient depuis ses lèvres, mais il les essuya d'un revers de la main.

Le toubib était tout excité, le combat semblait plutôt équilibré et il lui semblait pouvoir aisément rivaliser avec son adversaire. Alors que des images de victoires lui venait à l'esprit, son adversaire se propulsa sur lui et lui assena un coup de poing dans le ventre qu'il ne put esquiver. Le bougre était doté d'une force phénoménale, le toubib tressaillit. Il s'était fourvoyé, son adversaire était plus fort et plus rapide que lui. Sa force brut lui semblait largement supérieur, mais il pouvait peut-être rivaliser par la vitesse. Il allait en faire l'expérience la seconde suivante, car, lorsqu'il toucha le sol, Joe l'indien allait lui asséner un second coup de poing et cette fois, il parvint à esquiver en roulant sur la gauche, de là, il bondit sur son adversaire grâce à une impulsion donnée sur ses deux bras et asséna un coup de genou dans ses côtes ce qui le fit reculer quelques instants. Mais le coup n'eut pas beaucoup plus d'effet. Et pourtant, le toubib y avait mis toute sa force. Comme il s'en rendit compte, rapidement, le binoclard bondit en arrière et sortit brièvement son gousset.

Quatre heures quatorze, dix minutes n'étaient même pas passées et il semblait au toubib que ses coups ne viendrait jamais à bout de l'indien qui était resté inébranlable face à ses attaques, alors que le coup qu'il avait reçu lui faisait encore mal. Voyant son adversaire foncer de nouveau, il prit son courage à deux mains, le jeta par terre et couru dans le sens opposé. Si Joe fut surpris, il n'en montra rien et continua sa poursuite. Quittant le port, Mochi s'enfonça dans la ville. Il était tôt et pourtant des marchands commençait d'ores et déjà à étaler leurs produits dans la rue, quelques marins se dirigeaient vers leurs navires. Bull Town s'éveillait, rendant cette course poursuite difficile.

Quatre heures vingt et une, Mochi s'immobilisa et se retourna. La petite rue derrière lui était déserte. Il espérait secrètement avoir semé son adversaire quand il pensa soudainement à Romy et son conjoint. Il avait peut-être abandonné sa course et était parti à la recherche du couple. Dans ce cas, sa diversion était un échec absolu. Alors qu'il s'apprêtait à faire demi-tour, il reçut un coup de pied dans les côtes qui le fit littéralement valdinguer contre le mur, sur lequel il s'étala lamentablement. Ce coup-ci avait été extrêmement violent. Le toubib se relevait en douceur et avec difficulté, mais son adversaire ne semblait pas profiter de cet avantage, lui laissant le temps de reprendre ses esprits. Quand il fut debout, le toubib sortit une cigarette et l'alluma, il était soulagé que le gorille soit toujours là  et qu'il n'ait pas pris le couple en chasse.

"Qu'est ce que tu fous ?"
"Je reprend mon souffle"
"Tu t'avoues vaincu ?"
"Déçu ?"
"Je dois bien avouer que je m'attendais à mieux"
"Tu sais que j'ai pas l'oseille sur moi ?"
"Évidemment"
"Alors pourquoi tu me suis ?"
"L'argent je m'en fou, je voulais juste me battre contre toi"
"Pareil"
"Alors tu vas arrêter de fuir ?"
"Je sais pas encore, je réfléchi"

Après quelques instants de silence, le toubib jeta son mégot au sol et sortit le gousset de Romy.

Quatre heures trente-huit, l'heure fatidique approchait et Mochi n'avait toujours aucune idée de la manière dont il allait se débarrasser de son adversaire. Alors qu'il était appuyé au mur, il s'en dégagea doucement, il avait pris un gros coup cette fois -ci, mais il pouvait encore bouger. Un idée lui traversa soudain le cigare. Sans crier gare il se remit à courir et Joe l'indien se mit, une fois de plus à sa poursuite. Le toubib se demandait encore pourquoi il n'avait pas profité de la faiblesse de son adverse. Sur le port, il l'avait frappé alors qu'il était au sol. Conscient de sa supériorité, il devait probablement s'amuser.

Mais cette fois, le toubib ne courait pas pour fuir, il avait remarqué, dans une rue, une bouche d'égout entrouverte et suffisamment grande pour y coincer son adversaire. C'est dans cette direction qu'il se dirigeait, le plan était simple, s'il prenait une légère avance sur son adversaire, il l'emmènerait jusque dans cette rue, en espérant qu'il aurait le temps de se dissimuler derrière une benne à ordure qu'il avait également repéré et, au moment où il passerait, grâce à un croc en jambe subtilement dosé, il précipiterait son adversaire dans les égouts.

Il décida donc d'exécuter son plan et se dirigea vers la rue en question. Il donna tout ce qui lui restait pour prendre l'avance sur son adversaire et ce fut fait, il était en dehors de son champ de vision quand il arriva près de la bouche d'égout. Il s'assura que celle-ci soit bien dégagé, puis se cacha derrière la benne à ordure qui n'avait pas bougé d'un poil. Il sortit le gousset de sa poche et regarda l'heure.

Quatre heures quarante-neuf, le toubib avait mis plus de temps que prévu pour retrouver la bonne rue. En tout cas, comme prévu, après quelques secondes à peine, les pas lourds de son poursuivant se firent entendre. Il approchait. Quand il fut assez prêt, le bigleux sortit de sa cachette et balaya Joe l'indien. Ce dernier tomba, mais le toubib avait mal visé et il ne chuta pas dans la bouche d'égout, néanmoins, son menton vînt frapper le rebord de cette dernière. Il prit un sacré coup, c'était un KO technique. Son plan avait échoué, ça c'était joué à quelques centimètres, mais il sortait tout de même victorieux. Victorieux, c'était vite dit, Mochi se sentait quelque peu honteux de s'en être sorti de la sorte, mais face à un adversaire insensible à ses coups, il était bien obligé de passer par là.

Quatre heures cinquante-deux, il fallait mettre les voiles, Joe D. Alton pouvait se réveiller à tout moment et son bateau pouvait également quitter le port et il n'était pas si prêt de l'atteindre. Aussi se mit il à cavaler une ultime fois dans les rues de Bull Town, avec le peu d'énergie qui lui restait.

Cinq heures trois, il arriva finalement au port, et le navire qu'ils avaient choisi la veille était sur le point de lever l'ancre, mais il n'avait pas encore bouger, le capitaine remarquant le toubib au physique atypique cria.

"Ah ben dites donc ! On vous attendez plus !!!"

Le médecin bondit sur le navire et s'écroula, éreinté par toute la fatigue accumulée durant la nuit. Et finalement, il s'endormit lamentablement sur le pont au milieu des marins qui se démenaient, courant dans tous les sens pour quitter le port. Quand il se réveilla, le capitaine vint le voir et lui tendit une lettre.

"Au fait on m'a demandé de vous remettre ça, moussaillon !"

Dubitatif, le médecin attrapa la lettre et l'ouvrit :

Cher Mochi,

Navré de vous faire faux bon au dernier moment. Votre aide nous a été fort précieuse pour quitter cette île, nous n'y serions jamais parvenus sans vous. Et croyez le, nous n'avions pas prévu de nous éclipser de la sorte, mais la tentation était trop forte, vous semblez être joueur cher Docteur, aussi j'ai bon espoir que vous ne le preniez pas si mal.

J'espère sincèrement que vous lirez cette lettre, signe que vous aurez vaincu Joe D. Aston

Cordialement,

Romy et Julio


Le médecin lâcha la lettre, la laissant s'échapper selon les caprices du vent et il se mit à pleurer et par ses larmes, c'est son rire qui s'exprimait. On l'avait bien eu, il s'était fait roulé en beauté.

"Comme quoi, les chiens ne font pas des chats" dit il en souriant.
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