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Rétrospection/Expression

- Un truc fort. Deux fois! Et pitié dans des verres propres si tu le peux, hein.

Deux. Deux hommes assis au bar de cette taverne de Koneashima. Deux verres de cet alcool fort qui brûle le fond de la gorge se font remplir, garnis de deux glaçons. Deux verres pour deux occasions. Deux ans depuis le calvaire de Tequila Wolf, où Blew avait séjourné. Il n’était qu’un jeune homme à l’époque. Il avait désormais 24 ans. Deux gorgées se chargent du premier verre. Deux amis perdus au combat sur les chantiers. Deux comparses l’avaient abandonné sur Cocoyashi après leur évasion. Deux secondes entre l’impact du verre vide sur la table et la prise en main du verre plein.

- Tu sais quoi Gerry? J’tolère pas bien l’alcool, moi. Mais aujourd’hui, je bois. Je bois pour toi ET pour moi. J’suis gentil, hein?
- Eh ben, t’as vraiment pas d’tolérance, hein! HAHAHA! Essaie de m’en laisser un peu et pas boire toute la taverne, d’ac ?
- J’essaierai… J’ai la tête qui tourne…

Un soupir de désespoir et Gerry tend la main pour prendre son verre à Blew, mais celui-ci le place sous son nez plus rapidement.

- Ah-ha! J’t’ai eu, hein! J’suis rapide comme l’éclair! Et tu *Bois* … tu sais comment j’suis devenu rapide et habile comme ça?
- Non, mais j’ai comme l’impression que tu vas me le di-
- TOUT A COMMENCÉ après mon… évasion. J’me suis retrouvé avec un autre gars et tout c’qu’on avait c’était des mandarines et du pain! Alors on s’est dit…

Gerry mettait son veston. Il n’avait rencontré Blew que depuis quelques semaines, lorsque tous deux avaient été attribués au travail de réparation de la maison de madame Cenpalaroz. Depuis, un lien d’amitié s’était créé entre eux, mais Gerry n’en avait que faire des histoires de révolution de Blew. Il quittait le bar en laissant Blew raconter ses péripéties à son éthanol. Il reviendrait le chercher plus tard.
Pourtant, l’histoire de Blew n’était pas endormante. Après que leur navigateur se soit sauvé avec leur navire volé à Tequila Wolf, il aurait été trouvé et arrêté par la Marine. Les deux révolutionnaires, ayant prévu le coup, se sont embarqués dans un bateau exportant des mandarines. L’autre jeune homme prit un chemin différent et Blew n’eut plus jamais de nouvelles.

- J’l’aimais bien lui… J’espère qu’il est pas mort… Mais bref, comme j’disais *Bois* j’avais plus aucun berry alors…

Blew dût chercher du travail. Il commença par nettoyer la vaisselle, le temps que sa déchirure à l’épaule se guérisse. Il trouva ensuite des contrats plus payants : les règlements de compte pour les usuriers. N’ayant plus son arme, Blew se contentait d’utiliser tout ce qu’il trouvait qui ressemblait à une épée, tranchant ou pas (souvent pas). Avant de se ramasser trop profondément dans le crime organisé, Blew tenta de fuir, mais le groupe de voyous pour qui il travaillait ne le laissa pas faire.
Il commença alors sa phase sombre. Il travaillait dans l’ombre au service d’une grosse tête du crime. Il faisait "taire" ceux qui s’élevaient contre son Boss, acheminait des paiements à ceux dont on pouvait acheter le silence et protégeait ceux qu’on lui disait de protéger. Au bout d’un an, il avait développé des habiletés furtives impressionnantes à force de toujours devoir passer inaperçu.

- Et c’est pour ça que j’ai… Gerry? Ah merde… Aubergiste, l’addition! *hic*

C’est lorsqu’une organisation ennemie assassina son Boss que Blew pu se sortir de sa vie criminelle. Il s’inscrit dans une agence aidant les chômeurs à se trouver du travail honnête, ce qui l’amena sur l’île de Koneashima. Là-bas, il put y trouver des travaux manuels et ménagers. C’est à son troisième contrat de réparation de toiture qu’il rencontra l’homme qui fumait une cigarette à l’extérieur de la taverne.

- Ça va, la tête?
- C’est pas Calm Belt, mais ça ira…
- Hmm… T’as un nouvel ami, Blew?
- Ketsueki! Ça faisait un bail, dis donc!

Toujours un peu éméché par l’alcool, Blew se retourna tranquilement, plissa les yeux et put y distinguer un grand gaillard à la mâchoire bien carrée. Le type avait un début de calvitie sur le devant de la tête. Sa bouche souriait, laissant paraître le trou laissé par le départ de deux dents adjointes, mais ses yeux, à la sclère jaunie, fixaient Blew d’un regard sombre. Les deux hommes se tenaient face à face. Blew avait la bouche à demi ouverte et les deux yeux tombants. Puis, ils s’ouvrirent et s’illuminèrent d’un coup.

- HEEEEY! Mais si c’est pas mon vieux copain Tiago! Comment ça va la vie?
- Blew, il a pas l’air d’être ton copain. Pas du tout.
- Je t’écoutais te raconter ton histoire. J’ai fait comme toi. Après la mort du Boss, j’me suis trouvé un autre chef. Mais toi, t'es devenu un ange de la rénovation! Mauviette !
- HEY! Qui tu traites de mauviette? Approche un peu que j’te montre, espèce de…
- Okay Blew, c’est assez. Rentres chez toi avant de faire quelque chose que tu regretteras.

Blew et Gerry s’éloignaient de la taverne ensemble. Blew titubait et continuais à insulter son opposant dans la vide.

- Ravi de t’avoir vu, Ketsueki! Maintenant que j’sais que t’es dans le coin, t’auras pas le choix, mec! Va falloir reprendre le boulot! Tôt ou tard tu vas te joindre à moi! Tu vas te joindre à La Patrie! Tôt ou tard!

Gerry raccompagna Blew jusqu’à la porte de sa chambre à l’Agence, voisine à la sienne. Blew entra, bondit tout de suite dans la douche et y passa plusieurs minutes à se masser le crâne avec le jet d’eau. Il se jeta ensuite sur son lit, entièrement nu. Il contempla le luminaire éteint au plafond jusqu’à s’endormir. Juste avant de passer dans le royaume des rêves, les dires de Tiago lui revinrent à l’esprit. La Patrie… Non, je veux pas rejoindre La Patrie…

Et il s’endormit après le deuxième mouton.