Recherche du passé [Loth]

Mauvais départ ~


Le ciel clair permettait à la jeune femme d’observer silencieusement cette île approchante. Depuis combien de temps n’avait-elle mit les pieds ici ? Elle ne saurait trop le dire, plus de dix ans, elle en était certaine, pourtant, les souvenirs de son court laps de temps ici-bas étaient aussi frais que la morsure que lui avait fait un chat le matin même. A vrai dire, si elle ne se trompait pas, elle n’avait passé que deux jours ici avant d’être envoyée à Alabasta… Se redressant, les cheveux emmêlés par le vent, Tayel tourna le dos à ce qu’elle voyait pour aller chercher ses affaires dans l cabine qu’elle avait louée, chose qu’elle ne se permettait que rarement. Non pas qu’elle n’ait pas de quoi payer, mais elle préférait être aux contacts des autres en général, surtout pour boire. Mais là, vu ce qui avait poussé son voyage, elle ne se sentait pas d’humeur à festoyer comme à son habitude. Elle prenait un sacré risque de revenir ici, surtout avec le tatouage qui trônait entre ses omoplates. Elle ne l’avait pas recouvert par un autre mais le cachait sous un tissu protégeant sa poitrine. Longeant les murs de bois, elle chercha un moyen d’aborder les gens sur ce marché noir, elle ne pouvait pas clamer haut et fort qu’elle allait tuer les salauds qui lui avaient fait ça. Elle perdrait la tête bien trop vite.

Un cri retentit au dehors et la jeune marine accéléra le pas, entrant dans ce qui lui avait servi de cabine et fini de se préparer, vérifiant tout pour être certaine de ne rien laisser sur place. Elle allait devoir prendre énormément sur elle durant son séjour sur cette île maudite. Elle ne supportait pas les esclavagistes et pourtant, elle fonçait presque tête baissée dans leur antre. Offrant à ses yeux la vie de milliers de malheureux réduit à plus bas que des objets. Ce qu’elle-même avait vécu. Elle commençait déjà à s’énerver alors qu’elle n’y était pas… Hors de question qu’elle ne perde le contrôle de ses nerfs. Ou qu’elle se mette à soigner le premier venu… Discrète. Elle devait rester discrète. Facile à dire. Car lorsqu’on la voyait, à pensait à tout sauf à de la discrétion. Jetant un dernier coup d’œil dans la cabine, la sauvageonne sortit de là et remonta sur le pont, se retrouvant parmi une foule plus ou moins recommandable, entourée de plusieurs malfrats et petits frappes sans réel danger. Et elle était une militaire perdue dans ce beau bordel. Elle lâcha un soupire, le plus discret possible qui ne passa vraiment inaperçu par l’homme se trouvant à sa gauche. Il la regarda, sans qu’elle ne soit apte à lire ce à quoi il pouvait bien penser. Elle lui retourna un regard peu engageant et détourna la tête en poussant une petite onomatopée du genre « tshhh ».

Elle ne put faire grand-chose pour lutter contre la marée humaine qui l’emmena à terre lorsque le bateau fut amarré et elle se laissa portée par le courant, oubliant l’homme qui avait eu ce regard si… Insistant sur elle plus tôt. Après tout, pourquoi devrait-elle s’en inquiéter ? Elle croisait le regard de millier de personne et ce n’était pas pour autant que tous allaient lui sauter à la gorge. Gardant sa main droite sur sa sacoche, la jeune femme s’engagea dans le dédale d’échoppe présent devant elle. Il y avait de tout. Des armes, des drogues, des poisons, des vêtements… Si l’endroit n’était pas aussi glauque à ses yeux, elle se serait volontiers crue dans un marché lambda. Quoi que… Tout ceci doive être banal pour les gens qui déambulaient autour d’elle. Elle aperçut alors ce qui semblait être une taverne et alla se prendre à boire, pour observer ce qui se passait, comment les gens se comportaient… Elle n’était pas certaine de réussir à se fondre dans la foule. Les gens ici… Ils avaient un petit quelque chose qu’elle ne possédait pas. Elle ne saurait pas dire quoi, mais elle en était certaine maintenant. Les regards sombres, les sens en alertes, ses démarches de mécréants amplis de fierté… Oui, elle devait passer pour une gamine cherchant à se donner un air. Elle n’était définitivement pas à sa place ici.

Une fois sa chope fini, et payée, la jeune femme se leva et alla vers le coin aux esclaves, elle ne comptait faire qu’un simple tour de repérage, juste pour voir s’ils étaient toujours là. Si c’était le cas, elle avait tout intérêt à ne pas s’approcher trop près. Néanmoins, plus la journée avançait, et moins la sensation d’être épiée se fit sentir, sans doute avait-elle eu cette sensation car elle était sur cette île ? Elle ne saurait le dire. Si elle en croyait les dire de son défunt maître et ami, elle avait passé presque onze ou douze ans avec lui et il avait appris qu’elle avait passé au moins deux ans dans la maison à Alabasta, ce qui ramenait sa première visite à presque quatorze ans. Elle ne saurait dire si les choses avaient changés ou non. Les souvenirs qu’elle en gardait étaient encore flou, mais le sentiment de n’avoir aucun droit et la haine qui l‘avait alors envahit persistait. Elle n’aimait pas cet endroit. Jamais elle ne serait capable de comprendre quel intérêt de se faire du profit sur le dos d’être humain né avec les mêmes attributs que tous les autres. Perdue dans ses pensées, elle mit quelques secondes a revenir à la réalité : elle était désormais en plein cœur des esplanades de vente d’humain. Son sang ne fit qu’un tour quand elle vit de ses propres yeux ce que les gens devaient voir d’elle autrefois. Des êtres humains humiliés, rabaissés, traités comme des moins que rien. Sales, malades, blessés, marqués au fer ou encore tatoués… Elle eut des nausées et porta ses mains à ses lèvres. Tout devenait flou autour d’elle et les bruits se faisaient lointain.

Un peur qu’elle n’avait plus ressentit depuis longtemps monta en elle, la faisant paniquer. Elle connaissait ses symptômes, pour les soigner assez souvent. Sur elle ou sur d’autre. Quand bien même, le terme de soin était mal placé. Il n’y avait rien à faire lorsque l’on était en crise de panique. Tout se jouait sur nous même, une aide extérieur était rarement acceptée, sans doute parce que l’on avait tendance à se renfermer dans ce qui nous terrifiait. Elle sentait ses membres se raidir, son souffle s’accélérer. Elle savait qu’elle devait lutter, elle restait consciente de tout cela mais son corps refusait de lui obéir comme mu par une volonté propre. Et plus ses poumons accéléraient son rythme respiratoire, plus elle avait du mal à gérer tout ça. Combien de temps resta-t-elle ainsi, au beau milieu du passage, la tête entre les mains, le visage terrifié tournée vers le sol ? Elle ne le sut pas. Cependant, une personne passa trop près d’elle et la bouscula, assez brutalement pour qu’elle se retrouve sur ce sol qu’elle fixait. Le choc causé par la chute la ramena brutalement à la réalité et la pauvre ce mit à tousser, sa gorge la brulant.

La jeune femme se releva difficilement et commença a partir, faisant demi-tour, retournant d’où elle venait. Pourtant, plus elle avançait et plus elle allait vite. Jusqu’à courir comme une voleuse pour fuir cet endroit, s’en éloignant le plus possible, bousculant n’importe qui, ne s’arrêtant pas avant d’être complétement essoufflée, affalée contre un mur. Elle ferma les yeux en prenant de grandes goulées d’air en marmonnant, pour elle-même. Contre sa connerie. Son idiotie. Sa stupidité d’être venue ici sans personne pour la guider ou l’aider. Sans amis, sans camarades. Enfin, elle releva la tête, surtout pour voir où elle avait atterrit à cause de sa petite scène de démence. Elle ne reconnut absolument rien à ce qui l’entourait et se trouvait non loin d’un bâtiment des plus… Original. Quand on le voyait, on avait l’impression que des enfants l’avaient construit à partir de bric empilées n’importe comment, sans logique. A se demander comment l’immeuble tenait. Elle fouilla dans sa mémoire pour tenter de trouver ce que cela pouvait être, mais rien ne lui venant, elle s’avança vers la foule et héla quelqu’un pour lui demander. Mais la personne la regarde comme si elle était la plus idiote des créatures et passa son chemin sans lui donner de réponse. Voilà qui attisa la curiosité mal placée de la jeune femme