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Les apparences sont parfois trompeuses (vol. 1)

- Enfin !

 Je sautai par dessus la rambarde du bateau et pénétrai dans Manshon. La première chose à faire était de trouver une auberge et de réserver une chambre. Grâce à l'argent que j'avais acquis durant mes 3 jours de service auprès de Bob à Rubeck, j'aurai de quoi passer la nuit et me payer quelques repas. Mais ce n'était pas suffisant. Je devais rapidement trouver un travail pour récolter des fonds, conserver ma chambre et m'acheter un bateau. Un bateau et un équipage...
 
 Je me passai la main dans les cheveux. Peut-être devrais-je les couper un de ces jours ? Bah, peu importe ! Ce n'était pas le plus important et je n'avais pas que ça à faire ! Étais-je devenu impatient ? Non, pas plus que d'habitude. En réalité, j'étais toujours le même : un gosse de riches incapable de laisser sa fierté et sa paresse de côté pour se prendre en main. Qu'avais-je réaliser depuis que j'étais devenu pirate ? Rien. Absolument rien. Je venais seulement de prendre une décision importante alors que mes parents m'avaient été arrachés. Je devrais avoir honte ! Où était-elle, cette fierté que je chérissais tant ? Et mon honneur ? Bon soit : l'honneur et la piraterie sont aussi compatibles que l'eau et le vin. Ou est-ce l'huile ?

- Rhaa ! Arhye, sombre crétin !

 Je devais me ressaisir.
 Si j'avais choisi Manshon, c'était à cause de l'influence de la mafia, malgré la montée en puissance du Gouvernement Mondial. Les 7 familles restaient les piliers le plus importants, soutenant l'économie, la sécurité et un semblant de paix : je voyais mal les brigands et autres malfrats tenter quoi que ce soit dans un quartier contrôlé par les Tempiesta ou les Bambana, à moins de pouvoir y laisser plus que leurs 10 doigts. Ce qui était certain, c'était qu'avec un minimum d'informations et de savoir-faire, il était possible d'être engagé par eux. Cela restait la solution la plus viable pour moi, en tant que futur bandit des mers, si je voulais obtenir suffisamment de berrys pour obtenir tout ce qu'il me manquait. Et il me manquait absolument tout.

 Confiant, je pénétrais à l'intérieur d'une auberge et regardai autour de moi. De-ci de-là, des hommes à la mine sombre ou riant aux larmes et des femmes servant à table ou assises entre deux ouvriers, heureux de pouvoir récompenser les efforts de la journée par un peu de réconfort nocturne. Le tout était mal éclairé selon moi, car il n'y avait que deux bougies fixées aux poteaux de soutien et un vieux lustre auquel il manquait des chandelles. Je m'approchai du tenancier, un cinquantenaire au front dégarni et aux yeux noirs qui ne cessait de me fixer depuis que j'étais entré. Je rajustai ma chemise, légèrement froissée, remontai ma veste et dit :

- Bien le bonjour, j'aimerai une chambre. S'il vous plaît.
- Euh oui oui... Tout de suite.

 Oulah. J'avais tardé à dire "s'il vous plaît". Peut-être l'avait-il mal pris ? Ou alors... Non, il n'aurait quand même pas pris peur ? Tant pis, je continuai :

- Combien cela me coûterait-il pour une chambre simple, à bas prix ?
- Eh bien... Normalement c'est 5000 berrys la nuit mais... pour vous, Monsieur, ce sera gratuit !
- Gratuit ?

 J'aurai dû être content mais ce que je lisais dans les yeux de cet homme était semblable à de l'effroi. Du haut de mes 16 ans, je terrifiais ce type qui aurait pu être mon père. En regardant autour de moi, je notai que la plupart des personnes assises m'observaient également du coin de l’œil, inquiets. Je les entendais chuchoter. Vraiment ça ne me plaisait pas.

- Bon eh bien... je vais prendre la clé alors. Je redescendrai ensuite pour manger.
- D'accord d'accord aucun problème ! Faîtes comme bon vous semble, Monsieur Tempiesta.
-Monsieur Temp...

  Oh. Alors ça c'était fort. On me prenait pour un membre de la famille Tempiesta ! Bonne nouvelle : si je parvenais à en jouer je pourrai... attirer les vrais membres de la famille et finir éparpillé dans tout North Blue. En fait non, ce n'était pas une bonne nouvelle du tout. Arhye, il fallait trouver une solution pour te sortir de ce merdier maintenant. Peut-être que si je disais juste la vérité, cela passerait ? Qui ne tente rien n'a rien.
Mon ventre se mit à gargouiller.

- Oui. Tout à fait, je fais comme bon me semble ! J'espère que le menu de ce soir sera à la hauteur.
- Vous ne serez pas déçu, Monsieur Tempiesta ! J'ai un excellent ragoût de bœuf sur le feu. Tout le monde me dit qu'il est excellent, vous comprenez... Je ne cherche pas à me vanter ou-ou quoi que ce soit...
- A la bonne heure !
- Voici votre clé. Je vous accompagne, Monsieur.

 Mais quel crétin ! Il a fallu que mon estomac parle à ma place ! Bon le côté positif c'est que j'allais être logé et nourri gratuitement. Mais si l'un des clients ne tenait pas sa langue, je risquerai d'avoir de graves problèmes. Demain, je devrai quitter les lieux.
Une fois à l'étage, je croisai un homme, d'à peu près mon âge, peut-être plus vieux. Un blond aux traits fins et au regard malicieux, vêtu d'une chemise blanche, de bretelles et d'un pantalon rayé noir, signe qu'il appartenait probablement à la mafia. Misère, quand tu nous tiens... Mais le jeune homme me sourit et se contenta de me frôler, rajustant au passage ses gants noirs. Décidément, tout North Blue voulait me rendre cardiaque !
C'était avec un immense soulagement que j'entrai dans ma chambre, sous les politesses excessives de mon hôte.

- D'ici 10 minutes, votre repas sera prêt, Monsieur.
- C'est parfait, je vais descendre et patienter das ce cas.
- Comme il vous plaira.

 Si tôt dit, si tôt fait. J'étais redescendu en songeant que je n'avais sur moi aucun bagage ni aucun bien à déposer là-haut. Un rude gaillard s'écarta sur mon passage. En l'observant je me dis que j'étais celui qui devrait me méfier. Mais en y regardant de plus près je ressemblais presque à un mafieux : j'avais pris grand soin de mes habits, et je portais continuellement les bagues en argent que m'avaient offertes la sœur de ma mère, tante Elya. De vraies œuvres d'art qui plus est !
Je sortais dehors, histoire de prendre un peu l'air et en regardant sur ma droite, je vis le mafioso blond, adossé au mur, me regardant tout sourire.

- Enchanté, Monsieur Timuthé N Tempiesta.
- Hein ? Ah euh... De même, Monsieur... ?

  TNT. Alors comme ça je ressemblais au frère de Don Carbopizza, le parrain de la famille Tempiesta !  Mais quelque chose n'allait pas là-dedans, parce qu'après tout...

- Matt Denis. Mais vous pouvez m'appeler "Sweety" Denis. Je voulais vous poser une question, puis-je ?
- Faîtes donc, oui...
- N'êtes-vous pas devenu pirate, Monsieur Timuthé. N. Tempiesta ?

 En disant ces mots, il s'était rapproché de moi. Son visage était proche, très proche. Il continuait de sourire, mais le ton de la voix ne collait pas avec l'expression qu'il affichait. C'était une question rhétorique évidemment : j'étais démasqué. Le fameux TNT était bel et bien devenu pirate et porte l'espoir de remplacer son frère un jour. Seulement, il devait être plus âgé que moi.

- Bon, je ne suis pas TNT. Voilà ! Je m'appelle Arhye Frost et je viens de Luvneelgraad. Là, ça vous va ?
- Mmh... Arhye Frost... Ce nom-là ne me dit rien...
- C'est normal, je vous assure.
- Tu n'appartiens pas à la mafia non plus ?
- Pas encore.
- Pas encore ?
- Non.
- Comment ça ?
- Je songe bosser pour eux...
- Oh... Et pour quelle famille ?

  Oups. Javais trop parlé. Ce type s'était contenté de me fixer droit dans les yeux sans arrêter un seul instant de sourire, posant ces questions sur le même ton et à la même vitesse pour m'obliger à suivre son rythme. Il était fort.
Coincé, je devais deviner à quelle famille il appartenait si je voulais avoir une chance de me sortir de cette situation. J'avais 1 chance sur 7. Rien d'insurmontable n'est-ce pas ?

- Je pensais à la famille Venici...

 Plus qu'à attendre sa réaction.

- Les Venici ? C'est vrai que si l'argent t'intéresse, ils en ont beaucoup !

 Aïe, ce n'était pas sa famille.

- Moi je t'aurai bien proposé de venir travailler avec moi, chez les Martico.
- C'est vrai ? Eh bien pourquoi pas ? Je n'y avais pas pensé mais s'ils ont du travail pour moi j'accepte sans hési...
- Mais ce ne sera pas possible.
- Mais... Pourquoi ?
- Parce que tu as menti en prétendant être Timuthé Tempiesta. Et parce que tu préfères les Venici...
- Non, pas exactement je...
- C'est dommage, tu étais si mignon... Quel gâchis !
- Je... Pardon ?
- Ces cheveux, ces yeux, ce nez, ces muscles... Oh ! Nous nous serions tellement amusés tous les deux !
- Euh...

 Le malaise.
 Je préférai ne pas trop penser à ce qu'il venait de dire, davantage préoccupé par ce qui risquait de suivre. Devais-je fuir ? L'assommer ? Ce Matt n'avait pas l'air spécialement fort. Mais il n'en était pas moins un mafieux. S'en prendre à lui, c'était s'en prendre à toute une bande de tueurs !

- Bon allez va, je te pardonne.
- Quoi ?!
- Oui, je te laisse. Dis-toi que c'est ta beauté qui te sauve ! Je ne puis me résoudre à abîmer pareille merveille.

 Un grand silence.
 "Sweety" Denis s'approcha encore davantage, jusqu'à tenir mes mains entre les siennes et toucher mon front avec son nez. Je sentais ma dignité me quitter petit à petit.

- Prend soin de toi, Arhye Frost. Évite de mentir la prochaine fois. Tu ne sais jamais sur qui tomber ni en qui avoir confiance. Les apparences sont parfois trompeuses !

  Le blond aux gants noirs me lâcha enfin et s'en alla. Je ne le quittai pas des yeux tandis qu'il s'effaçait au loin, dans le noir. Ah oui car il se faisait tard, et mon ventre ne tarda pas à me le rappeler. Je restai là néanmoins le temps de reprendre mes esprits. Cette histoire aurait pu très mal se terminer. Après un soupir et une brève caresse dans les cheveux, je me retournai pour rentrer dans l'auberge.
PAF !
Qui a eu l'idée de foutre cette saloperie de pancarte à hauteur de tête ?! Je massai mon front, comme pour essuyer la douleur. Bon sang...

 Je regardai ma main. Et je ne vis rien. Rien. Pourtant ce devait être là. Juste là. Sur mes doigts. Le majeur et l’annulaire. En argent. Ciselées. Mes bagues. Les bagues offertes par ma tante... Ce salaud m'avait volé mes bagues. Plus question d'écouter mon estomac. Cette fois, terminées les phases réflexions et la désinvolture : il était grand temps de faire preuve de courage, mais avant tout il était temps de me venger pour toutes mes mésaventures. Dommage pour ce Matt : il allait payé pour les autres. Car cette fois c'en était trop. Plus de place pour l'enfant choyé de Luvneelgraad. Place à Arhye, le pirate qui s'en va récupérer son tout premier trésor.


Dernière édition par Arhye Frost le Mer 28 Sep 2016 - 14:44, édité 3 fois
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Pendant plus d'une heure je courrai dans les rues de Manshon. La lune, suffisamment haute, m'apportait toute la clarté dont j'avais besoin pour me repérer. Mais je ne retrouvai pas ce fichu voleur. Après avoir autant couru, j'en étais maintenant persuadé : j'étais bien trop à bout de nerfs pour me sentir obligé de conserver un minimum de savoir-vivre. Et puis un petit :

- BORDEL A CUL DE PUTAIN DE MERDE !

 Ça n'a jamais fait de mal à personne, si ?
 Suite à cette petite saute d'humeur je me remis à courir, histoire d'éviter un lancer de tabourets et de casseroles de la part d'individus dérangés en pleine tentative d'endormissement. Une phrase bien lourde, je devais être fatigué moi aussi... Certains ne visaient pas trop mal. Ce devait être une activité reconnue dans le coin. Ce n'est pas ça qui allait me rendre mes bagues, cependant. Ce Matt Denis... je ne l'avais pas senti me les retirer. C'était impressionnant. Et impardonnable. Dès que je le retrouverai, je lui ferai un cours de chirurgie esthétique à base de coups de savate sur son petit visage angélique. Enfin si je le retrouvais...
Pas de panique ! Rassemblons ce que nous savions. Le mafioso avait parlé de la famille Martico, réputée pour compter dans ses rangs des voleurs et des brigands. Leurs quartiers ne devaient pas se trouver trop loin des zones commerciales...

  Je retournai prestement à l'auberge et avalai mon repas, réchauffé deux fois, puis repartis aussitôt après un bref merci au patron dont le regard s'illumina. Au moins une bonne chose de faite ! Il allait certainement avoir un sommeil des plus agréables. Moi j'allais certainement faire nuit blanche. Mais je n'aurais pas l'esprit tranquille tant que je n'aurais pas retrouvé ce salaud ! Mais ça devrait aller vite maintenant que je savais où commencer à chercher. Et même s'il ne se trouvait pas chez les Martico, eux pourraient certainement me dire où il avait l'habitude de traîner. Après tout il l'avait dit lui-même : il était impliqué dans leurs affaires.
Je courrai derechef dans les rues de la ville jusqu'à arriver dans un quartier rempli de boutiques, de pubs et de salons. Tous fermés. Sauf...

  Un pub au bout de la rue, éclairée. Une silhouette se dessinait dans l'entrebâillement de la double-porte servant d'entrée. En m'approchant, je constatai que l'individu était habillé en noir et blanc. Pas de doute, j'étais au bon endroit pour chercher ! Il ne me restait plus qu'à poser les bonnes questions et si ça ne marchait pas eh bien... tant pis.

- Hé, l'ami !

 Le bonhomme tournait la tête vers moi, la bouche entrouverte et l’œil instable. Il renifla bruyamment et fronça légèrement les sourcils. J'avais dû le froisser, dommage. Bon au moins, il n'avait pas l'air d'être très fin, ce qui me laissait une chance :

- J'suis pas ton ami, gamin. Rentre chez toi !
- Oh relaxe ! J'aimerai juste te poser quelques petites questions, vu que tu as l'air d'un gars... informé.
- On aime pas trop les questions par ici.
- Oh mais ça ne prendra que deux minutes !
- J'ai dit qu'on aime pas les questions ici !

 Bon sang, mais qu'il était bouché celui-là ! Je soufflais et reprenais :

- Crois-moi, tu risques de le regretter.
- Ah ouais ? Tu veux tâter de mon flingue ?
- Non, je voulais dire : tu risques de rater une affaire.
- Une afffaire ?
- Tout à fait. Je peux échanger tes réponses contre des cadeaux hors de prix.

 Je mis en évidence les bagues qu'il me restait sur la main droite et fit transparaître au mieux le rang social qui fut le mien. Le regard éteint de mon interlocuteur s'éclaira soudain. Sa bouche s'ouvrit davantage. Ça lui donnait l'air bête tiens, en plus d'être moche ! J'avais touché une corde sensible : son appât du gain.

- Bon, qu'est-ce que tu veux savoir ?

 Bingo, Dingo.

- D'abord : à quelle famille appartiens-tu ?
- Bah là, t'es chez les Martico. Des fois on se réunit pour s'amuser et s'vidanger après une bonne journée de travail. Mais c'est pas vraiment un secret ça.
- Je vois, je vois. C'était juste pour m'en assurer. Mon sens de l'orientation est détestable ! Alors dîtes-moi... auriez-vous vu un certain Matt Denis dans les parages ? Je le cherche pour un petit travail.
- Sweety ? Bah ça tombe bien, tiens ! Il vient d'arriver !

 Oh ! OH ! Si facilement ? C'était possible, ça ? Je n'en revenais pas. Si cette histoire devait être écrite un de ces jours, l'auteur se ferait sérieusement rembarré par la maison d'édition et les juges éventuels ! Je serrai les dents et les poings, histoire de contenir le flot d'émotions qui me submergeait.

- Très bien je te remercie, mon brave ! Je vais rentrer le voir maintenant.
- Oh là pas si vite ! Et ma récompense alors ?

"Aile de corbeau"

 Je passai rapidement à côté de lui en tournant sur moi-même, attrapait au passage sa tête avec l'articulation de mon coude et, dans l'élan, le plaquait violemment au sol sans qu'il n'ait le temps de dire quoi que ce soit. Le bruit de son crâne sur le pavé n'était pas des plus agréables, mais au moins il n'était pas assourdissant. Je laissai là le corps inerte du mafioso, dont le visage affichait à la fois l'étouffement et la surprise.

 En pénétrant à l'intérieur du pub, je vis de hommes et des femmes entrelacés. Habillés pour la plupart, torses nus pour d'autres. Bordel. C'était le mot juste.
Alors que je m'avançai, plusieurs mafieux tournaient la tête dans ma direction et cessèrent leur besogne. Certains se rhabillaient, l'air grave. Au fond de la pièce, un moustachu aux muscles saillants était assis à une table basse, enfoncé dans un énorme fauteuil en velours et une coupe de champagne à la main. Ce devait être le supérieur, si supérieur il y avait. Lui me fixait et semblait réfléchir. Je ne ressentais aucune animosité de sa part. Une fois que je fus suffisamment proche, il ouvrit la bouche :

- Que fais-tu là, petit ? Cet endroit est interdit au enfants, tu sais.
- Pardonnez mon intrusion mais j'ai poliment demandé à votre ami à l'extérieur si je pouvais parler à un certain Matt Denis. C'est pour affaires.

 Les yeux de l'homme étaient mi-clos. Tout à coup l'air ambiant se fit plus froid. Sans regarder, je devinais que presque tous les hommes de la pièce se tenaient debout, prêt à obéir aux ordres de ce gaillard. Il devait y avoir une dizaine de personnes. Un individu sortit de derrière le mur d'une annexe et je le reconnus immédiatement : "Sweety" ! L'autre se figea en me voyant et je crus même le voir pâlir. Coco, tu allais souffrir. Mais avant que je ne dise mot, le type assis m'arrêta :

- Et qu'est-ce que tu lui veux exactement à notre petit "Sweety" ? Tiens Matt, approche ! T'as de la visite !
- Oui j'ai vu, Rafael.
- D'ailleurs, tu le connais ?
- J'ai dû le croiser en effet...
- Tu l'as croisé, hein ?
- Oui, il m'a croisé et ce salaud m'a volé mes bagues !

 Silence.
 J'avais perdu mon sang-froid. Merde. Pardon. Le dénommé Rafael se leva de son fauteuil et fit craquer ses doigts et son cou. Cette fois, il ne cachait plus son désir :

- Je vois. Dans ce cas, petit, tu comprendras que je ne peux pas te laisser partir d'ici. Après tout, personne n'insulte le petit Matt sans mon accord. D'ailleurs personne ne me dérange pour parler affaires lorsque mes hommes et moi prenons du bon temps !
- Attend, Raph ! Ne le tue pas, s'il te plaît...
- Et pourquoi donc ?

 C'est vrai ça, pourquoi ? Enfin c'était pas pour me déplaire mais...

- Ce jeune homme n'est pas bien méchant. Il cherche juste du travail... Nous avons juste eu un petit désaccord, rien de plus ! Nous allons sûrement pouvoir nous arranger, n'est-ce pas ?
- Mais pourquoi tu prends ma défense, toi ? Je suis quand même venu pour récupérer les bagues et te refaire le portrait !
- Arhye ! Tais-toi !
- Cesse de le défendre, Matt ! T'as fait ton job, à nous de le finir : les gars !

 Bon je me doutais que ça allait finir comme ça. Sans hésiter je pris le bord de la table basse et la rabattis violemment dans la figure du gorille qui me faisait face, lui faisant lâcher son verre et se rasseoir. Je reculai et esquivai un premier coup de poing. J'attrapai l'attaquant par le bras, et le fit passer par dessus mon dos pour l'envoyer dans un autre. Je reculai encore. Un autre type tentai de me blesser au couteau.

"Corbeau Ascendant"

Je fit un saut périlleux arrière et mon pied le cogna violemment dans le menton. J'attrapai son arme et la lançai sur celui qui suivait. Le couteau fit plusieurs tours avant de se ficher dans le front de ma cible... Poignée en avant. Ça ne marchait que dans les romans d'aventure, ce genre de choses ! Je devais reculer encore...
TOC.
Zut : le mur ! J'étais coincé. J'encaissai deux-trois coups, en rendit la plupart, reçu une petite éraflure sur la joue. Tiens ! Dans les bijoux ! Je prenais une chaise à côté de moi et la balançai sur mes assaillants. Je me rapprochai du centre de la pièce pour prendre mes marques. Matt Denis assistait à la scène, effaré. Au moins, c'était un ennemi de moins à m'occuper pour l'instant ! Les dernières filles de joie filaient en tenant leurs vêtements dans les mains et en criant. Sur ma droite, un mafieux sortit son pistolet et tira. J'avais baissé la tête à l'avance, et heureusement car la balle se ficha dans la gorge d'un de ses compères, à l'endroit où se trouvait ma boîte à idées quelques fractions de seconde plus tôt. Petit jeu de jambes. Avant qu'il n'ait le temps d'enchaîner, je faisais voler son arme et lui décochai une droite qui l'envoya voler dans le décor. J'étais plutôt bon, en fait ! Mais pas le temps de me congratuler : Rafael, le patron, s'était relevé et me fonçait littéralement dessus, un filet de sang coulant de son front et une expression meurtrière sur le visage. J'eus à peine le temps d'enfoncer mon pied dans son ventre que je sentis ses doigts se refermer sur ma gorge. Nous tombions tous les deux sur le sol. Après quelques roulades, il parvint à me maîtriser aidé de deux de ses hommes valides et me surplomba de toute sa masse. Lentement, il sortit une machette de derrière son dos. Là, je n'étais franchement pas bien.

- Fais tes prières, gamin !

 Il levait son bras et l'abattit sur moi. J'avais à peine eu le temps de cligner des yeux. Mais rien.
 Nous regardions tous les deux sa main. Main qui tenait du vide. Je sentis une légère poussée au dessus de moi et vis le visage de Rafael se tordre de surprise et de douleur, sans qu'aucun son ne sorte de sa bouche. Du sang coulait alors de sa bouche... Peut-être avais-je frapper plus fort que prévu avec cette table ? Alors qu'il s'effondrait sur le côté, me libérant de son emprise, je vis Matt. Dans ses mains, la machette tâchée de rouge.

- Faut pas rester là. Viens vite !

 "Sweety" m'attrapa par le bras et me tira à l'extérieur sous le regard des quelques hommes encore debout, pétrifiés de stupéfaction. Nous courrions dans la rue lorsqu'ils se reprirent et nous tirèrent dessus depuis l'entrée.

- Faut se dépêcher ! Ils vont pas nous lâcher comme ça.
- Mais pourquoi tu...
- Je sais pas ! D'accord ? Je ne sais pas !
- Ça n'a pas de sens...
- Quoi que si en fait, je sais... Enfin ça doit jouer. Je crois.
- Quoi donc ?
- Tu me plais bien. Beaucoup.
- Euh... Ah. Attend... Quoi ?
- Franchement... t'aurais pas pu naître moins mignon et innocent !

 Encore cette histoire ?! J'avais très peur de la tournure que prenaient les événements.

- C'est plus fort que moi. C'est ce que je t'ai dit plus tôt : abîmer ce joli minois serait du gâchis !

 Ce type était encore plus malade que ses collègues ! Enfin anciens collègues, pour le coup. Cela m'étonnerait fort qu'il puisse revenir comme si de rien n'était après tout ça. Il n'empêchait qu'en me retrouvant à courir à ses côtés, j'en venais à penser que la mort par la machette n'était pas une si mauvaise situation... Mais à quoi étais-je en train de penser, moi ?
Cela mis à part, nous continuions notre course au beau milieu de la nuit, soucieux de trouver un lieu sûr. Décidément je n'étais pas prêt de dormir !


Dernière édition par Arhye Frost le Jeu 22 Sep 2016 - 13:33, édité 1 fois
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- Pff, ça me saoûle !
- Peut-être, mais ici nous ne risquons rien.

 Nous avions enfin cessé de nous enfuir pour nous retrouver dans une auberge miteuse des faubourgs. D'après Matt, l'endroit était délaissé par les 7 familles, ce qui réduisait les chances d'être vu ou retrouvé. Mais ce qui m'embêtait le plus, c'est que je devais partager une chambre double avec mon compagnon d'infortune sous prétexte que c'était moins cher. Autant dire que je n'avais plus du tout sommeil, malgré la douleur que je ressentais au niveau des mollets et au ventre, suite aux coups reçus. Je me passai la main dans les cheveux et soupirai. Le blond se leva, remit ses bretelles en place, et s'approcha du balcon. Il sortit un paquet de sa poche. Un paquet de...

- Viens par là.

 Il me faisait signe de m'approcher. Sans réfléchir plus que ça, j'obéissais. Je vis alors qu'il tenait une cigarette. Il me la tendait.

- Tiens. Pour déstresser.
- Je suis mineur.
- Et alors ? Je te propose pas de l'alcool.
- Mais ça revient au même ! Et puis pourquoi j'accepterai ça ? C'est stupide. Je devrai juste t'en coller une et récupérer mes bagues.
- Elles sont sur ton lit, tes bagues.

 Je me retournai et vit mon petit trésor briller sur l'oreiller. S'il croyait se faire pardonner aussi facilement il se trompait. Enfin... Il se trouvait dans la même situation que moi en l'instant, et je lui devais ma vie, après ce qu'il avait fait. Les raisons restaient encore assez obscures, mais il s'était mis à dos la famille Martico rien que pour m'aider, moi, un inconnu qu'il n'avait pourtant pas hésiter à voler quelques temps auparavant. Ce gars-là était très bizarre. Et maintenant il me souriait ! Encore ! En me tendant son petit tube à problèmes. Je me souvenais que mon père en fumait de temps à autres... Mais l'odeur et la fumée n'étaient pas des plus agréables. Pourtant il m'était souvent arrivé de me demander quel goût cela avait, et ce que cela apportait. Papa m'avait dit :"Tu sais, Arhye, il n'y a pas grand chose en ce monde qui m'apporte autant de bonheur que ta mère et toi. Mais pour ce qui est du travail, il n'y a pas plus grand répit que l'instant où j'allume cette maudite cigarette pour prendre ma pause. C'est peut-être mauvais pour mon corps, mais ça ne l'est pas pour esprit ! Et puis un corps, ça s'entretient. D'ailleurs, enchaîne avec 30 tractions !". Penser à ça me rendait nostalgique.

- Tu sais que c'est mauvais pour toi, ça ?
- Peut-être. Mais ça aide à la détente.
- Tu ne crains pas de tomber malade ?
- Vois ça comme un pacte avec le diable. Tu lui offres un peu de ta santé, et lui t'offres un peu de répit. Il n'est pas plus cruel que toi ou moi !
- Donne-moi ça.

 Je pris la cigarette en main, maladroitement, et la regardai un moment, l'inspectant sous tous les angles. Ce truc paraissait tellement inoffensif... A côté de moi, Matt ne put contenir un petit rire amusé, constatant ma candeur. Et dire que je voulais être un pirate ! Un pauvre tube de papier et de tabac parvenait à me donner des appréhensions ! Je le pris entre mes lèvres et approchai la tête du briquet de Matt qui mit sa main à côté de ma joue et s'approcha également. Il était beaucoup trop près ! Je le voyais ranger son briquet dans sa poche et tendre vers moi sa propre cigarette, allumée.

- Inspire un coup.

 Devais-je le faire ? Quand bien même je le fis. Le bout incandescent de son tube touchait l’extrémité du mien, provoquant une douce chaleur. Je n'étais pas habitué à ce genre d'expérience.

- Pour moi c'est la première fois.
- Chut. Je sais...

 Au même moment, une petite volute de fumée s'échappa de sa cigarette alors que la mienne rougissait. J'inspirai encore.
Ma gorge brûlait, l'odeur et la fumée s'insinuaient dans mes narines et je crus manquer d'air. Je me mis à tousser, manquant de faire tomber la cigarette. Mais quelle andouille j'étais ! Qu'est-ce qui m'avait pris d'accepter ça ?

- Tu finiras par t'y habituer, tu verras.
- Tu rigoles ? Ce truc est ignoble !
- Pour les femmes aussi, c'est ignoble la première fois. Après ça s'améliore.
- Je... Change pas de sujet !
- Je ne change pas de sujet, mon mignon. Ce que je veux dire c'est qu'après 1 ou 2 fois, tu comprends le truc. Après ça ne brûle même plus. Et le goût... On s'y fait.
- Ah oui ? Ben, pas sûr que je m'y fasse un jour.
- On verra.
- Et jamais je ne m'y habituerai !
- On verra.

 J'avais à nouveau envie de lui en coller une. Je tirais une nouvelle latte sur le tube infernal, les larmes aux yeux. J'espérai en finir vite. Mais la combustion ne semblait pas très vive... J'en pris une troisième et fut surpris : ça ne brûlait quasiment plus. Le mafieux m'imposait son sourire, presque moqueur, d'un air signifiant "Je te l'avais dit". Bon... Ce n'était pas le moment de chercher dispute. La nuit était déjà bien avancée et le sommeil ne devrait plus tarder à arriver. Autant terminer ça dans le silence et aller se coucher. Je pris une grande inspiration par le nez et soufflai. Au dessus de moi, il y avait beaucoup d'étoiles. Je reconnaissais quelques constellations. Autour de nous, tout était calme. Même le vent était silencieux. C'était agréable...

 Je terminai ma "clope" et l'écrasai dans le cendrier à l'intérieur de la chambre. Étonnamment détendu, je commençai à retirer ma veste et déboutonner ma chemise quand je vis mon colocataire faire de même. J'avais failli oublier : je ne dormais pas tout seul ce soir. Qui plus est, avec cet homme aux penchants douteux !

- Je... Je prends le lit de droite !
- Très bien.
- Bonne nuit.
- Tu es pressé ?
- J'ai sommeil.
- Bonne nuit alors, mon mignon.
- ... Matt ?
- Oui ? Qui y a-t-il ?
- Tu pourrais aller dans TON lit, s'il te plaît ?
- oh j'ai cru que tu m'y invitais, puisque tu me précisais le côté.
- Bonne nuit !

 La nuit fut plus courte que je ne le pensais. J'eus l'impression qu'à peine endormi la ville s'animait. Les bruits des passants, des roues, des marchands, des badauds... Bon sang ! Mais hors de question de me lever. J'étais vraiment mieux dans ce lit à me reposer que debout prêt à entamer une nouvelle journée en compagnie de...

- C'est l'heure d'y aller, Arhye.
- Waah !

 Je sursautai tandis que mon coeur faisait des bonds d'athlète dans ma poitrine. "Sweety" venait de chuchoter ces quelques mots juste au coin de mon oreille ! Je ne l'avais même pas entendu se lever ! Et il était là, habillé et... toiletté ? Il me tendait innocemment mes affaires et m’incitait à me mettre debout. Ce que je fis. Je pris mes affaires. Les enfilai sans dire un mot. Je m'approchai de lui. Levai le poing. Et l’abattis sur le sommet de son crâne.

- Aïe ! Mais ça va pas ?
- Jamais. Plus jamais...
- Quoi donc ?
- Plus jamais tu ne me forces à me lever ! C'est clair ?
- Bon, bon. D'accord. Désolé.

 Nous descendîmes manger un morceau au rez-de-chaussée. Cela me permit de reprendre quelques forces et d'oublier les désagréments du réveil. L'autre blond en face de moi se balançait sur sa chaise, à la manière d'un gosse en me regardant d'un air boudeur. Sans doute espérait-il se rattraper en faisant le pitre ? Qu'importe je tâchais de l'ignorer. Au bout d'un moment, alors que je finissais mon assiette, il s'arrêta et prit un air sérieux.

- Dis-moi, Arhye : tu cherchais bien du travail, avant tout ça ?
- Oui. C'est ça.
- Pourquoi, exactement ? Parce que quand je vois ce que tu portes, je me dis que tu ne viens pas de n'importe où. J'ai même failli croire à ton histoire de TNT.
- Oublions ça, veux-tu ? Bon... en réalité je suis devenu pirate.
- Toi ? Un pirate ? Mais tu es jeune...
- Oui. Disons que beaucoup de choses se sont passées. Mon père était un officier de la Marine très respecté. Ma mère une noble de la famille Crow, de Norland... Nous vivions à Luvneelgraad. Tu as dû entendre parler des événements qui ont eu lieu là-bas, entre le Gouvernement et la Révolution.
- En effet. C'était dans tous les journaux.
- Suite à cela, mon père a été arrêté. Accusé de traîtrise... Un mois après, c'est ma mère que l'on m'a pris.

 Matt écoutait la suite de mon histoire sans dire mot, le visage grave. De temps en temps, il laissait transparaître son émotion par un petit haussement de sourcil ou par un "Oh" muet. Je ne savais même pas pourquoi je me confiais à lui. Je le connaissais depuis un peu moins de 12 heures. Peut-être à cause de son implication avec les Martico ? Pour une raison que je ne comprenais pas encore, je sentais que je pouvais lui faire confiance. Petit à petit, je refermais de moi-même le fossé qui nous séparait.
Quand j'eus terminé, il laissa un temps. Puis il commença à me raconter sa propre histoire. Allons bon, nous étions parti pour une matinée confessions !
Apparemment, il était né ici à Manshon. Depuis aussi loin qu'il se souvienne, il faisait partie de la famille Martico. Ce sont eux qui lui apprirent à voler et à adapter son langage selon ses interlocuteurs. Ses techniques, il les avait améliorées, refaçonnées et testées maintes et maintes fois, faisant de lui un membre important de leur groupe, sans jamais pour autant monter les échelons. Il n'avait d'ailleurs jamais échangé plus de quelques mots avec le parrain, lors de leurs brèves entrevues. Jamais il ne s'était senti pleinement accepté en tant que personne. C'est un homme, un jour, qui lui ouvrit les yeux sur sa propre existence en lui ouvrant son cœur. L'amour qu'il lui vouait n'était pas sain, selon les mœurs de la ville. Ce genre de relations n'étaient pas très bien vues, surtout dans la mafia. L'homme fut assassiné par les Martico, afin de redresser Matt. Ce dernier ne s'en remit pas totalement. Pour combler ce vide, il s'était mis à imiter son amant, comme pour l'immortaliser en lui. Mais la drague, les amourettes, les liaisons douteuses... La beauté du corps, la jeunesse, la finesse des traits d'un visage... tout cela lui était monté à la tête, à tel point qu'il s'en retrouva changer. Il ne faisait plus semblant de trouver un homme beau, tout comme il ne manquait pas d'amour à transmettre aux figures d'Apollon lui faisant face. Mais il n'en restait pas moins voleur au sein de la pègre. Il devait faire son travail. Seulement, il s'était promis de ne jamais faire de mal à un être capable de lui rappeler son idylle perdue.

- Mais je n'ai rien fait de la sorte.
- Tu n'as pas besoin de faire quoi que ce soit, Arhye. Tu es toi. Et c'est ça qui est charmant.

 Malgré le caractère ambigu et gênant de cette phrase, il y avait un détail important à retenir : je ne pourrai jamais être quelqu'un d'autre. Si je voulais atteindre mon but, je ne devais pas aller contre mes principes. En restant fidèle à moi-même, j'avancerai. Dans le cas contraire, je me perdrais.

- Je ne changerai pas d'avis. J'ai décidé de devenir pirate parce qu'au fond de moi je savais que c'était ce que je devais... Non : ce que je voulais faire. Peut-être était-ce un caprice de gosse, une façon stupide de me venger du Gouvernement. J'aurais même pu intégrer la Révolution ! Mais je ne prétends pas être intelligent, et je ne sais pas grand chose des révolutionnaires... Dans les dossiers de la Marine, on les fait passer pour des démocrates querelleurs et indisciplinés. Ce n'est pas ce que je pense. Du moins je me permets de le remettre en doute. Seulement je ne veux pas renverser le Gouvernement Mondial. Je ne veux pas non plus le diriger ou le détruire... Je veux juste que le système change, en faisant payer à ces enfoirés de bureaucrates et d'Amiraux orgueilleux ce qu'ils m'ont fait. Il faut toujours un peu de désordre pour que l'ordre apparaisse. C'est ainsi que je vois les choses.
- Bon... Eh bien dans ce cas : si nous allions te trouver ton capital de départ ?

 Je regardai le voleur dans les yeux. Il souriait encore ! Mais cela ne m'agaçait plus. J'avais fini par m'y habituer, à force. La vérité, c'est que j'y trouvais un peu de réconfort, après ces quelques mésaventures. Il se leva de table et j'en fis de même. Nous sortîmes de l'auberge et nous fondîmes dans la foule. Je me demandais tout de même dans quoi il allait m'embarquer cette fois.
Ah : encore une mèche rebelle.
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Je me retrouvai devant le manoir d'un riche commerçant, créateur d'une marque de vêtements réputés à North Blue. Un certain Jonas Murpple semblait-il. J'attendais que Matt revienne de son tour d'exploration, nerveux.
Ce dernier sauta par dessus le muret de la propriété et me rejoignit, l'air fier de lui :

- Comme prévu, il n'y a personne à part le majordome et la servante ! Ils ne poseront aucun problème si ça tourne mal.
- Comment ça "si ça tourne mal" ?! Je croyais que tu allais m'aider à trouver du travail !
- J'ai dis que je t'aiderai à trouver de l'argent. C'est la solution la plus rapide et la plus simple ici. Surtout si tu collabores avec moi. Et puis tu es un pirate, maintenant. C'est un peu comme un avant-goût de ce qui t'attend.

 Pour le coup, il n'avait pas tord. j'étais encore bien trop innocent.

- De toute façon, la mafia t'aurais sûrement proposé un travail de ce genre alors...
- Bon bon, ça va ! J'ai compris ! On cherche quoi exactement ?
- Je suis déjà venu faire du repérage avec les Martico ici, pendant une entrevue. Le commerce est une part importante de notre... de leur fond de caisse. Le propriétaire possède un coffret rempli d'argent non-déclaré dans son bureau, pour le compte de la pègre. Je sais où il se trouve. Tu n'auras qu'à faire diversion !
- Et je fais ça comment, moi ? Je ne connais pas l'endroit.
- Improvise ! Je n'ai besoin que de 3 minutes. Tu n'as qu'à mentir, tiens ! Tu te fais passer pour un client mécontent ou pour un fils illégitime... Oh et puis débrouille-toi aussi ! C'est quand même pour toi que je fais ça !
- Bon d'accord, très bien. Excuse-moi. Et encore merci.
- Tu me remercieras quand tu auras la monnaie entre les mains !

 A ces mots, il repassa une nouvelle fois par-dessus le muret. Je laissai filer quelques secondes, le temps de me préparer et de lui laisser le temps de se trouver un point de départ discret dans l'enceinte de la propriété. Puis je m'approchai des grilles et sonnai en utilisant la chevillette accrochée au pylône de droite. Au bout de quelques instants, je vis arriver vers moi un homme en costume, le buste droit. Il s'arrêta et me dévisagea depuis l'autre côté du portail et s'éclaircit la gorge :

- Bonjour, Monsieur. Que puis-je pour vous ?
- Bonjour à vous. J'aimerai savoir s'il est possible de voir Monsieur Murpple.
- Je regrette mais mon maître n'est pas ici aujourd'hui. Si c'est pour un rendez-vous, je vous prierai de bien vouloir prendre contact à l'avance.
- Ce n'est pas possible ! Je lui avais adressé un courrier pas plus tard qu'il y a 2 jours !
- Toutes mes excuses, Monsieur, mais nous n'avons reçu aucun courrier et...
- Quand reviendra-t-il ?
- Je vous demande pardon ?
- A quelle heure Monsieur Murpple reviendra chez lui ?
- Mon maître ne rentrera pas avant midi, dans une heure.
- Dans ce cas, je me permets de rester ici et de l'attendre ! Voyez-vous : un employé d'une de ses boutiques s'est moqué de moi en me vendant un produit d'occasion et j'exige réparation de sa part. En tant que dirigeant de cette marque, les fautes commises par son personnel lui incombent !
- Je comprend Monsieur, mais il ne serait pas raisonnable de...
- Voulez-vous que je vois ça avec les Martico ?

 Le majordome ouvrit la bouche puis la ferma, décontenancé. Je souriais intérieurement : dans une ville contrôlée par la mafia, la menace suffisait à mettre fin aux pires débats. Et je n'étais pas déçu du résultat. Une jolie jeune femme en tenue de soubrette arrivait vers nous en courant, soulevant légèrement sa jupe pour ne pas la faire traîner.

- Que se passe-t-il, Damian ?
- Eh bien... ce jeune homme est un client. Il souhaitait voir notre maître pour déposer une plainte et...
- Allez-vous me laisser entrer, oui ou non ?
- Tout de suite, Monsieur !
- Mais enfin Damian, pourquoi tu...
- Il menace de prévenir les Martico.
- Oh !

 J'entrai finalement dans la propriété et suivis les deux serviteurs. Je louchai sur ma droite et aperçus Matt dans un buisson, collé au mur. Le voleur leva le pouce et je le lui rendis discrètement. J'entrai dans le manoir et fus installé dans le premier salon, servant de pièce pour le thé. Celui-ci me fut gracieusement proposé par la servante, Nelly, que j'acceptai volontiers. Elle était plutôt mignonne. Pas que j'étais fétichiste des tenues de soubrette mais ses cheveux auburn attachés en une tresse longue et ses petites tâches de rousseur étaient un régal pour les yeux. Sans parler de ses lèvres pulpeuses et de son corsage... Le majordome me sortit de ma rêverie en s'inclinant devant moi et en m'assommant d'excuses. "Sweety", je t'en supplie dépêche-toi.
DING DONG.

 La clochette du portail avait retentis et le prénommé Damian était parti voir de quoi il retournait. Merci, mon dieu. J'étais enfin seul avec la charmante Nelly qui n'avait pas l'air bien plus âgée que moi. Nous pûmes discuter ainsi un moment, me permettant de faire descendre la pression que j'avais : j'étais tout de même le complice d'un vol, lequel se produisait en cet instant. Et puis mentir ne m'allait vraiment pas...
BANG !
Un coup de feu avait retenti. Non pardon : un coup de feu avait retenti ! Nelly fit tomber le plateau qu'elle avait dans les mains et se tourna vers la porte, effrayée. Pas plus rassuré, je me levai et ouvrai.
BANG ! BANG !

 Il y avait un homme par terre, près du portail ! C'était Damian. Trois hommes étaient entrés. Trois hommes et... un chien. Mais bon sang le chien en question était énorme ! C'était pas le genre de bestiole qu'on pouvait traîner en laisse pour la promenade, non : un vrai molosse avec un gros collier de cuir sombre, une chaîne en guise de laisse et un gant de protection pour le type qui avait la charge de le retenir. Et en plus il aboyait fort, le monstre. Un autre homme pointait un pistolet en direction des fenêtres, sur le côté du manoir. En m'approchant un peu, je vis qu'il visait Matt ! Ce dernier tentait de descendre en s'agrippant aux briques, à la manière d'un alpiniste professionnel. Les 2 tirs précédents s'étaient enfoncées dans le mur.

- T'es mort, "Sweety" !

 BANG !
Le tireur avait appuyé une nouvelle fois sur la gâchette. Cette fois, la balle toucha une pierre juste à côté de la main de Matt qui glissa et chuta de presque 2 étages avant de tomber par terre.

- Matt !
- Vas-y Kurd ! Chope-le !

 L'homme qui tenait le chien lâcha la chaîne et le molosse fonça sur sa proie, toutes canines dehors. Matt se mit sur le dos tant bien que mal et prit peur en voyant la bête lui fondre dessus. Au moment où elle bondissait pour le mordre, je lui décochai un coup de pied dans la mâchoire qui la fit gémir de douleur et l'envoya rouler quelques mètres plus loin.

- Hé ! C'est qui celui-là ?!
- C'est le gosse avec qui Matt s'est tiré !

 Ah. C'était encore la mafia et ils nous avaient retrouvé. Bon, pas besoin d'être un génie pour le deviner. Le chien se relevait et me regardait en grognant. Il avait le regard mauvais. Et la peau dure. Nelly s'était approchée d'eux, les jambes tremblantes.

- Qu'est-ce que vous avez fait à Damian ? Pourquoi est-ce qu'il ne bouge pas ?
- Tais-toi.

BANG !
Mortifié, je regardai le corps de Nelly s'écrouler. Ces salauds l'avaient abattue sans hésiter. Je sentis mes appréhensions se dissiper, très vite remplacées par de la rage. Ces types avaient beau être des mafieux, ils n'en restaient pas moins des criminels au sang froid. Il avait fallu à peine 30 secondes pour que je sois sûr d'une chose : ces trois-là me dégoûtaient et j'allais leur faire payer.
Le chien fonçait sur moi et je lui décochai une droite dans l'oeil, puis une gauche.
BANG !
Je l'avais ensuite attrapé par le cou et l'avais soulevé à hauteur de tête, de manière à ne pas être mordu, pour l'étrangler. C'est à ce moment-là que le projectile siffla et vint se ficher dans la tempe du monstre qui poussa un râle d'agonie. Je ne pris pas le temps d'écouter les insultes de son "dresseur" et envoya à la figure de l'homme au pistolet, tous les muscles tendus, le cadavre de Kurd. Celui-ci ne prit pas le temps d'esquiver. Je fonçai sur lui tandis que son acolyte tentait de m'asséner un coup de poing. Je me plaçai de sorte à ce que son bras se situe entre mon coude et mon genou et le lui brisai net. Le laissant là, hurlant de douleur, je bondissais et commençais mon salto avant.

"Corbeau Descendant"

 Mon pied rencontra la tête du tireur et le fit s'écraser au sol, inconscient. Je retournai vers le blessé et m'apprêtais à l'achever quand j'entendis :

- Lâche-le ou je l'bute !

 Le troisième homme tenait Matt par les cheveux et menaçait de lui trancher la gorge avec son poignard. Mon ami blond avait les larmes aux yeux. Je serrai davantage le col son complice et me tournai vers lui, le visage sombre.

- C'est plutôt lâche de sen prendre à des gens désarmés. Et encore plus de les menacer de tuer un proche pour parvenir à ses fins. La famille Martico est tombée bien bas.
- Tais-toi ! Je ne veux pas t'entendre !
- Hé... Hé Dino... Tu vas quand même pas me tuer, hein ?
- La ferme ! T'es qu'un traître ! T'as buté Rafael et tu t'es barré avec un môme qu'on connait même pas ! Tu croyais t'en sortir comme ça ? T'as laissé plein de trucs au pub, pauvre con ! Il suffisait juste de faire venir Kurd et te pister pour savoir où te trouver.
- Mais si je m'excuse auprès de...
- T'excuser d'quoi ? Tu crois vraiment que le boss va te pardonner ? Tu t'es pris pour son fils ? J'vais t'avouer un truc : personne tient à toi. Tu rapportes de l'oseille. Et après ? Des gars comme toi on peut les remplacer. T'es rien sans nous de toute manière. T'entends ? T'es rien ! Et tu sais quoi ? On attendait qu'une bourde comme cell'là pour pouvoir t'en foutre une entre les deux yeux...
- Hé l'affreux ! Si tu lui fais quoi que ce soit, je te jure que...
- Que quoi ?

 Je me raidis : menaçant, le fameux Dino avait rapproché la lame du cou de Matt suffisamment près pour qu'une goutte de sang vienne perler au bout de l'acier. Je dévisageai ma cible, trop terrorisée, voir trop stupide, pour tenter quoi que ce soit, puis "Sweety". Cette fois, de vrais larmes coulaient sur ses joues. Les mots de son ancien camarade l'avait mis plus bas que terre. Je n'imaginais pas à quel point cela pouvait faire mal... Je n'en éprouvais que plus de haine encore. Mais il fallait que je contienne si je ne voulais pas me retrouver avec sa mort sur la conscience.
Pendant des secondes qui nous parurent à tous aussi longues que des minutes, le silence s'établit. Je m'étonnais que les coups de feu n'aient pas déjà attiré la foule. Ou même la Marine ! En réalité, personne ne viendrait. Les gens du coin étaient bien trop habitués aux rixes entre mafieux pour savoir que ce genre de problèmes ne pouvaient se régler que de manière interne. Hors je n'étais pas un mafieux, et je n'étais pas contre un peu d'aide à cet instant précis.
Matt redressa la tête de manière presque imperceptible et me fixa droit dans les yeux. Je lisais encore de l'abattement, mais aussi... une certaine détermination ? Oh toi, tu avais une idée tordue derrière la tête. Appelons ça l'énergie du désespoir.
Mais bon, il n'y aurait pas d'espoir sans désespoir. Aussi j'essayais de comprendre ses intentions. Je le vis faire un geste en regardant le bras de notre ennemi commun : il ouvrit la bouche et la referma, en montrant ses dents.
Oh.

- Ecoute... Dino, c'est ça ? Je te propose un truc.
- Tu crois vraiment que tu peux négocier ?
- Et tu penses que je vais vous laisser vous en sortir si tu tues mon ami ?

 Ça y est c'était dit. Mon ami. Mon premier ami depuis que j'étais parti de chez moi. Le premier compagnon que j'avais réussi à me faire, avec un coup du sort, et qui avait gagné ma confiance en l'espace de quelques heures seulement. Les yeux de Matt brillèrent davantage.

- Dans tous les cas... tu as raison :il y a peu de chances que j'aie envie de négocier !

 Je fis un bref clin d'oeil à mon camarade qui profita de l'incompréhension de son tortionnaire pour lui mordre la main à pleines dents, lui faisant lâcher le poignard. Alors qu'il criait et tentait de lui faire lâcher prise, j'assommai son complice d'un coup de tête et lui sautai dessus. Mon genou projeta Dino contre le mur de la résidence. La gencive éclatée, le regard flou, cet enfoiré allait rester allongé un bon moment. Sauf que je ne comptais pas le laisser tranquille pour autant. Je m'approchai de lui et lui écrasai le visage contre le sol, appuyant de plus en plus fort comme pour les enterrer, lui et la hargne qui m'animait alors. Je serrai si fort mes mâchoires que j'en avais mal. Mais je m'en fichais ! Je voulais qu'il souffre encore plus. Je voulais le voir m...

- Arhye, ça suffit ! Il a eu son compte...

 Matt me tirait en arrière, blessé. Le voir là, debout et libre devant moi, suffit à m'arrêter. Le voir tenter d'afficher un sourire, malgré la douleur et la tristesse qui le tourmentaient, parvint à me calmer. Décidément, ce type était vraiment fort !

 Nous étions retourner à l'auberge. J'avais aidé mon ami à s'accouder contre la rambarde du balcon. Quelques passants nous avaient regardé arriver ainsi, dont le gérant, avec un air grave. Ce n'était pas la première fois qu'ils voyaient ce genre de scène. En tournant la tête, j'avais aperçu une patrouille de Marines rentrer dans la propriété en compagnie d'un homme richement vêtu. Ce devait être Monsieur Murpple... S'ils étaient arrivé plus tôt on en serait pas là.
Non. S'ils étaient arrivés plus tôt, ils nous auraient tous arrêtés. Ils auraient su que Matt était un mafioso et ils l'auraient enfermé. Celui-ci me toisait du coin de l’œil. Il me tendit une cigarette. Je lui rendis son regard. Je finis par accepter la proposition.

- Tu me vois comme un ami, Arhye ?

 Nous nous fixâmes un moment. Je tournai la tête en soupirant, la main dans les cheveux :

- On peut dire ça oui.
- C'est vraiment du gâchis...
- Comment ça ?
- Avec un peu de chance, notre histoire aurait pu aller plus loin, tu sais ?

 Mais quel... Le pire c'était qu'il me narguait, avec son bras en écharpe ! Cet idiot se l'était tordu en tombant. "Un peu de repos et il sera comme neuf." Tu parles !

- Qui te dit que cette histoire va se finir comme ça ?
- Alors, il y a des chances que...
- Aucune.

 Nous nous regardions à nouveau, complices.

- Alors. Qu'est-ce que tu comptes faire, maintenant ?
- Je vais attendre.
- Attendre ? Attendre quoi ? Tu sais, avec l'argent du coffret... il y en a bien pour 1 000 000 de berrys ! Tu pourrais te trouver une embarcation et quitter cet endroit pour...
- Je vais attendre que ton bras aille mieux, pardi. C'est vrai, après tout : à quoi me servirait un voleur sans son outil de travail ? Je ne suis pas là pour me dégoter un équipage d'handicapés !

Matt Denis ouvrait de grands yeux ronds. Je ne pus m'empêcher de sourire devant son air ahuri. Nous finîmes par éclater de rire tous les deux. Je me demandais depuis combien de temps ça ne m'était pas arrivé.
Nous échangeâmes encore un regard et je lui tendis ma main. Ses yeux allèrent des miens au bras tendu.

- Partenaire ?

 L'intéressé tira une latte sur sa cigarette. Il tendit le bras à son tour et serra ma main.

- Partenaire.

 Et voilà, rien de bien surprenant, certes, mais j'avais trouvé mon premier compagnon de route. Le plaisir qui m'envahissait était tel que j'en eus un frisson. Non, ce n'était pas l'individu face à moi qui m'excitait !
Après une dernière bouffée d'air, j'allai jeter mon mégot. Il fallait l'avouer : cette merde faisait quand même du bien. Comme quoi : les apparences étaient souvent trompeuses.
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