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La Guillotine

Les aléas du train. Cette pensée me traverse l'esprit au moment où le Marine situé à ma droite saisit brusquement un sachet en papier pour dégobiller son petit-déjeuner fraichement ingurgité. Pouah. Cette fois-ci, mon partenaire et moi n'avions pas eu la chance d'avoir une loge attitrée dans ce nouveau train, plus petit et moins confortable, où visiblement nous devions voyager en seconde classe.

- Désolé m'dam, c'la première fois que j'prends l'train.

Des bleus. Des bleus partout, des seconde classe et des caporaux pour la première fois mutés sur Enies Lobby. D'autres sont plus costauds mais ils sont visiblement en sous-nombre. La centrale judiciaire avait besoin d'un roulement permanent des forces armées qui la protégeaient et y habitaient temporairement. Suspendue au-dessus du vide, d'un gros trou sans fond dans l'océan, l'île avait la réputation d'être aussi moche qu'anxiogène pour n'importe quelle personne ayant un minimum le vertige. Ça n'était pas mon cas, cependant les quolibets à propos du style futuriste de la ville, un ensemble de blocs bétonnés rectangulaires, atteignaient sensiblement mon dégout à l'égard de l'endroit avant même d'y avoir mis les pieds. Je détestais ce fichu train et je détestais ces nouvelles recrues pleurnichardes et nauséeuses sur le moindre transport maritime. Mais ce que je détestais le plus, c'était l'absence de mon supérieur qui avait eu le privilège de pouvoir partager le wagon des officiers.

- Bon sang je ne suis pas une simple troufion quand même. laissè-je échapper, involontairement à haute voix, ce qui intrigue aussitôt mon voisin déjà affublé du doux surnom de "Vomito" qui me souffle son haleine bileuse à la figure.

- C'est vrai ça, z'avez pas l'air d'êt' de la Marine, j'me trompe ?

- Toi garde ta bouche dans ton sac.

Deux heures de route depuis Water Seven, deux heures à supporter ce carnaval avec les autres pignoufs autour de moi qui trouvent rien de mieux que faire des avions en papier avec les consignes de leur siège et se les envoyer à travers la voiture. Priant pour que le voyage s'achève bientôt, je lève les yeux au ciel et croise vainement les mains en priant le dieu de la Justice, s'il en existe un. Et c'est finalement la voix du conducteur résonnant dans brutalement dans les mégaphones situés aux extrêmités du charriot qui me sort de ma torpeur. Enfin.

- Votre attention s'il-vous-plaît. Nous allons bientôt entrer en gare, préparez-vous à récupérer vos affaires et vous diriger vers les sorties situées à votre droite.

Dieu soit loué, merci. Vraiment merci.

***

Temporairement déboussolée par le paysage qui s'offre devant mes yeux, je tarde à rejoindre Larson qui a déjà franchi la sortie de la station et m'attend impatiemment à l'extérieur en tapant furieusement du talon contre le sol.

- Bon sang, Sweetsong, on est pas en train de faire du tourisme.

Certes non, cependant je ne peux m'empêcher de darder systématiquement un bref regard sur les gigantesques cascades qui bordent le coin et aussitôt vriller de l'oeil en pensant au phénomène étrange faisant que cette île lévite quasiment au-dessus du vide. Puis les choses ne s'améliorent pas non plus lorsque je me prends à observer trop minutieusement un point fixe derrière le "Pont de l'Hésitation" et suis subitement témoin de l'ouverture soudaine de deux pharamineux pans du paysage lui-même : les Portes de la Justice.

- C'est quoi cette île de timbrés. fais-je tout en écarquillant les yeux, subjuguée par le grand n'importe quoi de cet endroit que je découvre progressivement.

- Le tribunal du Gouvernement Mondial. Mais il y a longtemps c'était aussi la base du CP9. Allez viens, nous sommes attendus. m'intime le vieillard tout en tirant sur la manche de mon bras droit pour me pousser à avancer en direction d'une sorte de muraille d'une dizaine de mètres de haut barrant brutalement le chemin.

Sur le petit lopin de terre qui nous entoure, la terre est anormalement recouverte de verdure et fleurie, accueillant même des arbres. Bientôt il s'avère que le vert est en réalité une couleur prédominante sur l'île, puisque même le mur et son portail l'affichent sur leurs façades comme s'il s'agissait d'une charte graphique du Gouvernement Mondial. Des dorures viennent d'ailleurs parfaire les moulures sophistiquées du béton pour donner à la fois plus de grandeur et de suprématie aux infrastructures gouvernementales. Suivant mon compagnon qui s'avance vers les gardes contrôlant les entrées, je me permets à cet effet une petite remarque.

- On se croirait à Marie-Joie.

- Halte-là. Laissez-passer bien en évidence s'il-vous-plaît. intervient un Caporal qui déjà procède à l'examen des papiers tendus par mon supérieur avant de conclure d'un signe de la main : Vous pouvez y aller.

Un second geste vient indiquer à ses confrères que ceux-ci peuvent nous ouvrir les portes et c'est finalement avec un petit cortège patientant là depuis deux bonnes minutes que nous franchissons l'entrée qui donne presque directement sur la Ville Judiciaire.

- Bienvenue à Enies Lobby. rajoute l'un des gardes tout en nous saluant prestement d'un soulèvement du béret avant de revenir à ses précédentes activités.

Sans surprise, je découvre enfin l'architecture infâme de l'agglomération s'étendant aux pieds d'Enies Lobby : ternes, bruns, les bâtiments semblent avoir tous été confectionnés pour s'emboîter tels des cubes et des rectangles et former de vilains pâtés imbuvable autour d'une gigantesque avenue ralliant directement le Pont de l'Hésitation. De ce côté-ci du mur, pas ou peu de végétation pour border les pavés des rues ni de couleurs chatoyantes pour donner plus de vie à la cité administrative. Mine de rien je demeure estomaquée de voir certains bâtiments s'élevant facilement sur plusieurs dizaines de mètres de hauteurs, adoptant parfois des formes plus irrégulières et semblant ponctués d'une terrasse sur le sommet à partir desquelles on peut voir des têtes dépasser et nous toiser. L'activité va bon train, festival de couleurs blanches et bleues pour les uniformes de la Marine d'un côté et costards cravates pour les bureaucrates et administratifs de l'autre. Vêtue comme une civile aux côtés de mon chef d'équipe qui porte toujours le même trenchcoat brun et son fidèle chapeau qui lui mange le crâne, je dois m'avouer vaincue si le but de cette manœuvre était de passer inaperçue.

- Rafraichis-moi la mémoire : où est-ce que l'on va déjà ? fais-je tout en accompagnant d'une démarche boitillante le pas de mon partenaire, peinant autant que moi à se frayer un chemin à travers la foule.

- A la demeure de Lady Raven, au nord de la ville, non loin du Palais de Justice.


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Ven 29 Juil 2016 - 1:16, édité 4 fois
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Après plus d'une demi-heure de marche, nous étions enfin arrivés en bordure de la Ville Judiciaire, dans un quartier visiblement réservé à la noblesse et aux grands noms résidant sur l'île. Ici se trouvaient de fait les résidences des juges et des hauts fonctionnaires attitrés, qui profitaient pleinement de terrains spacieux et verdoyants, à l'opposé des bâtisses épaisses et unicolores qui peuplaient plus loin l'intérieur du centre-ville.

- Pas si moche que ça, finalement. fais-je tout en attardant le bout de mes doigts sur la surface d'une haie gigantesque et toutefois taillée au millimètre près.

Garni de pavés blanchis, le chemin sous nos pieds semblait lui aussi plus propre, démontrant à quel point le paysage était réservé aux aristocrates et soigneusement entretenu par ce que l'on pouvait prêter à d'humbles serviteurs. Jouxtant la voie principale débordant parfois de quelques ramifications plus terreuses séparant les résidences, les domaines étaient généralement entourés de buissons ou de barrières sophistiquées qui cloisonnaient l'espace et privaient les habitants des regards indiscrets de leurs voisinage et des pèlerins arpentant leur trottoir. Ce qui donnait finalement l'impression de se balader au milieu d'un gigantesque parc fleuri et boisé de haies en tous genres.

- C'est la prochaine, sur la droite. Tout au bout du chemin. indique mon chef d'équipe tout en pointant l'intersection visible à quelques mètres de nous d'un rapide geste du menton.

Partiellement rêveuse, trop occupée à admirer le paysage comme j'aime le faire dès que j'en ai l'occasion, j'enquiquine visiblement mon partenaire qui semble souffrir ma lenteur appréciative. Néanmoins je dois m'avouer assez vite lassée des barrières qui empêchent mon regard de transpercer les propriétés des riches bonhommes du coin, voulant bénéficier de leur petite intimité plus que d'autre chose. Ce qui finalement m'amène même à coller aux talons du vieil homme qui finalement s'arrête devant l'une de ces nombreuses portes fermant les chemins, avant de saisir un escargophone placé dans une petite boite faisant office d'interphone, je suppose. Pendant quelques instances, l'animal semble résonner dans le vide, produisant ses habituels bruits distinctifs, avant de finalement transmettre la voix d'un homme à l'autre bout du fil.

- Oui ?

- Walter Johnson des services administratifs du Gouvernement Mondial à Marie-Joie. Madame Raven a été prévenue de ma visite. répond sobrement mon coéquipier sans plus faire dans les détails.

Meilleur acteur que moi, j'avais plusieurs fois eu l'occasion de voir mon supérieur utiliser l'un de ses noms de couvertures, cependant ce "Walter Johnson" semblait être son préféré. Avec il pouvait littéralement passer partout... tant que l'on restait dans les eaux du GM et de la Marine. L'ivrogne semblait même capable d'utiliser différentes intonations ou tics de langages suivant les identités qu'il prenait et, par un procédé mystérieux, pouvait effacer complètement les effluves d'alcool émanant de sa personne lorsqu'il jouait un rôle. Plus qu'un artiste, l'homme rentrait dans le jeu de ses personnages au point de devenir eux, de les incarner, de faire en sorte qu'ils vivent comme je le faisais avec Elizabeth Butterfly. Sauf que peu de choses différenciaient réellement Elizabeth Butterfly d'Annabella Sweetsong, tandis que les personnalités multiples de mon chef d'équipe étaient en tout point parfaites et implacables. Au point que je lui avais même demandé s'il m'apprendrait un jour à être aussi habile que lui à ce petit jeu.

- Tout à fait. Je vous prie de patienter le temps que l'on vienne vous ouvrir. conclut la voix dans le dispositif après un court silence, terminant aussitôt la conversation escargophonique.

Faisant preuve d'une rapidité sans faille, un domestique apparaît soudain derrière le grillage et vient déverrouiller prestement la porte qui nous barre la route. Sans se présenter ni même piper mot, l'homme habillé à la façon d'un serviteur lambda, avec toutefois des vêtements propres et de bonne facture sur le dos, nous fait subitement signe de le suivre à travers l'allée centrale qui divise un immense jardin. A nouveau mon regard s'entiche donc du paysage et vient à plusieurs reprises observer de plus près les arbres fruitiers et les fleurs qui sortent de terre. Ici des pétunias, là des violettes, là-bas un sublime oranger font définitivement de cet espace un petit coin de paradis et de verdure plus verdoyant que nul part ailleurs.

- La Dame est dans son bureau. Elle espérait tout particulièrement votre visite aujourd'hui, néanmoins des affaires toutes aussi pressantes l'obligent à vous faire attendre dans son salon. commente le jeune homme à la peau matte et aux traits exagérément fins qui nous guide.

Et ce n'est qu'une bonne minute après que celui-ci ait parlé que j'arrive enfin à mettre le doigt sur ce qui cloche : sa voix venait de trahir son véritable sexe puisqu'il s'agissait en réalité d'une femme, bien que ses cheveux soient taillés très courts et que son uniforme ne trahisse aucune courbe féminine. Amusée par cette découverte, je ne prête pas spécifiquement attention à l'apparence extérieure du superbe manoir devant lequel nous venons nous immobiliser, le temps que l'androgyne ouvre une seconde porte, cette-fois ci bien plus massive et bien plus belle que la première, qui mène directement sur l'intérieur du palais. Et quel palais. Ne m'attardant pas plus longtemps sur les détails de l'entrée, ciselée de cuivre habilement travaillé et de bois magnifiquement peint dans les couleurs locales, je ne peux décrocher les yeux du sol carrelé à la façon d'un damier, alternant d'impressionnants carrés blancs et noirs aussi brillant et réfléchissants que tant de miroirs.

- Je retire tout ce que j'ai pu dire sur cette île : cette maison à elle seule vaut le détour. Quelle palace ! ne puis-je m'empêcher d'entonner à voix relativement basse, cessée dans mon élan par un subtile coup de coude de Larson qui me fait signe d'arrêter mes carabistouilles.

- Par ici je vous prie.

Dépassant le hall d'entrée contenant donc d'imposants escaliers carrelés, situés dans un coin de la pièce, qui montent en colimaçon jusqu'au premier étage, nous débouchons subitement dans une pièce singulière où coexistent fauteuils rembourrés en cuir et sofas matelassés en broderies de soie. Baignée par la lumière transperçant à travers les singulières baies vitrées qui remplacent littéralement les murs de la pièce, l'endroit possède une atmosphère à la fois intimiste et moderne, préférant finalement le plancher en bois verni au carrelage du reste de la maison. Ainsi intimés de prendre place sur les sièges, nous sommes rapidement servis par d'autres serviteurs qui viennent nous apporter des tasses de café bien chaud tandis que la femme à la coiffure d'homme disparaît mystérieusement, probablement partie enquérir sa maîtresse. Les minutes passent et je ne peux m'empêcher de me lover au fond de ma confortable couche, presque sur le point de m'endormir, lorsque mon collègue intervient soudainement à l'approche d'une servante venue débarrasser la table basse de nos récipients désormais vidés.

- Merci pour le café. commence l'agent tout en adressant un sourire à la bonne femme que je suis la seule à savoir aussi faux que chaleureux. Savez-vous quand votre maîtresse sera-t-elle disponible ?

- Elle l'est, désormais. tonne alors une voix venant du hall d'entrée, en bas des escaliers, qui interrompt brusquement la domestique peinant à formuler une réponse.

Instantanément soulagée, celle-ci disparaît en trombes, laissant nos regards se tourner vers la porte du salon que traverse prestement, d'un pas néanmoins souple et soigneusement pesé, une silhouette sombre et féminine vêtue d'une robe noire et majestueuse.

- Veuillez m'excuser pour l'attente. Si vous voulez bien me suivre dans mon bureau à l'étage, pour que nous puissions régler cette affaire en privé.
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- Je vous en prie, prenez place.

Nous invitant à continuer dans sa loge ténébreuse et faiblement éclairée d'une bougie posée sur le coin de son bureau, illuminant sur toute une façade de la pièce une impressionnante bibliothèque, je rentre à la suite de mon partenaire qui ne tarde pas à venir visser ses fesses sur le siège que lui désigne notre hôte.

- Et fermez la porte derrière vous. termine la jeune femme, s'adressant à moi avec un ton ferme mais visiblement naturel chez la Juge.

Je m'exécute donc et rejoins ma chaise sans piper mot, dérivant du regard sur les étagères qui meublent l'endroit. Propre, tout était incroyablement propre. C'en était presque malsain. Le bois verni réfléchissait la lumière, les surfaces en verre étaient transparentes au possible et même les livres qui semblaient pourtant anciens n'étaient pas recouverts d'une infime couche de poussière. Bien que nous avions été témoins du grand nombre de domestiques œuvrant dans la demeure, j'étais prête à mettre ma main à couper que la propriétaire elle-même était une maniaque du rangement et du nettoyage, s'investissant personnellement aux tâches ménagères de ses affaires personnelles. Entre cela et ses belles robes qui, bien que d'une noirceur sans failles, étaient richement décorées et laissaient magnifiquement poindre les formes somptueuses du corps de la dame, il n'en était à plus douter que la bonne femme avait baigné dans la richesse depuis son plus jeune âge. Et tout était là pour nous le rappeler, comme pour nous prouver l'existence d'une forme de supériorité. Une vraie aristocrate.

- Ravi de te revoir, le Corbeau. place mon supérieur, brisant spontanément la couche de glace que je m'étais imaginée.

A dire vrai, la bourgeoise avait l'air aussi accommodante qu'une porte de prison et je ne l'aurais jamais soupçonnée d'avoir déjà connu Larson. Il y avait, chez cette femme-là, beaucoup plus de mystères qu'elle ne prêtait à y croire, finalement. La dernière phrase de mon camarade avait même marqué un tournant dans ses expressions faciales et ses gestes, ne l'amenant pas bien évidemment à sourire, mais darder des yeux moins crispés et moins sombres. Sur l'agent et sur moi.

- De même. Tu nous as ramené un petit oisillon avec toi ? demande-t-elle tout en dardant un oeil dans ma direction, mais en s'adressant bel et bien à mon supérieur. Je crois avoir vu son nom quelque part dans une pile de dossiers mais je n'arrive décemment plus à m'en souvenir. Trop de dossiers, trop de noms.

Ouvrant la bouche pour m'apprêter à enfin intervenir dans la discussion, je suis brusquement interrompue par Larson qui vient répondre à ma place.

- Une nouvelle agente du CP9, mais elle a fait ses preuves ne t'en fais pas. Elle est principalement connue sous l'identité de...

- Amanda Holmes. dis-je frénétiquement, ne laissant pas la possibilité au vieillard de réfléchir davantage pour se rappeler mon nom de couverture le plus usité.

Oui, un nouveau nom. Amanda Holmes, je venais de le créer, j'avais été inspirée en regardant les noms des auteurs figurant sur les livres non loin de là et ce patchwork soudain venait de me sauter au visage. Instantanément, je venais de me créer une nouvelle personnalité, désireuse de jongler aussi bien que mon chef d'équipe avec mes nouveaux profils. Être sans visage, comme lui. Cependant cela faisait bien plusieurs heures que j'y réfléchissais et cela me semblait être un bon choix, de séparer Elizabeth Butterfly de cette mission. La raison de ma venue était en réalité beaucoup trop lunatique pour y mêler mon identité civile, cependant il fallait bien qu'un nom apparaisse sur les registres et il fallait que ça soit une personne du gouvernement. Bien entendu, Larson sous le nom de Johnson prenait la plupart des responsabilités et Amanda Holmes n'était qu'une formalité que personne ne remarquerait un jour, toutefois c'était un bon pas. Un premier pas.

- Étonnant, votre nom de couverture me rappelle quelque chose... Ha tant pis ! Des noms, comme je disais, j'en vois tellement passer toute la journée. Oublions. Enchantée de faire votre connaissance, Miss Holmes.

- Moi de même, Lady Raven. terminè-je tout en serrant délicatement la main que me tend la belle brune.

Ne laissant pas plus de temps à l'échange de politesses, Larson, déjà sur le pied de guerre, se saisit prestement de sa valisette pour en faire sauter les verrous et sortir le dossier de notre mission qu'il remet finalement entre les mains de la juge.

- Maintenant que ça c'est fait, attaquons-nous aux choses sérieuses. Voici notre ordre de mission et la façon dont nous allons procéder dans les prochains jours. Je te laisse vérifier si cela correspond aux directives que tu as reçu avant notre arrivée.

Saisissant la pochette en papier, la bureaucrate commence lentement à faire tourner les quelques feuilles, parcourant des yeux les quelques textes à une vitesse néanmoins prodigieuse, avant de finalement reposer le tout sur son espace de travail et hocher la tête.

- C'est bien cela. Cependant je me dois de nuancer la simplicité de votre part dans cette quête : vous allez probablement devoir intervenir pour effacer un obstacle.

Décochant la phrase comme elle le ferait d'une flèche, la dame reste néanmoins droite sur son siège et toujours aussi intransigeante. Immédiatement je comprends que par "effacer" elle veut dire "tuer" et que "l'obstacle" est une personne, cependant cela ne semble être que des mots dans la bouche de la Juge, démontrant à quel point les problématiques de meurtre et d'assassinat la laissent inexpressive au possible.

- Donc... Pur resituer : juste aujourd'hui, le Toucan vient de libérer un criminel supposé révolutionnaire, en réalité agent du CP8 servant uniquement d'élément déclencheur pour la suite de votre mission. Bref, vous connaissez le fin mot de cette histoire et vous savez ce qu'il vous reste à faire. dit-elle tout en retirant du dossier quatre enveloppe qu'elle tient dans sa main droite, haute levée. Néanmoins, là où il y a un hic, et il y en a toujours un, c'est que je ne suis actuellement pas la plus prompte à succéder au Juge Suprême.

Fronçant les sourcils, j'observe l'aristocrate qui s'affaire en même temps qu'elle parle à trier la paperasse sur son bureau pour enfin mettre en évidence un nouveau dossier, dans une pochette bleue cette fois-ci, qu'elle présente à mon supérieur. Me déplaçant alors subitement pour mieux voir les documents à l'intérieur de l'enveloppe azurée, je découvre brutalement un visage qui m'est familier. Pantoise, je manque de tomber de ma chaise en me redressant subitement face à cette vision, ce qui ne manque pas d'arracher un regard à demi-effrayé chez mon coéquipier qui devine mes sentiments. N'ayant pas été renseignée par mon véritable nom, visiblement, la Juge continue sur son ton toujours aussi glacial et dénué d'empathie, sans savoir que le destin est cruel et se joue définitivement de moi.

- Cette personne que le Conseil des Juges pourrait élire à la majorité et qu'il faudrait, dans ce cas là, à tout prix éliminer, c'est le juge Tyrell Sweetsong.
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Adoptant premièrement une posture calme et apaisée, j'endosse la nouvelle en prenant une grande respiration et en fermant les yeux, attirant le regard suspicieux de la juge et les yeux globuleux de mon chef d'équipe. Visiblement ce-dernier n'était pas au courant de la présence de mon père à Enies Lobby, ce qui devait le troubler légèrement même s'il n'en montrait quasiment rien. Rien sinon ce moment de froid et de gêne qu'il n'avait pu éviter, lorsque j'avais ouï le nom de mon paternel sur la liste noire du Cipher Pol.

- Très bien, je m'en chargerai. finis-je par dire, brisant le silence étouffant et l'incompréhension de notre hôte, totalement en dehors de la confidence.

A cette réponse, la jeune femme adopte alors un air satisfait suivi par un bref hochement de tête tandis que Larson ne peut s'empêcher de tirer une gueule de trois pieds de long. Néanmoins l'heure n'est pas aux messes basses et aux discussions sur mes problèmes familiaux, car Raven vient progressivement apporter une note finale aux indications, prétextant l'arrivée des "heures nocturnes" et la nécessité de ne pas attirer trop l'attention en restant dormir dans la demeure de la future Juge Suprême.

- Normalement le vieux Toucan est censé donner son "dernier" jugement lors d'une audience publique demain à seize heures ; l'occasion parfaite pour passer à l'action et entacher définitivement sa réputation devant un grand nombre de témoins. Ainsi pris par surprise, il n'aura probablement pas le réflexe de se défendre, après tout c'est l'homme est vieux et lent. Le mieux serait que vous puissiez assister entièrement à la séance alors essayez d'être dans la salle du tribunal avant que celle-ci ne commence. Enfin bref, comme je vous l'ai dit je ne peux malheureusement pas vous offrir plus d'hospitalité, malgré la grande joie que cela me ferait d'avoir sous mon toit ce vieux Johnson. conclut-elle avec un petit rire complice que l'homme assente d'un sourire discret. En revanche je peux vous conseiller la meilleure auberge de la ville, je me suis renseignée et il devrait y avoir encore des chambres de libres.

Grattant alors sa plume sur un petit morceau de papier, la juge termine notre entretien en tendant les coordonnées de l'hôtel à mon supérieur qui esquisse un vague remerciement en retour. Loin d'être poussés vers la sortie, c'est davantage la vitesse à laquelle Larson semble pressé de quitter le manoir qui nous oblige à rapidement prendre congés de Lady Raven et de ses domestiques, pour aussitôt rejoindre son jardin et dépasser l'épaisse grille en fer de l'entrée pour revenir dans l'allée coupant l'île en deux. Voyant toujours l'astre solaire qui brille haut dans le ciel alors qu'il devrait faire nuit depuis près d'une heure, je me rappelle alors les ragots à propos de l'île et ses journées sans fin, sans lune, interminables, qui lui avaient valu le surnom de "l'île qui ne dort jamais". Visiblement encore sous le choc après mon unique prise de décision aussi brutale qu'inattendue, Larson ignore ma remarque à ce sujet et semble ne pas vouloir briser la glace dans laquelle il s'est figé, ce qui m'oblige finalement à intervenir tandis que nous approchons à nouveau des lumières de la ville, scintillant de mille feux malgré l'éclairage naturel constamment prodigué par le soleil.

- Elle a dit qu'il n'y avait pas de punaises de lit dans celui-ci. Tu crois que cela veut dire que les autres hôtels en ont ?

En unique réponse à ma question, une œillade sombre et une longue bouffée prise sur sa cigarette. Cependant cela achève définitivement de laisser perdurer ce silence glacial et embarrassant.

- Sans doute. vrille-t-il sèchement avant d'attarder plus longuement ses prunelles noires dans mon regard fuyant. Pourquoi tu ne m'as rien dit ? Pourquoi vouloir tuer ton père ?

Malgré la bassesse de sa voix, presque murmurante, le ton de l'agent demeure agressif et rude, ce qui achève de me faire froncer les sourcils. Après tout Larson ne me connaît pas plus que ça et il est le seul homme à montrer autant d'attention quand d'autres agents en auraient totalement rien à fiche. C'était ce côté humain chez le gaillard qui le faisait définitivement passer pour un lâche et je devais avouer que cela ne m'arrangeait pas toujours, d'avoir affaire à un émotif en puissance.

- Car cela ne te regardait pas ? Car je n'imaginais pas qu'il allait se mettre sur notre chemin ? Et car c'est mon père, ma responsabilité, si quelqu'un doit le tuer, c'est bien moi.

- Tu ne vas pas tuer ton propre père, enfin ! Laisse moi m'en charger, on est pas forcément obligés de l'assassiner non plus.

Et au sentimentalisme s'ajoute la naïveté du bonhomme, qui me fait pratiquement sortir de mes gonds, veillant tout de même à ne pas parler trop fort pour ne pas éveiller de soupçons. Désormais aux abords de la ville, nous ne sommes plus qu'à quelques centaines de mètres de notre futur logement et les autres passants se font de plus en plus nombreux.

- Raisonne comme un vrai agent du CP9 bon sang, pas comme une lavette. J'ai dit que je m'en chargerai, d'autant plus que tu as d'autres chats à fouetter. C'est moi les petites mains, toi tu diriges la mission. Arrête de systématiquement jouer au héros, Larson, car ce n'est pas comme ça que tu sauveras tes hommes. assénè-je brutalement à mon interlocuteur, laissé coi par ma dernière phrase qui semble ne pas avoir failli à le toucher en plein cœur.

Emplie de pitié à l'égard du vétéran, je vois soudain toute ma reconnaissance et le respect que je lui dois disparaître pour laisser place à une amertume sans précédent. A une déception de découvrir que l'homme a peur, tout simplement. Peur de laisser ses hommes faire le sale boulot, même lorsqu'il s'agit pour eux de s'arracher leur propre cœur. Peur au final de les laisser faire leurs preuves. Évidemment il ne sait pas quelle genre de relations j'entretiens avec mon père, il ne sait pas que mon désir d'en découdre avec ce bourreau est vif et au moins autant motivé par mes intentions personnelles que par l'objectif de la mission. Non, je ne lui laisserai pas prendre sa vie, elle m'appartient et c'est un acte qui m'est dû, peu importe ses états d'âme. Car il est temps pour lui de cesser d'avoir des scrupules, d'agir comme un vrai agent du CP9, de laisser ses amis et sa famille derrière, de comprendre que ses hommes peuvent mourir, qu'ils doivent prendre des risques pour le bien du Gouvernement Mondial. Toutes ces choses qui lui valent sa réputation de lâche, son surnom de "Couard". Ces valeurs trop humaines pour la froideur de l'organisation, trop sympathiques pour le rang de chef d'équipe.

Débordant de colère, je me vois même finir par prendre cette nouvelle tâche comme une mise au défi, comme quelque chose d'orchestré depuis le départ qui justifie ma présence ici. Le sentiment d'être testée. Aussi fou que ça puisse l'être, j'y crois l'espace d'une seconde, je me dis que je ne suis que l'objet d'un pari malsain tenu par les hauts du CP9, par ceux qui supplantent Alvaro dans les missions qu'ils lui confient. Alors peut-être que tout ce qui m'arrive est déjà prémédité, que ma route est toute tracée et que si je veux briller, il faut que je fasse ce que l'on demande de moi. Et j'y suis parée, depuis toujours, car ce défi ne fait que me mettre devant mes propres démons et me donner le poignard pour en découdre. Pour arracher le dernier point de suture qui rattache mon cœur, depuis longtemps perdu. Alors je fulmine dans mon coin et je prends de la vitesse, laissant mon compagnon silencieux derrière, loin derrière, pour finalement rejoindre l'hôtel à portée de vue, pousser les portes et atterrir sur le comptoir de la réception.

- Une chambre pour la semaine, vous avez ça ?

Affichant un regard irrité au vu de mon agression aussi rude qu'impolie, le réceptionniste se voit malheureusement contraint de répondre à ma demande et me tend les clés d'une chambre simple. Temporairement calmée, le doute m'envahit soudain au moment où je saisis la clé, mais après plusieurs minutes passées à attendre que mon confrère me rejoigne, je dois me rendre à l'évidence que celui-ci n'est désormais plus à la recherche d'un lit où dormir. Mais plutôt d'un endroit où noyer sa dépression. Et c'est en montant progressivement les marches qui me rapprochent lentement de ma couche que je finis par apprécier mon anticipation pour ce moment. Car il est neuf heure et quart et je sais pertinemment que dans un quart d'heure l'homme sera endormi, peu importe où il se trouve, et ce avant même d'avoir pu boire une goutte d'alcool. La faute à des somnifères glissés subrepticement dans son café. Alors allongée sur mon lit, les rideaux tirés, je compte les minutes jusqu'à ce qu'enfin le moment crucial soit théoriquement dépassé.

Et j'espère juste que cela aura valu le coup. De doubler la dose.
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Vroum. Vrrrroum. Les bruits résonnent dans l'atmosphère, répandant simultanément cette étrange odeur de gazon coupé qui semble pouvoir pénétrer n'importe où et empoisonner la moindre parcelle d'air. L'homme en tenue militaire semblait être de corvée et n'avait visiblement rien de mieux à faire que de tailler l'herbe devant ma fenêtre, dans les jardins en contrebas, alors que le la matinée s'avérait prometteuse et ensoleillée. Comme ça l'était toujours ici, de toute manière. Le soleil ne quittait jamais son zénith et le temps était constamment au beau fixe. Rien de plus à dire, si ce n'était la façon avec laquelle je regardais le zingue manœuvrer son escargotondeuse dans tous les sens et en retirer de temps en temps des touffes d'herbes bloquées dans la bouche de l'animal. Pauvre bestiole, totalement obèse, obligée à manger plus et toujours plus. Mais bon, celle-ci lâchait tout de même quotidiennement quelques perles bien digérées que le gaillard devait enfouir dans un sac en se bouchant le nez. Voilà donc la vision avec laquelle je m'étais réveillée, soustraite de ma nuit par les vrombissements venant du dehors.

Finissant de me sécher les cheveux après avoir pris une bonne douche revigorante, je demeure donc contemplative derrière ma fenêtre ouverte donnant sur ce spectacle, jusqu'à entendre trois petits tocs trébucher sur le bois de ma porte, à l'autre extrémité de la pièce. Un rapide coup d’œil à travers le judas m'informe de la présence d'un groom tenant visiblement sur le plat de sa main droite une sorte d'assiette en argent. Et c'est donc à travers un entrebâillement paranoïaque que je viens questionner mon visiteur au sujet de sa quête.

- C'est pour ?

- Bonjour mademoiselle. Une note pour vous. s'explique le jeune homme en uniforme tout en saisissant l'enveloppant juchée dans son plat et en me la tendant.

Dardant d'abord un œil suspicieux sur la lettre, je la saisis finalement en hâte avant de fermer la porte au nez du domestique, sans même daigner le gratifier d'un seul pourboire. Certaine d'entendre ce-dernier jurer derrière le mur tandis qu'il s'éloigne progressivement, je déchire rapidement le papier pour découvrir un carton vierge, à l'exception de quelques mots joliment calligraphiés trônant fièrement au centre de la fiche. "Je suis au restaurant de l'hôtel, tu as la valise ?"

***

- Lar... Johnson. révérè-je automatiquement en déplaçant l'unique siège vide de la minuscule table pour m'asseoir face à mon collègue.

Silencieux, celui-ci affiche une mine sombre. Je sais ce qu'il veut et ne le fais pas souffrir plus longtemps, je le devine bien trahi par ses pulsions d'alcoolique qui lui ont un peu fait perdre le fil. Heureusement que c'était moi qui la portais, sa fameuse valise, au moment où j'avais décidé de lui faire faux bond après notre petite dispute. C'est donc en trimballant brusquement le machin sur le support qui nous sépare que je dissipe instantanément tous ses tracas, affligeant même son visage d'une expression de soulagement mal dissimulée.

- Pas la peine de me remercier. Qu'est-ce qu'il t'est arrivé, tu as encore fini bourré au bar ? fais-je tout en me doutant bien que la réponse est autre, au vu du teint frais du bonhomme et de ses yeux réveillés.

- Je me suis réveillé dans la rue, au beau milieu de la nuit avant de regagner l'hôtel. Je comprends pas ce qu'il s'est passé, j'ai pas bu une goutte d'alcool pourtant. Mais au moins je suis en forme pour aujourd'hui.

Hochant la tête en guise de réponse, j'expire intérieurement en me remerciant pour cette idée, quoi qu'un peu risquée, de somnifère qui a finalement porté ses fruits. Balayant la surface de la table des deux bras, j'échoue cependant dans ma quête pour meubler le vide, attestant toujours des difficultés de communication entre mon chef d'équipe et moi. Notre dernière tumulte a sans aucun doute laissé des traces et le sujet reste extrêmement controversé voire tabou. J'imagine d'ailleurs que l'on a d'autres chats à fouetter et que la potentielle mise hors d'état de nuire de Tyrell Sweetsong n'est pas à l'ordre du jour. Non, aujourd'hui c'est plutôt l'événement charnière de notre mission : l'accusation du Juge Suprême et sa mise aux arrêts.

- Voilà le programme : on profite du reste de la matinée chacun de notre côté et à treize heures on se réunit pour partir en direction du tribunal. Ça fait bien une heure de marche à travers la ville donc on y sera vers quatorze heure, bien avant le début de la séance à seize heures. explique mon supérieur tout en sirotant son café et en grignotant le chocolat qui l'accompagne.

Après quelques éclaircissements supplémentaires, notre rencontre s'achève alors au moment où l'homme finit brusquement sa tasse et se saisit de sa valise fraichement retrouvée pour ensuite prendre la porte d'un pas preste en direction des étages supérieurs de l'auberge. Peut-être compte-t-il faire un petit somme ? Tant qu'il ne dévalise pas le mini-bar de sa chambre, ce ne sont dans tous les cas pas mes affaires et je lui souhaite bien de ne pas avoir une bleusaille en train de passer l'escargotondeuse sous sa fenêtre. Pour ma part il ne me reste plus qu'une chose à faire : aller prendre l'air et parcourir la ville de long en large. Voire même prendre un repas en terrasse et profiter de ce que cet endroit a à offrir ?

***

- Hey ! Hey !!

Faisant de grands signes dans la direction de mon supérieur, j'essaye tant bien que mal de le forcer à s'arrêter tout en courant dans sa direction. Inutile de lui demander pourquoi il n'a pas voulu s'arrêter, je suppose qu'il s'agit d'une vengeance personnelle pour le coup de l'abandon d'y hier soir, cependant son comportement pourrait finalement mettre en péril notre mission. J'imagine qu'il s'en rend compte et ne fait simplement que jouer avec mes nerfs, l'homme est plus intelligent que ça et sait de quoi il en retourne. La seule chose qu'il ne sait pas maîtriser, c'est sa soif insatiable d'alcool à toutes les heures de la journée. Je devine ça par son haleine vineuse que j'arrive à discerner grâce à mon odorat très fin.

- Essaye de ne pas être en retard.

- C'est bon, l'audience est dans trois heures, on a le temps. Le palais de justice est pas si loin que ça, si ? demandè-je tout en plissant les yeux pour mieux distinguer les bâtiments à l'horizon, percevant facilement grâce à mon Haki ledit palais au loin.

Trois kilomètres, on y sera dans quinze minutes, le trajet est linéaire te la voie est libre. Que demander de plus ? En tout cas, poser des questions ne servira à rien, étant donné la propension de mon camarade à ne plus y répondre et rester muet. Et c'est donc dans cette atmosphère ô combien confortable que nous effectuons le trajet en direction du tribunal où va se jouer l'élément charnière de notre quête. Profitant donc de l'accalmie, je saisis le nouveau livre de ma nouvelle romancière favorite, Béatrice de Montmirail, et l'épluche tranquillement tout en me servant de mon Haki pour éviter les obstacles sur mon chemin. Et c'est enfin au bout d'un quart d'heure, comme convenu, que nous arrivons aux pieds de l'immense bâtisse rectangulaire, toujours dans les goûts et les couleurs de l'île, qui sert d'endroit de jugement des accusés.
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Étrangement, il existe des endroits qui sont conçus de sorte à ce qu'ils aient l'air plus grands vu de l'intérieur plutôt que de l'extérieur. Et c'est le cas du palais de justice d'Enies Lobby. Structure typique de l'île simplement différente en raison de sa taille, le bâtiment ne laissait pas insensible une fois la porte franchie : couplant parfaitement les surfaces en bois laqué au béton recouvert d'une fine peinture blanche, sans compter la propreté des tapisseries et des frises représentant divers items de la justice, l'intérieur pouvait être facilement qualifié de "richement décoré" et donnait une impression de grandeur réellement invisible depuis l'extérieur. Une fois de plus, mon chef s'était donc mis à sourpirer en me voyant tourner la tête dans toutes les directions pour découvrir le monument, ne s'attardant pas davantage dans le hall d'entrée pour grimper les escaliers menant au premier étage. L'endroit où se trouvait la salle des audiences publiques.

- Encore deux heures à attendre et je suis déjà arrivée à la moitié de mon livre. constatè-je tout en grimpant les degrés de marbre.

A cette heure-ci, le bâtiment semble presque vide et cette impression est renforcée par notre arrivée dans la salle du jugement. A l'image du reste de l'immeuble, celle-ci transpire encore plus la richesse et la sophistication. Alignant au bout de la pièce une estrade à la multitude de bancs vissés aux sol qui lui font face, l'allée principale nous fait directement face une fois les portes poussées, nous invitant à prendre place en attendant que les différents belligérants arrivent. Sensiblement travaillé, le bois d'acajou est omniprésent et le simple fait de s'assoir sur un matériel aussi onéreux me procure un curieux sentiment, m'obligeant à me concentrer davantage sur la lecture de mon bouquin pour ne pas virer de l'oeil. Dardant un bref regard en direction de mon camarade qui s'assied à mes côtés, je remarque que celui-ci ne fait aucun geste, aucun mouvement et semble ainsi parti pour rester stoïque jusqu'à ce que son heure soit venue.

- Tu n'as vraiment rien à faire ? Tu ne vas pas rester planté là comme ça pendant tout ce temps à fixer le vide ?

Désespérant, le chef d'équipe ne répond pas, m'envoyant ironiquement ravie d'avoir pu l'aider. Non, il reste immobile et semble réfléchir au sens de la vie, ce qui au bout du compte ne perturbe pas ma lecture. Au fond, il est peut-être en train de méditer, ce qui ne m'étonnerait pas de lui après tout le temps qu'on a passé ensemble. Alors le temps passe et progressivement le gaillard montre quelques infimes signes d’anxiété, avant de plonger le nez dans les affaires de sa valise pour bien vérifier les éléments qu'il a sous la main, puis de récupérer son calme inquisiteur.

- Tu me fais flipper quand t'es comme ça. lâchè-je finalement, troublant le cours des pensées de mon voisin.

- Je dois me concentrer. Et j'accepte pour Sweetsong, à condition seulement que tu ne m'interrompes pas dans ce que je vais faire.

- T'interrompre dans ce que tu vas-

- Juste, ne te mets pas sur mon chemin. Tu verras bien. Maintenant tais-toi et laisse moi réfléchir en paix. conclut-il avant d'enfin fermer les yeux pour entrer dans une espèce de stase incompréhensible.

M'enfin, j'abdique sans faire d'histoires et retourne à ma lecture. Pointant régulièrement l'heure à l'horloge fixée sur l'un des murs, j'atteste la vitesse avec laquelle le temps passe. D'abord lentement... puis très rapidement à mesure que l'heure se rapproche, comme si l'on sacrifiait les derniers instants qui nous permettraient de faire machines arrières ou bien de vérifier que l'on n'a rien oublié. Alors finalement, à trente minutes de la séance, les premières personnes commencent à envahir l'endroit et se poster sur leurs places favorites. Des habitués je présume. Viennent ensuite des officiers et des fonctionnaires, puis des bleus venant assister à leur premier jugement en tant qu'auditeurs. Une sorte de rituel ou de bizutage pour les nouvelles recrues, je suppose. Un moyen de leur montrer que la justice divine est appliquée et qu'ils sont là pour la défendre, sauf que cette fois-ci tout devrait ne pas se dérouler comme prévu. Mais ça, ils n'en savent rien.

A dix minutes du commencement arrivent finalement l'accusé et son avocat, suivis du procureur général. Un type nomme Sperz avec un look atypique et une sacrée gueule, dans tous les sens du terme. Car l'homme traîne derrière lui une réputation de forte tête et de très bon orateur, ce qui me laisse penser que le petit avocat tremblotant, ballotant dans sa robe trop grande pour lui, n'est définitivement pas le mec le plus chanceux dans cette salle. Il ne doit pas alors savoir ce qui se trame, il ne doit pas être au courant de la réelle identité de son client, un autre de ces pions que le CP8 a dépêché pour mettre le juge dans la panade et qui saura intervenir lorsque le moment deviendra crucial. Mais en attendant, les parties s'installent, le vacarme s'impose dans la salle, œuvre des auditeurs qui n'ont pas leur langue dans leur poche et semblent le moins sensible du monde aux nombreux "chut" qui traversent la pièce. Alors ce n'est finalement que l'intervention du juge, arrivant par une petite porte située derrière son estrade, qui vient interrompre le brouhaha ambiant par trois coups de maillet vrillés sur son support en bois.

- Silence, s'il-vous-plaît. J'ai demandé le silence ! rugit le Toucan, apportant brusquement un vent apaisant de silence dans la salle.

Sacré homme, et dire qu'on doit le destituer alors qu'il semble être devenu une pointure dans son domaine, quel dommage. Néanmoins les ordres sont les ordres et c'est ainsi que je remarque la poigne de mon camarade qui se resserre sur la poignée de sa valisette, au moment où le juge fait signe aux avocats de commencer leur plaidoirie après avoir exposé la situation : un homme accusé d'être révolutionnaire selon des preuves plus que recevables. Un cas indéfendable qui, sans notre intervention, se serait probablement soldé par l'emprisonnement de l'agent sous couverture au terme de la séance. Alors progressivement les preuves sont émises et l'homme voit son échéance arriver, tandis que l'avocat peine à tenir tête à Sperz qui démontre, comme à l'accoutumée, ses grands talents d'orateur et démonte systématiquement les arguments de la défense.

- Objection votre Honneur ! vient soudain chouiner le défendeur sur une question du procureur posée à un quelconque témoin.

- Objection refusée. Procureur Sperz, continuez je vous prie.

Fatalement, le moment où est rendu le jugement approche et, à défaut de jurés, c'est le Juge Suprême qui doit donc trancher. Attendant que celui-ci se prononce, les deux parties restent silencieuses, suspendues aux lèvres du Toucan, tandis que l'audience retient son souffle. Le moment parfait pour intervenir, le moment que Larson choisit pour se lever avant que je ne lui emboite le pas. Et commencer sa tirade par ces quelques mots, tout en se précipitant dans l'allée centrale sous le regard conquis de la foule.

- Moi j'ai une objection votre Honneur !
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Soupire, inspiration générale et indignation envers mon camarade qui vient brusquement rompre le vénérable silence de la cour de justice. Laissant le temps aux avocats, procureurs et juges de demander ouvertement ou bien dans leur barbe "ce qu'il peut bien se passer nom d'un chien", Larson s'avance donc d'une démarche conquérante en direction de l'estrade, couplant son geste de fortes paroles aux intonations théâtrales et mesurées, mais néanmoins puissantes.

- Walter Johnson, agent du CP4. J'ai un mandat d'arrêt contre le Juge Suprême Couak, pour traîtrise et complots avec l'assistance de la Révolution.

- Quoi ? Comment osez-v... commence à rétorquer le juge avant de se faire couper brutalement la parole par Larson qui, visiblement, est loin d'avoir terminé son discours.

Saisissant le dossier contenant les nombreuses preuves et lettres attestant de la culpabilité du fonctionnaire, le gaillard continue à claironner tout en accompagnant ses paroles de gestuelles hypnotiques qui, associées ensemble, conquièrent rapidement la foule prostrée et houleuse.

- J'ai des preuves qui appuient mon accusation et prouvent que le Juge Suprême Couak a bien entretenu des contacts fréquents avec de hauts membres de la révolution dans l'optique de libérer des criminels accusés de délits majeurs. Meurtres, attentats, propagandes révolutionnaires, tout est là. atteste le vieillard tout en vidant le contenu de sa pochette sur le bureau du procureur Sperz, encore sous le choc mais néanmoins plus lucide que l'autre avocat. Jusqu'à la semaine dernière, les preuves suivantes ont été accumulées et regroupées. Des lettres interceptées, des copies de jugements... En dernière date figure le procès du révolutionnaire Colin Maillard, accusé pour le meurtre d'un soldat de la Marine ainsi que la libération d'un esclave de Dragon Céleste... relâché. Qu'avez-vous à dire pour votre défense, Toucan ?

- Je... m'enfin... C'est idiot, cet homme était innocent !

- Mensonges éhontés ! Il y a trois jours, le dénommé Maillard a été aperçu prêtant main forte à la révolution sur l'archipel de Shabondy. Voici des clichés qui le prouvent. entonne mon partenaire avant de continuer sa plaidoirie, sous le feu des projecteurs et le silence imperturbable de l'audience médusée. Tout porte à croire que le criminel était donc coupable de son action et que vous l'avez libéré sur parole.

- C'est faux ! Il y avait des preuves !

- Aucune preuve sinon ces lettres qui attestent votre assentiment à la libération du condamné. Procureur Sperz, veuillez vérifier la véracité de mes chefs d'accusation.

Saisissant tour à tour les lettres et parcourant à une vitesse prodigieuse les lignes rédigées sur chacune, l'homme de loi vient finalement attester :

- Aucun doute, il s'agit bien de la signature du Juge Suprême.

Puis à son tour et presque aussitôt, c'est le présent accusé, le CP8 sous couverture, qui vient s'illustrer dans la symphonie mélodique de cet orchestre qui, pas par pas, enfonce d'un pied de plus le juge dans sa tombe.

- Quoi ?! Enflure de Couak, vous m'aviez promis que je serais libre à l'issue de ce procès ! Dois-je comprendre que vous ne pourrez pas tenir parole ? Foutu menteur de chien du gouvernement, je savais bien quel l'on aurait jamais dû se fier à un déchet de votre acabit !

- Qu'est-ce qu-

Brutalement interrompu, le Toucan se voit soudain menotté par l'intervention rapide du chef d'équipe qui n'a pas attendu que l'homme finisse sa phrase pour effectuer un Soru dans son dos. Et c'est tout en passant prestement les menottes au vieux fonctionnaire que ledit Johnson termine enfin sa tirade, sans que je n'aie eu à faire quoi que ce soit finalement.

- Juge Couak, vous avez le droit de garder le silence. Si vous renoncez à ce droit, tout ce que vous direz pourra être et sera utilisé contre vous devant une cour de justice. Vous avez le droit à un avocat et si vous n’en avez pas les moyens, un avocat vous sera fourni gratuitement.

Tonnerre d'applaudissement soudain pour la prestation de l'agent, le moment semble comme tiré d'une fiction, irréaliste. Bousculée par le jeu d'acteur du héros, l'audience se lève d'un bond et vient à la fois huer le juge qui tente de se débattre mais se voit facilement maîtrisé et féliciter l'efficacité du CP4 qui a, une fois de plus, réussi à mettre un véritable pourri derrière les barreaux. Débarrassée d'un poids au vu de cette réussite, je viens enfin porter une main secourable à mon compagnon qui pousse le Juge Suprême dans l'allée principale en appuyant sur ses menottes pour le faire avancer malgré lui. Puis bientôt ce sont des gardes du palais de justice qui viennent récupérer le criminel des mains de mon compère ; l'homme a entre temps cessé de se débattre mais n'en reste pas moins véhément.

- Soixante années passées à travailler pour le Gouvernement Mondial. Soixante années de fidélité et de loyauté. Oh comme je regrette ça maintenant que je vois votre vrai visage. Je vous hais, je vous méprise, Cipher Pol ! hurle-t-il finalement tout en vrillant ses deux pupilles noirâtres dans notre direction, le regard imbibé d'une envie irrépressible de colère et de vengeance.

Ces dernières paroles viennent indubitablement conclure la carrière du Juge et il le sait ou le saura tôt ou tard en y repensant. Car même si ce-dernier peut être jugé innocent à la suite de cette intervention, il ne pourra jamais retrouver entièrement sa crédibilité et son intégrité. Le Juge Suprême a été définitivement destitué et dans peu de temps, un nouveau sera élu. Et celui-ci devra invariablement être Raven.

***

- Agent Johnson, attendez !

Tout juste sortis de la salle d'audience qui s'est vidée à une allure incommensurable, nous voilà immédiatement rattrapés par le procureur général Sperz et sa pile de dossier, mêlant les éléments de notre enquête et ceux de sa dernière plaidoirie. Reniflant directement le type comme une fouine potentielle, je ne peux m'empêcher de darder un œil méfiant sur le ténor du barreau. Pourtant c'est principalement dans l'optique de nous rendre nos preuves que l'homme se joint à nous, offrant à mon chef d'équipe la possibilité de récupérer sa paperasse.

- Tenez, je vous laisse transmettre ces pièces à la personne qui sera chargée de l'affaire et aux parties. En revanche, j'aurais aimé passer un peu de temps avec vous deux pour en savoir plus sur ce qu'il vient de passer ?

- Peut-être plus tard, nous sommes occu-

- J'imagine bien que vous n'avez pas beaucoup de temps, cependant il est nécessaire que vous voyiez au plus vite un représentant de la justice pour traiter cette affaire plus en privé. Beaucoup de détails restent obscurs et j'avoue être surpris à l'idée de découvrir que le Juge Suprême est un traître au Gouvernement Mondial.

Se voyant ainsi acculé, le chef d'équipe n'a finalement d'autre choix que de hocher la tête tout en se préparant mentalement pour l'entretien. Au fond, les preuves sont là et l'on possède un large historique détaillant les relations du juge avec la révolution. Que faut-il de plus ? Néanmoins je ne peux m'empêcher d'avoir le trac à l'idée que le procureur général, un homme jouissant donc d'une bonne réputation, puisse tout faire capoter simplement en nous posant les mauvaises questions. Semblant surgir de nul part, c'est alors que notre amie la Juge Raven apparaît, les mains jointes et un étrange sourire sur le visage.

- Procureur général Sperz ? Que faites-vous avec ces deux personnes ?

- Je vais interroger plus en profondeur ces deux agents au sujet de la récente enquête menée sur le Juge Couak. répond l'homme tout naturellement, affichant un visage circonspect. Vous n'étiez pas censée traiter un cas cet après-midi ?

- Si, mais étant donné la situation, tous les jugements ont été temporairement repoussés. Soit dit en passant, j'ai été horrifiée d'apprendre cette terrible nouvelle, mais je ne peux que féliciter cet homme et cette femme que je devine comme les agents qui ont rendu justice et permis de mettre ce traître derrière les barreaux.

- Les informations circulent vite, j'espère que vos confrères ne seront pas aussi bouleversés que vous l'êtes, Lady Raven. Car les prochains jours risquent d'être anxiogène avec la réunion du conseil... déplore finalement notre guide, ouvrant involontairement une brèche pour permettre à la juge de récupérer ses deux acolytes.

- J'imagine bien. Et je suppose que vous avez déjà subi assez de coups durs pour aujourd'hui, Maître Sperz. Si vous voulez bien, je vais me charger de l'interrogatoire de ces deux enquêteurs, maintenant que j'ai du temps libre.

Et c'est à nouveau en affichant un sourire atypique sur son visage que la noble tend délicatement sa main dans notre direction, comme pour inviter le procureur à se débarrasser d'un potentiel boulet qui pourrait le ralentir. Par chance, la supposition touche l'homme en plein cœur.

- Cela ne me gênait pas de m'en charger, j'avoue avoir envie de mettre un peu d'ordre dans cette histoire... Mais bon, c'est aussi vrai que je suis surchargé ces derniers temps. J'apprécie votre compassion, votre Honneur, ces messieurs-dames sont tout à vous. finit l'homme à tête de chien tout en se fendant d'une dernière révérence souple et rapide en guise de salut avant de déguerpir aussi sec vers l'étage supérieur.

Défaisant enfin son sourire aussi charmeur que faux, l'aristocrate affiche néanmoins une expression satisfaite et bienheureuse tout en s'adressant à nous pour nous inviter à la rejoindre dans son bureau.

- Si vous voulez bien me suivre, donc, nous avons effectivement encore quelques points à traiter. joue-t-elle sur les mots, actrice jusqu'au bout elle-aussi.

Et ainsi sommes-nous ultimement guidés vers l'office de la bourgeoise, au sommet du palais de justice.
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- Doucement, les murs ont des oreilles.

C'est tout en chuchotis que la juge nous fait signe de partager l'intimité de son bureau en nous asseyant face à l'épais meuble en bois qui coupe en deux l'espace sur toute sa largeur. Confortable, c'est le mot qui vient à l'esprit lorsque l'on s'attarde sur les détails de l'ameublement, sur les fauteuils rembourrés et les somptueuses tapisseries. Mais aussi les décorations accrochées au mur, fixées sur les secrétaires et maculant les étagères des armoires remplies de bouquins de juristes, des registres du fameux Dalause et de ses précurseurs.

- Alors... félicitations, vraiment. D'après ce que j'ai entendu, vous avez été grandioses.

Cette fois-ci la femme se fend d'un léger sourire à peine perceptible, nous regardant tour à tour comme pour nous offrir ce plaisir de la voir ainsi illuminée. Ses remerciements. Je ne peux m'empêcher cependant de lever un sourcil avec un regard interloqué, assumant ma faible responsabilité dans le coup de théâtre de mon supérieur.

- Je n'y suis pour rien, Johnson est celui qu'il faut féliciter. fais-je tout en dardant un regard en direction de l'homme qui a su regagner tout mon respect.

Toujours aussi froid et antipathique, l'agent ne semble pas flatté le moins du monde. Au contraire, celui-ci affiche plutôt une mine renfrognée comme à son habitude et je ne peux m'empêcher de deviner son besoin d'alcool, depuis trop longtemps inassouvi.

- Que reste-t-il à faire ? Des nouvelles du conseil des juges ? demande-t-il tout en se campant au fond de son siège comme pour s'attendre à une mauvaise nouvelle.

Perdant soudainement son sourire d'une extrême finesse, les traits de la Juge deviennent à leur tour plus durs et moins décontractés au moment où celle-ci aborde la réponse à la question du chef d'équipe. Et c'est d'ailleurs avec un ton d'une extrême froideur que celle-ci exprime son désarroi.

- Ce soir. Les réunions auront lieu toute la semaine jusqu'à ce que les juges se soient mis d'accord à la majorité sur un nom. Néanmoins... S'interrompant temporairement pour baisser le regard en direction de ses tiroirs, en ouvrir un et en sortir une étrange enveloppe, la jeune femme finit enfin par reprendre. Je me suis intéressée aux derniers jugements rendus par Sweetsong et celui-ci jouit d'une popularité indiscutable. Il ne l'emportera pas à l'unanimité non, je possède des contacts au sein du conseil et beaucoup tiennent à ce que j'emboite le pas au vieux Toucan. Mais pour une bonne partie des membres, Tyrell Sweetsong sera le choix qui s'impose.

- Mais enfin... hier encore cela tenait du conditionnel, pourquoi être aussi sûre de vous aujourd'hui ?

Malgré la haine que j'éprouve à l'égard de mon géniteur, je ne peux m'empêcher d'avoir le cœur qui bat en connaissant le dénouement de cette discussion. Une personne devra mourir et je me chargerai de la liquider, mais finalement est-ce vraiment nécessaire ? Le premier conseil ne s'est pas réuni et déjà l'aristocrate semble s'impatienter et nous confie la mission d'en finir avec son opposant. Plus qu'intéressée par sa réponse, donc, je ne remarque même pas à quel point mon corps est penché vers l'avant et mes doigts serrés sur les accoudoirs de mon siège.

- A cause de ceci. répond la juge tout en désignant du doigt le contenu de son enveloppe, qui se présente comme un article de presse. "Le justicier d'Enies Lobby, l'homme qui matera la révolution." C'est paru aujourd'hui, le destin sait être cruel décidément.

Saisissant automatiquement la feuille de papier, je déchiffre rapidement les quelques lignes qui traitent des récents hauts-faits de mon père. Pour avoir réussi à mettre plusieurs centaine de criminels derrière les barreaux depuis les événements de Drum. Pour s'être illustré plusieurs fois comme un magistrat implacable mais juste. Pour avoir vengé de nombreuses familles détruites par la perte d'un proche à cause de la révolution. Pour être devenu le "Petit père de la Justice". Certes l'image du juge est particulièrement reluisante, au déplaisir de Lady Raven qui n'est, au final, qu'une juge lambda bénéficiant de l'appui du Cipher Pol. Oui, définitivement, le destin est cruel, mais le retour de bâton l'est encore plus.

- Avec ce genre de publicité, impossible de passer à coté d'un tel atout pour le prochain Juge Suprême. Quand devons-nous agir ? questionne le vieil homme après une rapide lecture cursive de la pièce de journal, la mine incroyablement sombre et fermée.

- Dans trois jours. Les événements seront assez espacés étant donné le peu de temps qui nous est donné. Puis la situation nous est infiniment profitable, puisque ce même jour sera aussi celui de la fête nationale de la création d'Enies Lobby. Je serais vous, je maquillerais cela en accident ou bien un suicide après une soirée trop arrosée. Qui sait, l'homme s'est montré fragile depuis la perte de sa femme et de sa fille. Les leviers sont nombreux.

Soudainement consciente de l'air détaché de la noble qui évoque l'assassinat de mon paternel de juge sans montrer un brin d'émotion, je ne peux m'empêcher d'avoir une boule au ventre et la gorge nouée. A la fois d'enthousiasme mais aussi d'anxiété en voyant la folie qui refait surface et mes vieux démons qui me torturent. Ce besoin inhumain de vengeance et de solitude, de douleur psychologique et émotionnelle. Car si je suis persuadée que tuer mon père me libèrera d'un poids, je sais aussi que sa mort, comme toutes les autres, me pèsera sur la conscience. Et que je le reverrai encore et encore dans mes rêves jusqu'à la fin de ma vie, comme pour ma mère, comme pour ma sœur.

- Alors nous nous préparerons à agir dès que l'occasion se présentera. conclue enfin mon supérieur qui ne cherche pas à perdre plus de temps, déjà relevé et stoïque devant son siège, la main tendue en direction de l'aristocrate. Tiens nous aux nouvelles Raven, si le conseil venait à te préférer à Sweetsong, on pourrait sauver un homme.

Amusée par cette dernière phrase, la juge ne peut s'empêcher de serrer la main de mon partenaire tout en se gardant de sourire, même si cela transparaît assez aisément sur son visage dénaturé.

- Toujours aussi humain à ce que je vois. Tu ne changeras donc jamais.

M'inclinant en direction de la jeune femme en guise de salutation ou de remerciement ou des deux, peu importe, j'emboite le pas à mon supérieur déjà rendu jusqu'à la porte, désormais ouverte et tendue par l'une de ses mains qui tarde à s'en détacher, tandis qu'il lâche finalement son dernier mot :

- Jamais.

***

De retour à l'hôtel après cette longue journée, encore plus longue qu'en temps normal à cause du soleil trônant éternellement haut dans le ciel, je balance un regard à l'horloge qui déjà affiche six heures du soir.

- Foutue île totalement déréglée. lâchè-je brutalement tout en retombant mollement sur le matelas de mon lit, avant de rouler en direction de ma table de nuit où trainent quelques affaires de toilette.

Saisissant donc un peigne que je porte aussitôt à ma chevelure pour en démêler les nœuds qui s'y sont formés au cours de la journée, je me relève finalement pour rejoindre la baie vitrée donnant aussi bien sur une partie du jardin de l'hôtel que sur l'avenue centrale de l'île où circulent constamment bon nombre d'hommes en uniformes.

- Du blanc, du bleu. Et du blanc et du bleu. Cet endroit manque cruellement de couleurs.

Toc toc toc

Spontanément interrompue dans mes observations, je détourne le regard de la fenêtre pour l'envoyer en direction de la porte, devinant grâce au Haki la présence de mon supérieur cette fois-ci, et non un autre de ces stupides grooms qui définitivement ne servent à rien.

- C'est ouvert ! tonnè-je puissamment à l'attention de mon visiteur.

A peine ai-je fini mon exclamation que je vois la poignée tourner et immédiatement débarquer dans la chambre mon collègue, toujours aussi rustre et placide.

- Tu as besoin de quelque chose ? demandè-je en voyant le chef d'équipe s'avancer en direction de l'une des deux chaises qui encadrent l'unique petite table de la pièce, avant de s'y asseoir mollement.

- Non. Je suis venu pour parler.

- Alors parlons. Je n'ai pas l'habitude de te voir aussi loquace.

- Je me suis longuement interrogé au sujet de notre conversation d'y hier soir aujourd'hui. Au sujet de ton père et de la mission. Et je suis venu te dire que je suis désolé d'avoir voulu t'écarter de tout cela. Même si je ne comprends pas ta décision car ce n'est pas dans mes cordes, je l'accepte et je te soutiendrai si tu as besoin d'aide.

- C'est aimable de ta part. Je tiens aussi à m'excuser pour ne pas avoir cru en toi, ta petite démonstration au tribunal cet après-midi m'a remis les idées en place. Tu comprendras cependant que je ne pourrai pas te demander d'aide pour ce que je compte faire : c'est quelque chose que je dois réaliser seule. affirmè-je tout en saisissant une bouteille d'eau gisant dans le mini bar mis à notre disposition, ainsi qu'une petite fiole de whisky que je tends avec empathie à l'agent.

- Je le sais, de toute manière je serai probablement déjà rôti dans un bar au moment où ça arrivera. Mais si tu veux en parler, je serai là. termine le vieil homme tout en descendant la moitié de la flasque d'une seule gorgée.

M'asseyant sur le lit, je me perds à nouveau dans la contemplation du monde extérieur, avant d'enfin demander au bonhomme ce que nous réserve la suite des opérations jusqu'à vendredi soir, date fixée pour mon intervention.

- Si on commençait par aller prendre un verre ?
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