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Du rififi dans le jeu de quilles - Part III

Sedna était fatiguée et blessée. Son bras la lançait régulièrement mais la douleur se faisait plus lancinante lorsqu'elle marchait. Ce qui était maintenant le cas. Elle avait amarré son fidèle waver un peu à l'écart de la grande ville et marchait, suivant les méandres compliqués des rues ancestrales. Les murs de pierre dégageaient une fraîcheur bienvenue, car la jeune femme sentait poindre un mal de tête. La fièvre était à l’œuvre, et ne la lâcherait sans doute pas pendant un moment. L'aube n'allait pas tarder à arriver, entraînant avec elle le majestueux soleil et qui marquerait pour la skypiéenne le début de sa cavale. Et elle avait beau savoir qu'il ne fallait pas qu'elle traîne, elle peinait tout de même à parcourir la petite distance qui la séparait de sa maison. Non. De son ancienne maison, se corrigea t'elle instantanément. Plus rien ne l'attendait ici, si ce n'était l'incarcération, l'humiliation et éventuellement la mort. Tristes perspectives.

Après un effort qui lui parut surhumain, la brune se lança enfin à l'assaut de l'escalier extérieur, qui serpentait le long de toute la bâtisse. A l'instar des autres constructions, ça et là perçaient des blocs de nuages renforcés, qui remplaçaient des blocs absents lors de la découverte de la ville, ou simplement trop abîmés. La rénovation des bâtiments prenait du temps, et n'était pas encore achevée bien que le chantier ait débuté il y avait de cela des dizaines d'années, mais la cité d'or de Shandora reprenait peu à peu des couleurs et retrouvait de sa superbe. Au loin, Sedna aperçut une grande pyramide qui exposait fièrement ses faces lisses et fraîchement rénovées. Quelques mois plus tôt, elle était recouverte d'échafaudages et lorsque la shandienne n'était encore qu'une gamine, la majestueuse construction était à l'état de ruines. Peut-être les ouvriers mettaient-ils du temps à remonter les bâtiments, mais au moins le travail était-il bien fait, se dit la jeune femme avec un hochement de tête approbateur.

Penser à l'évolution de la cité eu le mérite de momentanément distraire Seewish de la douleur qui était sienne depuis son affrontement avec Manguelita. Elle l'avait pas ratée, la cheffesse. Sedna sourit en imaginant la tête que ferait cette dernière quand elle découvrirait que sa prisonnière s'était échappée. Ça en vaudrait le coup d’œil, elle n'avait aucun doute sur ce point. Autre point certain, la rousse se mettrait également dans une colère noire, et qu'elle mettrait tout en œuvre pour la retrouver. La jeune femme grimaça à cette idée. Oui, la cité était belle. Oui elle était contente d'avoir fait un pied de nez à sa rivale. Mais pour le moment, ce qui comptait surtout c'était de se bouger les miches et de rassembler ses affaires. Arrivée devant sa porte, elle tira de sa poche une clé d'argile -le métal étant réservé la plupart du temps à une élite et à des objets bien moins triviaux- qu'elle glissa dans la serrure. Ce type de clés avait l’inconvénient de casser, bien plus facilement que des alliages. C'était une aubaine pour les serruriers du coin, qui se multipliaient comme des mauvaises herbes depuis que le peuple de Skypiea avait décidé de ré-investir la ville fantôme.

Sedna poussa la porte et resta un instant sur le pas de la porte avant de rentrer, et de ressembler rapidement ses affaires dans un sac. Enfin... rapidement c'était relatif car la jeune femme s’encombrait tout de même de son bras qui était pour elle comme un poids mort. La tâche fut tout de même simplifiée par le fait que la skypiéenne ne possédait pas grand chose. Elle empaqueta quelques billets qu'elle avait réussit à mettre de côté, son sub-dial, dont elle ne s'était encore jamais servie, quelques vêtements, chauds ou non et méprisa royalement le nécessaire à maquillage que sa grande mère paternelle -l'ange-, lui avait offert. Elle avait beau apprécier la petit vieille, ses manières et l’acharnement qu'elle mettait à vouloir faire d'elle une lady bien comme il faut avaient le don de crisper la shandienne. Pardon, la trois-quart shandienne, comme le faisait si bien remarquer Manguelita.

Lorsque le baluchon fut prêt, la jeune femme le prit en main et partit. Cette habitation -son habitation- avait été plus qu'un chez-soi. Sedna avait, en ces lieux, pris son indépendance, vécut ses premières romances et déceptions, pleuré, fabriqué des flèches, rapiécé ses vêtements mais surtout rêvé à ses évasions tout en profitant de la liberté que lui avait permis d'éprouver le fait de vivre seule. Elle connaissait les meubles par cœur. Là, le petit lit, sur la gauche au fond du mur. Petit, mais moelleux, et recouvert d'une douce couverture, ici l’approvisionnement en eau moderne, récemment installé dans l'habitation rénovée et qui avait apporté un réel confort dans les antiques constructions de pierre. La plupart des maisons comportait des salles de bain, avec douche ou baignoire, parfois même les deux, mais le mi-temps de Sedna ne lui avait pas permis d'en disposer. Et se laver dans la rivière lui convenait finalement bien mieux. Sa petite kitchenette, à droite de l'entrée, était également pratique et fonctionnelle, exactement ce qu'il fallait pour une jeune femme qui ne voulait pas prendre beaucoup de temps à cuisiner. De beaux meubles sculptés dans des nuages trônaient un peu partout. Ces derniers avaient été confectionnés par son père, qui était très talentueux. Si la skypiéenne avait pu les emporter avec elle dans son voyage, elle l'aurait fait. Une petite bibliothèque faisait face à la porte, et était désormais complètement vide. Elle avait contenu les plus grands trésors de la brune : les carnets de voyage qu'elle n'avait cessé de lire et parcourir, encore et encore, jusqu'à tous les connaître par cœur.

Sur la gauche, sur un mur sans fenêtre, s'étalaient des centaines de photos de la foret et de ses trésors. Il y avait quelques trous dans le tableau. Des clichés que Sedna avait détaché du mur et qui était maintenant dans son baluchon, qui descendait déjà l'escalier. Il n'y avait pas de temps à perdre, pas même une seconde pour s'attarder. La porte de nuages était close. La jeune femme espérait que cela ralentirait un peu ses poursuivants mais n'était pas non plus simple d'esprit. Le ciel s’éclaircissait et la peur de la shandienne grandissait à mesure que les roses et les pourpres remplaçaient les noirs et bleus sombres rassurants et protecteurs de la nuit.


Dernière édition par Sedna A. Seewish le Jeu 12 Jan 2017 - 23:32, édité 1 fois
    La jeune femme fonça vers son waver, aussi vite qu'elle le pouvait et faisant fit de la langueur de ses muscles et des étoiles qui dansaient devant ses yeux ouverts. Au loin, une clameur retentit et grandit. C'était un jour comme les autres pourtant qui débutait, et les habitants n'avaient pas pour habitude de faire un tel tapage de bon matin. Zut. Sedna avait espéré avoir un peu plus de temps. Elle se doutait bien que ce remue-ménage était pour elle. Pour lui mettre la main dessus. Et que les autres membres de la PESTE allaient bientôt être mis au courant de sa trahison. La traque avait commencé bien trop tôt au goût de la shandienne. Quelques minutes seulement l'avaient séparée d'une confrontation avec ses anciens collègues. La brune avait eu beaucoup de chance. Ou alors son totem était-il intervenu ? La jeune femme savait combien il avait hâte qu'elle quitte Skypiea. Elle se remémorait le rêve qu'elle avait fait, en caressant la longue plume violette qu'elle avait fourré dans sa poche. Elle s'était rendue compte que elle ne pouvait pas la froisser ni l’abîmer, bien qu'elle ne fût pas rigide mais bien souple, à l'instar de plumes ordinaires. Depuis qu'elle avait fait cette constatation, Sedna ne se privait pas de malmener un peu le cadeau que lui avait fait son totem, cet étrange South Bird. Il ne lui en voudrait sans doute pas.

    La skypiéenne arriva à bout de souffle à son embarcation. Sa tête lui tournait et ce n'était plus des étoiles mais une galaxie complété qui dansait devant ses yeux. Elle prit appui sur le guidon de son bateau en respirant bruyamment et manqua de tomber alors que ses genoux avaient décidé de danser une petite gigue, et de claquer l'un contre l'autre avec ardeur. Rarement Seewish s'était sentie aussi mal. Le cœur au bord des lèvres, elle ravala un hoquet et posa précautionneusement son sac dans le waver, aux côtés des mallettes qui renfermaient ses trésors. Vingt cinq millions de berrys. Une belle somme, qui valait largement le coup de prendre le risque qu'avait prit la veille la brune. Mais prendre des risques c'était accepter les imprévus. Et des imprévus, il y en avait eu. Et il y en avait encore, car la jeune femme se rendit compte qu'elle ne pourrait pas quitter l'île le jour même. Si elle était maintenant recherchée, elle ne pouvait embarquer clandestinement à bord d'un bateau. Ces derniers seraient fouillés, inévitablement, car Manguelita était d'une redoutable opiniâtreté, et qu'elle ne lâcherait pas le morceau. Pour rien au monde.

    La brune et la rousse s'étaient toujours mal entendues, peut être parce qu'elles se ressemblaient de trop. Indépendantes et dotées d'un tempérament de feu, leurs disputes remontaient à l'époque où elles étaient encore de toutes petites filles. C'était à qui courrait le plus vite, à qui mangerait le plus, à qui fuguerait le plus longtemps de chez elle. Ces rivalités saines avaient peu à peu laissé place à une vraie rancœur, le jour où Sedna s'était rapprochée de la grand mère de Manguelita, et avait commencé à s’intéresser aux serpents volants dont la vieille s'occupait. Auparavant, la cheffesse shandienne n'avait rien eu à redouter de sa pitoyable adversaire, qu'elle battait toujours à plates coutures. Elle était de trois ans son aîné et cela lui facilitait grandement la tache. Mais la jalousie et le fait que la brune puisse être éventuellement plus douée qu'elle ou plus proche qu'elle d'autres personnes avait pourri leur relation, depuis les racines jusqu'aux feuilles. Les deux jeunes femmes, très semblables, en récoltaient les fruits moisis encore de nos jours.

    Puisqu'il n'était pas possible pour Seewish de quitter l'île sur le champ, il fallait qu'elle trouve un endroit sûr pour se reposer, reprendre des forces et surtout échafauder un nouveau plan. Elle avait le lieu tout désigné pour ça, mais encore fallait-il qu'on soit d'accord pour la cacher et prendre soin d'elle. Elle savait qu'elle mettrait sa protectrice dans une situation délicate, d'autant plus que ses relations avec les autorités étaient déjà tendues. Pourtant, Sedna avait l'intime conviction que sa grand-mère de cœur l'accueillerait à bras ouverts et se féliciterait que la jeune femme n'ait pas pu quitter l'île avant de lui dire au revoir. Et de dire au revoir aux loupiaux aussi, qui auraient tous été vachement déçus sinon.

    La shandienne connaissait bien les labyrinthes, pour y avoir passer de nombreuses heures à jouer en compagnie des serpents volants. La plupart des habitants de l'île ne s'y aventuraient pas car ils avaient peur de se perdre dans ses méandres, mais la brune connaissait son affaire, et elle connaissait également l'entrée la plus proche. Elle démarra donc doucement son waver et se dirigea vers la couche de nuages qui entourait la ville. Les arbres la masquaient partiellement alors qu'elle se concentrait pour garder les yeux ouverts. Un bruit soudain la fit sursauter et se cacher précipitamment derrière un arbre.

    J'suis sûr que j'ai vu que'que chose bouger j'te dis !

    Mais nan t'es fou, c'est rien ! 'Pis t'es pas bien de tirer comme ça dans l'tas ?

    Mais nan mais elle s'est évadée ! J'vois que'que chose bouger, j'tire moi !

    Bah tires pas n'importe où gros naze, tu pourrais toucher un civil innocent !

    Le tireur marmonna dans sa barbe.

    Et puis en plus, ça m'étonnerait qu'elle soit dans la forêt ! La cheffesse nous a dit qu'elle l'avait bien rétamée, j'pense qu'elle est juste évanouie dans un coin, et pas qu'elle gambade entre les arbres.

    Sedna resta silencieuse, sans bouger d'un pouce, pendant que les deux imbéciles s'éloignaient en palabrant. Un coup de fusil. Ordre de tirer à vue donc. Cela lui faisait tout de même un petit coup au cœur de savoir que si on la retrouvait, on rabattrait sans autre forme de procès. Ces gens avaient été ses amis, ses collègues, ou même de simples connaissances mais elle avait grandi parmi eux, même si ils avaient tous été plus attiré par la flamboyante Manguelita, qui la rabaissait constamment. Et même si la brune n'était entrée dans la PESTE que pistonnée par Mangrove, et désireuse de trouver de nouveaux carnets de bord.
      Un bruissement se fit de nouveau entendre sur la droite cette fois-ci, coté foret, et non coté ville. La jeune femme se figea à nouveau et laisse quelques seconds s’écouler avant de redémarrer. Sa tête continuait à lui tourner, et elle ne se sentait toujours pas bien, ce qui n’était pas spécialement étonnant étant donne qu’elle ne s’était toujours pas reposée. Elle ne devait plus être très loin d’une des entrées du labyrinthe. Celle-ci était la plus proche de chez elle, et Sedna aimait l’empruntait quand elle rentrait de chez mamie Mangrove, par de chaudes journées d’été. Le soleil flamboyait sur la ville antique et cuisait la pierre qui accumulait la chaleur et la relâchait doucement, rendant les trajets dans les nombreuses rues suffocants. Le labyrinthe lui offrait toujours une fraicheur revigorante, et elle s’était depuis longtemps habituée à l’obscurité qui y régnait.

      Un nouveau sifflement fendit l’air à quelques centimètres seulement du visage de Seewish. L’impact alla se figer dans un tronc qu’elle venait tout juste de dépasser. Elle s’arrêta et fit volte-face. Un membre de la PESTE venait de la retrouver. C’était sans doute lui qui avait fait du bruit dans la forêt un instant auparavant. La scandienne n’avait pas envie de se battre, elle n’était pas sure d’en avoir la force mais elle n’allait pas avoir le choix. Si elle s’enfuyait, elle serait suivie et l’organisation serait alors au courant qu’elle s’était cachée dans les souterrains. Ils la traqueraient sans relâche. La brune avait eu beaucoup de chance que ce soldat ne se soit pas simplement décidé de la suivre, car dans ce cas il aurait deviné son plan, et dans ce cas Sedna n’aurait eu aucune occasion de répit. Son premier plan avait été de partir cette nuit même de l’ile, mais ce n’était plus possible, évidemment. Alors un peu de repos serait de toute évidence bienvenue.

      Je savais bien qu’c’était pas un piaf sur lequel j’avais tire
      , retentit une voix dans son dos.

      La jeune femme se retourna et découvrit que c’était le même type de tout à l’heure, qui s’était sans doute dit que ce n’était pas normal, et avait suivi son instinct. Ce n’était finalement pas un imbécile. Avec un sourire pervers, l’homme sortit un den den muchi de sa poche.

      Ouais, je vais contacter Manguelita. Elle sera bien contente de te boucler, voleuse. Et puis, évidemment, je récolterai au passage de la gloire et du prestige.

      Sedna prit une profonde inspiration puis, au mépris de la douleur qui la lançait douloureusement, se saisit de son arc avec son bras valide, le coucha à l’horizontale et piocha à l’aide de sa bouche une flèche simple qu’elle encocha. L’archère s’était déjà entrainé à décocher des traits a une main, mais elle était droitière et n’avait jamais encore essaye cette technique en tenant son arc du bras gauche. C’était une première, et cette soudaine créativité venait probablement de l’urgence de la situation. Si le membre de la PESTE donnait sa localisation a Manguelita, celle-ci, et une véritable armada la retrouverait en moins de temps qu’il fallait pour le dire.

      Elle décocha la flèche avec un hoquet de douleur. Son épaule droite avait bougé dans le feu de l’action. Le trait fila, fendant les airs avec une facilite déconcertante. L’air était tellement léger. Le sifflement qui retentit cette fois était familière, et la puissance du tir faisait même légèrement vibrer la tige de l’arme qui atteint sa cible et transperça le denden avant de heurter la main du soldat, qui lâcha l’appareil de communication en geignant comme un bébé, en se tenant sa pauvre petite mimine saignante. C’était une chiffe molle, mais Sedna était mal en point et elle savait qu’il ne fallait pas qu’elle perde de temps. Elle saisit son boomerang et sauta du waver, se réceptionnant sur les herbes tendres de la forêt avant de s’élancer vers son adversaire. Ce dernier ayant sans doute sentit le danger approcher, releva la tête et écarquilla les yeux.

      Mais… Mais… T’étais censée être mal en point ! Et là tu cours ?! Tu te fous de ma gueule ou quoi ! lança-t-il en dégainant un couteau.

      Oui, Sedna n’était pas censée être en état, mais l’adrénaline avait des propriétés incroyables. Elle s’élança donc vers l’homme d’une dernière impulsion, grâce à un solide appui au sol qui étira douloureusement les bleus de ses jambes. N’y prêtant pas attention, elle brandit le solide boomerang et dévia grâce à lui un coup de couteau qui filait vers son bras blesse. Renforçant sa prise autour du morceau de bois, elle frappa circulairement son adversaire qui fut propulsé a terre par la force du coup, crachant au passage une dent. Visiblement sonné, l’homme était hors circuit. Et ce n’était pas le seul, car la shandienne retomba lourdement à terre, accablée par l’effort qu’elle venait de fournir et par la souffrance qui lui vrillait le crane.
        SssssSsssssSsssssssss

        Sedna cligna ses lourdes paupières, laissant progressivement ses pupilles se rétracter pour s'adapter à la luminosité. Cela ne prit pas beaucoup de temps, elle était apparemment à l'ombre. Tant mieux. Elle essaya de bouger ses doigts quand la douleur et les souvenirs se ramenèrent pour faire une fête dans son cerveau. Elle s'était évanouie, ce qui n'était pas si étonnant mais qui commençait à être sérieusement inquiétant. Elle ne pouvait pas encore se donner d'une sieste, alors qu'elle était pourchassée et que Manguelita ne lui laisserait pas un instant de répit. Mais... N'était-ce pas déjà trop tard ? La jeune femme sentait sous elle le froid contact de la pierre, aussi froid qu'un sol de prison, ou du moins de l'idée qu'elle s'en faisait...

        SSSSSSSSSSSSSSSSSSSSsssss !

        La shandienne rouvrit les yeux, qu'elle avait préféré refermer alors que la vague de souffrance qu'avait déclencher un mouvement mineur de son corps l'avait terassée. Une magnifique couleur bleue envahit son champ de vision et elle esquissa un léger sourire. Non, elle n'était pas en prison, et les membres de la PESTE ne l'avaient pas encore retrouvée. Elle était toujours au même endroit, à l'orée de la forêt, protégée par les douces frondaisons des arbres millénaires. L'homme qu'elle avait assommé était toujours inconscient, à sa gauche. C'était une chance. La brune ne savait pas d'où lui était venue la force avec la quelle elle avait asséné son coup, mais toujours était-il qu'il lui avait pompé une sacrée dose d'énergie.

        Merci Blue... Je sais pas si je me serai réveillée sans toi... murmura Sedna en observant son compagnon à plumes et écailles, qui volait à un mètre du sol et dardant sur elle sa langue fourchue.

        C'était effectivement le serpent qui l'avait sortie de sa torpeur, avec son doux sifflement et le bruit de ses écailles frottant tantôt sur les dalles de pierre tantôt sur les larges racines des arbres. La shandienne et lui s'étaient toujours très ben entendu, et il était vrai que la jeune femme avait une relation privilégiée avec lui, comparée à celle qu'elle entretenait avec ses frères et sœurs. Blue était différent, il était plus sensible, plus amical et aussi plus joueur, ce qui amusait beaucoup Seewish lorsqu'elle leur rendait visite, à eux et à grand-mère Mangrove.

        Sedna tenta de se redresser mais elle arrivait vraiment à bout de force. Le serpent s'approcha doucement d'elle, flottant dans le ciel grâce à ses puissantes ailes, et lui offrit un appui pour son bras valide, tout en soutenant son dos avec le bout de sa queue. Il n'était pas très long, mesurant un peu plus d'un mètre, mais il était déjà robuste et grâce à son aide, la shandienne put fouler à nouveau le sol de ses pieds, au lieu d'y laisser traîner son postérieur. C'était bien plus gratifiant, et grâce à l'aide providentielle de Blue, elle arriva même à rejoindre son waver. Son ami ne la lâcha pas pour autant  et se posa dans le waver, derrière elle, droit comme un i, lui offrant ainsi un dossier bienvenue.

        Des bruits retentirent un peu plus loin dans la forêt, signe, peut être, que ses poursuivants se raprochaient. Il ne lui restait plus qu'à foncer vers l'entrée des labyrinthes puis à se cacher dans quelques recoins. On ne la retrouverait pas car personne ne s'y aventurait. Les gens avaient peur de s'y perdre, ou de ce qu’ils pourraient y trouver, et c'était de plus le terrain de jeu privilégié des quatre serpents qui gardaient le ponéglyphe. Pas question de faire de mauvaises rencontres en s'y aventurant, ça non. Sedna se doutait pourtant que cela ne rebuterait pas Manguelita, qui la rechercherait, où qu’elle soit. Qu'à cela ne tienne, elle connaissait les couloirs qui parcouraient le sous sol de la ville mieux que la cheffesse de la PESTE, et elle comptait bien utiliser cette connaissance à son avantage, aussi se posa-t'elle dans un couloir éloigné de l'entrée qu'elle avait empruntée et proposant idéalement trois solutions différentes de suite si jamais quelqu'un venait à la retrouver. De plus, dans cette portion du labyrinthe, les bruits se répercutaient particulièrement bien, ce qui signifiait que si quiconque approchait, elle l'entendrait.

        Elle se coucha satisfaite de son choix et remercia encore une fois Blue qui s'éloigna tranquillement dans un boyau obscure alors que ses paupières se fermaient à nouveau. Cette fois néanmoins ce n'était pas un évanouissement, mais bien du sommeil. Et ça faisait toute la différence.
          Sedna se réveilla en sursaut. Le bruit de pas provenant du boyau à gauche d'elle était porté par l’acoustique particulière de cette partie des labyrinthes. Elle se sentait un peu mieux maintenant qu'elle avait pu dormir mais avait faim, et n'avait malheureusement rien à manger. Elle se rendit également compte qu'elle avait froid, ce qui était logique à dormir à même la roche, dans l'obscurité et l'humidité des couloirs où elle se cachait. Bref, du mieux et du moins bien. Elle se leva difficilement et prit en main son boomerang. Armée, elle se sentait maintenant capable de faire face à un potentiel adversaire. Aux aguets, elle ne respira plus, se concentra uniquement sur les sons qui se rapprochaient.

          Des bruits de pas, oui, mais aussi un frottement dans l'air... Sedna redressa la tête et sourit, en lachant son boomerang qui tomba à même le sol. Le bruit de la chute de l'objet se répercuta dans les souterrains mais la jeune femme n'en avait rien à faire. Dans l'obscurité, elle percevait très clairement le visage amical de Mangrove, et l'adorable gueule de Blue. Ce dernier était parti chercher la petit vieille, pour qu'elle vienne prendre soin d'elle. Le serpent était très intelligent, surtout pour son âge. La shandienne ne pouvait s'empêcher d'être impressionnée.

          Ma petite ! Tu es là ! Et vivante en plus de ça... Mangue est passée me voir y'a quelques heures. Elle était furieuse et m'a raconté la petite incartade que vous avez eu. Elle a retourné le coin du labyrinthe où se trouve le ponéglyphe, persuadée que tu étais venue te réfugier chez moi. La grand-mère secoua la tête en soupirant. Ce pays devient fou, tout comme l'est ma petite fille. Dis-moi, as-tu obtenu un bon prix pour ce bois et ce métal que tu as vendu ? Demanda-t'elle avec des yeux brillants.

          Sedna hocha la tête. L'émotion la submergeait. Mangrove ne la jugeait pas pour ce vol. elle continuait à la soutenir, comme l'avait fait Blue...

          Ah ! Je serais plus jeune que je viendrai avec toi ! Tu as eu bien raison de piquer un peu de matériaux. Je trouve que les gens sont bien trop attachés au bois et j'ai peur que le braconnage recommence... On n'a pas besoin de tout ça pour vivre ! La forêt nous offre déjà tellement... Et puis Mangue n'a pas une bonne influence sur la PESTE, j'ai peur de voir la voir se tourner en chef de mafia un de ces quatre... Bref, peu importe pour le moment. Tu as réfléchi à comment tu allais pouvoir t'échapper ?

          Je ne sais pas... souffla la shandienne en fermant ses paupières et en se massant les yeux de sa main valide. Je sais que je ne peux plus fuir m'en aller avec les bateaux qui descendent sur les Mers Bleues, puisque Mangue les surveillera... Je t'avoues que j'avais pas réfléchi plus loin pour le moment, ce qui est idiot...

          Ce n'est pas grave ma petite, tu as du temps, et de l'argent. Tu vas pouvoir te reposer ici et reprendre des forces. D'ailleurs, tu es bien plus amochée que ce à quoi je m'étais attendue. J'aurais du ramener plus de baume, déclara-t'elle en détachant du dos de Blue un paquet. Le serpent alla se lover à côté de Sedna qui lui sourit et caressant distraitement ses douces écailles.

          Tu sais grand-mère, je ne veux pas que tu prennes de risques pour moi...


          Mangrove chassa les protestations de la jeune femme du geste de la main puis ouvrit un petit pot contenant une mixture verte peu ragoutante, qu'elle étala délicatement sur les nombreuses coupures et égratignures de Seewish. Le baume pénétrait déjà sa peau, la soulageant. Elle poussa un soupire d'aise et s'adossant plus confortablement contre le mur en laissant la petite vieille panser ses blessures les unes après les autres. Une fois quasiment recouverte de bandages, elle ressemblait plus à une momie qu'à un être humain, mais qu'à cela ne tienne, elle aurait au moins la chance de guérir plus vite, surtout que les remède de Mangrove étaient les plus efficaces de la ville. Elle avait de solides connaissances en ce qui concernait pas forêt et ses plantes et même le shaman de la tribu allait parfois lui demander des conseils. Sedna n'aurait pas pu avoir un meilleur guérisseur. Elle remercia sa bienfaitrice alors qu'elle sortait du sac une grosse miche de pain et des petits gateaux de citrouille.

          Oh ! Ce sont mes préférés !

          Oui, je le sais, répondit la vieille avec un sourire malicieux.

          Elles engloutirent toutes les deux une quantité irraisonnable de nourriture puis Mangrove partit en lui promettant de revenir le lendemain. La shandienne n'eut même pas le courage de la regarder s'éloigner, et s'endormit avant que la grand-mère ait pu faire trois pas. Le doux sifflement de Blue, son ventre plein, et la fraîcheur du cataplasme sur ses plaies l'achevèrent rapidement alors qu'elle sombrait dans un sommeil réparateur, sans rêves.
            Les jours s'écoulèrent, similaires, sans que Sedna pu en tenir le compte. Elle était depuis si longtemps dans le labyrinthe, lui semblait-il, qu'elle avait quelque peu perdu ses repères. Mangrove ne pouvait plus venir régulièrement, car elle était surveillée étroitement par des gardes, que Mangue avait posté près du ponéglyphe, au cas où la brune serait assez idiote pour s'y rendre. C'était la plupart du temps Blue qui allait chercher des provisions et les lui ramenait. A chaque fois il y avait une lettre de la grand-mère, qui lui relatait les événements à la surface. Elle lui donnait aussi des bougies de cire, qui permettaient à la jeune femme de lire à la fois sa correspondance et ses carnets de voyage.

            Si Seewish se sentait mieux, elle n'avait toujours pas trouvé de solution pour descendre sur les Mers Bleues. C'était frustrant, bien évidement, mais d'un autre côté la jeune femme adorait le temps qu'elle passait à lire et elle recouvrait ses forces d'heures en heures, grâce aux nombreuses siestes qu'elle faisait. Si elle était restée longtemps recouvertes de bandages, ce n'était désormais plus du tout le cas, et de rares pansements émaillaient à présent sa peau. Son épaule s'était aussi bien remises, et ne la faisait quasiment plus souffrir bien qu'elle évita méticuleusement de la mettre à l'épreuve.

            Blue lui tenait toujours compagnie, et semblait s'être quelque peu éloigné de sa fratrie. Sedna appréciait sa compagnie mais elle se faisait du soucis pour lui, car quand elle partirait, il se retrouvait sans doute un peu seul. Elle ne parvenait néanmoins pas à le chasser, et se sentait un peu égoïste de profiter ainsi de sa présence tout en sachant qu'elle finirait par le faire souffrir. Ce n'était pas un simple animal mais bel et bien un ami. Le serpent était doué d'une intelligence phénoménale, était fort et avait des qualités comme des défauts, signe d'une vraie personnalité. Mais il était aussi très jeune, et c'était la raison pour laquelle la jeune femme répugnait à envisager de l'emmener avec elle. Elle avait beaucoup lu sur les aventures qui l'attendaient mais elle se doutait bien que les récits racontaient sur ces carnets de bord étaient un tantinet romancés, et que la réalité serait sans doute un peu plus rude. Et il y avait aussi ce point commun entre tous les livrets : le danger relaté.

            La shandienne détourna les yeux du tas d'écailles enroulé à sa droite pour se tourner vers le nouveau paquet que lui avait envoyé Mangrove. Des fruits et des légumes, afin qu'elle puisse faire le plein de vitamines même en restant à l'ombre, une nouvelle bougie, un peu de viande bien cuite, des galettes de maïs, une lettre... Un gros gâteau à la citrouille ! Sedna sourit devant la générosité de Mangrove et mordit dans la sucrerie tout en décachetant sa lettre.

            Ma chère petite,

            J'espère que tu vas mieux, et je suis désolée ne pas avoir pu venir te voir ces derniers jours. Il me semble que Manguelita est de plus en plus énervée de ne pas te trouver et de ne pas avoir la moindre piste. Elle n'a toujours pas trouvé l'entrée du labyrinthe que tu as emprunté, et j'ai envoyé Alpha remettre quelques branchages dessus, pour mieux la dissimuler. Il n'a apparemment croisé personne là-bas mais reste tout de même sur tes gardes.



            La jeune femme acquiesça à ce conseil, qui était, elle le savait, précieux. Il était vrai qu'elle avait eu tendance à relâcher sa vigilance ces derniers jours. A l'exception de Blue, de son frère et de ses sœurs et de Mangrove, personne n'avait troublé le silence qui régnait dans cette partie du labyrinthe, mais ce n'était pas pou cette raison que cela n'arriverait jamais. Elle poursuivit la lecture de la courte missive.

            As-tu trouvé un moyen de descendre ? J'ai fait quelques recherches de mon côté mais c'est pas très facile, comme je suis surveillée. Si ma petite fille apprenait cela, je crois que je pourrai même plus t'envoyer de colis.

            Je t’envoie tout mon amour,

            Mangrove



            Comme toujours, la vieille dame ne lui parlait pas de ce qui pourrait l'affecter. De ses parents et de ses grand-parents elle n'avait eu aucune nouvelle, mais elle ne cherchait pas non plus à en avoir. Ils devaient être déçus, et ne pas comprendre son geste, mais aussi être inquiets, puisque la jeune femme ne refaisait pas surface. Ce n'avait pas été le but de son vol, mais Sedna était consciente de la peine qu'elle leur avait causé. Elle ne prit pas tout de suite sa plume pour répondre à Mangrove. Elle avait un peu honte de ne toujours pas avoir de solutions pour descendre et elle savait ce que risquait la vieille si jamais on découvrait qu'elle l'avait aidé à se cacher. Même si elle était ici bien protégée, il y avait toujours un risque et la lettre le lui avait rappelé. Il était urgent de trouver une bonne idée et d'enfin s'en aller. Vivre dans les rêves des carnets ne lui suffisait pas.
              La forêt s'étendait partout autour d'elle. Les arbres étaient gigantesques, bien plus grand que ce à quoi elle s'était attendue. Attendue ? Mh, ça semblait bizarre... Suspicieuse, Sedna leva les yeux vers le ciel mais il n'y avait aucun trou bleu pour percer l'épais feuillage des végétaux. Les feuilles se joignaient en un épais plafond impénétrable. Malgré cela, les environs étaient aussi clairs que par une belle journée ensoleillée, et une douce fraîcheur l'environnait. La jeune femme marcha un peu dans cette environnement étrange. Il aurait du faire bien plus sombre que cela, elle le savait. Quelque chose clochait, et elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Elle leva le pied un peu plus haut pour éviter de se rétamer sur une grosse racine lorsqu'elle entendit un bruissement derrière elle.

              En se retournant, elle découvrit un gigantesque South Bird, avec ses chatoyantes couleurs verte, jaune, orange et mauve. Son bec semblait être fondu dans l'or. Sedna avait déjà fait sa rencontre. Son totem l'avait déjà visité comme il le faisait aujourd'hui, dans un rêve. Un songe qui s'était révélé perturbant, d'autant plus qu'une des grandes plumes violettes de l'oiseau avait atterri sous son oreiller. La dernière fois, son guide l'avait enguirlandé, lui reprochant de ne pas suivre ses rêves. La jeune femme s'était énervée, elle n'avait pas pu lui dire le contraire, il était vrai qu'elle ne réalisait pas ses ambitions, mais elle détestait avoir tord. Fierté, chère fierté... Depuis, la shandienne avait su mettre un peu de cet orgueil de côté et reconnaître que son totem n'avait pas tord.

              Nombril, murmura Seewish dans son rêve.

              Une voix riche et grave emplit la forêt, la même qu'elle avait déjà entendu. Un pouvoir se rependit dans la forêt, sous la forme d'ondes sonores et la jeune femme ne put s'empêcher de trembler.

              Nombril, Sedna.

              La brune resta suspendue au bec du totem, attendant la suite. Elle ne savait que dire ou comment réagir, et se trouvait un peu timide face à ce majestueux animal, ce qui ne lui arrivait que très rarement. Le South Bird la scrutait avec insistance, ne bougeant pas d'un pouce. La situation commençait à devenir génante lorsqu'il se remit à parler.

              Que fais-tu encore sur cette île ?

              La jeune femme resta un instant bête, sans pouvoir répondre avant de vite se reprendre.

              Je... Je n'arrive pas à trouver un moyen de descendre...

              L'oiseau soupira (autant qu'un oiseau pouvait sembler soupirer en tout cas).

              Je pensais te l'avoir montré lors de notre précédente rencontres

              Sedna se rappela de la douce épopée qu'elle avait vécu la dernière fois. Elle était grimpée sur le dos de son totem et ils s'étaient tous les deux élevés dans le ciel avant de descendre vers les Mers Bleues, qu'il n'avait cependant pas voulu lui montrer, conservant une fine couche de nuages en elle et son rêve.

              Je ne crois pas qu'un South Bird de taille normale pourrait supporter le poids d'un humain, répondit-elle avec un éclat de malice.

              Et tu as bien raison.

              Pourrais-je avoir un autre indice s'il vous plait ?

              L'oiseau la jaugea quelques secondes avant de répondre.

              Bien. Tu pourrais avoir besoin d'un autre être vivant, mais ne néglige pas les outils inventés et découverts par ton espèce, beaucoup pourraient t'être utiles.

              La shandienne médita un instant ces quelques mots puis remercia son guide. Elle savait d'or et déjà qu'elle n'obtiendrait pas d'informations plus précises. Le totem s'envola, la laissant seule avec ses pensées et toute absorbée qu'elle était, dans son rêve.




              En se réveillant ce matin là elle était sûre d'elle. Elle avait trouvé la réponse à ses questions, grâce à son totem, elle n'avait plus peur. Elle se mit à écrire frénétiquement une lettre pour Mangrove.