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Orage, ode des espoirs

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« MONSIEUR HAMIL, SERAIT-CE TROP VOUS DEMANDER QUE DE CONSERVER CE PUTAIN DE CAP ?
- J'ESSAIE CAPITAINE, MAIS C'EST DIFFICILE AVEC CETTE TEMPÊTE !
- JE NE VOUS AI PAS RECRUTÉ POUR ESSAYER, MAIS POUR FAIRE, ALORS FAITES, FOUTRE DIABLE !
- AYE CAPITAINE !
- ET OÙ EST LE CALFAT ?
- ICI CAPITAINE !
- MONSIEUR REINTAN, POUVEZ-VOUS M'EXPLIQUER CE QUE VOUS FOUTEZ A ME RÉPONDRE ALORS QU'IL Y A ENCORE DE L'EAU DANS LA CALE DE MON BÂTIMENT ?
- J'Y RETOURNE CAPITAINE !
- PLUS VITE QUE CA ! »

Il fait nuit, et une pluie diluvienne bat les tempes du Capitaine Thatch tandis qu'il peine à donner ses ordres dans le vacarme assourdissant du vent, de la houle, de l'orage et des cordes qui tombent du ciel. S’agrippant à ce qu'il peut trouver, il se déplace sur le pont, hurlant ses directives dans l'espoir que quelques bribes de ses paroles arrivent convenablement aux oreilles des intéressés. Alors qu'une multitude d'éclairs déchirent les nuages noirs, illuminant le navire quelques fractions de secondes, les creux se forment, provoquant d'incontrôlables mouvements de l'embarcation.

Un petit deux mâts, pas bien costaud mais pourtant conçu pour la haute mer. L'équipage, déjà aux aguets  à cause d'un ciel couvert, a été réveillé en urgence pour tenter de maintenir la bonne marche du bâtiment. La voilures, dont on a anticipé la diminution en amont du gros temps, a du être encore allégée, afin d'éviter d'y laisser le mât. Dans une situation pareille, on ne mise que sur des voiles d'avant à peine déployées et sur les talents du timonier, l'homme de la situation.

Monsieur Hamil - l'homme de la situation, donc - a été arraché aux bras de Morphée alors qu'il jouissait d'un repos bien mérité. Assigné au quart précédent, il avait déjà eu un travail conséquent pour lutter contre un courant de plus en plus fort. Et, fort heureusement, il avait bien réussi son travail... Quand on voit les innombrables lames de fond qui sévissent au cœur d'une tempête comme celle-ci, on est heureux d'avoir un timonier comme Monsieur Hamil à son bord. Alors, même à peine reposé, il est considéré ici comme la personne la plus à même de maintenir le bâtiment à flots.

Pour l'instant.

« LAME DE FOND !
- LAME DE FOOOOOND ! ACCROCHEZ-VOUS !
- AIDEZ LE TIMONIER AVEC LA BARRE !
- NON ! LAISSEZ FAIRE, VOUS ALLEZ CASSER LA GOUVERNE !
- MONSIEUR HAMIL, VOUS AVEZ INTÉRÊT A NOUS PLACER FACE A CETTE VAGUE !
- AYE CAPITAINE ! »

Mais un navire, même de cette petite taille, c'est extrêmement capricieux en pleine tempête. Et, malgré tous ses efforts, le timonier ne parvient pas à se placer parfaitement dans l'axe. Alors la vague heurte de trois quart face le bâtiment, secouant tout l'équipage, faisant craquer la coque, arrachant des rambardes du pont déjà fragilisés et entraînant certains matelots à la mer.

« HOMMES A LA MER !
- MONSIEUR HAMIL, SITUATION ?
- VIGIE ! »

A sa position et par ce temps, le timonier n'est absolument pas à même de visualiser correctement les événements à long terme, comme il pourrait le faire dans d'autres conditions. Il doit se contenter de suivre à l'aveugle les indications de la vigie ou, pire, de découvrir au dernier moment ce qui va s'abattre sur le navire sous sa responsabilité. Sauf que par un temps pareil, il est totalement impossible d'entendre ce qu'hurle la vigie, et cela même s'il s'égosille.

Alors, plusieurs hommes, parmi les plus courageux, s'accrochent aux haubans de part et d'autre du navire, formant une chaîne espacée, reliant la vigie au timonier, afin de relayer les informations en gueulant chacun son tour au suivant. S'ils sont bons, ils restent en place toute la durée de la tempête, sans se noyer. Toute la difficulté réside dans la réussite à conserver ses tripes en place et à ne pas régurgiter le précédent repas. Autant pour ces hommes que pour la vigie.

Pendant que l'information fait l'aller-retour, plusieurs hommes de l'équipage s'affairent déjà à envoyer des cordages aux hommes passés par dessus bord.

Après quelques instants de passage de la question en tête, réponse du dernier maillon de la chaîne en provenance de la vigie :

« DEUX MINUTES AVANT LA PROCHAINE, TRENTE DEGRÉS PAR TRIBORD !
- CAPITAINE, PAS DE MANŒUVRE POSSIBLE ! JE DOIS ME PLACER POUR LA PROCHAINE !
- MESSIEURS, VOUS AVEZ PEU DE TEMPS POUR REMONTER LES HOMMES, ALORS SOYEZ EFFICACES !
- AYE CAPITAINE ! »

L'idée est très simple. Quand un homme à la mer parvient à s'agripper à la corde, il n'a d'autre mission que de s'y tenir autant qu'il tient à sa vie, comptant sur l'équipage pour le hisser au plus vite sur le pont. Et tous les hommes combinent leurs efforts pour tirer. Dans un cas comme celui-ci, sauver un homme relève déjà du miracle, le temps disponible étant très court. Alors, en général, le premier qui attrape un cordage est le seul qui a une chance.

« CA MORT !
- HISSEZ !
- ALLEZ LES GARS, HISSEZ-LE !
- HISSEEEEEZ ! »

Six matelots s'affairent à cette tâche, tandis qu’œuvrent toujours les autres hommes à leurs différents postes, presque prêts à subir la prochaine vague.

« HISSEZ ! PLUS FORT LES GARS ! »

De tous leurs efforts, le groupe de sauveteurs ramènent leur camarade de plus en plus proche de la coque, pendant que le malheureux s'enroule dans la corde, faisant tout pour la garder entre ses bras, sans la laisser filer. Ses mains saignent déjà depuis longtemps, à cause de l'effort qu'il doit faire pour contrer les vagues, la houle et le courant. Mais il s'en fiche. Jamais il n'a eu autant de poigne, jamais il n'a eu autant de détermination. Par bribes, il a pu apercevoir le pont au loin, au bout de sa ligne de vie, manquant de se noyer à cause de l'effort inutile de tourner sa tête dans cette direction. Alors il a renoncé à y jeter un œil, mais dans sa tête se bousculent encore les quelques images qu'il a pu obtenir de ces hommes qui s'affairent à le ramener en vie à bord.

Ces hommes, il peut compter dessus.

« PLUS VITE PUTAIN ! »

Lui, dans l'eau glacée, n'entend rien et ne dit rien. Il attend d'effroyablement longues secondes, il s'accroche, il espère. Il ne perçoit par les hurlements du navire, mais il sait, pour l'avoir vécu, que les hommes crient et gueulent pour parvenir à se comprendre, pour se motiver, pour le tirer de là.

« MONSIEUR HAMIL, COMBIEN DE TEMPS ?
- VAGUE EN VUE CAPITAINE ! CRAMPONNEZ VOUS !
- RAMENEZ-MOI CET HOMME !
- CRAMPONNEZ-VOUS ! FAITES PAS LES CONS ! »

Cette fois-ci, la vague heurte le bâtiment en pleine proue, causant le moins de dégâts possible, mais assénant tout de même un violent choc à tous les membres d'équipage, qui se retrouvent presque plaqués au sol.

« IL A TENU BON ! IL EST AU NIVEAU DE LA COQUE !
- REMONTEZ-LE ! HISSEZ ! »

Alors, dans un dernier effort, les six hommes, aidés de Thatch, parviennent à remonter le malheureux.

« Mort... »

Dans le capharnaüm ambiant, le mot se perd. Aux oreilles de tous, personne ne l'a prononcé. Ou peut-être tous. Mais dans l'esprit de chacun, cela raisonne clairement.

Dans l'action, le crâne du naufragé a heurté la coque et s'est littéralement ouvert. Toujours enroulé dans les cordages, il est naturellement resté accroché et a pu être remonté. Mais uniquement pour offrir ce spectacle désolant à ceux qui ont tenté de le sauver.

La pleine mer. Même dans les Blues, ça n'est pas fait pour les gosses.

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« Monsieur Hamil, venez voir par ici, j'aurais besoin de vos lumières. »

Depuis la porte de la cabine du capitaine - qui fait également office de bureau et de salle de navigation -, Edward Thatch fait signe au timonier de le rejoindre. Ce dernier demande qu'on le remplace à la barre et rentre dans la cabine.

« Qu'est ce que j'peux faire pour vous, Capitaine ?
- Je me suis un peu perdu dans notre trajectoire avec le gros temps. Pour moi, on est dans cette zone, ici, mais ça reste vague... »

De son index droit, Thatch dessine machinalement un cercle sur la carte étalée sur la table, sous la lumière des quelques chandelles aux flammes vacillantes suspendues au-dessus d'eux. En ce début de soirée, c'est le seul moyen de voir quoi que ce soit à l'intérieur du bâtiment.

« Hmmm... C'est difficile à dire... La dernière marque s'arrête là, c'est ça ?
- Oui. A partir de ce point, la tempête est devenue tellement importante qu'il n'a pas été possible de noter les directions. Et vu que ça a duré une bonne semaine...
- Vous avez les notes ?
- Juste là, tenez. Ça vaut ce que ça vaut, mais c'est mieux que rien.
- Se repérer avec un temps pareil, c'est toujours difficile... Ces quelques notes devront suffire, sinon, on va errer longtemps.
- Tenez, le premier jour, on a plus ou moins réussi à maintenir le cap grâce à la lune. Mais elle était déjà faible, alors le lendemain...
- Le lendemain on a eu les premières vagues scélérates, on a été forcé de virer souvent.
- Donc, au deuxième jour, on a dû se retrouver... Vers ici ?
- C'est ça.
- Et au troisième jour...
- Le souci du troisième jour, c'est que rien n'est sûr, concernant les notes. Déjà qu'on avait du mal à garder nos hommes à bord, les notes sont ridiculement inutiles sur ce jour.
- Donc le flou commence ici.
- Par la suite, on a pu recenser certains bons déplacements il me semble.
- Bon... ça ne réduit pas vraiment notre incertitude.
- Un peu quand même... Pour moi, on se trouve plutôt là, dans ce cadran. Ici. »

Les deux hommes réfléchissent, parcourant la carte de leurs doigts, traçant ça-et-là de léger traits à la règle ou au compas, précisant petit à petit leur position.

« On ne peut pas se permettre de passer encore trop de temps en mer...
- J'sais bien, Capitaine... J'sais bien... Pour moi, faudrait prendre cap compas entre deux-cent-vingt et deux-cent-vingt-cinq degrés. Sens direct. Si on a bien analysé les notes, on va arriver sur cette île.
- Vous la connaissez ?
- Malheureusement non... Et vu l'âge de cette carte, ça n'est pas son vieux nom qui va nous aider. "Baterilla"...
- Mmm... ça me dit quelque chose, ça. De quand elle date la carte ?
- Oh, au moins une quarantaine d'année, c'est un truc ancestral ça. Vous connaissez quoi de cette île ?
- Peu de chose, j'ai pas tellement navigué dans ces mers là pour le moment. De ce que j'ai pu entendre, elle aurait été dévastée il y a quelques années par Alucard. J'ai pas eu d'infos sur la suite, c'est vieux comme souvenirs.
- Putain... Doit pas rester grand chose...
- Et ça m'intéresse. Si c'est resté abandonné, on aura champ libre pour réparer au calme le navire.
- Il en a bien besoin...
- Le pauvre, il craque de partout. Je n'aime pas le laisser ainsi. »

De sa main gauche, Thatch caresse la charpente apparente de son bâtiment, le regard posé sur le bois vif.

Il faut savoir prendre soin de sa monture. Sur mer encore plus que sur terre. Sans réparation, cette monture-là n'ira pas beaucoup plus loin, c'est malheureux.

« Bien, nous allons faire comme ça. Prenez ce cap Monsieur Hamil, et assurez-vous de bien le tenir. Avec suffisamment de vigilance à la vigie, on devrait tomber dessus d'ici trois ou quatre jours.
- Bien Capitaine.
- Dites vous bien que si on ne met pas la main dessus et qu'on a le malheur de perdre ce temps magnifique, le Diable nous accueillera avec plaisir.
- Je veillerai à notre bon cap. Aussi capricieuses soient-elles, j'ai déjà dompté les Blues. »

Cap sur Baterilla.

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