Civilisation


Quelques semaines déjà qu’on est sur l’île maléfique. Paraît que le nom change. Faut dire, c’est pas très vendeur, alors qu’on a justement nos clients qui vont pas tarder à arriver. C’est Thorn lui-même qui s’est chargé d’aller les chercher, avec Blondie, ses sections. Ils ramènent aussi des hommes pour remplir les trous de la Vingtième. Faut dire qu’on enchaîne les coins pas forcément calmes en ce moment.

Mais on n’envie quand même pas les pélos de la Régulière, qui glandent sur une île à faire des rondes ou sur un bateau à nettoyer le pont.

C’est un paradoxe marrant chez les Marines, ça. Parce qu’ils le font aussi, en fait, les Elites. On passe nos journées à faire des rondes sur notre partie de l’île, on surveille que les sauvages viennent pas nous chier dans les bottes. Et on retape la ville, ce qui en reste. Ca se résume surtout à raser les bâtiments et dégager les gravats pour ménager un emplacement propre pour quand les colons seront là.

On a reçu un appel ce matin, cela dit. Le Commandant devrait arriver en vue de l’île dans la matinée, accompagné de toute sa nouvelle clique, et de nos hommes du rang. J’espère qu’on va pas me refiler des boulets, mais vu la réputation de la Vingtième, j’sais pas pourquoi, j’y crois pas trop. J’salue deux Marines qui transportent des pierres vers là où on les entrepose.

Depuis le temps, il reste quasiment que des tentes militaires, avec un bâtiment un peu central, un peu retapé, pour servir de Quartier Général. Il a toujours l’air un peu de traviole, mais bon, on est Marine ou on est maçon, faut croire. Les types du génie se sont pas trop penchés sur la question. Ils avaient mieux à faire.

Prudence me rejoint alors que j’arrive à ce qui sert de port. Un pauvre quai, pas très profond, auquel les chaloupes peuvent s’amarrer.
« T’étais au débroussaillage ?
- Oui. Ca avance bien, il ne reste que les souches à dégager, côté nord. A l’ouest, c’est bon.
- C’est bon, ça va être les nouveaux habitants qui vont pouvoir se coltiner ça.
- C’est pas trop tôt, les soldats commencent à démoraliser. Certains disent même qu’ils envisagent de devenir des sauvages pour ne plus avoir à faire ça.
- Ouais, on connaît l’histoire. Le type s’engage dans la Marine pour voir du pays et pas rester chez lui à cultiver des patates, et il se retrouve à creuser des trous et cultiver des patates en uniforme… »

On se tait comme on arrive sur les poutres en bois du ponton. Charme est déjà là, longue-vue fixée sur l’horizon. Comme d’habitude, il fait grand soleil, et une chaleur à crever. On s’y est habitué. Comme les insectes, et autres scorpions ou vers que tu retrouves au petit matin dans tes godasses. Il a pas fallu plus de quelques jours pour qu’on prenne des bonnes habitudes, et qu’on vérifie afin de foutre nos panards dedans.

« Sont là ? Que j’demande à Charme.
- Oui, on les voit à la longue-vue.
- J’peux voir ? »
Elle me tend l’outil, que j’place au niveau de mon œil. Le cuirassé de Thorn est en tête, suivi par une flotille de navires marchands ou transporteurs, à la panse large et paresseuse. Il va encore leur falloir des heures pour approcher, si le vent se met pas à souffler un peu plus fort, et encore plus à décharger, s’ils sont aussi remplis qu’ils en ont l’air. J’replie l’engin d’un coup sec avant de le rendre à Charme.
« On rameute tout le monde ?
- Il y aura le nouveau gouverneur, donc à part les équipes de quart, j’aurais tendance à dire que oui.
- Ils vont être ravis de pouvoir être debout au soleil pendant des plombes. »
Elle hausse les épaules.
« Ca fait partie du boulot.
- Je peux partir en mission d’exploration ? Questionne Prudence, visiblement peu encline à rester.
- Non, les lieutenants restent. Envoie ton sergent, s’il faut.
- Pff… »

Le tocsin au sommet du bâtiment en pierre est sonné, et nos fiers soldats laissent en plan ce qu’ils étaient en train de faire pour enfiler leurs plus beaux uniformes, ou les moins rapiécés, astiquer leurs armes et virer les traces de rouilles, et se mettre en beaux rangs d’oignons en attendant nos nouveaux concitoyens.

Mon estimation était pessimiste. Il faut à peine une poignée d’heures pour que le Commandant débarque, avec à son côté un homme, la cinquantaine, une belle moustache noire aux pointes soigneusement déssinées. Sûrement le Gouverneur, vu le regard propriétaire qu’il jette sur les lieux. Il a pas l’air spécialement ravi, mais fait comme si en échangeant sourires et blagues pas drôles avec notre patron à nous.

Il est rapidement suivi par les patriotes les plus illustres qui peupleront la ville. Du bourgeois, du marchand. Certains en moins bon état que d’autres. Financier, évidemment, puisqu’ils sont tous habillés comme il faut pour résister à un climat humide, étouffant, chaud. Chacun est suivi d’une poignée de serviteurs pour avoir l’air plus sérieux et important, des types à l’allure servile et obséquieuse, qui tendent un paravent ou une ombrelle à Madame, un éventail, une coupelle d’eau pour se rafraîchir.

Puis vient la populace. Eux respirent la pauvreté et la misère, pour la plus grande part, et n’ont pas l’air spécialement heureux d’arriver ici. J’aurais aussi, personnellement, vu un endroit plus sympa pour des vacances ou une relocalisation. Les rumeurs disent que c’est la lie du Gouvernement Mondial, un genre de grand vidage des prisons de droit commun pour peupler le patelin. Ils doivent être en train de se demander s’ils gagnent au change.

A vue de nez, on a du bourrin, de l’homme de main, de la pute plus très fraîche, quelques drogués aux mines hagardes, des voleurs à la petite semaine et des vendeurs à la sauvette. Certains trainent des marmots derrière eux, les leurs, ça m’étonnerait, mais on sait jamais, après tout.

Et c’est avec ça qu’on va apporter la Civilisation.

Bienvenue à Benefacto.
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- Pour réussir le Takishikendo, tu dois d'abord faire le vide dans ton esprit - ça devrait être facile pour toi -, puis tu te concentres sur tes mains, sur tes paumes, sur les extrémités de tes doigts. Tu dois imaginer une sensation de chaleur et la concentrer entre tes mains. Toujours en gardant l'esprit vide.  C'est plus dur mais tu es assez bête pour y arriver du premier coup. Ensuite ..
- Eh, je suis pas bête !
- Ensuite tu recommences depuis le début. Si tu parles tu n'es pas en train de faire le vide.
- Ok. Le vide .. le vide dans mon esprit ...

Je recommence pendant que celle à côté de moi me donne les consignes.

- Pas mal. Maintenant tu transformes la chaleur en flammes et tu les projettes devant toi.
- Attends, comment ça je les transforme en flammes ?
- Te déconcentres pas ça va ..

Gros boom.
On est projetées à terre, j'ai mal aux mains. Et aux fesses et au dos aussi, qui ont frappé le sol.

- Idiote ! Imbécile ! Si tu n'es pas capable de faire un truc aussi simple que la mutation de l'air chaud en feu pourquoi tu me l'as pas dit avant ?!
- Eh ! C'est toi qui n'a pas demandé ! Et m'insulte pas. Et ...
... Mais .. pourquoi on fait ça déjà ?

- Pour t'apprendre à maîtriser le puissant Takishikendo, la force venue des cieux sur notre monde et ..
- Mais c'est pas ma question en fait, je veux dire ... t'es qui ? Et c'est où ici, je reconnais rien ? En plus le Takishikendo c'est juste une bêtise de quand j'étais sur East Blue et que je pouvais me permettre de crier mes attaques ça fait super longtemps que je l'ai pas fait. Et ça à rien à voir avec le feu .. et ... et ...
Oh, je vois. Les papillons géants multicolores et les fleurs avec des visages ça aurait pu me mettre la puce à l'oreille quand même.

- Tu sais, quand on est en train de rêver c'est souvent ..
- Oui alors d'ailleurs parlons-en du rêve. Si je suis en train de rêver, je t'imagine ? Alors pourquoi je me fais insulter par ma propre imagination ?
- Manque de confiance en soi .. En toi ?
- N'importe quoi. Je suis Gallena Scorone, meilleur que moi y a pas ! T'es juste là pour dire des bêtises en fait !
- Mais ..
- Non et puis j'en ai marre de pas voir à qui je parle, avec ta tête toute floue. Soit nette bon sang !
- Je ... bien.

Ah ben ...
C'était moi.


Réveil dur contre pierre solide, les mains écrasées entre mon corps et des cailloux. J'ai trop bougé en dormant moi. J'étais tranquillement appuyée contre des débris pour faire une petite sieste dans un coin tranquille et je me réveille allongée sur le sol.
Quel rêve bête. Mais quel rêve bête. Si c'était mon moyen de me punir d'avoir fait la sieste c'est réussi. Franchement c'est pas juste, déjà que c'est moi qui fait le plus de travail avec tous mes bras et quand j'essaye de me reposer je fais des rêves trop nuls.
C'est pas juste. En plus le transport de cailloux c'est juste nul comme travail.Si au moins c'était des combats contre des monstres faits de rochers, ça serait intéressant. Mais là c'est juste répétitif et fatiguant et nul.

Allons bon, j'entends plus personne. Pourtant il fait encore jour. Je comprends pas. Alors je me lève et commence à m'étirer, à frotter mes mains et me masser rapidement là où j'ai mal. J'aurais pas dû dormir ici. Mais au moins c'était discret.
Ils sont passés où tous ?

Si il y avait eu une bataille je l'aurais entendu, ça m'aurait réveillé même si je dormais, enfin.
Du coup je sais pas. Autant aller voir.

Plutôt que me fatiguer à sauter en l'air et utiliser mes pouvoirs pour voir d'en haut, je fais une colonne de mes bras et y plante un œil au bout. Même résultat, plus rapide, moins facile de tout louper. Parfait.
Je les repère près des quais. Alignés comme des euh .. comme des gens alignés en ligne. Qui attendent je sais pas quoi. Des bateaux. Ils attendent les bateaux que je vois au loin ..
Bateaux ... OH ZUT !!


Je prends place dans les rangs, respirant bruyamment, largement en retard. Je me redresse comme les autres et essaye de me faire discrète, mais je vois le regard de ceux en face qui se posent sur moi. Ceux du lieutenant aussi d'ailleurs. Il va encore râler lui. C'est de sa faute à lui aussi ça, de me faire travailler jusqu'à l'épuisement et pas me réveiller quand il faut. En fait je suis pas responsable moi. C'est lui qui l'est. Voilà !


Juste après avoir rompu les rangs, les navires déchargés de leur monde, on se précipite au camp. Entre le logement des visiteurs importants, des futurs habitants pas importants et la surveillance de nos propres affaires, on est vite débordés. Voilà qu'en plus on nous refile les nouveaux marins de la 20éme sans crier gare et qu'il faut aider à décharger les cales pleines d'outils et d'autres trucs, j'ai bien fait de faire une sieste avant moi.
La fin de journée s'annonce longue. Et on a toujours pas eu le temps de manger notre midi.


Mauvaise journée.
Les nouveaux font la tête et tirent la tronche, deux d'entre eux sont sur le point d'en venir aux poings et un troisième est plus intéressé par le contenu de son nez que parce ce qui se passe à côté de lui. Comment un type comme ça a pu intégrer la marine d’Élite est un mystère qui m'échappe, mais je suis pas surprise qu'il finisse dans la 20éme. Pour s'en débarrasser. C'est sûr que vu nos résultats, son espérance de vie a sacrément diminué quand il a reçu l'ordre de transfert. N'empêche, ils auraient pu le filer à quelqu'un d'autre. Parce que avant qu'il meure, c'est moi qui me le tape. Parce que je souhaite la mort de personne. Et parce qu'en attendant, s'il est vraiment aussi bête qu'il en a l'air, il met en danger tout le reste de son groupe
Ernest Doombeast mène la plupart des vétérans de ma section, si on peut les appeler comme ça après trois campagnes. Le Gros Dan, Mitzu, Jorn, Metsone et Apatlapec constituent son escouade. Ranne et Malik se retrouvent avec les quatre remplaçants. Raine est pas officiellement Caporal, les papiers sont pas encore arrivés ou quelque chose. Mais elle va quand même jouer le rôle en attendant.


On est le soir.

- Mais vas te faire foutre espèce d'imbécile tu vois pas qu'on est occupés ?!
- Je suis aux ordres de son excellence Saint Doù, gouverneur de Benefacto. Ses désirs sont lois ici et si je vous dit que j'ai besoin de vos soldats, vous ne discutez pas, vous désignez trois de vos hommes pour venir avec moi.
- Et puis quoi encore ? Et qu'on embrasse les pieds aussi tant qu'on y est ? braille Ranne la presque-Caporal à l'intention du bonhomme habillé comme un pingouin du désert.
- Ce ne sera pas nécessaire, du moment que vous vous dépêchez. Son excellence attend.
- Caporal Ranne, vous m'expliquez ?
- Ah sergent, contente de vous voir. Cet empaffé débarque et dit qu'ils manquent de gens pour faire la courbette à son patron et qu'il va nous prendre des soldats.
- Allons bon ?
- Le service de son Excellence ne doit pas être diminué sous le prétexte que nous ne sommes plus à Saint Uréa. Nous manquons de bras, vous êtes sous la juridiction de Saint Doù. Alors arrêtez de discuter et obtempérez.
- Tu vas me voir obtempérer mon poing dans ta face gros lard !!!
- Du calme Caporal. Bon, vous, votre nom ?
- Firmin Bure, ordonnance de son Excellence. Et vous-même êtes ?
- Sergent Scorone, sous les ordres du Lieutenant Angus. Pour ce qui concerne votre demande de renforts, il va falloir respecter la chaîne de commandement, mais je vais en référer à mon officier dès que possible.
- Ca n'ira pas. J'ai besoin de ces personnes maintenant.
- Bien sûr, bien sûr. Je comprends votre problème. Mais ne vous inquiétez pas, vous devriez avoir une réponse d'ici quelques mois.
- M.. mois ? Vous vous fichez de moi ?
- Absolument pas. C'est les délais habituels pour ces questions.
- Son Excellence ne va pas attendre des mois pour .. ! Je réquisitionne vos troupes !
- Ah oui ? Toi et quelle autorité ? Je me rapproche.
- Le gouverneur !..
- Civil. Le gouverneur des civils. Nous c'est l'armée. On s'est tués à pacifier cette île, on a travaillé pendant des jours pendant que vous vous la couliez douce à faire une croisière pour venir ici et on a besoin de tout le monde. Allez déposer une réclamation au bureau du commandant Thorn si ça ne vous convient pas. Maintenant dégagez de notre camp.
- Il .. votre supérieur en entendra parler.
- Si vous voulez. Mais je ne vous ai même pas encore menacé.
- Vous .. comment ça, encore ?
- Je vais compter, si à dix je te vois encore je te vire à grand coup de pieds au cul, compris ?
- Ça ne se passera pas comme ça !
- Tu veux parier ? Un .. deux ..
- Ce n'est pas ce que je dis, vous allez être punie pour votre ..
- Six ... sept ... Cours vite petit bonhomme.

Il prend la fuite. Avant de disparaître au premier coin venu, il se tourne vers moi. Ses yeux sont énervés comme s'il pouvait me fusiller avec. Il s'en faut d'un rien pour qu'il agite pas le bras en hurlant qu'on se retrouvera.

- Et dix.
Les nouvelles recrues, ça se passe comment Ranne ?

- Horrible. S'ils continuent comme aujourd'hui, je vais briser les côtes de l'un d'entre eux avant la fin de la semaine.
- Aussi tard ? On a bien fait de te donner le poste, tu es déjà plus calme que quand tu étais simple soldat.
- Eh ? je .. Aha. Ahahah.
- Ahahah.
Sérieusement Ranne, si tu dois le faire pour qu'ils t'écoutent, vas-y. En supposant que le Lieutenant décide de s'intéresser à ce qui arrive dans la section, je m'en occupe.
Ça n'arrivera pas de toute façon.

- C'est ton problème à ce moment-là Galle.
- Ouais... ça ira.


Second jour de cohabitation. Oui, je sais ce que je dis.
Certains civils se sont mis au travail et participent à la reconstruction, mais la majorité se contente de nous regarder comme des poissons morts ou de traîner dans les tentes qui ont été attribuées à leur groupe. Bah, ils se décideront quand les premiers travailleurs auront des vraies maisons. Après les "types importants" comme le fameux gouverneur et ce genre-là de personnes qui fichent rien eux non plus.

C'est encore plus nul qu'avant quand il y avait que nous.


J'apprends qu'il y a eu une bagarre entre plusieurs des nouveaux arrivants et les employés d'un banquier. Qu'il y a eu une femme qui s'est faite attrapée en train de vider les poches d'un autre colon. Que plusieurs personnes ont dû aller se faire recoudre, coups de couteaux reçus sans qu'ils nous disent comment c'est arrivé.
Des rumeurs comme quoi on aurait trouvé un cadavre qui flottait dans le port ce matin, une femme. Mais ça, je pense qu'on aurait su si c'était vrai.

Et il est même pas midi.
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J’grogne quand Jadieu et Scorone me remontent les nouvelles de la nuit. Ça pue salement du cul, et j’sens que Thorn va tirer la tronche quand il saura, pour le larbin du gouverneur. En tout cas, il tirera la tronche quand il se sera fait tirer les oreilles, pas d’doute. Et comme l’armée est bien faite, il viendra me tirer les miennes derrière.

Mon analyse pleine de finesse s’confirme forcément quand un des aides du Commandant vient me chercher dans mon hamac. Le repas de midi est passé, pas savouré, et c’est l’heure où le soleil tape le plus fort. Dans la case branlante qui sert de piaule, il fait comme dans un four, lourd, étouffant. Et pourtant, c’est pire dehors.

La chaleur frappe comme un mur mais j’fais mine de pas accuser le coup. J’jette un œil humide vers le soleil, qui chauffe tout le monde à blanc. Quelques colons s’affairent mollement dans les rues. La plupart profitent de l’après-midi pour glander à l’ombre qu’ils trouvent. Ils ont encore trop peur pour s’aventurer dans la jungle, entre les sauvages, les bestioles, et l’éloignement de ce qui est, tout de même pour le meilleur ou pour le pire, le berceau local de la civilisation.

Même les insectes, pourtant omniprésents, se font discrets en attendant la tombée de la nuit. J’croise une patrouille qui salue vaguement d’un signe de tête. J’ai même pas la force de les emmerder un peu, histoire qu’ils fassent des efforts avec un supérieur hiérarchique. Quand j’arrive dans ce qui sert de bureau à Thorn, dont la barbe imposante est pleine de sueur, y’a déjà Charme.

Il se passe les doigts dans sa toison, replaque sa mèche.
« Faudrait raccourcir un peu tout ça, avec la chaleur, Commandant, non ? Que j’dis en essayant de commencer la discussion sous un jour favorable. »
Il éclate d’un ricanement bref et les pattes d’oies aux yeux de Charme se plissent légèrement quand elle sourit.
« Enfin, trêve de plaisanterie. Il s’est passé quoi avec le Sergent Scorone ?
- Ah. M’semblait bien. Bah le gars est arrivé comme en terrain conquis et a voulu réquisitionner des hommes pour la garde prétorienne du Gouverneur.
- Et ?
- En l’absence d’ordre écrit ou d’accord hiérarchique, Scorone a refusé et ensuite ça s’est, euh… envenimé ?
- Il est allé directement se plaindre au Gouverneur, qui m’a convoqué immédiatement.
- Il a le droit ? »
Thorn hausse les épaules.
« C’est compliqué. D’un côté il a le droit de donner des ordres ‘’civils’’ au responsable local de la Marine, que j’suis en l’état en attendant l’arrivée de la Division Régulière, et de l’autre je suis de la Marine d’élite, donc censément non-assujetti à ce genre de contraintes.
- C’était l’objet de la discussion –longue, que le Commandant a eu avec le Gouverneur, intervient Charme.
- Et ça a décidé quoi ?
- Il va effectivement avoir une garde constituée d’une section entière pour ses déplacements sur l’île. Mais ça ne sera jamais Scorone, Jadieu, ou toi. »

J’ai un grand sourire en coin.
« Rigole maintenant, Angus. Les autres vont t’en vouloir d’y couper. »
Effectivement, j’me marre moins. J’vais devoir leur en payer, des coups, pour qu’ils me passent ça. Mais y’a autre chose qui déconne, en ville, et tous les Marines qui taffent s’en rendent bien compte.
« Commandant, les colons sont pas très… motivés.
- Oui, j’ai aussi évoqué ce point avec le Gouverneur.
- Et il a dit quoi ?
- Il va faire une annonce ce soir. A priori, ça va nous donner du travail en plus.
- Et il a pas dit ce que c’était ?
- Si. Il veut les forcer à remettre la ville en état. Et nous devrons canaliser les éventuels récalcitrants.
- Il nous a pris pour qui ? Les matons de Tequila Wolf ?
- Peu importe. Nous sommes coincés. Il va faire l’annonce, et si la populace se rebiffe, nous devons maintenir l’ordre.
- Putain…
- C’est l’affaire de quelques semaines maximum. »

Quelques heures plus tard, les plus travailleurs ont dégagé un semblant de grande place pour les plans futurs de la ville, et on rassemble tout le monde en prévision du grand discours de Gouvernator. Son surnom commence déjà à prendre racine chez les Marines, surtout auprès de ceux qui ont déjà subi un quart à le surveiller. Apparemment, il est bien casse-couilles.

La plupart sont assez curieux, finalement, mais certains sont carrément hostiles. On forme un cordon de sécurité autour de l’espèce d’estrade, un bout de bois surélevé qui doit faire deux mètres sur trois. Y’a aussi des soldats autour, pour s’assurer que ça dégénère pas. Comme prévu, on entend les bruits des insectes, surtout, et le brouhaha informe caractéristique d’une foule indisciplinée.

Le larbin du Gouverneur tape dans ses mains pour attirer l’attention. Sans succès. Il hausse ensuite la voix, mais au-delà des premiers rangs, tout le monde l’ignore. Par déformation professionnelle, j’examine tous les gens que j’vois, attitude corporelle, degré d’hostilité… Au final, beaucoup ont l’air d’avoir l’impression de perdre un peu leur temps.

Finalement, au bout de dix minutes à essayer de capter l’attention des gens, Thorn bouscule l’autre et fait un jet de pinceau en l’air. La peinture imprime très brièvement et tout le monde se tait, hypnotisé. Sur un nouveau geste de sa part, le Color Trap disparaît et le sort se lève. Profitant du moment, Gouvernator grimpe à son tour sur l’estrade, se racle la gorge et prend la parole.
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Le gouverneur aurait annoncé qu'on mangerait poisson tous les jours qu'il aurait pas eu un public moins enthousiaste que ça. Son discours, qu'on écouta plutôt poliment parce qu'on avait rien de mieux à faire et que bon c'était quand même le sale type qui se trouvait diriger officiellement les lieux, alors on ne crie pas encore trop fort et on ne part pas en émeute, pas tout de suite. On écoute juste ce que le ballon a à dire. Même moi qui suis pas tellement concernée, rapport à ce que je suis de la marine d'élite et qu'on est pas censés s'éterniser ici, je le trouve naze son discours. Il a dû se dire qu'il produirait une réaction pleine d'entrain s'il utilisait des métaphores dans tous les sens. C'est bien joli les métaphores, mais comme dit le canard à la chèvre quand elle mange un gruyère, ça vaut pas du munster. Et quand on en empile trop ça pue et faut pas approcher d'allumette. Heureusement que personne n'a trouvé l'allumette métaphorique du gouverneur, ou alors il l'a gardé pour lui.
Gouvernator a fini son discours et a conclu, un grand sourire aux lèvres : "Des questions ?"
Je crois qu'il a appris de nouvelles choses sur les capacités hypothétiques de son anatomie et son sourire est pas resté longtemps.

Là il s'est énervé. Il a insulté en retour la bande de plouc ingrats qui se tenait sur le pavé et qui ferait bien de se mettre à bosser s'ils voulaient continuer à manger parce qu'on allait pas les nourrir gratuitement bien longtemps bande de tir-au-flancs. Y en a qui auraient bien voulu lui répondre ou le taper, mais y avait des marines entre lui et la foule et le gouverneur s'est barré dès qu'il eût fini de parler.
Mais comme c'est bien joli les discours, c'est au tour du Commandant Thorn de s'avancer.

- Deux choses. Premièrement, nous avons entendu parler de ... troubles .. cette nuit. La marine va enquêter à ce sujet. Si ces .. inconvénients devaient se reproduire, nous serons forcés de prendre des mesures plus expéditives. Le gouvernement mondial vous offre une seconde chance. Nous pouvons aisément la reprendre en cas de comportements ... indésirables.
Seconde chose, ces messieurs - il montre une bande de types bien habillés, du genre administrateurs, architectes et ingénieurs - vont assurer une meilleure organisation des travaux. Adressez-vous à eux pour trouver du travail, si vous voulez pouvoir manger dans deux jours. Il n'y aura pas de laisser-passer. Ou vous participez à l’édification de Benefacto, ou vous pouvez crever de faim, ce n'est pas moi qui vais en perdre le sommeil.
Merci de votre attention.

Bon ben ça ça a le mérite d'être clair. Pas que je sois concernée. En plus grace à Ranne et moi on a évité la pire tâche de toutes, devoir servir de baby-sitters au gouverneur. Il pouvait pas venir avec quelques gardes du corps, comme les autres importants réellement importants ? Oh, ça doit être ça le truc. Il est pas vraiment important. Juste encombrant, au sens qu'il prend de la place et qu'il déplace de l'air.

La foule se disperse. Certains vont se renseigner auprès des constructeurs. D'autres trainent, hésitent, discutent. Certains sont déjà partis, sans doute qu'ils pensent se débrouiller. J'en ai entendu parler d'aller chasser dans la jungle. Ils vont avoir une sacrée surprise avec tous ces insectes, sans compter que les indigènes risquent de pas aimer s'ils s'éloignent trop de la ville.

Dans l'ensemble, ça grogne, ça grommelle mais c'est tout. C'est tout.
La journée se passe calmement mais ça ne dure pas jusqu'à la nuit.

J'accompagne l'escouade d'Ernest Doombeast dans leur patrouille du soir, pour un moment. Une fois qu'on aura fini le tour de la ville, je rejoindrais Ranne, Malik et la bande des bras cassés pour ..

Du bruit un peu plus loin, pas du genre "vie paisible du soir".

- Fais pas d'histoire et on te laissera pt-être partir.
- Noon .. laissez .. je vous en prie ..
- Je peux le taper Karl ?
- Vas-y.


Trop bruyants et pas capable de nous entendre approcher, c'est pas des grands doués. Notre action est rapide et efficace. Je pars en l'air pour avoir une idée de la disposition de la ruelle, assez étroite, où nos gars se trouvent. J'en vois deux, du coup je fais apparaître une bouche sur la casquette d'Ernest pour le prévenir. Il envoie Jorn et Mitzu barrer cette rue, moi je me laisse tomber sur un toit puis dans la troisième branche de la rue. Atterrissage pas discret, mais c'est pas grave. Au contraire, ça les fait tourner la tête, les trois. Le racketté et les deux agresseurs. Plutôt musclés, les vilains, un chauve et un brun aux cheveux court avec une sale gueule. Leur victime est du genre furet effilé, mais pas assez pour se faufiler et esquiver après s'être fait coincé comme il l'est.

- Je suis le Sergent Gallena Scorone ! Rendez-vous, vous êtes cernés !

Un regard autour d'eux leur confirme que oui, ils sont cernés. En face de moi, Ernest et les autres se rapprochent. Je vois pas Jorn et Mitzu mais vu que les méchants sont pas partis en courant, je pense qu'ils sont en place.

- Eh eh eh, du calme les gars. Y a méprise.
- Ouais, y a méprise.
- Non non, y a pas de méprise. Ils voulaient me tuer.
- C'est vrai ça ? Évidemment que c'est vrai, je les ai entendus.
- Boah ... c'était juste pour lui faire peur.
- Ce sale cafard m'a piqué ma montre. Je la tenais de mon grand-père.
- Mais n'importe quoi, c'est quoi ces histoires ? C'est la mienne.

Je m'approche en tendant la main.

- Faites voir la montre.
- C'est le rat d'égouts qui l'a.
- Te-tenez. Mais vous me la rendez tout de suite hein. Après elle va se perdre.
- Pas d'promesse. Plutôt jolie cette montre.
- Ouais hein ? C'est un bijou de famille, il sera pour mon aîné quand il sera d'âge.
- Vous avez des enfants ?
- Pas encore non.
- Sauf s'il est pas au courant, ahahaha.
- Moi au moins j'attrape des meufs et pas des maladies comme toi.
- Vos gueules vous deux, répondez juste au sergent.
- Pardon. - Scusez.

J'ai ouvert la montre, modèle classique d'histoires avec une chaîne dorée et un texte dans le couvercle. On aurait pu avoir une image aussi, mais là c'est pas le cas.

- Merci Caporal. Bon, vous vous appelez comment tous les trois ?
- Karl Remhein.
- Belg Heul.
- Et moi Milan .. juste Milan.

Et ben voilà une affaire rondement menée. A l'intérieur de la montre est écrit :
"En souvenir de la cérémonie du Théophrène, pour Jünger Remhein, le 10/8/1553"

- Votre montre monsieur Remhein.
- Merci.
- Monsieur Juste, je vous arrête pour vol.
- Mais .. je .. vous pouvez pas fermer les yeux juste une fois ?
- Fermes-la crétin et sois content qu'on t'ait pas fait la peau.
- Monsieur Remhein, monsieur Heul, quant-à-vous je vous arrête pour tentative de justice privée. Veuillez tous nous suivre au camp, n'essayez pas de fuir, vous aurez droit à un avocat si on en a un quelque part je suis pas sûre mais comme on a pas encore de prison vous allez sûrement juste finir avec une amende tous les trois. Enfin on verra.
- Et si on veut pas venir ?
- Dans ce cas on vous signale qu'on est plus nombreux, armés de fusils et que j'ai mangé un fruit du démon. Mais c'est vous qui voyez si vous venez tranquillement ou après qu'on vous ait botté le cul. La punition sera plus dure si vous résistez, mais ça c'est logique. Alors, votre choix ?
- ... On va vous accompagner.
- Le meilleur choix possible.
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Coup d’bol, on n’est pas de nuit ce coup-ci. Une fois la foule dispersée de plus ou moins bon gré, j’file à ma piaule, et j’me fous dans mon hamac. J’veux surtout pas entendre parler de la merde qu’on va avoir dès que le jour sera tombé complètement. Ou des Marines qui vont p’tet même se faire agresser dans les rues. Quoique, ça… Ouais, si, ça m’emmerderait que ces civils au rabais s’en prennent aux copains.

Le lendemain matin, j’me lève à l’aube. Un peu d’eau sur le visage pour me débarbouiller et j’file au self, histoire d’avoir les nouvelles. Apparemment, d’après ceux qui reviennent de patrouille, ç’a été calme. Des messes basses, par contre, mais les gens rentraient chez eux sur simple injonction. Bref, ça allait. A part que ça donne l’impression que ça va péter plus tard, en fait.

Quelques heures plus tard, une partie nettement plus importante des colons est à pied d’œuvre. Faut dire, la menace de rien recevoir à bouffer devrait suffire à bouger le cul de ceux qui sont pas trop paresseux. Les Marines supervisent un peu, et ceux du Génie beaucoup. C’est eux qui notent les noms, histoire qu’on puisse avoir une liste de gens à nourrir. Et pour les autres ? Queud’.

Alors qu’on surveille la périphérie de la ville –Benefacto, faut que je me le foute dans le crâne, un de mes soldats m’amène un civil qui triture son chapeau. Le gars dégarni, en bras de chemise et les avant-bras épais, les sourcils qui dansent la java dans son malaise. Bref, l’apparence du type honnête, travailleur, sympathique. Le genre à taper sa femme en rentrant du bistrot, sûrement.

Mais j’suis mauvaise langue.
« Bonjour, m’sieur l’officier.
- Ouais, b’jour. C’est pour ?
- En fait, on pensait aller couper du bois avec les collègues, pour avoir une charpenterie un peu plus solide. Mais on a peur des sauvages et on connaît pas bien la jungle…
- Pour les sauvages, normalement, ils devraient pas vous attaquer, hein. L’accord qu’on a passé avec eux, tout ça.
- Oui enfin… Ce sont des sauvages, quand même. Et il reste la jungle.
- Ouais, on va venir avec vous. Damien, envoie un message au Commandant, Jadieu, restez avec votre escouade. J’prends Scorone et compagnie.
- A vos ordres, Lieutenant. »

On suit la p’tite route qui sort de la ville, qui prend pas encore vraiment forme. Les terrains sont encore au stade où ils se font délimiter, avec pleins de discussions entre les colons, qui veut tel emplacement, et pas celui-là, et nanani et nanana. Ca va finir devant Gouvernator, et il va filer des terres pourries à tout le monde sauf à lui. Ah non, il l’a déjà fait. Sur un très léger surplomb, un peu éloigné du port histoire que ça sente pas les entrailles de poissons.

La route disparaît quasiment, devenant une sente au milieu des arbres, qui s’épaississent rapidement, et quelques minutes après, la rumeur de la ville a totalement disparu, remplacée par les cris des oiseaux et les piaillements des singes. Les colons discutent entre eux, font des marques sur les arbres. Parfois verticales, parfois horizontales, des V ou des V inversés, les signes sont multiples, et participent à leur repérage.

Finalement, l’un d’eux s’enfonce de quelques mètres dans la cambrousse, et appelle les autres. On le suit chacun notre tour à travers des buissons jusqu’à arriver dans une petite clairière aux troncs légèrement différents. Ils s’animent, les civils, montrent du doigt et tapent avec le fer de leurs haches pour écarter un peu l’écorce. Au bout d’un moment, ils commencent à virer tout le sous-bois qui traine et qui les dérange.
« Z’avez trouvé du bon bois ? Que j’demande.
- Oui, je pense qu’on trouvera pas mieux dans cette jungle. Il est pas très large, mais devrait bien tenir contre l’humidité. Et il est suffisamment long pour étayer des charpentes.
- Si vous l’dites. Vous avez besoin de protection ?
- Une poignée d’hommes, peut-être ? Si c’est pas trop demandé, Lieut’nant.
- Nan, nan, c’est bon. Vous quatre, là. Z’avez gagné. Surveillez le coin et ramenez-les en ville ensuite. Nous, on va patrouiller un peu le coin, histoire de. »

Sur un signe d’au revoir, on reprend notre petit trek dans les bois. Il faut pas long pour que, de derrière nous, on entende des bruits de pas et des voix graves et enjouées. Quelques timbres plus aigus traversent la canopée aussi, alors on s’arrête et on les laisse nous rattraper. Les sons deviennent rapidement des mots, et on capte que c’est d’autres colons qui partent dans la jungle, et pas des indigènes.

C’est le moment pour moi d’agir.
« Halte ! Qui va là ? Que j’lance d’une voix de stentor. »
Ils se figent brusquement, puis avancent encore un peu, jusqu’à ce qu’un homme d’une quarantaine d’années avec une grosse cicatrice de couteau sur le visage apparaisse dans ma ligne de vue. Il tient un genre de gourdin artisanal dans ses mains dont les phalanges sont grossies. Le signe typique du mec qui s’est beaucoup battu. Se bat p’tet toujours beaucoup.
« On est des colons de Benefacto, Lieutenant.
- Ouais. Foutez quoi ici ? Dis à tes potes de sortir des buissons, va. »
Le reste de la bande sort. Ils sont tous du même acabit, encore qu’aucun ait l’air aussi dangereux que le meneur.
« On cherchait de la chasse, histoire de pouvoir se nourrir.
- Le Gouverneur vous nourrit en échange de travail.
- On n’a pas l’habitude de bosser pour le Gouverneur en espérant qu’il nous jette ses miettes.
- Sûr.
- Rien nous interdit d’aller dans la jungle, si ?
- Pas à ma connaissance.
- On va continuer notre route, alors, Officier. La bonne journée à vous.
- Ouais. Faites gaffe à vous.
- On fera ça. »

Il en faut pas beaucoup plus pour qu’ils disparaissent un peu plus loin sans un regard en arrière.
« Ca sent le grabuge, ça, Lieutenant, non ?
- Faut pas juger au physique.
- Oui mais…
- Ouais, c’est vrai. »
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Des cris, des flèches. Une bande de chasseurs vient de passer les portes de la ville, des flèches plantées dans l'épaule ou le dos de certains. Ils en manque par rapport à ceux qu'on a croisé plus tôt dans la journée. Des chasseurs, pas des flèches.

- .. Non mais là je peux pas. Gros Dan, pars chercher Scorone on a b'soin d'elle.
- Sûr Doombeast. Tu sais où la trouver ?
- Quelque part dans l'camp. J'peux pas t'dire mieux.

- Lieutenant ? On aurait besoin de vous pour régler un gros problème.
- Quoi encore Scorone ? Pouvez pas vous en charger seule ?
- C'est que les îliens veulent nous parler, Lieutenant. Et ils sont en colère et armés. Je me suis dit que vous sauriez mieux leur répondre. J'ai pas envie d’envenimer les choses. Aussi les chasseurs de tout à l'heure sont rentrés. Mais pas tous.
- Par-fait. J'arrive.

- Commandant Thorn ? Ça serait bien que vous veniez voir, on a un problème pour vous.
- Encore le gouverneur ?
- Non, les insulaires.
- J'arrive tout de suite, répond le Commandant en se levant de son bureau.

Et ainsi des portes de Benefacto au bureau du Commandant de la marine d’Élite, l'information est remontée et les responsabilités passées à plus haut gradé.
Et puis c'est lui qui a signé les accords avec Bouba Ho Tep, pas moi ou Angus. Du coup mieux valait aller le chercher.

- Ces sauvages nous ont attaqués alors qu'on chassait le daim ! Ils nous ont tué trois hommes alors qu'on se repliait !
- Mensonges ! Vous êtes arrivés armés de notre côté de l'île et vous avez ouvert le feu avec vos fusils
- Vous avez des carabines aussi ! Et on a pas tiré sur des humains nous !
- Seulement sur des sauvages hein ?! Vous croyez pouvoir nous exterminer comme ça ? Nous ne nous laisserons pas faire !
- Vous avez tué mon beau-frère !!
- J'ai deux cousins couverts de sang à cause de vos balles !
- C'est vous qui avez commencé !
- On a sûrement pas commencé, mais je t'éventre avec plaisir !
- Essayes un peu de mettre tes sales pattes sur moi !
- VOS GUEULES !!

Ça, c'était Thorn. Puis histoire d'être bien entendu, il fait ses trucs de peinture volante qui calme les gens. Il a dû être un peu agacé, sinon il l'aurait fait directement et il aurait pas eu a crier. Ou alors il s'est dit que juste la peinture ça aurait pas suffit. Je sais pas, je suis pas lui. Je sais pas comment ça marche son truc. Mais ça a l'air puissant, c'est sûr.

- On va trancher les choses simplement, en attendant de savoir qui est responsable de quoi. Vous Ho Tep, rentrez chez vous et prenez soin de vos cousins. Si vous désirez, on vous envoie un médecin militaire pour vous aider. Quand à vous Molkte, je vous déconseille fortement de jamais sortir de notre partie de l'île, peu importe votre raison. S'ils décident de vous exécuter sur place, il sera trop tard pour que j'intervienne. Pour votre sécurité, je vous conseille de ne même pas approcher de la frontière. On a pas encore eu le temps de la peindre au sol.
- Quoi, vous allez laisser ces sauvages s'en tirer comme ça ? Et mon beau-frère mort ?
- N'aura plus de problème pour se nourrir. Si vous sortez de notre territoire pour aller chercher les embrouilles avec les indigènes, vous assumez les risques.
- Les em ... je vois, vous préférez faire ami ami avec les barbares que protéger les honnêtes travailleurs. Je le ferais savoir.
- Arrêtez de vous plaindre, les honnêtes travailleurs se baladent pas avec des fusils à combattre les insulaires.
- Et comment on fait pour se nourrir si on chasse pas ?
- On vous en fournit en échange d'un travail honnête.

On voit le chasseur partir en premier, il est vachement en rogne et pas vraiment content. Le Commandant échange quelques mots avec Bouba Ho Tep et les deux se séparent. L'indigène repart en direction des portes qu'on lui ouvre. Il rejoint ses guerriers et ils retournent chez eux.

- Commandant ? Tant que vous êtes là, il semblerait que les vols de nourriture se multiplient. J'en ai déjà surpris parler d'économie parallèle, vous voyez le genre.
- Uh ? Ah, oui, je vois. Enquêtez sur ça voulez-vous ? Et il faudrait que vos hommes amènent sans traîner un de nos docteurs au village de Mexzata. Un guide les attendra sur le pont de la bataille.
- A vos ordres Commandant. Scorone, prête pour une promenade ?
- J'allais vous demander Lieutenant.

C'est que on a pas eu encore l'occasion de visiter un village local sans être en train de capturer femmes et enfants et d'y mettre le feu. Je suis curieuse moi.


Et voilà comment je me retrouve avec un médecin militaire, Apatlapec et Mitzu sur les bras. Évidemment je peux pas me plaindre, je suis le Sergent de deux d'entre eux et jje suis pas en vacances. J'ai réussi à éviter qu'on se fasse accompagner d'une des perles de Ranne. Je leur ai fait remarqué qu'ils risquaient de faire mauvaise impression et qu'on avait vraiment pas besoin de s'attirer des ennuis supplémentaires, surtout au beau milieu de personnes qui peuvent facilement devenir nos ennemis. Entre ceux qui se sont finalement tabassés la nuit dernière et qu'on est surpris que ça soit pas arrivé avant et le grand imbécile .. Y a que le quatrième des nouveaux de la section qui est correct. Je crois. Je pense l'avoir croisé au moins plusieurs fois ... wow, il doit être vraiment insignifiant, j'arrive pas du tout à me rappeler de lui. Il doit pas être intéressant, ça explique que j'ai rien retenu sur lui. Les gens sans intérêt, je m'en fiche !
Ah mais s'il est absolument sans intérêt, c'est un peu spécial non ? Donc ça le rend intéressant ? Non ça le rend pas intéressant. Sinon ça n'aurait aucun sens et en plus ça ferait un paradoxe. S'il est naze il est naze, y a pas à réfléchir plus.
Paradoxe réglé.

On met un moment à atteindre le pont du rendez-vous, mais ça va, on connaît le chemin. Pour être déjà venus. Même si c'était pas vraiment pour des raisons pacifiques la dernière fois.
L'îlien qui nous attendait était caché mais se montre à notre approche. Je le reconnais, c'est ... Zorro ? Zaza, me souffle Mitzu. Il doit avoir vu qu'on était la marine et pas encore des chasseurs.

- Si c'était moi qui décidait, on vous aurait massacré sur place.
- Oui mais
- Vous auriez jamais pu amener tout ces colons sur l'île. On les aurait massacrés aussi.
- D'accord mais
- Et puis faire confiance à votre médecine de barbare ? Je respecte Bouba mais je comprends vraiment pas pourquoi il a accepté ça.
- On a l'habitude des blessures par
- C'est de votre faute s'ils sont blessés.
- C'est pas vous qui les avez attaqué ?
- Ah, si de courageux patriotes avaient lancé l'assaut sur ces envahisseurs, ces chasseurs n'auraient pas eu le temps de tirer une seule fois.
- Donc non ?
- Non. Ils cherchaient la mort et trois d'entre eux l'ont trouvée. S'ils reviennent, les autres y passeront aussi.
- Ah .. oui, je comprends bien.

- Je sais pas vous sergent, mais moi il me met mal à l'aise le bonhomme, me chuchote Mitzu. Je lui réponds sur le même ton :
- Moi aussi. Je pense qu'on craint rien à l'aller.


On marche pendant ce qui parait durer des heures et c'en est sûrement, jusqu'à ce qu'au détour d'un arbre, Zaza écarte une fougère et nous affirme d'un ton fier :
- C'est ici. Nous voici arrivées à Mexzata.
Le médecin est vite mené auprès des blessés. On l'accompagne, vu qu'on est censés l'escorter. Il discute rapidement avec les guérisseurs déjà au travail. Il parait satisfait, les balles ont été retirées à l'aide de pinces récupérées chez un médecin de l'ancienne colonie. Celle qui a été rasée avant notre venue. Du coup une bonne partie du travail semble déjà faite. Mais le médecin se met à nous envoyer à droite à gauche chercher des trucs et on se retrouve à courir dans le village nous et plusieurs des locaux. Du coup ça fait visiter le coin, même si en courant et pas avec vraiment le temps de discuter. Apparemment tous n'étaient pas au courant de notre arrivée, vu la surprise que j'ai provoqué en arrivant à la porte d'une hutte. Mais ils avaient ce que j'avais été envoyée chercher, donc j'ai pu les convaincre de me la laisser l'emprunter et je l'ai apporté à l’hôpital improvisé.

Les chasseurs ont tué personne, mais les blessures commençaient déjà à pourrir dans l'humidité de la jungle. Si les indigènes n'avaient pas été soignés avant notre arrivée, si on avait pas eu le matériel de l'ancienne colonie, si ils avaient pas eu accès à l'aide de notre médecin ... trois chasseurs morts à ce qu'il parait ? Il s'en faut pas beaucoup pour qu'on passe de zéro à une dizaine de locaux tués.

Puis les requêtes de matériel se tarissent et je me retrouve à aider, moi comme les autres. Entre le docteur et les autres guérisseurs ils devraient pas avoir besoin de nous ils sont assez nombreux non ? Zut quoi, je veux visiter le village moi.


Alors que le soleil tombe, que je prend l'air quelques minutes, notre escorte sort et se place à côté de moi sans me regarder. Il veut se donner un air ou quoi ? Si c'est comme ça je le regarde pas non plus, na.

- J'ai fait ce que j'ai pu pour le moment. On va rester cette nuit pour surveiller l'évolution de leurs blessures. Peut-être plus longtemps.
- Très bien Docteur. Je préviens Benefacto, qu'ils nous attendent pas.

Je me méfie, vu comme on est placés, côte à côte sans se regarder. S'il place une réflexion sur la lune, je le cogne. J'ai rien contre avoir l'air classe, mais faut voir à pas forcer le trait.
Mais il ne dit rien, il se retourne et rentre juste à l'intérieur.

Je pars visiter le village, tout en m'occupant de prévenir le Lieutenant Angus.
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En ville, la nouvelle que des chasseurs ont été agressés sauvagement et sans le moindre motif valable par ces salopards d’indigènes fait le tour de tout ce qui a bouche et au moins une oreille en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Evidemment, le Commandant éprouve le besoin irrépressible de nous dire d’ouvrir l’œil, comme si on s’en serait pas douté.

Quoique, vu certains Marines, il a p’tet pas tort.

Toujours est-il que j’reprends mes hommes, qu’ont raccompagné les bûcherons, et qu’on continue de patrouiller la colonie. Y’a pas grand-chose d’autre à faire, et si ce n’est ces derniers qui bossent à tailler leurs bouts d’bois pour leurs charpentes, la banlieue proche se vide p’tit à p’tit. J’secoue la tête. On va pas rester avec ceux qui bossent et ont pas l’air de chercher les emmerdes. J’laisse cinq gars pour surveiller le périmètre extérieur, des fois que Bouba tienne pas ses tribus et vienne nous chier dans les bottes.

Il nous faut pas long pour remarquer un petit attroupement dans un coin, avec une casquette de Mouette qui dépasse par-dessus la foule, et le canon d’un fusil qui s’agite en rythme.
« Reculez, ou je fais feu, sonne la voix du soldat.
- T’peux quand même pas…
- C’est ça que vous faites ?
- Vendu !
- Traître ! »
Sur un geste de ma part, on passe à travers les gens, tout droit, en les écartant manu militari. C’est un peu nos prérogatives en même temps. Ca bougonne, ça râle, mais devant nos mines patibulaires voire antipathiques, ça va pas au-delà du grognement irrité. Irrité, on l’est aussi. On a bien vu qu’un des nôtres était pas passé loin d’une correction, ou même d’un lynchage en bonne et due forme.

Surprise, c’était pas un Marine isolé, mais un Marine avec deux petits sauvageons accrochés aux basques. Voilà qui éclaire sous une autre lueur les commentaires des pouilleux. Les gamins lancent un regard mi-apeuré mi-courageux. Ca fait bizarre, mais au moins ils essayent. La Mouette nous adresse un salut soulagé, auquel j’réponds d’un hochement de tête.
« On bouge vers le QG avec les otages en milieu de colonne. Prenez l’air méchant, on s’arrête pas, on les livre et on prévient Thorn qu’effectivement, ça chauffe. »

Ainsi fut fait. On s’est attiré des regards mauvais pendant qu’on trottait à travers la ville, vers le cuirassé du Commandant. Ca sera l’endroit le mieux défendu, et si une troupe de civils armés de fourches et de machettes veut attaquer un putain de cuirassé de la Marine, j’leur souhaite bien du courage. Puis en regards mauvais, on est quand même vachement meilleurs qu’eux. Les yeux plissés et les coins de la bouche qui pointent clairement vers le bas, le tout-venant comprend bien que c’est pas le moment de nous chercher des noises, avec nos armes au clair.

Après avoir remis les otages entre des pognes moins affairées que les miennes, j’fonce au bureau de Thorn. Mais de lui, pas un signe. Y’a juste Charme, et Blondie, en train de discuter d’un air soucieux. J’interromps sans le moindre scrupule, j’ai des trucs importants.
« Ah, Angus. Tensions en ville, hein ?
- Z’êtes déjà au jus ? Enfin, tant mieux.
- C’est quoi les dernières nouvelles ? Demande Blondie.
- Ca s’embrase sec, Benefacto. Ils ont commencé à chercher les otages. J’viens d’en ramener deux. Des nouvelles de ceux qui sont partis chez les tribus ?
- Tout a l’air calme de ce côté-là, mais ils n’ont vision que sur un seul village, alors c’est dur à dire. Même dans ce cas, des combattants pourraient facilement s’esquiver et…
- Ouais. Les autres otages ?
- Avec les deux tiens, on a le compte sous contrôle, à bord du cuirassé.
- Et Thorn ?
- Il est avec Gouvernator, là. Dès qu’ils auront déterminé la marche à suivre, il nous passera un coup de Denden.
- C’est quoi son plan ?
- Calmer le jeu, envoyer une délégation à Bouba, et mettre en place une surveillance accrue des sorties de la ville.
- Ouais, ça semble pas con. »
Charme me lance un regard assez peu amusé, un sourcil haussé. Visiblement, elle a dû participer à la mise en place des détails. Blondie affiche un sourire railleur et j’me contente d’un en coin.

Sur ces entrefaites, l’escargophone s’agite doucement sur la table, secoue la tête et manque de basculer sur le côté. La main de la vieille baroudeuse se tend instantanément, le rééquilibre et prend la communication.
« Commandant ?
- Oui, Charme. Après discussion avec le Gouverneur, nous devons ne rien faire si ce n’est nous assurer que les indigènes ne nous attaquent pas. Chaque expédition civile qui sortira des limites de Benefacto devra être escortée, et nous serons obligés de fournir cette escorte dans les limites du possible.
- A savoir ?
- Tant qu’il y a des hommes pour défendre Benefacto, nous sortons.
- C’est… large.
- Le Gouverneur ne s’est pas avéré très… ouvert à la discussion.
- Et concernant le développement d’une économie parallèle des tickets de rationnement ?
- Pour le moment, il a dit de laisser tranquille en attendant que la situation se stabilise.
- En attendant que le marché noir se stabilise, c’est ça ? Que j’interviens. »

C’est que j’m’y connais un peu plus dans ce genre de trucs qu’en stratégie militaire pure. S’il laisse le trafic de tickets se mettre en place, ça va être la misère pour s’en débarrasser. A moins que… Comme d’hab’, la question en suspens reste à qui profite le crime. Là, c’est vite vu, s’il a un pied dedans, il va se faire des couilles en or. Mais c’est pas mon, ni notre problème, on va pas tarder à s’barrer de ce trou moisi. Quand même, ça m’emmerderait de laisser faire ça, faudrait que j’vois à lui coller un p’tit coup de Jarnac…

« Vous avez vos ordres, Lieutenants. Au travail. »
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Réveillée par les sons de la forêt, je mets un moment à me rappeler où je suis. Surtout que ça tangue quand je bouge. Mais c'est parce que je suis dans un hamac, pas dans un bateau. Oh oui, c'est vrai. On est chez les .. gens de l'île. Que je sais pas s'ils ont un nom. L'île s'appelle l'île maléfique, mais je vois pas vraiment les gens s'appeler les maléfiques. Ou les maléficiens.
Je me léve, apparemment je suis la dernière. Mitzu m'apporte un truc à manger qui lui a été donné. Pas trop mauvais, mais ça fait bizarre de manger du poisson au petit-déjeuner. Enfin c'est pas mon habitude personnelle, d'en manger au petit-déjeuner.
Le médecin est déjà occupé avec ses patients, Apatlapec se promène dans le village et je finis de manger en discutant avec Mitzu.

Après ça, pas grand chose. La matinée s'écoule tranquillement, mais pour nous autres, soldats, il n'y a pas grand chose à faire. Je voudrais bien discuter avec eux, mais ils se méfient de nous. Ils s'écartent, ils limitent leurs contacts au maximum. A part les guérisseurs, mais ils sont tous occupés, à surveiller les blessés. La plupart des guerriers ne sont pas là. J'aimerais bien les aider d'une façon ou d'une autre, mais on est pas dans le même camp. Si ça dégénère avant notre départ de l'île, on sera même ennemis.
Dommage.


C'est la fin d'après-midi et on repart. S'il y a eu d'autres problèmes avec des chasseurs ou la marine, on n'a pas entendu dire. Je pense qu'on aurait vu nos hôtes s'agiter voire venir nous engueuler ... ou nous attaquer, si ça avait été le cas. Mais non.
Le docteur a fini ce qu'il voulait faire, un guerrier indigène arrive pour nous servir de guide. Nous quittons le village et ils ont pas l'air mécontents de nous voir partir. Le médecin pense que les blessés devraient s'en sortir. Tant mieux. Oui, tant mieux.

On marche depuis un moment quand on entend du bruit dans la forêt, du bruit humain. Le temps de tourner la tête dans cette direction et de revenir devant et je vois que notre guide s'est volatilisé.

- Allons voir, ordonnais-je en prenant la tête de notre colonne de quatre. Les sons se rapprochent et nous aussi, jusqu'à ce qu'on distingue clairement des voix. Ca a pas l'air d'être la grande fête, ça rigole pas trop. C'est pas non plus une engueulade. Juste des gens qui s'aiment pas.
Soudain, on tombe nez-à-nez avec l'un d'entre eux. Un coup de fusil part. Heureusement, très mal visé. Mon poing part aussi. Dans son ventre. Il le reçoit mal, enfin ça lui fait pas du bien. C'est fait pour après tout. Faire mal, je veux dire.

- Non mais ça va pas ?! Vous auriez pu blesser quelqu'un !! Espèce d'imbécile !!

Des gens se rapprochent. Des marines, d'autres civils. Des chasseurs ?
On doit être revenus de notre côté.

- Il se passe quoi ici ? Ah, Sergent. Vous êtes revenue ?

C'est un des gars de Prudence, je crois. Il est arrivé après Bulgemore. Pas la moindre idée de son nom.

- Cet imbécile a ouvert le feu avant de savoir face à qui il était. On tire pas sur des humains !

Je lui redonne un coup alors qu'il commençait à essayer de répondre quelque chose. Le souffle coupé, il ne peut pas. Il le méritait. Il aurait pu tuer quelqu'un. Moi par exemple !

- Vous faites quoi, vous chassez ?
- Pour être exact Sergent, ils chassent. Nous on les escorte au cas où ils auraient un problème avec les locaux.
- Bon courage.
- Merci Sergent.
- La ville, c'est bien dans cette direction ?
- Plutôt par là.
- D'accord merci. On va vous laisser alors.
- Eh minute.

C'est un des civils qui intervient. Pas celui que j'ai cogné. Grand et musclé, les cheveux bruns mais coupés très courts. Finalement, ils ont un peu tous la même carrure ces chasseurs. Ils ont des gros bras et des ptits cerveaux.

- Tu débarques de nul part et tu tabasses Bernard pour un accident à la con. Tu pourrais quand même t'excuser gamine.

La gamine elle a dix-neuf ans merci bien.

- La gamine, elle peut vous foutre au tapis quand ça lui chante. Votre Bernard met des vies en danger, je lui explique pourquoi c'est une très mauvaise idée.
Aussi il m'a mis les nerfs en rogne, mais c'est bon, c'est évacué maintenant.

- Quoi, il a heurté ta sensibilité, il a insulté tes ongles ?
- Retournez à vos affaires. Il n'y aura pas de second avertissement.

Il regarde autour de lui. Les autres chasseurs, les marines .. il hésite, il ne veut pas déclencher de bagarre, je pense. Mais il ne résiste pas à l'idée de se payer ma gueule une fois de plus.

- T'es toute fine, comme une brindille. T'es la mascotte du régiment en fait non ?

Ce qui a suivi, pour lui, s'est passé très vite et il a du mal à s'en souvenir. Moi, ça s'est passé vite mais comme je menais la danse je sais très bien ce qu'il s'est passé. J'ai fait sortir des bras de ses épaules et deux poings l'ont cogné simultanément sur les oreilles. Ça, ça sonne déjà dur. Venus du sol, des lignes de mes bras l'ont attrapé aux jambes et aux bras et l'ont empêché de s'écarter ou d'esquiver. Pendant ce temps, je sautais. Même pas annoncé le Pugno Lunare, pas le temps de pousser un cri de guerre. Mes genoux ont percuté son menton, ça a stoppé mon ascension. Mes poings ont martelé son visage et je l'ai relâché. Mes pieds ont touché terre alors qu'il commençait à basculer. Étendu pour le choc.

Je me mets en garde, un poing avancé, l'autre devant mon menton. Je les surveille, ces chasseurs. Trop ébahis pour lever leurs armes, sauf un. Mais le marine a côté de lui le fait baisser son canon de fusil, en lui parlant.

- Vous avez du gibier à chasser, non ? Alors foutez le camp, emportez ce gros lard et que je vous croise pas de la journée.

Nous on repart, on doit rentrer en ville. Leur Bernard semble toujours avoir mal au ventre. Normal. L'autre commence à se relever alors que mon groupe s'éloigne. Les marines qui les escortent tentent de les calmer et les rediriger vers leur tâche, la chasse.
Devrait pas être compliqué quand même.

...
Je pense que j'ai un peu gaffé. Mais on doit se faire respecter des civils, surtout ceux-là. Si l’Élite se laisse marcher sur les pieds, alors les réguliers qui nous remplaceront n'ont aucune chance de faire régner l'ordre.
Je peux toujours justifier ça.
Mais pour être honnête, j'ai surtout pas aimé qu'on me tire dessus et qu'on essaye de se moquer de moi.
Mascotte du régiment ? Non et puis quoi encore ?
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Assis sur une chaise brinquebalante, j’me masse l’arête du nez en secouant la tête. En face de moi, Scorone vient de me raconter ses derniers exploits, un air de défiance et de culpabilité sur la gueule. D’un côté, difficile de lui en vouloir, faut se faire respecter par les contribuables les plus récalcitrants. De l’autre, putain, ça nous fout grave dans la merde. Déjà parce qu’en ville ça va pas être jouasse, mais en plus pasque Thorn va me chercher des crosses pour ça.

J’fais avec ce que j’ai, moi.

J’me contente de faire passer une note par une estafette, style ‘’Troubles entre Marines et civils’’. Je signe pas, non plus, histoire de préserver le mystère. Ca fait un peu stratégie du lâche, mais ça va passer, j’suis sûr. Le Commandant aura pas le temps de chercher, de toutes les façons.
« Bon, Scorone, t’as gagné. Patrouilles pour vous, deux fois plus longtemps. Z’êtes de service jusqu’à demain matin, félicitations. Et j’veux pas de grabuge inutile en plus, j’en ai soupé, de cette ville à la con.
- Mais Lieu…
- Ta gueule, Scorone ! »
J’ai crié peut-être un peu fort. Vivement qu’on s’casse, la garnison régulière est pas très loin il parait.

Légèrement excédé, j’sors et j’ramasse mon escouade. Mon tour de patrouiller aussi, encore que pas jusqu’au petit matin. Il faut pas plus de dix minutes pour qu’on croise un premier attroupement visiblement vachement occupé à ne pas travailler. On les accoste tranquillement, et j’prends l’air faussement enjoué.
« Hep, les gens. Ca va ? Vous profitez un peu du climat ?
- Humpf.
- Feriez mieux d’aller bosser, si vous voulez bouffer ce soir, hein ?
- Vous r’garde pas.
- Si, si, en vertu des Mesures de Guerre, j’ai pleine autorité pour disperser les groupes.
- Pour quel motif ?
- Sans motif, c’est ça qu’est bon.
- Et si on veut pas ? »
Mon sourire s’élargit.
« On n’a pas encore de prison, mais on doit pouvoir vous attacher en plein cagnard à un poteau au milieu de la ville.
- C’est un abus de…
- De rien du tout. Alors ?
- Allons-y, les gars.
- Voilà, parfait. »

J’attends qu’ils soient partis.
« Une situation réglée avec brio, que j’m’auto-congratule.
- Euh, vous êtes sûr, Lieutenant ? J’ai plutôt l’impression qu’ils vont nous en vouloir salement et que y’aura des conséquences…
- Evidemment que y’aura des conséquences, faut qu’on choppe les fauteurs de trouble maintenant pour s’en débarrasser, sinon la colonie va tomber en miettes avant même d’être construite.
- Mais c’est un peu risqué, non ?
- On fait pas d’omelette sans casser les œufs, que j’grimace. L’idée, c’est d’isoler les touille-merdes et les éliminer, avant qu’ils contaminent le reste de la populace avec leur mécontetement.
- Vous avez pas l’habitude de vous justifier, Lieutenant. »
Ouais. Autant dire que j’respire la confiance.

La journée passe avec la lenteur caractéristique des mauvais présages. Une couche de malaise recouvre la ville et ses environs, et ça rend les gens nerveux, agressifs, en tout cas pour ceux qu’on voit. Les Marines échappent pas à ça, et les mains s’éloignent jamais trop des poignées des sabres, des crosses des mousquets. Le moindre bruit, aussi trivial soit-il, fait se retourner tout le monde, regard acéré et narines dilatées.

Bizarrement, l’alerte vient pas dans le bruit d’un coup de feu ou du tocsin. C’est un des bûcherons qui s’approche, s’fait rapidement arrêter par les soldats, auxquels j’ordonne de le laisser passer d’un signe de tête. Il a beau avoir sa hache sur l’épaule, il représentera pas le moindre danger, à son expression et son langage corporel, ou alors j’me suis sacrément rouillé depuis l’époque où j’étais Cipher Pol.
« Ouais, qu’est-ce qu’il y a ?
- Lieutenant, c’est un d’vos hommes…
- Quoi ?
- On sait pas bien c’qu’y s’est passé. Retrouvé allongé dans une ruelle.
- Mort ?
- Juste assommé, enfin…
- On y va. »

On emboîte le pas au gars, l’expression tendue. Ça va p’tet péter, et faudra qu’on bouge vite… Et qu’on les trouve. Effectivement, c’est bien un Marine affalé par terre. Quelques types sont autour, avec un qui lui file de la flotte histoire qu’il se remette. Ç’a pas intérêt à être une banale histoire d’insolation. Puis j’vois le sang séché qui couvre la moitié gauche de son visage, et ses braies délacées. Hm…
« Soldat… ?
- Jerkins, Lieutenant.
- S’est passé quoi ?
- J’étais tranquillement venu m’isoler quelques secondes du groupe pour uriner, Lieutenant.
- Sûr ? C’était pas plutôt pour profiter des mille et un charmes d’une locale ? »
Il se tait quelques secondes, regarde vers la gauche. Pff.
« Non, non, c’était pour uriner. Enfin bref…
- Oui, enfin bref.
- Et là, un choc sourd, et j’me suis réveillé quand les civils m’ont versé de l’eau sur la tête.
- Okay, j’vois l’genre. Vous avez vu quelque chose, vous ?
- Deux hommes et une femme qui partaient en courant, de loin. Pas grand-chose.
- Hum. »
J’les fixe. Pas de quoi savoir s’ils mentent ou pas. Dans tous les cas, ça devrait pas être une action isolée. Si on les attire bien, on devrait pouvoir tout chopper dans la nuit.

V’là qu’une estafette vient s’arrêter en soufflant à côté de moi.
« Lieutenant Angus ?
- Ouais ?
- Bouba et d’autres pointures sauvages sont aux portes de la ville.
- Ils ont pas autre chose à foutre ?
- Il veulent s’assurer que les otages sont bien portants et utiliser leur droit de visite ou je sais pas quoi.
- Ah, ouais, les clauses pour les civiliser… Fallait qu’ils se pointent maintenant, hein ? »
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Eh oui il fallait qu'ils se pointent maintenant. Sinon ça aurait été trop simple d'avoir juste la ville sur le point d'éruptionner. Fallait qu'on rajoute des insulaires pour mieux faire bouillir le chaudron des colères. Et ça fait une super métaphore, mais c'est pas vraiment une métaphore quand c'est sur nous que ça va exploser au visage et qu'on va se brûler. Et on a pas de grande louche pour touiller et sans le gouverneur on aurait pu je sais pas moi déclencher une vraie loi martiale, c'est pas génial sur le principe et puis comme les gens ont pas encore trop de maisons on peut pas les enfermer dedans avec un couvre-feu ben ça nous aurait bien aidé.

- Scorone, chopez Jadieu en vitesse et rejoignez-nous avec son escouade aux portes de la ville. J'embarque vos hommes on se retrouve là-bas.

J’acquiesce et part en vitesse. Normalement Jadieu et les siens sont au camp, à l'heure qu'il est. Soit à quasiment l'autre bout de la ville. Parce que sinon ça aurait été trop facile, bien sûr.
D'une rue à l'autre, les ambiances changent fortement. L'une est à moitié reconstruite, la suivante est encore en ruine, des tas de gravats qui traînent par terre, une façade effondrée. La suivante résonne du fracas des marteaux et du ronflement de la scie, puis je déboule dans une ruelle silencieuse, presque vide, un peu boueuse encore. Les pavés ont été déplacés par des végétaux qu'on a retiré en attendant les colons. Les pierres n'ont pas été remises en place.

Une fois l'odeur est celle du bois, fraîchement découpé, on sent encore la sève. Plus loin, c'est la viande, l'animal égorgé et les ordures qui reposent déjà dans la rue. C'est comme si on avait deux villes, voire trois, qui se mélangeaient et .. non, pas qui se mélangeaient. Qui se superposent. Parfois l'une gagne, parfois l'autre prend le dessus. J'aurais dû passer par les toits. Mais c'est pas tellement plus rapide et c'est quand même un peu plus dangereux. Trop tard pour changer de plan de toute façon. Je cours dans les rues, je continue à courir dans les rues tant que je peux.
La plupart des rues auraient bien besoin d'un vrai repavage par contre, même si les maisons sont la priorité. Le sol irrégulier plein de bosses même après ce que la marine a tenté de faire dans les jours précédents à déraciner les plantes, c'est pas si génial pour courir vite. Puis on s'est surtout préoccupé des buissons en train de pousser et de la masse des débris à dégager, le travail de précision et qui prend du temps on le laissait aux civils.
On a été bêtes de croire que ça se passerait bien quand ils seraient arrivés. Peut-être c'est juste moi, peut-être j'étais trop optimiste. Naïve ..

Non mais aussi si les colons ça avait été des vrais, volontaires, pas des prisonniers et des criminels plus ou moins graves, ben ça se serait mieux passé. Si le gouverneur ça avait pas été un gros bêta, ça se serait mieux passé. Y a des gens de bonne volonté. Mais dans le mélange qu'est cette ville, j'aime pas ça. J'aime pas ça du tout.
Si l'ancienne cité qui était là avant Benefacto était aussi mal lunée, c'est pas étonnant qu'elle ait fini rasée. Elle le méritait. Si c'était la même, je veux dire. Mais y avait sûrement des gens innocents qui sont morts aussi et ça c'est pas bien. C'est pas parce que la ville mérite un triste sort que toute la population le doit. Des fois même la majorité entière n'est pas responsable. Même si après c'est pas toujours simple et les responsabilités sont souvent partagées et ...
Rha mais je m'en fiche moi ! J'ai autre chose à faire que réfléchir. Réfléchir c'est une perte de temps !!

En plus j'ai ralenti dans ma course, avec les obstacles et mon temps perdu à penser que du coup j'ai pas repris ma course vite après les évitements d'obstacles. Je me remets à courir à pleine vitesse autant que je pense. Comme j'ai déjà dit, le sol n'est pas exactement plat, même si il ne gène pas la marche. Faut quand même faire gaffe en courant. Je gagnerais rien à me tordre la cheville. Au contraire, je perdrais encore plus de temps.

Un civil agite les bras devant moi et veut m'arrêter. Mon premier réflexe est de lui foutre un coup dans la face pour qu'il soit trop distrait pour me bloquer. Mais je m'arrête avant d'avoir eu le temps de le faire. Je force le bras qui était apparu sur sa tête à disparaître et je m'arrête.
Heureusement, j'aurais encore eu des ennuis. D'abord j'avise, ensuite je tape.

- Eh bien quoi ?
- On est en train de démolir des maisons trop abimées m'dam .. piaf .. oiselle. M'damoisel, la rue est à éviter pour le moment.
- Oh, d'accord.

Je vois quelques personnes s'agiter dans la rue, à l'entrée d'une des maisons. Y a de la poussière et une maison effondrée un peu plus loin. Il doit dire la vérité ..
Du coup, ben ... je crois que j'ai bien fait de pas le taper et qu'il a bien fait de m'empêcher d'emprunter ce passage-là. Encore une situation résolue à l'avantage de Gallena Scorone, marine extraordinairement géniale.

Quelques virages encore plus loin, quelques minutes plus tard, j'arrive au camp de marines. J'y retrouve Jadieu et on rassemble sa section rapidement.

On part au pas de course rejoindre le Lieutenant Angus et ma section. Une petite foule les entoure, mais nous pose pas de problème. On est obligés de bousculer un peu des gens pour pouvoir passer, mais notre nombre et notre armement suffit à éviter toute réponse plus violente qu'un gromellement.
Va falloir atteindre le croiseur. Avec notre nombre, on est sûrs de pas avoir de problèmes dans la rue, on va pouvoir protéger les .. émissaires ? On va pouvoir les protéger sans problème. Pas qu'il y aura des problèmes. Tout va bien aller. J'en suis sûre.
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J’tourne la tête vers mes sergents d’élite, Scorone et Jadieu, qui ont daigné se joindre à nous. Bon, y’a leurs hommes aussi. Mes mirettes reviennent sur Bouba et ses accompagnateurs, bras croisés sur leurs poitrines musculeuses, menton levé en signe de défiance vis-à-vis de la petite foule qui nous accompagne. Sont calmes pour le moment. Avec les troupes qu’on a, les civils décarrent vite fait, et il en reste juste quelques-uns qui nous surveillent.

Alors que ça devrait être l’inverse.

« Bon, Bouba, on est venu visiter ce charmant berceau de la civilisation ?
- Les otages ? »
Il a pas vraiment décroché quoi que ce soit d’autre depuis que je l’ai ramassé aux portes de la ville.
« Ouais, ouais, on va pouvoir se mettre en route, maintenant.
- Besoin de vous déplacer à plusieurs dans votre propre village ?
- Nous, ça va, c’est plutôt pour éviter que vous vous jetiez les uns sur les autres entre civils.
- Nous sommes des guerriers, nous n’avons pas peur des intrus.
- Ouais, sûrement. Mais faudrait p’tet s’y mettre, justement.
- Est-ce que les otages vont bien ?
- ‘Videmment. L’élite de la Marine est là pour les protéger envers et contre tout, et…
- Allons les voir, coupe-t-il.
- Pas sympa, ça, de m’interrompre pendant le discours patriotique. »
Il m’jette un regard pas franchement amusé. On repassera, pour les blagues.

Du coup, comme mon p’tit numéro marche pas, et que j’arrive pas à le détendre, ni à me détendre moi-même au demeurant, on enquille. On croise pas grand-monde, il commence à se faire tard, aussi. Juste quelques ombres qui essaient de nous surveiller discrétos, mais c’est pas encore tout à fait ça. Il nous faut pas long pour arriver au port, où trône fièrement le cuirassé de la Division. Il forme une tache plus sombre que la nuit, vaguement éclairée par des projecteurs braqués sur le port. Des silhouettes pâles se dessinent autour, fusils parés, des fois que des gens aient des mauvaises idées.

Doit y avoir la même côté mer, mais je vois pas qui serait assez con pour attaquer un cuirassé de la Marine avec toute une division à bord. M’enfin on sait jamais, des types optimistes, y’en a partout. On s’identifie rapidement et on grimpe à bord. J’ai un peu hâte de refiler ma charge au patron, que ce soit lui qui s’emmerde à les occuper et à leur montrer leurs beaux otages. Des gamins pouilleux pas vraiment lavés et carrément sauvages.

« Lieutenant Angus ?
- Ouais, Commandant. Bouba est venu visiter les otages. Il a dû avoir vent de certaines rumeurs, euh…
- Comme le fait que des colons aient été attaqués sur l’île, censément par des sauvages ? Questionne ouvertement Thorn. »
Bouba se raidit, les autres portent la pogne à leur ceinture. Mauvais plan, le patron est un gros client, quand même. Tous les Marines se redressent, aussi. Puis le chef des sauvages adresse un signe à ses adjoints, se détend visiblement, lève les mains.
« Devons-nous vraiment en parler ?
- Cela dépend.
- De ?
- De ce qui s’est réellement passé.
- Des chasseurs sont venus sur notre territoire et ont ouvertement agressé mon peuple.
- Ou alors des chasseurs de ton peuple ont décidé que la paix ne leur convenait pas et… »
Ils haussent tous les deux les épaules, se comprennent. Il y a du travail pour tout le monde, faut croire.
« C’est bon, Angus, vous pouvez retourner patrouiller en ville.
- C’est que… Mon service est fini…
- Allez dormir, alors. Vous êtes lieutenant, je devrais pas avoir à vous dire ça. »
J’essuie la rebuffade et j’prends la porte, comme le grand garçon que j’suis.

T’façon, y’a encore un truc que j’veux faire.
« Hé, Scorone. Ramène-toi.
- Oui, Lieutenant ?
- On va discuter un peu à terre, tous les deux. »
On descend du navire, puis on va s’foutre dans un coin un peu à l’écart.
« T’es assignée jusqu’à l’aube, tu t’souviens, Scorone ?
- Oui, Lieutenant, à cause de…
- Ouais, voilà. Mais on va changer un peu l’intitulé de la mission de cette nuit. C’est calme, le climat s’y prête, les gars vont bien se démerder pour patrouiller tous seuls.
- Euh, d’accord, donc je vais dormir ?
- Non, j’ai trouvé la parfaite petite mission pour juste nous deux. Tu aimes bien le Gouverneur ?
- Pas vrai… Aucune importance, Lieutenant. J’obéis aux ordres, Lieutenant.
- Exactement les réponses que j’voulais entendre ! On va aller le voir chez lui, tu vois ?
- D’accord.
- Mais il sera pas là. »
Scorone cligne des yeux.
« Puis on va regarder un peu ce qu’il y a dans son bureau. Les tiroirs, les tableaux, les bibliothèques… Les coffres.
- Mais… Ca ne serait pas du vol, ça ?
- Pas tout à fait. C’est plutôt… de la redistribution.
- Pour nous ? »
J’la regarde d’un air outré.
« Bien sûr que non. Allez, on s’bouge. »

On évite évidemment la grande avenue, favorisant nettement les ruelles plutôt insalubres. Fait drôlement sombre, quand même, ce qui est confirmé par les nuages qui commencent rapidement à couvrir la lune et les étoiles. Ca sent le grain, violent et rapide. A moins que la saison humide commence, mais j’sais pas trop. On arrive enfin à la piaule de Gouvernator, toutes lumières éteintes vu l’heure tardive.

« Comment on rentre ? On toque à la porte ?
- Nan, Scorone. Utilise ton fruit. Fais apparaître un bras de l’autre côté et actionne la poignée. Genre, à tout hasard… La fenêtre juste au-dessus de nous, au premier étage, là. Tu vois ?
- Je ne suis pas sûre d’y…
- Mais si, tu vas y arriver.
- C’est que ça me donne faim de…
- Oui, je sais, je sais. On ira aux cuisines après, t’auras une triple portion. Promis juré, croix de bois, croix de fer, si j’mens j’vais en enfer.
- D’accord, Lieutenant… »
La fille aux cheveux roses, devenue Sergent je sais pas bien comment, ferme les yeux et s’concentre, amène l’entière puissance cérébrale dont elle dispose au service de notre noble entreprise. Il faut cinq bonnes minutes pendant lesquelles j’me force à pas la déranger ou trépigner sur place avant que la fenêtre s’ouvre tout doucement. Un filet de sueur goutte du nez de ma subordonnée.
« Bien joué, Scorone. On monte. »

Quelques Geppous me suffisent à arriver à l’intérieur de la pièce, totalement obscure. J’suis rapidement rejoint par Gallena, qu’a dû utiliser son fruit pour faire la grimpette, d’une manière ou d’une autre. J’mets le doigt devant ma bouche en signe de silence, mais j’sais pas si grand-chose se distingue. On y voit déjà à peine le mobilier, quand il se met à flotter comme vache qui pisse.

J’referme doucement la fenêtre, pour éviter qu’il pleuve à l’intérieur. Ca étouffe un peu le son, mais on entend toujours les gouttes qui tambourinent sur le toit.
« Scorone, on cherche tout doucement, on tape pas dans les meubles. On essaie de trouver quelque chose ressemble à un coffre-fort, un tiroir fermé à clé, tous ces trucs-là, pigé ? Que j’chuchote.
- Oui, Lieutenant. Mais ça serait pas un peu…
- Tatata, j’coupe grossièrement. »
On s’déplace à tâtons, quelques chocs sourds quand on s’cogne quand même malgré nos précautions. Mais au final, avec la flotte dehors, ça doit être inaudible pour les occupants de la barraque.

J’ai l’impression qu’il nous faut une éternité pour trouver le coffre. Il était dans un endroit à la con, juste par terre dans une armoire, mais c’est pas facile dans le noir. En vrai, on a dû mettre environ vingt minutes. La pluie s’est arrêtée entre temps. J’fais craquer une allumette pour examiner la bête : acier renforcé, code à cinq chiffres et clé nécessaire. A se demander ce qu’il y a dedans. J’sors un couteau à lame fine, j’teste les angles, les joints. Pas moyen de glisser quoi que ce soit. Probablement pas de l’artisanat local, heh.

L’avantage, c’est qu’il est pas bien grand. J’le soulève en serrant les dents, l’air que j’expire sort en chuintant.
« On s’arrache, Scorone. Ferme la fenêtre derrière nous. »
Avec le poids du bestiau, j’manque de foirer mon Geppou et m’étaler en plein milieu de la rue. Mais quelques pas m’suffisent à maintenir mon équilibre dans un éclat de flaques. J’vais avoir de la boue jusqu’aux cuisses, avec ce qu’est tombé tout à l’heure.
« Et maintenant, Lieutenant ?
- J’pensais filer le contenu du coffre aux sauvages, pour faire bisquer Gouvernator, mais là, ça va être tendax. On va leur filer le tout et ils se démerderont pour l’ouvrir. Ca se trouve, y’a qu’une édition collector dédicacée du calendrier des Sea Wolfs, mais tant pis.
- Le calendrier de qui ?
- Laisse tomber. T’façon, ça doit valoir une fortune, maintenant. Rentre au navire et fais-toi discrète. J’te rejoins. »

Une demi-heure plus tard, couvert de bouillasse des pieds à la tête à peu près, j’monte sur le cuirassé. Le coffre pionce paisiblement dans un trou creusé hors de la ville et le jour va pas tarder à se lever. Paraît que nos remplaçants arrivent bientôt, ils vont s’éclater. On vient de l'apprendre par transmission expresse.
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J'ai fait confiance au Lieutenant, mais ça m'ennuie quand même. C'était vraiment pas légal ce qu'on a fait.  Mais le gouverneur est un sale type, la population de cette ville est pleine de sales types et j'ai fait que suivre les ordres.
Après qu'on se soit séparés, je suis allée attraper de quoi manger. Puis je me suis promenée en ville, pardon, j'ai "patrouillé" en ville. Histoire de me montrer un peu, avant d'aller dormir. Toute cette activité, ça m'a épuisé. Déjà que je suis restée éveillée toute la journée et que j'ai fait nuit blanche, en plus j'ai dû utiliser mon fruit à un endroit que je voyais pas alors j'ai dû tricher pour réussir à avoir un regard d'un point à un autre pour pouvoir y faire apparaître d'autres yeux. Ce qui m'a donné la vue vers un autre endroit, pour que je fasse de nouveaux yeux, en enlevant les précédents qui ne servent plus. Et ainsi de suite avec parfois besoin de faire apparaître un bras pour mettre un oeil dessus pour pouvoir le déplacer, l’œil. Tout ça jusqu'à ce que j'arrive à me faufiler dans la maison du gouverneur avec mes yeux, afin d'atteindre la fenêtre de l'intérieur et là j'ai pu faire apparaître des bras et ouvrir la fenêtre et les volets qu'Angus voulait.

J'ai les yeux qui piquent. Dès que je m'arrête de marcher, ils menacent de se fermer mais je les laisse pas faire parce que je suis sûre que je vais m'endormir dans ce cas. Je .. voudrais bien. Mais je peux pas.
Encore une heure. Ou deux. Ensuite je peux aller dormir.

Ça sera bien.


Rien ne se passe pendant ces deux heures à part le soleil qui se lève, la ville tient toujours debout et n'est pas en feu, je m'écroule sur mon lit et dort la minute d'après.


Quand je me réveille, il fait toujours jour et ça braille. Ça braille trop. J'ai pas envie de me lever ni d'ouvrir les yeux. On a pas l'air d'être attaqués. Ça ressemble plus à la douce berceuse qui sert de voix à notre Commandant. Il pourrait pas se taire et me laisser dormir ? J'ai veillé tard moi avec leurs bêtises. Et celles de ces idiots de civils qui font des âneries et qui après se plaignent et disent que c'est de ma faute.
J'essaye de continuer à dormir. Il parait qu'on a volé quelque chose chez le gouverneur. Pas de chance pour lui. En même temps c'est bien fait pour lui. Quand même marrant que d'autres aient la même idée que nous la même nuit. Ils ont dû passer par la fenêtre qu'on a laissé ouverte.

- SCORONE !!

Zut.
Je me redresse et me frotte les yeux. Je réalise que j'ai dormi toute habillée. J'aurais pas dû. Mon corps proteste mais qu'est-ce qu'il veut ? C'est trop tard maintenant.
Le commandant est devant moi.

- Ça va, je vous dérange pas ?!

Il a pas l'air content. C'est la faute au gouverneur qu'on a volé ? Moi j'ai déjà été punie pour l'accident avec les chasseurs, il va pas revenir s'énerver pour ça quand même.

- Un peu si Commandant vous voulez quoi ?
- Hier dans la nuit, on a volé un coffre chez le Gouverneur Saint Doù ! Vous étiez de patrouille cette nuit. Vous savez rien à ce sujet ?
- Si ... je vous ai entendu vous dans tout le camp. Même que vous aviez l'air énervé.

Je pique du nez mais il me fait sursauter. Son ton est bien plus maîtrisé, presque ... glacial.

- A votre avis, pourquoi ?
- Le Gouverneur vous a cassé les pieds ? A cause de ce vol.
- Exactement. Et vous, qui étiez de patrouille cette nuit, étiez à l'autre bout de la ville au moment des faits, c'est bien ça ?
- Sais pas quand ça s'est passé. Mais.
- Mais ?
- Sais pas. Elle est pas dans la ville sa maison. J'étais censée passer par là aussi ?
- C'est vous qui décidez de l'itinéraire de vos patrouilles Sergent. Donc vous n'avez vraiment rien à m'apprendre sur le sujet ?
- .. Ui. Je peux retourner dormir ?

Le regard qu'il me lance me retire définitivement toute envie de dormir. En quittant les lieux, il se contente de me dire :
- Nos remplaçants arrivent ce soir. On lève le camp immédiatement après.
- Oui Commandant !

Je me résous à me lever et ramasse mes affaires. Alors c'est fini ? On quitte l'île ?
J'entends le Commandant qui recommence son interrogatoire avec quelqu'un d'autre. J'ai pas compris le nom, c'était qui. C'est marrant, il avait pas l'air du genre à s'énerver trop, avant. Faut croire que ces jours à subir le Gouverneur et cette ville lui ont pesé sur les nerfs et qu'il en profite pour relâcher la pression.
J'aurais aimé ne pas faire partie des soupapes de pression quand même. C'est pas appréciable de se faire engueuler.


Et avec ça, nos remplaçants arrivent. Une cérémonie rapide pour leur laisser la place et en mettre plein la vue pour les colons, une réunion entre les grands officiers pour partager notre connaissance de la place et expliquer aux marines de la régulière qu'il y a des bêtises à ne pas faire et que le Gouverneur Saint Doù est une outre pleine d'ennuis.

Je suppose. Je suis pas conviée moi. En tant que Sergent, je suis censée superviser le chargement des bateaux pour notre retour à MegaVega. Mais comme j'ai mon fruit du démon, moi aussi je me retrouve à transporter plein de trucs.
J'ai l'impression de me faire exploiter ces temps-ci. Donc rien de nouveau par rapport à depuis que je suis dans la Vingtième.

Le Lieutenant Angus s'est éclipsé à un moment, parti voir les insulaires. A cause du coffre je suppose. Pour leur dire qu'une autre bande de marines allait s'occuper de l'île et des otages, plus officiellement. Le Commandant semble avoir laissé tomber l'affaire du Gouverneur. Il a dû en avoir marre de chercher sans rien trouver. Ou alors c'était de la comédie. Ou pour se faire les nerfs. Si c'était de la comédie, ben j'ai pas aimé participer au spectacle.

Pendant qu'on transporte le matériel, ça discute, évidemment. Entre deux grognements et "j'en ai marre de porter ces trucs", on se demande pourquoi le Commandant veut partir aussi vite.
Ce n'est pas le manque de place. On pourrait attendre jusqu'à demain sur les bateaux.
Ce n'est pas la marée, elle est pas assez importante dans ce port.
C'est pas non plus que le Commandant en avait tellement marre du gouverneur qu'il veut se barrer, non, enfin c'est moins probable que ce que propose Jadieu.
Une autre mission, bientôt. On va repartir à l'action.

Ça c'est une bonne nouvelle.


Plusieurs jours passent, on est sur les flots. Toujours direction MegaVega, ça n'a pas changé ça. Peut-être qu'on va avoir quelques jours de repos avant de repartir. Ça serait bien. Et on pourra reprendre de l'équipement en bon état et des munitions comme ça. C'est que l'île maléfique, ça a pas le meilleur climat qui soit, pour ce qui est de la conservation du matériel.

Je monte sur le château avant, si c'est comme ça qu'on peut appeler ce morceau de bateau. Le Lieutenant s'y trouve, normal, il m'a fait venir. Je ne sais pas pourquoi, mais il va me le dire. J'ai pas besoin de savoir à l'avance. Je suis curieuse du coup.

- Vous m'aviez demandé Lieutenant ?
- Scorone, t'as traîné.
- Non j'ai ..
- Ta gueule. C'est pas important. Approche.
- Oui ..
- C'est bon je vais pas te manger.

Il me regarde même pas. Il regarde la mer, devant. Les autres navires, devant le notre. On fait arrière-garde, en fait.

- Bon, avec le Commandant l'autre jour, c'était correct. Il est pas idiot, il se doute bien de ce qu'il s'est passé, mais sans preuves il peut rien faire. Et ça l'arrange aussi bien comme ça.
- Sûrement Lieutenant.

Je ne lui demande pas de quoi il parle, on sait très bien que c'est le coffre. J'avais pas réfléchi autant que lui, moi j'étais juste trop fatiguée l'autre jour pour ça mais j'avais bien saisi que fallait pas le dire au Commandant ce qu'on avait fait.

- Une fois à MegaVega, on se repose deux jours et la Vingtième d’Élite repart, on sait pas encore où.l.
- On ira y faire quoi ?
- Ramener l'ordre et la loi sur cette île égarée. Mais vous n'y allez pas.
- Hein ?!
- Tenez.

Le Lieutenant Angus prend un truc dans sa poche. Il tourne sa main pour avoir le dos de la main en haut et que je ne voie pas ce que c'est. Et il tend le bras.
Je mets ma main sous la sienne, vu que c'est ce qu'il a l'air de vouloir. Il laisse tomber un petit truc dans ma main.
- C'est ..
- Félicitations pour votre promotion Lieutenant Scorone.
- A ...
- Tu es transférée à la 53éme d’Élite. Ta section nous quitte à MegaVega. Tu auras tes ordres là-bas, je suppose.
- C'est quel genre de division ?
- Sais pas.
- D'accord ...

Je regarde cette insigne. Alors ça y est ? Je suis Lieutenant ? Ça me fait plaisir, mais, pourquoi ? Est-ce qu'ils voulaient se débarrasser de moi ? Non, sûrement ils reconnaissent mes prouesses au combat. Ça va faire bizarre. J'ai l'impression d'avoir vécu tant de choses, avec la 20éme.
D'accord, c'est bidon comme phrase. Haha. Puis c'est pas l'important.
Je suis Lieutenant !!!

Si j'étais une fille émotive, je pense que j'attraperais Angus et lui ferait un gros câlin pour le remercier, avec l'émotion et tout. Mais bon, il a pas été sympa très souvent avec moi. Et je suis pas une fille émotive.
Je me contente de sourire.

- Merci Li.. Angus. Tu sais, depuis le début de toutes ces histoires ...
On se serait pas déjà connu avant ?

- Non.
- Bien sûr. Merci de m'avoir transporté dans ces tunnels, quand même.
- Je ne vois pas de quoi tu causes.
- Bien sûr Angus.
- Ta gueule Scorone.
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