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Hallali à Attalia

-Mais quand même, ça me surprend... j'ignorais que nous avions des navires qui se rendaient sur Hinu Town, répéta miss Haylor.
-Ben moi aussi en fait. Mais Gontrant avait visiblement de bons contacts ici, du coup il hésitait pas à venir voir ses vieux potes et... ben on est devenus les transporteurs préférés du principal importateur de bière du coin. Sans le savoir. C'est très fort, hein?
-Je crois que Gontrant mérite une sacrée prime.
-J'vous assure qu'il l'a eue.
Maintenant, par contre... y'a du pain sur la planche.
-Et en parlant de planche... mmmph. À vous l'honneur.
-Naaan, les femmes d'abord.
-La galanterie veut que vous passiez d'abord pour prendre les coups et vous faire tuer si l'endroit s'avère dangereux.
-Ouaaais, c'est moi qui vous l'ai apprise, celle là. Sauf que vous n'êtes pas n'importe quelle femme, vous êtes la sorcière bien aimée dans laquelle je me réfugie toujours sous les jupes quand ça sent le roussi.
-...

Encore une réplique malheureuse. Evangeline ne savait guère si elle avait affaire à un compliment, une blague, une réponse déplacée ou quelque chose de vexant. Même en sachant que Sigurd était roi pour ces phrases maladroites, elle patienta un instant, comme en décidant quel serait le sort qu'elle lui réserverait. Et son petit jeu porta ses fruits: redoutant le malaise, l'autre préféra lâcher prise.

-Bon bon bon 'kay, je vais voir. Mais je préviens. Si jamais je tombe dans les pommes ou que je me fais aplatir ventre à terre par la température, vous venez me chercher.
-Si vous n'êtes pas trop loin, ça ne posera pas de problème.

Haylor leva le bras pour la confirmation ; les cliquetis métalliques de ses chaînes animées renchérirent qu'elles le récupéreraient. Alors, Sigurd fit sa plus belle grimace, et emprunta l'échelle de leur transport du jour -rien de moins qu'un navire de croisière, classe affaire premier choix pour des voyages express- pour monter sur le pont supérieur.

Et là, il manqua de vaciller.

Résista quelques temps.

Et redescendit doucement, auprès de sa partenaire.

-Okay. Si vous me permettez, je crois que je vais aller...

Il ne termina pas sa phrase, mais son empressement et les grouillements sonores de son ventre malade explicitaient le reste. Vomir de tout son saoul.

-Euh...

Navire de luxe. Ils avaient le pied marin, ça n'était pas le sujet. Haylor et Dogaku avaient eu la merveilleuse idée de s'essayer à une spécialité du chef, une légende étoilée de la dendenradio, originaire de Shimotsuki. Le plat était une recette mythique qui correspondait à l'apothéose de son art culinaire, et de l'école ancestrale d'arts martiaux qui y était mariée. Toutefois, il s'avéra peu après que nos deux voyageurs n'avaient pas les dorikis permettant de supporter un tel met. Ce qui se traduisit par une intoxication alimentaire pour chacun, il y a une semaine de cela. Les managers du navire s'étaient confondus et multipliés en excuses, offres spéciales, attentions et propositions pour éviter le scandale. Les deux Nowel avaient été cloués au lit en sale état pendant l'essentiel de ce temps ; il s'agissait du prix à payer pour avoir savouré, malgré tout, ce qui était l'un des meilleurs plats de légumes cuisinés de toute leurs existences. Et maintenant, ils étaient encore faible. Suffisamment pour que leurs corps, habitués au climat bien plus froid de Luvneel, soient mis à rude épreuve en territoire aride.

Sigurd avait senti l'air chaud lui écraser la gorge, lui assécher la langue, le concasser méthodiquement en martelant sa peau. Et le soleil, un vrai soleil de plomb, cognant si fort qu'il se senti faillir et se faire écraser progressivement contre le sol. Même la lumière éblouissante avait aidé à saturer ses sens.

Ce qui les amena à l'evidente conclusion ; ils n'étaient pas guéris. Peut être dans quelques jours, ils pourraient supporter Hinu Town. Mais d'ici là...

-Ou alors on évite les heures chaudes et on sort quand c'est frais.
-Il est neuf heures du matin et déjà près de quarante degrés.
-Ce qui nous laisse entre vingt-trois heures et cinq heures du matin pour profiter de la fraîcheur! On devient des hiboux?
-Retournez vous coucher.
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-Et maintenant, qu'en dîtes vous?
-J'aime vraiment pas les îles où il fait chaud comme ça. Mais y'a quelques bons points.

Il adressa un nouveau regard à son amie, qu'il détailla longuement d'un regard complètement perdu. La robe qu'elle portait, faîte d'un lin blanc vaguement opaque qui ne restait décent que parce qu'il existait en de nombreuses couches superposées, mettait admirablement bien sa silhouette en valeur. Le tout était complémenté de quelques broderies en fils d'or et de lin teint -de vert et de bleu- pour animer les extrémités de ses manches et de son col.

Et c'était ça ou les tenues de danseuses portées par les locales -nombril et jambes à l'air- qui étaient autrement plus révélatrices. Mais en fin de compte, elle lui plaisait bien plus comme ça ; toujours digne et...

-Vous êtes en train de baver.
-Abwaheugné?
-Je plaisantais.
-Hu.
-Sigurd?
-Mmh?
-Je me demande bien... à quoi vous pouvez penser.

Elle se planta tout contre lui, pour camper son regard dans le sien. Et ce qu'elle y voyait lui plaisait tout autant. Elle lui souriait. Et loin de rougir ou quoi que ce soit, il lui souriait encore plus large, comme d'habitude.

-Qu'avec cette robe, vous êtes vraiment, vraiment sensationelle.
-Oh. Et si je la retirais?
-...
-Hihi.

Ses bégaiements et ses silences songeurs étaient agréables à entendre. D'un autre coté, elle n'avait pas envie de mettre un terme prématuré à ce récit annoncé tous publics. Aussi se recula-t-elle de suite pour rompre le charme.

-C'est marrant, j'ai plus du tout envie d'y aller, maintenant. Ça risque d'être long, en plus. Dommage parce qu'on était déjà en retard parce que...
-Retard..? Oh oui. Mince! Vite, l'escalier!
-Nan. C'était dans l'autre direction...
-Oh? Ah. Vite, guidez-nous!

Ils auraient dû rencontrer leur client en milieu de matinée ; alentours de dix heures. Malheureusement, ils s'étaient vite rendus compte que dans ce pays, ils ne pourraient rien faire en étant habillés comme à leur habitude. Habitants de North Blue.

Ils avaient dû refaire leur garde robe de toute urgence. Les redingotes appréciées de Dogaku faisaient de lui un vrai sac de sueur sous ces températures. Au lieu de ça, il s'était mis à la mode locale. Ou presque.

-C'est mort, je porterai pas d'robe. Le style moyen-orient, c'est pas...

Étrange mode que voilà. Peut être que cela laissait respirer les jambes. Ou permettait de l'économie de main d'oeuvre. Il n'en avait que faire, ne voulait pas savoir : quand bien même cela semblait confortable, ça ne s'acceptait pas. L'ensemble qu'il s'était choisi, pantalon de lin blanc et tunique assortie, avec une large cape pour s'envelopper et se couvrir du soleil, lui convenait tout à fait. Il avait fière allure, là dedans.

Ou un aspect pompeux, selon. Il s'imposait rien que par la blancheur éclatante de son accoutrement. Sa partenaire aussi.

-Faute de bon goût?, questionna-t-il.
-Du tout. Seulement de la qualité.
-Boah, de toute manière...

Les deux Nowel étaient dans le coeur de la ville d'Attalia : pas la zone portuaire, ni la vieille ville au patrimoine riche à foison. Ici, l'activité battait son plein, et cela se voyait sur tous les plans au moindre coin de rue. Les commerçants présentaient leurs étals à même la rue, les artisans ouvraient leurs ateliers grouillants d'animation. Des charrues chargées de marchandises et de denrées se frayaient un chemin dans les grandes rues, et des coursiers se succédaient en permanence tout autour d'eux. À cause du climat, l'activité des travailleurs en extérieur se reportait au maximum sur les heures les plus matinales ; aucun ouvrier ne tenait à faire quoi que ce soit sur les heures les plus chaudes. Et ces gens maintenant au repos peuplaient aussi les rues.

Même en étant pressé, guidant le duo dans les rues de la cité, Sigurd ne pu s'empêcher d'apprécier le spectacle. Il aimait ce genre de cadre ; ça n'était pas pour rien qu'il vivait dans une cité portuaire. Ici, il avait l'impression de retrouver la même chose en complètement différent. Il était dans son élément, et en même temps, c'était dépaysant. Le sable, les gens, le ciel, la ville...

-Dommage qu'ils aient pas de transport publics par contre. Ou alors j'ai loupé.
-Je n'ai rien vu non plus. Seulement des porteurs.
-Boah. De toute manière, si je me plante pas, on est presque...

Deux virages plus loin, ils étaient arrivés. Sur Luvneel, c'aurait été un hôtel particulier aménagé en bureaux ; la variante d'Attalia ressemblait irrésistiblement à un palace. Le jardin qui le précédait tranchait nettement avec le reste de la ville. Il y avait bien sûr des arbres, des parcs, des pots de fleur dans tout Attalia, mais ici... c'était comme si tout un pan de forêt était entretenu et aménagé. Pas seulement devant ce bâtiment, d'ailleurs ; le quartier était comme dédié aux sièges des plus riches guildes et comptoirs de la ville.

Et malgré tout l'étalage de richesse, l'endroit était vivant. Peuplé, utilisé. Toutes les personnes qui travaillaient ici ne se gênaient pas pour profiter de la végétation ; l'endroit était d'ailleurs aménagé dans ce sens. S'ils n'étaient pas pressés, ils en auraient profité un peu.

Au lieu de ça, ils passèrent sous un ensemble de portiques avant de rejoindre un hall qui faisait honneur à la richesse de cette guilde. Le sol était tapissé de motifs en mosaïques agencés en grandes fresques représentant des scènes mythiques de l'histoire d'Hinu Town ; de la culture d'Ali Fustad, de son nom historique.

En levant les yeux, ils pouvaient voir qu'ils étaient dans une grande salle circulaire qui s'étendait sur trois niveaux, le tout coiffé d'une coupole parsemée de verrières teintes pour filtrer la lumière du jour.

Tout autour d'eux, de l'activité. Et non loin de l'entrée, un comptoir où, après les avoir contrôlés sans pour autant délester Sigurd de ses armes -en posséder était un droit dans ce pays-, on les invita à attendre après s'être présentés.

Ils s'installèrent docilement dans un coin, loin d'être embêtés. Les tapisseries, la scène des alentours, tout était là pour les distraire.
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Et dix minutes plus tard, après une succession d'escaliers aux rampes ornementées et de tapis de rouge et de pourpre, ils arrivèrent dans le secteur dédié aux salles se réunion. Ce serait la salle Nebelsulf, pour eux. Du nom d'un ancien haut scientifique du pays, selon la plaque.

À l'intérieur, une table rectangulaire aux dimensions assez larges pour accueillir une vingtaine de personnes. Ainsi qu'une fenêtre qui surplombait l'espace vert -la petite jungle, pensa Sigurd- aménagée devant la guilde. La salle était bien moins ostentatoire que ce qu'ils avaient traversé en arrivant ; tout le mobilier restait d'une très grande qualité.

Mais plus que tout, il y avait...

-Euh... on s'est trompés de salle?

Plusieurs hommes portant des uniformes militaires qui les rattachaient clairement à la Mouette. Des marines. Une bonne demi douzaine. Quatre hommes de rang, un sergent, un caporal, et un lieutenant. Ou quelque chose dans le genre, se réjouit Sigurd en réalisant qu'il n'identifiait plus avec certitude les grades des marines à leurs seuls galons. Il n'y en avait pas, chez eux.

-Pas du tout. Mademoiselle Haylor, Monsieur Dogaku, n'est ce pas?
-Oui. Et... nous cherchons un certain ad-Anub...
-Je suis là!

Le client. Babacarr ad-Anub. L'homme était attablé avec les membres de la marine, même si son accoutrement à la mode locale -de très bon genre d'ailleurs, nota Sigurd malgré son refus des robes- le différentiait des autres. Quatre autres personnes hors militaires étaient présentes dans la salle.

-D'accooord... et tous ces messieurs, ce sont..?
-Enchantée, abrégea Evangeline.

Il n'y avait pas lieu de s'attarder sur le sujet, pensa-t-elle. La présence des marines serait expliquée en temps voulu... probablement.

-Je vous présente Yusuf ad-Anub, un cousin.
-Oh. Bonjour.

La jeune femme en profita pour détailler les deux hommes... qui ne se ressemblaient pas le moins du monde. Ils étaient tous deux solidement charpentés, mais cela n'était que du fait d'un intérêt commun pour le sport. Babacarr, le marchand, avait le visage et le crâne rasé, était grand, plutôt bel homme, dans la trentaine entamée, et portait -Sigurd tiqua dessus- un costume-cravate d'excellente facture. L'homme avait un goût sûr et un compte en banque très fourni ; tout, depuis sa montre et ses chaussures jusqu'à sa pochette et ses boutons de manchette, pouvait en témoigner. La blancheur de sa chemise contrastait avec sa peau d'ébène, également.

Yusuf, pour sa part, répondait à l'image du militaire de la mouette qui respectait les conventions. Cheveux courts, rasé de près, à l'exception d'une moustache très fournie qui faisait l'objet d'une attention de chaque instant et de soins quotidiens. Il était plus petit, mais surtout plus quelconque. Un visage légèrement trop rond, de petites oreilles, des sourcils trop fournis, un teint basané assez clair... il n'attirait pas le regard.

-Ainsi que l'ex principal associé de cette guilde, précisa-t-il d'une voix aux sonorités étonnamment envoûtantes. D'où ma présence ici. J'aime regarder et suivre ce que devient l'affaire.

Yusuf parlait d'un ton profond, apaisant, d'une chaleur tiède qui s'imposait d'elle même. L'entendre parler, c'était comme prendre une grande cuillerée de sirop aux épices. C'était du moins l'image qui remonta à Haylor sur l'instant. Une curiosité alimentaire de sa région natale, qui avait constitué l'une des meilleures gourmandises de son enfance.

Des souvenirs très lointains, tiens.

-Ah? Donc vous avez lâché?, s'intéressa Dogaku.
-Je prends... de longues vacances. Un peu de distance par rapport aux affaires. Je ne sais pas si vous avez déjà ressenti le besoin de lâcher du lest à force de trop avoir le nez dans le guidon.
-Je crois que je vois très bien de quoi vous voulez parler. Y'a des périodes où je deviens tellement infâme niveau berries et récompenses que... haha. Heureusement que je suis entouré de personnes qui peuvent me redescendre quand il faut. Et qu'on a prit l'habitude d'être largement moins rigides niveau budget... la qualité, ç'a du bon et ça se rémunère dignement, après tout.

Le militaire ne répondit pas. Il ne souhaitait pas s'épancher davantage sur ce sujet, tout simplement. Heureusement, la curiosité de Dogaku était peu insistante, et assez inconstante. Le Luvneelois reprit:

-Et pourquoi la marine, d'ailleurs? Je trouve ça pas mal du tout, mais... je trouve ça curieux.
-Hahaha. Je pourrais vous en parler en détail plus tard.
-Je vous propose autour d'une bonne table au cours des...
-Hmm... s'il vous plait?, l'interrompit Haylor.
-Oh. Oui oui, plus tard.
-Yusuf reste l'un des principaux investisseurs historiques de la guilde. Un très bon conseiller, et... amené à revenir. Il fait seulement une pause. D'où sa présence ici.
-Je comprends, sourit Evangeline, tandis que l'autre acquiesça tranquillement.

Ils s'attablèrent ensemble, échangeant quelques banalités avant que la discussion n'en arrive progressivement au sujet de leur association probable. Chacune des deux parties présenta succinctement son organisation, avant -surtout- d'essayer de compléter les zones d'ombre que leurs exposés, leur réputation, leurs documentation transmise et les comptes rendus de leurs subordonnés respectifs avaient fait de leurs entrevues régulières.

Les Nowel développèrent davantage sur l'étendue de leur casquette d'armateurs, particulièrement peu connue par rapport au reste de leurs activités. Il s'agissait pourtant d'une affaire qui frôlait maintenant les trois cent millions de berries en capitalisation totale.

Loin d'une petite affaire, donc ; le chiffre annoncé venait de forcer le respect de leurs hôtes.

Sigurd expliqua sommairement la série d'événements qui les avait menés à ça. Tout partait, comme toujours, d'HSBC, de l'affection qu'ils s'étaient découverts pour la cité de Norland, et de leur entêtement à développer et porter la ville aussi loin que possible. Il y avait de quoi en faire énormément, et ils n'étaient pas les seuls à pouvoir se mobiliser sur l'affaire. Leur spécialité était de trouver des réponses aux problèmes qui se posaient, et de flairer les opportunités dans des situations incertaines. Ça, c'était HSBC. À force d'aider les autres affaires Luvneeloises à prendre de l'ampleur tout en y trouvant eux mêmes leur compte, les Nowel s'étaient vite rendu compte qu'une compagnie commerciale exclusivement dédiée au transport des marchandises des autres -qui n'avaient pas forcément les moyens de se procurer des navires de transport, vu les prix- profiterait à tout le monde... et s'avérerait ridiculement lucratif, même en tirant les tarifs au plus bas pour les rendre accessibles au grand nombre.

Ils avaient des clients qui livraient dans cette zone de West Blue, et de fil en aiguille... le reste avait déjà été détaillé ci-dessus. Gontran, leur capitaine sur ce fret, disposait d'assez de latitude pour gérer sa cargaison comme il l'entendait au delà de leurs commandes initiales. Et l'avait très bien fait.

Babacarr et Yusuf expliquèrent à leur tour l'historique de leur entreprise commune. Comment, en partant eux aussi de très peu, ils avaient multiplié les aventures risquées et, à partir de quelques heureuses affaires, avaient pu établir leurs premiers gros imports et multiplier les bénéfices sur cette base. Simple fils de fonctionnaires sans envergure à la morale certaine, Babacarr avait fini par devenir, à sa majorité, l’une des figures montantes du tissu commercial d’Hinu Town en se lançant dans des associations marchandes en tous genres. Pour sa part, Yusuf aurait pu être berger, comme son père ; il s'était joint à l'autre et avait investi son énergie incroyable dans l'affaire. L'association des deux hommes avait été la clé de voute sur laquelle reposait l'ascension de la guilde ad-Anub.

Depuis, ils avaient eu l'occasion de se tailler une part de lion et de prendre l'avantage sur des niches incroyables. La bière, notamment. Et quelques autres. Eux aussi, avaient, aujourd'hui, largement de quoi inspirer la confiance.

Et au fur et à mesure que leurs affaires gagnaient en volume et en destinations...

Et bien, c'était là la raison de la venue des Nowel.
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-Aussi... nous aurions une autre demande à vous faire. Qui n'est pas commerciale. Pas directement, en tout cas.

Plus d'une heure s'était écoulée depuis le début de leur entrevue ; la majorité des sujets à traiter pour cette fois avaient été abordés. En conséquence, le ton concerné de Babacarr éveilla l'attention des Nowel. Sigurd s'attendait à accueillir un problème personnel... quelque chose qui tracassait leur hôte. Evangeline, par contre, ressentait déjà une demande qui ne leur plairait pas forcément.

Quelque chose dans son attitude, certainement. Elle n'en était pas sure.

-Cela concerne... la guilde des Usuriers d'Armada.
-...

Le Nowel marqua un temps d'arrêt. On pouvait lire sur ses traits qu'il n'attendait pas cette phrase.

-Et le réseau du Drapeau Rouge, continua délicatement le marchand. Vous les connaissez bien, n'est ce pas?
-Hu?

Celle-ci non plus. D'autant plus que, maintenant qu'il venait de les assimiler, il ne comprenait pas.

Sa partenaire, elle, restait imperturbable. Mais son air grave en disait bien assez. Elle porta une main à ses lèvres, songeuse.

À son tour, Sigurd réalisa. Envisagea, plutôt. Mais il en était sûr.

-Oh merde.
-Ils sont ici, sur Hinu Town. Dans l'enceinte même d'Attalia. Entre autres.
-Normal, c'est le grand port du pays...

Les usuriers. Sigurd résumait ça par un réseau mafieux maintenant passé sur Armada. Le drapeau rouge, c'était tout simplement l'agence de recrutement de pirates d'Armada. Le réseau monnayait équipement et ressources aux pirates de passage contre une promesse d'allégeance à la forteresse flottante des forbans de l'équateur. Ses postes n'étaient pas partout dans le monde, seulement dans les plus grandes cités portuaires des mers bleues.

Attalia en faisait évidemment partie, maintenant. Avec ce qu'il avait vu, ça semblait naturel.

-Et nous souhaitons très fortement faire la même chose que ce que vous avez fait chez vous. Nous débarrasser d'eux.

Sans surprise, Luvneel et sa ville de Norland avaient elles aussi été implantées par les usuriers, dès le début de l'année. Ce qui avait très nettement accru la fréquentation du port du coté des pirates ; Norland était devenue une adresse à bons plans. Plus de pirates, plus d'incidents, c'était simple comme tout. À fortiori puisque Luvneel interdisait aux marines l'accès à son territoire, et que de trop nombreux imbéciles sous-estimaient grandement la milice du pays.

Au final, dans un élan d'indignation révoltée et de lucidité méthodique, Sigurd avait tout simplement rallié milice, civils et révolutionnaires pour éjecter tout ce monde hors de la ville. Un phénomène qui s'était étendu à l'ensemble du pays suite à leur succès fabuleux. Ça avait été très, très, très difficile.

Ça avait fait étonnamment peu de bruit, aussi. Sigurd avait été terriblement déçu que leur action, qui consistait en davantage que ce qu'aucun marine n'avait jamais osé faire à l'encontre des possessions d'Armada, soit restée invisible.

D'un autre coté, il n'était pas sûr de vouloir remettre les couverts pour reprendre de ce plat. Il n'avait pas besoin d'ennemis.

-Eeeeet?, demanda-t-il en laissant bien entendre que ça ne lui plaisait pas.
-Nous vous serions très reconnaissants de nous expliquer comment vous vous y êtes pris pour y arriver chez vous.
-Nous apporter votre aide, renchérit Yusuf.
-Nous?

Le regard du jeune homme passa tour à tour sur chacun de leurs interlocuteurs, une seconde fois sur chacun des marines, avant de se tourner vers sa comparse... en quête d'un quelconque signe. Elle ne lui répondit que par un mouvement de tête qui ne voulait rien dire. Pensive, et en train de compuler. Il ne l'attendit pas.

-Eh. Vous ne pouvez pas recourir à la marine ou bien... à des mercenaires, chasseurs de primes ou autres?
-Vous êtes chasseurs de primes, signala posément Babacarr.
-Nous? Naaaan. On est d'affreux opportunistes, s'tout. Faut pas nous voir comme des chasseurs de primes, mais... comme... des civils qui se donnent des options.
-Je comprends. Mais comme situation, c'est très... particulier.

Ad-Anub semblait préoccupé. Peut être gêné, également ; il avait l'impression de ne pas avoir amené la chose de la meilleure façon. Ses invités étaient maintenant plus confus qu'autre chose.

Cette fois, ce fut Haylor qui reprit.

-Ce qui explique la présence des marines?
-En partie également.
-Êtes vous vraiment cousins? Associés?
-Je vous assure que oui, madame.
-Mmnh.

Elle s'enmura une nouvelle fois dans ses pensées. Laissant place à un silence que personne ne rompit. Pas tout de suite, du moins. Après un long moment, pourtant...

Comme à chaque fois qu'une situation ne lui plaisait pas, il la désamorçait à sa manière. En disant n'importe quoi.

-Thaaaaaaaaaa. Dîtes moi pas que j'vais devenir consultant en poutrage de pirates, oh. Encore que... j'imagine que ça rentre dans le pack spécialiste en développement portuaire. Rhooo.
-Depuis combien de temps sont-ils ici? Et leurs moyens? Et... l'impact sur la ville?

Evangeline reprit en tournant son regard vers les hommes de la mouette.

-Et pourquoi la marine n'intervient pas?
-Parce que ce sont les usuriers. Et Armada. Et Red. Ça ne peut pas être facile. Ils s'installent intelligemment, ont un réseau d'amis, et restent très discrets. Contrairement à leurs clients.
-Ca me rappelle quelque chose, commenta le Luvneelois.
-Et puis... des officiers ont peur. D'autres essaient, mais ce n'est pas facile. Et d'autres... sont contre... productifs.
-Corruption?, demanda miss Haylor.
-Je ne peux que douter.
-Mmmh.
-Ça m'a l'air de dire oui, renchérit Dogaku. Pfff. Mwarharh. On peut leur reprocher plein de trucs, mais au moins, les révos sont vachement moins corruptibles que les...
-Sigurd!

Une pression prononcée sur son tibia le fit taire. Dogaku tourna le regard vers la comparse en fronçant les sourcils, sans comprendre. Elle lui adressa un regard plein de reproches qui lui coupa l'envie de parler. C'était comme s'il... avait dit quelque chose de mal?

Il ne comprenait pas.

Les autres non plus, remarque la jeune femme.

Tant mieux.

-Et vous voulez notre aide. Mmmh.
-Nous avons conscience que cela fait... beaucoup à encaisser d'un coup, compléta Yusuf. Je vous propose que nous en restions là pour l'instant. Pour reprendre plus tard. Demain.
-Je crois que je préfèrerais en apprendre autant que possible tout de suite.
-Vous êtes sûr?
-Eh bien... euh...

Sigurd hésita. Il n'en savait plus rien, en fait.

Peut être pas, en fin de compte.

Il consulta sa partenaire du regard, une nouvelle fois. Oui. Ils allaient devoir en parler... très longuement.

-Peut être pas, en fin de compte. Ou... plus tard, ouais. Plus... demain?
-Je comprends.
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Il connaissait les venelles d'Attalia bien mieux que moi. Aidé d'un double saut périlleux, il franchit sans difficulté le muret qui nous séparait de la Laguna. Le quartier le mieux irrigué de cette ville portuaire, construite sur les berges de la lagune Al-phali. Sous d'autre tropiques, ç'aurait été un quartier chic, réservé à l'élite avec quelques splendides demeures dotées de piscines en hauteur. Mais voilà, Al-phali n'était qu'un bras de West Blue, une étendue d'eau salée qui pénétrait dans les terres. La salinité du littoral ne permettait même pas aux arbres de pousser. Des constructions quelques peu anarchiques s'y développèrent avec le temps, rassemblant une frange démunie de la population. Ici, on était docker, poissonnier ou aide-charpentier de père en fils. Les femmes y étaient ménagères, bonnes à tout faire dans les beaux quartiers ou même belles-de-nuit quand les fins de moi se révélèrent difficiles. Et pour respecter ces clichés inévitables dont nous auréolait la division sociétale, le crime et la violence gangrenaient la Laguna. On y mourrait jeune, à cause d'une guerre de gang, d'un trafic de drogues ou d'une altercation avec les pirates qui mouillaient fréquemment dans la zone de non-droit du port.

Alors quand ma cible s'engouffra dans la Laguna, je jurai de mécontentement et la suivis. Ce type à la coupe en bol avait une sacrée avance sur moi et Dieu sait qu'il courait vite et bien. Cette course poursuite durait depuis une quinzaine. Je voulais l'attraper sans violence et il semblerait qu'il le savait, raison pour laquelle il m'avait emmené dans les coins les plus bondés d'Attalia, tentant désespérément de me semer dans la foule. Quand cette entreprise se révéla vaine, il décida finalement de rejoindre son terrain de prédilection, le quartier de tous les trafics, là où il trouverait sûrement une main secourable. Pour moi, c'était à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Bonne parce que j'allais pouvoir utiliser la force pour l'immobiliser, chose que je rechignais à faire de crainte de me faire repérer par quelques indésirables (et courir à travers la ville, n'était-ce pas se faire repérer ?). Mauvais parce que le comité d'accueil qui m'y attendait pourrait être très indigeste. J'ignorais tout du réseau criminel que je traquais, je ne savais pas combien de bras armés nourrissaient le "Cartel Capital". Je me jetais tout droit dans la meute. Et le loup que je poursuivais était armé.

Bang ! Bang ! Bang !

Une pirouette au sol et les balles sifflèrent au-dessus de ma tête. Je m'abritai derrière un amas de tôles, une protection dérisoire que troua la rafale qui crépita ensuite. Il essayait vraiment de m'éliminer l'enflure ! Et tout ce temps, il avait gardé cet arsenal avec lui. Finalement, je n'étais le seul à répugner utiliser la violence dans les lieux compromettants. Le sol était noir, boueux et vaseux. A quatre pattes, le centre de gravité touchant le sol, j'évoluai rapidement, serpentai comme un crotale. Le Style martial du Serpent copiait les mouvements de ce Reptile, sa grâce, sa rapidité, son aisance à racler la terre. En me voyant louvoyer vers lui, il prit peur et s'enfuit, surtout que son arme s'enraya le privant de son seul moyen de défense. Avec ou sans mitraillette, ce n'était qu'une simple demi-portion. Sur North Blue, j'aurais délégué une ou deux personnes de mon entourage me l'emmener. Cent hommes rassemblés en une force d'intervention spéciale mourraient pour moi au moindre claquement de doigt, sans parler des mille cinq cents hommes de Shadow Law, mon réseau criminel. Mais voilà, ça c'était sur North Blue et j'avais souhaité venir seul à Hinu, repartir à Zéro sur ce marché nouveau. Ce qui signifiait mettre la main à la pâte, ou mettre la patte dans la vase.

- Filet de Bérénice !

Vivifier mon corps, irradier de l'essence même du désir de vivre, ce qui me permettait de contrôler chaque cellule de mon corps. Les cheveux, dans ce cas précis. Depuis que je l'avais apprise, cette technique du Retour à la Vie était devenue ma préférée, celle du moindre effort. Ma masse capillaire décuplée fusa à la vitesse d'une balle et s'enroula autour de ma cible, la saucissonnant comme un filet mignon. C'est vrai qu'il était à croquer, tout bâillonné qu'il était à se tortiller et à émettre des borborygmes d'impuissances. Alors que je me relevais tout tacheté de boue, mon adversaire ficelé par mes cheveux à mes pieds, je perçus la rumeur de dizaines de pieds martelant le sol. Nous étions juste à la périphérie de la Laguna, personne n'avait assisté à notre combat à part quelques clochards étendus dans des bennes à ordures. Les habitations étaient à une cinquantaine de mètres, aussi, supposai-je que c'était le crachotement des balles qui attira les badauds. Mais je n'attendrai pas ici pour en découdre avec cette cavalerie.

- Plongez dans les ténèbres !  

Une bombe de brouillard noir instantané et quelques kilomètres plus au sud avec mon nouvel ami endormi au dos, plus tard, nous étions dans la planque que j'occupais depuis mon arrivée à Attalia, deux semaines plus tôt. Je l'avais transformée en garçonnière mais c'était une maison de retraités qui partis en vacances à Bliss dans une propriété que je possédais à Portgentil. Je connaissais une compagnie de voyage qui arrangeaient ce genre de chassé-croisé "j'irai dormir chez vous et vous, chez moi". Les septuagénaires n'apprécieraient surement pas de savoir qu'en ce moment était solidement attaché à leur canapé en if un homme assommé comme en témoignait la bosse sanglante sur son front. Je débouchai une fiole contenant l'essence du Carolina Reaper, le piment le plus fort au monde. Mon invité se réveilla en sursaut dès que j'approchai la bouteille de ses narines. Il toussa à plusieurs reprises, les poumons incommodés par les relents du piment.

- Bon mon pote, toi et moi devons causer.

- Z'ai rien à t'dire ! Lâche-moi, connard !

- Tu peux vociférer autant que tu veux, nous sommes dans un quartier de retraités délaissé de ses habitants. Durant les périodes comme celle-là où même les natifs ne supportent pas la canicule, les vieux ne font pas long feu. Alors, ils migrent. Nous sommes bien seuls, dis-je en tirant vers moi un plateau monté sur des roulettes où trônaient divers instruments de torture. J'ai eu des profs très exigeants, ce qui m'a confié quelques habiletés que tu n'as pas envie de les découvrir. Alors, dis-moi, qui est le Serpent de Dentelle et tu pourras rentrer chez toi.

- Va t'faire !

Il cracha à mes pieds et me jeta un regard mauvais qui me souhaitait une mort longue et douloureuse. Soit. Je pensais que ce n'était qu'un petit coursier de rien du tout mais il semblerait que j'allais devoir mettre mes menaces à exécution. J’immergeai les pieds nus de mon nouvel ami dans une bassine d'eau puis plaçai des fils conducteurs sur les zones sensibles de son corps à savoir nombril, tétons, lobes d'oreilles. Fugacement, j'imaginai le hoquet d'horreur de la vieille Bertha Leeds en sachant ce qui se passait dans son salon. Mon ami se débattait comme un beau diable malgré les chainons de fer qui le maintenaient à la chaise. Il avait reconnu le Thunder dial dans ma paume, il savait ce qui l'attendait.

Avec un sourire en coin, j'appuyai sur le cône au sommet du coquillage spiralé qui vibra l'espace d'un battement de cœur. Le courant électrique emprunta les fils conducteurs et se déchargea dans le corps de mon supplicié qui trembla frénétiquement plus qu'il ne hurla. On aurait dit un épileptique en pleine crise, c'était une vision qui -toujours- me fascinait. J'arrêtai la décharge et mon prisonnier glissa presque dans l'inconscience, sa tête pendouillant lamentablement sur son torse comme un vieil éléphant mort. J'en profitai pour saisir une pince et lui arracher une molaire. Les douleurs combinées de sa peau brûlée à l’électricité et de sa dent martyrisée faillirent le faire défaillir à nouveau. La bouche ouverte, il bavait abondamment du sang en émettant des halètements rauques.

- Sans être maso, j'adore la souffrance. Ça électrise nos sens -pardon, je ne faisais pas de l’humour noir-, ça nous rappelle que nous sommes en vie, elle nous invite à mordre la vie à pleine dent. Ceci n'est qu'un aperçu, je vais continuer pendant des jours, ma patience n'a aucune limite. Je te garantis qu'à la fin, tu n'auras qu'une seule envie, dire oui. Si tu veux protéger de ta vie quelqu'un qui se fiche de savoir si tu es vivant ou mort, libre à toi. Je respecte la loyauté. Mais je sais aussi la briser comme une poupée de porcelaine. Alors, je répète, fis-je la main à nouveau sur le coquillage électrique, qui est le Serpent de Dentelle ?
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J'étais dans ce pays pour deux raisons : terminer ce que j'avais entamé et prospecter.

Quelques mois plus tôt, alors que j'étais embourbé dans l'enquête sur le Réseau Ashura à Bliss et plus particulièrement sur son réseau de blanchiment d'argent, un filon me conduisit à Hinu Town. J'y retrouvai la trace de plusieurs clients du Réseau et en particulier d'un certain Hamid Hamoud Hassim alias Triple H. C'était une espèce de demi-géant manchot du bras gauche qui faisait de la contrebande de toute sorte avant de se spécialiser dans la commercialisation de la poudre de pluie. Mais aussi étrange que cela parût à l'époque, aucune précipitation inhabituelle ne s'était abattue sur aucune ville, aucune communauté n'avait signalé de pluies récurrentes. Je découvris plus tard, que Triple H refourguait sa cargaison de Dance à l'Armée Révolutionnaire qui en faisait stock apparemment.

- Donc vois-tu, naturellement, ça m'a intrigué. Pourquoi diable l'Armée Révolutionnaire entasse-t-elle de la Dance dans ce pays ? Il y a quelques cent ans, le corsaire Crocodile a fait la même chose à Alabasta. Et ça ne s'est pas très bien passé. La quatrième division s'est mise sur le coup, mais H n'était au final qu'une petite frappe, il vendait sa marchandise à un contact différent. Dans un lieu différent à chaque fois. Les Mouettes n'ont pu retrouver aucun révolutionnaire. Le Commandant Hikari Hurano m'a appelé pour me communiquer la fin très décevante de son enquête un mois auparavant. Ça ne m'a pas plu, je voulais avoir le fin mot de l'histoire, donc j'ai décidé de venir enquêter et trouver l'indice qu'ils ont raté. Et pour ça, je devais interroger H moi-même. Encore fallait-il qu'il soit en prison...

Envolé. Disparu de sa prison de "haute sécurité" m'avait-on dit. C'était un travail d'artiste, je fus forcé de le reconnaitre. H s'était fait la belle le lendemain du jour où j'avais appelé la Quatrième Division pour leur signaler ma venue et mon intention de continuer à creuser. Visiblement, je dérangeais quelqu'un qui s'était donné la peine de faire évader le contrebandier. Et de quelle manière ? Nul ne le savait. Ils en vinrent simplement à supposer qu'il aurait pu s'enfuir, dissimulé dans des chariots remplis de linge avec une complicité interne qu'il leur fût impossible de trouver.

On me fournit une copie de tous les registres, de toutes les entrées et sorties que ce fussent celles des gardes, du personnel, des visites ou des prisonniers. C'était de la paperasse à hauteur d'homme qui couvrait une période de deux mois. J'envoyai le tout par courrier très rapide à Boréa à la meilleure analyste qu'il m'eut été donné de rencontrer. J'étais bon dans les analyses et recoupements mais Zéro était un poil au-dessus. Et encore, elle n'avait pas la mémoire eidétique dont je jouissais. Méthodiquement compiler et recouper les faits, c'était son dada. Ashura lui devait tout, son organisation, sa survie. Je réussis à la convaincre de se lancer dans une nouvelle aventure avec moi et ma nouvelle organisation : Shadow Law.  

Et comme je m'y attendais, elle ne mit pas longtemps à trouver le bug dans la matrice. Pour elle, le jour dit de l'évasion de Triple H était factice. Sa disparition aurait juste été constatée ce jour-là parce que des Marines étaient partis avertir H de mon arrivée prochaine. Zéro affirmait avoir trouvé la trace de H grâce à une analyse graphologique, un bon de sortie signé par quelqu'un qui se faisait passer pour un plombier. Le jour même, une équipe de plombier avait été appelée à la prison à cause d'une tuyauterie défaillante. Mais voilà, H était haut de quatre mètres environ et manchot, pas le genre de gars dont on imitait facilement la carrure. Un homme de sa taille était rentré en tant que plombier, avait pris sa place dans sa cellule pendant que H s'évadait sous l'apparence de l'autre. Et seule son écriture l'avait trahi. Quant au "clone" de H, c'était lui qui disparut sous les draps de linges.

- Alors, bien que de toute beauté, cette évasion comportait beaucoup de lacunes. On aurait pu se poser des questions sur la complicité des gardes dans la section où était détenu H, on aurait pu demander pourquoi il n'avait pas été infiltré sous les draps directement au lieu de faire venir un sosie. Et toutes ses questions me donnèrent des pistes à suivre. Tu comprends maintenant comment je t'ai retrouvé mon cher ?

Le chef de la buanderie de l'établissement pénitencier avait été remplacé après l'évasion discrète du vrai H. C'était lui le complice le plus évident, celui que je traquai en premier. Je l'interrogeai et il fut prompt à me répondre que "quelqu'un" l'avait payé pour faire sortir quelque chose dans les chariots. Il m'affirma qu'il pensait que c'était de la drogue et je le crus. Le pauvre, trois femmes, une ribambelle de gosses à nourrir, il bouclait comme il pouvait les fins de mois. Je suivis également la piste du plombier et découvrit le géant qui prit la place de H. C'était un manchot également, mais du mauvais bras, détail qui avait échappé aux geôliers. J'arrivai trop tard, cependant, quelqu'un s'était chargé de l'éliminer pour brouiller mes pistes. Une personne qui avait préféré utiliser du poison qu'une balle dans le cœur. Grâce à cette malencontreuse erreur de l'assassin, je réussis à stabiliser pour quelques minutes l'état du géant qui m'apprit alors l'existence d'une espèce de réseau d'influence, d'une sphère où se vendaient très chères des informations. A la tête de cette sphère se trouverait la personne énigmatique du Serpent de Dentelle.

- C'est grâce à ce travail bâclé que j'ai pu te trouver Oumarou. Les deux dernières semaines furent palpitantes, surtout avec les trois tentatives de meurtres dont j'ai été victime. Par trois fois le Serpent de Dentelle et ses hommes ont essayé de me tuer. A la bombe, à la seringue empoisonnée, ils m'ont même envoyé une prostituée tueuse. J'ai découvert pas mal de choses, par exemple que tu fais partie d'un Cartel, celui des Wraiths. Vous vendez de l'information, vous faites de l'extorsion et du chantage. J'admire le travail du Serpent de Dentelle, vraiment. Mais il a besoin d'être amélioré, il a besoin d'être plus soigneux et d'être plus sec. Sa survie n'est due qu'à une seule chose, Hinu manque de limiers de talents. J'ai mis un an pour venir à bout des 90% d'Ashura et en deux semaines, j'ai presque saisi le pourtour des Wraiths. Je ne veux pas rencontrer le Serpent pour le livrer à la Marine mais lui offrir l'opportunité d'une franche collaboration avec moi. Alors, tu me dis qui c'est que je le trouve ?

- Pas. L'peine, hâcha-t-il. C’lui. qui. t'a. trouvé.
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-Oh, zut. 'Scusez moi, mais... ce serait possible d'avoir une chambre sans piscine? Pas aujourd'hui, on va juste se poser, mais plutôt pour demain, après demain. Autant la terrasse façon jardins suspendus avec tous les oiseaux, c'est vraaaaaaiiiiiiment excellent, je veux la même chez moi, mais la piscine intégrée ça fait un brin beaucoup. M'on s'en servira pas, du coup s'plutôt dommage. Ça ne vous dérange pas?
-Pas le moins du monde, monsieur.

Le concierge à qui il s'adressait l'écouta avec une patience et un professionnalisme digne des meilleurs. À aucun moment il ne le reprit. Pas pour lui signaler qu'il employait et mélangeait les termes de "chambre" et de "suite" à mauvais escient. Ou encore, lui indiquer que se promener en chaussettes dans les couloirs et dans la réception de l'hotel-palace était de très mauvais goût. Ni pour lui rire à la figure à la vue des marques écarlates en forme de bises -des traces de rouge à lèvres, évidemment- qui étaient impossibles à manquer sur sa bouche et sa joue. Il se contenta de prendre la commande, et d'inciter très subtilement Sigurd à croiser son reflet dans une vitre, en lui quémandant s'il y avait d'autres demandes à satisfaire.

-Oh. Correct, j'avais pas remarqué, pour les marques. Me disais bien qu'elle y était allée un peu fort sur le rouge.
-Si je peux me permettre, n'hésitez pas à utiliser les Denden situés dans votre suite pour nous contacter, si vous le souhaitez.
-Naaan, j'aime bien venir voir les gens. Et me balader. Et votre hôtel est vraiment...

L'homme ne tiqua même pas. Sa fonction était à la fois simple, et terriblement difficile : satisfaire aux exigences des clients du palace. De ses trois cent clients. Ce qui était énorme.

Le duo Luvneelois avaient pris pour point de chute le palace Escoffier, un des lieux les plus réputés pour les visiteurs fortunés d'Attalia. Construit à l'origine il y a deux cent quarante trois ans de cela, comme cadeau de mariage offert à un prince cadet du royaume par son frère installé sur le trône, ce palais à la mode orientale avait ensuite hébergé Sal-Ad-Mar, un héros d'Hinu Town qui s'était distingué dans les guerres de la Voie Agitée. Le bâtiment avait trouvé quelques autres acquéreurs de renom, avant de finalement devenir un palais de vacances pour Aurora Yonesku, une désormais défunte matriarche de la grande famille de Marijoa. Ce n'est que depuis une trentaine d'années que le palace, réaménagé avantageusement par les dragons célestes, avait été cédé à un spécialiste de l'hôtellerie haut standing qui ne voyait et ne voulait que ce lieu pour la ville d'Attalia.

Alors oui, forcément : le personnel était cool. Impeccable. Tout simplement parfait. Et c'est très satisfait que Sigurd regagna les étages, et retourna dans leur suite.

Forcément, le duo Luvneelois n'avait pas visé bas pour le confort de son séjour.

Dans la suite, la grande salle de séjour était à l'image de ce qu'ils avaient pu contempler dans la guilde de Babacar Al-Asuf : un ensemble chargé de tapis dont le détail des motifs constituaient de formidables oeuvres d'art. Sur les murs, au plafond, même au sol, des jeux de miroirs et de lumières étincelants permettant d'illuminer l'espace tout en s'épargnant la chaleur extérieure. Ainsi que des mosaïques faîtes de pierres nobles, habituellement employées en sculpture, et de gemmes savamment agencées en cascades. Et tout ici faisait honneur au pedigree du palace et de ses occupants.

Evangeline était d'ailleurs au beau milieu de la salle, à tricoter distraitement, en train de profiter du détail de ces merveilles qu'on pouvait continuer à découvrir même après les avoir étudiées tout le long d'un séjour. Elle jeta un simple regard à Sigurd lors de son arrivée, avant de se repencher vers les murs.

-C'est ok pour demain, ils vont tout déplacer, fit-il simplement.
-Mh mh.

Pas beaucoup de réaction. Elle se la jouait distante. Il bifurqua un peu.

-Eeeet... vous allez sûrement mal le prendre, mais apparemment j'ai rencontré une nana hyper entreprenante en chemin qui m'a lâché un énorme baiser sur la joue. J'crois qu'elle m'a embrassé, aussi. Ça a laissé des traces.
-Ooh. Je crois l'avoir vue aussi. Tout à l'heure, j'étais dans la salle de bain, elle était de l'autre coté du miroir.
-'Videmment. Qu'est-ce que c'était, l'idée?
-Je pensais que ce serait amusant.
-Amusant?
-On ne peut plus.

-...
-...
-...
-...
-...
-...
-VENGEAAAAANCEEE!!!

D'un bond il se jeta sur elle, sorti un marqueur noir, et l'enlaça d'un bras. De l'autre, il lui bariola prestement le visage ; des moustaches adolfiennes, un énorme monosourcil renforcé, un nez noir digne d'un panda, une barbiche espagnole...

-Vous voulez de la barbe sur les joues?
-Lâchez...
-Que non. Et d'ailleurs...
-Ah non pas... moooouyuurruuahahaha hihi paaaas leees chatoooouuuuuilles hihihi hic hic ohquenonpaslenezlesnarinescestdlatrichecesthooorriiiiiiiihihihibleeeeh....

Il voulu la retourner sur un tas de coussins, mais elle se dégagea, fonça vers ses affaires, et explosa de rire. Cinq secondes plus tard, elle se retourna brusquement, prête à tout :

-ATTENTION, JE SUIS ARMÉE, ET J'AI UN ROUGE À LÈVRES!
-ET MOI UN MARQUEUR NOIR! Probablement indélébile, donc vous serez furax quand ce sera fini.
-DANS CE CAS VENEZ VOUS BATTRE, JE VOUS ATTENDS DE PIED FERME!

Et ils se retrouvèrent à chahuter comme de parfaits idiots pendant trois bonnes minutes, usant de passes et de feintes qui auraient fait un combat d'anthologie porteur de dorikis... dans un autre contexte.

Bondissant sur un pouf, Dogaku déclama:

-SON NOOOOOM, IL LE SIGNE À LA POIIIINTE DE L'ÉPÉE!!

Et d'une fente en avant sur la joue de la jeune femme...

-D'UN "S" QUI VEUT DIRE SIGURD!!!
-EEEEEEEECK!
-En plein dans le mille. PLUS CINQ PP POUR LA PASSE D'ARME!
-AH OUI? EH BIEN REGARDEZ ÇA! COUP SPÉCIAL! TRIPLE-SANTO-RYU, LES TROIS MARQUES ÉCARLATES!

Adoptant ou singeant le style d'un certain bretteur à trois sabres, Haylor assailli Dogaku, armée de trois rouges à lèvres, dont un entre les dents, dans un enchaînement incessant qui lui lacéra le visage. Il essaya de parer, mais face à tant d'assauts...

-EH, TTENTION À MA CHEMISE! ET MA VESTE!
-Vous n'avez qu'à ne pas vous protéger avec les bras, dans ce cas.
-Ouaaaais, je peux même m'allonger sagement par terre et vous laisser me tuer tranquillement.
-Retirez votre veste, dans ce cas? D'ailleurs, moi aussi, je ferais mieux de...

Et vingt secondes plus tard, ils se tournaient autour dans la salle de séjour, se guettant mutuellement, cherchant une faille dans la garde très approximative de leur adversaire. Lui torse nu, elle en soutien-gorge, toujours parfaitement habillés en dessous de la ceinture où les coups étaient interdits.

Sigurd se permit un bref regard vers la terrasse, par simple précaution. Ils n'avaient pas de vis à vis, et elle était privée. Ils pouvaient y aller.

-En garde! Parce que j'ai une idée! TECHNIQUE DU MORPION DESSINÉ SUR L'NOMBRIL!
-GIRL JUTSU! TEMPÊTE DE COEURS ROSES!
-HI OUGI! MAQUILLAGE DE PANDA!
-EX SKILL : LE MONOCLE DE RICHE!
-ESQUIVE!
-TRIPLE PEINTURLURATION DELUXE SKILL ULTRA PLUS!
-BAÏE! MAIS JE GAGNERAI! J'AI BIEN MIEUX!
-AH OUI?!?
-FINAL ULTIMATE LEGENDARY PAINT POWERED SUPER MAX JUSTICE MIRACLE HIT BIG BANG LITTLE BANG SUNRISING STARLIGHTING INFINITELY FABULOUS STRIKE... ATTAQUE!
-NOOOOOOOOOOOOOOON!
-YAAAA!
-AAAAAAAAAAH! PAS LES OREEEEILLES!!!!
-ET MAINTENANT, LE COUP DE... EEEH!
-C'ÉTAIT UN PIÈGE! ET MAINTENANT, TECHNIQUE DE GRIBOUILLAGE MORTUAIRE!
-AAARGH!! ERF!! TRAÎTRESSE!! ATTENDEZ QUE JE VOUS...

Deux enfants armés de pistolets à eau dans une piscine de boules en plastique, qui se seraient battus pour décrocher un an de jouets et de sucreries à volonté, auraient vraisemblablement été moins stupides, moins bruyants et moins salissants que ces deux là. Ils auraient duré plus longtemps, aussi : au bout de dix minutes d'idioties, Dogaku était mort, Evangeline à bout de souffle. Ils s'écroulèrent d'un même geste dans un tas de coussins, en manque cruel d'oxygène. Elle à plat ventre dans les poufs, l'autre complètement étalé sur le dos.

-Oh mon... dieu... qu'est-ce que vous... m'avez encore fait faire...
-Plus... respirer... hhhh...
-Et tout ça pour... pourquoi on a fait ça, déjà?
-Suis... hhhhhhhhh... mort...
-Ah, oui. Les traces de rouge à lèvres. Eh bien ça va semble stupide, mais... je préfère que les femmes de l'hôtel sachent à quoi s'attendre avec vous. Dans un environnement rempli de belles femmes fortunées et oisives, je marque mon territoire.
-C'est... débile... hhh...
-Complètement. Mais c'était amusant, non?
-Hhhhhhh... hhhh...
-... mmh. Vous devriez vraiment faire du sport. Là vous êtes... complè-te-ment tout mou... c'st vraiment inquiétant.
-Meuh, j'vais pas si mal que ça. Et puis lâchez mon ventre, ça chatt...

Dogaku grimaça en enserrant la main de l'autre, en train de lui tâter le nombril. Et puis, soudain, il sursauta et se rassit d'un coup. Prit sa partenaire par les épaules, et la retourna en direction du mur. De la fenêtre. Une grande vitre ornementée de boiseries travaillées, représentant des créatures marines et aériennes aux allures somptueuses. Ce qui les intéressait était toutefois, non pas de l'autre coté de la vitre, mais derrière les énormes draperies d'étoffes précieuses qui faisaient office de rideaux. Il s'agissait...

-PUTAIN MAIS QU'EST-CE QUE VOUS FAÎTES LÀ?!?

D'un homme.

Ou peut être d'une femme. C'était une grande figure frêle et encapuchonnée, dont la cagoule était ornée d'une pointe de tissu évoquant le bec d'un aigle. C'était le point commun universel d'un uniforme qu'ils connaissaient très bien, même s'il se déclinait abondamment en fonction de la personne qui le portait.

L'uniforme des assassins de l'Umbra, rien que ça.

-PUTAIN MAIS QU'EST-CE QUE VOUS FAÎTES LÀ!?!, répéta Dogaku.
-SIGURD!

Prit de cours, à cours d'options, l'homme se dégagea instantanément de sous la tapisserie pour se précipiter en direction des Luvneelois. À sa main, une dague qu'il lança prestement sur Dogaku. D'un geste miraculeux, l'autre étouffa le projectile dans un coussin.

-OOOOH...
-NON! ATTRAPEZ LE!! ÉCRASEZ LE!!

Sur cette commande, les chaînes de la sorcière se dressèrent sur l'intrus, l'empêchant d'approcher. Il recula avant d'être ligoté, tira de ses manches un pistolet. Et tira précipitamment, menacé par les chaînes, incapable de viser ; sa balle perdue termina au plafond.

-NAN MAIS IL DÉCONNE PAS!?
-JE VAIS L'AVOIR!
-NON MAIS FAUT...
-JE VAIS L'AVOIR TOUT DE SUITE!
-RECULEZ!

L'homme continua de s'écarter des tentacules furieux, cherchant à recharger dans la foulée. Haylor se rapprochait agressivement pour que ses rets d'acier le martèlent et l'encagent brutalement. Mais elle hurla de douleur lorsque Sigurd la tira furieusement vers l'autre bout de la salle, en direction de la chambre. La porte constituait l'unique goulet d'étrangelement dont ils pouvaient disposer, et c'était une impasse.

-MAIS LÂCHEZ...  
-ECOUTEZ MOI ET FAÎTES CE QUE JE DIS!
-NON!! ESPÈCE DE CRÉTIN DÉBILE, À QUOI EST-CE QUE VOUS...

Elle termina sa phrase, mais fut couverte par le son des vitres de l'appartement. Elles explosèrent à l'unisson, brisées par autant d'assassins supplémentaires qui débarquèrent en trombe dans le salon. Sigurd avait anticipé le piège, un seul tueur même entraîné était invraisemblable. Et ce n'était pas fini.

Haylor n'y croyait pas.

-QUOI?
-EMPÊCHEZ LES D'ENTRER! ET FAÎTES GAFFE À LA FENÊTRE!

Impossible de dire combien ils étaient. Evangeline mit le paquet, déployant au travers de la porte un rideau de chaînes qui claquaient furieusement dans le salon. C'était tout ce qui les séparait des révolutionnaires. Et aux cris que l'on pouvait entendre, ces derniers avaient eu la très mauvaise idée d'essayer de forcer le passage.

-SIGURD, QU'EST-CE QUE VOUS FAÎTES?
-J'PRENDS MES FLINGUES! OÙ SONT VOS COQUILLAGES?
-...

Elle ne répondit pas. Leurs assaillants venaient de se crier quelque chose, et elle n'avait entendu que la réponse. Elle se concentra sur eux.

"Tout de suite!".

Qu'est-ce qu'ils leur préparaient?

-HAYLOR! OÙ SONT VOS PUTAINS DE COQUILLAGES?!
-AU FOND DE LA VALISE ROUGE!
-Z'AVEZ DEUX VALISES ROUGES!
-CELLE SUR VOTRE GAUCHE!
-VOUS VOUS FOUTEZ DE MA GUEULE? LES DEUX SONT SUR MA...

Une autre vitre explosa. À quelques mètres d'Haylor, un tueur venait de passer la fenêtre, pistolet à la main.

Il n'eut même pas le temps de lever son arme qu'il s'écrasa déjà, éjecté par un balle de Sigurd.

-RHOO PUIS MERDE!

Le Luvneelois ouvrit rageusement les valises, balançant leurs contenus pour tout fouiller par terre. Ils avaient besoin qu'Haylor emploie ses dials, sinon ils ne pourraient que se barricader et finiraient par être cueillis. Et il devait faire vite.

-ILS PRÉPARENT QUELQUE CHOSE!
-EMPÊCHEZ LES D'ENTRER!
-MAIS JUSTEMENT, ILS N'ESSAIENT PLUS D'ENTRER!

Ce qui sentait mauvais. Complètement paniqué, Sigurd tira à trois reprises en direction de la porte. Les trois balles ricochèrent parfaitement jusqu'à l'autre salle, des cris lui indiquèrent qu'il avait percuté au moins deux assassins.

Il n'en saurait pas plus : un crépitement ininterrompu commença alors à chanter dans la salle. Trois secondes plus tard, cinq morceaux de chiffon agrémentés d'une mèche furent jetés par la porte dans leur chambre, au milieu de la pièce. Trois secondes de plus, et une fumée opaque englouti les trois quarts de leur refuge, continuant à s'étendre.

Et vu l'odeur du gaz...

-A PLAT VENTRE!! NE RESPIREZ PAS ÇA!!

Ça pouvait être toxique... peut être juste irritant. Ils devaient s'en prévenir, ne pas prendre de risque.

Evangeline savait déjà tout ça. En bonne sorcière pyromancienne, elle avait suivi toute une formation de pompier.

Elle avait le matériel, aussi.

Elle s'en servait souvent, et l'emportait partout.

-SIGURD, DONNEZ MOI MON MASQUE!!
-VOUS DÎTES QUOI?!
-DONNEZ MOI MON MASQUE À GAZ!!

Il le trouva tout de suite. Il était là, en évidence sur un tas de robes et de chaussures. Juste à coté d'un coffret en bois d'Adam orné de motifs irréguliers qui...

-EVA, J'AI LE COFFRET! J'AI VOS DIALS!
-ET LE MASQUE?
-ET J'AI AUSSI LE... Hhhhhh...

Sigurd s'étouffa, et toussa violemment, à genoux sur le sol. Le gaz des assassins. Il l'empêchait de respirer, lui étranglait les bronches. Alors, il rampa jusqu'à sa partenaire, le visage à hauteur des dernières gouttes d'air frais restées au ras du sol.

-Tenez.
-Et vous?
-Je fonce à la fenêtre.

Il ne fallu que cinq secondes à Evangeline pour enfiler l'objet. Sigurd se leva alors, sprintant à l'autre bout de la salle pour retrouver de l'air.

Une série de coups de feu retenti lorsqu'il passa la porte. Il cria de douleur, parti s'écraser contre le mur, mais se releva quand même. Ils avaient prévu le coup.

-SIGURD, ÇA VA?
-NON, JE DÉTESTE CETTE JOURNÉE! JE VOUS L'AI DIT, QUAND JE N'AI PAS DE FRUITS AU PETIT DEJ, IL S'PASSE TOUJOURS UN TRUC!
-MAIS ENFIN VOUS ETES DINGUE?! EST-CE QUE VOUS VOUS FICHEZ DE MOI?!? VOUS VOUS ETES FAIT TIRER DESSUS, JE SUIS MORTE DE PEUR, CE N'EST ABSOLUMENT PAS LE MOMENT DE FAIRE DES BLAGUES IDIOTES, ARRÊTEZ ÇA TOUT DE SUITE!!!

Un autre coup de feu la fit sursauter. Très proche. C'était Sigurd qui venait d'empêcher un autre révolutionnaire d'entrer par la fenêtre, caché dans le brouillard. Et maintenant qu'il était près de la fenêtre...

-À L'AIDE! Y'A DES MECS QUI ESSAIENT DE NOUS TUER, ÇA SERAIT CHOUETTE D'AVOIR DU SECOURS! J'RÉPÈTE, AU SECOURS, ON A DES ASSASSINS! ET PUIS DE TOUTE MANIÈRE ENTRE LA FUMÉE ET LES COUPS DE FEU Z'ETES DÉJÀ AU COUR... AH OUAIS C'EST D'LA QU'VOUS VENEZ?

Au travers de la fenêtre, il avait crié dans la cour, noyée sous la verdure. Avant de regarder vers sa gauche, et de voir la terrasse qu'utilisaient leurs assaillants pour les rejoindre. Entre cette terrasse et leur fenêtre, ils avaient installé un genre de tyrolienne. À l'autre bout, deux assassins qui le tenaient déjà en joue. Eux aussi furent abattus avant même d'avoir pu tirer.

Sigurd pesta après coup. Il n'avait plus qu'une balle, ses autres revolvers étaient dieu seul sait où dans cette purée de poids, et ses recharges coincées à l'autre bout de la salle de séjour, dans sa valise restée près de l'entrée. Il se sentait très mal. Les assassins étaient plus nombreux que ça, sûrement mieux équipés, et même s'ils avaient gagné du temps en s'enfermant ici...

Il tira rageusement sur le cable de la tyrolienne, explosant cette dernière, puis essaya de se rapprocher d'Haylor.

Leur seul espoir, c'était que quelqu'un vienne. Dans un hotel palace, il y avait forcément une sécurité digne de ce nom. Ca ne pouvait pas être autrement.

-Il faut les tenir comme ça. Y'a forcément de la sécurité qui va venir pour nous. On les maintient quelques minutes et...
-Personne ne va venir! Ils veulent juste nous tuer et ils vont bien finir par...
-Ben suffit de vérifier. QU'EST-CE QUE VOUS NOUS VOULEZ, PUTAIN?

Pas la moindre réponse. Les assassins se parlaient entre eux, mais n'avaient rien à dire à eux. Sigurd continua.

-OUAIS, J'IMAGINE QUE "RENDEZ-VOUS ET IL NE VOUS SERA FAIT AUCUN MAL" C'EST PLUS TROP UNE OPTION AVEC TOUT CE BORDEL, MAIS C'EST PAS UNE RAISON POUR...

Cette fois, c'est lui qui ne termina pas sa phrase. Une déflagration monstrueuse retentit, engoufrant dans les flammes toute la salle de séjour qui se retrouva noyée sous un déluge de boules de feu.

-PUTAIN QU'EST-CE QUE FAÎTES!?
-JE SAIS TRES BIEN CE QUE JE FAIS.

Avec ses dials en main, Evangeline avait tout simplement arrosé le mur qui donnait sur le salon. Avec ses flammes chimiques. Des flammes roses qui n'avaient rien de naturel, étaient infiniment plus dangereuses que ce qui se faisait d'ordinaire. Elles avaient rapidement fait fondre le mur, et en faisaient maintenant de même avec l'autre salle... et ses occupants.

Les hurlements qui se succédèrent suggéraient l'étendue du carnage. Ils étaient incendiés.

Les chaînes d'Evangeline s'agitèrent davantage tandis qu'elle passait la porte pour s'avancer dans la salle de séjour. Personne ne lui tira dessus, cette fois. En bonne partie parce que tous ceux qui avaient été en position de le faire étaient maintenant en train de cuire dans sa fournaise. Les autres se repliaient sur la terrasse, et c'est vers eux qu'elle avança.

Plusieurs grenades à fumigènes explosèrent autour d'elle, en vain. Son masque la protégeait. Mais ils étaient bien trop rapides, et grimpèrent sur les toits avant qu'elle ne soit à portée.

La sorcière gronda rageusement, les regardant partir en trépignant de les ligoter pour les broyer sous ses rets. Dix secondes plus tard, et ils avaient disparu. Ils étaient incroyablement agiles.

Ce n'est qu'à ce moment qu'elle décida de se retourner. Elle avait tant à faire. Contenir l'incendie... la blessure de Sigurd... prévenir le personnel... la police...

Mais ce n'était pas fini. Un coup de poing monstrueux lui crocha le visage, elle s'effondra à terre. Pendant qu'elle les chaissait, un assassin était resté dans la salle, caché dans l'incendie parmi ses frères brûlés vifs. Il la neutralisa d'un terrible coup de botte asséné sur le flan, lui piétina le visage, et dégaina sa lame qu'il plongea dans la gorge de...

-VOUS FAITES CA ET JE TIRE!

L'homme se retourna en direction de Sigurd, qui se tenait l'arme à la main, prêt à se servir de sa dernière balle. Et il n'insista pas. Il avait eu le temps de constater ce que pouvait faire Dogaku. Le Lunveelois pouvait l'abattre avant que lui-même n'exécute la sorcière, oui. Il tirait incroyablement vite. Mieux valait ne pas tenter ce coup tout de suite.

Au lieu de ça, il se permit une bravade.

-Vous savez... elle s'est fait cueillir par derrière, mais...  vous aussi, ça va vous arriver. Il va vous poignarder.
-Hein?

Dogaku aurait pu hésiter. Est-ce que c'était un piège? Est-ce que c'était sérieux? Mais ce n'était pas ça. Il ne fonctionnait pas comme ça. Il tira sur l'assassin avant de se retourner précipitement.

Derrière lui, il n'y avait non pas un mais deux agents de l'Umbra. Mais ils lui tournaient le dos. A l'autre bout du salon, il y avait les secours dont Sigurd avait parlé. De là où il était, Sigurd pouvait voir qu'ils étaient là depuis plus longtemps que ça. Les assassins avaient coincé la porte avec de lourdes pièces de mobilier doublées d'appareils complètement inconnus, posés à même la porte, qui en bloquaient l'ouverture.

Trois, puis quatre, puis deux gardiens s'engoufrèrent dans la salle, bravant jusqu'à l'incendie pour les rejoindre. Un assassin se rua sur Sigurd, tentant de l'égorger à la volée avant de prendre la fuite. Dogaku parvint toutefois à résister le temps de deux secondes, permettant aux agents d'abattre le tueur avant qu'il ne prenne le dessus.

L'autre n'avait même pas eu le temps de rejoindre la terasse. Il était déjà mort.

Les neufs membres de la sécurité les rejoignirent tout de suite, bravant les flammes qui régnaient dans le salon. Une femme s'adressa à Sigurd, essayant de le rassurer et de lui donner des consignes claires sur ce qu'il devait maintenant faire. Des informations limpides sur ce qu'ils allaient faire. Mais elle remarqua bien vite qu'il gérait lui-même sa tension, et n'insista pas plus.

Deux agents s'approchèrent d'Evangeline. Une femme vérifia brièvement qu'elle n'était pas blessée, puis entreprit de la porter. Un collègue l'assista. Trois autres portèrent leur attention sur les toits, qui n'étaient pas encore déserts. Loin de là.

Les cinq assassins restant étaient impossibles à rater, à parcourir les toitures et les murs comme des oiseaux dans le ciel. Ils avaient vu ce que leur petit rescapé venait de faire, et ils sentaient qu'ils avaient retrouvé leurs chances. C'était pour ça qu'ils avaient rebroussé chemin.

Maintenant que la sécurité était là, par contre...

Ils s'éclipsèrent avec la même agilité ahurissante qu'on leur prêtait si bien.
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Je le savais.
Son sifflement l'avait précédé et trahi. De sous les meubles, jaillit toute gueule ouverte un serpent d'un noir de minuit. Je bondis en arrière et manque de me prendre la table basse. Le reptile renchérit, siffle et mord de nouveau. Raté, ses crocs se plantèrent dans ma semelle que le venin commença à digérer. De l'autre pied, je tentai d'écraser la tête de ce saurien qui n'avait rien de naturel. Et comme prévu, une mutation s'opéra. Le mamba noir devint monstrueux, volumineux puis se mua en une créature chimérique, moitié inférieure serpentine, moitié supérieure de femme.

Un zoan.

La forme hybride du Serpent de Dentelle était deux fois plus grande que moi. Le sommet de son crane recouvert d'un voile raclait le plafond en plâtre. Avec sa queue, elle balaya le salon. Mobiliers, argenteries et verreries volèrent vers moi, dans une pluie de débris. Je répondis à cette diversion en toupillant rapidement. Et plus je gagnais en vitesse et mieux mes longs-bras réussissaient à brasser de l'air. En l'espace d'un battement de cœur, un tourbillon cinglant se forma autour de moi, repoussant les projectiles, les réduisant en milliers de micro-morceaux. Le Serpent de Dentelle n'en démordit pas et se jeta sur moi dès que j'arrêtai de tournicoter. Sa queue me fouetta à la l'abdomen. Puis...

- Tu ne penses pas que c'est un poil trop évident comme point faible pour t'y engouffrer ? "Il décélère, c'est le moment de lui porter un coup, il ne peut plus repartir pour se la jouer toupie", c'est ça que tu t'es dite ?
- Lâche moi ! Jet d'acide !

Son crachat corrosif frôla ma joue gauche et moi, je retenais toujours sa queue prisonnière de mes bras dopés au Retour à la Vie. Cette force éphémère me permit de la soulever, de tournoyer une nouvelle fois puis de l'envoyer embrasser la cloison. Avec l'inertie emmagasiné, elle défonça le mur porteur de la maison continua son trajet et s'encastra finalement dans la maison adjacente.

- Aïssa Amon Het, c'est donc vous le Serpent de Dentelle, marmonnai-je en reconnaissant dans la nouvelle forme humaine, le Lieutenant-colonel de la 4e Division d'Hinu Town. L'évasion de Triple H m'a fait soupçonner l'implication d'un haut gradé mais pas à ce point. Oh non ! C'est une très mauvaise idée ! fis-je, mon Wakizashi sous la gorge du Marine animée par l'envie d'en découdre. C'est terminé ma vieille, tu es à ma merci. On finit tous par tomber sur plus fort que soi.
- Tu veux quoi ?! cracha-t-elle de dépit.
- Causer. Et d'aventure voir si toi et moi ne pourrions pas devenir amis. Et par toi, je veux bien sûr dire, ton cartel, les Wraiths.
- Je suis les Wraiths ! Les autres, c'est que de la main d’œuvre !
- Alors lève-toi, il faut partir d'ici. Je suppose qu'effacer tout ça et trouver une explication officielle est dans tes cordes ?

Une demi-heure après, nous étions à l'aise dans un faubourg d'Attalia. Une escouade de Marines sous la houlette du Serpent s'attribua la destruction des maisons et l'expliqua par un combat avec des pirates fantômes. La Marine s'occupera de dédommager les retraités. J'étais dans la Ruche comme ils appelaient l'endroit, le QG du Cartel que dirigeait Amon Het.

- Comme je le disais à ce pauvre hère que j'ai torturé, tu manques d'application, Lt-Colonel. Deux semaines seulement m'auront suffi pour percer ton identité à jour, comparé à d'autres organisations que j'ai traqué, tu n'es rien. Lavoisier, le boss d'Ashura, il m'a fallu un an. Ce que je te propose c'est une collaboration.
- Ah, donc Loth Reich, le bras de la Justice sur North Blue n'est pas aussi clean qu'on le croit hein ? ironisa-t-elle.
- Je suis surtout un opportuniste et je me plais d'avoir un petit talent d'illusionniste qui me permet de ne montrer aux gens que ce qu'ils ont envie de voir. Le peuple de Boréa était dans la tourmente, entre les attentats d'Alrahyr Kaltershaft et les répressions toutes aussi sanglantes d'Edwin Morneplume. Ils avaient besoin d'un héros, j'en suis un. Ce que je fais de mes activités extra-héroïques ne les intéressent pas.
- Et c'est quoi qui t'intéresse ?
- Le pouvoir, les intrigues et l'argent. Et c'est le second qui m'a conduit ici. Tu as fait libérer Triple H.
- Possible.
- Je croyais qu'on jouait carte sur table ? Ne me force pas à utiliser les grands moyens.
- Genre ?
- Genre ça, fis-je en sortant de ma poche un objet ressemblant à un coquillage. Amon blemit légèrement en reconnaissant un audio dial. « Je suis les Wraiths ! Les autres, c'est que de la main d’œuvre ! » que répète l'instrument quand j'appuie sur le bouton lecture. Tu reconnais les paroles ? Ce sont les tiennes et c'est assez clair comme aveux.
- Je pourrais juste te tuer ici et tout ça va finir.
- Possible, si tu penses que tu feras mieux avec tes quarante gars que seule. Mais vous ne serez toujours que quarante-et-un. Moi, ce sont cent mercenaires plus entrainés que des Élites de base que j'ai amenés sur Hinu avec moi. Et l'un deux me suit en permanence à distance. Le reste n'est jamais loin.
- Tu bluffes !
- Alors teste-moi, attaque-moi, choisis la stratégie du pire si tu es prête à mettre ta vie et carrière en jeu, dis-je simplement.

La meilleure manière de bluffer est de ne pas bluffer.

- Pfff. Ouais j'ai fait sortir H de prison.
- Bon choix. Qui a commandité son évasion ?
- Aucune idée. Mes gars et leurs indics reçoivent les missions, encaissent l'argent et moi je fais en sorte qu'elle soit menée à bon terme. Un type leur a remis une enveloppe comme quoi il voulait qu'un zèbre nommé Triple H sorte de prison, il a payé au tarif habituel, H est sorti.
- Et le tarif ?
- Quinze briques.
- Quinze millions ? Ce n'est pas donné. Ils le voulaient vraiment alors.
- Qui ça "ils" ?
- Tu n'as pas lu le dossier de H avant de le faire sortir ?
- Si, je sais que c'est un contrebandier aux affinités révolutionnaires.
- Alors ? C'est sûrement ses amis qui ont commandé sa sortie. Ce qui signifie qu'il est important pour eux alors que je l'avais classé dans les petites frappes moi. Je veux aussi savoir pourquoi la Révolution emmagasine de la Dance Powder dans ce pays et ça doit te concerner aussi Amon Het ! Tu es Lt-Colonel ! En faisant bien ton boulot, personne ne te soupçonnera de malversations ! Comme moi à Boréa !
- Je fais bien mon boulot, merci.
- Donc où est H depuis qu'il est sorti ?
- ...
- A ta place, je l'aurais fait suivre pour le garder à l'œil. Tu as peut-être échappée aux affaires internes sur Grand Line en demandant une mutation dans ce trou paumé mais les gens n'y sont pas aussi bêtes que tu le crois ! Tu répètes les mêmes erreurs, tu gères tes deux vies avec trop de laisser-aller.
- Tu t'es pris pour mon père ?
- Non, uniquement pour quelqu'un qui a mal de voir tant d'opportunités gâchées par la suffisance. M'enfin, ce n'est pas là mon problème, c'est la Révolution. Donne-moi quelque chose que je puisse exploiter ! Tu diriges une organisation criminelle qui est membre d'un syndicat du crime sans compter que tu es le second plus haut gradé d'une garnison de quatre milles hommes. Tu as forcément quelque chose à me dire ! La révolution a des besoins et si elle ne peut pas acheter, elle doit voler. Il y a toujours une trace, aussi infime et insignifiante soit-elle !
- Elle a besoin d'eau, par exemple ? s'enquit-elle une main sur la bouche d'un air étonné après un moment de silence.
- Tout le monde a besoin d'eau. C'est peut-être pour ça qu'ils stockent la Dance.
- Viens, on rejoint la garnison.
- Pour ?
- Fouiner et faire une descente dans une possible planque révo'. C'est ça que tu veux non ?
- Pas vraiment. Je préfère travailler en solitaire.
- Pas question et cette fois-ci, je ne cèderai pas à tes chantages ! Je veux faire partie du coup. On m'envoie depuis deux mois des rapports sur des irrégularités dans la gestion d'un des châteaux d'eau de la ville. J'ai jeté les papiers en leur conseillant de vérifier leur truc que c'est surement une fuite, mais je ne sais pas, ta phrase me l'a rappelée.
- D'accord, c'est intéressant j'avoue. L'eau est un trésor ici. Mais quelqu'un pourrait vraiment voler de l'eau ? Tout à coup, j'ai une image bien tordante en tête.
- Je viens d'Alabasta, Reich. La guerre de l'eau a failli détruire notre nation.
- Sir Crocodile ? Laisse tomber, tu ne peux comprendre, cet homme avait du style.

[...]


Le château d'eau Sayil était le moins important des cinq terminaux d'eaux qui alimentaient Attalia en eau potable. L'édifice ressemblait à une espèce de sucette géante, une tour ronde et verticale à la base coiffée d'une construction parfaitement sphérique au sommet. Au pied de la structure s'étalait un petit complexe de bureaux d'où les ingénieurs veillaient à l'approvisionnement, à l'épuration et au dispatching de l'eau. On nous introduisit auprès du chef des lieux, un homme gras à la moustache hirsute.

- Qu'est-ce qui amène la Marine ici ?
- J'ai reçu une succession de rapports depuis deux mois environ.
- Ah ça c'est rien. Fallait appeler, pas la peine de vous déplacer pour ça. C'est réglé.
- Comment ça réglé ? En chemin, j'ai lu lesdits rapports et votre analyste estime que vous avez perdu 2700 m3 d'eau rien que le mois passé. Ce qui fait 2.700.000 litres soit la consommation mensuelle de 1000 personnes à Attalia.
- C'est pas rien.
- Certes, certes. Héhé. Mais personne a été lésé, les réserves stratégiques ont compensé la perte. C'était dû a un tuyau fuyant. C'est rien, vraiment. C'est rien. Vous pouvez partir tranquille Colonelle.
- C'est moi où il répète un peu trop souvent "c'est rien" ?
- Tu sens qu'il est anxieux aussi ?
- Ouais.
- Que cachez-vous directeur ?
- Bah rien. Je vous dis que tout va bien. Héhéh.
- Sortez-nous vos rapports de ce mois.
- L'état des réseaux d'eaux, c'est du ressort de la mairie et de l'adjoint au maire à l'eau et aux énergies.  
- Ça sonne comme un refus. Vous n'auriez pas le numéro du maire ?
- J'ai mieux, celui du Gouverneur de l'ile. Mais j'ai encore mieux.
- Impossible. Celui du Gorosei ?
- Non. Des menottes. Directeur Hubert, je vous arrête pour entrave à la justice du Gouvernement, association de malfaiteurs et collusion avec une entreprise révolutionnaire. Vous n'avez pas le droit de garder le silence, tout ce que vous ne direz pas vous sera arraché par la torture. Vous avez droit à une sépulture.
- Quoi ? Mais non !

Alors qu'elle se jetait sur le directeur ventru, la porte s'ouvrit à la volée. Dans l'encadrement, une jeune femme que je reconnus tout de suite comme l'analyste. Je ne l'avais jamais rencontrée mais tout en elle me rappela ma propre analyste personnelle, Aella. Elle nous raconta alors qu'elle avait envoyé les rapports parce que la direction refusait de croire ses calculs, faits que nous trouvâmes tout à coup très intéressants. Hubert fut menotté et trimballé devant tous ses employés par des Marines aux l'air solennels. Selon Diane, l'analyste, le problème n'avait pas encore été solutionné et la fuite demeurait.  

- La bonne nouvelle c'est que j'ai trouvé d'où vient la fuite ! dit-elle comme si les fêtes de fin d'années étaient arrivées avant l'heure. Ici, à Hijr, c'est zone du désert adossée à West Blue. L'un des oléoducs qui alimente le château d’eau passe par là, dit-elle en indexant un point sur une carte topographique de l'ile.
- Des pipelines ? Je croyais que l'eau d'Attalia vient de l'oasis éponyme tout près ?
- Ça c'est ce qu'on dit au gens depuis une génération. La vérité c'est que l'oasis et ses nappes phréatiques sont à sec depuis longtemps. L'oasis est maintenu tel quel uniquement parce que d'autres châteaux y injectent de l'eau. C'est un mirage soigneusement dessiné pour ne pas dire à la population que l'eau dont ils ont besoin provient en fait du fin fond du désert, via des oléoducs. C'est aussi un moyen d'assurer la sécurité du transport, pour pas que des gens viennent voler directement sur les pipelines.
- J'avoue que moi-même j'étais pas au courant de ça. Les voleurs auraient donc ponctionné l'eau directement au tuyau ?
- C'est ce qui s'appelle s’approvisionner à la source.
- On va aller voir sur place.
- Merci pour votre travail Diane.

J'adorais les analystes qui me facilitaient la vie.

[...]


Nous chevauchions à vive allure à travers le désert. Épaulant Amon Het et moi, un peloton de cinquante Marines à dos de chameaux ou de chevaux. Deux mille sept cent mètre cubes d'eau, c'était vraiment beaucoup et on se demandait tous ce qu'ils pouvaient faire d'une telle quantité. Au moins étancher mille personnes ou juste... vendre de l'eau ? Aucun de nous ne voulait considérer cette possibilité qui restait la plus évidente. Ils siphonnaient peut-être juste de l'eau pour en vendre à des nomades isolés dans le désert. Quant au directeur Hubert, il fut envoyé à la garnison pour un interrogatoire musclé même s'il continuait de brailler son innocence. Nous arrivâmes au kilomètre soixante-quinze nord-nord-est qui marquait l'endroit où Diane nous avons montré. Nous ne mîmes pas longtemps pour le retrouver. La terre avait été creusée jusqu'à l’oléoduc puis un gros rocher installé au-dessus du trou pour en masquer l'entrée. Les voleurs avaient également posé une vanne reliée à un tuyau d'arrosage sur le pipeline.  

- De quoi se servir tranquille. Mais y a rien là, juste des sables et des pierres, dit-elle en promenant son regard aux alentours.


- De la fumée ! Là-bas, à six heures !
- J'aime pas ça, ils sabordent tout ! Ils se cassent ! Vite !

Nous enfourchâmes nos montures et fusâmes sur les lieux. Trop tard, la grande partie avait eu le temps de brûler et les locataires s'étaient enfuis par la mer.  Nous ne trouvâmes que ruines et calcinations. Mais pas totalement. De ce qu'il restait de leur installation, je pouvais affirmer qu'il s'agissait d'une sorte de serre ce qui expliquait le besoin en eau. Ils avaient emportés la plupart des plants à la hâte. Soit l'oléoduc était surveillé, soit nous nous étions gourés sur le directeur. Quelqu'un d'autre les avait avertis de notre arrivée. C'était une erreur de l'arrêter et de le trainer devant ses employés.
Dans les décombres, les Marines trouvèrent ce qui m'intéressait.

- C'est de la Dance Powder, dis-je en tâtant la poudre verdâtre retrouvée dans un sachet qui échappa miraculeusement aux flammes. Attends, j'ai de quoi savoir si c'est la Dance d'Ashura, susurrai-je en sortant un flacon de mon sac en bandoulière. Ouais, c'est de la Dance 100% Ashura.
- Parce que ta solution est devenue violette quand t'as mis la poudre dedans ?
- La Dance estampée Ashura est particulière, la formule a été inventée par Lavoisier lui-même. Elle se distingue des basiques sur le marché par sa forte teneur en argent que cette solution met en évidence avec cette teinte violette.
- Okey.
- Colonelle, j'ai trouvé ça.
- Ce sont des photos. La plupart sont noircies et brûlées.
- Attends, donne-moi celle-là.
- Tu connais ce blond et l'autre asperge ?
- Ouais, de renom. Ce sont des co-océaniques à moi.
- North Blue aussi ?
- Luvneel, Norland, plus précisément. C'est Sigurd Dogaku et sa sorcière. Pourquoi y a-t-il cible dessinée au feutre sur les visages ?
- Oh putain, y a un truc écrit derrière. "Palace Escoffier, Suite Al-Charif."
- Est-ce un contrat ?
- Oh non...
- Quoi ?
- J'ai vendu à un client la liste des réservations pour les deux prochains mois de tous les palaces d'Attalia qui peuvent accueillir le train de vie exorbitant, dit-elle à voix basse.
- Sérieux ? Et tu ne t'es pas demandée ce qu'ils allaient faire avec ? D'ailleurs comment tu as eu ces infos ?
- Tu serais étonné de savoir ce qu'on peut obtenir avec mon grade.
- Franchement, va falloir qu'on parle de tes clients un de ces quatre ! Soient ils visaient Dogaku en particulier, soit ils ont un éventail de personnalités pour cible, ce qui épaissit davantage le mystère. Nous devons y aller.
- Je te suis.

Mais à peine avions-nous fait quelques pas qu'une puissante odeur nous viola littéralement l'odorat. Continuant de fouiller les décombres, les Marines tombèrent sur une fabrique à fumier où le principal intrant était... un cadavre. Humain. Un mouchoir sur le nez, nous nous approchâmes et sans difficulté, je reconnus la charogne de celui que je cherchais. Peu d’individus mesuraient quatre mètres de haut dans cette ville et aucun n'était manchot de la main gauche. Je n'avais aucun doute, c'était bien la dépouille de Hamid Hamoud Hassim alias Triple H. Quelqu'un s'était donné la peine de payer quinze millions pour le faire évader de prison pour ensuite l'éliminer et s'en servir comme engrais naturel.

Je ne connaissais pas cette personne mais déjà, j'aimais son style.
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C'était peut être quatre ou cinq heures qui s'étaient écoulées depuis leur incident. On les avait tout d'abord conduits à l'infirmerie, où un médecin affilié au palace les avaient auscultés tour à tour. Sigurd avait eu de la chance : deux des trois balles qui l'avaient atteint avaient touché sa cuisse, et ripé sur le tissu de son pantalon sans pouvoir le percer. Il avait deux énormes bleus à cet endroit, sa jambe assomée lui faisait horriblement mal, mais il était indemne. La troisième était d'un autre modèle, sphérique non perforante. Elle l'avait eu au torse, juste en dessous de la clavicule gauche, sans pénétrer au delà de la surface de ses chairs. Mais celle là lui avait entrouvert un tout autre univers de douleur, il en grinçait encore.

Evangeline était essentiellement indemne, pour peu que l'on ignore ses pommettes tuméfiés, gonflées de sang, témoins de la série de crochets assénés par le tueur. Même au travers du masque, elle avait prit ses coups. Et les pires qu'elle avaient reçu avaient été portés à son moral. Plus assombrie que jamais, complètement sous le choc de l'attaque, elle portait ses compresses et se murait dans le silence. Protégeant son repli, Sigurd prenait le relai et se chargeait de tout. Elle restait alitée, lui assis sur un pouf, à jouer les chiens de garde.

Ils se trouvaient maintenant dans un genre de salon privé, sous haute surveillance. Des soldats de la marine s'étaient ajoutés au personnel du palace pour assurer leur sécurité ; d'autres équipes avaient investi les abords de l'hôtel, à la recherche de l'Umbra ou de simples traces de leur passage. Ils allaient faire chou blanc.

Une troisième équipe enquêtait dans la suite Ad Charif, bataillant pour obtenir des infos à partir des cadavres et de leur équipement. La sorcière et ses flammes ne s'étaient pas souciés de laisser des indices exploitables.

Et dans le reste de l'hôtel, on s'efforçait d'informer les clients en minimisant le coté dramatique... sans créer la panique.

Un scandale au palace Escoffier ; ils ne voulaient pas de ça. Ce qu'ils devaient maintenant faire, c'était collaborer au maximum avec les autorités, et se féliciter que rien de funeste ne soit arrivé à leurs clients.

Essayer de prendre soin d'eux, également.

-Est-ce que vous avez faim?
-Je ne veux rien manger.
-Il n'y a pas de poison, insista leur gardien.
-Ça, c'est...

Dogaku hésita. Ca, c'était à lui d'en juger. Et après ce qui venait de se passer, il en était certain : tout pouvait arriver.

-J'ai juste vraiment pas faim, mentit-il.
-...
-...
-Comme vous voudrez. Et vous?

Haylor refusa d'un simple signe de tête. Un geste mollasson. Sentant son peu d'entrain, elle cru bon de rajouter:

-C'est gentil. Non merci.

Un murmure peu audible, distant. Elle lui tourna la tête.

-Bon...

Grégory, de l'équipe du palace Escoffier, s'écarta de ses deux protégés. Il faisait partie des rares personnages que les deux Luvneelois toléraient auprès d'eux sans se sentir brusqués. En bonne partie parce qu'il faisait partie de la sécurité de l'hôtel, qu'il était venu à leur secours dans la suite, et que Sigurd l'avait vu abattre un assassin qui tentait de le tuer.

Forcément, il avait du crédit. Mais même comme ça, ils restaient sur leurs garde. Greg les sentait nerveux. Ils avaient discuté, lui avait fait de son mieux, mais ils devenaient complètement paranoïaques.

Les Luvneelois avaient déjà eu à se battre. Ils avaient déjà été attaqués, aussi. Mais ç'avait toujours été parce qu'ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment, ou parce qu'ils s'étaient lancés sur la trajectoire de quelqu'un qui voulait du mal à quelqu'un d'autre ou autre chose qu'eux.

Cette fois, ça n'était pas dans ce genre. Sigurd et Grégory s'étaient suffisamment retournés sur le sujet pour être convaincus d'une chose : on en voulait à eux. Pas pour les capturer, pas pour les rançonner. Juste pour les voir morts.

Ça n'était pas normal. Forcément, Haylor et Dogaku étaient sous le choc. Se sentaient menacés. Une dizaine d'assassins, rien que pour eux. Avec des armes à feu, des fumigènes, encore plus d'équipement. Frappant dans leur hôtel. Des révolutionnaires. Ils avaient les moyens. Ils étaient invisibles. Pouvaient être n'importe qui, et allaient revenir. Avec ce qu'ils avaient mis comme moyens sur le coup, il en était certain : ça n'était pas fini.

Tout le monde semblait d'accord. Même l'officier de la marine dépêché à l'hôtel pour mener son enquête. Hikari Haruno, commandant de la marine. Un homme qui faisait très mauvaise impression à Sigurd. C'était un combatant, certainement une figure inspirante, mais rien d'autre. Il le sentait comme ça. Et vu les circonstances, il serait inutile.

Hikari Hurano
COMMANDANT AU GRAND CŒUR
Hallali à Attalia Hikari10

-Reste toujours LA question pour savoir quoi chercher. Quel était leur motif pour faire ça?
-Ben en fait moi aussi j'voudrais beaucoup savoir.
-Vous n'avez pas d'idées? Une raison pour laquelle ils vous voudraient du mal?
-Si, j'en ai plein mais je ne vous dis rien parce que c'est lié à mes parts de marché dans le milieu de la contrefaçon de katanas chikarates et que je serais vraiment embêté si la marine se mêlait de mes commerces illégaux, déjà que les impôts ont bouffé les ratios d'mes boutiques de façade...

Sigurd était blasé par cet homme. Ça n'était pas en suivant les recettes d'un roman policier que le marine leur ferait quoi que ce soit. Ce n'était qu'un bourrin. Qui le bassinait en vain, pour la troisième fois, depuis maintenant une demi heure, alors qu'il était mort de fatigue. Haruno était certainement rempli de bonnes intentions, sans doute digne des éloges qu'on lui prêtait, mais très loin de ses zones de confort. On leur avait dit de lui qu'il était l'un des meilleurs officiers de toute l'île. Et il semblait ne même pas remarquer comme il était perdu dans cette histoire.

On le connaissait pour ses talents de sabreur, de leader, mais certainement pas d'enquêteur.

-Hein?, fit le marine.
-Rien. Juste une blague. Qu'a l'air d'vous dépasser. Oubliez. Pas d'idées sur pourquoi.

Le commandant le considéra longuement, suspicieux. Lui non plus, n'aimait pas Dogaku. Les riches marchands qui se font des enemis en trempant dans des eaux crapuleuses étaient monnaie courante, que ce soit dans les récits ou dans les retours d'expérience qu'il avait pu avoir. Il suffisait de passer en revue les demandes de quête des agents du CP pour en être convaincu. Maintenant, Dogaku venait de nier le cliché, mais... il ne savait rien de lui. Et plus le temps passait, plus le Luvneelois lui semblait désagréable. Il ne transigerait pas.

-Vous n'avez pas d'ennemis? Des gens qui vous voudraient du mal? Des concurrents sur Hinu?
-Étant donné que j'ai pas dû passer plus de trois mois cumulés de ma vie sur les îles de West Blue et que j'suis pas venu sur Hinu depuis un an... nan, ça doit pas.
-Des ennemis sur Luvneel? Qui profiteraient d'un déplacement quelconque pour se débarrasser discrètement Dr vous?
-Que des gens qui voudraient que je les rejoingne, personne qui veut me tuer. On doit être le meilleur truc qui soit arrivé au pays pour les cinq dernières années -y'a écrit gros connard arrogant sur mon front pour info- peu crédible qu'on cherche à nous bousiller. Pis on a jamais rien fait sur moi sur Luv'. Enfin... jamais des trucs comme ça, quoi.
-Comment ça?
-M'trucider?
-Non, non. "Jamais des trucs comme ça", vous avez dit. Ça veut dire qu'on vous a fait autre chose?
-...
-Je me trompe?
-...
-Sigurd!
-Les révos et les CP se sont dits que ça serait fun de nous espionner, expliqua simplement Dogaku. Ils nous tournent souvent autour. Vous avez pas idée du nombre de mecs qui se sont baladés sur notre toit.
-Les CP?
-Je croyais qu'on parlait des révos?
-Les CP?
-Rhooo. Ca doit être l'acronyme pour Connards de Première. Au début ils croyaient que j'étais un révo -on peut visiblement pas râler après la marine qui démoi nos baraques sans se manger un label anarchiste- et maintenant ils veulent juste savoir ce que je fais.
-Les CP vous surveillent!?!
-Ouais. Est-ce que ça fait pour autant de moi un dangereux terroriste en puissance que vous devez obligatoirement regarder avec un air et un ton aussi agressif?

Le commandant le fixa ardemment. Cette fois, ses yeux étincelaient de méfiance, et criblaient son interlocuteur de rayons X qui l'analysaient dans ses moindres mouvements. Alors, Sigurd cru bon de préciser :

-Ouais. Ils doivent se dire qu'on a dû devenir riches en récupérant le trafic d'esclaves du terrible Savarlast, un pirate qu'on a kické le jour où on voulait se farmer des navires. Alors forcément, ils essaient de nous pincer. Mais ils y arriveront pas, parce que j'dis tout une tonne de conneries et que si vous voyiez votre tête, vous diriez que c'est moi le méchant, dans cette histoire. Non, je ne suis pas un bonhomme à farmer pour se faire une médaille MRO très facile, oubliez. Ni une pacification, je suis pas un révo. J'crois qu'ils viennent de vouloir me tuer.
-...
-... je blaguais. Savarlast était un pirate vraiment cool, pour le coup. Son équipage tenait plus du rassemblement de réfugiés politiques harcelés par le GM que de méchants pirates, et certainement pas des esclavagistes. Bon, il avait toujours ce coté anarcho-torpilleur qui faisait qu'on pouvait décemment pas apprécier qu'il s'en prenne aux marchands -on aime bien gagner dignement notre vie, et on donne du boulot à plein d'gens- mais c'était un chouette type dans le fond. Dommage que ces gars aient un parcours moisi et que pirate soit assez à la mode pour être considéré...
-...
-Bref. Je suis un mec qui fait bouger beaucoup de monde sur Luvneel. Rien que pour ça, le CP me surveille. Ce qui est une forme de curiosité préventive très intelligente de leur part. Et très chiante pour ma part. Mais je suis adorable. Pas mafieux, dangereux ou dans l'genre. Vous pouvez arrêtez de me jeter ce regard.
-Vous pourriez arrêter de me prendre pour un con?
-Pas quand on tourne en rond dans un blabla useless pour la troisième demie-heure alors que je suis pété de fatigue, que mon amie est en crise traumatique et qu'on a une putain d'grosse orga d'assassins sur le dos. Désolé d'être infect, mais y'a un mec qui a réussi à arriver dans notre salon, derrière un rideau, sans qu'on ne se rende compte de rien alors qu'on était en train de chahuter comme des mômes depuis cinq bonnes minutes dans la salle. On l'aurait forcément vu. Je pige pas comment il est arrivé là. Je pige pas comment on l'a pas vu. Je pige pas non plus comment j'ai eu du bol pour le voir au final. Il se serait téléporté, c'aurait été pareil. Ils sont extrêmement bons, ils peuvent globalement être n'importe qui, et ils peuvent se pointer à n'importe quel moment pour venir nous lourder. Forcément, je m'méfie. Les erreurs, c'est une fois, jamais deux. Je comprends que vous allez faire tout ce que vous pouvez pour essayer denous aider, merci beaucoup. M'a priori si vous avez jamais réussi à basarder la révolution ou rien que ces types sur Hinu Town, vous allez rien pouvoir faire de plus. Et en ce qui me concerne, n'importe lequel de vos soldats peut être un assassin infiltré qui n'attend qu'à se retrouver à portée pour nous suriner proprement. Du coup mon plan est simple : je ne dors pas tant que cette histoire est finie.
-...
-Oui, c'est complètement débile, 'bsolument. J'attends juste que la miss se sente mieux, elle a déjà fait deux siestes, ensuite on se relaiera. Pour le moment, s'moi qui veille. Du coup je vous ai dit déjà globalement tout ce que je sais, alors plutôt que de tourner en rond, j'préfèrerais morfler en silence. Au moins pour le moment. Promis après une bonne longue sieste, je pourrais...

On frappa à la porte. Furent alors introduits une marine, aux galons d'officier supérieur, escortée d'un autre homme aux bras vraiment énormes. Incroyablement longs. Même avec la large bure qu'il portait -un boubou en bazin aux motifs jaunes et bruns, pour être précis- on les voyait très bien.

Il avait des lunettes, également. Ca devait être important. Pour Sigurd, c'était plus un coup de grâce, de les voir arriver. Il grommela à leur vue, mais reprit la parole.

-Bweeeh, naaaaaaaaaaaan, pitiééééééééé. Moi qui voulais la paix. Erf. Enchanté, annonça-t-il aux autres. C'est gentil de passer nous voir et de nous apporter des cadeaux, on se sentait très tristes et seuls. Les fleurs en cadeau pour la miss j'mets un gros veto dessus, les chocolats on les partagera avec vous parce que c'est plus sympa et que je veux pas prendre de bide et... eeeeeet... vous ressemblez beaucoup à quelqu'un que j'aurais déjà vu, mais j'vous ai jamais vu, désolé. Ça doit être les lunettes et les cheveux, et j'dirais très surtout les lunettes. Votre nom?

Il s'adressa à l'homme, au Long Bras de North Blue, qui venait d'arriver. Ce dernier ne sembla pas s'offusquer du sale ton de Sigurd, ni de son ignorance. Il pu voir en tout cas que la femme, la sorcière ou l'asperge, comme avait dit Aïssa, avait su le reconnaître. Et l'étudiait à fond.

-Loth Reich. Et j'ai déjà beaucoup entendu parler de vous.
-Oh, ça me parle. Ca me parle beaucoup. Pas trop dans les détails, mais en réput' globale... enchanté, 'ffectivemment. Très beau score.

Il l'observait un peu, notamment sa tenue adaptée à la mode locale qui brillait en réponse aux temps chauds. Reich avait poussé la chose jusqu'à s'équiper d'un cheich, ces longs turbans enroulés tout autour de la tête pour se protéger du soleil. Le sien était rabattu sur les épaules. Des épaules qui débouchaient sur des bras incroyablement longs. Dogaku n'avait jamais rien vu de tel. Forcément, le deuxième coude de chaque bras l'intriguait énormément. Et cette façon qu'avait l'autre de croiser les bras... impossible.

Pour autant, il avait davantage l'air amusé qu'atre chose. Peut être par son comportement. Ou bien par l'allure générale de Sigurd, encore marqué et bariolé de marques de rouge à lèvres sur tout le visage. Il n'avait même pas prit le temps de se laver, contrairement à Haylor. Elle avait pu prendre une douche tandis qu'il campait machinalement devant la porte, s'attendant parfaitement à voir débarquer un assassin à la seconde où il baisserait son pantalon pour s'asseoir sur le trone des toilettes.

-Ce qui ne me dédouanera pas de me présenter moi aussi comme un grand, ma maman m'en voudrait autrement. Sigurd Dogaku. Et mademoiselle Haylor. Elle est encore sous le choc, donc je fais la discut'. J'suis moins intelligent et pas d'très bonne humeur, je ressemble à un gros plouc vu que j'ai pas eu l'temps d'me laver, mais faudra faire avec. Bienvenue dans ce moulin où tout le monde peut entrer tranquillement! Vous voulez?
-J'ai appris que des troubles venaient de frapper l'hôtel, ça m'a rendu curieux. Encore plus s'il s'agit de révolutionnaires, ça n'est pas trop leur genre. Dernière pierre à l'ensemble, qu'on s'en prenne à mes co-maritimes, et alors... je viens voir ce que je peux faire.
-Vous allez nous aider?, lui demanda Evangeline.
-Si j'en ai les moyens, certainement.
-Vous en avez les moyens?, remit en doute l'autre.
-Je crois que j'ai fait mes preuves.
-Mmmmh. Pourquoi ç...
-Sigurd.

Il tourna le regard vers sa partenaire. Apparemment, l'arrivée de Loth Reich l'avait remise d'aplomb.

-Il a une -excellente- réputation. Ca peut être une idée.
-J'ai aussi commencé à récupérer des indices, glissa le Boréalin en tirant d'une sacoche leur portrait encadré d'un trait rouge.
-Et vous sortez ça d'où?
-J'ai les antennes très longues. Et Aïssa aussi, compléta-t-il en tendant le bras vers la lieutenante.
-Lieutenante colonelle Aïssa Hamon Heit, précisa la jeune femme.
-Euh... bonjour à vous aussi. Ouais, donc l'image... eeeeh, c'était la fois où on a posé ensemble après tout Panpeeter, pour le journal! Z'avez vu?
-...
-Pffff... Pas le moment?
D'où est-ce qu'elle sort, cette photo?
-Un cadavre, expliqua tranquillement le long bras.
-Oh putain. Moi qui voulais dormir. Maintenant chuis curieux.
-Je m'en charge. Vous pouvez vous reposer.

Vraiment remise d'aplomb. Elle s'était relevée, et lui cédait sa place.

-Donc vous lui faîtes confiance?
-Oui.
-Mmmmmnnnnngh... j'dis okay, ça me va. Mais on reste PRUDENTS, et personne nous approche à deux mètres de distance, c'est compris?
-Bien noté.


Et sur ce, il prit place sur un lit de la loge, tira tous les rideaux, se cogna contre le mur et pesta bruyamment en le faisant, puis devint silencieux. Même pas vingt secondes plus tard, il dormait lourdement.


Dernière édition par Sigurd Dogaku le Ven 29 Juil 2016 - 16:04, édité 1 fois
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- Alors ?
- Elle pète la forme ! Lady Gwent visitait juste les ruines de la nécropole d'Al-Sheintan. Sacrée vieille peau qui m'a fait courir une heure dans le désert ! fulmine Aïssa.
- Les équipes du commandant Hurano on sécurisé le Vicomte de Yellowaters ainsi que l'héritière de l'empire financier Underwood sans oublier Arabella Joliflocon, Marquise de Black-Ice. Ils étaient cinq à figurer sur ta liste de gens aux revenus exorbitants ayant réservé des palaces à Attalia. Liste que vous avez vendue à des gens non identifiés il y a deux semaines.
- Merci de me le rappeler.
- Parmi eux, seul Dogaku a été attaqué, et pourtant, certains comme Lady Gwent sont ici et se baladent sans gêne depuis huit jours. Dogaku vient juste d'arriver. Il parait assez évident qu'ils n'en veulent qu'à lui.
- C'est un homme d'affaire et on sait tous les deux qu'ils peut avoir des dossiers louches. Faut lui demander ce qu'il est venu foutre ici.
- Quand ils se réveilleront.
- Quoi ? Mais ça fait deux heures !
- Je ne me sens pas bien quand personne ne cherche à me tuer pendant une semaine, d'autres supportent ça beaucoup moins. Il y a deux autres choses qui me turlupinent.
- H ?
- H. Pourquoi quelqu'un irait débourser quinze millions pour faire sortir un type dans le seul but de le tuer ? Il aurait pu engager quelqu'un en prison.
- H était à l'isolement, dans le quartier de haute sécurité.
- Ça ne vous a pas empêché de l'exfiltrer.
- Ça c'est moi. Il était intouchable pour un profane. Mais j'avoue qu'il faut vraiment vouloir sa mort pour faire ça.
- Sa mort ou sa parole. Perso, si je claque autant de fric pour faire sortir quelqu'un de prison, c'est sans aucun doute parce qu'il détient une information qui vaut de l'or. Ses tissus mous sont trop dégradés par le processus de décomposition pour me permettre de faire une analyse, mais il est possible que H ait été torturé avant d'être tué.
- Ça semble plus logique. Mais, t'as dit qu'il vendait la Dance aux révos. Donc, ils sont potes, plus ou moins. Qu'est-ce qui leur a fait pour mériter ça ? Ou plutôt, quelle information détenait-il et la révolution, non ?
- Si je savais... La seconde chose qui est sans réponse c'est ce qu'ils foutaient dans cette serre. Des révolutionnaires qui font du jardinage, c'est bizarre et je n'aime pas cette idée.
- Surtout quand ils mettent des macchabées comme engrais. Ah tiens, voilà l'intello.

L'intello, c'était Simons le chef de la Brigade Scientifique d'Hinu Town. Dans leur fuite précipitée, les révolutionnaires n'avaient pas pu embarquer tous leurs plants. Le feu en avait dévoré une bonne partie mais ceux qu'on trouva intacts furent envoyés chez les scientifiques pour analyse. « Y a diverses plantes dans l’lot » fit l’Ingénieur-en-chef d’une voix pincée. « On trouve d’divers espèces d’cactus, de l’aloès également, du Lis des Impalas, des plants d’arbres bouteilles, des agaves aussi. Bref, un tas d’plantes succulentes connues pour vivre parfait’ment dans l’désert, » fit-il en nous regardant intensément comme s'il s'attendait à des applaudissements. Après dix secondes de blanc, il reprit : « Tout ça c’est intéressant mais ça ! Ça ! C’est passionnant ! » déclare-t-il de manière théâtrale en exhibant un tube en verre contenant une matière calcinée.

- Simons ! Si j'en viens à vous demander de quoi vous parlez, je fais muter votre cul dans la plus reculée de nos bases du Frozen Continent, compris ?! Crachez le morceau et arrêtez ces simagrées !
- J'voulais juste mettre d'l'ambiance. Sinon, m'dame, m'sieur, ceci est une plante incroyablement rare. D'son nom scientifique, Rhizocarpon devorator rimor.
- Vous êtes sérieux ? Du LVE ?
- Sans dec ? Vous connaissez ?
- Et comment ! Il n'y a aucun risque de contamination ?
- Non, ceux-là sont bien grillés. Mais c'n'est même pas la même souche qu'l'originale. 'tain, même mes meilleurs subordonnés savaient pas c'que c'tait. Vous savez comment ?
- Je n'oublie jamais rien, je lis vingt mille mot à la minutes*, une bibliothèque en une journée. Et j'adore me documenter.
- Sérieux ? Vous voulez vraiment que vos deux culs se retrouvent dans le Nouveau Monde ?!
- Oups, pardon. Ce dont il parle est proprement ahurissant. Et c'est drôle que vous évoquiez le Nouveau Monde parce que c'est là où se trouve l'habitat originel de cette plante. Enfin, se trouvait. C'est une espèce de lichen. Vous connaissez ?
- Ouais, ces merdes qui poussent partout comme des mousses non ?
- Pour être tout à fait juste, les lichens sont pas des mousses mais plutôt nés d'la symbio...
- La ferme Simons ! Reich, tu m'dis ?
- Le lichen de l'espèce Rhizocarpon devorator rimor provient d'une île du NM qui a été buster callée par la Marine. En fait, ce fut le tout premier buster call de l'histoire, destiné à non pas éradiquer des humains menaçant le GM mais une plante. Du lichen.
- Quoi ? Ce truc ?
- Son nom scientifique veut dire "Lichen Vorace Explorateur". LVE. Les premiers colons à avoir foulé l'ile originelle des LVE ont inspiré les spores de ce lichen qui s'est mis à se développer dans leurs poumons puis sur leurs peaux.
- Dégueulasse.
- Naturellement, ils ont cherché une assistance médicale sur des iles plus civilisées en ignorant qu'ils importait par la même occasion une bombe végétale dans le monde des humains. On estime à près d'un million le nombre de personnes ayant succombé à cette profusion de lichen.
- Woh woh woh ! On se calme ! fit elle en s'écartant précipitamment de l'ingénieur et de son tube. Ce truc, cette mousse a tué une brique de gens ? Pourquoi j'ai jamais entendu parler de ça ?
- Ça s'est passé y a 600 ans.
- Ah !
- Il y a normalement 21% d’oxygène dans l'air ambiant. A cause des bizarreries de Grand Line et du NM, l'atmosphère englobant l'ile des LVE ne contenait en fait que 2% d'oxygène. Il n'y avait aucune vie dans cette zone et sur l'ile à par cette mousse que les colons ont inhalé même à travers leurs masques à gaz. Dans les poumons super oxygénés des humains, elles ont commencé à se procréer à vitesse grand V. Et ça été pire une fois que les colons sont sortis de la zone d'influence de l'ile. De l'oxygène en surabondance. Pour les LVE, ce fut la méga-orgie du siècle. Ils parasitèrent les humains et les animaux jusqu'à saturer leurs poumons ; ils colonisèrent les villes les transformant en une immense forêt de mousse ; ils étouffèrent arbres et forêts ; ils décimèrent la vie sous-marine en proliférant dans l'eau et en en consommant l'oxygène. Pour ma part, c'est la seule période de l'histoire où je suis certain que sans l’œuvre prompt du Gouvernement Mondial, on aurait sans doute assisté à l'extinction de la race humaine.
- Comment ils ont arrêté cette saleté ?
- La politique de la terre et de la mer brulées. Les bombes incendiaires consommaient l'oxygène et ralentissaient leur progression. L'invasion a duré un an à peu près et la zone de quarantaine comprenait une dizaine de royaumes dont les civilisations contaminées et menacées par cette plante ont été buster callées pour empêcher le mal de se répandre. C'est à partir de là qu'est née la tradition du buster call en fait. Une pluie de feu pour éteindre le mal.
- J'ai jamais songé a demandé quand ça a commencé. Mais du coup, cette saloperie fait quoi à Hinu ? Ça a été éradiquée non ?
- Officiellement oui. Mais c'était une telle bombe biologique que ça ne m'étonnerait pas que le GM en ait gardé des échantillons pour étude. Tant qu'on le garde dans une atmosphère où l'oxygène est rare, c'est une plante comme les autres.
- Ça ne nous dit pas ce que des Révos foutent avec ça ! Ils pourraient lâcher ce truc dans le royaume ?
- Je ne vois pas trop à quoi ça leur servirait vu que ça tuerait sans distinction. Mais Simons a dit que ce n'était pas la souche originelle. En quoi notre lichen diffère de la vorace ?
- Et bien, au microscope, la coupe assimilatrice d'ce lichen est très différente d'celle du LVE. Faut savoir que cette couche, c'est l'poumon du lichen quoi. Chez le LVE, les c'llules de la couche sont immenses, pour accumuler l'max d'oxygène possible alors que chez les autres espèces d'lichen qu'ont à leur disposition d'l'oxygène à gogo, les c'llules sont très p'tites quoi.
- Et pour celle-ci, la couche assimilatrice est faite de petites cellules ?
- Non. C'est à mi-chemin entre les deux extrêmes. Comme si on avait croisé un LVE et un lichen normal.
- Et ça veut dire quelque chose ?
- Ouais m'dame, j'pense qu'ils essaient d'garder la reproduction rapide du LVE tout en minimisant sa consommation d'oxygène, c'qui pourrait l'empêcher d’s'incruster partout et notamment dans les vivants. Les Révos doivent posséder des chambres à vides -des sortes de glacières où on peut retirer l'oxygène- pour stocker les LVE.
- Tout ça me dépasse ! Pourquoi tu souris ?
- Une tentative d'assassinat, un assassinat, des révos en possession de Dance Powder et tentant de domestiquer une plante susceptible de causer la prochaine extinction de masse ? Pourquoi ne serais-je pas content ? J'adore cette affaire !
- Merci Simons. Continuez à fouiner, consultez les bases de données de la Brigade voir si ce... LVE modifié est connu de nos services. Reich, moi j'dis qu'il faut buter ces cinglés avant qu'ils n'fassent une connerie et n'lâchent cette merde dans la nature !
- Ça va de soi qu'il faut les arrêter. Tiens, allons réveiller nos belles au bois dormant.
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Ils toquèrent à la porte, ce qui n’était qu’une simple marque de politesse. Les Luvneelois savaient déjà que Reich et Hamon Heit étaient revenus les voir. Ils s’étaient faits annoncés, et le personnel d’Escoffier leur avait demandé s’ils pouvaient les introduire dans leur retraite. Le duo de visiteur n’avait guère attendu.

A leur arrivée, pourtant, ils ne virent qu’une personne. Haylor, assise sur un canapé, armée d’un dé à coudre, d’une pelote d’épingles et d’une large pièce de tissu ouvragée qu’elle posa tranquillement.

-Alors. Bien dormi, princesse ?
-Vous avez vu ma tête ? Je n’ai pas vraiment l’impression de sortir d’un conte de fée.

Evangeline adressa un faible rictus moqueur à Aïssa, qui venait de la saluer. Mais son expression ressemblait davantage à une affreuse grimace. Ses pommettes enflées, parcourues de bleus violacés et de bosses parfois à vif, lui faisaient encore terriblement mal. Ses pansements et compresses venaient tout juste d’être changés, au même titre que ses désinfectants. De quoi brûler ses joues encore un temps.

-Les contes de fées… c’est pourtant là qu’on rencontre habituellement des sorcières, glissa le long-bras en ajustant ses lunettes d’une main.
-Oh.

La douleur remua dans ses joues lorsque celles-ci se fendirent d’un rictus ; son humeur s’adoucit, une lueur de satisfaction étincela dans ses yeux et son visage. De la même manière qu’elle aimait ce qu’elle faisait, elle aimait être complimentée à ce sujet. Etre reconnue pour ça. Et à chaque fois qu’on faisait référence à sa réputation éclectique, ses entrailles cadenassées sous plusieurs couches de dignité irréprochable ronronnaient de satisfaction.

-C’est seulement un passe-temps. Un hobby amusant dans lequel je me suis découverte plus de talent que ce que j’aurais pensé, mais… c’est seulement un loisir un peu plus effusif que la couture ou la nage.
-Ouais. Bah si vous pouviez éviter de forer trois murs et deux planchers la prochaine fois, ça serait cool, par contre, suggéra la marine.  Ils vous ont trouvée un peu trop effusive à leur goût, je dirais.
-Ah ?
-Ils n’ont pas eu l’indélicatesse de vous en parler, mais… votre incendie s’est un peu propagé avant d’arriver sous contrôle.
-Pour changer, hein ?, torpilla Dogaku.

Sa voix venait de derrière la jeune femme, depuis une armoire qui s’ouvrit en grand et de laquelle s’extirpa Sigurd d’un pas tranquille. Il adressa un regard provoqueur à son amie, qui n’eut même pas à se retourner pour le sentir et le taquiner d’un sourire en retour qu’il flaira sans non plus pouvoir le voir. Il adressa alors un sourire aux expressions curieuses de leurs invités, surpris, amusés et moqueurs du ridicule de son entrée et de son expression tranquille.

-J’étais en train de faire mumuse dans les passages secrets du palace, justifia-t-il à la volée. C’t’un peu comme un gruyère, quand on y regarde bien. Je n’étais absolument pas en train de faire une sieste dans cette armoire parce qu’une armoire assez grande pour qu’on puisse camper à deux dedans c’est ridiculement fun. Quiconque dira le contraire sera très mauvaise langue et sera foudroyé d’un grand sourire idiot. Et encore je ne raconte pas tout parce qu’en fait…
-Je pense que ça suffira, l’interrompit sa partenaire.

Il ricana doucement. Ca n’était pas pour rien, qu’il avait dit que l’armoire était assez grande pour que deux personnes puissent y faire une sieste à leur aise. Ses bêtises étaient contagieuses, pour peu qu’on s’y expose suffisamment longtemps. Et il adorait ça. Et il n'était pas le seul.

-Et vous, est-ce que vous vous sentez mieux ?, s’enquit Loth.
-Non. Cooooon-plètement pété de fatigue. J’crois que j’ai la moitié des neurones qui se sont mis en grève pour protester. Ce qui me dote vraisemblablement de huit fois moins de cellules grises que la moyenne de cette salle, vu que j’en ai deux fois moins d’actifs que les gens en temps normal, que vous êtes réputé pour en avoir deux fois plus que les gens intelligents, et que les gens intelligents portant des lunettes ont deux fois plus de neurones que les gens intelligents normaux. Du coup ça fait pas huit, mais seize. Sauf que si on rajoute les deux miss, que je mets un facteur double à Eva’ parce qu’elle est formidable et que j’m’inclus mois même, ça donne 7,25 qui n’était vraiment pas très loin des huit que j’avais annoncé de base.
-Mmmmh ?, questionna Hamon Heit.
-Rien, juste une blague stupide que l’on peut ignorer. Mais j’ai visiblement bien fait d’vous mettre un facteur 4. Mauvaise nouvelle par contre, quand je suis crevé je fais encore plus de plaisanteries pourraves que même moi j’trouve débiles. Vous voulez quelque chose ? Leur pâté de tourtoréador est superbe, ils ont des pinces de homaréchal, et y’a des genres de pêches du désert qui sont absolument géniales. Ouais, des pêches bleues c’est spécial, mais elles sont eeeeexcellentes alors je vous propose d’en profiter.

Il leur avait désigné un plateau de victuailles, abondamment chargé de nourriture froide que les cuisines leur avaient préparée pour qu’ils picorent dedans au gré de leurs appétits changeants. Les poissons, les fruits de mer et les fruits qu’affectionnait l’un côtoyaient les préparations surchargées de viandes, d’herbes et de potageries souhaitées par l’autre.

Sur cette invitation, Aïssa piocha un des fruits à la chair bleue, très réputé sur Hinu Town, autant pour sa rareté hors du désert que pour son goût chargé de nuances exotiques. Pour sa part, Loth railla discrètement Dogaku sans toucher au plateau, tandis que tous prirent place sur des fauteuils, autour d’une table basse en cristal noir.

-Eh tiens. Je pensais que vous vous méfiez de tout. Et le poison dans la nourriture ?
-Bwoah. Statistiquement moins dangereux que le fait de mourir si je ne mange rien, donc du coup...
-Haha. Ca me semble pragmatique, oui.
-Entre autres. Pis je suis très faible et encore plus humain en plus d’être méchamment gourmand. Bon après si je pouvais choisir, je préfèrerais pouvoir me passer de sommeil parce que ça bouffe énormément de temps et qu’on se sent vraiment mal quand on en a pas assez, mais c’est vrai que le fait de ne plus rien manger entraînerait le fait de ne plus avoir à all... Haylor prenez le relai, ça c’est une blague que je ne dois pas finir, ils m’prennent déjà sûrement pour un très gros débile.
-Est-ce que vous avez pu découvrir quelque chose par rapport à cette liste que vous aviez trouvée ?
-Eh bien… ça ne vous arrangera pas, mais vous êtes bien les seuls du lot à avoir été attaqués. Nous pouvons donc considérer que ces hommes en ont spécifiquement après vous.
-Youpiiiiiiii, une vie tranquille ça serait nul et ennuyeux.
-Reste à savoir pourquoi. Et pour ça… j’ai une question très simple. Qu’êtes-vous venus faire ici ?
-M.M.M.M.M, répondit Dogaku.
-Vous pourriez arrêter ?, lui reprocha Aïssa.
-Ah nan, là je suis très sérieux. M.M.M.M.M., qu’on peut prononcer Mmmmmh, la 5M, ou encore la Mutu’, c’est une affaire à nous. On a de plein d’gros bateaux, on joue aux armateurs, et on fait du transport. On ne produit rien, parce qu’on ne sait rien faire et que je suis paresseux. On se contente d’aider les gens utiles, ceux qui produisent des trucs, à vendre leurs machins sans avoir à se soucier des problèmes logistiques. J’aime beaucoup rendre service, je me sens moins horrible, et parfois vraiment chouette, quand je le fais beaucoup. ‘Ccessoirement, quand « problème logistique » peut se traduire par « affreux pirates pilleurs qu’on peut contourner quand on connait super bien la méta maritime et les tricks défensifs », c’est toujours très sympa. Du coup on a un bonhomme capitaine de navire qu’a fait jouer des contacts pour se trouver des copains sur Hinu, et même quelqu’un ici nous demande de servir de transporteur à long terme. On est là pour soigner un joli contrat cadre sur cinq ans, quoi. Voilà pour la raison de notre venue ici. Maintenant pour la jolie parenthèse culturelle, il faut savoir que même si on est visiblement plus connus pour la Santagricole –c’était le truc de base de feu les Chevaliers de Nowel qui nous ont claqué dans les pattes et la première mission méga-réussite d’HSBC- ou bien HSBC elle-même –parce que c’est dans ce truc ultra méga couteau suisse et funtasmagozord qu’on fait tous nos trucs les plus cools-  c’est avec la Mutu’ qu’on a VRAIMENT commencé à décoller dans les affaires. Et pour info bonus, le secret de la réussite du bébé c’est tout simplement qu’on a grugé les banques qu’étaient pas très chaudes-chaudes pour avancer des fonds à des armateurs débutants en allant tout simplement se fournir à la source, et casser du pirate pour leur prendre leurs navires pour en faire bon usage. Meilleur business modèle que j’ai jamais envisagé, ça. C’t’ait vachement rigolo parce qu’on a copiné avec un recruteur de la BNA qui nous prêtait des équipes et ça faisait du gagnant-gagnant, ils récupéraient des primes et nous on gardait les navires, et… je vous fait peut être chier à raconter plein d’trucs qui ne vous serviront à rien ?
-Je prends de l’information. Vous pouvez continuer, indiqua sobrement Loth.
-Bon. Et donc euh… ben en fait j’crois que c’est tout. Vous voyez autre chose ?
-Simplement sur un point, poursuivit Evangeline. Il s’agissait d’assassins de l’Umbra. Qui sont des révolutionnaires. Je pense que vous en avez entendu parler ?
-Pas beaucoup, non. Seulement de nom, et je sais que ce sont des assassins…
-Parce que tout est dans le titre, ouais, sournoisa Sigurd.
-C’est un peu ça.
-Mmmh. Il y a beaucoup à dire. Leur organisation, leur historique… c’est un genre de confrérie qui s’est dotée de toute une mystique… dont je ne connais que des miettes… leur diffusion, leurs procédés, leur matériel… mais peu importe. En tout cas, c’est là quelque chose que je ne m’explique pas. Nous n’avons pas le moindre, et je dis bien le moindre conflit avec des révolutionnaires. Surtout pas sur Luvneel, contrairement à ce que l’on pourrait croire. Et encore moins ici. Je suis strictement incapable de dire s’il y a des révolutionnaires ou non sur Hinu Town. Visiblement oui compte tenu de ce qui s’est passé. Mais… je ne comprends absolument pas… pourquoi c’est arrivé. Je ne comprends vraiment pas.

Ses yeux se perdirent dans le vague, songeurs. Le fil de son exposé continua un peu plus loin dans son esprit qu’au travers de sa bouche.

Elle ne pouvait pas le dire, mais elle avait plusieurs autres cartouches dans sa sacoche. Elle avait des amis, et le triple de contacts dans la révolution. Mais seulement sur Luvneel. Elle voulait les appeler, sans aucune chance de le faire. Pas devant quelqu’un d’autre. Encore moins devant Sigurd. Qu’il sache qu’elle ait ce genre d’amis, il lui piquerait une crise à n’en plus finir et elle n’avait pas besoin de ça. Or il n’allait pas la quitter ne serait-ce que dix secondes après ce qui venait de se passer avec les assassins. Et elle en faisait de même. C’était bien trop dangereux : séparés, ils étaient infiniment plus vulnérables. Is ne voulaient pas se perdre, encore moins mourir seuls. Ne restait qu’une option : se surveiller l’un l’autre, ne jamais se quitter, et se méfier de tout.

D’un autre coté, elle était presque sûre que personne ne pourrait l’aider de quelque manière que ce soit. Seule la curiosité affutait cette envie. Il y avait ce presque, qui n’était pas certain.

-Enfin, reprit-elle. J’étais en train de me dire, avec ce que vous a raconté Sigurd… nous pourrions considérer que, parmi des ennemis potentiels… il y aurait des pirates que l’on aurait… dépossédés…

Evangeline se mit à sourire à ce mot, trempant ses lèvres pour les cacher dans la tasse de thé qu’elle s’était préparée lors de l’exposé de Sigurd, avant de reprendre.

-… de leurs navires pour notre affaire. Mais aucun de ces pirates n’avait la moindre chose à voir avec les révolutionnaires. Ou l’Umbra.
-Pourrait y’avoir Crachin, aussi, abrupta Dogaku.

Il interrogea sa partenaire du regard. Est-ce que l’idée lui semblait absurde. Elle resta inflexible, mais son absence d’approbation en signifiait assez. Possible mais très invraisemblable dans ces conditions.

-Crachin ?, questionna Aïssa.
-Le grand méchant de Panpeeter ?

Sigurd sonda Loth Reich du regard… qui ne réagit pas plus que ça au nom.

-Santamarines ?
-…
-Haylor, chuis dégouté, on dirait qu’ils ne connaissent pas Santamarines.
-Attendez que nous soyons seuls et je vous laisserais venir pleurer sur mes genoux.
-Trop gentil de votre part.
Bref. Il s’agit d’un gros pirate vraiment dangereux mais… pas si dangereux que ça en fait, c’était plus un chic type devenu désespéré et vraiment acculé qu’a complètement pété les plombs, et… enfin oubliez, c’est vraiment pas son genre. Pis pas de contacts révos d’toute manière.
-Vous devriez arrêter de réfléchir comme ça, indiqua Loth. Révos ou non révos. Oubliez ce facteur. Demandez-vous seulement qui pourrait vous vouloir du mal, pour une raison ou pour une autre. Par intérêt, par jalousie, par revanche… à qui vous auriez déjà fait du mal, ou à qui votre venue ici pourrait être préjudiciable, ou…

-Juste un machin, peut-être. Aucune idée de ce que ça vaut, mais puisqu’on est tant qu’à faire... la guilde des usuriers et Red le grand méchant pirate avec son Armada. Ca vous parle forcément, nan ?
-Euh… oui.

Loth perdit sa contenance, le temps de quelques secondes. Le nom de Red, le commerce de la cote d’usure, il s’agissait d’un réseau d’organisations qu’il connaissait, oui. Dans des niveaux sur lesquels il ne pouvait pas s’épancher en compagnie de n’importe qui. Il y avait moyen de le compromettre. Mais surtout, il ne s’attendait pas à entendre parler de ça maintenant, et encore moins par eux. Et déjà, il commençait à s’imaginer que les deux Nowel avaient fricoté de près ou de loin avec ces receleurs pour doper leur affaire. Il s’agissait d’une question qu’il formulerait un peu plus tard, pour peu qu’elle s’avère pertinente.

Il lui fallut un petit moment pour se rendre compte que la sorcière l’observait. Et c’est seulement alors qu’il remarqua. Elle l’avait vu tiquer lorsque Sigurd avait parlé des usuriers. Au moment où il venait de songer à ses propres liens avec…

Non.

C’était même pire. Il venait de tourner la tête vers elle, et loin de détourner le regard, elle choisit de planter ses rétines en plein dans celles de Reich. Un regard calme, neutre, mais qui dans le même temps…

-Haylor, c’est ultra déprimant ce truc. Pourquoi il connait Red, les usuriers, et pas Santamarines ?
-Double dose de papouilles derrière les oreilles si vous tenez le coup jusqu’à la fin.


Le long bras resta impassible. Il était maître de ses gestes et de ses pensées, c’était toujours le cas. Et l’autre était une distraction fort opportune que la sorcière ne savait ignorer. Il n’y avait pas de problème.

-Deal, conclut Dogaku avant de reprendre. Eh bien il se trouve que je… nous… notre ville… un peu nous tous en fait… avons été les seuls crétins sur la planète à s’être dits que ça pourrait être un excellente idée de kicker ces mecs là en dehors de chez nous. Ils avaient une guilde mafieuse chez nous, une espèce de comptoir, et on leur a pondu une énorme émeute citoyenne pour les éjecter de Norland. Et je vous jure que pour le temps que je passe à fureter dans le journal – et idem pour la miss- j’ai jamais vu aucun haut fait de quelqu’un qui aurait eu les tripes de s’en prendre à une affaire de Red. On pourrait croire que ça serait du pain béni pour un marine ou un chasseur ou je n’sais quoi, mais… ben juste non. Ce qui a l’air de faire de nous les seuls figures à avoir jamais pourri une boutique des usuriers.
-Et vous pensez que les usuriers pourraient vouloir se venger ?
-Ben… dans le genre joyeuse coïncidence, je pourrais vous parler de ce lieutenant de la marine qui nous a expliqué qu’il y avait un comptoir d’Usuriers sur Hinu Town, et que notre aide était complètement bienvenue pour les aider à mener leur affaire à bien, mais… ça serait juste bizarre, hein ?
-Allez-y. Vous ne savez pas à quel point j’affectionne les choses bizarres. Entre ça et les lichens mutants…
-Hein ?
-Haha. Vous n’êtes pas le seul à pouvoir faire des blagues stupides.
-Tss. Mwarharh. Ca me semble de bonne guerre. Eh bien…

Et il leur expliqua le contenu de leur entrevue avec le duo de Babacarr et Yusuf Ad-Anub, en détaillant essentiellement la fin de cette discussion. Evangeline en fut surprise, mais s’aligna tranquillement en ajoutant plusieurs détails aux résumés désespérément réducteurs de son partenaire. Elle le connaissait bien, et c’était anturel, en fait : Sigurd jouait toujours cartes sur tables, ça ne changeait jamais. Pour une raison très simple : il espérait toujours prendre les meilleures options, ou faire les meilleurs choix. Et en souhaitant autant pour tout le monde. Alors, il partageait l’information sans se méfier ni rien attendre en retour. Il ne retenait que très rarement de l’information. Ce qui était d’autant plus facile qu’il n’avait rien à se reprocher, accessoirement.

En l’occurrence, c’était aussi parce qu’il ne croyait pas du tout que cette histoire d’usuriers soit liée à leur affaire. Il y avait deux énormes raisons à ça.

-Mais bon, c’t’un peu des trucs qu’ont rien à voir. On parle de révolutionnaires. Et pas des usuriers. S’pas du tout le même genre. Quand on a fait notre petite opération à la maison, on avait des révos dont quelques gars de l’Umbra qui nous ont activement aidés à poutrer des pirates d’armada. Donc forcément… ça peut pas être ça. Pis bon, si nous deux les pauvres marchands Luvneelois de passage on mérite tout un commando de tueurs en cagoule, j’imagine que la palanquée de gros bras de la marine qui crèchent ici devraient se prendre tout un régiment de confrérie dans le buffet. Ce qui n’a pas l’air d’être le cas, où alors il y a plein de machins qui me passent au-dessus.
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Les Usuriers.
Forcément ça me parlait, mais il n'était bon admettre certains liens en public. C'était grâce à ce réseau que je contactai Red pour la première fois à Zaun puis que je le rencontrai quelques mois plus tard sur North Blue où son aide me fut secourable pour abattre la branche armée du Réseau Ashura. Finalement, cette affaire n'était pas si réjouissante que ça, je n'étais pas du tout disposé à entraver les plans des Usuriers. J'étais allié avec ceux de Zaun, donc forcément, je ne pouvais me mettre à dos la succursale d'ici. Et merde... Mais encore fallait-il qu'ils eussent un lien avec la tentative d'assassinat contre Dogaku. Usuriers et Révolutionnaires étaient un étrange mélange comme le souligna Dogaku. Tout ça méritait des éclaircissements, aussi, nous nous mîmes en route pour le comptoir des cousins Babacarr et Yusuf ad-Anub. Un marchand de métier pour le premier, une Mouette pour le second. Chemin faisant, j'en profitai pour questionner la Colonelle sur cette bizarrerie.

- C'est pas un mélange des genres, finit-elle par répondre. Il était associé dans l'affaire de son cousin Babacarr, il a pris ses distances avec le monde des affaires. Et de toute façon, prendre des parts dans des entreprises, c'est pas interdit aux Marines. C'est de l'actionnariat, pas comme s'il avait un second boulot en plus d'être Marine.
- Mouais, tu parles. Si j'étais vous, je lui taperais sur les doigts. Comment peut-il ne pas y avoir conflit d'intérêt alors que le mec est Lieutenant en charge d'une section entière du port et que parallèlement, il a des participations dans une entreprise qui fait ses affaires sur les docks ? Vous pensez que les impôts rentrent comme il faut ?

Elle détourna la tête. Bien sûr, les petits à côté de ses subordonnés n'avaient jamais été de ses préoccupations. Nul été la présence de Dogaku et de sa sorcière, elle m'en aurait dit énormément sur les Usuriers d'Attalia qu'elle devait bien connaitre. Peut-être étaient-ils dans le Cartel Capital, peut-être étaient-ils des concurrents. Nous trouverons bien un moyen de parler en aparté. Le comptoir se trouvait dans la section B-12 du port, qui comprenait quatre quais où une centaine de bateaux de tailles différentes mouillaient. Et comme par hasard, cette aire était sous la supervision de cent cinquante marines commandés par le Lieutenant Yusuf Ad-anub. D'entrée, je crachai à nouveau sur le ridicule, le conflit d'intérêt et la collusion du mélange, ce qui força Amon Het à exclure des pourparlers le Lieutenant qui s'énerva contre moi. La situation ne me plaisait pas du tout, maintenant, j'étais forcé de considérer Yusuf comme une entité à part de l'équation.

- Ce qui me chagrine dans l'implication de votre cousin c'est qu'il est le chef de cette section de la zone portuaire. Donc, c'est lui chapeaute les hommes qui prélèvent les impôts, procèdent aux fouilles, arraisonnent les navires délictueux, et cetera.
- Notre guilde est en règle ! On ne bénéficie d'aucune clémence si...  
- C'est ce que je veux dire en effet, mais pas que. Suis-je le seul à voir la démence de la collusion ?
- A fond.
- Ouais. Je vois pas le souci, claironne Dogaku.
- Cas pratique. Parlez-moi des saisies de marchandise illégales qui ont été faites dans ce secteur.
- Euh... Laisse-moi réfléchir. Il y a trois semaines, des babioles archéologiques contrefaites ont été trouvées dans la coque d'une caravelle fruitière. Le capitaine est toujours écroué mais il clame son innocence. Trois jours plus tard, des manuscrits provenant de la Mer de Sable ont été découverts sur une caraque. Dans la même semaine, du whisky de contrebande, des médicaments non homologués et du papier-frappé pour produire des faux billets ont été saisis.
- Tout ça dans ce seul secteur ?
- C'est à cause de ces captures qu'on a demandé l'aide ! Tous les honnêtes marchands vous le diront, ils sentent cette pression du réseau du Drapeau Rouge ! Toutes ces saisies, c'est de l'aide fournie en douce aux pirates et autres criminels. On voulait les bouter hors de nos murs ! Pas de ça chez nous !  
- Donc vous voyez mon souci maintenant ?
- Je crois que oui. Vous voulez dire que par ses actions, le Lt Yusuf a réduit la marge de manœuvre du Drapeau Rouge, ce qui va les forcer ou les a déjà forcés à parasiter d'autres organisations commerçantes, d'autres guildes plus puissantes. Comme celle de Babacarr.      
- QUOI ? Mais non, personne ne nous parasite ! Nos capitaines sont au-dessus de tout soupçon !  
- Ouf, merci, mademoiselle Haylor. Il y a au moins quelqu'un qui me suit. L'accord commercial que vous vous apprêtiez à signer avec la guilde est une menace pour les usuriers, votre seule présence est une nuisance pour eux. L'accord signifie plus de bateaux pour la guilde mais aussi une sécurité extérieure, loin de leur influence et corruption. Des équipages de Norland qui, d'ailleurs, ont du vécu dans l'art de bouter de l'Usurier.
- Donc ils auraient commandité leurs meurtres ? Avec la Révolution ?
- Là aussi, c'est un cas de mélange des espèces, mais pas un non-sens. Par le passé, Red a déjà apporté de l'aide à des mouvements insurrectionnels. Je pense qu'il ne faut pas faire l'erreur de voir les Usuriers comme un mouvement compact dont les succursales ont la même feuille de route. Ce n'est pas parce qu'à Norland vous avez eu les révolutionnaires de votre côté qu'ils ne peuvent pas être copains avec les usuriers ici. Ce sont des caméléons, ils s'adaptent.

Cette petite déduction n'est qu'un coup d'épée dans l'eau, nous n'étions pas plus avancés. Prétextant vouloir présenter mes excuses à Yusuf pour mes diffamantes allégations, je sortis et laissant Dogaku discuter de son partenariat avec Babacarr plus décidé que jamais à s'opposer aux Usuriers. Je fis subrepticement signe à Aissa de me suivre pour "tempérer" la discussion, ce qui n'échappa à la sorcière que je trouvais bien plus intéressante et observatrice que son partenaire. Au détour d'un couloir, nous bifurquâmes et nous éloignâmes du comptoir, vers une jetée déserte. « Le Drapeau Rouge ne fait partie du Cartel Capital » dit-elle d'emblée. « En tout cas, pas officiellement. » Ce qu'elle voulait dire c'est que même eux se faisaient parasiter par les Usuriers dans une étrange illustration d'une chaine alimentaire symbiotique. « Les antiquités saisies par Yusuf dont j'ai parlé, c'étaient les affaires de Ahmed Ibn Saïd, Chef du Cartel de Ramil. Il fait dans la contrebande d'objets d'arts antiques mais je le soupçonne aussi d'apporter une aide aux Usuriers surtout sur le très lucratif marché des médicaments de contrebande. »

- Je connais cette niche, elle fait fureur auprès des pirates qui ne peuvent se rendre dans les pharmacies comme tout le monde. Du coup, ce sont justes des suspicions ou tu as des preuves ?
- Suspicions. Je regarde un peu ce que font les autres mais pas trop. C'est la règle du Cartel.
- Mais ils ne connaissent que ton surnom. Tu peux très bien agir.
- Tu m'as trouvé, ils le peuvent aussi. Je les sous-estime pas, je tiens à garder mes activités annexes.
- Le fait est qu'il faudrait obligatoirement agir, autrement Babacarr le fera à notre place. Ça va chier de toute manière, c'est à nous de contrôler et de scénariser cette diarrhée comme le dirait le Gila.  
- On peut se diviser le travail. Toi tu enquêteras sur Ahmed Ibn Saïd et moi sur la possible infiltration de la guilde de Babacarr par les Usuriers. On va passer au peigne fin leurs bateaux encore à quai et fouiller dans la vie de tous leurs employés.
- Comme ça tu restes loin de tes collègues du milieu et c'est moi qui reçois la balle.
- T'es venu pour la bagarre avec les révos d'toute façon non ? Un ennemi de plus ou de moins...
- Si Ahmed est vraiment liés aux Usuriers, je suis déjà grillé. Donc...

[...]

PULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULU !!!

- Salut Akim.
- Loth. Ça fait longtemps. Tu roules où ta bosse ces derniers temps ?  
- Si tu demandes, c'est que tu le sais déjà.
- Bah on fait genre on prend des nouvelles quoi.  
- J'ai une grave épine dans le pied et je pense que toi aussi. Enfin, Red aussi.
- Pou'quoi tu l'appelles pas pour lui dire ? T'as bien l'escargo non ?  
- Ouais ouais, mais j'espère qu'on va le régler entre nous. Je n’aime pas déranger les anciens pour des broutilles vois-tu. Qui est-ce qui coiffe vos activités ici ? Il merde grave.
- Ouais, c'gars-là, j'sais d'quoi tu parles. C'pas une épine mais juste un clebs qu'a la rage.  
- Oh ! Ça me facilite la tâche.
- L'euthanasie, c'est ton truc.  
- Je suis toujours prêt à rendre service, tu me connais. Mais à quel point votre gars est-il atteint ?
- Bah opportunité quand tu nous tiens, j'ai entendu qu'il s'était accoquiné avec des Gris. Bon c'pas trop l'genre d'la maison m'voyez, mais tant que ça rapporte du blé, l'Rouge, il s'en fout un peu. Ses deals avaient l'air d'marcher jusqu'à y a un an environ. Moins d'argent a commencé à rentrer, l'a mis ça sous la coupe d'la rar'té des pirates et des Gris dans l'coin.  
- Il se serait mis à son compte ?
- Pire. L'est dev'nu un Gris.  
- Quoi ?
- Moi-même j'ai pas cru les ragots. Ses hommes qu'ont pas voulu l'suivre s'sont fait descendre, d'autres ont pu fuir pour raconter. Qu'il est d'venu fayot, qu'est-ce que j'raconte, fanatique plutôt. Total'ment épris d'la Cause Grise.  
- Tu veux dire que depuis un an, la cellule des Usuriers à Hinu Town a fait sécession ? Voilà qui arrange mes affaires. Mais pourquoi n'a-t-il pas été arraisonné par la patrouille ?
- L'Rouge est occupé sur Grand Line, à poser d'autres succursales, tout ça. Y a un projet de multiples cellules sur les Blues, il s'occup'ra d'ce problème après. Tu connais la formule.  
- Ouais, pour mourir, il n'est jamais trop tard. Bah, laisse-moi nettoyer et aplanir le coin pour le vieux Red. Ce sera un chien baveux en moins à écraser, tu en dis quoi ?
- J'en dis que j'n'peux pas t'donner c'te largesse. Ma zone, c'est North Blue et Zaun.  
- Mais tu peux me donner son nom et sa dernière planque connue.
- Je peux. Ouais.

[...]

- Alors ?
- Le nom d'Arafat Yassine te dit quelque chose ?
- Ouais, c'était un pirate que nous avons coulé, y a quoi, quatre ans au large. Je m'en rappelle parce je venais juste d'arriver et qu'il naviguait... sous le Drapeau Rouge !
- Justement. Il a regagné Attalia à la nage et n'a plus repris la mer. Il a usé de ses contacts pour établir la première succursale des Usuriers ici sauf qu'entre-temps, il serait devenu un fervent adhérent de la Cause. M'enfin, j'ai une adresse, il nous faut une équipe d'intervention.
- Tu viens ?
- Bien sur. Nos deux tourtereaux ?
- Tu penses qu'ils auront encore envie de feu après la frousse qu'ils ont eu ?

Nous étions parés. Encore les berges de la lagune Al-phali, encore le quartier de la Laguna que je n'étais pas si pressé de revoir. Dans ces conditions, impossible de faire dans la dentelle, les forces de l'ordre sont repérées à cinq kilomètres à la ronde. Mais l'unité d'intervention de la Marine était spécialement formée pour ce genre de cas et en moins d'une quinzaine, le quartier fut bouclé, des barricades posées et les curieux cantonnés. En file indienne, vêtus de combinaisons noires à plusieurs couches, de fusils à pompes et de boucliers, les différentes équipes d'assauts prirent position autour de l'édifice en brique rouge à un étage qui tranchait dans cet environnement constitué de maisons en tôles. C'était LE palace du coin. Et une forteresse. La première équipe qui se présenta devant la lourde porte en acier subit une rafale de plombs provenant d'une des fenêtres de l'aile gauche.

Et ce fut le début d'un enfer de pétarades. Les marines ripostèrent, les truands aussi. Ça canarda de toutes parts pendant dix minutes où planqué derrière une calèche blindée, je réfléchissais à la suite des évènements en attendant que passe la tempête. Rien de tel que des balles sifflant autour pour accélérer la réflexion. « Stop ! Arrêtez de tirer ! » cria Amon Het dans son mégaphone. La façade de la bâtisse était plus trouée qu'une passoire. « Jetez vos armes ! Vous n'avez aucune chance de vous en sortir vivants ! Arafat, dites à vos hommes de jeter leurs armes et on saura négocier une reddition ! » lança-t-elle à l'attention des forbans planqués. Calme plat pendant cinq minutes puis quelqu'un hurla : « GRENADE ! » puis « MORTIER ! »

- Non mais ils sont malades !

Elle se jeta au sol alors qu'au-dessus de nous, le projectile décrivit une trajectoire en cloche avant de tomber à côté de notre calèche. J'enroulai mon bras autour de sa taille puis de l'autre main, frappai violemment le vide. Là où les agents du Gouvernement utilisaient le Geppou en frappant l'air avec leurs pieds, mon art martial permettait de faire de même avec mes mains. Ce qui était beaucoup plus loufoque de rebondir sur ses membres supérieurs mais plus ardu aussi. Quoi qu'il en soit, mon  "Geppou Manuel", nous permit de nous éloigner en flèche avant que la déflagration n'embrase et n'émiette intégralement le carrosse, fumant le cheval attelé au passage. « Tu leur as dit de jeter leurs armes non ? Ils ne font que t’obéir. » Le mortier provenait du toit où nous surprîmes l'énergumène entrain de recharger. Je lâchai Aissa qui atterrit puis le gifla d'un coup de pied à la nuque. Nous nous ruâmes sur la porte pendant qu'en bas, l'assaut était également donné.

- RAS !    
- J'ai deux morts dans la cuisine !  
- RAS dans la cuisine !
- Cinq dans le salon !  
- Les gars ! DÉGAGEZ VITE ! SORTEZ !

[...]

- DONC Y A UNE SUPER MOUSSE TUEUSE D'HOMMES ? s'écria Dogaku.    
- Pour résumer, ouais.

La Laguna fut intégralement évacuée et le bâtiment des révos-usuriers recouvert d'une bâche blanche. Une heure après notre assaut, les médecins de la Brigade Scientifique me laissèrent m'en aller après une batterie de tests. Et à plusieurs reprises, je dus expliquer ce qui s'était passé. « Pour la millième fois, il y avait une pièce, j'y ai pénétré en retenant ma respiration et j'ai découvert un corps de femme, criblée de balles. Mais le plus alarmant étaient les glacières sous vides perforées par les balles. Les glacières ? Bah ce sont des conteneurs permettant d’expulser l'oxygène et de créer du vide. Bref, elles étaient trouées et j'ai vu les mousses se répandre sous mes yeux. En cinq secondes, elles avaient déjà poussé sur la table et colonisaient les murs. J'ai sorti mon briquet, y avait de l'alcool à côté que j'ai utilisé comme accélérant et j'ai mis le feu aux rideaux. Puis nous avons déguerpi. »
Je ne comprenais pas ce qui se tramait, il y avait quelque chose qui m'échappait et les discours de Dogaku n'aidaient pas trop.

- Chers amis, Colonelle, j'ai une super mauvaise nouvelle, une mauvaise nouvelle et une bonne nouvelle, fit Simons le chef de la Brigade Scientifique d'Hinu Town qui débarqua dans sa combinaison blanche.
- J'ai perdu trois hommes dans cet assaut à Simons, on n'a pas le temps de jouer !
- Moi non plus m'dame, parce que l'heure est grave. La bonne nouvelle c'est que les gars qui sont morts dans les échanges, c'étaient les types de l'Umbra, ils avaient toute la panoplie tatouages, armes.
- On peut dormir plus tranquille maintenant, vous pensez ?  
- Ouais, assurément.  
- Et au passage, aucun homme correspondant au signalement d'Arafat n'est parmi eux. La mauvaise nouvelle c'est que j'ai identifié la provenance de première forme de lichen que je vous avais présentée. Vous vous souvenez ? J'avais dit...
- Qu'ils avaient des "poumons intermédiaires", que c'étaient peut-être un croisement entre des LVE et du lichen normal, ouais, m'en souviens.
- Voilà, ce lichen hybride, son nom d'code, c'est TERRA et il a été développé par la Brigade Scientifique de Bliss. J'ai envoyé des clichés de mon analyse à la Première Brigade de Koneashima qui me l'a identifié. Puis j'ai contacté Bliss, et oui, ils avaient reçu des échantillons des deux espèces pour procéder au croisement.
- C'est pour ça que je HAIS les scientifiques putain ! MAIS POURQUOI ILS S'AMUSENT AVEC CA ?
- Surtout à Bliss quoi !
- Les voies du haut commandement sont impénétrables ? Tout ce qu'on m'a dit c'est que c'était pour un projet tout ce qu'il y a de plus pacifique, un projet de "vivification". M'en demandez pas plus, je n'ai pas eu droit à de la courtoisie de leur part. Ce qui m’amène à ce pourquoi ils m'ont raccroché au nez. Il y a cinq mois, un échantillon du lichen hybride a été mystérieusement volé dans leur labo. Ne vous déhanchez pas, l'enquête n'a rien donnée.  
- LA BELLE AFFAIRE !
- Il y a cinq mois, j'étais encore à Bliss. Je n'ai jamais entendu parler de ce vol.
- Sans doute parce que personne n'a envie de dormir en pensant que l'air pourrait être rempli de spores d'une mousse tueuse.
- Et c'est quoi super mauvaise nouvelle ? s'alarma le Serpent de Dentelle.
- Comme je vous l'ai dit la dernière fois, le lichen hybride, le TERRA donc, est inoffensif pour les humains. Non seulement ses poumons ont été atrophiés mais il a été en quelque sorte castré pour amoindrir la virulence de sa propagation. Mais ce que M. Reich a vu dans ce labo...  
- Non, ne le dites pas, je ne veux rien entendre ! fit-elle en se bouchant les oreilles.
- C'étaient les premières tentatives pour créer du LVE authentique à partir du TERRA. Les Révolutionnaires veulent ressusciter la pire menace biologique de l'humanité.
- Ils en sont loin ?
- Si on considère qu'ils sont entrés en possession de la souche il y a seulement cinq mois ? Nooooon. Il faudrait même décerner un prix au scientifique derrière ces recherches parce qu'il est d'un tel niveau que ça me dépasse de plus d'un siècle. Il pourrait créer un semblant de LVE d'ici une à deux semaines parce qu'il a déjà solutionné le problème des poumons ; ne reste plus qu'à "dé-castrer" le lichen. Sans votre feu, Reich, on aurait déjà eu fort à faire.
- Mais il est mort non ? Enfin, elle.
- Ça, je ne peux l'affirmer. Le corps dans le labo est celui d'une laborantine qu'on n'a pas encore identifié. Était-elle à la tête du projet, mystère.
- Espérons-le.
- Quel genre de spécialité faut-il avoir pour travailler sur ce lichen ?
- Généticien pour les plus pointus, mais un biologiste qualifié saurait y faire.
- Et un pharmacologue par exemple ?
- C'est juste un biologiste orienté médoc. Ouais, il peut, s'il est assez pointu.
- A quoi tu penses, à quoi tu penses ?
- A ton histoire de médicaments de contrebande. Il faut vraiment aller chercher Ahmed Ibn Saïd.

- Très chère, vous avez vu comment ils nous ont ignoré ?  
- Calmez-vous et je vous laisserai vous lamenter sur mes épaules.  
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