Chez l'ennemi

Récente promotion et nouvelle mission. Grâce à l'arrestation du pirate Peterson, j'ai été promu Sergent. J'attendais cette promotion avec impatience. Bientôt huit ans passés au sein de l'Elite et j'ai enfin le droit à ma première promotion. Je ne cache pas ma fierté, il y a quelques années, je n'aurais jamais pu imaginer me retrouver ici aujourd'hui. Cependant, j'ai encore un long chemin à parcourir afin de totalement tirer un trait sur mon passé et de devenir la personne que j'ai toujours rêvé d'être. Mes bonnes actions menées au sein de la Marine me permettent jour après jour d'oublier les erreurs passées. Et l'arrestation du pirate Peterson fait partie des bonnes actions. La traque à travers la forêt tropicale a été rude mais, au final, je suis parvenu à accomplir ma mission. Le temps est passé, je me suis remis de mes blessures, malgré quelques séquelles encore présentes.

Mais plus le temps de se reposer et de panser ses plaies. Les missions ne peuvent pas attendre. Au sein de l'Elite, il faut être disponible en permanence, toujours être prêt à partir pour une nouvelle opération. Je risque ma vie, je pars souvent loin, parfois longtemps, mais ce mode de vie ne me déplaît pas. En s'engageant dans l'Elite, il faut connaître et comprendre les risques du métier. Avant chaque départ, l'excitation se fait ressentir, l'adrénaline monte. J'aime mon boulot et je ne le changerai pour rien au monde. J'ai été envoyé à Inu Town. Le Commandant Toffel ne m'a pas expliqué précisément quels sont les objectifs de la mission, mais je suppose qu'un officier d'Inu Town me briefera directement.

J'avance à travers les ruelles de la petite ville de Chom. Les mains dans les poches, une allure décontractée, un flegme habituel, je me rends tranquillement à la caserne de la marine pour en apprendre un peu plus sur l'opération. Avant mon départ, des collègues m'ont vaguement parlé d'infiltration mais, j'espère en savoir plus ici. Sur cette île est installé la 316ème division. Le nombre de soldats présents sur l'île est conséquent et j'ai déjà pu apercevoir pas mal de marines faire leurs rondes. Ils doivent certainement s'ennuyer, Chom est une ville prospère entourée par la campagne et généralement, les brigands ne perdent pas leur temps à attaquer ici étant donné qu'on y trouve la base militaire.

Je m'arrête un instant et relève les yeux. Devant moi se dresse un bâtiment d'une envergure impressionnante où est floqué l'emblème de la marine. La base est enfin là. Je réajuste mes lunettes d'un geste de la main puis pénètre dans l'enceinte de la caserne après avoir révélé mon identité aux patrouilleurs postés à l'entrée. Je pousse énergiquement la grande porte d'acier et pénètre à l'intérieur du bâtiment. Un soldat me fait signe d'attendre en me prévenant qu'un supérieur arrive. Toujours les mains dans les poches, je m'adosse au mur derrière moi en attendant l'arrivée de l'officier. Au bout de quelques instants, j'aperçois au fond du couloir une silhouette se dessiner et se rapprocher peu à peu, accompagnée d'un bruit de bottes frappant le carrelage. Le son lourd résonne à travers tout le hall, et un grand homme fait son apparition. La cinquantaine, une barbe épaisse, des cheveux grisonnants, un cigare planté entre les deux lèvres et un manteau d'officier sur les épaules.

Bien le bonjour. Je suis le Commandant Harner, ravi de faire votre connaissance. Vous devez être le Sergent Cinco n'est-ce pas ?
Enchanté également. Et oui, c'est bien moi.
Je ne pensais pas que vous arriveriez aujourd'hui. Le Colonel Mortimer a envoyé une requête au Commandant Toffel il y a seulement quelques jours. Et vous voilà déjà ici. Vous êtes rapides, vous, les gars d'l'Elite. Bon, trêve de bavardages, est-ce qu'on vous a briefé sur l'opération ?
Non, monsieur. J'espérais justement que vous pourriez me donner quelques informations. Je n'ai pour l'instant aucune idée de ce pourquoi on m'a envoyé ici.

Durant plusieurs minutes, le Commandant Harner m'informe sur la situation. Sur le papier, la mission est relativement simple. Plusieurs cargaisons de cristaux sortis tout droit de la mine de Chom ont été dérobé et d'après des rumeurs, un groupe de bandits serait à l'origine de ses vols. Ce groupe de forbans se fait discret depuis plusieurs années et ne représentait pas une menace conséquente pour que les forces de l'ordre s'y intéressent plus qu'il ne le fallait. Le supposé chef d'orchestre est un certain Ashor Levyn, un ancien bandit qui affirme s'être rangé. Tout du moins, c'est ce qu'il laisse croire. En effet, d'après des renseignements, il est à la tête de ce groupe de malfrats et dirige ses hommes d'une main de fer. Ma mission sera de m'infiltrer au sein de ce groupe de voleurs et de dire si oui ou non ils ont un lien quelconque avec les vols de cristaux. Pour pouvoir m'immiscer parmi les rangs de l'ennemi, la première étape de la mission sera de rencontrer Ashor Levyn en personne afin de le convaincre de me laisser travailler pour lui. Il tient une petite auberge à la Cité des Karnutes, ma prochaine destination. Sans plus attendre, je remercie le Commandant Harner et me lance dans ma nouvelle mission.
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Une agréable brise parcourt la Cité des Karnutes. Souhaitant profiter de la fraîcheur de la nuit, je retire ma légère veste et la place sous mon bras. Comme à mon habitude, je réajuste mes lunettes d’un coup d’index, puis, je continue ma route. La plupart des habitants sont couchés, la nuit se fait de plus en plus sombre. Je progresse lentement à travers les rues et les ruelles, me dirigeant au « Loup Pervers », l’auberge d’Ashor Levyn. Sur la route, je prends le temps d’observer ce qui m’entoure. Les habitations sont alignées à la perfection et forment de longs boulevards. Mes pieds frappent le sol rugueux et je tourne la tête de gauche à droite. Les quelques rares personnes que je croise sur la route prennent toutes le temps de me décrocher un sourire. Parfois vide, parfois sincère.

Mh. Agréable de rencontrer des gens chaleureux. Ça change.

Après de longues minutes à traverser les quartiers, j’aperçois enfin au loin un vieux bâtiment où est clouée sur la façade une grosse pancarte de bois portant l’inscription « Loup Pervers ». Un rictus s’affiche sur mon visage. Content d’être enfin arrivé. La mission ne fait que commencer. Je m’approche de l’entrée et constate que la porte de bois est complètement délabrée et tombe pratiquement en lambeaux. L’auberge est abîmée et doit certainement être aussi vieille que la Cité des Karnutes. Je pousse la porte aussi légère qu’une plume et pénètre au « Loup Pervers ».

La pièce est grande et dégage une odeur d’alcool et de renfermé. Quelques tables et chaises usées parsèment l’endroit. Une demi-douzaine de poivrots braque leur regard sur moi après que j’aie passé la porte. Après quelques instants à m’observer de haut en bas, ils replongent tous dans leurs paris, leurs jeux de cartes et leurs alcools. Dans un brouhaha sans nom, je m’avance vers le comptoir et je m’installe sur une chaise haute. Le barman s’approche de moi. Il me salue d’un mouvement de tête et continue de faire briller un verre à pied avec son torchon.

Bonsoir. J’vous connais pas vous. J’ai pas l’habitude de voir des visages inconnus dans c’t’auberge. Qu’est-ce que j’vous sers ?
Rhum, s’il vous plaît.
Et un rhum pour le jeune homme aux ch’veux bleus. Qu’est-ce qui vous amène à la Cité des Karnutes ?
Je suis en quête de fortune. Comme tout le monde sur cette fichue planète.
Hahaha ! C’est pas faux. C’est quoi ton nom l’ami ?
Jackson. Mais tu peux m’appeler Jack. Et toi ?
Ashor, Ashor Levyn.

Tiens, tiens. Je l’imaginais plus grand. Ashor est de taille moyenne, trapu, robuste, un peu gras. L’homme est dans la force de l’âge, son regard est sombre, ses sourcils sont en permanence froncés. Une large cicatrice traverse en diagonale son visage abîmé et sa mâchoire est décorée par une épaisse barbe noire. Ce type est fort. Très fort.

Qui est le patron de cette auberge ?
La personne qui s’trouve en face de toi.
Les affaires ont l’air de bien tourner, y a pas mal de clientèle.
Ouais, ça marche bien ici. La plupart sont des habitués. Mais, tu n’as pas réellement répondu à ma question. Alors, Jack, qu’est-ce qui t’amène à la Cité des Karnutes ?
Sans rentrer dans les détails, j’ai eu des problèmes avec mes anciens associés, j’ai préféré partir pour me changer les idées et me voilà ici.
Qu’est-ce que tu faisais comme boulot ?
Tout ce que je préfère te dire, c’est que je n’ai pas les mains propres.
Mhh… Je vois. Attends, il faut que j’aille chercher quelque chose en réserve, je reviens dans deux minutes.

Ashor se dirige vers une porte que je croyais condamnée, l’ouvre et disparaît. Pour l’instant tout se déroule comme prévu. Ma couverture n’est pas grillée. Je pivote sur ma chaise pour observer un peu la salle. Cicatrices, caches-œil, jambes de bois, pistolets à la ceinture. La plupart des clients ont de bonnes têtes de bandits. Ils doivent certainement travailler pour Ashor. Il faut que je reste sur mes gardes, certes, pour le moment, la situation évolue comme je le souhaite, mais il ne faut pas que j’oublie que je suis en territoire ennemi. Tout peut foirer à n’importe quel moment. Derrière moi, le grincement d’une porte se fait entendre. Je me retourne et aperçois Ashor qui sort de la réserve, les mains vides. Je croyais pourtant qu’il devait aller y chercher quelque chose. Derrière cette porte, ce n’est pas la réserve.

Me revoilà l’ami !
Ah ! Je commençais à m’impatienter, regarde, mon verre est vide !
Et hop, l’est plein maintenant.
Merci bien.
Au fait, Jack, si tu cherches du travail, j’crois que j’ai un job qui pourrait t’intéresser…
Bof, travailler dans une auberge, très peu pour moi. Non merci.
Non Jack, pas un boulot à l’auberge.
Quoi alors ?
T’as l’air d’être un bon gars, suis-moi.
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Intrigué par sa demande et désireux d’en savoir plus, je me lève de mon siège et le suis. Il me mène à cette fameuse « réserve ». Je ne vais pas tarder à savoir ce qui se cache à l’intérieur. Ashor ouvre la porte et d’un mouvement de tête il me fait signe de passer devant lui, tout en me lâchant un faux sourire. J’entre avec méfiance dans une pièce étroite et lugubre. L’endroit est mal éclairé, les murs sont esquintés et des toiles d’araignées parsèment le plafond. Au centre de la pièce est disposé une petite table graisseuse avec deux chaises dont l’une est occupée par un homme mystérieux. Celui-ci s’amuse avec un couteau émoussé qu’il fait tournoyer avec ses deux doigts et ne nous prête même pas attention. L’homme est un peu plus jeune qu’Ashor, un peu plus fin, un peu moins gras, et lui ressemble étrangement.

Je te présente mon petit frère, Warren.
Quel est cet endroit ? Je croyais que c’était la réserve.

Ashor me sourit, en dévoilant sa dentition imparfaite. La pièce est pratiquement vide et je ne vois pas en quoi cette salle peut être intéressante. Je reste sur mes gardes, serre les poings instinctivement comme pour me préparer à une éventuelle attaque. Je n’ai aucune confiance en ces deux personnes, ils sont mes ennemis et si je comprends que ma couverture est grillée, je les détruirais sans aucune hésitation. Pour l’instant, je ne ressens aucune hostilité de leur part, mais je reste tout de même méfiant. Ils peuvent se retourner contre moi à tout moment.

« Du sang sur les mains » hein ? Cette phrase n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Tu m’as intrigué. J’ai un boulot à t’offrir dans ma bande. Mais avant ça, j’aimerais en apprendre plus sur toi.
Et si je n’ai pas envie de t’en apprendre plus sur moi ?
Eh bien, je crains que tu ne ressortes pas d’ici vivant.
Vous n’avez pas la moindre chance contre moi.
Hahaha, t’es un marrant toi, je t’aime bien.
Arrête de mentir. Bon, je suis en manque d’argent et tu me proposes un job alors je crois bien que je vais accepter malgré ma méfiance. Comme tu sais, je m’appelle Jack. Je suis un ancien pirate. Tout à l’heure quand je te disais « associés », en fait, il s’agissait des membres de l’équipage auquel j’appartenais. Nos chemins se sont « séparés » après une dispute par rapport à un trésor qu’on avait découvert. Je dis « séparés », mais en réalité, ils se sont entretués. Au final, le navire est parti rejoindre les fonds marins, tout comme le trésor. Quant à moi, j’ai préféré partir, sachant parfaitement que cette querelle ne menait à rien. Malheureusement, sans argent, je ne pourrai pas survivre longtemps. Je dois avouer que t’es le premier à me proposer un boulot après plusieurs mois de recherches. Alors je ne vais pas cracher sur ta proposition.
Je cherche un type pour un job et toi t’as besoin d’argent. C’est parfait.

Le sourire toujours accroché aux lèvres, Ashor me fait signe de m’asseoir à côté de son frère. Mes mensonges sont passés inaperçus et la mission avance comme prévu. Mais c’est trop beau pour être vrai. J’attends curieusement de savoir comment tout ceci va évoluer. Je prends place à côté de ce fameux Warren qui tout à coup relève la tête et me fusille du regard. Il a l’air méfiant. Ashor pose ses deux poings sur la table et se penche vers nous.

Avant de te confier le vrai job, il faut que je puisse te faire confiance. Il faut également que je connaisse tes capacités. Tu sais voler ?
Je suis un ancien pirate, je te rappelle.
J’ai besoin de connaître tes talents de voleur. A quelques rues d’ici, il y a une petite boutique tenue par une mémé. J’y ai repéré une statuette en or massif qui doit coûter un bras. Apporte-la-moi. Ne reviens pas ici tant que tu ne l’as pas récupéré.
Je vais profiter de la nuit. Je file.

Ashor me confie l’adresse de la boutique et sans dire un mot de plus, je me lève de mon siège, réajuste mes lunettes d’un coup d’index et sort de la pièce. Dans un brouhaha infernal, je me faufile à travers la salle principale, esquivant les bouteilles d’alcool lancées d’un côté à l’autre. Je pousse finalement la porte d’entrée et je savoure la fraîcheur de la nuit. Sans plus attendre, après avoir soufflé un bon coup, je me lance dans ma nouvelle mission, le cambriolage.
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La rue est vide et sombre. Tout est silencieux, seul le bruit du vent parvient à mes oreilles. Je me tiens face à la fameuse boutique où le cambriolage doit s’effectuer. Je prends le temps de pivoter la tête de gauche à droite, scrutant le moindre mouvement dans l’obscurité. Au loin, une petite silhouette se rapproche lentement. Mon cœur s’accélère, je me concentre sur cette ombre qui avance dangereusement. Soudain, le silence de la rue est brisé par un miaulement. La silhouette sort de l’obscurité. Un chat. Les battements de mon cœur ralentissent et je soupire.

La petite boutique est en bon état et sur la façade est floquée une inscription « Le Bazar de Jin ». Je m’approche à tâtons de la porte d’entrée, je fourre ma main dans ma poche et y tire un crochet. Je place ensuite celui-ci dans la serrure et l’agite quelques secondes pour trouver le moyen d’ouvrir le loquet. Le bout de la langue sorti au coin de ma bouche, je me concentre pour crocheter sans faire le moindre bruit. Et après de longues secondes, un léger « click » se fait entendre. J’abaisse la poignée et pousse la porte dans un grincement sourd. Je pénètre dans la boutique, discret comme un félin, en prenant garde de faire le moins de bruit possible à chaque pas.

La pièce est plongée dans l’obscurité et me repérer est une tâche compliquée. Des tonnes d’objets farfelues sont disposées sur des étagères un peu partout. Cet endroit porte bien son nom de « Bazar ». Des couteaux, des assiettes, des dés, des brosses à cheveux ; tout est trouvable dans ce magasin. De grandes caisses de bois alignées sont posées au sol avec à l’intérieur des montagnes de produits différents. Je ne dois trouver qu’un objet en particulier, ici, c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Je vais devoir faire preuve de patience pour espérer mettre la main sur cette fameuse statuette. Cependant, dans une situation comme celle-ci, l’adrénaline ne cesse de grimper ce qui rend la tâche encore plus compliquée.

Accroupi, je me faufile lentement et prudemment à travers les caisses d’objets disposées un peu partout dans la pièce. Je pivote la tête de gauche à droite, scrutant chaque recoin afin de repérer la statuette. Sachant que celle-ci n’est pas un objet anodin et doit coûter un bras, elle ne doit sûrement pas être entreposée dans une des dizaines de caisses qui contiennent des objets basiques. La statuette doit assurément être en rangée en hauteur ou à l’abri dans l’arrière-boutique.

Je me redresse le plus silencieusement possible afin d’examiner les étagères accrochées aux murs. Et après quelques longues minutes de recherches infructueuses, désespéré, je comprends que la statuette est, sans aucun doute, stockée dans l’arrière-boutique. Je dois tant bien que mal me glisser dans l’arrière-boutique tout en restant le plus discret possible, ce qui s’avère être assez compliqué. Et c’est donc, après avoir à nouveau enjambé les boîtes et les caisses que je me retrouve dans l’arrière-boutique cachée par un grand store. J’y découvre une nouvelle fois une ribambelle d’objets en tout genre, cette fois-ci disposés dans des cartons usés.

Néanmoins, au milieu de tout ce bazar, quelque chose attire mon attention. Sur une petite couchette bleue, recouverte d’un drap jaunâtre, une grand-mère dort paisiblement, le sourire suspendu aux lèvres. Il doit s’agir de la tenancière du magasin. Je ressens une certaine culpabilité, devoir dérober à cette grand-mère un objet qui sans aucun doute doit avoir une valeur sentimentale pour elle, me fait un peu mal au cœur. Une fois Ashor Levyn derrière les barreaux, je veillerai à restituer la statuette à cette pauvre dame.

Au fond de l’arrière-boutique, j’aperçois enfin la statuette d’or, disposée sur une étagère en bois. Je la récupère rapidement et jette un œil à la couchette afin de vérifier que la grand-mère est toujours plongée dans son profond sommeil. Sans m’attarder ici, une fois la statuette en ma possession, je file vers la porte d’entrée tel un félin et je rejoins l’extérieur. Le cambriolage a été plus long que je l’imaginais, cependant, j’ai accompli ma mission avec brio. N’ayant pas une seconde à perdre, je rejoins l’auberge d’Ashor Levyn pour lui remettre la statuette. J’espère qu’avec la réussite du vol, il acceptera de me confier un rôle dans sa bande.
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Je pousse la porte de l’auberge et pénètre à l’intérieur de la grande salle. Je retrouve le vacarme assourdissant des cris, des conversations, des rixes et des rigolades. L’ambiance est toujours au rendez-vous ici et un bon nombre de clients doivent sans aucun doute appartenir à la bande d’Ashor. Je pense que d’ici quelques jours, certaines personnes ici se retrouveront derrière les barreaux. Je m’approche d’Ashor, toujours niché derrière son bar à astiquer les verres avec son vieux torchon. Il relève la tête, croise mon regard et esquisse un sourire. Il comprend que le cambriolage est un franc succès et jette un œil à la magnifique statuette que je tiens fermement en main. Je reprends place sur la chaise haute que j’avais quitté un peu plus tôt dans la soirée et pose la statuette sur le comptoir.

Rapide. Bravo.
Alors, tu doutes encore de mes talents de voleur ?
Hahaha ! Plus du tout. Je ne pensais pas te voir revenir avant plusieurs heures, bien joué.
Je suis autorisé à en savoir plus sur le job, maintenant ?
Suis-moi.

Nous retournons à nouveau dans la réserve. Réserve qui porte mal son nom étant donné qu’elle ressemble plus à une salle de torture ou à une pièce hantée qu’à une véritable réserve. Cependant, si nous nous dirigeons à nouveau vers celle-ci c’est qu’Ashor a bien l’intention de me confier ce fameux boulot. Ma mission d’infiltration se déroule pour le moment sans encombre et j’espère qu’elle continuera sur ce même train-là. Je reste tout de même méfiant, tout ceci reste, certes, relativement facile pour l’instant, néanmoins, je ne suis pas à l’abri d’un éventuel dérapage qui révélerait ma véritable identité et de ce fait mettrait un terme à l’opération. Dans une situation d’infiltration comme celle-ci, je dois faire attention à mes moindres faits et gestes afin de ne pas éveiller les soupçons et rester le plus crédible possible.

Nous pénétrons donc dans cette salle sinistre et nous retrouvons à nouveau Warren, le petit frère d’Ashor, toujours assis au même endroit, il n’a pas l’air d’avoir bougé d’un iota. Les jambes croisées, le regard dans le vide, il fume tranquillement sa cigarette sans même poser un regard sur nous. Je le sens totalement indifférent. Cet homme est intriguant et malgré une carrure pas très impressionnante, je le sens beaucoup plus fort que son frère.

Ashor s’adosse au mur craquelé et dégaine un paquet de cigarettes et un briquet de sa poche. Il tire une clope et la place entre ses lèvres avant de l’allumer. La fumée s’échappe lentement et l’homme reste silencieux quelques instants, se racle la gorge et prend la parole.

Bon, alors, ce fameux job. Sachant que t’es là depuis pas bien longtemps, j’imagine que tu n’as pas entendu parler des vols de cristaux qui ont eu lieu dernièrement ?
Des vols de cristaux ? Non, personne ne m’a parlé de ça.
Sur Chom se trouve une mine de cristaux. Et qui dit cristaux dit argent. Beaucoup d’argent. Et comme tu sais, l’or attire toujours les voleurs.
Et donc, je suppose que toi et ta bande êtes à l’origine de ces vols n’est-ce pas ?
Tout à fait. Cependant, on va frapper à nouveau. Un beau pactole nous attend. Encore un ou deux pillages et on aura amassé suffisamment d’argent pour pouvoir se tirer d’Inu Town et se refaire une belle vie ailleurs. Jack, je vais avoir besoin de toi pour dérober les cristaux. Avec Warren, tu seras chargé de rapporter les cargaisons ici, en lieu sûr. A deux on récolte plus et plus vite. Au départ, on avait un autre associé chargé de faire ce boulot, mais cette enflure a essayé de se faire la malle avec la cargaison. Je dis bien « essayer » vu que Warren lui a collé une balle entre les deux yeux. Tu sais maintenant ce qui t’attend si tu essaies de nous la faire à l’envers.
Bon et comment on est sensés dérober les cargaisons ? On va pas simplement se pointer à la mine, attraper quelques caisses et se tirer comme si de rien n’était ?
On a un mec qui bosse pour nous à la mine. Un mineur. S’appelle Lantier. C’est un bon gaillard, il pose pas trop de questions et ne prendra pas le risque de nous trahir étant donné qu’on sait où il habite lui et sa famille. Il vous attendra près d’une entrée cachée à la mine et il vous remettra les caisses. Ensuite y aura plus qu’à entreposer les caisses dans les chariots et se faufiler dans la nuit jusqu’ici, à la Cité des Karnutes.
Quels chariots ?
J’te montrerai ça demain soir quand vous partirez.
Demain soir ?!
Oui, tout va se passer demain soir. Tu connais tous les détails du pillage. Sur le papier, ce n’est pas très compliqué. J’ai bien veillé à tout planifier au niveau des horaires. Je t’ai laissé une chambre de libre à l’auberge, je te conseille de bien te reposer, il faut que tu sois prêt pour demain.
Ça marche.
Parfait.

D’un geste de la main, Ashor m’invite à le suivre et nous remontons dans la salle principale. Tandis qu’il retourne à ses occupations derrière le comptoir, j’emprunte un grand escalier qui mène aux chambres à l’étage. Les pensées défilent dans ma tête. Je sais désormais qu’Ashor Levyn et sa bande sont bel et bien derrière les vols de cristaux. Je dois effectuer le dernier larcin avec eux et une fois tout ceci terminé, je les arrêterai.

Je pousse la porte de la chambre et y découvre une pièce pratiquement vide et délabrée. Un lit au sommier abîmé, quelques meubles usés par le temps et une petite table de chevet recouverte de poussière. Epuisé, sans prendre le temps de me déshabiller, je m’écroule dans le lit.
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