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[Troll] Du Maïs et des Mouettes

Et par une belle matinée aussi pluvieuse que les autres dans le magnifique royaume de Luvneel...

-Monsieur? Quelqu'un à l'appareil, pour vous.
-Ah?

Comme bien souvent, Sigurd Dogaku avait décroché avant même que la première sonnerie de son Denden ne cesse de retentir. En bonne partie parce que, comme bien souvent, le plus célèbre marchand du pays était plus occupé à jouer avec son escargophone qu'à traiter de ses affaires.

-Il prétend vous connaître. Et il insiste bien. Il se dit commodore. De la marine mondiale.
-Uh?
-Le colonel capslock.
-QUOI?! Mwarharharh, énorme! Passez le moi, j'approuve!

Dogaku afficha un sourire étincelant, et rit de bonne humeur. En face de lui, un peu plus loin dans leur grand bureau partagé, Evangeline lui jetta un regard curieux. Enfin... Evangeline... hihi. C'était moi. Il se contenta de mettre son Denden en haut-parleur pour lever la question. Car cette voix tonitruante et souvent explosive, digne d'un mégaphone, identifiait aisément la personne.

Notre client du jour


-SIGURD, C'EST VOUS?
-Ouaaaais! Énorme! Ça fait méga longtemps. J'trop content de vous entendre, z'allez bien?
-TOUT À FAIT, JE VOUS REMERCIE. ET VOUS DONC?

Pour ceux qui avaient un doute... le colonel Capslock portait très bien son nom. Ce qui était absolument insupportable aux yeux - et surtout aux oreilles - d'un certain nombre de personnes.

-C'est nickel. Y'a Haylor avec moi, pour info.
-MES RESPECTS MADEMOISELLE.
-Pareil pour elle, répondit-il en me voyant acquiescer. Quoi de neuf?
-IL Y A, attaqua droit au but l'officier, QUE JE CHERCHE À QUITTER LA MARINE POUR REJOINDRE LA RECHERCHE CIVILE. ET QUE JE CHERCHE CONSEIL. JE ME TOURNE DONC VERS VOUS.

D'un geste, je fis signe à Sigurd d'aller suspendre son Denden à l'autre bout du bureau, du coté des armoires. Capslock parlait bien assez fort pour que l'on puisse converser à distance, non?

-Vous quittez la marine? Pourquoi ça?
-VOUS LE SAVEZ SÛREMENT. LA MÊME CHOSE QUE TOUJOURS. BEAUCOUP DE LASSITUDE. AVEC L'ÉTAT MAJOR. L'IMPRESSION D'ÊTRE À CONTRECOURANT ET DE DEVOIR ME BATTRE CONSTAMMENT POUR FAIRE RESPECTER MON ÉQUIPAGE ET...

Bon... arrêtons nous un peu.

Il y avait quelques choses à savoir sur Capslock. Ou CAPSLOCK, comme il s'appelait toujours. Mais je n'aime pas crier. Nous avons rencontré cet homme il y a deux ans de cela, peu après le terme de notre parcours dans la milice de notre pays. Et peu avant que nous ne venions sur Luvneel pour monter notre affaire. Cet interstice correspondait très exactement au moment où un dénommé Santa Klaus -qu'aucun de vous ne doit connaître maintenant, mais bon... bonnet rouge, barbe blanche, "Ho! Ho! Ho!" et beaucoup de muscles- fit un appel à l'aide pour mener une équipe de volontaires à la rescousse de Panpeeter. Une île de dix milles âmes, fonctionnant essentiellement autour de trois mines de sel qui s'exportent très bien, eeet... qui avait été prise tout entière en otage par une flotte de pirates. Et une flotte, je vous dis. Pas une de ces sempiternelles brutes accompagnées de vingt pions malveillants pour faire joli avec. Une vraie flotte. Deux mille hommes, trois gallions, le triple de frégates, des équipes de spécialistes en soutien. S'y étaient notamment distingués leurs dresseurs de requins marteaux, dont les bêtes avaient complété avantageusement le verrouillage de l'île. Ils avaient les dents pour déchiqueter la chair, et la tête pour éventrer les coques des navires qui tentaient de s'échapper. Et leurs magiciens des communications, spécialistes Denden, qui avaient surclassé leurs homologues de la marine mondiale au point de transformer leur canal sécurisé en simulacre de messagerie rose pour mieux prouver le point.
Tout ça aux ordres du capitaine Crachin, un homme qui ne voulait qu'une seule chose en échange de ces dix mille vies : récupérer le fruit du démon que la marine avait confisqué à un de ses équipages capturés, ainsi que l'équipage lui même. Ce que l'état major de la marine avait fermement refusé. Allez savoir pourquoi.

Je vous épargne les détails. Gardez juste à l'esprit qu'à chaque fois que Sigurd se vante d'avoir sauvé tout le monde ce jour là, il est encore modeste. Parce que oui : il a sauvé tout le monde. Sans lui, sans les événements et les acteurs qu'il avait activement orientés vers la meilleure issue possible, tout devait être un drame. Chacun a eu son utilité, bien sûr. Certains bien plus que d'autres. Je n'ai qu'à peine aidé. Mais lui, c'était juste impossible. Il a fait des miracles.

Capslock l'avait lui aussi remarqué. Encore colonel à ce moment, il était responsable du blocus et de la libération de l'île. Et fut celui à qui les chevaliers de Nowel, ete mon blondinet en particulier, remirent toutes les clés pour débloquer la situation inextricable de Panpeeter. Par la suite, il lui rendit hommage, et à plusieurs reprises.

Notamment en nommant toute une ligne de tanks au nom de Dogaku.

Des tanks.

Des chars d'assaut blindés, oui. On a introduit ça, sous la forme de chariots renforcés aux allures de hamsters surdimentionné. Lui a reprit l'idée, avec plus de moyens. Fonctionnant par machine à vapeur, car Capslock était quelqu'un de joueur. On disait de lui qu'il était tacticien et stratège, quand on parlait de lui. Dans la marine et dans ce qui circulait. Et c'était une erreur d'imbécile, basée sur un simple constat réducteur : Capslock n'était pas un homme fort. C'était un bon soldat, mais pas à hauteur de ce qu'un commodore ou même un colonel devait être capable de faire. Près de deux mille dorikis attendus ; il en était très loin. Oui, je sais ce que c'est. Do. Ri. Kis. J'ai lu tout le règlement. Mais qu'importe.

Si Capslock était faible, il avait néanmoins mérité ses galons. Ce qui le différenciait de ses pairs, c'était le soin qu'il attachait à la formation et à l'équipement de ses escouades. Je ne parle pas de marins disposant d'un meilleur équipement ou d'un peu plus de do... de vous-savez-quoi qu'un simple pion de base. Je parle de spécialisations. Capslock avait des commandos parachutistes, largués comme hommes-canons par des tubes d'artillerie adaptés. Il usait de plongeurs de combat avant même que la sous-marine ne voit le jour. En s'inspirant de nous, il s'était doté de tanks. Et puis, il disposait de D.R.O.N.E aériens. Qui venaient eux aussi de nous deux. Ce qu'il ignoait complètement le jour où il les avait adoptés. Ça remontait à plus loin. J'en reparlerai plus tard : ces D.R.O.N.E seront très importants.

Pour l'instant, et de la discussion que nous eumes avec le militaire, retenez simplement que :

1) Capslock est quelqu'un de faible -d'un point de vue combattant- mais qui se dote d'options. Parce qu'il y prend grand plaisir ; ce n'est pas une solution de secours, il adore et est fier de ce qu'il fait. Il suffit de l'entendre parler de ses parachutistes -ou mieux, de les voir en action- pour palper son orgueil tout bandé de fierté masculine, un peu comme... un biceps, bien sûr.

2) Le profil de Capslock ne correspond en rien à celui d'un colonel de la marine habituel. C'est un bon officier, il tient ses résultats. Mais c'est un mouton noir, pas un super guerrier. À l'inverse, il a beaucoup d'idées, sait cultiver les bonnes, mais pas de talents techniques en termes d'ingénierie ; aucune reconversion possible dans la scientifique. Et pourtant, tout le monde affirme qu'il y aurait sa place. Ou plutôt, tout le monde reprend ce raccourci idiot. Pour changer. Et ça aussi, ça l'exaspère beaucoup.

3) Forcément, ça lui pose des problèmes. Pour chaque nouveau projet, pour financer ses équipes, pour entretenir ses jouets, il doit toujours se battre. Pour se faire accepter, pour être reconnu. Pas juste lui : il y a aussi ses hommes. D'excellents éléments selon lui, ce qui est sûrement vrai. La majorité d'entre eux dispose d'un ou de plusieurs talents uniques qu'on ne trouve pas ailleurs. Des hommes canons adeptes des frappes de choc, ça paraît impossible. Mais pour l'état major, rien de tout ça n'est nécessaire. Les autres équipages de marines n'ont jamais eu besoin de ces jouets pour en venir à leurs fins, il n'y a pas lieu de les reprendre. La meilleure solution, c'est de prendre les plus forts, et il n'y a qu'un critère. Capslock ne le rempli pas. Alors il est hors-jeu.

4) Son cas est, dans l'absolu, une pure cause perdue. Voué à stagner en l'état, ou à ne progresser qu'à la marge. Probablement à s'affaisser, s'il perd tout son entrain. Et si, au début, tout le plaisir et la fierté de Capslock outrepassaient le reste, les choses se sont accumulées. Le commodore a maintenant plusieurs années de conflits et d'insatisfactions à son actif. La raison pour laquelle il appelle aujourd'hui, et nous explique tout ça, c'est qu'il est juste à bout.

5) Et tout ce schéma correspond à peu de choses près au parcours type de ce que l'on appelle "Nowel avant l'heure" au sein d'HSBC. La seule raison pour laquelle nous prenons ces missions, c'est parce que les clients l'ont demandé gentiment en nous agitant deux-trois projets amusants sous le nez - assez pour que l'on se laisse tenter. Aucune chance d'être rentable, à moins de faire très fort. Ce que voulait Capslock, c'était quitter la marine avec ses fidèles qui le suivraient pour, au choix, intégrer la flotte de Luvneel ou se mettre à leur compte et... il ne le savait pas. Il se voyait vaguement comme un indépendant, ce qui restait très flou. Mais ça, ce n'était pas un problème. Notre métier consistait précisément à avoir et donner des idées, avant de les mettre en place.

-Beeen... vous pourriez vous mettre à votre compte avec vos team d'ingés ou de bricoleurs et vendre vos inventions dans le champ de l'armement. C'est pas le plus valorisant publiquement -bonjour les marchands de mort- mais y'a moyen de faire des trucs cools. Comme les clients sont généralement des institutions ou des orgas qui ont beaucoup de moyens -ou de mauvais gestionnaires- ça rapporte beaucoup une fois que vous vendez. Je parle des états ou de milices privés ou de mercenaires ou... parfois même des pirates, ou de gros criminels. Mais si voulez faire ça, je peux pas vous aider. Je pense juste à voix haute.
-EST-CE QUE VOUS ME SUGGÉREZ DE... VENDRE DES ARMES À TOUT LE MONDE?
-Pas forcément des armes, hein. Tout dépend d'c'que vous faîtes. Genre les hommes canons, c'était bien drôle aussi. Mais ptêtre un peu gimmick, ouais. Votre matos de plongée était cool par contre. Et chuis pas sûr que les pirates ou les mafieux se mettraient à acheter des tanks, mais...
-VOUS PARLEZ ENCORE DE CES GENS. EXCUSEZ MOI, MAIS JE NE SUIS PAS SÛR. EST-CE QUE VOUS ME SUGGÉREZ SUBTILEMENT DE LE FAIRE, OU BIEN...?

Et si c'était subtil, ça ne l'est pas resté.

-Hein? Naaaaan. C'était juste une blague, haha. Bien sûr que non. Et je ne dis pas ça parce que j'imagine que nous sommes espionnés sur ma ligne directe, ou encore que... je sais pas... c'est pas comme s'il y avait un CP dans mon placard occupé à me moucharder pour essayer de récup' la moindre info compromettante à notre suj...

Il ne termina pas. Au lieu de ça, il regarda autour, un petit sourire en coin, comme s'il cherchait quelqu'un. Il n'y avait que moi pour le voir, mais Sigurd espérait que le silence annoncerait son effet sur Capslock.

-Ouais en fait, maintenant que j'en parle, ça s'rait pas idiot de vérifier, mwarharharh. Imaginez qu'on ait un CP dans le bureau par hasard, juste pour rire. Ça serait drôle, hein?
-Je ne sais pas s'il faut dire oui ou non...

Ne vous y trompez pas ; Sigurd ne plaisante pas. Nous savons parfaitement que nous sommes espionnés sur une base régulière par des sbires du CP... et parfois d'autres rangs, quand ils sont motivés. Ce qui n'a rien de surprenant, et encore moins d'exceptionnel. Ils tiennent à s'informer, ils le font là où ils faut. Et nous sommes à la fois une source d'information et des acteurs difficilement conturnables, sur Luvneel comme au-delà. Même leur réseau d'informateurs a fini par comprendre qu'un bon tiers des idées stupides avancées en plaisantant par mon partenaire donnent lieu à des projets aussi invraisemblables qu'elles. Ils sont donc attentifs.

-"Quand le singe parle, le sage reste pensif", récita Dogaku.
-Vieux proverbe asiatique, certainement?
-Ça pourrait faire semblant.

Sigurd s'était levé, d'abord en direction de la fenêtre (mais il n'y avait guère que les révolutionnaires de l'Umbra pour nous espionner de ce côté-là), puis de la porte d'entrée. Il regarda ensuite au plafond, et puis au ras du sol, vérifiant les recoins, chercha même sous ma robe ("je confirme, c'est gratuit et idiot", sourit-il très bêtement en me chatouillant le mollet), et se planta enfin devant une grande armoire. Et lorsqu'il l'ouvrit... eh bien… dieu seul comment, mais oui, il tomba nez à nez avec une jeune femme en costume citadin et chevelure bien particulière -mi rasée, mi très longue, et d'une teinture rose- qui affichait une grimace aussi atroce que lui.

Et la réaction fut pour le moins immédiate.

-VOUS...!?
-NON MAIS N...

Par lui-même, il bondit en arrière, d’un sursaut effrayé. En même temps, elle le poussa très fort, l'envoyant basculer sur les fesses à deux mètres de ça. Puis fonça vers la porte, et recula aussi vite devant la marée de chaînes animées rien que pour elle, pour former comme une hydre de rets métalliques et lui barrer la route. C'était moi, ça.

Et à ce stade, notre nouvelle amie n'en menait pas bien large.

Une autre CP perdue (et qui va prendre cher)

On ne fuit pas comme ça de chez nous, voyons. Et pas si facilement.

Un claquement de doigts plus tard, ma toile se propulsa sur elle. Mais l’autre fut plus rapide... comme à l'accoutumée... et se replaça plus loin. Au centre de la salle. Sûrement avec l'idée de ne pas s'enfermer dans un coin et finir vulnérable. Rêve toujours.

-MAIS C'ÉTAIT UNE BLAGUE!, s'exaspérait Sigurd. JE VOULAIS JUSTE JOUER LE COMIQUE, JOINDRE LE GESTE À L'IDÉE, MAIS JE PENSAIS PAS VRAIMENT... PUTAIN DE MERDE MAIS POURQUOI VOUS ÊTES LÀ?

Nooooon. Pourquoi, nous le savons déjà. Et lui aussi bien que moi. Aussi exaspérant que ça puisse être, mais à moins de les retourner par colis en petites pièces détachées à Marijoa avec ordre de ne jamais revenir, ça ne s'arrêtera pas... pire encore, ils saisiraient l'excuse pour mieux nous assigner sous surveillance renforcée, si ce n'est plus. Depuis presque un an, c'est un étrange jeu du chat et de la souris qui se fait entre nous. A fortiori lorsque l'on considère que nous faisons partie des rares à ne pas prendre de gants pour leurs présenter nos respects lorsque nous les repérons. Et les règles sont simples, même si personne ne les a jamais présenté de quelque manière que ce soit. Ils se retirent dès qu'ils perdent la partie, et nous ne... les abimons pas au delà du nécessaire.

C'est juste qu'en général, leurs agents prennent moins de risques. Celle là, je n'ose même pas savoir comment nous l'avons prise au dépourvue pour qu'elle se soit résignée à s'enfermer là dedans. La question que je me posais, du coup, c'était surtout depuis combien de temps est-ce qu'elle était là. Parce qu'il y a une heure, nous étions... tous les deux... occupés... à... complètement... autre chose...

-Vous vous trompez complètement. Je ne suis pas une CP, je suis une...
-Ouais ça va hein, on me la fait plus merci. Vous seriez une révo, vous seriez entrée dignement par la fenêtre ou les égouts comme tout le monde. Pis vous sentiriez la paille parce que vous adorez les nids d'aigle au point d'en installer sur tous les toits pour vous synchroniser à l'aise, et vous seriez moins bien nourrie que ça. Ca se voit que vous avez l'habitude de manger de la fondue de Dédé tous les mercredis et que vous ne mangez pas à la cantine le jeudi parce que vous tenez à esquiver les frites pour rester mince.
-Bien sûr que non, la fondue c'est seulement le...
-LE VENDREDI, OUI JE SAIS, triompha le blondinet. ET CA, IL N'Y A QU'UN CP POUR LE SAVOIR!
-ET COMMENT VOUS VOUS LE SAVEZ DANS CE CAS?!?
-BEN JUSTEMENT ON DEVRAIT PAS, CA VOUS MONTRE A QUEL POINT ON A L'HABITUDE DE VOUS AVOIR SUR L'DOS!

La pauvre cipher pol. Elle devait s'imaginer que, comme dans les entraînements et les simulations, les excellentes cachettes restaient d'excellentes cachettes, surtout lorsqu'on s'en servait aussi brièvement que possible. Malheureusement, la réalité comportait beaucoup plus d'aléas que ces simulations. Et là, l'espionne était en train de maudire intérieurement le grand karma universel pour un tel coup du sort. Jamais elle n'aurait anticipé, en se faufilant parmi nous, que des pitreries suffiraient à la débusquer, ni qu'elle aurait été indentifiée aussi facilement que ça. Alors, elle commença naturellement à paniquer, et...

-M. Capslock?, indiquai-je en reprenant la ligne téléphonique. Nous vous recontacterons au plus vite. Juste le temps de...
-TU T'APPROCHES JE TE SHIGAN!
-AH CA COMMENCE DE SUITE PAR DU TU VEUX T'BATTRE? ATTENDS QUE JE...
-HEY! LES ARMES A FEU C'EST D'LA TRI...
-LOUPE! À MON TOUR, MAINTEN...
-... régler certains imprévus, remettre de l'ordre dans nos affaires, et... OH NON, ARRÊTEZ CA TOUT DE SUITE!

Trop tard. Les multiples lames d'air envoyées par notre intruse aux cheveux roses se dispersèrent dans toutes la salle -elle visait comme un pied en plus?- en me passant notamment de part et d'autre sans que je ne bouge d'un doigt. Sigurd? Les lames d'airs le ratèrent tout autant alors qu'il était presque en face de cette vermine. Et au vacarme monstrueux que firent ses lames en se fracassant contre... MES MURS ET MES ARMOIRES ET MES DOSSIERS DE TRAVAIL, JE POUVAIS VOUS ASSURER QUE...

-OUI OUI OUI OUI OUI, JE VOUS CONFIRME QUE NOUS EN AVONS LARGEMENT BIEN ASSEZ DE VOUS VOIR PAR ICI, MADEMOISELLE CIPHER POL. AU CAS OU VOUS N'AURIEZ PAS REMARQUE, LE REGLEMENT INTERIEUR AFFICHE EN VINGT-QUATRE EXEMPLAIRES DANS NOTRE HALL D'ENTREE ET SES COULOIRS, ET PARFAITEMENT APPLICABLE AUX VISITEURS, INTERDIT EXPRESSEMENT L'USAGE DU RANKYAKU ENTRE CES MURS, ALORS JE VOUS PRIERAI DE...
-RANKYAKU!

HHHHHHHHHHHHH... POURQUOI EST-CE QUE PARMI TOUS LES AGENTS DU CIPHER POL QU'ILS DEVAIENT ENVOYER, ILS EN ONT CHOISI UNE QUI NE MAITRISE QUE CE COUP DE LAMES D'AIR? CETTE FOIS CI, CA NE SERA PAS...

-HAYLOR! ON A DIT PAS DE DIALS! SURTOUT PAS DE BOULES DE FEU DANS L'BUREAU OU...
-RHAA GEUH DIEU MAIS JE VAIS L'INCINER...

Ou pas. Il se jeta sur moi, me cadenassant de ses mains et s'asseyant sur moi pour que je - mais laisse moi attraper mes coquillages bon sang, et je nous la vais...

-LACHEZ-MOI!
-PAS DE BOULES DE FEU, C'EST AUSSI DANS LE REGLEMENT ET...
-Sigurd, Eva, il se passe quelque chos...?

Trois regards se tournèrent en arrière. Et par la porte de notre bureau, trois fois plus de personnes qui avaient été attirées par tout notre boucan. Ils avaient l'habitude. Tant et si bien qu'il ne leur fallu que deux grimaces appuyées pour comprendre que la troisième personne présente dans ce bureau était du bureau secret de Marijoa, et se joindre à l'unisson pour lui sauter dessus et la maîtriser et tant pis pour leurs dix dorikis chacun, parce que cette misérable espionne fut tout de suite écrabouillée sous la pression cumulée de onze civils et que attends de voir ce qu'on va te réserver comme joyeusetées, ma petite! Mwihihi hihi hihi!

Euh, mais ça ne vous concerne pas.

Et c'était une énorme digression. Aucun rapport avec quoi que ce soit.

Au suivant.


Dernière édition par Evangeline T. Haylor le Ven 25 Aoû 2017 - 20:12, édité 7 fois
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-VOUS AVEZ QUOI!?!

Oui, nous faisons souvent crier les gens. Allez savoir pourquoi. Certaines personnes aiment ça.

L'homme dont nous avons besoin


Cet homme s'appellait Gravelor Boboriboum, ce qui faisait beaucoup rire les mauvaises langues. Boboriboum. Moi aussi ça m'amuse. On pouvait dire de lui beaucoup de choses, notamment sur son apparence ou son historique assez particulier. Un historique très similaire à celui de Capslock, que ce soit en raison de son passé d'officier dans la marine mondiale ou de son appel à nos services pour développer ses affaires. À ce jour, il était à la tête d'un studio de production indépendant qui avait rapidement prit du volume, et était maintenant l'un des incontournables de Luvneel et de beaucoup plus loin sur les ondes de la Dendenradio. Son affaire était installée dans Luvneelgarm, une province où il faisait bon vivre pour peu que l’on sache apprécier les bourgades forestières, les étendues champêtres ou les châteaux de plaisance. Sigurd ne s’était donc pas fait prier pour prendre rendez-vous avec lui et faire le déplacement. Ce serait presque des vacances, l’endroit était superbe. Ca n'était pas pour rien, que Gravelor s'était posé là-bas : avec des paysages pareils, il pouvait tourner ce qu'il voulait dans des cadres de rêves qui rendaient ses productions encore plus enchanteresses.

Et en parlant de ça… plus j’y pense, plus je me dis que s’offrir un château sur les rebords d’un des grands lacs de cette région serait une formidable idée. Cet endroit a un charme monstrueux. Surtout en début de matinée, lorsque l’atmosphère se couvre d’une étendue brumeuse qui donne un je-ne-sais-quoi de magique et de mystérieux à la campagne, et dans laquelle on comprend parfaitement que tous les mythes et légendes du folklore local continuent de perdurer malgré…

Euh… revenons à Gravelor, oui.

Son coeur de métier? Les dessins animés pour enfants. Ce qui n'expliquait pas entièrement pourquoi il s'habillait généralement en s'inspirant de personnages fictifs -du cosplay, selon lui- même s'il c'était un début de piste. La deuxième saison de Super Cyber Cipher Pirate Warriors faisait un carton tel que les plus jeunes -et des beaucoup moins jeunes- ne voyaient aucun problème à se lever tous les samedimanches aux aurores pour assister au show. Et c’était sans parler du lancement de Super Princess Warrios X Ultimate DS 4 Golden Triple Deluxe Edition : The Last Shayatsuki –une romance épique sur fond de récit historique transposé sur trois générations d'héroïnes tragiques absolument spectaculaires- qui captait un nombre invraisemblable de jeunes femmes de la tranche des 24-30 ans qui avaient pour plaisir coupable de regarder ça en secret et de ne surtout pas avouer à qui que ce soit qu'elles étaient devenues complètement accro à ce rendez-vous hebdomadaire. Si internet existait, les débats de forum, les sites de fanart et les sections érotiques des plateformes d'écriture auraient croulé sous… euh… oubliez. D’autant plus que je ne regarde pas.

Dans tous les cas, considérez que les productions ACME de Boboriboum fonctionnaient à plein régime : les références culturelles foisonnaient grâce à eux, les produits dérivés également. Et ce n'était que le dernier cas d'école. Il en avait bien d'autres. Il y en aurait bien d'autres.

Mais là, HSBC était venu proposer quelque chose de nouveau à Gravelor. De nouveau et de pire. Le domaine du divertissement n'aurait jamais connu aussi bête que ce que nous allions faire.

-Je disais donc… vous avez quoi là exactement ?

Gravelor ne comprenait pas pourquoi son invité s’était présenté à lui en compagnie d’une quantité invraisemblable d’oiseaux de mer tous retenus par des ficelles par une équipe de maître-mouettiers venus pour l’occasion. Ils donnaient l’impression de ballons pour enfant qu’on aurait acheté en quantités capricieuses, sauf qu’ils faisaient beaucoup plus de bruit que ça.

-Des D.R.O.N.E aériens, répondit Dogaku. Deux cent. Ça fait beaucoup de fientes, mais c'est très drôle à voir niveau montagne de plumes. Z'imaginez pas le nombre de mouettiers qu'on a recontacté pour en avoir autant, mwarharh. Même dans l'armée, j'en avais pas autant. C'est juste hallucinant.

Nous étions cinq jours plus tard, ce qui nous avait laissé le temps de ligoter amoureusement notre chère espionne du CP à grands coups de chaînes pour la retourner enveloppée de papier kraft et d'un beau ruban au QG de la marine le plus proche, avec une lettre copieusement détaillée coincée dans la mâchoire (et je ne plaisante pas), mais aussi de traiter plus en avant le cas du commodore Capslock.

Et ceci était l'idée retenue pour introduire en grande pompe notre nouveau client dans le monde du privé. Les arbitrages étaient effectués, et sa décision prise : il allait monter une affaire en nom propre, et nous allions l'aider. Pour ce faire, nous n'avions guère qu'une méthode : organiser quelque chose d'assez grand et d'assez fou -et d'assez stupide et d'assez drôle- pour que personne ne puisse passer à coté, et marquer un grand coup pour étaler devant tout le monde l'étendue de ce que l'on pouvait faire quand on se penchait dessus, peu importe le milieu. Pour ça, il nous faudrait un partenariat avec Gravelor, qui constituait une porte d’entrée fort conséquente dans les médias. Et à partir de là, nous aurions les mains libres pour faire n’importe quoi. Du grand n’importe quoi. Quoi en particulier, ce serait à voir sur le tas.

En d'autres termes, c'était un plan de Sigurd, et ça allait marcher. Comment aucune idée, mais ce serait idiot. Et donc très amusant. C'est pour ça que j'étais là. Et pareil pour les autres.

-Du coup je vous récap' le plan, continua-t-il. On a un gars comme vous, qu'en a marre d'la marine, qui voudrait faire autre chose. Bon, son truc à lui c'est pas aussi sympa que bercer les rêves et les aspirations de dizaines de milliers d'enfants avec du culturel ultra méga badass, mais ça reste potable. Il adore bricoler, et il a des trucs chouettes. Des trucs canons, aussi. Dans le genre hommes-canons. Et aussi des trucs mouettes, et c'est sur ça que j'ai choisi de jouer. Gravelor, je suis venu vous présenter les D.R.O.N.E.. Qui constituent globalement LE FUTUR de la mise en scène à la dendenvision. Et c’est un présent – z’avez vu le jeu de mots ?- que vous propose notre client, le colonel CAPSLOCK.
-ENCHANTE, indiqua le concerné au travers d'un Denden présenté par Sigurd.

Toujours dans la marine, Capslock était contraint à assurer ses fonctions et ne pouvait traiter que par escargophone. Mais au ton de sa voix, et à celui qu’utilisa Gravelor, on avait l’impression que les deux hommes venaient d’échanger une poignée de main particulièrement chaleureuse qui s'était spontanément métamorphosée en accolade virile. Et lorsque passèrent les banalités d’usage…

-JE PENSE QUE SIGURD VOUS A PRESENTE LES D.R.O.N.E ?
-J'ai lu la note, répondit Boboriboum. Et… oui, je vois beaucoup de piafs… enfin, d’oiseaux.
-Eh bien voici la bête, expédia Sigurd.
-Pas la bête. LES BÊTES, rectifia Gravelor.
-Boah, détail. C'était pour vous montrer qu'on en a plein, j'en ai que quarante ici. Les autres sont restés sur Norland, on a monté un genre de voilière géante pour les héberger le temps du gag, et c'est plutôt devenu... un très gros gag.

Il était temps de les présenter. Deux cent D.R.O.N.E aériens. Sachant que D.R.O.N.E était l'acronyme de Dispositif de Reconnaissance et d'Observation Naturel à Escargovision. Ça avait l'air idiot, mais l'était pourtant moins que son projet successeur, le B.O.M.B.A.R.D.I.E.R. Qui était un Binôme Offensif Militarisé de Bombardement Aérien Relâchant des Dispositifs Incendiaires à Explosion Radiale. Toujours des idées de mon partenaire, qui s'amusait toujours autant à faire le malin. Et même avec cinq ans de recul, je trouve toujours ces acronymes vraiment... un mélange de crétinisme et de bon humour ahurissant. Abrutissant. A voir.

Pour résumer, c’était juste un Denden à caméra perché sur une mouette. Ce qui offrait une prise de vue aérienne absolument inégalable. Deux animaux que l’on avait beaucoup encadrés et entraînés pour que l’idée de base -très simple- résiste à tous les obstacles pratiques que lui objecterait l’épreuve de la réalité.

Et pour ça, nous avions les moyens. Nous étions dans l’armée, en ce temps. A la tête d'un navire de guerre... enfin, de patrouille, mais très bien équipé.

Et je me souviens encore du jour où il a réussi à me faire avaler ça. J'étais complètement contre, et sans ma signature, il ne pouvait rien faire. A cette époque, Sigurd Dogaku était le capitaine du Tarmac, un navire de la milice du royaume d’XXXXX (se lit Cinquix, pour votre information). Il était à la tête de tout ce qui relevait du commandement du navire et des opérations militaires. Et moi, au grade de commissaire, en charge des rapports avec notre administration et de la logistique : j'étais aux commandes de tout ce qu'il y avait de raisonnable dans la tenue d'un équipage et de ses dotations. C’était un système dualiste et un tantinet schizophrène qui évitait les situations où un fou furieux insensé se retrouve seul à jouer au prince guerrier sur un navire de guerre. Bon. En l’occurrence, je n’avais pas hérité d’un va-t-en-guerre génocidaire ou d’un escroc détourneur de fonds, mais d’un tire-au-flanc notoire qui consacrait une part effrayante et insoupçonnable (VRAIMENT insoupçonnable à ses débuts) de son ingéniosité à se donner les moyens d’en faire le moins possible. Il fallait un chien de garde pour lui mordre les mollets et le marquer jusqu'à l'os et le garder alerte quand il s’assoupissait. Et j’étais ce chien de garde. Et j’avais les dents longues et la hargne facile. Parce qu’il était exaspérant à devoir être surveillé et puni comme un enfant paresseux. Et lui désespérait de m’avoir à ses trousses pour hanter son quotidien paisible, au point d’avoir vraiment peur de moi. Et de m’éviter activement, quitte à se mettre à travailler spontanément pour s’épargner mes reproches. J’avais fini par le dresser. Et c'était une victoire! Ca avait prit des mois, mais à ce stade le score était de Haylor 1 à Dogaku 0.

Sauf que, parfois, il avait des lubies idiotes, restant hors de contrôle. Et ses projets en faisaient partie. Mais pour qu’ils aboutissent, il avait besoin de moi et de mon autorisation. Pas d’Haylor, pas de demande, pas de budget, pas d'argent, pas de projet, et pas de jouets pour lui. Et ce jour-là, le capitaine Dogaku avait quitté mon bureau la queue entre les jambes, dépité de se voir refuser "sa surformidable idéetissime" qui avait obtenu l'aval de toute l'équipe des ingénieurs de l'équipage. Je crois même qu’il était ressorti en rampant, par peur que des boulets de canon haineux sortent de mes orbites noires de mépris face aux idioties qu’il m’avait livrées.

Des mouettes et des escargophones, eh ben voyons.

Mais moins de deux heures plus tard, c'était pas moins de soixante membres d'équipages qui s'étaient succédés dans mon bureau pour prendre la défense de ses idées. La pétition avait fait le tour du navire en deux fois moins de temps, et plus de deux cent personnes avaient signés en sa faveur. Soit près de quatre-vingt pour cent de l’équipage mobilisés en trop fois rien de temps. Et même là, j’ai maintenu mon non.

Puis j’ai changé d’avis. Ils étaient devenus très oppressants, au bout de quelques jours.

Puis j’ai regretté d’avoir changé d’avis. Je m’étais faite écrabouillée par un discours complètement meurtrier que le commissariat général m'avait asséné suite à ça ; mon responsable m'avait complètement incendiée, je m'en étais rongée les doigts jusqu’au sang. Autant d'argent pour ça, eh bien oui je sais, c'était vraiment idiot, je l'avais dit à tous.

Puis j’ai été ravie d’avoir changé d’avis. Quand le projet est devenu un succès monumental, ils n’ont pu que nous encenser publiquement, s’excuser ventre à terre - nez dans le tapis en privé, et me verser un cachet plus important que tout ce qui aurait été accepté dans les demandes de quêtes. Bien fait pour eux.

Et puis, il faut dire que les mouettes étaient plutôt charmantes, dans notre région natale. Qui n'avait pas envie de se retrouver à cotoyer des animaux comme ça ? :

Prototypes #278 D.R.O.N.E. et #279 B.O.M.B.A.R.D.I.E.R. de la milice navale du royaume d'XXXXX


Regardez-moi ces deux peluches de compétition. Personne ne pourrait deviner en les voyant qu’elles avaient remporté avec brio une formation relevant du parcours du combattant d'élite où, aux côtés de leurs binômes de l’ordre des gastéropodes, seuls les meilleurs des meilleurs des meilleurs –ce qui correspondait à un taux de réussite de 3% sur les candidats admis- parvenaient à rejoindre les rangs des premières forces aériennes du royaume.

De notre côté, nos équipes d’ingénieurs avaient fait le maximum pour que toutes les contraintes soient abattues ou maîtrisées les unes après les autres. Transmission des données, entraînement des binômes, création de la spécialité de maître-mouettiers (l'équivalent maritime du maître fauconnier, essaya-t-on de vendre dans les dossiers), et d'autres surprises qui s'ajoutaient à tout ce qu'il faut entretenir dans tout ça.

Et le résultat, et pourtant, comme toujours... ça en valait la peine. Ça en valait largement la peine.

Il s’agissait toutefois de tout un champ de compétences qui s’était perdu avec l’intégration des forces armées de notre royaume à la marine mondiale. La marine n’avait pas cherché à garder ces talents. Ils ne subsistaient que dans quelques poches isolées, négligeables et invisibles aux yeux du monde. Des poches comme l’équipage de Capslock, par exemple. Ou dans les fragments éparpillés de notre ancien équipage avec lesquels nous restions en contact au gré des affinités passées. Ou dans la mémoire très fraîche de Sigurd Dogaku et d’Evangeline Haylor.

En fait, nous étions les mieux placés pour remettre les mouettes au goût du jour. Et nous avions décidé de le faire en rassemblant tout ce qui restait de leurs utilisateurs. C’était globalement ce que Sigurd était venu expliquer à Gravelor pour le convaincre de se joindre à notre manœuvre. Et au stade où allaient leurs discussions, tout ce qu’il nous fallait maintenant, c’était une idée de quoi faire en particulier. Il fallait quelque chose de gros, et de très gros. De plus gros qu’un simple jeu de prises de vues et de panoramas ou de documentaire quelconque à réaliser en profitant de prises de vue uniques. Ce qu’il nous fallait, c’était quelque chose d’énorme à couvrir.

Et sans idée à venir, nous décidâmes d’attendre.

A très juste raison.

Les choses étaient venues toutes seules.


Dernière édition par Sigurd Dogaku le Dim 3 Sep 2017 - 17:23, édité 2 fois
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Sept jours.

C'est le temps qu'il a fallu pour que, entre la disparition de l'empereur de Kanokuni et le verrouillage maritime de l'île par ses propres flottes, la marine et la révolution envoient toutes deux leurs forces d'interventions… aux volumes étrangement indéterminés compte tenu de l'agitation qui grattait les nerfs de tous ces marins.

Et c'est le temps qu'il nous avait fallu pour réunir tous les participants à notre joyeuse affaire, et les expédier sur place avec tout le matériel nécessaire pour mener une couverture d'envergure intégrale de l'évènement, en direct sur les ondes de Gravelor. C'était ça, l'objectif. Faire survoler l'île par deux centaines de D.R.O.N.E qui se relaieraient pour assurer l'observation de toutes les zones d’intérêt ; d'où le pourquoi nous avions rassemblé autant de maîtres-mouettiers et de leurs animaux. Le navire central de notre expédition était celui de Capslock lui-même, qu’il avait conservé de ses années de service au sein de la marine. Un peu plus de la moitié de ses hommes avaient désiré le suivre dans cette reconversion. Certains, comme les ingénieurs, parce qu’ils étaient animés par la même frustration dans la conduite des projets qui les intéressaient – et qui n’intéressaient qu’eux. D’autres, comme ses commandos parachutistes et ses ninjas-plongeurs, parce qu’ils savaient éperdument que leurs compétences extrêmement affutées ne seraient jamais valorisées et exploitées au sein de la marine. Pas sous un autre capitaine que Capslock, en tout cas. Alors, ils tenteraient leur chance ailleurs, eux aussi. Une attitude que Sigurd avait inconsciemment encouragée, parce qu’il avait déjà plus ou moins convaincu l’ex-commodore de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier : outre ses inventions militaires, il pouvait très bien louer les services de ses équipes comme consultants et formateurs dans leurs domaines uniques, ou comme forces d’appoint. Une source de revenus certainement moins lucrative, mais beaucoup plus stable et à même de financer les besoins de ses projets.

Et puis, il y avait eu les fidèles. Des hommes qui avaient particulièrement apprécié de servir sous ce capitaine, et qui ne se voyaient plus trop changer d’officier de bord – ni rester dans un métier ou combattre et mourir était le lot de beaucoup.

Ce qui faisait, pour tous groupes confondus, un peu plus de cent trente hommes.

Je ne sais pas encore ce qui avait été le plus amusant. Réussir à faire licencier tout ce petit monde sans que leur état-major ne se mette à hurler au scandale et à la mutinerie, voire mettre leur tête à prix. Ils font ça assez facilement en ce moment, allez savoir pourquoi.
Pousser le vice jusqu’à leur obtenir les meilleures indemnités qui soient compte tenus de leurs services accomplis - ils ont fait Panpeeter et bien d’autres missions avant cela, rappelons-le.
Jouer autour de toutes les procédures règlementaires encadrant le désarmement des bâtiments de la marine pour permettre à ce groupe de quitter leur armée en conservant leur navire militaire -personnalisé à l’extrême, il était sans égal- avec l’intégralité des équipements et matériels en son bord.
Ou trouver le moyen de faire en sorte que leur administration se déleste des droits de propriété intellectuelle concernant tous les projets que l’équipage de Capslock avait pu concevoir sous sa bannière.

Pour chacun de ces points, nous avions eu recours à des astuces farfelues. Parfois vraiment tordues, comme faire construire la réplique parfaite dudit navire pour la restituer à sa place. Ce qui ne se comprenait que quand on pouvait donner une valeur sentimentale à un navire qui nous avait servi de foyer pendant cinq longues années. Ou parfois juste très obscures, parce que comme le disait un de mes professeurs préférés, personne ne soupçonnait les horreurs que l’on pouvait accomplir en invoquant l’alinéa 5-R de l’article 14269 quinte du code de la mouette scientifique.

Heureusement, j’avais de très bons contacts dans les rouages administratifs de la mouette. L’avantage quand une partie de vos anciens camarades de classe sont repris de l’académie militaire jusqu’aux rangs du plus grand rouleau compresseur que la mer ait porté, forcément.

Heureusement aussi, j’étais plus compétente que quiconque sur ce forum en matière de droit administratif. L’avantage quand la valeur d’un officier de la marine incarné se résume aux compteurs de points présents sous son portrait et au nombre de bijoux épinglés sur son torse par la bonne grâce de ses récompenseurs, forcément.

Le problème, c’était qu’avec ça… j’avais fini ma part. J’avais tout préparé, ne restait plus que l’action. Ils pouvaient y aller. Ce qu’il y aurait au-delà de ça, ce ne serait pas pour moi.

Je veux dire, je n’allais pas leur servir à grand-chose, à passer mon temps en coulisses, derrière les caméras, à rester et attendre que tout ça finisse. Et au bout d’un moment, ce serait ennuyeux.

Et je n’allais certainement pas passer DEVANT les caméras. Ca n’était pas pour moi.

J'aurais été beaucoup mieux sur Luvneel, à gérer nos affaires quotidiennes tandis que Sigurd partait orchestrer le direct sur West Blue.



Et pourtant, par une belle matinée...


[Troll] Du Maïs et des Mouettes 1397618713997c9dab6c6ec06898382149d6ce


Ils étaient sur le départ. Nous avions affrété un navire au départ de Luvneel contenant l'essentiel de nos effectifs -hors CAPSLOCK et sa bande, qui rejoindraient la flotte en chemin- et de quoi héberger les D.R.O.N.E pendant toute la durée de l'action. Ce qui faisait un navire tiré de notre flotte commerciale pour faire office de dortoir-entrepôt, un navire-studio des productions ACME pour toutes les diffusions, et un troisième, plus étrange, équipé de volières et de vivariums pour accueillir les mouettes et les Denden qui seraient nos outils principaux dans tout ça. Plus une frégate d’appoint, gracieusement accordée par la milice de Norland pour les protéger de quiconque aurait les habituelles envies de pillage et de meurtre. C’était agréable, de se faire prêter aussi facilement une escorte digne de ce nom de la part de la ville. Compt tenu de ce que nous avions fait et de ce que nous faisions encore pour elle, c'était largement mérité, oui. Mais tout de même... être remercié de la sorte était un vrai régal.

Pour faire bonne mesure, nous avions également loué les services de deux petites troupes de chasseurs de primes, par l'intermédiaire de la B.N.A. Le principal recruteur de la plus grande guilde de chasseurs de primes de la planète était un de nos clients, et des plus récurrents. Il nous avait recommandé parmi ses meilleurs éléments, qui nous rejoindraient également à mi-parcours, sur leur propre frégate.

Les navires étaient partis à dix heures du matin. J'étais venue dire au revoir à tout le monde, leur souhaiter bon voyage, autant de réussite, et... gratifier mon Sigurd d'autant de bonnes grâces qu'il le méritait. Le voyage serait long, il allait me manquer. Et pour avoir passé la veille à l’entendre pleurnicher sans arrêt, je peux dire que c’était réciproque. Mais quand même, ce n’était pas la première fois, et ce ne serait pas long.

Vraiment pas long du tout, même.

À environ dix heures et trois minutes, un des bateaux ralenti brusquement. Et pour cause ; un blondinet mal luné avait été pris d'un fulgurant coup de détresse, un grand mal du pays, qui l'avait poussé à tout laisser en plan et se jeter à la mer pour regagner à la nage les quais de la cité. Et bien sûr, il s'appelait Dogaku. Le gentil organisateur de l'expédition venait d'abandonner le navire, rien que ça.

J'avais failli repartir avant qu'il ne fasse ça. Coup de chance, je m'étais laissée engager dans une discussion avec des amis de Boboriboum, également venus pour le départ. Notamment l’un d’entre eux, un dénommé Songhai. Nous nous connaissions depuis… quelques mois maintenant. Et il s’avérait que cet homme était un ensorceleur d’excellente réputation, même s’il détestait ce terme, spécialisé dans le vaudou. Pour preuve, la poupée qu’il venait de me présenter, à mon effigie. Tressée en fils de laine, avec une grosse pelote en guise de tête et des perles de toc pour les yeux. Amusant. Très mignon.

Elle avait surtout, en guise de chevelure, plusieurs mèches récupérées de mon dernier passage chez le coiffeur. La recette était connue de tous, il fallait « un bout » de la personne qu’on souhaitait affecter. Je m'étais prise au jeu et lui avais donné de quoi faire son affaire.

Au début, elle m’avait surtout fait l’allure d’un jouet. Jusqu’à ce que Songhai me la reprenne des mains, lui fasse faire des loopings et que j’en perde l’équilibre au point de vaciller.

Parce que oui. Du vaudou. Il ne plaisantait pas.

J’ai trouvé ça superbe.

Forcément, je l’ai inondé de questions. Et s’il y plantait une aiguille, qu’est-ce qui se serait passé ? S’il lui tordait le bras ? Comment tout ça marchait ? Et quels préparatifs ? Il n’y avait pas de « truc », et pas vraiment de recette, c’était de la magie. Comme d’habitude, il y avait un fonctionnement, qui n’avait rien de logique. Encore moins d’intuitif. C’était toujours comme ça. Je devinais un parallèle avec l’hypnose, mais c’était encore bien autre chose.

Malheureusement, Songhai était différent de la majorité des amateurs de bizarreries dont je faisais partie. Il tenait à garder ses secrets, et ne partageait pas. C’était vraiment décevant.

Je l’aurais bien cuisiné pour le forcer à me donner des indices, mais c’était à cet instant qu’une bonne trentaine de personnes se mirent à pointer le large du doigt, et que je me retrouvais à plisser des yeux vers l’horizon pour réussir à déterminer si oui ou non, le singe en redingote qui pestait vertement dans le froid en riant contre lui-même, barbottant prestement contre les vagues, était bien mon ahuri à moi.

Et bien sûr, ça l'était.

-MAIS QU’EST-CE QUE VOUS FAÎTES, ESPECE DE GROS CRETIN ?

J’avais crié sans réfléchir. Il était bien trop loin.

-JE SAIS PAS, J’AI UN COUP… BLURB… DE PANIQUE !

Ou pas, tiens.

-DE LA PANIQUE COMME QUOI ? RETOURNEZ SUR CE NAVIRE !
-PAS AVANT… QUE VOUS… BLURB…
-JE VOUS AI DIT DE…
-JE BLURB… !
-NON MAIS NE… ARGH, ARRETEZ DE PARLER, VOUS ALLEZ VOUS NOYER A CE RYTHME ! REVENEZ LA QU’ON VOIT CA !

Un énorme crétin.

Et je me retrouvais coincée à attendre qu’il parvienne à traîner sa carcasse jusqu’à nous. Ce qui lui prit dix minutes. Au cours desquelles les trois navires s’étaient tous arrêtés, complètement pris de court. Au cours desquelles, pour changer, tous les regards sur le port s’en retournaient régulièrement vers lui, et vers moi, et vers le spectacle idiot qu’on leur offrait encore.

Qu’il revienne s’il y tenait. J’allais le démolir.

Enfin, il arriva. Jusqu’à l’échelle en contrebas du quai de granit, sur lequel il parvint à se hisser laborieusement pour se rouler à terre, complètement épuisé. Il était excellent nageur, mais détestait l’effort, et ne s’exerçait jamais. Résultat : l’épave trop bien vêtue qui se retourna dos à terre face à moi. Trop pitoyable pour qu’on ait envie de la brusquer tout de suite. Au bout de trente secondes, il sembla se remettre. Suffisamment pour être en mesure de se faire incendier convenablement. Mais que non. Ce serait lent, douloureux. Je prendrais tout mon temps.

-Boooooon. Sigurd. Maintenant. Vous avez intérêt à avoir une très bonne... trèèèèès booonne explication, lui avais-je indiqué lorsqu'il fut devant moi. Ou sinon. Ou sinoooooon. Vous ne voulez pas savoir.
-Hhhhhhhhh…. fffffffffffhhhhhh…. eeeeuuuuuh... j'ai… craqué?
-Ça je vois, oui. Mais encore?
-Ben vous allez me tuer parce que je suis le plus grand crétin de l'univers mais...
-Je suis bien au courant.
-Euh bah… dîtes, j’adore cette poupée chibi-Haylor que vous avez dans les mains, elle vient d’où ? Je peux voir ?
-Ce n’est pas le moment.

D’un geste, je rangeais prestement la poupée dans mon sac. Hors de question qu’il se mette à jouer avec ça et me… vaudou-ise ou je ne sais quoi de bizarre. Pas lui et pas maintenant.

-L’est trop cool ! Elle tire la même tronche “tu vas voir c’qu’tu vas prendre” que vous, s’trop bien fait!
-Répétez donc pour voir ?

-Nan mais juste chuis jaloux, moi on m’fait pas de goodies alors que j’me donne autant de mal que vous si s’pas plus, donc du coup…
-Le navire, Sigurd. Retournez sur ce navire.
-Oh, je vais le faire, mais avant ça j’aimerais beaucoup que… hahaha… ça va vous faire bizarre mais en fait… là comme ça ça peut paraître vraiment super-crétin mais…

Pour comprendre, il fallait bien entendre sa voix. Mal assuré, encore à bout de souffle, il parlait sur un ton d'autodérision beaucoup moins assumé qu'en temps normal. Mais en même temps, il semblait sur le point de s'écrouler de rire, complètement hilare et certainement fier de sa petite manoeuvre. Je fus forcée d’appuyer longuement sur mon regard circonspect pour le faire continuer.

-Ooh, bon euh… ben ça va faire depuis deux-trois jours qu’à l’idée du voyage, je me disais que j'étais mine de rien vachement bien avec vous et que ça me faisait vraiment chier de partir et... je sais pas, c'est débile. Je le sais depuis longtemps, ça, et c’est pas comme si j’en profitais pas tous les jours. Profiter, abuser, à vous de dire pour le coup. Mais pourtaaant… c'est arrivé d'un coup en montant sur l'bateau. Ça a fait encore pire quand il a quitté le quai. Je me suis senti très, trèèèèès mal à l'idée que... enfin, que... aaaaaaaaargh c'est trop dur à dire... qu'on allait pas se revoir... pendant plusieurs semaines. Et du cooouuup... bah me voilà, j'ai craqué, hahaha. Chuis un môme, j’crois que c’est grave. Un vrai flan. Un gros gros bisounours.

Ou quelque chose comme ça. Je ne sais plus exactement ce qu'il a dit sur la suite, parce que c'était tellement sidérant, et tellement adorable, et tellement stupide et..

-Et là c'est le moment où je vous hurle copieusement dessus toutes les choses raisonnables que vous avez besoin d'entendre pour repartir de tout ça avec un peu plus de plomb dans le cerveau, non?
-Carrément. Allez-y, tuez-moi, j’le mérite. Mais j’m’en fous, c’était worth.
-Mmmmmmmnnnnnnggggggrrrrrrhhhhhhhhhhhhhhh… et si c’était à refaire, vous… ?
-… ‘aurais probablement pas attendu aussi longtemps avant de sauter, parce que putain je sens même plus mes bras.
-Imbécile, répliquais-je en me retenant de sourire.
-Je préfère le terme de « gros crétin amoureux ».
-Vous ne vous en sortirez pas en plaidant la folie, Monsieur Dogaku.

Mais au ton que j'employais, c'était clair, même pour moi, que je n'avais pas la moindre envie de lui crier dessus. Plutôt de me jeter sur lui, et je ne savais pas encore si c’était pour lui aplatir le gosier jusqu’à ce que mort s’ensuive ou…

-Vous pourriez essayer de vous défendre, au moins, le suppliai-je.
-Boah, moi et les causes désespérées, vous savez...
-On dirait un enfant envoyé en vacances loin de sa mère et qui pleure rien que pour ça.
-Naaan. Je me fais plus l’image d’un gentil chienchien à la mode Hachiko, c’est moins valorisant. Mais s’dans l’truc, ouais. Encore qu’à ce point là… j’crois que j’viens de chopper un haut-fait, mwarharha….

Le tuer.
L'embrasser.
Lui arracher la langue et l'étouffer avec pour qu'il arrête de raconter tant de bêtises.
Exploser de rire et l'encourager à continuer parce que c'est contagieux.

Ca faisait... beaucoup d'options possibles, mine de rien.

-…
-Rhooo, pitié faîtes pas cette tête. Ecoutez, je sais que chuis débile, je sais même pas pourquoi j’ai fait ça, c'est même franchement flippant, mais…
-Moi aussi. Vous alliez me manquer.

Probablement pas au point de le rejoindre à la nage, mais...

OH ET ZUT. JE NE DEVRAIS PAS ETRE FIERE, HEUREUSE, FLATTÉE ET SATISFAITE QU'IL FASSE DES CHOSES PAREILLES, ON PASSE ENCORE POUR DES IDIOTS AUPRES D’ABSOLUMENT TOUT LE MONDE ET C’EST INSUPPORTABLEMENT GENANT ET POURQUOI EST-CE QUE JE ME METS A SOURIRE ET A RAYONNER BEATEMENT QUAND ON SAIT QUE BEATEMENT SONNE BEAUCOUP COMME BETEMENT ?

Il m'a prise dans ses bras en rigolant doucement. Il avait un goût de sel. Et il était trempé ; comme témoin, ma longue robe de pervenche qu'il venait de tuer.

Enfin, ça restait rattrapable. Tout pouvait s’arranger.

Même son problème à lui.

De sorte qu’une heure plus tard, ma demi-douzaine de valises était prête et nous montions à bord. J'emmenais des dossiers, pas seulement des vêtements. Beaucoup trop de travail, ce serait donc à distance.

Mais pour les premières heures de la traversée, rien de tout ça ne fut utile. Allez savoir pourquoi.


Dernière édition par Sigurd Dogaku le Lun 4 Sep 2017 - 11:08, édité 7 fois
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-Nous interrompons votre programme pour un flash spécial…
-Nous n’interrompons rien du tout, la chaîne nous est réservée !
-Ouais mais ça rend tellement plus cool de dire ça que franchement…
-SIGURD, VOUS ÊTES EN DIRECT, CE N’EST PAS LE MOMENT DE FAIRE LE CON !

Non, ce n’est pas moi qui lui criais dessus, cette fois. Un changement agréable.

-Boah, le monde entier sait déjà plus ou moins vaguement que je suis un singe, j’ai plus rien à cacher… et ça les amuse ! Alors du coup, hein. Et sur ce… bonjour planète !, s’exclama-t-il d’un sourire rayonnant en s’adressant aux caméras du studio. Ici Sigurd Dogaku en compagnie de la très estimée Rita Rentowel, des productions ACME ! Nous avons le plaisir de vous accueillir aujourd’hui pour le lancement de notre reportage spécial, « En direct de Nanokutruk ! »
-L’ÎLE SAPPELLE NANOKUNI ET… KANOKUNI ET...
-Ils le savent, c’est écrit sur les banderoles colorées à l’écran. Et j'préfère ma version.

Il avait revêtu ce qui devait être la plus sobre des redingotes de sa garde-robe : un ensemble gris-de-payne agrémenté d’un mouchoir et d’un foulard émeraude qui lui allait à merveille, mettant particulièrement son visage, son sourire et ses yeux en valeur. Sa bonne humeur rayonnait comme toujours de son air de crétin bienheureux et de son insouciante voix railleuse, il me faisait sourire à chacune de ses phrases, et… mmmh… peu importe. Sans surprise, il avait réussi à se dédouaner de tout passage entre les mains des maquilleurs du plateau ; sa légèreté avait eu raison de leurs complaintes. Mais pas de moi, qui avais réussi à passer assez de coups de peignes et de regards noirs à sa tignasse blonde pour la discipliner le temps du tournage. Si on m’avait dit que mon gros benêt dégingandé aurait un jour aussi fière allure sur un plateau de dendenvision, je ne l’aurais jamais cru. Et pourtant, c’était très beau à voir.

-Pendant toute la journée, et aussi longtemps que dureront les hostilités sur l’île, nous avons décidé que nous VOUS tiendrons informés. De tout ce qui se passe ici, mais également de ce qui pourrait se passer AILLEURS compte tenu de ce qui se passe ici. La révo score 850 frags parmi les habitants en voulant truander du marine, on le DIRA. La marine va boxer des sympathisants civils ailleurs manifestant en faveur de l‘indépendance de Nanokutruk, on le dira AUSSI. Si j'ai un petit creux et que c'est l'heure du casse-croûte, je le dirais ENCORE. Et maintenant…

Le plateau était installé dans le navire d’ACME, conçu sur mesure à la demande de Boboriboum par les chantiers naval de chez nous. Plusieurs puits de lumière traversaient la verrière émaillant le pont du navire pour illuminer le studio tout à son avantage ; l’intérieur était assez grand pour contenir plusieurs types de plateaux différents. Sigurd avait voulu utiliser l’un des salons pour donner une image plus cossue à leur émission. Et pouvoir passer son temps dans un grand fauteuil bien épais, même si ça, il ne l'avait pas dit. Il avait toutefois été le seul à avoir cette lubie, et l’avis combiné de nous tous l’avait contraint à en revenir aux bienséances. Nous n’étions pas au show d’Oprah, mais sur Boboriboum TV, LA chaîne d’information aux moyens improbables.

Ils étaient donc tous les deux, installés derrière cette grande table de bois gravée de l’emblème d’ACME et de la chaîne en lettres d’argent, à se donner la réplique devant l’écran accroché sur le mur.

-Sans vouloir me la jouer diabolisateur incendiaire de très mauvais escient, je peux simplement vous résumer pour l’instant que le dirigeant de l’empire est porté disparu, que sa femme l’impératrice a été labélisée agente crapuleuse du CP9 de Marijoa selon les opposants locaux des révolutionnaires, qu’un raz de marée contestataire initié par le maître de culte local s’est répandu comme une traînée de poudre pour enflammer tout le pays, qu’ils ont le soutien prononcé d’une armée révolutionnaire entraînée pour soutenir leur action, que les forces loyalistes de la dynastie sur le déclin se sont retranchées au sein d'un lieu de culte recyclé en mode forteresse pour défendre leur impératrice, que la marine mondiale a envoyé une force expéditionnaire pour venir à la rescousse de la dynastie –dont le gouvernement est fidèle au GM, pour info- et que la révolution a amené une SECONDE force expéditionnaire dans le but de poutrer la première et l’empêcher de mettre à mal les contestataires de l’action sur Nanokutruk… ou au moins leur mouvement. Bref, tout ça se consolide formidablement bien pour dresser le tableau d’un bordel de premier plan qui a déjà fait d’horriblement trop nombreuses victimes, va foutre le pays dans un cratère sans nom, et que ça va forcément virer à bien pire au fur et à mesure que la marine et la révolution vont aligner les conneries en se torpillant joyeusement l’une et l’autre, et que c’est tout Nanokutruk qui va prendre un grand coup d’instabilité et de ralentissement même si tout le monde décide de faire dans la dentelle.

La ligne éditoriale… eh bien il n’y en avait aucune, évidemment. Je doute qu’aucun investisseur digne de ce nom n’aurait jamais toléré qu’un présentateur se permette de parler en ces termes de la marine, du gouvernement mondial, ou même de la révolution. Encore moins de tout le monde à la fois.Trop de peur de représailles. Mais en ce qui nous concernait… eh bien, nous ne devions de l’argent ou des comptes à personne, tout venait de notre poche. Sauf la langue de Sigurd, qu'il ne gardait jamais dans sa poche.

-Chacun de ces points sera repris et expliqué pas à pas au cours de nos différentes interventions de la journée, détailla Rentowel. De la même manière, nous vous détaillerons en direct la tournure que prendront les évènements au fur et à mesure de la progression des différentes forces en présence. Et pour ce faire, nous nous appuierons sur notre réseau de Dencaméras aériennes pour… regardez-donc par vous-mêmes !

Rita, la présentatrice, adressa à l’objectif un sourire étincelant –c’était une véritable égérie de mannequinnat, jalousable sans retenue- pour clôturer leur intervention. Et juste après, la caméra activée devint celle du Denden 43.

Sur notre écran, et sur celui de quiconque nous regardait alors, apparu une vue aérienne de l’océan et du large sans fin, dérivant lentement au rythme du vol plané de la mouette qui le portait. La voix de Rita expliqua le concept :

-Toutes les images que vous verrez aujourd’hui seront diffusées à partir de nos D.R.O.N.E. aériens, répartis sur toute la surface de l’île, pour une couverture exhaustive du conflit !

Et là, la vision bascula légèrement sur la droite. Une bout de plage rocailleuse apparut dans le champ de vision, qui laissa tour à tour apparaître une falaise, une muraille, et…

Pas n’importe quelle muraille, bien sûr. Sur ce simple point de vue, on pouvait déjà retrouver des éléments typiques de Kanokuni.

-En ce moment même, c’est un peu plus d’une soixantaine de nos appareils qui assurent la surveillance de l’île pour notre compte, continua Rentowel.

L’écran se divisa en deux, puis quatre, jusqu’à une trentaine de fenêtres distinctes, toutes correspondant à un Denden différent. Rien qu’avec ça, nous avions déjà un point de vue sur les navires des marines et de la révolution qui s’apprêtaient à lancer la bataille. Ainsi que sur la capitale, et le siège que subissaient les partisans de l’impératrice sur la place du Dragon. Ainsi que sur d’autres endroits tout aussi intriguants, mais de teneur inconnue. Comme ce campement isolé dans la forêt noire, qui avait plus de chances d’appartenir à une troupe de brigands qu’à une communauté de sylvestres. Mais que rien ne permettait encore d’identifier comme étant le camp de base de la révolution dans lequel Adam Freeman en personne, et un de ses atouts clés, s’étaient établis pile sous le nez de la marine. Mais ça, nous ne le savions pas, bien sûr. Nous avions la vision, sûrement pas l’omniscience. Moi pas plus que les autres, peu importe mon statut de narratrice.

Ou du moins, ce sera la version officielle. Revenons à Rita.


Dernière édition par Evangeline T. Haylor le Ven 25 Aoû 2017 - 21:22, édité 4 fois
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Pendant quinze bonnes minutes, Rentowel et Dogaku étaient revenus sur la situation des deux flottes qui se faisaient de l’œil au large de la baie de Ming. CAPSLOCK et Boboriboum les avaient d'ailleurs rejoints pour commenter le tableau. D’un coté, la flotte marine, appartenant au sous amiral Fenyang, comme confirmé par le denden 71. Nous avions estimé qu’il leur faudrait maintenant moins d’une heure pour arriver à Kanokuni. Et en face, les forces mêlées des révolutionnaires et de la happou navy, dont les navires avaient adopté une formation en demi-lune pour accueillir et tenailler les arrivants.

C’était dans ces situations que l’on pouvait discerner les origines militaires de Sigurd et Rita, parfaitement à même d'anticiper les manoeuvres prévues par chacun des deux camps. La présentatrice au tailleur impeccable, croyez-le ou non, avait été commandante dans la marine d’élite, et ce jusque sur le nouveau monde. Et mon Sigurd, à la tête d’un navire de patrouilleur dans la flotte nationale. Un excellent, surtout. Je le sais, c'était moi qui faisais ses évaluations mensuelles.

En fait, nous étions tous d’anciens officiers militaires, maintenant que j’y pense. Capslock, Boboriboum, moi y compris. Et nombre de nos assistants, bras droits et managers, étaient des anciens que nous avions repris dans nos équipes. Même si je relevais davantage de l’administration… et que nous étions tous passés à autre chose, bien que pour des motifs divers.

-Mais assez parlé de ces combattants, nous avons d’autres choses à partager avec vous ! En marge du conflit opposant la flotte de la marine et des révolutionnaires, nous allons pour un temps attirer votre attention sur le centre-est du pays. Si vous le permettez… Denden 16 !

Sur l’écran, derrière elle, apparut une vue aérienne de la forêt noire. Actuellement survolée par les Denden 16, 17, 95 et 153. Les quatre appareils se partageaient quatre fenêtres sur l’écran de fond, et l’une d’elle – encadrée de bords dorés pour la mettre en valeur- disposait d’un visuel imprenable sur un campement sylvestre. Installé dans ce qui était l’une des plus larges clairières de la forêt noire, et vraisemblablement la seule au sein de laquelle un tel camp aurait pu voir le jour.

-La forêt noire de Nanokutruk, à ne pas confondre avec la forêt jaune, ou la forêt interdite. J’imagine que nommer les coins en fonction de couleur s c’est un trait de culture locale, parce qu’avec la cité rouge, les monts dorés, la mer de Jade et la muraille de Ming…
-Ming n’est pas une couleur, objecta Rentowel.
-C’était une bla…
-Mais comme l’a signalé Sigurd, il est effectivement vrai que la cardinalité et l’association des couleurs occupe une place importante dans le quotidien de l’empire de Kanokuni. De la même manière qu’à chacun des points cardinaux est associé un animal fabuleux dans certaines cultures asiatiques ; les dragons, les tortues et les phénix en sont de bons exemples. Nous reviendrons sur ce plus ultérieurement. Pour l’instant… eh bien, en parlant de dragons… ou plutôt…

Derrière eux, le terme de D.R.A.G.O.N. s’afficha à l’écran, juste à côté de la caméra qui donnait une vue sur le campement de la forêt.

-Des révolutionnaires, renchérit Sigurd. On a beaucoup rigolé quand on s’est rendu compte que le camp qu’on croyait être de brigands en grande masse ou de gentils habitants de la forêt faisait l’objet d’une très grande activité, qu’il recevait beaucoup de visites de personnes seules et de groupes organisés, et même que des PATROUILLES ET DES GARDES quadrillaient le coin à la recherche d’intrus.

Pour illustrer ses propos, des clichés pris au cours des heures et des minutes précédentes apparurent à l’écran. Ici, on pouvait voir un homme en train de graver un emblème de paume de main dans l’écorce d’un arbre ; là, des archers et des trios d’assassins qui évoluaient à même la cime des arbres. Ainsi qu’un convoi de ravitailleurs qui transportaient et chargeaient des armes et des munitions en quantités pour les  envoyer vers d’autres zones du pays, ou encore de petits groupes de combattants qui s’exerçaient éternellement à parfaire leurs arts du combat, et…

-Il semblerait que nous ayons trouvé là l’un des principaux camps de base de l’armée révolutionnaire dans le pays, à l’ouest de fort levant et sur la route pour se rendre vers la place du dragon et la cité rouge. Nos D.R.O.N.E effectuent depuis plusieurs reconnaissances au-dessus de ce campement ainsi que dans les autres forêts de Kanokuni, jusque-là sans succès pour débusquer d’autres groupes de révos.
-Et le clou du spectacle, parce que ça serait triste sinon ! Allez tout le monde, vous êtes près ? Un vrai scoop pour le coup. C’est parti chère planète ! Petit test à l’arrache. Vous le reconnaissez, lui ?

Individu-pas-si-mystérieux-que-ça-débusqué-par-nos-soins
Fait l’objet d’une question à vingt points

[Troll] Du Maïs et des Mouettes Jonas10


-Et c’est parti pour la première question à vingt points du grand jeu concours sponsorisé par HSBC, les productions ACME et la bien-naissance CAPSLOCK CORPORATION ! Je vous explique les règles du jeu : nous posons des questions relativement peu difficiles sur les ondes, vous prenez votre denden et composez le numéro qui s’affiche ci-dessous…
-Pour la radio, ce sera le +1060 7459 7159.
-Un numéro qui est, nous le précisons, complètement gratuit et facturé 0 centime de berries la minute, parce que nous faisons ça pour nous amuser et pour vous amuser, pas autre chose.
-Les bonnes réponses adressées à nos receveurs feront ensuite l’objet d’une lotterie, au terme de laquelle vous pourrez gagner plusieurs lots incluant notamment des goodies des séries des productions ACME, des bons d’achat à dépenser dans toutes les boutiques partenaires d’HSBC…
-La liste s’affichera à l’écran et est également disponible sur notre site inter… euh, sur nos accords commerciaux disponibles dans toutes les guildes de tribunal de commerce des mondes civilisés…
-… des voyages tous frais payés avec tour-operator pour quatre personnes à destination du royaume de Luvneel…
-Des visites guidées dans les saints du saint des secrets de fabrications de nos grands partenaires, comme dans les méandre de la cité artisante de la Maison Magdar, des ateliers de forgerie MURAMASSACRE de la firme Kikoup’n’Co affiliée à la famille Tempiesta…
-Des prototypes de D.R.O.N.E. à usage civil, des abonnements gratuits aux livraisons de maraîchers affiliés Santagricoles…
-Et bien plus encore ! Alors n’hésitez pas et participez, je l’répète, c’est gratos ! On fait tout ça à perte ! Parce que chuis con et de très bonne humeur !

Un jingle musical retenti, l’éclairage scintilla pour donner l’impression d’un lancer de confettis dans la pièce. Mais il n’en était rien.

-Ne quittez pas l’antenne, nous revenons dans cinq minutes après une courte page de publicité !

Eeeeeet… coupez.

Seulement alors, nos présentateurs purent se laisser aller et relâcher leur maintien. Enfin, leur maintien… Sigurd avait passé toute l’émission les jambes croisées, rejeté vers l’arrière de son siège, appuyé sur la table, dans toute sa splendeur et son élégance habituelle.  Il aurait pu faire pire, cela dit. Ca restait acceptable.

-T’es vraiment un connard, adressa Rita à Sigurd en le gratifiant d’un énorme sourire. Je m’attendais à ce que tu fasses le bouffon même en live, mais alors là…
-Ouaaaais, je sais. Moi aussi, j’vous trouve cool. Heureusement que vous êtes là, sinon je me sentirais obligé d’être encore plus débile seul à l’écran pour pas craquer sous l’stress.
-VOUS AVEZ ETE PARFAITS, TOUS LES DEUX !
-Je confirme, applaudit Gravelor de sa lourde voix de basse. Vous étiez excellents. Surtout vous, Rita. Vous êtes parfaite pour ça.
-Oooh… merci.

Rintowel s’éclaira d’un sourire. Puis jeta un coup d’œil à l’horloge, et… s’excusa prestement. Il leur restait quatre minutes, et elle avait visiblement besoin d’aller se repoudrer le nez aux toilettes. Pour celles qui comprendront.

-Et moi ?, demanda Dogaku.
-UN VRAI CLOWN.
-Rhooo. Je préfère le terme de bouffon, d’abord. Le bouffon, l’a une vocation politique quand il vomit sur tout le monde. Ou de singe. C’est marrant, un singe. Ca appuie sur tous les boutons d’un clavier, et ça voit ce qui se passe. Ca comprend, et ensuite…
-Arrêtez de justifier vos conneries. Vous êtes con, vous êtes con. Point.
-Oh bah euh… Haylor, ils sont trop méchants avec moi !
-Mérité. Amplement mérité.
-Ayeuh.


Peu importe. C’est comme ça qu’on l’aimait. Je lui adressais un sourire, qu’il me rendit en plus large pendant vingt longues secondes. Avant de foncer sur le buffet, gorge sèche.

-Bon, c’est pas tout mais ça creuse, ça donne soif, et… oh putain y’a des tranches d’ananas ! Je vous adore, les mecs ! Et du pamp’ découpé ! CA DECHIRE !


Dernière édition par Sigurd Dogaku le Lun 4 Sep 2017 - 10:29, édité 2 fois
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-Et nous revoici, mesdames et messieurs, pour la suite de la couverture des évènements de Kanokuni en direct sur les ondes de Boboriboum TV !
-Et pour l’heure, c’est l’heure de la première session de notre pop-quizz continu ! Vous êtes prêts ? C’est parti pour la question !

La lumière dans la pièce diminua, le puit du plafond et les spots d’éclairages se retrouvant tamisés par des filtres dédiés. Et Sigurd se pencha légèrement en avant, le dos droit, l’air solennel, inhabituellement sérieux. Dans son dos, un grand portrait s’afficha à l’écran. Le portrait d’un homme que nous avions pris en cliché au camp repéré dans la forêt.

La musique débuta.



[Troll] Du Maïs et des Mouettes Jonas10

Quel est le nom de ce malfaisant révolutionnaire activement recherché par le GM sur toutes les mers du globe ?

Réponse A : Clotho, Badboy Emo-Goth reteinté de roux au parcours de girouette
Réponse B : Lilou B. Jacob, connue pour être rousse, masculine et elle aussi vêtue de cuir maintenant qu’elle est grise
Réponse C : Jonas Mandrake, atout de la révolution, amateur de cuir noir, membre du dragon et synonyme de bad news
Réponse D : Rafaelo Di Auditoire, ou du moins son prochain avatar parce que ça change tout l’temps



Forcément, il aurait eu beaucoup plus fière allure si le questionnaire n’avait pas été exclusivement composé de réponses parodiques. Mais cette fois, même Rita se permit de glousser à la lecture de la seconde réponse – ses restes anti-traîtres encore frais de la marine s’exprimaient férocement – et plusieurs autres techniciens dans la salle s’esclaffèrent également.

Sigurd resta en l’état un instant, rappelant les consignes d’appel et se permettant quelques autres légèretés avant qu’ils ne passent à autre chose. Les réponses ne devraient pas tarder à fuser, mais comme il s’agissait d’une loterie ultérieure, ça ne nous concernerait plus. Cette partie-là serait prise en charge par les ressources de Gravelor, sur Luvneel.

Mais tout de même, j’en vins à me demander… les appels qui allaient être reçus… combien y en aurait-il ? Une fraction du nombre de personnes qui nous regardaient ou nous écoutaient, évidemment. Mais je n’avais pas la moindre idée du pourcentage, ni même du nombre de personnes que nous avions à l’écoute. Des centaines ? Des milliers ? Evidemment plus, nous ne faisons pas ça pour rien. Mais combien ?

Sans m’imposer, j’attirais l’attention de Gravelor, qui supervisait discrètement l’intégralité des équipes du plateau et veillait à ce que tout se déroule parfaitement. C’était lui le spécialiste du sujet. Plus habitué que quiconque au milieu des médias. Il m’accorda volontiers d’échanger à ce sujet, quelques minutes plus tard.

Et il accueillit mes questions d’un ton aussi monotone que possible. Quoi qu’un peu hésitant au démarrage, j’eus l’impression. C’était toujours très perturbant, de la part de cet homme qui avait abandonné un parcours d’officier dans la marine –il avait toutes ses chances, et l’avait bien prouvé- pour se lancer dans ce qui lui plaisait vraiment, à savoir faire rêver les enfants et produire des dessins animés de qualité. On s’imaginait les idéalistes de ce genre comme étant plus… effusifs que Gravelor et son ton de basse morne.  Et pourtant, il était excellent. Même moi, je regardais ses... euh... peu importe.

Il était monocorde, mais pas moins heureux de pouvoir parler du milieu qu’il aimait.

-Nous ne savons pas encore exactement quelles sont nos parts d’audience. Mais ça ne devrait tarder. L’affaire d’une heure au plus.
-Parts d’audience ?
-Je peux dire parts de marché, ce serait la même chose, traduit-il dans ma langue.

Ce qui signifiait donc, pour le milieu de la Dendenradio, « le nombre de foyers qui nous écoutaient nous comparé à l’ensemble des foyers disposant d’une radio ». Même chose pour la vision. Il s’agissait de l’indicateur clé pour savoir combien pesait une émission sur son créneau horaire comparée à… toutes les autres. Une fois l’information connue, il suffisait de la rapprocher du nombre total de personnes à l’écoute sur un créneau horaire, et on pouvait avoir un point de vue appréciable sur sa situation. Combien de personnes nous regardaient, et leur poids relatif dans l’ensemble.

Exemple facile : sur Tanuki, la diffusion d’un match de Sheepball le samedi soir à vingt heures glanait au minimum soixante-dix pourcents des parts d’audience. Mais l’île étant assez petite, avec quelques milliers d’habitants seulement, ce n’était pas énorme.

-Je vois. Comment faîtes-vous pour avoir ces informations ?
-Mmmh ?
-Il y a un moyen de savoir combien de personnes regardent quelle émission à quel moment ?
-Non, non. Il est impossible de connaître ce genre d’informations à l’avance. Ni à un instant T. Elles se calculent à rebours.
-Ah ?
-Des instituts de sondages… effectuent leurs propres suivis automatisés. Certains des denden qui diffusent des émissions sont rattachés à des boitiers qui permettent de les suivre. C’est sur la base de volontariat contre rémunération très minime, mais les gens qui n’ont rien à se reprocher ne crachent jamais sur un peu d’argent facile, et les gérants de tavernes peuvent prétendre à plus, par exemple. Ils retraitent les informations recueillies, et nous font payer lorsqu’elles les communiquent. Et sont extrêmement rapides, compte tenu du nombre de relevés.
-J’imagine.

Il détailla bien davantage l’environnement logistique et institutionnel dans lequel nous nous étions lancés, mais je vous épargne ça. Le genre de choses qui n’intéressent que moi.

-En fait, les premiers résultats sont tombés pendant notre première pause, glissa-t-il. Mais ce ne sont que des premiers traits très grossiers.
-Ah ?

Une réponse surprenante, d’autant plus qu’il ne nous en avait rien dit. Ce qui je me permis de lui faire comprendre d’un sourcil plein de reproches.

-Ils n’avaient que quatre minutes pour leur entredeux, et je ne voulais pas les perturber davantage avec ça. Ni même les perturber tout court. Rita avait l’air… pressée.
-Mmmh...

S’il présentait les choses, comme ça, ça signifiait sûrement que les chiffres n’avaient rien de favorable. Mieux valait ne pas déprimer tout le monde en leur expliquant que nous faisions tout ça pour strictement rien, oui. Si ce n’était faire la démonstration de ce que permettaient de faire les gadgets de CAPSLOCK.

Et pourtant, je ne pu m’empêcher de me dire…

Mauvais à quel point ? S’il s’agissait de n’être écoutés que par quelques centaines de personnes, ce serait affreusement déprimant. Sigurd voulait… non. JE voulais qu’il fasse rire et distraie bien plus de monde que ça. Et de même pour les autres. Ils étaient excellents, jusque-là, et ils le méritaient.

-Trente-deux pourcents de parts d’audience.

Mmmmmmmh ?

-Nous sommes visionnés par légèrement moins d’un tiers des personnes ayant allumé leur Dendenradio ou leurs Dendenvision. Tout à fait.

Je crois que ma mine dépitée avait eu raison de la retenue habituelle de Gravelor. Pas d’annonce prématurée. Pas tant que les chiffres ne sont pas fiables. Pas de faux espoirs susceptibles d’être brisés. Et rien qui puisse décevoir ou décourager ceux qui vont si bien pour le moment.

Mais c'était tout le contraire, là.

Un tiers.

….

Ca devait dire…



Non, ça ne pouvait…



Il fallait demander.

-Un tiers à quelle échelle ?

Gravelor esquissa un sourire. Se retint à grand peine. Il avait l’air… extrêmement satisfait. Et vit dans mon regard que j’allais lui sauter dessus s’il ne vidait pas rapidement son sac.

-Je parle à l’international. Tous panels confondus. De North Blue au peu qui nous est relié sur le nouveau monde.
-QUOI ? MAIS CA VEUT DIRE QUE…

Boboriboum me fit taire d’un mouvement de main. Et ne la retira qu’après plusieurs secondes, lorsqu’il eut l’assurance - à ma grimace stabilisée et mon manque d’oxygène - que je n’avais plus les moyens de hurler comme une folle.

Et même ainsi, il s’y reprit à juste titre lorsque l’idée revint avec toute sa force fracassante dans mon cerveau.

UN TIER DU MONDE CIVILISE EST AVEC NOUS ?!?!?!?!?!

C’était énorme.

C’était gigantesque.

MAIS C’ETAIT FABULEUX !!! MAIS C’ETAIT JUSTE ENOOOOOOOOOORME !!!

Nooooooon…

Ca semblait impossible, mais…

Non non non non non non non….

C’est…

-Vous êtes sûr de vos chiffres ?
-A plus-moins cinq pourcents.

BON SANG MON DIEU MAIS C’EST ENORME !

-Le taux était de quarante pourcents au lancement – et ça, ce n’est pas une estimation- mais j’imagine que beaucoup ont dû s’en retourner à leurs programmes habituels. Notez qu’avec toute la publicité que nous avons faite sur Luvneel, les statistiques locales seront forcément plus grandes – j’y suis beaucoup plus regardé et vous êtes… eh bien vous êtes vous, les meilleures mascottes du pays, voilà- et j’imagine que l’audience sera également très importante au sein de Kanokuni elle-même ainsi que dans les pays alentours.
-Et tout ce monde… ohlalalala…

Je devais avoir pris quelques couleurs, car Gravelor m’attrapa par les épaules et s’autorisa une nouvelle esquisse de sourire. Qu’il ouvrit plus franchement, content de pouvoir partager l’information avec quelqu’un. Je crois bien qu’il m’empêcha d’aller trébucher contre une chaise, aussi. J’avais un peu de mal.

Il valait mieux que je m’assois.

Il valait mieux que…

Attendez un instant...

Sigurd était de train de faire ses plaisanteries idiotes devant un tiers des denden de la planète et…

Mais qu’est-ce qu’on a encore fait ?


Dernière édition par Evangeline T. Haylor le Sam 26 Aoû 2017 - 13:36, édité 1 fois
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Le problème, c’était qu’avec la marine et la révolution qui s’élançaient vers une confrontation directe, les choses allaient forcément mal tourner à un moment ou à un autre. Et que, bon enfant de Sigurd ou pas, ces évènements finiraient par atteindre un stade où nous n’aurions plus la moindre envie d’en rire.

Il y avait aussi des signes de préparatifs, pour chacun des deux camps, qui n’annonçaient rien de bon.

Oubliez les soldats qui s’équipent, les canons que l’on dissémine, les équipements que l’on renforce en prévision du choc.

Un brouillard venait de se diffuser sur toute la côte est de Nanokuni, depuis les falaises bordants les plages surplombées par la muraille jusqu’à… l’océan lui-même, enveloppé d’une épaisse purée de pois qui n’avait rien de naturelle.

C’était simple, nos Denden voyaient tout depuis les airs. Les navires de la marine, presque à portée d’attaque, étaient complètement immergés dans le brouillard. Au contraire, ceux des révolutionnaires étaient tout simplement… simplement entourés. Les vapeurs se contentaient de lécher les coques de leurs navires, mais prenaient grand soin de ne pas les recouvrir. Et à la façon dont ce brouillard… dont ces fumées se comportaient, se diffusaient et se maintenaient en place…

Vraiment rien de naturel, oui.

Forcément, Rintowel et Dogaku avaient rapidement interrompu leur sujet –l’historique des divers travers que le peuple de Nanokuni reprochait à son dirigeant, essentiellement- pour aborder celui-ci. Ils n’y comprenaient rien, cela dit. Tout ça sentait le piège. Un artifice que quelqu’un –les révolutionnaires, forcément- venait de déployer pour s’offrir un avantage dans ce qui allait suivre. Restait juste à savoir… quoi.

Ou peut-être qui, si les deux étaient liés.

Et pour Rita, les choses étaient simples. Simplistes, malheureusement. Ce genre de démonstrations de force étaient l’apanage de la plus triste et banale de toutes les sources de pouvoir. Simplement poussée à un niveau obscène parce que le monde ou la nature en avait décidé ainsi. Un pouvoir désagréablement envié et reconnu et glorifié, dont l’usage ne témoignait pourtant de strictement aucun talent et encore moins d’un quelconque mérite.

Un fruit du démon.

« Je l’ai mangé, donc j’ai tous ses pouvoirs ».

Et il se trouve que Rita, rapidement appuyée par Capslock et plusieurs autres personnes présentes dans le studio, avait décidé qu’une telle fumée provenait forcément du logia de la fumée. Un fruit qui était –coïncidence tellement pratique- consommé par un révolutionnaire bien connu. Auditore, de l’Umbra.

Sans surprise, Sigurd et Rita avaient rapidement été dépassés par le spectacle des brumes. Sans surprise également, la barrière artificielle qui encadrait le studio de tournage avait disparu aussi vite, dès que nos deux présentateurs s’étaient retrouvés incapables de meubler les images du brouillard le long de l’île. La présentatrice avait émis son hypothèse sur un coup de flair, interrogé Sigurd qui en doutait encore –nous avions vu tellement de choses plus folles qu’il ne pouvait pas dire oui si vite- pour finalement consulter quelques autres dans la salle. Et vingt secondes plus tard, une dizaine de personnes s’étaient rapprochées de l’écran principal pour mieux voir ce que les drones révélaient du spectacle, en prenant juste soin de ne pas boucher la vue aux caméras de la salle. Capslock en était lui aussi, et s’illustra très vite dans le lot ; à sa voix, ses manières, son habitude du commandement, il passait très bien à la dendenvision. Les caméras se tournèrent naturellement vers lui, et y revinrent souvent.

Ce dont Sigurd profita pour s’effacer et s’éloigner lentement de l’attention de tous… pour glisser jusqu’à moi, restée en dehors du champ.

-Eh beeh. M’attendais pas à ce qu’un de vos trucs de sorcière arrive sur Nanokutruk. S’quoi la suite, un remake de Nessie ?
-Nanokuni, le rectifiai-je sans réfléchir.
-Mwarharh. C’est Kanokuni en fait, le nom de l’île.

Mmmh. En effet. Pour ceux qui n’avaient pas remarqué… je viens de passer mon temps à dire Nanokuni même dans la narration. C’est sa faute, à force de l’écouter.

-Je… aaaaaack. Vous dîtes tellement n’importe quoi que même moi je m’y perds, zut.
-Et ça m’amuse beaucoup, ouais.
-…
-J’aime quand vous me regardez comme ça, ouais. Eeeet… naaan, pas ce regard là par contre, j’ai l’impression que vous allez me défonc…

Crétin.

-Breeeef. Vous… êtes d’accord avec moi pour dire que ce brouillard n’a absolument rien de naturel, n’est-ce pas ?

Forcément. Sauf que moi, je ne pensais pas tout de suite à un fruit du démon.

J’avais d’abord pensé à ce que nous avions vu avec les anges météorologues, à ce que m’avait montré Argus, le « météomage » autoproclamé de Weatheria qui parvenait à dompter les nuages. A comment leur île volante capable de fonctionner comme un dirigeable pouvant se rendre n’importe où dans le monde. Ou à ce que moi-même pouvais faire avec les nuages des îles célestes, enfermés dans mes dials, qui correspondaient exactement à ça… mais à une moindre échelle, oui. J’en faisais ce que je voulais. Des structures, des plateformes, des coussins, des lianes, des câbles… et les anges en faisaient encore plus, ils en avaient tellement. Des maisons, du mobilier. Ils vivaient avec ça. Quelqu’un aurait pu faire exactement la même chose avec tout ce brouillard… avec plus de moyens.

Mais il n’y avait pas que ça.

Il y avait eu la fois où j’avais été initiée aux arcanes des shamans de l’îlot perdu, également connu sous le nom d’En’gha l’antique dans la culture des autochtones de l’île. Des gens qui vivaient simplement, mais qui n’étaient absolument pas aussi stupides et sauvages que ce que les personnes « civilisées » se permettaient de penser. Ils vivaient très différemment, c’était sûr. Avec d’autres moyens. Et avec d’autres talents.

Parmi ceux-ci, l’art de bénir et maudire des populations et des territoires sur une très grande échelle. Et dans ces techniques, il y avait ce que l’on pouvait considérer être un dérivé de Dance Powder. Capable de provoquer de la grêle sur commande, ou encore autre chose. De la brume de ce genre, par exemple. Ils étaient capable de lui donner des propriétés très spécifiques, et d’en délimiter le champ d’action avec une précision extrêmement surprenante.

-J’étais en train de me dire, reprit Sigurd. Je sais pas trop comment… euh…

Il resta un moment hésitant sans finir, puis sourit faiblement, comme en signe d’excuse. Il voulait essayer.

-Beeen… ce brouillard. On peut meubler le truc comme des commentateurs de foot, mais perso, je trouve ça franchement naze. Rita est en mode pro-marine, ce qui signifie qu’elle identifie tout de suite son révo au logia comme la source de tout ça. Et CAPSLOCK a enchaîné là d’ssus. Mais moi j’me dis… que je sais que vous êtes très calée dans le sujet de ce qui n’est pas normal. Et que c’est dans le thème. De la fumée vivante.
-Je ne fais pas dans les anomalies climatiques.
-Mais vous avez forcément pensé à Weatheria et à la Dance Powder quand on a affiché les images à l’écran, hein ?

Ooooh. Et cette fois, ce fut à mon tour de grimacer bizarrement en le regardant d’un air dérangé. Ce qui lui façonna un grand air satisfait, en lui donnant confirmation que oui, c’était exactement ce que le sujet m’avait évoqué. Il me prit dans ses bras en pouffant de bonne humeur.

-Boah, vous aussi vous arrivez à deviner comment je pense, depuis le temps.
-Oh, ouiiii, répliquai-je en le tirant par le nez. Aussi bien. Je sais EXACTEMENT à quoi vous pensez, Sigurd. Et la réponse est non. Non non non non non non non.

C’était simple. Il pensait que c’était une très bonne idée qu’on en parle maintenant sur les ondes. Pas du brouillard, pas des logias, mais de tout ce que pouvait être ou ne pas être ce brouillard. Et il voulait que ce soit moi qui en parle, parce que j’étais de très loin la meilleure personne pour le faire.

Ce qui était évident.

Et juste hors de question.

-Non, je ne ferai pas ça, indiquai-je. Je ne passe pas à la radio ou à la télé. Je n'en ai pas envie.
-Mwarharharh. Je fais que proposer. Remarquerez que je vous en parle à vous avant de le faire aux autres, hein. Perso j’aurais trouvé ça très rigolo qu’on annonce « Evangeline Haylor, consultante de l’étrange et sorcière reconnue », pour un show particulièrement informatif sur les machins bizarres utilisés par d’aut’ peuples. Et chuis sûr que tout le monde aurait été à dire « ah ouaaaaiiiis, ça c’est une chouette idée ! ». Mais d’un autre côté… ouais, vous êtes ptêtre pas chaude. Mais comme j’trouve ça dommage…
-Vraiment ?

Haylor à la Dendenvision. En train de s’illustrer au même titre que toute le monde dans cette association devant des… un tiers des spectateurs à l’international, que m’avait dit Gravelor ? Pourquoi est-ce que ça me semble une très mauvaise idée ?

-Hhhhu… je me vois plus en train d’avoir des blancs ou me mettre à cafouiller ou à dire des bêtises et…
-Eh, j’vous signale que quatre-vingt-quinze pourcents de mon temps de parole consistent précisément à dire des bêtises, hein.
-Vous le faîtes bien, ce n’est pas la même chose. Vous amusez tout le monde. Et puis, vous tournez en dérision ce qu’il faut en mettant le doigt sur les points pertinents, et… vous savez très bien ce que vous faîtes, je n’ai rien à rajouter. Alors que moi, je serais… une…
-Une folle passionnée par des machins bizarres qui viendrait déblatérer l’étendue de sa science sur des machins incroyablement niches et obscurs et tordus et parfois presque malsains ? Ca ou alors vous allez paniquer en vous faisant tout un drame dans votre tête et on vous évacuera gentiment par derrière.
-…
-Aïe !
-Exactement, répondis-je en le gratifiant d’une tape dans les flancs… puis d’un coup de genou, pour faire meilleure mesure.

Il recula subitement, toujours aussi douillet. Et toujours aussi insupportablement provocateur dans sa façon de sourire, certain de son idée. Il n’en avait clairement pas eu assez pour...

-Mwarharh, tout doux. Ohlà, et les chaînes c’est pad’jeu, je préviens à l’avance.
-C’est moi qui décide ça.
-Ouwgh…
m’bref. Moi je dis, parler dans un studio… est-ce que ça vous semblerait très différent de quand vous faisiez des speech à tout l’équipage ou à l’état major ou aux grands packs de gens quand vous étiez dans l’armée, pour info ?
-Non…
-Les quelques fois où on a eu droit aux honneurs en public avec reconnaissance officielles et salut en grande pompe ?
-Ca n’avait rien à voir. Et ce n’était pas que moi.
-Et à quand vous faîtes des présentations de budgets ou de plans quinquennaux aux assemblées des clients, aux officiels de la ville ou aux opérations caricatives d’Nowel et que ça a parfois lieu devant des journalistes, des fonctionnaires high-rank et beaucoup de grands curieux des cotations boursières ?
-Ce n’est pas la même chose. C’est du professionnel. Je prépare mes dossiers, je m’appuie sur des supports. Je suis sur des rails, comme vous diriez.
-Et à quand on poutre du pirate en public et parfois en comédie musicale devant quelques milliers de personnes juste pour amuser la galerie et hurler au monde le fait qu’il vaut mieux pas venir nous faire chier parce qu’on a une affreuse sorcière psychotique ?

Sans un mot, je fis cliqueter quelques chaînes sous ma robe, en guise d’avertissement. Son sourire s’élargit légèrement. Ca faisait partie du jeu.

Et pourtant… c’était vrai.

Les anges. Les shamans. Les mages. Mes coquillages. Le grand monde des affaires. La sorcellerie. La renommée qui allait de pair avec le statut de monstre du royaume de Luvneel. Ce n’étaient que des exemples. Depuis que nous avions lancé HSBC – je ne sais même plus pourquoi – j’avais fait tellement de choses impossibles que…

Une de plus ou de moins…

-Mmmmmnnnnnghhhh…. Pourquoi pas.
-Oh bah tiens. J’ai gagné ?
-On dirait.
-Naaaaan. Impossible.
-Eh bien si. Je vais le faire.
-Mwarharharh.
Allez venez, là! Z’allez voir, ce sera chouette.

A nouveau, il me prit dans ses bras, présentant son épaule pour que je me pose dessus. Toujours aussi confortable. Jusqu'à ce qu'il lève les bras, et se mette à bricoler quelques chose derrière moi. Griffoner quelque chose, plutôt. Il avait sorti un de ses carnets de ses poches, un crayon dans l'autre main, et...

-Qu'est-ce que c'est?
-Mémo perso : rajouter ça à la liste de tous les trucs débiles que vous auriez jamais faîtes sans moi.
-Mmmh?
-Wééééé! Un jour, vous avez dit que vous en feriez le compte, mais l'avez jamais fait. Du coup je le fais vraiment. Et c'est plutôt marrant, parce que que lister des trucs genre "chevaucher une tortue géante pilotée par sheepball" ça a vraiment de la gueule.
-Ooouuuuuh que je...
je peux voir?
-Naaan, top secret. Et pas la peine d'essayer, c'est juste mes notes diverses. La vraie liste est ailleurs, en plusieurs exemplaires des fois que, et elle arrête pas de grandir. Imaginez qu'un jour, dans des dizaines d'années, je vous la sorte et qu'on se bidonne comme des crétins à se remémorer les délires accomplis. Mwarharharh. Ca serait pas énorme?
-Mmmh... daaans... des dizaines d'années, c'est bien ça? Vous êtes sûr?
-Euh... baaaaaah... oui? Enfin, je veux dire que...
-...
-Oui?
-Hihihi.
Je plaisante. Oui, ça le sera sûrement.


Dernière édition par Evangeline T. Haylor le Mer 30 Aoû 2017 - 13:02, édité 2 fois
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Et sans comprendre ni pourquoi ni comment, nous avions… tous échangé nos places. Sigurd se tenait maintenant en coulisses, regardant depuis son lourd fauteuil les nouveaux présentateurs d’un air satisfaisait avec le sentiment de leur avoir superbement ouvert la voie – et à très juste titre. Rita avait tout  simplement disparue du plateau, mais elle avait ses raisons – et elle réapparaitrait d’une tout autre manière, sur les feux de la rampe. En tant que journaliste de terrain, rien que ça.

Moi, j’étais sur le plateau, retenue prisonnière par une discussion qui avait rapidement abandonné mon thème de prédilection, la magie et ses petits dérivés. Retour à la guerre de Kanokuni. Les deux flottes avaient ouvert le feu, sous l’impulsion des vingt navires marines et de leurs sept mille hommes qui s’étaient élancés vers la flotte révolutionnaire composée du même nombre de bâtiments. CAPSLOCK ainsi qu’un de ses lieutenants avaient pris le relai pour commenter les évènements avec toute leur expertise du sujet, que je complétais sans difficulté à l’aide de mes propres bagages en la matière. J’ai été dans l’armée, moi aussi. Et j’ai pu compléter ma culture militaire aux cotés de Sigurd, qui était devenu une mine d’or sur ce sujet dès les débuts de sa formation d’officier. Maintenant, j’étais surtout surprise de me remémorer des anecdotes à priori triviales hors contexte mais on ne peut plus pertinentes une fois appliquées à cette situation.

Comme le fait que les révolutionnaires avaient disposés leurs navires selon une formation typique des forces de la mouette, par exemple. Ou encore que ces dernières avaient tout simplement décidé de forcer le passage, comme noté par Capslock. Le sous-amiral à leur tête s’était tout simplement lancé à corps perdu dans la bataille avec quelques hommes –ou femmes- de confiance. Ils avaient simplement bondit dans les airs et ne s’étaient pas arrêtés, comme le faisaient les CP. Rokushiki. Soru. Encore un grand classique.

Et ça et là, quelques autres personnes bondissaient de navire en navire comme des pucerons d’eau capables de sursauts en plein vol. Et d’autres encore n’allaient pas tarder à s’y mettre plus tard. Ils se mirent même à faire office de remorqueurs pour le compte d’autres combattants.

Et c’est à cet instant que, dans les coulisses, Sigurd se leva pour me faire de grands gestes avec ses bras… et de grandes grimaces avec son visage. Ce qui aurait semblé complètement idiot pour… non, c’était complètement idiot aux yeux de tout le monde, oui. Sauf pour moi, parce que je comprenais très bien ce qu’il me disait. Le moment était rêvé pour expliquer à la Dendenvision ce qu’était le Rokushiki, le répertoire de techniques du Cipher Pol. Présentées comme étant des techniques d’arts martiaux. A ceci près que non, le fait de voler relevait complètement de la magie, ça ne s’expliquait pas.

Aussi m’exécutais-je brièvement, tandis que lui prenait déjà note de consacrer un créneau ultérieur pour que j’en fasse une présentation complète. Moi.

Mais pour l’heure, la bataille primait. Très vite, deux navires se heurtèrent violemment. Un bâtiment éclaireur de la révolution sacrifié pour ronger la coque d’une caravelle marine. La porte ouverte pour que d’autres navires gris initient une percée dans les rangs de la mouette, et n’abordent rapidement l’un d’entre eux pour en prendre le contrôle.

Plus loin, un sous-marin, venu de dieu seul sait-où, émergeait hors de l’eau. En arrière de la flotte des marines. Prise de risque surprenante. Il resta inactif, mais un petit groupe de personnes bondirent sur le bâtiment blanc, paré à saboter.

Et autour de cette pluie de bombarde, la brume était toujours présente. Gravelor avait pu trancher notre question précédente en confirmant la présence de Rafaelo Di Auditore sur Kanokuni, au sein d’un poste d’observation présent sur la côte est de l’île. Il s’y était pris très facilement : à sa demande, quelques hommes avaient visionné les images retransmises par les mouettes au cours des minutes précédant le brouillard. En fonctionnement par tâtonnement, ils avaient simplement eu à « remonter le temps » à partir des enregistrements pour retrouver la source du brouillard. Jusqu’à retrouver l’homme en question, qui ne se cachait pas.

Pour autant, les brumes faisaient définitivement leur effet. Toujours plus opaques, elles empêchaient les bâtiments marines d’évoluer agressivement pour profiter pleinement de l’opportunité que leur présentait leur fer de lance « aérien » que représentaient les adeptes du Soru.

La bataille progressa laborieusement… nous tenions le compte des bâtiments coulés, en nous efforçant de ne rien rater. C’était aussi incroyable et effarant qu’à l’accoutumée. Il se passait tant de choses que tout semblait durer une éternité. Et pourtant, il suffisait d’un battement de cil pour rater tant de choses. Il était impossible de tout commenter. Tout juste d’attirer l’attention sur des points…

Certains actes, toutefois, nous montrèrent que ce qui se déroulait sous nos yeux n’était pas une simple démonstration de force. C’était beaucoup plus violent que ce que j’avais jamais pu voir de mon temps dans la milice.  Les marines et les révolutionnaires ne se battaient pas les uns les autres pour mettre l’autre camp en déroute. Ils s’efforçaient d’exterminer méthodiquement l’intégralité des hommes de l’autre camp. L’un des exemples les plus poignants fut lorsque, après avoir condamné l’un des navires ennemis à sombrer dans la mer, le sous-amiral à la tête de la marine entreprit de massacrer méthodiquement tous les révolutionnaires qui, maintenant hors de combat, ne pouvaient plus que rejoindre les côtes à la nage.

Un massacre. C’était de la sauvagerie.

Un détail sur lequel je m’étais sentie obligée d’attirer l’attention. A ma surprise, Capslock acquiesça vigoureusement et releva d’autres exemples qui allaient dans ce sens, sur l’intégralité de la ligne de combat. Et… je dois avouer qu’à cet instant, je vis l’ex-officier sous un nouvel œil. Je m’attendais à ce qu’il soit entièrement biaisé et commente en faveur de la marine, mais… il était particulièrement critique envers chacun de leurs choix et de leurs actions, tant en bien qu’en mal. Une façon de faire qu’il appliquait également aux révolutionnaires. Ils étaient exactement à mettre dans le même panier.

Ce que l’on était en train de filmer, ce n’était pas deux armées de professionnels qui faisaient courageusement leur devoir et se battaient pour préserver les intérêts stratégiques de leurs factions. Ils s’entretuaient sauvagement, point. Il y avait énormément d’affect dans les coups qu’ils portaient… et dans le même temps, un détachement extrême. Des gens de chaque camp mourraient par centaines à chaque minute, et les principaux acteurs du massacre accomplissaient leur besogne en se réjouissant du nombre de vies qu’ils arrachaient aux rangs ennemis.

Au final, ils pouvaient se parer de tous les arguments qu’ils voulaient, il n’y avait qu’une seule chose qui les intéressait. Remplir leurs rôles de cerbères enragés soigneusement affutés par les rouages de leurs camps respectifs.

C’était presque un miracle que nous soyons là pour pouvoir relayer ces images. Permettre aux gens de voir. Sauvegarder l’évènement.

Maintenant, l’heure n’était plus du tout à la plaisanterie dans le studio.

Le conflit commençait, et… il ne faisait que commencer.
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Je ne sais pas ce qui méritait le plus d’être mentionné, dans cette bataille navale.

Le duel entre l’officier Fenyang et son homologue révolutionnaire, un Kyuubi incarné. Du folklore asiatique. Via un fruit du démon. Pas vraiment d’intérêt, en fin de compte. Sauf pour les amateurs du genre. Nous n’étions pas là pour faire de la publicité aux meilleurs combattants de chaque camp.

Il y avait aussi l’arrivée d’une dizaine de navires pirates, arborant les emblèmes des Chinjao, et excessivement armés pour des navires de leur taille. C’étaient des pirates autochtones qui avaient décidé de prêter main-forte à la révolution, et dieu seul sait pourquoi. Ni comment les gris avaient pu acheter leur allégeance. Eux s’étaient efforcés de barrer le chemin aux navires marines qui avaient voulu rejoindre le littoral. Et la salve de boulets de canon qu’ils avaient expédié… leur rebondit dessus, on ne fait trop comment. Comme si une explosion invisible déclenchée dans les airs les avait renvoyés à l’envoyeur. Encore quelque chose que je traiterai en retour sur image, si l’humeur si prêtait.

Au-delà de ça, tout se résuma à une succession de combats virant sur la boucherie. Les marines abordèrent. D’abord les navires pirates, rapidement submergés, puis le port… qui tomba aussi vite. Mais au final, il n’y avait pas grand-chose de saillant à commenter sur cette bataille navale.

C’est ce qui arriva après qui balaya tout ce que nous avions pu voir jusque-là.

Il y avait une ville, près du port. Et pas n’importe quelle ville. Une cité portuaire, nichée dans la Baie de Jing. C’était l’une des plus grandes villes du pays. La plus peuplée, également, et de loin. Et le cœur économique de tout le royaume : le nœud qui reliait l’intérieur de Kanokuni au reste du monde.
Mais tout ça, la marine et la révolution s’en fichaient complètement. Pour chacun des deux camps, ce qui comptait était la grande muraille qui encerclait toute l’île pour la protéger des envahisseurs. Et dans cette ville se trouvait l’une des portes principales permettant de passer la muraille. C’était pour ça, que la marine avait tout donné pour passer les défenses de Kanokuni et atteindre la cité portuaire.
C’était pour ça que la révolution ne pouvait absolument pas se permettre de laisser les marines atteindre la porte. Coute que coute, ils devaient les arrêter ou les retarder aussi longtemps que possible, le temps de consolider leur emprise sur le pays.


Quitte à faire exploser l’entièreté du cœur de la cité à l’aide d’explosifs disséminés dans toute la ville.

Ces images... c'était l’œuvre de la révolution.

Une explosion monumentale. Un vacarme titanesque. Une série de détonations et d’incendies successifs, gangrénant chaque quartier, pulvérisant l’avant-garde de la marine tandis que celle-ci se frayait un chemin en direction de la muraille.

Le centre-ville s’était retrouvé éventré par le choc. Et les quartiers périphériques ravagés par le feu. De là où nous étions, nous avions un visuel exceptionnel sur l’apocalypse qui ravagea la cité.

Et je ne connaissais pas de mots pour commenter ça.

Pas un seul d’entre nous ne le pouvait.

Nous étions complètement dépassés.

Et toujours en direct.
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Personne n'osa troubler le silence qui fit suite à l'explosion dantesque. Pendant d'interminables minutes, le temps s'était complètement figé dans le studio. Sauf l'écran de diffusion et le tableau de ruines qu'il dressait de la ville.

De très loin, l'équipe des diffuseurs fut la plus réactive. Il ne leur fallu qu'une minute pour accuser le coup et reprendre le contrôle de leurs caméras. Couper celles du plateau, déjà. Nous ne servions plus à rien. Après coup, Gravelor fut le premier à avoir la présence d'esprit de s'adresser aux spectateurs. Il héla ses techniciens pour qu'ils lui accordent un ultime passage avant que nous ne rendions l'antenne pour reprendre nos esprits. Et lorsqu'il fit face à la caméra, nous vîmes tous que Boboriboum avait l'air toujours aussi serein que d'habitude malgré ce que nous venions de voir. Je ne savais pas du tout comment il pouvait y arriver.

Au ton qu'il employa, il était néanmoins évident qu'il était encore plus grave qu'à son accoutumée.

-Mesdames et messieurs... j'espère que vous comprendrez que, compte tenu des circonstances... nous allons mettre fin à nos interventions de façon momentanée. Le temps pour nous de réévaluer la situation et d'être en mesure de vous apporter davantage d'informations sur ces événements. D'ici là, nous allons continuer de diffuser tout ce que nos caméras nous enverront. Nous allons également assigner trois autres chaînes à la diffusion... et la rediffusion de ces images. Nous vous tiendrons informés aussi vite que possible de ce que nous apprendra notre journaliste sur place. En vous remerciant pour votre confiance, je vous dis à bientôt.

Notre producteur attendit quelques secondes de plus, le temps que ses équipes rendent l'antenne. Expira, inspira un grand coup. Il avait l'air... fatigué, mais empli d'une certaine détermination. Puis fit mine de tous nous rassembler, la trentaine de personnes présentes tout autour du plateau. L'air solennel, il reprit à notre attention:

-Allez, tous. Je sais que c'est difficile, que ça l'était déjà et que ça va être encore pire, mais je compte sur vous. Le monde entier compte sur vous. Et... un instant, s'il vous plaît.

Gravelor traversa le plateau en trottant, fendant un petit groupe de techniciens pour s'engouffrer dans le reste de son navire-studio. Vingt secondes plus tard, il revint avec une petite liasse de feuillets rapportée de son bureau. Le dernier rapport statistique de notre audimétrie mis à jour des derniers événements. Il nous en présenta les chiffres.

-Cinquante et un pourcents. C'est notre part d'audience à l'échelle mondiale. Ce qui signifie qu'en ce moment même, un poste sur deux nous est consacré, sur la Dendenvision comme sur la radio. Nous sommes numéro un devant le sport, ce qui est un record pour ACME. Les foyers restent à l'écoute alors même que nous ne diffusons plus rien à la radio. Ils restent dans l'attente de notre reprise. Vous devinez pourquoi : ce qui se passe ici est énorme, et nous sommes les seuls à en assurer la couverture avec des moyens conséquents et un regard aussi critique que possible. Notre travail est extrêmement important, et pourrait complètement changer l'attitude qu'ont les gens vis à vis du conflit entre la marine et la révolution. Peu importe ce que leurs armées se permettent, le monde reste passivement à attendre et à leur permettre de recommencer. Et voilà ce que ça donne, appuya-t-il en désignant les quartiers dévastés de la cité portuaire. Nous ne savons pas encore ce qui est arrivé à cette ville, s'il s'agit d'une action révolutionnaire ou d'un autre incident, mais ce qui a eu lieu découle clairement de la surenchère dans laquelle sont lancés les deux camps. Le dernier cas d'école a eu lieu il y a deux ans, sur Goa, dans des circonstances qui restent encore désagréablement obscures lorsqu'on cherche à creuser toute l'histoire. Pour la quantité de morts et de destructions qu'il y a eu ce jour là, je peux vous garantir que les deux camps n'ont pas fait amende honorable de leurs fautes. Et je vous le dis en tant qu'ancien officier de la marine: j'ai envie que ça change.

Le producteur marqua une pause. Embrassa l'auditoire du regard pour essayer de sonder et de convaincre chacun de nous de le suivre. Et c'est en croisant son regard, sur l'instant, que compris vraiment... qu'il était bel et bien un idéaliste. Il voulait qu'on le suive. Le fait qu'il ait abandonné l'armée pour faire du dessin animé ne signifiait pas qu'il fallait le prendre pour un avorton.

-Nous ne sommes pas venus pour ça. Quand nous avons programmé notre association, nous voulions simplement marquer un grand coup technique pour présenter les D.R.O.N.E. Ça aurait pu être un simple défilé militaire, une fête nationale, ou n'importe quoi d'autre. Mais c'est Kanokuni qui s'est présentée à nous. Et compte tenu de ce que c'est, la portée de notre coopération peut nous permettre d'accomplir infiniment plus qu'un simple coup marketing. Je vous demande votre aide. On va avoir du pain sur la planche, beaucoup plus que ce qu'on avait prévu de base, mais on peut le faire.
-ET NOUS ALLONS LE FAIRE, compléta Capslock. VOUS AVEZ RAISON, NOUS AVONS LES MOYENS, ET C'EST LA BONNE CHOSE À FAIRE!

L'ex-commodore se leva, l'air aussi sérieux qu'à l'accoutumée. Du peu que je connaissais de lui, Capslock était dans son élément. La prise d'action face à une crise, c'était de son domaine. Nul doute qu'il se mettrait plus en avant à partir de maintenant. Il avait presque l'air de bonne humeur, en fait. Et commença à applaudir en réponse au discours de Gravelor, ce qui s'avéra vite contagieux. Les deux tiers du studio se joignirent à lui pour montrer leur motivation, et rares furent les timides.

Sigurd en fit partie... sans montrer tant d'effusion que ça.

Et en ce qui me concernait, j'étais encore trop abrutie par le sort de la ville pour les suivre sur quoi que ce soit.

-Juste une remarque et une question, demanda l'un des techniciens lorsque les choses se calmèrent. Nous ne diffusons plus, mais... on était encore en train de filmer pendant que vous parliez. Nous avons tout le discours. Et on se pose la question. Est-ce qu'on peut diffuser?

À nouveau, un silence. Plusieurs concertations entre les petits groupes assemblés tout autour du studio. Capslock adhérait à l'idée, comme la majorité du lot. Le commodore finit par proposer que l'on procède à un vote pour que les réfracteurs puissent donner leur avis... ou être convaincus. Au moins identifiés. Mais il n'en fut rien ; Gravelor s'avéra être contre, ou au moins pour l'instant. Chaque chose en son temps, selon lui. Et maintenant, il y avait d'autres priorités.

Dont il comptait se charger sur le champ. Tout dépendrait des décisions que nous prendrions maintenant.

-Je vais avoir besoin que nous déterminions certaines choses, Colonel. Sigurd, Eva... si vous voulez bien venir avec nous?
-Mmh?, fit Sigurd.
-Je pense que nous allons devoir revoir notre programme... et notre ligne directive. Est-ce qu'on peut en discuter?
-J'imagine, ouais.

Sans surprise, Dogaku s'était complètement renfermé par rapport à tout à l'heure. Il n'y avait plus lieu d'essayer d'amuser la galerie, ce qui était l'une des principales satisfactions de son quotidien. Le monde venait de nous rappeler brutalement à l'ordre, et mon blondinet... tirait la tronche, passez moi l'expression. Même s'il ne l'expliquait pas comme ça, il était très sensible -empathique, et ne parlez pas de haki- au sort et au malheur des autres. Et ça le déprimait.

Moi aussi, je le vivais très mal.

-Evangeline?
-Hum hum. Oui, oui. Je vous entends.

Une main se posa sur mon épaule, la remuant doucement pour me tirer de ma torpeur. Capslock. Qui se fit étonnament délicat par rapport à ses habitudes. Je pense qu'il gagna quelques points dans mon estime avec cette attention.

-HAYLOR, VOUS ALLEZ BIEN?
-Non. Je ne vais pas bien du tout. Mais nous ferons avec.

Bon. C'était l'heure de se reprendre, j'imagine. Ne plus regarder l'écran. Oublier l'explosion. Remettre les pieds sur terre.
Arrêter de se dire que, compte tenu de sa taille, de son activité, de sa population, de son poids dans le pays, la ville qui venait de se faîte éventrer par les flammes ressemblait comme deux gouttes d'eau à celle où nous vivions.

*
*     *
*

-Bon, alors euh... qu'est-ce qu'on fait, maintenant? Et comment on le fait?

Nous étions tous les quatre réunis dans le bureau de Gravelor, toujours dans le navire, à l'opposée du studio. Une grande cabine aménagée en dessous du chateau principal, essentiellement caractérisée par de grands posters illustrants les personnages clés de ses séries : des princesses samourai, des ninjas cybernétiques, des moines pirates... et des personnages de séries d'antan, "old-school" dans le milieu, qui avaient inspiré les studios ACME en amont de leurs productions. Le bureau contenait également des étagères surchargées de goodies dérivés de ses séries, figurines et cartes à jouer, ainsi qu'une statue grandeur nature d'Eritsuko Otombae, la protagoniste et égérie indétronable de la première épopée de l'oeuvre maîtresse d'ACME : Super Princess Warriors.

Il me fallu quelques instants pour me désintéresser de Capslock et de son air complètement perturbé face à cet univers de plastique coloré. Le pauvre militaire avait peine à croire que tout ceci constituait l'environnement choisi par Boboriboum pour asseoir son lieu de travail, à fortiori quand on comprenait qu'il le tenait en haute estime ne serait-ce que parce qu'il était lui aussi un ancien officier de la marine. Et voir l'ex-commodore assis dans un décor pareil était suffisamment improbable pour en devenir hilarant. Il ne savait pas où se mettre.

Ce qui me surprit, pourtant, c'était que Sigurd, qui faisait d'habitude ces remarques, n'avait pas du tout la tête à ça.

-Parce que bon, reprit-il, là maintenant, je me vois pas du tout faire des minis jeux trollympiques avec des relents de cité en flammes en arrière plan. C'est même pas que ça serait de mauvais goût, c'est juste que je peux pas. Je peux pas.
-Ca tombe bien, parce qu'il n'y aura plus lieu d'amuser la galerie, confirma Boboriboum. Et... sans vouloir vous vexer, je pense que votre présence à l'antenne va... enfin...
-... considérablement se réduire?
-En effet, souffla le producteur, content que Sigurd crève l'abscès à sa place.
-Je suis tout à fait capable d'être sérieux quand il faut, vous savez?
-Je le sais. Malheureusement...
-Vous avez pas spécialement envie que je m'énerve à l'antenne et que je finisse par prendre des positions que nous serions tous susceptibles de regretter d'une manière ou d'une autre?
-Euuuh... oui.
-Teh. Le gag, ouais.

Une tension s'installa tandis qu'ils se firent face, sans lâcher un seul mot. Pendant de longues et douloureuses secondes, Gravelor fut incapable de déterminer si l'énervement qui se lisait dans les yeux de son interlocuteur était dû à sa demande ou à ce que l'autre ressentait de la situation. Ni quelle serait sa réaction. Sigurd se contenta de le fixer dans les yeux, pensif. Il essayait de discerner les issues de chaque scénario. Ce qu'il avait envie de faire, ce qu'il pouvait faire... et ce qu'il risquait de causer comme problèmes à chacun d'entre nous. Peut être même au delà, comme le disait Gravelor. Nous avions trop de portée, et aucun contrôle sur notre auditoire. Seulement sur nous-mêmes.

-Cool pour moi, finit-il par articuler. C'est sûrement mieux comme ça, ouais. Vaudrait mieux pas qu'un connard hystérique et infect...
-Sigurd, non, je ne pense pas du tout...
-... et ridiculement polarisant vienne ternir notre image ou motive je ne sais qui à vouloir se défendre. Se défendre, se venger, tout dépend, hein. On voit bien le genre de tarés que y'a en face. Je suis peut être parano depuis le temps, mais ça me surprend que quelqu'un ait pas déjà essayé de nous pourrir pour qu'on se taise. Sabotage, un brouilleur, une équipe de ninjas, et pourquoi pas des assassins extrémistes tant qu'à faire. Entre les révos, la marine, pourquoi pas le CP, y'a moyen que quelqu'un soit vexé dans l'histoire. Ils nous effacent, le monde se rendort, et tout reprend peinard.

Hu. Et il fallait qu'il en profite pour aborder tout de suite le sujet que personne ne voulait amener. Gravelor s'affaissa légèrement: ça n'était pas la direction dans laquelle il avait voulu nous orienter. Mais c'était bel et bien un problème qu'il voulait éviter en demandant à Sigurd de se faire plus petit. Il y avait moins de risque que Capslock ou lui-même ne se mette à incendier abondamment l'un des deux camps sur un simple coup de tête.

Même si, en l'état, la révolution méritait complètement qu'on la réduise en miettes.

Mais nous n'avions pas la moindre envie de nous positionner contre eux. Le gouvernement mondial n'avait rien de propre dans l'affaire, à commencer par cette Cipher Pol sur le trône du pays. Et ils avaient encore largement le temps de commettre leurs propres horreurs.

Accessoirement, si nous pouvions éviter de motiver la révolution à venir nous rendre visite, ça ne serait pas de refus.

-J'EN AVAIS DÉJÀ CONSCIENCE, avança vous-aurez-deviné-qui. QUE NOUS COMMES PEUT-ETRE EN DANGER. MES HOMMES SONT À L'AFFÛT AUX ABORDS DU NAVIRE, PERSONNE NE PEUT Y PENETRER SANS QUE NOUS NE LE REPERIONS.
-Ouais... à condition qu'ils envoient quelqu'un qui se soucie de ne pas être repéré. La marine est pas trop du genre à fonctionner comme ça, et la révo... merde, la révo a juste l'air d'avoir pété les plombs.
-J'AI PRIS MES PRECAUTIONS AVANT MEME QUE NOUS N'ATTEIGNONS LE LARGE DE KANOKUNI, DONC A MOINS QUE VOUS N'AYEZ ETE INFILTRES A LUVNEEL... MAIS C'EST PEU PROBABLE, PERSONNE NE POUVAIT S'ATTENDRE A CE QU'ON MARCHE AUSSI BIEN.
-Mmmh. Vrai. Donc on les verra venir, ça sera pas par surprise. On aura pas forcément beaucoup de temps, mais on pourra rendre l'antenne proprement, à priori. A condition qu'ils parviennent pas à passer vos gaillards, du coup.
-MES HOMMES SONT COMPETENTS.
-M...
-LES LEURS AUSSI, JE VOUS LE CONCEDE. MAIS JE PENSE QUE NOUS AVONS PEU DE RISQUES EN L'ETAT.
-Haha. 'Kay.
-ET DANS L'AUTRE CAS... CELUI OU NOUS SOMMES CENSURES... NOUS DEVRIONS AVOIR LE TEMPS DE RENDRE L'ANTENNE ET INDIQUER QUI NOUS Y A CONTRAINT. CA N'EN A PAS L'AIR, MAIS C'EST AUSSI UNE ARME.
-Ouais, on pourra indiquer l'identité du meurtrier avant qu'il nous... choueeette. Bon. On va dire que ça marche. Comme j'ai dit, ouais okay. J'aurais mauvais esprit, je dirais heureusement que c'est la révo qui a fait exploser la ville, parce que si c'était le GM, je serai foutu de leur faire une pub telle qu'on serait tous labelisés "révos" dans les deux heures qui suivent.

Ce qui était très précisément ce que Boboriboum voulait éviter en écartant Dogaku, compris-je en le voyant le regarder, immuable. C'était la première fois qu'il n'acquiesçait pas en réponse à Sigurd. Il ne voulait pas le dire, mais c'est ce qu'il pensait. Je pense que le concerné ne s'en rendit pas compte, ou à tout le moins, qu'il ne s'en soucia pas le moins du monde. Au lieu de ça, il se détourna de nous un moment, avant de reprendre, plus calme :

-Bon. Désolé de réagir comme ça, mais ça m'a un brin... refroidit de voir ça. Je m'attendais à ce que la marine et la révolution s'affrontent, mais pas à ce que... enfin... putain, cette ville, quoi. Ca aurait pu être chez nous. Et quand je me dis ça, ça me troue le cul, quoi. Comment ils osent faire ça? Ils sont complètement dingues?
-CE QUE JE ME POSE PLUTÔT, COMME QUESTION... C'EST QUI A FAIT CA? LA REVOLUTION, POUR BLOQUER L'AVANCEE DE LA MARINE? OU LA MARINE, POUR DETRUIRE LES POSITIONS DES GRIS? OU LE CIPHER POL, POUR BROUILLER LES PISTES?
-Beeen... vu que des soldats de la mouette se sont fait explosés dans le truc, c'est les gris, forcément. Mais c'est vrai qu'on en sait rien, en fait, rajouta Sigurd en voyant Boboriboum s'avancer pour répondre. Il faudrait... enquêter.
-Oui, renchérit Gravelor d'un ton catégorique. Nous ne devons pas faire de conclusions hâtives, et encore moins les diffuser oralement. Et surtout pas compte tenu du poids que nous avons, et de la responsabilité qui nous en découle. C'est extrêmement dangereux. Je me répète, mais nous devons faire extrêmement, extrêmement attention.
-EST-CE QU'IL NE VAUDRAIT MIEUX PAS NE PLUS RIEN DIRE DU TOUT, DANS CE CAS?
-Hein?
-JUSTE NOUS CONTENTER DE DIFFUSER LES IMAGES SANS FAIRE DE COMMENTAIRE, COMME MAINTENANT?
-C'est une autre option, remarqua Sigurd.
-Non. Nous devons découvrir la vérité et faire en sorte que tout le monde sache qui a fait quoi dans ce conflit. Qui est responsable de quoi. Qui a commis quels... crimes.
-Et si on se plante? Ou si on y arrive pas?
-Nous devons essayer. Avec tout ce qui se passe, nous ne pouvons pas laisser la marine ou la révolution faire librement leurs communiqués de la façon qui les arrange pour maquiller la vérité et rejetter la faute de leurs actions sur l'autre camp. Il faut que ça soit nous.

Gravelor était catégorique. C'était ça, la ligne éditoriale qu'il voulait que l'on accepte. Une position neutre, mais une position exhaustive. Personne n'en réchapperait indemne dès lors qu'il aurait commis le moindre impair. A la condition que nous fassions ça proprement, afin de nous couvrir. Ce qui constituait beaucoup plus de contraintes que ce que nous avions l'habitude de nous imposer, mon partenaire et moi.

-Donc on en chie à fond, hein? Tchaaah. Ouais, je vois ce que vous vouliez dire tout à l'heure quand vous parliez de la masse de boulot qui attend. Ca pourrait être impossible, 'tain.
-MAIS... EST-CE QUE LES GENS NOUS CROIRONT? QU'EST-CE QUI LEUR GARANTIRA QUE NOUS NE PENCHONS PAS D'UN COTE OU DE L'AUTRE, APRES TOUT? OU QUE NOUS AVONS ETE ACHETES?
-Ben faut dire que j'ai très bien ouvert la partie, signala Dogaku sur le ton d'un simple constat. On a annoncé d'entrée de jeu qu'HSBC co-organisait-finançait l'opération, et c'est moi qui ai maxé le temps de parole jusque là. Du coup tout le monde m'a vu vomir sur le GM et la révo' quand c'était encore clean, ça annonçait la couleur. Pis ça sera clairement pas la première que je fais des trucs de ce genre. A partir de là...
-Exactement, renchérit Boboriboum.
-"Bonjour, j'aime personne, je distribue des baffes à tout le monde, je suis juste pro-civil, vous trouverez rien de plus objectif. Surtout pas les factions qui chercheront sûrement pas à être honnêtes sur leurs merdes, hein." J'dois être le poster-boy pour ça.
-Evangeline, qu'est-ce que vous en pensez?
-Je confirme.

Mes premiers mots de toute la discussion. Non pas que j'ai quoi que ce soit à rajouter, de toute manière. Boboriboum me regarda un instant, espérant peut-être que je m'exprimerai davantage, mais fini par se résigner. Je ne plaisantais pas, quand je disais que j'étais beaucoup plus utile pour les préparations que la conduite des choses. Aussi reprit-il autrement.

-Donc... nous avons de la crédibilité. Ou autant que faire se peut. Maintenant, il nous faut des informations. Comprendre ce qui s'est passé, et ce qui se passe encore. A chacune des étapes. je crois que nous n'arriverons pas à grand chose sans... quitter le navire, malheureusement. Il va falloir aller sur le terrain.
-Enquêter sur le terrain?
-Malheureusement, confirma Gravelor. Ce qui sera dangereux.
-MES EQUIPES S'EN OCCUPENT. EN FAIT... ELLES S'EN OCCUPENT DEJA.
-Hein?
-VOUS NE VOUS ETES PAS DEMANDE OU EST PASSEE RITA?
-Euh...

Pas de réponse de la part de Gravelor. Il n'avait pas remarqué. Et n'avait pas compris l'étendue de ce que Capslock avait comme moyens à employer sur l'île.

Une demi-heure plus tôt, Rita Rentowel était encore avec nous, au large de la côte ouest de Kanokuni. Très, très loin de la guerre qui se menait dans le pays.

Maintenant, par contre...
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Le militaire s’autorisa un sourire et ricana d’un grand air satisfait, comme à chaque fois qu’il avait l’occasion de parler de ses jouets pour les mettre en avant. Je crois aussi que les démonstrations de Gravelor et Sigurd, leur goût pour la mise en scène et leur sens du spectacle avaient fait une forte impression sur Capslock. Ca lui parlait, et lui-même voulait en faire autant. Contrairement à moi, il ne s’était pas fait prier pour rejoindre le plateau, tout à l’heure.

-REGARDEZ PLUTOT. C’EST BIEN UN DENDEN PROJECTEUR QUE JE VOIS LA, N’EST-CE PAS ?
-Euh… oui.
-COMMENT EST-CE QUE CA MARCHE ? ON PEUT L’ALLUMER ?
-Il suffit d’abaisser l’écran… en appuyant sur ce bouton, et…

Lui qui était jusque-là habitué à présenter des prototypes hasardeux auprès des délégués d’un état-major peu convaincu à leur allouer du budget se faisait maintenant un plaisir d’exposer ses gadgets. S’avançant jusqu’au bureau, Capslock activa le projecteur, qui faisait face à un grand écran blanc apposé sur l’un des murs du bureau de Boboriboum. Quelques manipulations de plus, et nous nous retrouvâmes en visioconférence avec Rintowel, à qui Sigurd avait donné la réplique au début de l’émission.

-BRANCHEZ LE SUR LE DENDEN 68. VOILA. ET MAINTENANT… RITA, EST-CE QUE VOUS NOUS ENTENDEZ ? COMMENT ALLEZ VOUS?
-Oooouuuuh. Enfin du contact, oui ! Capslock, c’est bien vous ?
-OUI. QUELLE EST VOTRE SITUATION, RITA ?

Une oreille attentive aurait remarqué que l’ex-commodore ne l’avait pas reprise quand elle a prononcé son nom. Il tenait à ce qu’on l’appelle CAPSLOCK, quand on parlait de lui. Il voulait entendre les majuscules. Systématiquement. Pas cette fois, pourtant.


-Un peu sonnés par l’atterrissage, mais on va bien. Le matériel fonctionne.

L’atterrissage. Souvenez-vous, j’en ai parlé un peu plus tôt. Dans la multitude de cordes exotiques que le commodore avait dans son arc, il y avait des commandos hommes-canon-parachutistes propulsés via des pièces d’artillerie à bulles. C’était pour ça, qu’elle avait disparu. Elle avait rejoint l’île. Elle et ses deux partenaires constituaient notre première équipe de reporters sur l’île. Les D.R.O.N.E. étaient des atouts spectaculaires, mais ne pouvaient pas pour autant remplacer des hommes sur le terrain. C’était là que le gros des équipes de Capslock allaient intervenir. Ils s’y étaient préparés. Ce seraient nos reporters.

- On a pu se dégager de notre point d’entrée… sans trop attirer l’attention j’imagine, compte tenu de ce qui se passe.
-MERVEILLEUX. DES NOUVELLES JUSQUE LA ?
-Eh bieeen… je ne m’attendais pas à ce que… LA VILLE SE FASSE EXPLOSER COMME CA, PUTAIN ! BANDE DE CONNARDS, VOUS ETES GRAVES ! CAPSLOCK, VOUS M’AVEZ PAS DU TOUT PREVENUE QUE CE GENRE DE TRUCS ALLAIENT ARRIVER ! MAIS VOUS ETES MALADES ? IMAGINEZ CE QUI NOUS SERAIT ARRIVE SI ON AVAIT ETE LARGUES LA DEDANS ? ON AURAIT EXPLOSE, ON SERAIT MORTS !
-EUH… OUI, JE VOUS PRESENTE MES EXCUSES. NOUS AVONS ETE COMPLETEMENT PRIS AU DEPOURVU ET… JE NE M’ATTENDAIS PAS DU TOUT A CE QUE LE CONFLIT PRENNE DE TELLES PROPORTIONS AUSSI VITE. QUI AURAIT CRU QUE LES REVOLUTIONNAIRES AURAIENT…
-« CE SONT DES REVOLUTIONNAIRES, RITA, ILS SE BATTENT POUR UNE CAUSE, COMME NOUS LE FAISIONS AVANT ». OU ENCORE « LE TEMPS DES CRIMES DE GUERRE EST REVOLU, HEUREUSEMENT, ILS SE BATTENT POUR LA LIBERTE, ILS NE PRENDRONT PAS LE RISQUE DE BLESSER DES CIVILS ». « NOUS NE SOMMES PAS DANS UNE ZONE DE GUERRE, MAIS DANS UNE VILLE, VOUS NE RISQUEZ RIEN ».
-OUI, BON, JE ME SUIS PEUT-ÊTRE MONTRE UN PETIT PEU OPTIM…
-Aaaaaaaattendez attendez attendez, objecta Sigurd. Et baissez d’un ton ‘ccessoirement, vous allez me rendre dingue. Rita, on se posait une question. Est-ce qu’on est sûrs que c’est les révos qui ont fait ça ? Le coup des bombes ?
-Bien sûr, que c’est eux !
-Vous en êtes sûre ? Z’avez des preuves ? C’est vraiment eux ?
-Je vous dis que c’est eux, ils me l’ont dit.
-Ils vous l’ont… qui vous l’a dit ?
-Eux !

La caméraman anonyme, une ancienne militaire elle aussi, dévia l’objectif de Rentowel pour faire un quart de tour. Nous offrant une vue imprenable sur… l’immense étendue de personnes… installées pêle-mêle dans un grand jardin urbain, dans un quartier à l’écart du centre-ville. Dans un autre contexte, on aurait pu penser à un festival de plein air. A ceci près que…

-On a croisé des gens qui fuyaient la ville. Forcément, compte tenu de ce qui se passe, ils ont la trouille. Ils nous ont expliqué que les révolutionnaires ont évacué les personnes présentes dans le centre-ville pour s’assurer que leurs bombes ne feraient pas de victimes. Nous sommes actuellement dans un quartier périphérique, et... eh bien ça va pas trop mal, comme vous pouvez le voir.

Ah. Ah oui. Ah d’accord.

-Et !?, s’étrangla Dogaku.

Je ne sais pas si c’était mieux… ou pire que ce à quoi je m’attendais, en fait.

-Eh bien… la ville attire deux-trois centaines de milliers de travailleurs au quotidien, mais l’activité s’est arrêtée avec… la guerre civile qui a commencé, et encore plus en prévision de la flotte marine qui approchait au large. Ce qui laisse environ cent à deux cent mille habitants dans la ville. Le centre-ville touché par les explosions contenait environ vingt ou trente mille personnes… qui ont été évacuées par les révos.
-Ils ont eu les moyens de faire ça ?, continua le blondinet qui n’en revenait pas.
-Il semblerait que oui. En seulement vingt minutes, on a déjà pu voir qu'ils ont une sacrée logistique et sont extrêmement bien organisés. Ca fait peur.
-Et les gens se sont laissés faire ? Et la police ou l’armée locale les ont laissés faire ?
-L’armée n’est plus trop en état de faire grand-chose, le gros des forces qui supporte l’impératrice s’est rendue à la place du dragon… et quant à la police… je… ils ont aidés à évacuer les habitants.
-Aaaaaah. Donc en fait... ILS ONT AIDE LES REVOS QUAND APRES S’ETRE FAIT EXPLIQUER QU’ILS ALLAIENT FAIRE PETER LEUR CENTRE VILLE ?

Toujours Sigurd. Ca n’était pas Capslock. Une réaction typique.

-J’imagine qu’ils les ont mis devant le fait accompli, répliquai-je. Et que face à ça, il ne leur restait guère qu’à faire ce qu’ils pouvaient. Regardez leur options : aider à faire en sorte qu’il n’y ait pas de victimes, ne rien faire du tout, ou risquer inutilement leur vie à s’opposer à la révolution. Ils ont fait ce qu’il fallait, Sigurd.

Il me jeta un regard contrarié doublé d’une grimace mauvaise, celle qui disait « bon, je comprends que vous avez raison, mais merde, c’est dégueulasse et pas normal que ça se passe comme ça, je déteste ce truc. C’est quoi ce monde de merde ? ». Ce à quoi je lui répondu par une expression signifiant très précisément « Je sais, je comprends que ça vous fasse mal. Moi-même je n’aime pas ça du tout. Mais puisque c’est comme ça que tourne le monde, eh bien… il faut bien faire avec ».

A ceci près que je m’étais trompée sur un point.

-En fait, nuança Rita. Une bonne partie de la police a spontanément collaboré avec les révolutionnaires. Et... c'était le cas depuis des mois, peut être beaucoup plus. Ils étaient déjà… pro-révolutionnaire. Et une grande partie de la population leur est aussi favorable.
-Merde. Quoi ?
-Nous avons déjà échangé un peu avec quelques personnes. Vous imaginez bien que la révolution n’a pas déclenché une guerre civile en se basant sur rien. Ils ont énormément d’appuis, ici.
-Naaaaan, refusa Dogaku. Attendez attendez attendez, on la refait. Les révos ont miné tous les quartiers centraux de la ville…
-J’ai entendu dire qu’ils avaient un QG en ville qu’ils ne voulaient surtout pas voir tomber entre les mains de la marine. A confirmer.
-… ce qui va globalement tuer une bonne partie de l’activité de la cité portuaire qui constitue le seul moyeu d’échange entre ce pays et le reste du monde…
-Eh bien…
-… et les gens ont laissé faire avec le sourire et leur bénédiction …
-Ce n'est que le centre-ville. Il y a toutes les infrastructures principales, certes, mais...
-Argh.

Contrarié, à nouveau. C'était typiquement le genre de situations qu'il ne supportait pas. Je savais ce qu'il pensait. Dans sa tête, les gens suivaient aveuglément les révolutionnaires en n'ayant aucun intérêt de le faire, soit parce qu'ils s'étaient retrouvés manipulés à le faire, soit par simple inertie, soit par... élan de stupidité collective. Ce qui l'insupportait. Au même titre que les "accidents de parcours" que rencontraient la marine et les gris, qui correspondaient aux dommages collatéraux qu'occasionnaient nos justiciers préférés lorsqu'ils combattaient pour... la Justice, ou la Cause, selon le cas.

Et en l'espèce, Kanokuni constituait un terreau formidable pour que sa vision d'un monde convenable soit complètement malmenée. J'aurais dû y penser.

Il allait devenir insupportable, ne tiendrait plus en place.

Il allait...

-Okay, annonça-t-il d’un ton étonnamment calme en se levant de son fauteuil. Eh ben vous savez quoi, c'est maintenant trop compliqué pour moi. Vous faîtes ce que vous voulez. Afk.

Oh. Je n'avais pas prévu ça.

-Sigurd ?
-C’est ça ou alors vous m’entendez piailler en mode perma-jérémiade tout du long parce que le monde est une connerie monumentale que je pige pas et que j'accepte pas. Ils ont sûrement leurs raisons, mais je pige pas. Ils se sont plongés dans une merde pas possible et je trouve ça débilissime et j'ai limite envie de me glisser un créneau à l'antenne pour expliquer à Nanokutruk que ce sont des blaireaux qui méritent leur belle guerre et que je leur souhaite du bon vent parce que c'est du Darwin Award modèle de masse. Mais savez quoi en fait ? S’pas du tout mes oignons. Et pis z’avez pas besoin de moi en plus. J’ai préparé le scénar’, j’ai rassemblé tout le monde, j’ai fait la demande de quête, j’ai financé le voyage…

Il fit le tour de la salle, serra la main de Capslock et de Boboriboum –qui la lui tendirent sans vraiment comprendre pourquoi- et se planta devant moi, en nous regardant tous trois. Il s'en amusait presque.

-Si pour une raison vraiment improbable, vous auriez vraiment besoin de moi, je serai dans ma cabine. Ou sur le pont à faire mumuse. Ou peut-être dans l’autre navire, à taffer mes dossiers. J’avais des affaires en cours de toute manière, ça fera plaisir aux gens que je les appelle avant que eux le fasse. Je vais juste indiquer que toute demande d’utilisation de Sigurd devra impérativement passer par la Miss ici présente, qu’elle sera seule juge de la pertinence de la demande, et que me convaincre de sortir de ma tanière relèvera de sa pleine et entière responsabilité. Et que, pour rappel, je suis généralement dans de meilleures dispositions après avoir becté un truc, ce qui arrive généralement toutes les deux heures parce que j’ai une hygiène de merde. Si la folle envie vous prend de venir jouer aux échecs, à Age of Navire ou à quoi que ce soit cela dit, je vous acceuille avec plaisir. Et sur ce…

Il me tendit les bras, m’invitant à me lever. Et m’embrassa du bout des lèvres, presque de bonne humeur, m'adressant un sourire et quelques mots d'encouragement. Avant de s’éloigner.

-Fini pour ma pomme, bonne journéééééééeeee !

Et… il sortit de la salle, nous laissant tous en plan. Tous complètement soufflés, également.

Un long silence s’installa suite à ce revirement d’humeur.

Jusqu’à ce que la porte s’ouvre une nouvelle fois. Il ricana bêtement en s’approchant de l’écran.

-Ah ouais, pardon, j’ai failli oublier. Bon courage à vous aussi, Rita ! Faîtes attention à vous !

Et Sigurd s’en retourna, pour de bon cette fois-ci. Nos deux associés me jetèrent un regard complètement perdu, et avide de réponse. Comme si moi j'en avais.

-Ne me regardez pas comme ça, je…

Je quoi? Il vient de prendre la fuite, littéralement. Que voulez-vous que je fasse?

-J’irai le voir dans une heure, j'imagine. Laissons-le un moment. Il a besoin de respirer. Certainement. Il vit toujours très mal ce genre de situations, les conflits, les destructions… et il a une vision assez étriquée de comment devraient se passer les choses, ce qui n’aide pas vraiment. Je vous prie de l’excuser. J’irai le voir plus tard, ça lui fera du bien. D’ici là, je… euh... propose que l’on poursuivre ?

Ils étaient toujours très étonnés, mais me donnèrent l’impression d’avoir passé l’éponge. J’imagine. Pour la quantité d’occasions où mon partenaire avait pu leur démontrer ses qualités, ils pouvaient bien composer avec un de ses défauts. Je l’espère pour eux, en tout cas. La seule personne autorisée à redire quoi que ce soit aux comportements et aux sautes d’humeur capriciées de Sigurd, c’est moi. Et je lui remonterai les bretelles en temps voulu. Juste… pas maintenant.

-Oui, nous pouvons, se réveilla Gravelor. Nous avions presque terminé, de toute façon. Il ne me restait qu’un sujet à aborder. Nos sources d’informations. L’équipe de Rita va récolter des informations au sein de la baie de Jing, et une seconde équipe est actuellement en train d’y être déployée. D'ailleurs, à ce sujet... Rita, je pense reprendre l'antenne dans vingt minutes. Nous l'avons momentanément arrêtée pour pouvoir nous réunir. Pensez-vous que vous serez prête à me donner la réplique?
-Tout à fait! Faudra juste... on s'y remet tout de suite, on vous tient au courant.
-Je vous remercie. Reprenons, maintenant. Nous enverrons ensuite deux équipes au sein de la capitale… peut être trois, si des évènements se déroulent dans la Cité Rouge. Ce que je me demandais maintenant, c’est… peut-on aller récupérer des informations auprès de la marine et de la révolution ?
-DES INTERVIEWS?
-Ca ou… des communiqués officiels. Evangeline ?
-J’imagine que… ca ne coute rien d’essayer. Au moins pour la marine. Ils n’ont pas pu nous rater, maintenant. J’imagine que nous allons nous faire gratifier d’un merveilleux « allez-donc-vous-faire-voir, nous-sommes-trop-occupé ». Mais d’un autre coté, nous pouvons aussi être une estrade de choix pour qu’ils puissent s’exprimer. A moins qu’ils ne s’imaginent qu’il s’agisse d’un piège de la révolution.
-Probablement, confirma Boboriboum. Même chose pour les gris. Contrairement à vous, je pense qu’eux aussi ne rateront pas une telle chance de présenter leur version… et leurs choix… et leurs raisons. Le problème étant qu’ils pourraient également vouloir se servir de nous comme d’un outil supplémentaire.
-PEU PROBABLE, intervint Capslock en devinant à quoi Gravelor faisait allusion. ILS N’AURONT JAMAIS LES MOYENS DE NOUS PRENDRE LE NAVIRE DE FORCE.

Imaginez. Un camp ou l’autre décide que nous constituons un outil de propagande ou de désinformation de choix, et cherche à nous le prendre par la force. Un plan tellement tentant pour un esprit retors.

-Ce qui ne les essaierait pas d’essayer. C’est pourquoi je pense que nous pouvons leur faire cette proposition… mais un petit peu plus tard. Qu’en dîtes vous ?

J’acquiesçai de la tête. Pareil pour le commodore. Nous ne voulions pas les faire parler trop vite. Et cette raison, et pour d’autres. Boboriboum reprit.

-Je pensais également envoyer une équipe sur la place du Dragon, où a lieu le siège de l’impératrice… et une autre aux abords de l’armée marine, qui remontera le pays.
-CA NE ME SEMBLE PAS ETRE UNE BONNE IDEE. POURQUOI PAS JUSTE DES DRONES ?
-Parce que… euh… parce que vous avez parfaitement raison et que je n’ai pas réfléchi jusqu’au bout, tiens. Et l’équipe pour la place du Dragon ?
-CA ME SEMBLE ETRE UNE BONNE IDEE, OUI. LES REVOLUTIONNAIRES ET LES REVOLTES QUI S’Y TROUVENT SE FERONT FORCEMENT UN PLAISIR DE TEMOIGNER.
-Ce qui nous amène sur ma dernière question… que pensez-vous de donner une chance aux grandes figures du pays de s’exprimer sur ce qui se passe ? En l’état, je pense à deux personnes. La première ne devrait pas poser trop de difficultés. Il s’agit de Shiwa Wa, le Haut-Prêtre des Zenhilistes. Leader spirituel du pays, dont le poids était équivalent, si ce n’est supérieur, à celui de l’empereur.
-CA NE DEVRAIT PAS ETRE TROP COMPLIQUE.
-Pour peu qu’il nous accorde une audience. Mais je serai surpris qu’il ne sache pas qui nous sommes, avec les taux d’audience que nous avons.
-Mmmh. Et l’autre ?
-Sera beaucoup plus difficile à atteindre. Voyez-vous, je n’ai pas pu m’empêcher de me dire, depuis le début… que c’était vraiment dommage que seuls la marine et la révolution aient leur mot à dire dans cette histoire. Il y a d’autres camps.
-Le peuple a choisi la révolution, fis-je remarquer.
-Mais le peuple n’est pas la révolution pour autant. Ou du moins, je ne pense pas. En les interrogeant, nous pourrions nuancer leur propos, et leur donner une chance de s‘exprimer. Nos équipes sur le terrain vont essayer de faire quelque chose de correcte de ce point de vue-là. Je pensais également envoyer d’autres reporters dans des villes de province pour augmenter notre échantillon. Même si nous ne les diffusons pas, j’ai envie de savoir.
-OUI, JE PENSE QUE C’EST UNE BONNE IDEE. ET PUIS, PEUT ETRE QUE… EN ECOUTANT CE QU’ILS ONT A DIRE, CA AIDERA DOGAKU A COMPRENDRE LEUR CHOIX ? CA POURRAIT LUI FAIRE DU BIEN, APRES TOUT. A LUI COMME A D’AUTRES. ILS ONT FORCEMENT LEURS RAISONS DE FAIRE CA, IL FAUT JUSTE QU’ILS EXPOSENT LEUR RAISONNEMENT.

Je ne… euh… je regardais maintenant l’ex-commodore sous un tout nouvel œil, pour le coup. Plus le temps passait, et plus je découvrais qu’il… était humain, tiens. Pas juste un militaire ?

Il dû s’en rendre compte, car il m’adressa un sourire bienveillant. Que je finis par lui rendre, une fois sortie de mon agréable surprise.

-Et l’autre personne que je souhaite interroger… eh bien… ce sera difficile. Ce sera très difficile. En fait, je voulais interroger l’empereur.
-…
-…
-Sauf que l’empereur est porté disparu, tout à fait. Il y a de fortes chances que ce soit un coup monté de la révolution. Et je ne crois pas du tout qu’ils nous laisseront le rencontrer même si nous nous présentons à eux avec le sourire.
-Oui, ça c’est sûr…
-Ce qui m’amène à ma solution de secours… qui serait tout aussi bien… qui consiste à interviewer l’impératrice elle-même. Qui se trouve assiégée sur la place du Dragon par une centaine de milliers de contestataires hostiles. Ce sera difficile, mais elle est libre, elle. Et est restée étonnamment silencieuse pour une personne au centre de toute cette histoire. Je veux l’interroger. Et nous pouvons le faire. Qu’en dîtes-vous ?

Ah.

L’impératrice elle-même. Forcément.

Non mais non…

C’est une blague ?
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