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Condamnés

C'est une agréable promenade dans les quartiers en ce début de soirée. Un moment de tranquillité où l'on apprécie les choses simples de la vie. Moment tranquille laissant mon esprit aller à la réflexion. Bien que la mort d'Elbert m'indiffère, je la trouve quelque peu injuste. Il s'agissait juste d'un individu perdu dans sa folie et dans l'estime démesurée de sa personne. D'ailleurs, va savoir où se trouve son corps à l'heure actuelle. Il n'y a qu'une trace de sang séché là où il a chuté. Peut-être une manigance ? Ou un cadavre à repêcher dans les bas-quartiers suivi d'un chou blanc de la milice ? Enfin : Ce soir, je prierai. Davinson, maintenant Elbert... trop de sang versé va à l'encontre de mes principes et de mon âme altérée de paix. Difficile à croire quand on regarde le parcours, mais je suis heureux d'avoir en ce moment à mes côtés une personne reconnaissant mes valeurs. Dylon, ce garçon qui nous aura sauvé de l'emprise de l'étrange pouvoir. Il a bon fond, certes, mais... il est terriblement curieux avec moi.

-Et du coup, s'est passé quoi quand le dragon est apparu ?!
-Je me suis rué sur lui le premier ! Que je répond en accompagnant mes paroles de grands gestes pour l'amuser tout en marchant. -Sa peau était aussi dure qu'une armure de Haki, alors je l'ai agrippé pour lui transpercer le palais de toute ma force ; Mais il n'était pas mort. Klara, la jeune femme aux cheveux blancs lui a lancé un puissant sort qui l'a emporté. Je ne sais pas ce que j'aurai fait sans son aide.
-Waw, l'histoire de fou...
-Je ne te le fais pas dire. A un moment, j'ai vraiment cru succomber à la chute lorsque j'étais sur la tête du monstre. Mais rien de ce que nous avons vu ou vécu n'était réel, tu sais.
-Ouais, j'me doute. J'aurai quand même bien aimé y être, j'aurai sûrement demandé à pouvoir voler ! -Hahahaha. Le Wyrm t'aurais avalé net, plutôt.
-Pff, tu mens, Chevalier du Grenier. C'est pas parce que tu as une grosse armure que t'es le plus fort. Me répond-t-il en se tenant droit comme pour jouer le caïd, me faisant largement sourire.
-Le plus fort ? Hum... D'entre nous ! Rétorqué-je avant de l'envoyer valser d'un bras au dessus de moi pour directement le rattraper. -Alors, ça fait quoi de voler ?
-Hey, c'est d'la triche ! J'ai été pris par surprise !

Cette partie de rigolade aura duré encore une bonne heure. Par la suite, nous avons été mangé au « Homard Fumant », de loin le restaurant favori de ce nabot. Ses yeux lui sortent de la tête quand il en parle, encore pire lors de la première fois quand il m'avait suivi pendant longtemps jusqu'à l'avant de l'enseigne. Il a de la conversation, n'empêche. D'un côté, vivre avec le Culte doit pousser à la maturité. Pauvreté, pas de parents, pas d'argent. Le jour où je quitterai l'île n'est pas encore venu mais je sais déjà qu'il me sera pénible de le laisser ici. L'ambiance qui règne là-bas est malsaine, on y étouffe et les motivations du leader ne sont pas forcément claires. Siegfried ne dit pas tout, et c'est ça le problème. Être chasseur de primes à mes yeux induit aussi la protection de la population, chose faite pour l'instant en sauvant quelques fidèles de l'emprise du Livre. Les raisons auront intérêt à valoir le coup à la prochaine sollicitation. Je pense à ça car mon instinct me dit que je ne tarderai pas à être demandé par cette secte. Et, alors que nous mangeons tout en papotant, malheur me frappe lorsque je renverse mon verre en plein sur ma veste.

-Par Asgeir, ces tables sont trop étroites ! Que je grogne en m'essuyant frénétiquement.
-C'pas grave, ça arrive.
-Hmpf, oui, oui. Ce n'est pas grave, mange.
-Tiens, maintenant que j'y pense. J'voulais te d'mander tout à l'heure mais j'ai oublié après. C'est quoi que tu dis à chaque fois que tu t'énerves ?
-Hein ?
-Par Asgard.. As-
-Asgeir, et je te l'ai déjà dit, c'est une divinité pour moi et les miens. Mon père jurait de la sorte, mon grand-père jurait de la sorte, et mes enfants jureront de la sorte !
-Aaaaah, Asgeir, voilà. Maintenant que tu le dis, y'avait un bouquin avec ce nom sur la couverture.
-Ah oui ? Il est fort probable qu'un scribe ait jugé intéressant de retranscrire son histoire. Tu es sûr de ce que tu viens de dire ? Lui demandé-je les yeux plissés, assez sceptique.
-Ouais, sûr ! « La légende d'Asgeir », j'ai eu le temps de faire un petit tour pendant qu'il parlait tout seul, l'autre bizarre. Enfin, quand il vous parlait. Au rez de chaussée, tu passes la cour et c'est dans la pièce juste avant celle où il était. Il y a une grande étagère et la salle est en bordel, l'était par terre.
-D'accord. Une bonne mémoire, dit donc.
-D'puis tout p'tit, ça, héhéhé.

Nous finissons nos repas et sortons d'un pas lent, l'estomac prêt à craquer. La nuit est bien tombée, et les nombreux lampadaires éclairant les quartiers lui offrent un charme tout particulier, chose simple de la vie que j'apprécie tout particulièrement, qui me comble au plus profond de mon âme. Dylon se devait de rentrer au Culte, les balades nocturnes n'étant pas très bien vu par le représentant du groupe. Et, c'est tout naturellement que je le raccompagne jusque là-bas. On apprécie la route, à marcher comme deux escargots et à rire pour tout et n'importe quoi. Enfin, surtout lui, je ne suis pas très bon public, mais ça ne le dérange pas. D'ailleurs, je ne comprends toujours pas pourquoi un enfant me colle aux basques comme lui le fait, il doit forcément y avoir une raison sous-jacente là-dedans. La plupart du temps, les mômes fuient à ma vue... ou braient.

Une fois arrivés, je ne l'accompagne pas à l'intérieur. L'air est bien trop stagnant et irrespirable. C'est alors que j'effectue un détour pour retourner jusqu'à ma chambre histoire de profiter un maximum de cette douce nuit. Devant la grande vitre de l'hôtel à observer le vieux gérant trier sa paperasse, je reste planté devant durant de longues minutes avant de repenser aux paroles de Dylon. Un livre reprenant la vie d'Asgeir dans un monastère... Après tout, Saint-Uréa est une très grande île, tout y est possible à mon sens. Et c'est au moment que le vieil homme m'aperçoit derrière la baie que je tourne les talons, accompagné d'une ardente curiosité.



Devant la bâtisse, j'ai le sentiment que rien n'a changé. Devant la porte principale, je vérifie que personne ne me regarde et brise la chaîne reliée entre les deux grosses poignées de la porte. Celle-ci grince dans un son sourd qui s'engouffre dans tout le bâtiment. Eh bien non, rien n'a changé mis à part quelques pièces plus ou moins rangées. Le sol légèrement beige est toujours aussi fissuré, et la cour centrale toujours pleine de lierres et de saletés divers. Mais là n'est pas la question, alors je me rend directement dans la salle que m'a décrit Dylon. En effet, il y a quelques bouquins éparpillés par terre ainsi que sur l'imposante armoire encastrée. Il va me falloir du temps pour trouver l'écrit que je désire. Pas le choix, j'ai décidé de me rendre ici alors que je vais chercher. Un genou au sol, les livres sont passés en revue mais celui que je cherche n'y est pas. C'est en commençant à fouiller l'armoire qu'un bruit très discret non loin de moi, précisément vers l'emplacement où se trouvait la porte de la pièce. Couteau à la ceinture dégainé dans la seconde et prêt à être balancé dans un volt-face, je me stop net à la vue d'un visage familier.

Numéria, elle est du Culte aussi. Femme à l'étrange prestance et à la beauté sidérante. Droite, le regard
aussi froid que mon île natale, elle s'exprime sur un ton des plus sobre.

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-Siegfried tiens à vous parler.
    -C'est toujours rassurant de savoir qu'on couvre mes arrières. Que je lance sur le ton de la raillerie.
    -Je ne fais que mon travail.
    -Il veut encore me voir ? Monsieur a de nouveau besoin d'un limier ?
    -La nature de sa demande m'est inconnue. Je suis seulement chargée de vous informer. Et vous escorter.
    -Je vais réfléchir à la question, mais pas maintenant. J'ai des choses à faire comme vous pouvez le voir, Madame. Répondais-je en me retournant pour continuer à fouiller l'armoire.
    -Vous pouvez y songer. Cependant, n'oubliez pas que ce lieu appartient au Culte.
    -Et ? Toujours la tête dans les bouquins.
    -Je suis arrivé ici et le verrou de la porte était cassé, lieu censé être sous scellé. La milice ou la marine pourrait s'en rendre compte et... Lance-t-elle de sa voix étonnement posée.
    -C'est bon. J'ai compris. Rétorquais-je en lançant un livre avec dédain à travers la pièce, par mécontentement.

    Si la raison n'est pas valable, je quitte cette île dans l'heure qui suit. Bloqué dans ces quartiers miteux et constamment espionné par des va-nu-pieds ? Et puis quoi encore.

    ***

    De retour au Culte, je n'ai pas du tout adressé la parole à Numéria sur le trajet. Le message est bien clair, elle ne sait rien sur ce que me veut Siegfried et le choix dans cette histoire est une notion qui ne m'est familière. Coup du destin, il aurait mieux fallu que je reste tranquillement dans la chambre à ne rien faire. Et tant pis pour le livre, ce sera pour une prochaine fois.

    Je croise brièvement Dylon dans la pénombre, paisiblement endormi à même une paillasse misérable. Étrangement, l'émissaire m'indique seulement le bureau du chef sans même m'accompagner. Le couteau laissé à l'entrée, je toque contre l'épaisse porte bardé de sortes de plaques de fer assez fines et placées régulièrement contre celle-ci. Immédiatement après, un « Entrez » des plus grave retentit, m'autorisant alors à entrer. Il se tient à la fenêtre, presque de dos et recouvrant quasiment la vitre de toute sa masse. Encapuchonné et aussi immobile qu'une statue, je peux presque croiser ses yeux ambrés perdus en contrebas. C'est comme si je n'étais pas là, comme si le temps et l'air s'est suspendu. Moi, planté à l'entrée et identiquement silencieux. Léger soupir suivi d'un infime roulement d'épaules, la Montagne s'exprime enfin, comme lassé.

    -Le Culte traverse une mauvaise passe. Ils ne peuvent nous atteindre ouvertement, c'est pourquoi leurs méthodes se veulent plus insidieuses, mesquines, dénués de toute morale.
    -Ils ?
    -Les rats. Dit-il, maintenant placé avec prestance devant le vitrail, les mains dans le dos. -Je ne vous ai pas tout dit lors de notre dernier entretien. Qu'il enchaîne avant de commencer avant de doucement tourner la tête.
    -Eh bien, je suppose que c'est le moment.
    Ça y est, il me fait face et daigne enfin me regarder. Les individus traînant ici semblent dénués de toute vie, elle aspirée progressivement par les murs de ce trou à misère. -Pardonnez mes manières de rustre, les récents événements me rendent songeur, vous l'avez vu. Prenez donc place dans le siège. Un rafraîchissement ?
    -J'ai bien bu et bien mangé, merci. Que je refuse poliment d'une petite levée de la main, maintenant confortablement assis.
    -Oui, bien mangé. Lance-t-il d'un air songeur les yeux vers son bureau. C'est moi qui vous remercie, en fait.
    -Pour ?
    -Dylon, votre gentillesse à son égard emplit mon cœur d'espoir vis à vis de la situation de ces pauvres gens.
    -Siegfried, venons en aux faits.
    C'est alors que son regard change, plus ferme, déterminé. -Si c'est ce que vous désirez, aucun problème. Le nettoyage du monastère n'était pas du tout anodin, peut-être devriez vous vous en douter. Enfin, vous avez aussi très bien vu l'état des quartiers pauvres, un réel dépotoir, je l'admet. De ce fait, j'ai pu m'entretenir à ce propos avec la Dame de Pierre... Le blason doit être redoré, Horlfsson. Le quartier va connaître un grand projet de rénovation ; En effet la Dame, si bon soit son cœur, a accepté de financer des matériaux essentiels à la reconstruction de ces ruines. Mais...
    -Toujours un mais.
    -Vous marquez un point. Une bande d'olibrius n'en ayant à foutre de la situation de ces gens a jugé bon de dépouiller le navire au port il y a de ça deux jours pour se terrer quelque part dans cette pauvreté avec la cargaison.
    -Mais oui, laissez moi deviner ? Il va falloir que j'aille les déloger et vous rendre tout ça ? D'ailleurs, pourquoi la Dame ne s'en mêle pas ? Ça reste son investissement.
    -Elle ne veut pas créer la polémique et craindre que son image en prenne un coup. Une de ses « possessions » volée par des petites frappes... C'est bas, non ?
    -On ne peux plus. Je ne peux pas vous aider, cela dit. Il me faut un peu de repos, je ne suis pas un androïde.
    -Je le conçois parfaitement. Si je peux me permettre, le contenu de cette missive serait bien différent. Pas de contact, juste du repérage.
    -C'est non.
    -En êtes-vous certain ?
    Je ne prend pas la peine de répondre et me lève directement pour prendre la porte. Mais il a toujours son mot à dire, le crâne d'obus.
    -C'est ma dernière chance de redonner un souffle de vie au Culte. Bénéficier d'une telle somme en tant que représentant d'un ordre sans le sou, c'est chose rare. Sans ça, je ne pourrais plus accueillir d'autres personnes. Certains partiront, d'autres périront de faim voir pire, tués ? Et les enfants, dans tout cela ?! Que deviendrait Dylon, par exemple ?
    Je me retourne immédiatement, les lèvres retroussés en fronçant légèrement les sourcils. Je lui darde un regard de marbre, un regard que l'on pourrait croire complètement dénué de vie, mort depuis une éternité. -J'attendais ce moment où vous alliez user de ce genre de chantage.
    -C'est réaliste, il n'est aucunement question de chantage.
    La lèvre inférieur pincée, je jette un regard sur le côté, mélange de réflexion et de profonde colère, m'amenant une fois encore au pied du mur, presque devant le fait accompli. Mon travail risque de prendre une drôle de tournures à baigner dans ce genre d'affaires. -Il va me falloir tous les détails, alors. Et je ne m'y mettrais que demain. Repérage, rien d'autre.
    -J'étais su-
    -Ainsi la paie qui va avec. Aucun de mes services n'est gratuit. Mais ça, vous l'avez compris.

    Et ses yeux s'emplissent de malice, suivi d'un sourire en coin. D'un mou geste de la main, il m'invite à me rasseoir.

    ***

    De retour à la chambre, me voilà lavé et le torse à l'air, à genoux sur le sol dans cet espace plus que réduit. La nuit a bientôt atteint son terme, à ce stade la soirée. A travers le rideau juste en face de moi, quelques charmants rayons orangées commencent à timidement inonder progressivement la ville. Bougie allumée en face, j'étreins mon amulette et ferme paisiblement les yeux. Une fois le cœur apaisé, j'émerge comme si je venais de me réveiller. Puis...

    d'un souffle, la flamme s'éteint.
      « Vous voulez aider ces gens, Horlfsson. » Voilà le prétexte tout fait pour me prendre par les sentiments. Mais Siegfried le sait pertinemment : jamais je n'aurai pu refuser une telle mission. Tel est mon devoir, comme me l'a toujours enseigné Thorgal. Ayant encore discuté un peu avec lui histoire de bien connaître tous les détails de l'affaire, la raison me dirige naturellement vers le port, pour commencer. En effet, si la cargaison est arrivée par bateau et ce il y a peu, il peut être probable que je trouve quelque chose d'intéressant là-bas. Juste, il me faudra trouver le bon endroit de par où le bateau s'est amarré.

      Profitant alors d'un court sommeil ne me réveillant pas trop tard, la matinée -pluvieuse- m'offre déjà l'avantage d'un trafic abondant sur les quais. Si quelqu'un supervise les allées et venues de telles cargaisons, c'est à ce moment de la journée que j'aurai le plus de chance de le trouver. Comme la veille, je me prépare à sortir et laisse mon armure bien entreposé. Avant de pousser la porte, je jette un regard vers ces pièces jugées magnifiques. C'est que je me sentirais presque nu, sans elle... En arrivant à la réception, je croise comme d'habitude -à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, à croire que dormir est un concept qui lui est étranger- le vieux et frêle gérant. J'ai entendu son nom en rentrant hier soir, d'ailleurs. Anatole, qu'il s'appelle. Mais j'en reste à la politesse élémentaire instaurant cette « distance » naturelle, loin de moi l'idée de prendre la confiance avec. Morceau avalé en deux temps trois mouvements, me voilà prêt pour aller au port. Oh, et j'oubliais un détail qui m'est plus qu'important.

      Isidor m'aura demandé de ne pas me jeter dans la mêlée. « Aucun contact. » Mais c'est ce qu'on verra.

      ***

      Il faut croire que la bruine a bien décongestionné le port. Contrairement à la dernière fois où je m'y suis rendu en matinée, le soleil agit bel et bien comme un aimant. Enfin, ce n'est pas comme si tout le monde est terré chez soi à se plaindre d'un tel temps. Les travailleurs, les vrais, eux sont là. C'est en progressant davantage vers la partie m'intimant l'emplacement des plus gros navires que je repère trois hommes sur un navire, lui vide. Ils bricolent. Précisément, les voilà en train de réparer un trou béant dans la coque d'un navire. Les trois en maillot blanc, mains gantés et équipés d'une ceinture à outils. L'air de rien, je m'avance, admiratif de ces travailleurs concentrés dans cette réparation, n'échangeant peu ou pas de mots. Étant en contre-plongée par rapport à eux, je reste un petit moment à les regarder s'atteler à la tâche. Me lançant pour la première un regard en coin pour se remettre directement au boulot, curieux de ce que je peux bien pouvoir vouloir à les fixer ainsi. Sans perdre davantage de temps, je me lance.

      -Éventrer un tel vaisseau, c'est criminel !
      Celui m'ayant remarqué se tourne alors. -J'vous l'fais pas dire. Pour nous qui devons bosser sous la pluie, surtout ! Me répond-t-il en adoptant un rictus assez moqueur. -C'est le vôtre ?
      -Non. Je me posais juste une question, en fait.
      -Hum ? Qu'il lance suivi d'un petit mouvement du menton, l'air interrogatif.
      -Si j'ai un navire dont la cale est chargée de matériaux de construction, de taille considérable, donc ; Y-a-t-il un endroit qui me serait réservé pour amarrer ?
      -Euh... Lâche toujours le même gus, ne comprenant visiblement pas trop où je voulais en venir.
      C'est à ce moment que je sors ma licence de chasseur, outil insignifiant pouvant se révéler efficace dans certains cas où mon interlocuteur est un peu trop timide. En l'état, il n’omettra aucun détails en procédant de la sorte. Le papier sorti sans dire un mot bien dirigé vers eux, remuant au vent, le type remarque directement le sceau inscrit dessus, fait mine de plisser les yeux pour relancer.
      -Ouais, c'est vraiment tout au bout du port qu'on accueille les navires de marchandises. Après, c'est si l'est v'nu ici, hein. Vu la taille du bazar, y'a peut-être moyen pour que c'que vous cherchez soit pas là, ou plus loin.
      -Bien. Un bureau, un registre où sont enregistrées les allées et venues ?
      Il descend agilement de son perchoir et s'approche de moi. -Il est pas vraiment au port, je sais ça change de ce qu'on a l'habitude de voir. Je vous indique ça. Mais euh... y'a des types pas nets dans l'quartier ? Qu'il demande timidement afin d'éviter que les passants et autres travailleurs.
      -Je ne le sais moi-même.



      Me voilà dans le bureau. La pièce est grande, aéré et bien entretenue. Le parquet de couleur clair donne rend comme un air de brillance dans la salle. Il y a un peu de monde, déjà ceux chargés de faire tourner la baraque ainsi que des matelots venus acheter du matériel pour s'équiper car, oui, l'endroit a aussi une partie magasin. Voyant que l'un des membres du personnel était libre, je m'avance vers lui en faisant s'écarter quelques personnes au passage.

      -Bonjour Monsieur, que puis-je pour vous ? Demande-t-il assurément.
      Posant la licence contre la table dans un signe d'encouragement à la coopération, je lui réponds en essayant de ne pas élever la voix. -Bonjour, j'aurai besoin d'un renseignement concernant l'arrivée d'un navire avant-hier, dans la matinée. Navire transportant une bonne cargaison de matériaux de base pour de la construction d'habitations. Plusieurs types, ils ont déplacés le tout dans le quartier.
      -Je vais voir ça, j'arrive tout d'suite.

      Après une petite dizaine de minutes -je pouvais d'ailleurs le voir feuilleter de gros bouquins- il revient avec une petite note comportant tous les bateaux qui sont arrivés il y a deux jours, ainsi que les noms de celui se revendiquant comme le capitaine. Ne prenant pas le temps de bien regarder la liste et la fourre dans ma poche avant de retourner au Culte, afin de passer la main aux espions. Ils pourront baliser le terrain et ensuite m'indiquer les possibles repères. En la matière, ils sont bien plus efficaces et nombreux que moi.

      Juste du repérage... Mais à quoi pensait Isidor en me sortant pareille ânerie. Que va-t-il faire ? Prévenir les bleus ? Ils s'en foutent. Prévenir la milice ? Ils n'ont que faire des affaires du Culte, si j'ai bien compris. Ce n'est pas une équipe de moine en robe qui pourrait arrêter une bande de voleurs potentiellement armés et dangereux. Je lui en parlerai aujourd'hui et verrais bien ce qui en découlera.

      Enfin... armés et dangereux... ça dépend pour qui.
        -Nous avons de la chance d'être en plein centre des quartiers.
        -La position du Culte n'est pas anodine, vous savez. Répond Siegfried, les yeux braqués sur la carte des bas quartiers, présente sur son bureau.
        -C'est plus clair sur une carte. Sinon, vos espions ont trouvés quelque chose avec la liste de noms ?
        -Eh bien, ce n'était pas grand chose mais nous aurons l'opportunité de débusquer les voleurs. Même avec un pseudonyme, l'information peut-être suffisante pour remonter jusqu'aux concernés.
        -Des suiveurs efficaces. Il faut dire que je ne m'étais pas rendu compte de Numéria qui me suivait à la trace. Que je lance tout en n’imprégnant des informations sur la carte, sarcastique. Forcément, le chef n'en a rien à cirer et décide de se montrer plus autoritaire.
        -Bon, des agents ont pu repérer dans cette maison semblant de face inhabitée plusieurs activités suspectes. Différents hommes sortant à des horaires régulières, la mine qui va avec le profil... si vous voyez ce que je veux dire.
        -Eh bien, ça ne m'aide pas. En quoi ça fait d'eux les vol-
        -Laissez moi finir. Dit-il arbitrairement en posant ses mains sur la table. -Mes ombres se sont aussi renseignées au sujet de cette fameuse marchandise. Elle a forcément du être déplacée.
        -En effet.
        -L'un d'eux a été aperçu au port, déchargeant les caisses. Qu'il continue en me tendant une photo, assez lointaine. Si il se trouve à l'endroit indiqué, vous réussirez à trouver le reste de la bande. A moins qu'il ne soit avec eux.
        -Hm, oui, oui. Que je lance un peu hasard sans trop écouter pour analyser ce qu'il venait de me donner. -Le mètre soixante quinze, barbe naissante, poil noir. Répondis-je tout en regardant la photo pour ensuite la rendre et fixer Siegfried, puis Malmere, son homme présent dans la salle depuis le début, faisant office de lampadaire. Combien sont-ils ?
        -Si on s'en tiendrait à la quantité de matériel, huit tout au plus, logiquement.
        Je soupire, comme de fatigue. Il me renvoie que c'est moi qui lui a demandé juste avant de prendre les choses en main au niveau de la récupération de sa cargaison ; Sachant que la Marine ou la milice, à l'entendre, n'en à que faire. -Il faudra que je prenne mes armes, alors. C'est ma seule condition.
        -Faites comme vous voulez. Mais n'oubliez pas, pas de grabuge. Vous faites juste votre boulot, rien d'autre.
        -C'est compris. Bon, autant dire les choses clairement, tout ça va un peu vite à mon goût. mais, soit, je peux admettre que votre groupe fait le travail.
        -Nous avons aussi pour mission de défendre les quartiers, sachez-le.
        -Tant mieux, une préoccupation en commun. Comme convenu, ce sera fait aujourd'hui.
        -Bien, très bien. Ce sera une bonne chose de faite, qui plus est pour une noble cause.

        L'entrevue terminée, je sors du bureau sans plus attendre et me dirige vers la sortie du bâtiment. Un instant plus tard, j'entends la lourde porte du bureau de Siegfried s'ouvrir puis se refermer. C'est Malmere, qui tente de me rattraper une fois passé hors de ces murs.

        -Hey.
        -Oui ?
        -Il a oublié de préciser juste avant mais dans la rue adjacente se trouve une seconde porte qui mène à la baraque. Ce sera peut-être plus simple pour toi en passant par là que de faire irruption par l'entrée.
        Je reste bredouille, abaisse un peu les yeux l'air songeur pour ensuite acquiescer d'un petit signe de tête tout en le regardant. -Merci du conseil.

        ***

        Quelques heures plus tard

        La rue dans laquelle se trouve la maison est assez large. De l'autre côté à la terrasse d'un petit café, je flâne du regard vers le dit endroit afin d'y capter la moindre activité. Rien, après tout les oisillons du Culte affirment ne les avoir vus sortir que rarement lorsque la nuit approchait. Repensant instinctivement à l'indication de Malmere donnée tout à l'heure, je tâte mes couteaux bien cachés sous mes vêtements et me décide alors à passer à l'action. Debout contre le mur et les bras croisés, je me redresse et fait mine de partir en me plaçant de l'autre côté de la rue. Il y a un peu de monde à cette heure-ci.

        Bifurquant en un éclair dans la petite rue longeant l'habitation, me voilà au niveau de la porte. Fine, d'un bois sombre et comportant un petit trou en forme de carré recouvert d'un grillage à hauteur de visage. Même en prêtant l'oreille quelques secondes à la porte, il m'est difficile de capter grand chose. Couteau en main, la lame glisse alors entre la serrure et le mur. Sortant un second couteau, lui bien plus fin, je l'insère directement dans la serrure et commence alors à « gratter ». Ça craque, le bruit qui s'en dégage ne pouvait pas être plus atténué. La porte s'entrouvre alors doucement, m'expédiant en territoire possiblement hostile.



        Silencieux, j'arrive dans la cuisine. Les murs ainsi que le sol sont en carrelage blanc, sale et mal entretenu tout comme le reste. De la vaisselle dans le lavabo accompagnée de quelque mouches, l'apparence de l’armorie murale continue à dresser le portrait des lieux. Personne, je fais attention à ne pas marcher sur un objet au sol et approche d'un encadrement de porte menant à une pièce. J'entends différentes voix. Plaqué contre le mur à écouter tout en me remuant les méninges, j'aperçois -en me penchant un peu plus- des hommes autour d'une table en train de jouer aux cartes. Et je n'ai à peine le temps de redresser la tête qu'un soudain claquement de porte retentit à ma droite. En effet, je n'avais pas remarqué le petit couloir menant à la pièce d'où les voix émanent de l'autre côté de la cuisine.

        -Haha, nan m-

        Un type vient de faire irruption dans la cuisine. Il s'arrête net de parler à ma vue et reste bouche bée pendant d'interminables secondes. Immédiatement, avec la vivacité d'un tigre, je le saisi d'une main à la mâchoire pour l'empêcher de parler. Pris en bouclier humain, je le saisi en étranglement pour le neutraliser.

        -Will ? Demande alors un autre homme dans la pièce d'à côté.

        Plus aucun bruit de mon côté, ne serait-ce que les sons causés par cette situation d'urgence. Plusieurs se lèvent alors. Ça va commencer à chauffer. Je coulisse le long du mur et arrive vers ce fameux couloir, près de la porte prêt à dégainer.

        La porte s'ouvre, en voilà.

        Faisant irruption devant le premier, je lui envoie la porte telle une volée en pleine face. Sonné, j'en profite pour lui asséner un chassé dans le ventre histoire d'emporter les deux autres dans la chute. Les trois rapidement enjambés, un quatrième plutôt baraqué se plante devant moi, armé d'un long couteau. Il tente un slash de haut en bas, esquivé en me décalant sur la droite. Je lui saisi rapidement le bras et tente de lui asséner une clé juste après mais ma tentative est vaine quand je reçois un coup de pied au niveau de la cuisse qui me déstabilise.

        Énervé, je riposte avec plusieurs coups de coude du gauche dans sa face tout en continuant à lui tenir le poignet de l'autre. Tant bien que mal, il réussit à bloquer certaines de mes attaques et ne voit d'autres solution que de me pousser pour m'emporter contre le mur. Plus précisément contre un grand miroir. Remarquant sa combine dès le début, je me décale tout en entraînant mon poids vers la glace en le saisissant fermement pour l'envoyer valdinguer. Au sol et parsemé de morceaux de verres, il est hors d'état. Les trois derrière se relèvent vite s'arment avec tout autant d'ardeur pour me foncer dessus. L'un d'eux enfile son poing américain à une vitesse folle, passe ma garde et me colle une frappe au niveau des côtes. Froncement de sourcil et recul immédiat, je passe d'un côté de la table pour la soulever dans un grognement de rage malgré la douleur qui me lance.

        J'en ai eu un, littéralement écrasé. Le même m'ayant frappé aux côtes se rue une seconde fois pour démarrer un enchaînement accompagné de l'autre et de son bâton qui en profite bien pour me matraquer par derrière. La jambe gauche commence à plier sous les coups et me force à rendre les coups. Celui au poing ne me lâchant pas une seconde, je décide de dégainer une lame qui vient se planter une, puis deux fois dans son estomac. Pas le temps de le laisser tomber que je me retourne vers le dernier et me met en garde afin de parer ses incessants martelages.

        Il tente alors de me mettre son bâton dans la figure, contré par mon avant-bras. A mon tour, il évite à son tour de se faire lacérer par ma lame et tente d'en profiter pour exécuter un moulinet avec son arme. Effort inutile, car je le « bouscule » d'un violent coup de pied qui lui fait perdre l'équilibre. A terre, son arme est coincé sous ma chaussure, et un violent coup de poing en pleine face le transporte au pays des rêves.

        -Une vraie bande d'enragés. Pensais-je en tâtant les parties du corps endolories.

        Direction l'étage, maintenant. Passant les escaliers, les portes du couloir en haut sont défoncés une à une, ne trouvant personne dans chacune des pièces. Le plan moisi craque sous mon poids à mesure que j'avance vers la dernière pièce, d'où proviennent des sons presque imperceptible. Un couteau saisi par la lame prêt à être lancée, je fais irruption dans une chambre, dans laquelle se tient un homme de dos, qui fouillait frénétiquement dans un tas de papiers. Au moment où j'ai enfoncé la porte, il en glisse quelque uns dans sa sacoche de cuir et se retourne violemment, braquant un pistolet.

        -ARRIERE ! LACHE TON COUTEAU , LACHE J'TE DIS ! O-Ouais, mains en l'air ! Bouge plus.
        -Du calme. Tu vas te tirer dessus à trembler comme ça, bonhomme.
        Il tire une première fois près de moi, balle s'encastrant dans le mur. -LA FERME ! Qui t'envoie ?!
        Je soupire et tente de faire un pas vers lui, tout de suite stoppé. -Voler les pauvres... Vous n'avez que ça à faire ?
        Il se fige, interloqué. -Qu-Quoi ?
        -Arrête ton cirque ! Tout ce que vous avez volé appartient à un groupe de pauvres dans les quartiers ! Où est le sens de l'honneur dans tout ça, hein ?!
        -Oh m-merde... Ils sont déjà-là. Qu'il murmure, l'air toujours aussi affolé à regarder ses pieds. Il se décale en me tenant toujours en joue.

        Nous entendons tous les deux un porte se faire enfoncer à l'instant. Là, c'est signe que les ennuis arrivent. A au moins deux mètres de la personne en panique, il m'est impossible de tenter quoi que ce soit sans me placer dans une situation désastreuse. Mais plusieurs personnes viennent de faire irruption dans la baraque, plus de temps pour la réflexion. Il faut le raisonner.

        -Pose ce flingue et arr- Disais-je en tentant d'avancer une seconde fois après avoir entendu le vacarme au rez de chaussée.

        Mais il recule, beaucoup trop même. Et ne prend pas attention à la fenêtre dans son dos et tombe à la renverse, en contrebas.
          Totalement médusé face à ce qui vient de se passer, il me faut bien quelques imperceptibles secondes pour retrouver mes esprits. Le type devant moi il y a de ça un instant venait de reculer pour traverser la fenêtre. Passant la tête pour constater les dégâts en bas, je suis stupéfait à la vue du type déjà en train de s'éloigner complètement affolé et traînant une jambe. A ce moment, plusieurs questions se bousculent dans ma tête. Quel mal l'a pris pour prendre peur de la sorte ? Avait-il un objet très convoité sur lui ? Quelqu'un mettrait la pression sur lui et le reste des hommes que j'ai mis au tapis ? Mais il m'est impossible de réfléchir sérieusement à tout ça à l'heure actuelle. Des gens ont fait irruption dans la baraque et la pièce dans laquelle je me trouve est sans dessus dessous. A l'endroit où l'homme se tenait se trouve un amas de feuilles au sol. Intrigué, je m'y rends et me penche vers elles dans l'espoir d'y trouver une quelconque aide. Déjà que le début de cette enquête ainsi que le briefing étaient flous mais, là, Siegfried me devra des explications.

          Des papiers en tout genre, certains concernant la cargaison transportée comportant quelques informations techniques qui ne m'aideront sûrement pas à y voir plus clair. C'est en fouillant un peu plus, en épluchant les documents de plus en plus rapidement -en partie « forcé » par les intrus en bas- que mon regard s'arrête sur ce qui semble être une lettre, un message écrit à la main.

          « Suivez bien les instructions. Une fois les espions du quartier pauvre passés, plus aisés seront les hauts quartiers. »

          Cette phrase éveille en moi en cet instant un sentiment intense de curiosité, mais aucun élément en ma possession pour le moment ne pourrait me permettre de décrypter le sens qui, à mon sens, est subtilement caché.  Mais je n'ai plus le temps de fouiller davantage que j'entends plusieurs personnes ainsi que leurs voix dans les escaliers. Et il fallu encore moins de temps aux individus pour arriver dans cette pièce. Derrière la porte et un couteau dans chaque main, je m'apprête à tous les écorcher dès leur passage pour m'arrêter tel une statue à la vue d'un visage familier.

          Malmere.

          Lui et les deux hommes l'accompagnant reculent tel des chats apeurés suite à mon irruption, en garde. Intriguant, ils ne portent pas la tenue traditionnelle du Culte, les voilà vêtus comme des civils.

          -Bien joué. Me lance l'agent proche de Siegfried en s’avançant au devant des hommes qu'ils guident. -Votre travail s'arrête là, comme convenu.
          -Je n'ai pas ratissé les lieux, il me manque quelque chose.
          -Pardon ? Non, non, ce n'est pas ce qui ét-
          Je le coupe net en m’avançant vers lui pour le dominer de toute ma taille. Aucun des trois ne réagit, ils m'écoutent. -Justement, tout ce que je fais a été prévu avec Siegfried. Ce ne sont pas vos affaires.
          -Eh b-
          -Non, rien à ajouter. Je termine ce que j'ai à faire. Et vous pouvez aller vous plaindre à votre chef, mais il connaît notre arrangement.

          Mon interlocuteur me regarde dans les yeux pour ensuite détourner le regard, comme gêné. Me tenant prêt de l'entrée, ses hommes le regardant lui, puis moi ; Il leur ordonne de se décaler d'un vif signe de tête. En effet, le reste de l'accord entre moi et Siegfried concerne la question financière -comme toujours-. Celui-ci m'a affirmé qu'il m'était possible de fouiller les lieux à la recherche d'une quelconque source de paiement, peu importe si son équipe était sur les lieux ou non. Et mes recherches portent leurs fruits après une petite demi-heure d'investigation, en fouillant et en cherchant de possibles planques d'objets de valeur ou d'argent. Forcément, des mecs comme eux doivent forcément avoir de quoi vivre. Surtout que je les soupçonne de ne pas en être à leur coup d'essai, ils savent ce qu'ils font.

          Une telle conclusion me vient quand je repense au combat qui a rapidement éclaté en ces lieux. Des adversaires rapides et puissants, mon corps se souvient toujours de l'impact des coups que j'ai reçu. Toutefois, quelque chose ne tourne pas rond dans cette histoire. Bien que le vol ne soit pas forcément d'une grande ampleur -des matériaux de constructions étant moins chers contrairement à d'autre choses plus coûteuses au marché noir- la sécurité n'était pas grandiose contrairement aux informations dont j'ai bénéficié au départ. Surtout s'il s'agit de biens financés par la Dame de Pierre, la sécurité sur le bateau et au port se devait d'être exemplaire. Si ces larcins voulaient vraiment leur butin, je doute qu'ils m'auraient accueilli avec des poings métalliques et des bâtons. Sans parler de ce jeunot qui s'est jeté par la fenêtre pour continuer à fuir tel un dératé. Tout le monde s'active autour de moi et je ne peux m'empêcher d'arrêter ce que je suis en train de faire pour les regarder un à un.

          Une fois de plus, c'est une histoire qui ne tient pas debout dont le fond doit être occulté au possible. Je suis satisfait au fond de moi d'avoir accepté malgré tout cette mission présentant des éléments contradictoires. De plus, cela touche au Culte, qui abrite bon nombre d'innocents dans la misère. Si cela peut le porter préjudice, mon devoir est de les protéger.

          A part ça, mes recherches sont concluantes. J'ai pu trouver de quoi me payer, le reste allant au Culte pour de l'achat de vêtements et nourriture. Alors que je m'apprête à sortir par la porte d'entrée, Malmere m'appelle.

          -Hey. Qu'il me lance, ce qui me fait me retourner. -Vous les avez tous eu, hein ?
          -Oui. Répondis-je tout simplement avant de partir.

          Si quelqu'un doit trouver le fuyard, c'est bien moi.

          ***

          Plus loin dans les bas-quartiers

          Il avance dans cette maigre ruelle, débraillé et du sang coulant du haut de son crâne pour lui inonder l’œil droit. C'est qu'il est mal en point et fait de la peine, dans cet état. La jambe gauche qui elle ne prend presque pas appui sur le sol donne comme une impression qu'elle est tordue, brisée, désarticulée. Il croise peu de monde dans ce passage sombre et sale, mais ça ne l'empêche pas d'envoyer des regards par dessus son épaule toutes les trois secondes. Le peu de monde qu'il croise s'écarte à sa vu, tirant pour la plupart une mine d'étonnement ou de dégoût vu la dégaine qu'il se paie. Haletant, le squelette sûrement en miette et les vêtements tâchés de sang dû à la chute et aux bris de verre, l'homme ne prend même pas la peine de bien cacher son pistolet vu l'état d'hébétement dans lequel il se trouve. Sa sacoche se balance frénétiquement et cogne contre son dos, menaçant à chaque pas de faire tomber plusieurs feuilles qui le ralentiraient dans sa mystérieuse élancée.

          Et puis, à force de marcher comme un mort-vivant à travers les rues, il arrive enfin à destination. Derniers regards partout histoire de ne pas se faire surprendre ; Monsieur plonge ensuite la main dans le petit sac, visiblement stressé et lâchant des injures à tout va, ne trouvant pas ce qu'il désire. Mais, rapidement, il trouve ce qu'il cherche, cela s'agissant d'une petite clé. Une fois entrée et tournée dans la serrure, la petite porte même pas ajustée à la taille moyenne des hommes dans cette nouvelle ruelle craque comme si elle allait se briser en morceaux. Ouverte, il s'enfonce dans la pénombre.

          Bougie dégainée et allumée de son sac, le cabossé avance dans cette minuscule pièce, ne faisant même pas office de maison au vu de sa petitesse. Il n'y a absolument rien dans cette pièce, juste de la poussière et quatre mur. Enfin...il n'y a rien à qui ne sait pas où chercher. Porte refermée derrière lui, le zig avance vers le fond pour ensuite poser sa bougie et s'agenouiller. Un grand coup de main au sol lui permet de balayer la poussière, laissant se dessiner par terre de fins interstices formant un carré. Carré synonyme de trappe, dans cette situation.

          Seconde clé trouvée, la petite trappe s'ouvre, elle contenant une petite valise. Cette fois-ci, pas besoin de clé ou quoi que ce soit pour ouvrir la boite, juste retirer les verrous à chaque extrémité. A l'intérieur, un vieux Den Den Mushi dont le fuyard se saisit. Il prend une grande inspiration, ferme les yeux et compose alors un numéro.

          A l'autre bout du fil, la pièce est très luxueuse. Ce qui semble être un servant entend alors l'escargophone retentir et se rend vers la source de bruit en question. Décroché, il s'exprime le plus banalement du monde.

          -Oui ?
          -Dites à la Dame de Pierre qu'Isidor Ferembach prépare un attentat contre elle dans les quartiers pauvres ! Crie le gus enfermé dans la toute petite pièce avant de raccrocher pour fortement haleter.
          -Allô ? Allô?!

          Plus personne au bout du fil.