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Rêvons un peu, camarade.

Si vous êtes content de vivre et mourir, c'est que vous n'avez pas vécu à Manshon. C'est le genre de phrase que l'on peut souvent entendre dans les ruelles de cette ville mystifiée. Certains s'en amusent en guise d'humour, parce qu'il n'y a que ça pour contrebalancer avec la déchéance et il faut aussi rire, vous voyez. De l'extérieur, que voient vraiment les gens lorsqu'on leur parle de la ville mafieuse ? Un enfer régi par la mafia ? Des habitants qui ne font rien pour renverser la plèbe ? Une marine vendue ? Que ce soit des visions extrémes sans nuances, ou des paroles mesurées, toutes les pensées se rejoignent sur une idée : la vie est merdique à Manshon. Une si grande merde, tellement grande que, imaginez une ville moyenne, en-dessous, il y a des bidons-villes et 15m de merde plus profond, il y a Manshon. C'est ça, le quotidien de la cité emprisonnée dans sa propre incompétence, une justice crasse et moisie, et des cœurs enfermés. Léon arrive parfois à se souvenir du surnom que l'on donne à Manshon : «  La terre sainte ». Les vestiges d'un passé glorieux ? Un lointain et immémorable passé, très passé dans ce cas, parce que personne n'arrive à se le projeter tellement leur vie actuelle les paralyse.

C'est dans ce paysage dramatique que Léon se dirigeait vers ce qui restait du port, après les nombreux combats l'ayant complètement ruiné, on pouvait encore apercevoir des bouts de bois brisé au sol, et ce, même une année après le début de la reconstruction. La veille, il avait été commissionné par son patron pour réceptionner la livraison, qui, d'après Le Vieux, contenait du bois, des matériaux de construction, de papiers et autres outils nécessaires pour créer et bâtir. Le tout devant être amené assez tôt dans la journée, après le matin, mais avant le midi.  Un horaire assurément imprécis amenant Léon à soupirer sur le port en attendant le bateau. Vous savez ce que Lawliet raconte aux autres villes quand il est en déplacement ? « Manhson est un diamant pourri ».

Parce que même dans les contrées les plus nauséabondes, le jeune architecte ne laissait pas son optimisme perdre sa foi, il arrivait à déceler ce qu'on œil humain pessimiste jetait avec mépris. Eux, sur ce port, ils voyaient un pêcheur qui se dépêchait de partir parce que la vie mouvementée de la transaction allait bientôt commencer. Eux, sur ce port, ils voyaient une femme sur le point d'être amenée dans une ruelle pour se faire violer. Eux, sur ce port, ils voyaient des mafieux extorquer de l'argent aux magasins en gage de sécurité. Eux, sur ce port, ils voyaient un groupe de jeunes adultes se mettre à plusieurs sur ce même mafieux pour le battre, situation de guerre civile oblige.
Eux, sur ce port, ils fermaient les yeux.

Vêtu de son arsenal habituel mais néanmoins élégant et discret pour la ville, à savoir une chemise blanchâtre accompagnée d'un pantalon et costume noirs, Léon regardait avec amour la mer calme et douce. Accompagné d'une mallette contenant l'argent destiné au livreur, il observait son décor, en attendant de voir le temps passer doucement et lentement... Le levé de la journée à Manshon était tout le temps mouvementé, ça commençait d'abord par un brouhaha ronronnant, vous caressant les tympans avec miséricorde et bénédiction, puis s'enchaînait avec un vacarme criard et rugissant. La mer, elle, elle ne changeait pas comme les humains, au moins.

Les yeux noir jais de Léon se posèrent sur l'océan comme la main d'un amant sur l'épaule de sa maîtresse, avec douceur et admiration, et nonchalance. Lawliet n'était peut-être pas riche, ni spécialement pauvre, sa vie ne faisait peut-être pas rêver des nobles mais la richesse de son cœur était autre. Elle lui permettait de voir et d'appréhender des scènes et tableaux qu'aucun autre n'arrivait à réaliser, elle ne faisait pas la différence entre le mal couard et le bien, sinon d'essayer de la comprendre dans sa forme la plus pure. Les formes sinueuses de la mer jalonnèrent le port, côtoyèrent les bateaux en les amenant doucement vers la ville, puis s'en allèrent pour répéter encore et toujours le même spectacle, un immense bleu monotone qui s'enchaînait faisait vivre le port, le commerce, les arnaques et les échanges. Parfois, il lui arrivait d'être teintée de rouge, avec un bruit d'un objet lourd tombant dedans...

Une autre chose se passait à Manshon. Lorsque la vie active de la ville commençait, personne n'avait le temps de se perdre dans ses pensées, parce que vous pouviez soit perdre votre bien sur le moment, ou votre vie, ou les deux. Le vent frais et lourd fit tomber le rideau sur les yeux de l'architecte, qui commença à bailler pour mettre en actions toutes les parties de son corps, comme s'il était tétanisé et que les engranges avaient besoin d'énergie propulsant le mécanisme en chair et en sang. En boutonnant le costume, il s'actionna machinalement pour se diriger vers le capitaine du bateau qui semblait chercher quelqu'un de l’œil, c'était peut-être Léon, son client. Les cheveux longs du jeune se balancèrent comme la tige fragile d'une fleur naissante, elle venait caresser les joues blanchâtres et coupait la fumée opaque sortant de sa bouche. Il faisait assurément froid à Manshon, et on pouvait se servir du jeune ingénieur comme témoin visuel pour le prouver, en pointant ses mains et jambes tremblantes...

Du haut de son vieux rafiot qu'un jeune marin avait aidé à amarrer, le capitaine se redressait et fit appel au commercial tendrement logé à l'intérieur de sortir. Un homme d'un âge moyen dessina sa silhouette dans l'espace et ordonna au capitaine d'un mouvement de la tête énervé de mettre un truc pour qu'il puisse descendre de là où il était. On imaginait mieux comme vendeur, pas un homme avec les cheveux blancs et une barbe de trois jours lui grattant affreusement le visage, puisque sa main gauche pour le soulager ne s'en éloignait jamais. En essayant de se couvrir le torse avec son manteau gris épais, il sortit des papiers comme pour compter l'argent qu'il allait amasser dans la journée, et combien il allait perdre en se faisant voler par la mafia, et combien il allait avoir des faux billets.

Monsieur ? C'est vous avec la marchandise pour l'Eterna ? [i]Fit Léon, en interpellant avec une vive voix l'homme pestant contre tout, le vent, le froid, cette ville, et contre ce jeune con qui l’appelait Monsieur. Il n'était pas si vieux que ça, selon sa propre opinion, même si sa peau légèrement fripée et ses yeux cernés disaient le contraire.


Dernière édition par Léon L. Lawliet le Mer 28 Déc 2016 - 1:03, édité 2 fois
    Que de temps perdu dans South Blue, et que de rencontres inopinées qui l’avaient retardé dans sa fuite en avant. Il devait pourtant avouer que chaque île qu’il avait pu connaître était intéressante, à sa manière. S’il avait réussi à s’éloigner de son point de départ de pas mal de miles, il était presque sur que ce n’était pas suffisant. Ce n’était jamais … jamais suffisant. A peine avait-il humé l’air de l’île qu’il se rendit compte que quelque chose le gênait. Et pas qu’un peu. L’ambiance. L’aura de cette île. Il devait y avoir une méprise… Lorsqu’il avait embarqué c’était certes pour connaître un autre Blue, mais aussi pour changer d’air et ce n’était clairement pas le cas. Il avait rarement connu une telle sensation en débarquant.

    Et pourtant, il avait connu l’Amerzone, île-bayou sur laquelle la population était plus simiesque qu’humaine. Là bas, il était tombé dans des guets-apens, il avait recraché l’horrible goute qu’on lui avait imposé au bar, il avait esquivé les filles de – mauvaise – joie, et surtout, surtout, il avait réussi à mettre quelques lieues entre lui et ses poursuivants. Car il était clair que ces derniers étaient toujours derrière lui, il en va sans dire. Et si ce n’était pas dans la réalité, c’était au moins dans son esprit.

    Depuis, il avait décidé que South Blue était trop dangereuse pour lui. Entre les – hypothétiques – chasseurs de primes, et les hommes de mains de son ancien employeur – parfois imaginaires, parfois moins – le Serpent avait décidé de changer d’air. Et quitte à tout envoyer balader, autant le faire avec classe et panache, en changeant carrément de Blue. Emmitouflé dans sa veste en cuir il avait payé un billet avec ses derniers deniers pour traverser la flaque.

    La flaque était une mer aussi cachée qu’empruntée, qui permettait de rejoindre n’importe quel point du globe, tout en faisant profil bas. Peu ou pas de marins sur ses flots, et cela avait autant d’avantages que d’inconvénients. Evidemment, qui dit pas de marine, dit peu de contrôles, mais aussi plus de danger. Ce dernier n’était pas un problème pour le déserteur. Lors de la traversée, trois marins avaient essayé de le faire chanter. Soit il se délestait de son attirail, soit il finissait ce voyage, à la nage. La réplique, comme vous vous en doutez, n’avait pas été longue à attendre, et les trois malheureux avaient connu un triste sort. Sans même avoir à dégainer, il les avait rossés comme il se doit, avant de livrer leurs corps aux flots noirs qu’il traversait.

    Quelques jours de traversée plus tard, il avait enfin pu poser le pied sur la terre ferme, mais pas sur celle qu’il avait espéré. Point de Luvneelgrad sous ses yeux. Au contraire, son regard se portait sur le dernier endroit au monde qu’il espérait visiter. L’île de Barnanos, ou plus précisément, la ville de Manshon que sa réputation précédait, et … pas qu’un peu. La tristement célèbre Impasse des pendus. La révolution du chrysanthème, tuée dans l’œuf… Et évidemment les Sept familles qui dirigeaient l’île de main de maître. Joseph avait souvent entendu parler de ces dernières lorsqu’il était encore homme de main du vil M. Hitchcock. Il les citait comme un exemple de la supériorité de l’esprit « débrouillard » sur celle d’une organisation telle que la marine. En parlant de son ancien employeur, le bon Snake se demandait s’il n’avait pas un ou plusieurs contacts sur cet îlot. Il fallait donc faire profil bas, encore, et éviter d’attirer trop les projecteurs sur lui, comme il avait pu faire sur l’île du Karaté, ou bien à l’Amerzone. En gros, éviter les rixes – souvent avinées et dans des bars – et se comporter comme un bon petit marin. Cela impliquait donc de ne pas cogner sur le capitaine qui l’avait débarqué comme un mal propre en ces lieux.

    Pour ce faire il n’y avait pas foule de possibilités, il allait essayer de se faire embaucher sur les docks. Dans un premier temps, ceci allait lui permettre de se fondre dans le décor. De plus, il pourrait amasser quelques piécettes pour se payer un billet sans retour pour quitter cet endroit sordide. Ajustant son cache œil, et replaçant son sabre sous son par-dessus – après tout, il n’y avait aucun besoin d’attirer l’attention tout de suite – il se dirigea vers les dockers les plus proches. Alors qu’il les interpellait une voix, plus puissante que les autres, s’élevait distinctement entre le bruit des flots.

    « Vous n'avez pas la somme pour acheter tout ça, bordel ! » tonnait-elle.

    Le Serpent plissa son œil faussement unique et s’épousseta. Si les discussions entre vendeurs et acheteurs étaient nombreuses sur les quais, il était cependant rare qu’on hausse le ton de la sorte. Se retournant il discerna le capitaine qui l’avait « gracieusement » emmené jusqu’ici – sans se soucier qu’il ne s’agissait aucunement de sa destination – qui discutait … avec un autre gusse, plus jeune. Esquissant un sourire à moitié caché dans sa barbe mal taillée, le Serpent s’approcha du duo, les mains dans les poches. Il s’attendait à un peu de spectacle et trouver du boulot pourrait bien un peu attendre !
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    « Vous n'avez pas la somme pour acheter tout ça, bordel ! »

    « Pardon ? » Fit Léon, surpris, lorsque le marchand vérifia la présence de la somme initialement prévue en regardant dans la mallette. Toute la paperasse avait été étudiée et signée entre les deux camps, il ne restait plus qu'à payer pour repartir tranquillement et terminer une transaction dans les meilleures conditions, sans bavures, et ainsi ne pas respecter les traditions malsaines et violentes de Manshon.

    « Je comprends pas, c'est la somme que nous avions prévue pour acheter tout le lot, non ? »

    « 2 millions ? Tu te tiens pas au courant du marché, gamin ! Ca, c'était ce qu'on avait prévu il y a une semaine avec votre comptable, depuis, le marché a changé » gueula-t-il violemment sur le port où un véritable marché s'était installé, sorti de nulle part, si ce n'est la masse grouillante présente. Léon scruta rapidement les alentours afin de vérifier s'ils étaient au coeur des regards, il voulait à tout prix éviter que ça se transforme en scène pour le public, car ça se terminait toujours en bagarre dans ces moments-là. Du coin de l'oeil, il vit simplement un homme vêtu sombrement les observer, mais dans l'immédiat, il devait s'occuper d'un autre problème pressement urgent.

     « Au point de demander 1M de plus ? »

    « Si tu n'achètes pas, je pourrais les refourguer à quelqu'un d'autre. Maintenant, si tu les veux, ramène-moi la somme que je veux ! » Fit-il d'une voix élevée en jetant la mallette fermée contre le torse de Léon, qui recula d'un pas avec le léger choc. Léon savait que le marché n'avait pas changé depuis hier, où il avait fait une autre affaire, et encore moins dans la nuit calme et inactive. Ce n'était pas la première fois que l'Eterna Construction faisait appel à cet homme, surnommé Kulak « Le fourre-tout », parce que peu importe les demandes et les commandes, il pouvait amener les matériels une semaine plus tard, emballés, sur le port. C'était peut-être la seule raison valable pour laquelle ils faisaient affaire avec lui d'ailleurs , car les problèmes de transactions avec lui ne terminaient jamais, toujours une coquille quelque part, que ce soit sur la quantité livrée ou la date de livraison repoussée. De ce fait, même avec ces quelques points noirs présent sur le tableau, L'Eterna ne pouvait pas, ou plutôt, ne voulait pas se passer des services illégaux de Kulak. Et il le savait. S'il se comportait de manière aussi audacieuse, hautaine et dédaigneuse, c'est qu'il savait qu'il était indispensable à l'entreprise, qu'il pouvait demander 1M de plus voire encore plus si sa situation économique tombante l'exigeait. Il devait le savoir, car dans le contraire, il aurait fallu être suicidaire pour menacer quelqu'un sur Manshon. Cette fois-ci, cette situation, parmi toutes les fois, était différente. Léon ne pouvait se permettre d'accumuler du retard dans son chantier, c'était une commande faite par un riche notable ayant du poids dans le monde de la construction. Un seul mot de sa part pouvait faire changer l'opinion du peuple vis à vis de l'entreprise, et un excès de coût de fabrication serait encore moins pardonné... Il fallait les matériaux à Léon maintenant et pas demain, ni la semaine prochaine, et ce, pour 2 millions de berries.

    « Monsieur, voyons... » Léon se rauqua légèrement la voix afin qu'elle soit la plus tonnante, porteuse et convaincante possible, il ne voulait pas dépenser une seule pièce supplémentaire, et il fallait convaincre l'autre de ce fait... « Combien de fois avons-nous fait affaire avec vous ? Une cinquante de fois, si ma mémoire ne flanche pas, et si la mienne le fait, je suis sûr que la vôtre se rappelle du nombre exact, avec les heures exactes et les sommes dépensées, ah ah ! » S'exclama-t-il de sa voix la plus chaleureuse et heureuse, et toute aussi flatteuse. Lors d'un débat, il fallait mettre son interlocuteur en situation de force pour qu'il laisse apparaître quelques brèches d'attaques, et ça, Léon l'avait très bien appris à ses dépens à Manshon. Il n'était pas spécialement un tueur comme les autres mafieux, mais il avait plus de talent qu'eux pour convaincre quelqu'un, et il en usait à souhait pour arriver à ses fins.

    « Allons, allons... Je sens que la navigation vous a un peu mis à nerf aujourd'hui, et je vais vous payer la somme que vous demandez, alors détendez-vous, je ne voudrais pas perdre mon fournisseur, mais encore plus, un ami ! Détendons-nous tous les deux, et laissez-moi vous raconter une petite histoire pour ça... 

    Vous connaissez Hassan, Sage et Stratège ? Le Sage Hassan était un homme vivant au sommet d'une montagne reculée, dans une demeure modeste mais appartenant toujours à un royaume. Sa parole faisait s'écrouler des monarchies, elle faisait tomber des états, elle semait la violence et la mort quand il le fallait. Le roi de son époque envoya alors ses assassins à ses trousses, il ne voulait pas subir l'attaque de ses propres citoyens, il voulait sa tête pour continuer à oppresser le peuple à souhait, leur demander des taxes pharamineuses, du travail forcé. De l'eau coula sous les ponts, du temps passa, et un jour, l'émissaire du Sage frappa à la porte du Roi et dit : « J'ai quelque chose à dire au Roi ».

    Le roi, bienveillant à des égards accueilli l'homme et dit : « Je t'écoute ». L'émissaire ne voulait pas parler avec la cour autour de lui, alors le Roi vida la salle. L'émissaire ne voulait toujours pas s'exclamer, il restait les gardes, le Roi, de plus en plus intrigué, leur demanda de partir. L'émissaire regarda alors les deux gardes restants au près du Roi, ses meilleurs hommes : « Eux aussi », demanda-t-il. Le roi ne voulut pas : « Impossible, je ne peux pas les renvoyer eux. Ils sont comme mes fils, ils ont toute ma confiance, ils connaissent mes secret, je placerai ma vie entre leurs mains, ils sont moi, on est 3 pour un seul homme. Si tu as un truc à dire, dis-le ou pars !». Suite à ça, l'émissaire regarda le Roi, les deux gardes et leur demanda : « Si je vous demande de dégainer vos sabres et de couper la tête de votre Roi, que ferez-vous ? » . Les deux hommes n'hésitèrent pas un seul instant : « A vos ordres, monsieur ». Suite à ça, l'émissaire s'en alla sans même regarder derrière lui. »


    «  Bien... Monsieur Kulak, selon vous, qui suis-je dans cette histoire ? » enchaina-t-il le plus rapidement possible sans laisser à l'homme devant lui le temps de réfléchir promptement et d'en saisir le message derrière. Léon devait être celui à lui dire le réel but, sinon, rien n'allait pouvoir fonctionner et la magie du chantage s'envolerait...

    « Tu... Tu es le Stratège Hassan ? » fit le marchant d'une voix sèche et tremblante, comme si sa gorge n'était pas assez hydratée et qu'il cherchait ses mots pour économiser de la salive.

    « Non non non, monsieur... Fit-il d'un sourire amusé, avec des yeux joviaux.
    « Moi, je suis l'émissaire. Et toi, le Roi »,
    s'exclama Léon, avec une voix caverneuse, et des yeux noirs intimidants et sauvages, vous transperçant de peur. Toujours avec un léger sourire sur les lèvres, Léon se déplaça de quelques pas vers son interlocuteur, réduisant ainsi la distance à un rien, leurs chaussures de villes pouvaient se toucher, leurs vêtements se frottaient. Kulak le marchand n'était pas foncièrement idiot, alors la peur le saisit violemment sur tout son corps, des sueurs froides suintèrent sur sa peau, à travers ses poils hérissés. S'il avait pu s'en échapper, il l'aurait fait, s'il avait pu appeler quelqu'un pour l'aider, il l'aurait fait, mais la tête de Léon cacha le sien aux autres, ses gestuelles devinrent camouflées par le corps de l'architecte, mais surtout, dans le climat de terreur, personne ne se soucierait d'un homme qui se faisait menacer, personne n'était mort.

    « Tu as sans doute du poids dans ton milieu, mais ici, à Manshon, tu ne vaux rien, c'est moi, membre haut placé de la famille Tempiesta, Grigo, qui fais la loi. Léon s'approcha de plus en plus du visage de son opposant, jusqu'à ce que sa bouche soit au niveau de son oreille, la main posée sur son épaule, donnant l'image de deux amis qui se confessent, se parlant intiment après une longue durée sans s'être vus. Le mensonge était nécessaire, et il allait fonctionner. Ils s'étaient certes vus pendant de très nombreuses transactions, ils connaissaient leur nom mutuellement, mais le monde fonctionne différemment dans cette cité profonde et vicieuse. Si le marchand avait répliqué avec refus en disant qu'il n'était rien dans la ville, il lui aurait suffit de montrer un pistolet, une fausse enseigne, saluer quelqu'un de la Tempiesta pour que ça fonctionne, car il lui aurait dit que personne ne possède pas qu'une seule identité ici, car il lui aurait dit qu'il travaillait en tant qu'architecte pour développer les infrastructures de sa famille. Un mensonge ne naquit jamais seul, il a toujours accompagné d'un autre, un frère. Tout ça, il n'avait pas à le faire, la simplicité d'esprit de son prétendu ami avait faire l'affaire pour que le premier mensonge fonctionne.

    « Tu connais toi aussi la situation dans laquelle la ville se trouve, un corps de plus dans les rues ne dérangerait personne, vois-tu... Il suffit un seul mot de mon chef pour que toi et ton misérable marché disparaissiez, et personne ne viendrait nous accuser, ton tueur serait... Celui à qui on aura donné un pistolet et un ordre, voyons... Ton bras-droit, peut-être ? Un de tes ouvriers ? » . Chaque mot, chaque syllabe, chaque lettre avait un impact différent sur le corps du pauvre commercial, il passait de sentiment en sentiment, son corps lui criait de partir d'ici, de sauter dans la mer, de courir, de voler, se volatiliser, effacer son existence, se liquéfier, peu importe l'action mise en place, mais de partir ici. Léon s'éloigna doucement et machinalement de son supposé ami et le regarda une dernière fois avec ses yeux profondément ténébreux, avant de faire un sourire radieux.

    « Alors, monsieur Kulak, on est d'accord ? On continue nos affaires avec les 2 millions puisque vous me faites une petite réduction pour notre fidélité, si j'ai bien compris ? Vraiment, vous êtes trop bons, faisons toujours affaire et peut-être qu'un jour, on aura rien à payer, ah ah ah ah! Allez-y, montez là-haut et dites à vos ouvriers de descendre la marchandise, j'arrive dans quelques minutes ! » Sa voix était chaude et son attitude colorée de gestes chorégraphiés par ses mains comme si Léon souhaitait diriger un orchestre et manier son public à souhait. Et il l'avait réussi.

    Il allait continuer les affaires avec l'Eterna, sans aucun doute. La peur avait entrouvert la porte, elle était entrée dans sa maison et l'avait intégralement saisi. La menace était devenue une pratique bien courante à Manshon, pas seulement utilisée par la Mafia en réalité. Il suffisait qu'un citoyen assez intelligent use de son cerveau pour placer les mots « mafia » et « connaissance » dans la même phrase à un touriste ou habitant d'une autre ville assez simplet d'esprit pour obtenir ce qu'il souhaitait. Et miraculeusement, des protes s'ouvraient toute seule, et ne se fermait jamais. Jamais, jusqu'à ce que la Mafia continue d'exister et de plonger Manhson dans le chaos, lentement mais doucement... Léon détestait utiliser cette méthode, lui qui ne voulait pas voir la Mafia régner sur la ville, mais dans une ville où la crasse s'épaississait, une seule petite surface ne pouvait rester propre, devenant petit à petit pourrie et rangée par le mal.

    Toutefois, ça ne suffisait pas. Inconsciemment, Léon se trouvait influencé par sa double-personnalité, et il se montra rancunier pour le passé. Il voulait lui faire regretter ses actions et choix du passé, afin qu'il ne prenne plus l'Eterna Construction pour des enfants que l'on pouvait berner sous prétexte d'être indispensable. Alors qu'il se perdait dans ses pensées et les rouages d'un plan nébuleux, sans bouger, sa mallette posée à côté de sa jambe, ses yeux glissèrent sur le bois du port et s'arrêtèrent sur l'homme qu'il avait repéré plus tôt, quelques minutes auparavant. Peut-être un homme ayant besoin d'aide, et d'argent, peut-être, tout le monde dans cette ville avait besoin d'argent... Donc, un homme achetable ?


    Dernière édition par Léon L. Lawliet le Mer 28 Déc 2016 - 17:25, édité 1 fois
      Pendant que l’homme racontait son histoire, le Serpent tranquillement approché, sinon trop près, au moins à portée de voix. Aussi discret l’homme à la mallette pensait être, il en fallait plus pour détourner l’ouïe fine du déserteur. Alors que ce vil commercial lui renvoyait le paiement sur le torse, Joseph s’assit sur une caisse en bois, et posa son menton dans le creux de sa main. L’espace d’un instant il fut subjugué par cette joute verbale. Il n’était, d’habitude, pas très friand des envolées lyriques. A vrai dire il préférait quand ses poings racontaient les histoires à sa place, mais pour le coup, il voulait bien faire un effort, et tendre l’oreille.

      Déjà parce qu’il avait l’ignoble Kulak en horreur. Le temps de la traversée, il n’avait pas manqué de tenter de lui extorquer plusieurs fois le billet, lui signalant fort peu élégamment qu’il était seul sur un navire, et qu’il n’avait pas vraiment le choix, tout ceci avant l’intervention des trois marins qu’il avait rossé comme le commissaire par Guignol. Se doutant bien qu’il était de mèche avec ses subalternes, mais n’ayant pas plus de preuves, il s’était résigné à descendre dans ce malodorant port. Si le malheureux avait essayé de faire de même sur une plage éloignée, il l’aurait payé de sa vie (et probablement de son bateau), mais en pleine ville, il ne pouvait pas se permettre de massacrer tout un équipage. Même à Manshon. Surtout pas à Manshon.

      Mais la vengeance était belle, même quand elle se contentait de se gausser des malheurs des autres. C’était mesquin, mais plaisant, c’était peu de le dire. Il écouta donc l’histoire racontée par l’architecte. Il s’agissait d’une fable, qu’il avait déjà entendu quelque part. Ou du moins, une version proche d’une histoire similaire. Celle d’un homme si puissant que même les rois devaient plier sous ses demandes. Le maître charpentier se présentait sous le rôle du messager d’un tel homme. C’était habile. Il n’aurait pas pu prétendre être cet Hassan. Il n’en avait ni la grandeur, ni le charisme. Par contre, le porte-parole, sur de lui et du rayonnement de celui qu’il représentait … C’était habile.

      Le Serpent resta dubitatif, tout en sortant une cigarette de mauvaise facture d’un étui d’un noir oppressant, et se l’alluma, sans faire attention aux écriteaux qui l’interdisaient. Les règles l’ennuyaient profondément, après tout, ce qui semblait étonnant pour un homme aussi méticuleux. En expirant sa première bouffée de fumée, il opta pour ne pas croire l’architecte. S’il avait représenté un homme si puissant, il n’aurait pas eu à passer par un intermédiaire aussi peu docile que cet idiot de Kulak. De plus, il aurait pris cette tentative de marchandage par une insulte et ne se serait pas contenté d’en rester là. D’autant moins à Manshon…

      Alors que le commercial s’éloignait, il remarqua que l’imposteur le regardait, peu discrètement de surcroît. Le déserteur remarqua que sa sèche était terminée, il en tira une dernière latte avant de la jeter à la mer, entre deux lattes du ponton humide. Puis il se redressa et fit craquer son dos. Sans s’en rendre compte, il s’était approché de l’homme à la mallette, peut-être trop, et se sentit presque obligé de lui adresser la parole.

      « Ce qu’il y a de beau avec les histoires, c’est qu’elles permettent de changer de vie aussi simplement que ça. » lança-t-il sans préambule, en claquant des doigts de sa main droite. « Mais ne serait-ce que pour revoir cette peur dans les yeux de cet imbécile de Kulak, je serai près à payer. » ajouta le Serpent, accompagnant les mots d’une esquisse de sourire.

      Pour avoir travaillé pour Elle, il savait comment agissaient les hommes de la pègre. S’ils pouvaient se vanter de représenter des hommes importants, il était rare que les hommes de main ne le fassent longtemps. Les supérieurs n’aimaient pas trop, en général, qu’on s’attarde sur la nature de leurs agissements. L’homme face à lui semblait assez intelligent pour ne pas tomber dans un piège aussi facile. Il aurait été triste de retrouver son corps flotter entre les pilotis du ponton.

      « J’suppose que tout le barda qu’il y a dans sa coque de noix est pour vous. Même s’il l’avait voulu, il n’aurait pas pu refiler aussi facilement. C’est pas si simple que ça… Vous auriez pu tout aussi bien les récupérer pour … rien en fait. Mais c’est pas mes affaires… »
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