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L'erreur seule est funeste (fb)(joe)

Il y avait eu ce fait tout à fait négligeable, si insignifiant au milieu d’une ville comme celle-là, d’une ville qui grouillait, qui transpirait, s’étouffait dans son propre bouillonnement, dans cette vague de chaud qui se confinait entre les rues étroites, dans ce mélange d’épices. Ville de fièvre. Un goût de chaleur sur ses lèvres, de sueur et de miel.  Mais c’était ce fait, oui, tellement dérisoire qu’il tenait du détail. Celui qui n’intéressait personne.
Et peut-être fut-il encore plus remarquable qu’elle s’en rende compte, alors que se dressaient dans le lointain les pyramides comme autant de pics orgueilleux jetés dans l’horizon, avec ce goût qu'elles inspiraient : fascination par la grandeur, austérité par la forme.
Mais si l'arrière plan l'émerveillait aisément, c'était cet autre qui l’avait stoppée nette dans sa marche, cette déambulation oisive et hasardeuse. Et en y repensant, ce n’était pas tant ce détail même qui avait attiré son attention sinon son étrange prolongement dans la durée.
Au début, on ne trouvait pas matière à focalisation. Elle l’avait tout juste remarqué et avait mis ça sur le compte du décor. Trop de gens dehors, trop de corps à la fois si proches et si loin, cette chaleur oppressante, humaine, trop de vie tout autour de soi, de ce brouhaha qui carillonnait dans ses oreilles. Sans cesse.
Au commencement, elle l'avait à peine perçu oui. Puis cela s'était révélé avec le temps, comme une goutte, une petite fuite pas tant naturelle. Un quelque chose de dissimulé parmi la faune. Furtif. Tout au plus, une simple impression. Presque désagréable, une impression qui surgissait, disparaissait, rejaillissait par instant sans qu'on ne puisse jamais s'y habituer. Infime. Nuisible. Grossière.
Comme un insecte.
Là, sans cesse à ses côtés, derrière. Ca s'agitait, fourmillait dans l'ombre. Et pour chacun de ses pas, de plus en plus pressée qu'elle était, se hâtant sans même savoir pourquoi, d'une rue à l'autre, il lui semblait que c'était de plus en plus près. Et cela l'avait finalement happée toute entière sous une grosse bouffée d'anxiété.
Marylin aurait pu se demander si cela ne venait pas seulement du soleil, trop lourd contre son crâne. En vérité, il y avait bien de ça. Cela l'avait si bien chauffée que la raison s'en était allée en même temps que le rationnel. Depuis combien de temps déjà ? Il paraissait que c'était d'un trop et d'un pas assez.
Ca avait suffi pour semer le trouble.  
C'était elle qui avait alors tenté de disparaître, en passant par les bazars, entrant dans un commerce, ressortant dans un autre, zigzaguant dans la ville, revenant sur ses pas, s'éloignant encore. Mais rien. Il n'y avait rien à faire. Ses yeux s'agitaient comme des petites perles folles toujours.
D'un revers de manche, elle essuyait la sueur sur son front. Elle étouffait. Sa chemise blanche lui collait presque au corps. Et lorsqu'elle se mit à courir soudain, ce fut avec la sensation qu'elle fondait.
T'hallucines ma fille, t'hallucines.
Elle aurait dû penser mieux. Car son bon sens lui aurait ordonné de ne pas s'éloigner de la place, de l'agitation des marchands. Mais elle ne réfléchissait plus, s'éparpillait dans cet effort, dans cette course. Malgré ses bottes souples, la légèreté de son pas contre les chemins terreux, sableux, les empreintes qui marquaient pour mieux s'effacer ensuite, elle laissait dans son sillage autant de cailloux pour indiquer le chemin à suivre comme les têtes se tournaient sur son passage, dévisageant l'or de ses cheveux. Des regards semblables à des flèches qui pointaient toutes vers la même direction et rendaient sa fuite inutile.
Elle s'arrêta bien sûr. Lorsqu'il lui sembla avoir trop couru, lorsqu'il lui sembla être allée trop loin, lorsqu'elle n'entendit plus ce grésillement dans ses oreilles. Elle attendit.
Mais rien encore. C'était parti.
Seulement le glissement d'un genou à terre, une main sur sa cuisse. Elle ferma les yeux pour se redonner une contenance, un sourire moqueur pour elle-même, pour ce délire.    
Il n'y a rien.
Ridicule.
Qu'aurait-il pu y avoir ? Qu'aurait-il dû y avoir ?
Elle s'était excentrée, et la rue de chaque côté paraissait vide. L'atmosphère néanmoins demeurait lourde. Pas d'air. Pas d'air pour naviguer d'un bout à l'autre, l'immobilité même qui semblait provenir de l'intérieur des bâtisses. Le silence.
Juste son souffle.
Non.
Son souffle qui s'accélérait. Ses yeux qui s'ouvraient brutalement, fixaient avec une intensité effrayante le sol.
Car c'était le sol qui la narguait. Ca venait de là. Le nuisible. Le nuisible dans son ombre, niché. Tout était de sa faute, comme il ne bougeait plus, touchait même le bout de sa chausse. C'était de sa faute si elle peinait à respirer, si sa gorge brûlait. C'était lui qui avait dû la suivre, la hantait. Quel être infâme. Quelle existence abjecte. Ordurière.
Alors sans même y penser, puisqu'il était nuisible, elle le tua. Sans même relever le talon, juste avec le bout de la chaussure. Ca avait été si facile.
L'odeur ignoble de la mort arriva ensuite.
Sur le sol, la mort, le mort, le petit corps écrasé d'un cafard, la chair bouillie, et au-delà encore sa petite ombre noyée dans la sienne, et bien au-delà encore, le détail qui revenait.
Qu'elle ait tout imaginé un peu plus tôt ou non, à cet instant précis, c'était là. C'était comme si son anxiété s'était détachée de son corps pour prendre forme. Ca existait. Ca vivait. Ca venait pour elle. Ca se devinait, serpentant, léchant cette terre. Car il y avait encore le cafard dans son ombre, et son ombre, sa propre ombre, dans celle du Cafard.
_ Mais... Vous êtes qui, vous ?
Se retournant lentement, elle commença à reculer prudemment. Elle tendit un doigt, tremblant, alors qu'elle grinçait méchamment des dents.
_ Je vous ordonne de partir. Immédiatement.
Et à cet instant-là, il fut trop tard pour Marylin, capturée comme ça. Y'avait juste eu à se pencher et à la cueillir comme un fruit bien mûr.


    Quarante degrés à l'ombre et pas d'ombre à l'horizon. Suant, suffoquant même, ne voulant pour rien au monde se défaire de la parka dans laquelle il dissimulait un arsenal conséquent, le cafard crevait à petit feu sous un soleil de plomb. Pareille chaleur était pour lui un premier goût de l'enfer qui l'attendait une fois que son périple toucherait tragiquement à sa fin.

    En attendant pareille issue, Joe avait l'intention d'agoniser en ce bas monde encore quelques décennies. Agoniser, c'était le mot. Accablé d'une part par la chaleur, c'était au porte-monnaie qu'il souffrait le plus. Tandis que la vie de certains constituait un long fleuve tranquille, la sienne se manifestait un torrent de merde perpétuel en plein typhon. Courir après le berries ne l'avait jamais rendu si miséreux.
    Sans le sou, ayant dû fuir à la hâte une énième débâcle lui ayant pendue au nez, la fortune lui faisait défaut, et il s'était retrouvé à dériver jusqu'au paradis des esclavagistes. Ici, les transactions de chair humaine encore frétillante étaient légions. Ultime supplice pour le cafard, il observait ces visages mornes d'humains devenus choses et se retrouvait fort peiné de ce spectacle navrant.

    - Vraiment des esclaves de merde par ici. Ça fait franchement mal au cœur de voir qu'on vende du bas de gamme.

    De la considération pour les malheureux décharnés et enchaînés ? Il n'en avait aucune. Il n'aurait jamais pu en avoir, ne les percevant que comme des liasses de berries ambulants. Fauché qu'il était, le pirate en errance en vint à se demander si sa présence sur cette île n'était pas en réalité un signe de la Providence; une Providence qui, il fallait croire, était plutôt bienveillante à l'égard de la traite d'êtres humains.

    - Mais c'est bien sûr !

    Comme saisit d'un éclair de génie, il frappa le tranchant inférieur de son poing fermé dans le creux de son autre main.

    - J'ai qu'à vendre un de ces bons à rien qui pullulent dans le coin. Y'a de quoi se refaire hin-hin !

    Bien que dégoulinant de sueur, il emmitoufla une main à l'intérieur de son anorak, titillant de ses doigts la crosse de son mousquet à canon triple. Le plan était simple. Le plan était toujours simple, et l'issue généralement dramatique.
    Arpentant tous les marchés de la ville portuaire de Valoonia, il mit la main sur une paire de menottes reliées par une chaîne, l'échangeant contre quelques munitions de mousquet. Tout ce qu'il restait à faire à présent, était de ferrer la proie parfaite.

    Se positionnant devant les quais, il s'adossa au mur délabré de ce qui semblait être une teinturerie, un pied appuyé sur la façade, tête légèrement voûtée pour dissimuler au mieux son regard fourbe derrière sa casquette, il scrutait.
    N'ayant pas manqué de se renseigner sur les bizzareries locales de Rhétalia, le cafard savait que les esclaves d'origine étrangère, "les Fauves" se vendaient à des prix bien plus élevés que la viande humaine environnante. Restait à jeter son dévolu sur une proie venue accoster.

    Tantôt trop nombreux, tantôt trop armés, le gibier n'était pas abordable pour un chasseur isolé. Et pourtant, au milieu des troupes de marchands sans scrupules et des mercenaires aux aguets, la perle rare scintilla au point d'esquinter les pupilles du cafard. Lorsqu'il porta son dévolu sur elle, Joe savait qu'elle était l'élue de son porte-feuille. Cette chevelure dorée lui rappelait d'ailleurs la teinte brillante de l'or qui allait encombrer ses poches sous peu.

    - Elle est parfaite...

    Passant, gourmand, sa langue sournoise sur ses lèvres méchamment gercées par le climat local, il se décolla de son pan de mur pour la prendre en chasse. Discrétion oblige, il la suivit aussi longtemps qu'il fallait, prenant soin de laisser une distance suffisante pour ne pas la rendre suspicieuse. L'instant où cette inconsciente, sur laquelle bien des regards lubriques venaient à se hasarder, se trouverait isolée de la plèbe constituerait le jour de la fin de sa liberté chérie.
    Imprudente, elle commit l'irréparable en s'engouffrant dans une ruelle traître, pensant semer ce poursuivant qu'elle avait ressenti à ses basques depuis quelques temps.


    *clic*


    Rattrapée par son prédateur naturel : le cafard avide et sans vergogne, un bracelet d'acier tiède s'était noué autour du poignet de l'infortunée. À l'extrémité de la chaîne longue de près de cinquante centimètre, l'exact même menotte entourait l'avant-bras de Joe dont elle percevait enfin le visage sournois dans la pénombre de cette ruelle qu'elle n'aurait jamais dû emprunter.

    - Je vous ordonne de partir. Immédiatement.

    Ponctuant un rictus sinistre, son ravisseur l'attira à lui d'un violent mouvement de bras, tirant sur la chaîne qui la reliait à elle. Manifestement surprise d'une violence si subite, elle s'écrasa contre son torse. Contre son abdomen commençait à se dévoiler une protubérance émanant du cafard.

    - Tu le sens contre ton ventre ?... C'est long, c'est dur, c'est rigide...

    Puis, à pleine poigne, il se saisit de l'épaisse tignasse soigneusement coiffée de sa captive, dévoilant alors ce avec quoi il la caressait, le pointant sous le menton de la demoiselle.

    - ...Et si je te surprends encore à me parler à l'impératif UNE SEULE FOIS !.... Ça va cracher du plomb dans ta jolie petite gueule Yahinhin !

    Ce n'était pas tant le mousquet que Joe avait placé à bout touchant qui la terrifiait, mais cette tendance malsaine qu'avant le cafard à changer d'expression faciale, oscillant entre le narquois, sourire toutes dents dehors et cette hargne spontanée déformant par moments son visage pour en faire l'illustration la plus pure de son irascibilité maladive. Elle avait affaire à un teigneux et elle le savait.
    Sa proie calmée, Joe dissimula son arme et extirpa sa nouvelle acquisition de la rue sordide où il l'avait capturée, lui ayant convenablement transmis ses intentions au préalabe.

    - J'ose espérer que vous n'allez pas me vendre. Pas ici ?!

    Il la traînait plus qu'elle ne l'accompagnait. Même avec des menottes, la cohabitation était difficile. Poussant un long soupir, lèvre supérieure légèrement relevée du fait de la gêne que lui occasionnait cette charge pondérale reliée à lui, il prit la peine de s'arrêter puis de se tourner vers elle.

    - Enfin nooooon... Ce ne serait pas correct hein ?

    - Contente de vous l'entendre dire.

    - Cela dit... Ce qui serait le serait encore moins, c'est de te vendre... avec la langue en moins. Non ?

    Prenant un air innocent, pupilles néanmoins écarquillées pour traduire un certain agacement et une propension réelle à mettre ses menaces à exécution, Joe espérait ainsi obtenir davantage de coopération de la part de sa marchandise sur pattes. Plus docile pendant un temps seulement, elle le suivit en faisant moins d'histoire.

    - Où allons-nous ?

    - À la fête foraine.

    - Où allons-nous ?! Vous vous éloignez de la route !

    Le soleil commençait à culminer au zénith, et effectivement, les compères avaient quitté la ville portuaire pour s'engouffrer en des zones plus arides, là où le sable reprenait ses droits sur la flore et où le paysage n'était composé que de dunes.
    Des renseignements qu'il avait glané, Joe savait qu'il tirerait le meilleur prix de sa capture à Nova Rhodésia. Seulement, les chemins entre cités étant mal famés, le cafard eut l'idée truculente de couper par le désert afin de rejoindre sa destination.

    - Mais... Mais arrêtez donc ! Je vous en conjure ! Vous n'avez même pas pensé à prendre de l'eau !

    Sourd aux complaintes de la malheureuse, Joe avançait, tirant violemment sur la chaîne pour la faire se mouvoir quand elle se bloquait, tentant de repousser l'inévitable. Aurait-il eu les moyens d'acheter de l'eau qu'il aurait eu la radinerie d'y renoncer.

    - Je vais mourir carbonisée dans un désert. Quelle fin glorieuse pour une femme de mon rang.

    - Mais non mais non, sois pas défaitiste. Tu mourras dans un somptueux palace, battue à mort par celui auquel je t'aurais vendue. Garde espoir hin-hin.

    Il ricanait d'autant plus car il savait qu'en sa compagnie, aucun espoir n'était permis.
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    L’heure était grave et elle rougissait de colère.
    Le pourceau avait l'audace de se moquer d'elle en prime ! Voilà. Elle était furieuse. Parfaitement furieuse. Et si l'idée de se faire battre à mort dans un somptueux palace lui hérissait les poils, elle pouvait au moins avoir la conviction qu'avec ce que ce crétin s'apprêtait à faire, son plan ne se réaliserait jamais. Jamais !
    Et ce n’était pas tant non plus chicaner que de dire que, cette fois-ci, elle se trouvait vraisemblablement dans une salle affaire. Dans la merde. Comme disent les prolétaires.
    Mais elle ne se trouvait pas seule. Puisque si la situation devenait très préoccupante, il y pataugerait aussi. Lui. De la merde, il en avait jusqu’aux oreilles. Il ne comprenait rien. Quelques cours-circuits dans la caboche, une ampoule éclatée. Bouché. Complètement bouché. Ce n’était pas faute pourtant d’insister. Elle réfléchissait, mais non, elle ne voyait pas comment simplifier plus encore ce fait tout bête qu’un enfant, fut-il esclave, aurait pu deviner tout seul.
    Désert + Pas d’eau = tu meurs.
    Une addition sans prétention, vraiment.
    Le désert. Elle lui en foutrait tiens, du désert. Quelle turlupinade, quelle faribole, quelle billevesée. Quelle sottise ! Le sale bédouin. C’était d’une crétinerie absurde enfin ! Pire. Elle aurait mis sa main à couper que la maudite canaille ne savait même pas où se diriger dans ce labyrinthe de dunes. Il suffisait de regarder comment il s’était fagoté celui-là, pour le comprendre. Une parka. Quand on ne sait pas faire la différence entre Rhétalia et l’île de Drum, on reste chez soi. Il avait l’air malin tiens, le pingouin.
    Ils ne marchaient pas à la même allure. Il faut dire qu'il ne lui en donnait aucune envie. Et bien qu'à la traîne, tirant en arrière, retardant l'inévitable, elle glissa malgré tout vers l'avant d'un féroce mouvement de chaîne, dérapa sur quelques pas avant de se relever, plus obligée à cause d'une marche qui se poursuivait que par réelle envie.
    Et les tempêtes de sable. Il y avait pensé, le gaillard ? Ca, ça vous tombait comme un cheveu sur la soupe. Si des fois ils en croisaient une, que feraient-ils ? Enfin. Que ferait-il. Se dresserait-il, bras écartés, mousquet en main ? Clamerait-il un tonitruant vous ne passerez pas ? Que de mystères.
    Si elle le prenait pour un maboule ? Et bien. Depuis le début, il ne lui avait pas donné l'impression d'être tout à fait saint d'esprit. Et puis, il manquait cruellement d'organisation. Elle avait affaire à un amateur. Ca ne faisait aucun doute. Vous parlez d'un plan. Tiens, passons par le désert, comme ça, sans rien à bouffer, sans rien à boire, sans rien pour se protéger, sans guide. Même pas un chameau. Quelle ironie.  
    _ Vous capturez des pauvres filles sans défense, mais une bouteille d'eau, ça, ça ne vous vient pas à l'esprit d'en voler une... Pas très efficace comme kidnappeur, c'est le moins qu'on puisse dire.
    Ah. Qu'il lui colle son mousquet sur le visage s'il l'osait ! Mourir un peu avant ou un peu après, cela aurait au moins l'avantage de lui épargner le calvaire d'une marche qui prendrait bientôt des airs d'épopées antiques. L'honneur, la chevalerie et l'histoire d'amour en moins, cela va sans dire. Ils suaient. Lui, parce qu'il la traînait, elle ? Parce qu'elle s'était complètement penchée en arrière, et qu'il la tirait plus qu'elle ne marchait à présent, sur ses talons. L'effort demeurait conséquent des deux côtés.
    Elle jeta un oeil en haut, dirigé vers le ciel et déglutit péniblement. Le soleil atteindrait bientôt son zénith, la ville n'était maintenant plus qu'un lointain mirage, et l'étendue de sable s'ouvrait à présent à eux, offerte, pour mieux les engloutir.  
    Ca ne méritait plus tellement le nom d'aventure, sinon celui de suicide. Ils allaient se suicider. Lui le premier, et il attendait donc qu'elle le suive aveuglément, qu'elle plonge dans son gouffre, les deux pieds joints et le sourire galvanisé sur les lèvres aussi peut-être ? C'était presque romantique. Salement.
    Il n'y avait pas de quoi ricaner, et elle ne faisait en aucun cas preuve de défaitisme, seulement de réalisme. Elle regretta seulement de ne pas avoir été capturée par quelqu'un de plus raisonnable. On s'arrange toujours avec le raisonnable. Le cruel illusionné ? Certainement pas un investissement. Mais enfin ! Il suffisait de le regarder pour se rendre compte qu'il ne pensait qu'à sa récompense et à rien d'autre ! Et quelle récompense ? La mort serait son unique lot de consolation.
    Ses dents avaient grincé et elle avait eu ce regard noir et mauvais qui s'expliquait très facilement : se faire kidnapper, menottée, rendue à l'esclavage et condamnée à un exil funeste, il y avait de quoi se foutre en rogne. On comprendrait donc aisément que Marylin éprouvât une subite et féroce haine envers l'abominable crapule qui se tenait devant elle.  
    Et quoi ? Elle allait crever comme ça ? Juste parce que quelqu'un l'avait décidé à sa place ? Que nenni !
    Elle tenta de mettre de côté l'angoisse qui la tenaillait et l'empêchait de réfléchir convenablement à un moyen de s'échapper. Enfin ! Il devait bien exister un moyen d'éviter cela.
    Elle tenta de réorganiser sa pensée.
    Option numéro une. Prendre la fuite. Obstacle autre que l'esquimau : les menottes. Il devait avoir la clé quelque part sous son anorak. Lui substituer, elle pouvait oublier. Elle ne voyait pas comment y mettre la main sans qu'il ne s'en rende compte.
    Option numéro deux. Le colt qu'elle gardait cacher sous sa chemise. Non. Si les choses tournaient mal, elle perdrait son unique arme. Mieux valait garder cet atout un peu plus longtemps en lui faisant croire qu'elle était tout à fait sans défense.
    Option numéro trois. L'assommer. Mais comment ? Il était armé. Ah que oui. Elle l'avait bien senti contre sa peau, caressant. Long, dur et rigide...   
    Option numéro quatre. L'étrangler. Pas un plan de folie, cependant, ça restait le plus plausible. Bien sûr il y avait de grandes chances que cela échoue, mais au diable. Il y avait un pourcentage, faible, pour qu'elle réussisse. Cela lui suffisait. Un instant même, il lui sembla qu'elle y parviendrait. Oui. Elle pourrait.
    Elle cessa de tirer sur sa chaîne, mais continua ses jérémiades pour l'illusion de sa docilité indocile.
    _  C’est pathétique. Vous allez nous faire tuer et vous ne vous en rendez même pas compte. Mais je suppose que je devrais me réjouir, je suis prête à parier que vous crèverez avant moi sous votre parka. Et je vais vous dire encore, comment vous allez crever...
    Et hargneuse, elle partit brusquement.
    Deux foulées rapides pour prendre son élan.
    Un saut.
    Un mètre quatre-vingt quoique trop fin qui se jeta tout entier. Un bras qu'elle passa autour du cou du cafard, un autre qui, entravé à cause de sa menotte, tentait plus ou moins de gêner un mouvement de bras qui aurait pu la balayer trop rapidement. Et ses jambes qui étaient venues ceinturer la taille de l'homme.
    _ Comme un chien ! Parce que vous êtes au moins aussi bête !
    Elle s'accrochait fermement. Quand bien même il semblait au final qu'il la portait plus qu'elle ne l'étranglait. Grotesque.
    Et c'était plus des gémissements de peine, de rage, de désespoir qu'autre chose.
    Elle se souvint de son regard à cet instant-là, ce changement d'expression qui relevait du délire.
    Ce qui la terrifiait au fond, c'était sa réaction si elle ne parvenait pas à aller au bout de son action.
    Et elle n'y parvenait vraiment pas.
    Nervosité.
    _ Tu vas mourir oui, sale Cloporte !
    Oui. Il devait mourir, puisqu'elle ne désirait pas connaître son courroux ainsi que le châtiment qui l'attendrait si elle échouait.

    La différence entre les deux voulut naturellement qu'elle échoua.
    Hélas.

      - Cafard, gNnNn.. pas cloporte...

      Dans un ultime élan de survie, la blonde avait tenté de massacrer son ravisseur. Réflexe sain qu'éprouvaient toutes personnes exposées à un contact prolongé avec le cafard. Il savait être irritant, d'autant plus lorsqu'il avait vocation à vous réduire en esclavage. Pour l'effort, elle aurait mérité une médaille.
      Bien que peu vaillant par nature, Joe savait encore se défendre face à une faible femme. Le plus dur dans l'entreprise était encore de ne pas l'esquinter ce faisant.

      Selon bien des critères esthétiques, la proie du cafard pouvait être considérée comme sublime. Maniérée, radieuse à la silhouette parfaitement moulée, Joe comptait bien en tirer une somme mirobolante. Restait à la présenter en bon état. N'étant pas homme à abîmer la marchandise, une fois dégagé de l'attaque hystérique, il enfonça puissamment sa main dans le creux d'un rein de la jeune fille, juste au dessus de la hanche, lui arrachant un cri strident à lui en déchirer les tympans.

      - Hin-hin. Ça fait mal heiiiin ?! Et le meilleur dans tout ça c'est que ça ne laisse aucune marque. Pour ta santé, évite de recommencer...

      L'observant ainsi effondrée à même le sable bouillant sur lequel ils déambulaient depuis trop longtemps, exposée, vulnérable, son instinct le plus primaire lui dictait de la rouer de coups, encore et encore. Rancunier dans l'âme, il aurait voulu corriger cette captive indocile, mais il fallait penser à la plus-value. Marylin ne devait son salut qu'à l'avidité du cafard, tout comme elle lui devait sa perte de liberté.
      Cette parenthèse achevée, Joe, éreinté du peu d'efforts qu'il venait de fournir se laissa tomber cul par terre à côté de sa victime, il peinait à reprendre son souffle. Sans eau, dans ces conditions, le moindre mouvement lui en coûtait. Peut-être que la blondasse avait elle vu juste. Peut-être crèveraient-ils sous peu, la déshydratation aidant.

      Toutefois, trop obnubilé par le berry chantant qu'il voyait déjà dans ses poches, Joe n'en avait cure. Il vendrait cette précieuse ridicule, même si cela devait être la dernière chose qu'il accomplirait avant sa mort. Une fois remis de leurs émotions, ils se remirent en marche, l'un hâtif, l'autre résignée. C'était une marche funèbre qu'ils entamaient, à laquelle les cris lointains des vautours se mêlaient.


      ***



      En soi, tenir deux heures dans le désert comme ils l'avaient fait relevait de performance athlétique. Trempés, ils devaient avoir perdu la moitié de leur poids en sueur. Et pourtant, ils marchaient. Pire encore, ils marchaient sans savoir où ils allaient. Lorsque Marylin eut l'audace de demander à Joe s'il savait au moins où il se dirigeaient, ce dernier lui répondit, quelque peu éconduit par la chaleur, qu'il se repérait grâce aux étoiles.
      Il était deux heure de l'après-midi.

      Cette fois, Marylin s'effondra à genoux. Elle était décidée à ne plus se relever, en avait-elle seulement la force ? Son cafard de ravisseur tira un timide coup de chaîne, mais c'en était aussi terminé de son côté. La vigueur lui faisait défaut, seule la cupidité lui avait donné la force nécessaire pour se mouvoir jusqu'alors. Dès lors, las, il resta debout, immobile, mâchoire grande ouverte à reprendre son souffle. Leur périple touchait à sa fin.

      - Nous allons mourir ici n'est-ce pas ?

      Lèvres gercées, gorge sèche, Joe trouva à peine la force pour lui répondre.

      - Toi d'abord morue...

      Les quolibets et autres insultes n'avaient plus aucun effet sur elle, la perspective de la mort prochaine l'immunisait du venin du cafard. Elle aurait voulu sortir son arme, avoir le dernier mot, mais elle se refusait à abréger les souffrances de son bourreau, c'eut été se montrer trop clément à son encontre. Il devait souffrir.
      Ses yeux éblouis par les rayons prolongés de ce soleil assassin, elle ne pouvait plus distinguer que la silhouette de ce crétin en parka et à casquette qui l'avait menée au tombeau. Doucement, il semblait infiltrer sa main à l'intérieur de l'épais anorak qu'il ne quittait pas. Allait-il en sortir son mousquet à canon triple ? Abréger les souffrances de son esclave ? La jeune femme se surprenait presque à le souhaiter. Mais ce qu'il sortit n'avait pas la forme d'une arme. Cela ressemblait d'ailleurs à s'y méprendre à la dernière chose qu'elle aurait pu espérer le voir sortir de ce manteau aux mille ustensiles.

      - Ce.. C'est... C'est pas vrai ! Personne ! Personne peu être aussi radin !

      Il y avait de quoi être décontenancé au point de gaspiller ses dernières forces en cris vains. Joe avait sorti une gourde pleine qu'il commençait à boire, avec modération malgré sa condition désastreuse. Il s'essuya la bouche d'un revers de manche, revigoré, comme neuf, agissant comme si de rien n'était.

      - Aaaaaallons... Pas de radinerie qu'y tienne, je suis économe parcimonieux, c'est tout.

      L'économe parcimonieux retroussa le nez, comme feignant de ne pas comprendre l'agacement de sa marchandise.

      - Je... aaah, je défaillis, je meure de tant de bêtise...

      Sur ce choc, Marylin s'effondra à même le sable, inerte. Le cœur du cafard manqua de ce rompre devant un spectacle si déchirant, il ne pouvait s'y résoudre, pas elle, pas maintenant, elle ne pouvait pas mourir. Vif comme l'éclair, il se jeta auprès d'elle portant l'embout de sa gourde aux lèvres déssechées de la malheureuse.

      - Claque pas blondasse ! Pense à mon fric... PENSE À MON FRIC MERDE !!!

      Ayant simulé sa mort soudaine avec la subtilité d'une actrice en fin de carrière, ladite blondasse émergea plus pimpante une fois revigorée de ces quelques gorgées d'eau tiède. Que ne fallait-il pas faire pour avoir droit au minimum vital avec le cafard.

      - Bon ! Maintenant que t'as retrouvée la forme ! On est repartis !

      Car pourquoi ne pas continuer à tenter le diable quand il restait une chance infime de s'en sortir en rebroussant chemin ?
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      Le soleil devait lui cuire le crâne ; Marylin aurait juré avoir entendu cette canaille dire qu’ils devaient repartir. Ce qui bien sûr était absurde. Il devait au contraire s’agir du moment où conscient de ses limites, il renonçait à cette folle entreprise. Cela tenait du bon sens commun. Ciel, on a failli crever heureusement qu’on s’en est rendu compte rentrons maintenant et je vais accessoirement vous libérer aussi après tout la traite d’esclaves c’est mal. Voilà. C’était à quelques mots près ce qu’il avait dû essayer de lui dire. La familiarité et le manque de vocabulaire chez la fripouille auraient simplement eu raison de l’exacte traduction.
      Elle tendit encore ses lèvres. De l’eau. Mais l’homme avait eu tôt fait de visser le bouchon et de faire disparaître dans les dédales de sa parka leur seule ambroisie. Désappointant.
      Marylin se redressa néanmoins. Il lui semblait que ses forces revenaient. Illusion seulement provoquée par quelques gouttes salutaires et par l’idée naïve que son geôlier devenait raisonnable.
      Elle manqua de tomber une nouvelle fois en comprenant que l’homme n’avait aucune intention de retourner sur ses pas.
      Sans doute gaspillèrent-ils encore le peu de force qu’ils avaient récupéré. Elle ne pensait qu’à faire demi-tour, il ne pensait qu’à son « fric ».
      Il gagna bien sûr ce babillage inutile. Il l’avait eu par les sentiments, menaçant d’en finir tout de suite avec l’eau.
      _ Vous… Vous n’oseriez pas…
      Son détestable sourire tenta de lui assurer le contraire.
      Et bien que parfaitement au fait qu’il n’en ferait rien, car il l’avait dit lui-même, économe parcimonieux, envisager seulement que leur seule ressource puisse finir au fond de son gosier eut raison de son obstination. Il avait gagné. Il possédait la clé et l’eau. Elle, il ne lui restait bien en mémoire que la douleur de sa main dans le creux de son rein. Supérieur en tout point de vue.

      *

      1h30 plus tard.

      Retour à la situation de départ. Desséchés. Ils étaient desséchés.
      Et croyez bien qu’avoir de l’eau n’arrangeait rien : le simple fait de ne pas y avoir accès rendait la situation insoutenable. L'agacement provoqué seul obligeait Marylin à avancer.
      _ Allez quoi. Donnez-moi de l’eau, juste un peu, une goutte…
      Mais ce radin la gardait jalousement.
      L’épuisement, la chaleur au-dessus de leur tête. Ils marchaient au même rythme, et les menottes ne s’entrechoquaient bien que dans cette comédie grotesque qu’ils jouaient. Marylin s’accrochait au Cafard. Le Cafard s’arrangeait pour lui faire lâcher prise.
      _ Non.
      Le chemin vers l’eau était semé d’embûches. Le forban ne se laissait pas faire, mais Marylin tentait bien oui d’introduire ses fines mains à l’intérieur du vêtement. Car il devait en cacher des choses là-dessous. Intuition féminine. Il devait en avoir d’autres. L’eau n’a pas d’odeur mais la paranoïa lui soufflait que si.
      Ils boitillaient l'un l'autre plus qu'ils ne marchaient, se repoussaient dans l'instant, se bousculaient encore. Le corps de l'autre ne tenait par moment que du pilier. Dans ce cas seulement, Marylin grimaçait.
      La jeune femme tenta d'avaler sa salive, d'humidifier ses lèvres. Mais il n'y avait plus rien. Elle se sentait fanée. Parler seulement demander un effort considérable.
      _ Mon pauvre ami, vous devez avoir tellement chaaaud là-dessous... Laissez-moi vous aider... Vous ne tiendrez pas... Vous allez mourir avant de pouvoir me vendre... Vous le voyez ? Votre fric qui vous claque entre les doigts... Il s'envole... Il meurt... Pire... Il va dans les bras d'un autre... Il ne vous aime plus... Vous mourrez... Pauvre... Pauvre, pauvre, pauuuvre...
      Tous les petits coups bas au moral lui étaient bons. En outre. Jouer avec les nerfs du cafard, quand bien même cela s'avérait douloureux, l'aidait à tenir. Il était jouissif de taper sur le système de l'homme que vous détestiez le plus au monde. Et croyez bien que personne d'autre à cet instant ne l'aurait haï comme elle le haïssait à présent. Il lui faisait vivre l'enfer. Ce qu'elle ignorait sans doute, c'était que cette même haine lui était salvatrice.
      Elle évita certaines de ses tentatives pour la faire taire, d'autres furent plus cruelles. Si elle hurlait, tombait, c'était pour mieux se redresser et recommencer quelques minutes plus tard. Des larmes qu'elle n'avait plus au coin de l'oeil. Seulement la rage.
      Alors ils avançaient bon gré mal gré, sous les injures qui se répondaient.
      _ Morue.
      _ Vieux manche à gigot.
      Et c'était si long, et les secondes s'écoulaient si lentement semblait-il. Il apparaissait qu'ils avaient l'éternité pour eux, l'éternité pour se détester et se chercher des poux.  
      Elle le dépassa soudain et pointa juste en face de lui, avançant à reculons, ses mains qui se chamaillaient avec les siennes.
      Elle le soupçonnait encore de ne pas savoir où il allait.
      Cela acheva de l'agacer.
      _ Vous êtes paumé, avouez le !
      Sa voix devenait agressive. Tout était de sa faute à lui.
      Elle posa deux mains tremblantes de colère sur ses épaules et le poussa en arrière, pas assez pour le faire basculer, juste pour l'affronter.
      _ Déshabillez-vous.
      Malgré la voix traînante et éreintée, pas de doutes possibles, il s'agissait d'un ordre. Elle voulait l'eau. Mais pas seulement. Il lui donnait chaud. Cette lourde veste venait la narguer sous 40°. Elle ne pouvait plus le tolérer. Cela s'ajoutait comme une nouvelle fixette qui appuyait constamment sur cette misérable condition qu'il lui imposait.  
      Et ce n'était pas tant une crise d'autorité, car elle aurait pu user du même stratagème que précédemment, seulement, seulement il fallait se le farcir ce radin. Lui et puis tout le reste. Il n'y avait pas que sa gorge qui restait sèche. Sa patience aussi. Elle se trouvait à deux doigts de lui sauter au cou. Là, de suite, elle le lui aurait tordu si elle avait seulement eu une chance de réussir. Seul son corps la retenait encore, douillet. Ca et puis une autre conjoncture qui s'imposait, qui lui déplaisait : elle n'était pas sûre de pouvoir survivre seule s'il venait à mourir. Quoique mourir seule aurait été un luxe à côté de la fin qu'il lui promettait.
      Mince.
      Elle ne savait plus si elle désirait qu'il meure ou qu'il vive.
      _ Vous allez vous débarrasser de cette veste et me donner l'eau. Tout de suite !
      L'aigu de sa voix partait quasiment dans l'hystérie. Elle se sentait si lourde cependant, de ce corps qui suait à n'en plus finir, qu'elle ne supportait plus. Et ses joues, fardées de deux coups de soleil.
      Ils n'étaient pas beaux. Ni l'un ni l'autre.
      Rien que pour ça, le Cafard devrait la solder.
      La tension demeurait palpable de son côté, rompue même. Dans les secondes qui suivirent ses exigences elle le poussa une nouvelle fois, encore, bloquant le passage.
      Et plus elle le poussait et plus elle s'approchait, quasi menaçante. Presque folle.
      Elle ne savait pas comment ils parvenaient encore à tenir debout.
      Enragée ou seulement à bout de force, elle fit deux pas, glissa et entrava son compagnon d'infortune dans un même temps. Cette fois fut la bonne, ils tombèrent.
      Si pitoyables.
      Sa main creusa dans le sable.
      A moitié sur lui, elle hurla.
      _ LA VESTE ET L'EAU ! SALE RADIN SALE CLOPORTE !
      Elle ne savait pas exactement ce qu'elle voulait faire là. Le tuer, elle avait pour l'instant abandonner l'idée. Mais elle avait seulement ce besoin, de le frapper, de le malmener, de se venger, de se rebeller, de se défouler. La force l'avait désertée. Elle s'en sentait frustrée. Frustrée de toute cette rage qui s'amassait sans savoir comment l'évacuer. Aurait-elle pu pleurer à chaudes larmes qu'elle l'aurait fait ! Mais même ça, elle n'y parvenait plus. Excédée, elle tenta de lui faire avaler le sable qu'elle avait dans la main. Et dans cette lutte vaine, ils roulèrent, deux petits points agités et lamentables perdus au milieu d'une immensité de sable.
        Énième algarade dans la fournaise. Si elle ne trouvait plus l'énergie pour marcher, Marylin en avait toujours à revendre pour nuire au nuisible. Tous deux roulèrent le long de la dune, l'une s'acharnant au mieux sur son sociopathe vénal de geôlier, l'autre cherchant maladroitement à lui rendre les coups, réfléchissant de prime abord à comment ne pas laisser de marque.
        Leur course se stoppa en bas de pente, chacun ayant dégusté son pesant de sable dans l'affaire. Enragée, la blonde, commençant virer au roux tant elle cramait sous l'astre qui les dévorait de sa chaleur infernale, finit par prendre le dessus.
        Durant leur ruée torride sur le sable chaud dans lequel ils étaient à présent empêtrés, la chaîne qui les liait l'un à l'autre s'était nouée autour de la gorge du cafard. Cela n'avait pas échappé à sa captive qui employait déjà ses dernières forces à accentuer l'étreinte de l'acier bouillant autour de la frêle gorge lui étant présentée.

        Elle s'était découverte une force insoupçonnée alors qu'elle s'acharnait, résolue, à achever ce flibustier ne s'étant que trop éloigné des côtes. Joe faisait ressortir le pire qui se trouvait en chacun, il le comprenait une fois de plus tandis qu'il suffoquait, passant peu à peu du rouge cramoisi au bleu azur.

        - Qu'y a t-il ?! On a la gorge sèche ?! Peut-être qu'il aurait fallu sortir la gourde quand je l'ai demandé !

        L'hystérie avait rongé les derniers relents de bon sens qui avaient persisté jusque là en elle. Pourtant peu en clin à la violence gratuite, elle jubilait du mal qu'elle prodiguait. La chaleur aidant, le cafard avait déteint sur elle.

        - Je vous avais dit d'enlever votre ves.... AaAAaaAAaaaaaAah !

        Son improvisation de casseuse de pirate prit un tournant inattendu et pourtant si prévisible quand l'index et le majeur de Joe vinrent se loger dans ses jolis yeux bleus. La violence du choc, la douleur inconnue, tout cela la surpris suffisamment pour la faire basculer en arrière. Elle gisait alors dos sur le sable, roulant à gauche à droite, ses mains fermement apposées sur ses prunelles.

        - EeEeurk EuUurk... Je vais pas sortir la gourde pour en remplir une autre yahinhinhinRKk Eurk...!

        Peut-être aurait-il dû reprendre son souffle avant de s'adonner compulsivement à la brimade, mais cela était plus fort que lui. Lamentables vermines qu'ils étaient en cet instant, tous deux se reposaient sur le sable brûlant, se remettant respectivement des maux qui les accablait. Si Joe avait mis si longtemps avant de réagir, c'était encore une fois parce qu'il avait cherché à la frapper là où ne demeurerait aucune trace. Cupide, il avait failli mourir pour économiser quelques berries de plus. Même en plein désert, la soif de l'or prenait le pas sur la soif la plus élémentaire.

        Hélas pour la nouvelle esclave, elle n'avait recouvré la vue que longtemps après qu'il n'ait récupéré de ses émotions. La surplombant, il posa la semelle de sa botte à même la joue de la jeune fille. Prenant garde à ne pas appuyer trop fort, le cafard avait l'intention d'insister sur quelques notions de discipline rudimentaire. Errare humanum est sed perseverare diabolicum est, mieux valait prévenir la récidive.

        - Entends-moi bien petite cruche, encore une tentative de ce genre UNE SEULE ! Et je me résoudrai à te vendre au détail à la boucherie.

        Furieux et retors de par nature, il n'hésita pas à dévoiler à son tour toute la mesquinerie qu'il avait en réserve. Presque vexé même, le sinistre pirate alla jusqu'à se pencher sur elle, dégageant sa botte pour mieux de saisir de la bouille rougie à pleine main, exhibant ce regard insane et gorgé de veines résultant de la contrariété.

        - Et crois-moi, OH OUI, CROIS-MOI ! C'est pas des menaces en l'air. Tu seras moins lourde à traîner si je me contente de garder les morceaux de choix...

        Même situés dans le neuvième cercle de l'enfer, le calvaire pouvait toujours empirer. C'était aussi ça le petit plus Joe Biutag. Ses intentions éclaircies, la graine de flibuste laissa retomber lourdement la tête de sa victime.

        - D...déshabillez-vous...

        Visage placide, Joe la toisa un instant quelque peu chamboulé, se demandant si elle avait écouté ne serait-ce qu'un traître mot de ce qu'il venait de vociférer. Jamais avare de bonnes formules, le cafard mis les formes pour répondre à la requête.

        - Calme tes hormones ma jolie, je te tringlerais pas même si t'avais mille nichons. La seconde main, ça se vend moins bien.

        Engouffrant néanmoins sa main à l'intérieur du manteau tant décrié, il en ressortit le Graal. Deux bonnes gorgées lui suffirent. Versant quelques gouttes sur ses doigts, il s'accroupit à nouveau pour en parcourir les lèvres de sa marchandise cruellement malmenée. Son intonation se voulut alors moins frénétique et nerveuse pour verser vers un registre plus langoureux et angoissant.

        - Il va falloir tenir. Parce que contrairement à ce que tu crois, ce n'est pas la chaleur qui va te tuer. Oh noooon... c'est eux.

        L'index quittant les lèvres gercées qu'il s'attelait à apaiser se pointa alors en direction de ce ciel bleu teinté d'ombres macabres. La vue ne lui faisant plus défaut, allongée qu'elle était, Marylin percevait clairement ces oiseaux de mauvaise augure qui tournoyaient lentement au dessus de leurs tête.
        Presque avenant, Joe versa quelques résidus de sa gourde dans cette petite bouche dévoilée ne réclamant que tant d'attentions, poursuivant sa chronique morbide.

        - D'abord... ils vont s'approcher doucement, et ils mettront quelques coups de becs, histoire de vérifier... si la viande est consommable.

        Un sourire narquois se dessinait sur son visage au fur et à mesure qu'il contait ce charmant récit. Estimant qu'il avait suffisamment gaspillé d'eau, il retira délicatement la gourde pendue aux lèvres de Marylin, privée de cette eau qu'elle avait jusqu'à ce jour considérée comme acquis.

        - Mais peu à peu, tu ne pourras plus leur résister. Moins farouches, ils s'avancerons l'air de rien, et t'arracheront des bouts de muscles. Ils commencent toujours par les muscles, me demande pas pourquoi.

        Il fit à nouveau disparaître le précieux récipient dans les méandres de son anorak, demeurant accroupi, avants-bras posés sur ses cuisses, pour poursuivre ce récit qui l'amusait autant qu'il ne terrifiait sa malheureuse victime qu'il ne quittait pas du regard.

        - La chair suffisamment entamée, c'est là que le festin commence. Ces bestioles là sont pas très exigeantes niveau plat du jour. Muscles, tripes, viscères, ils bouffent tout. On n'appelle pas ça des charognard pour rien hin-hin.

        Enfin, ce sordide aperçu de ce qui attendait Marylin en cas d'indocilité arrivait à un terme. Le cafard se redressa, ajusta sa casquette imbibée de la sueur qui parcourait son crâne, et, comme un rictus, expulsa la conclusion avec un plaisir non dissimulé.

        - Et le plus drôle, c'est que tu seras vivante pendant presque tout le processus yahinhinhin ! Condamnée à te regarder te faire consumer par ces saloperies...

        Du vautour ou de son ravisseur, la jeune femme avait une idée définie de qui était le pire charognard. Éblouie et même étourdie par ce soleil qui la consumait petit à petit elle aussi, elle trouva la force de se relever, faisant tinter la chaîne qui les liait pour le meilleur et pour le pire.

        - Ce ne sera jamais pire que de devoir vous supporter davantage.


        Le périple se poursuivait.


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