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Trou à rat cybernétique

Avant de partir pour la forêt habitée par les animaux-cyborg à l’ouest des laboratoires, j’ai pris le temps de changer de tenue et de me réchauffer avec ce qui se rapproche davantage du jus de chaussette que du café. Mes accompagnateurs, à savoir ma rousse de cheffe Meredith Rockbell et l’Ingénieur en Chef de Bulgemore Tsai Shikane, ont fait de même.
Ca peut sembler bien peu pour nous combler, mais après avoir enchaîner des jours de service, avec des heures de sommeil en moins, des sommeils loin d’être réparateur, des courses dans toute l’île et les nerfs mis à dure épreuve, croyez-le ou non, un petit rien est toujours le bienvenue.
“Alors pourquoi partir de nuit si la fatigue vous ronge ?” me demanderez-vous. Eh bien parce que plus vite nous en finissons, plus vite nous pouvons rentrer et nous reposer. Et si on fait volontairement une croix sur une nouvelle nuit de sommeil dans des lits peu confortables, c’est parce qu’il ne nous reste plus qu’à traquer le coupable, cette pourriture d’Ingénieur général de Bulgemore qui croyait bon d’armer la Révolution. Je vous passe les détails, mais c’était loin d’être de tout repos.

Shikane m’aborde en voyant la triste mine que je tire devant ma tasse de ce qu’ils osent appeler ici “café”.

- J’imagine que vous êtes amateur de caféine, n’est-ce pas, Agent Skullson ?

Je relève lourdement la tête de mon maigre butin qui me convient malgré tout.

- C’est exact. Pourquoi me demandez-vous cela ?
- Pourquoi croyez-vous que je travaille dans la Scientifique ?
- Parce que ... c’est votre domaine de prédilection ?
- Aussi. Mais surtout parce que le café, c’est avant-tout une réaction chimique, que ça se peaufine. Et croyez-moi, à rester enfermé toute la journée pour travailler des heures, il vous faut un excellent café pour rester éveillé.
- Donc vous m’affirmez -non, vous me promettez !- que dans votre bureau, vous avez autre chose que ce jus de chaussette ?
- Tout à fait.

Visiblement peu intéressée, Meredith nous interpelle.

- Mesdemoiselles, quand vous aurez fini de bavasser, nous pourrions peut être enfin partir ?

Facile pour elle qui accepte tout ! Cette fille est une crème pour les autres : rien ne la dérange, rien ne l’offense, et si c’est le cas, elle fait d’énormes concessions, comme sourire au mépris d’odieux marins. Mais me concernant, j’ai bien le droit de rêver un peu, non ? Mes traits sont usés par le nombre astronomique de nos heures de services ! Ma barbe pousse sauvagement, mes joues se creusent légèrement, mes cernes tombent en chute libre, mes expressions se durcissent, ... Il faut savoir se protéger et se faire du bien, c’est le moindre réconfort.

Mais elle n’a pas vraiment tord. L’idée de coincer ce misérable rat, craintif et moqueur, couplé au fait que son arrestation signera la fin de cette mission me redonne un nouvel élan. Et me fait sourire.
Non mais franchement ! Le type arrive à un grade plutôt appréciable, se permet de luxe d’armer l’ennemi et de faire la nique à ceux qui viennent pour l’en empêcher mais quand le danger gronde un peu trop fort, il se glisse et s’enfonce jusqu’au fin fond d’un trou à rats !

Ceux là sont mes préférés. J’aime lire l’angoisse dans leurs yeux quand je les coince entre le mur et moi. Ca change de leur petit rire moqueur et provocateur quand ils sont en pleine liberté.


Dernière édition par Björn Skullson le Lun 28 Mar 2016 - 6:37, édité 1 fois
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Nous partons enfin dans la nuit noire. A peine la porte de la petite base du seul village de Bulgemore ouverte, un vent mauvais s’engouffre et nous agresse. Le ciel est couvert, les épais nuage y roulent de toute leur lenteur ... Le pire est à prévoir, le ton est donné.

Consciencieusement enfoncés dans nos capes doublées et fourrées pour éviter que le froid ne nous morde et flagelle le moindre carré de peau nue, nous avançons, courbés, à la lueur de nos lanternes dont la flamme à l’abri dans son écrin de verre vacille dangereusement. Seul le crissement de nos pas dans la neige rompt le silence impérial du moment. La progression est lente et difficile, mais elle se fait sûrement.

Quand habituellement il faut une demi-heure pour rallier la base à la forêt des grands pins proche des laboratoires, nous mettons bien trois heures. Nous avons mal choisi notre moment, et c’est un mal dont Hiroaka doit se délecter dans son coin.
La présence des pins se densifie, le vent s’amoindrit en se heurtant à eux qui plient en grinçant malgré leur relative rigidité, Shikane en profite pour activer le boîtier qu’il s’est greffé dans son bras de métal et qui a pour effet de contrôler l’agressivité des animaux-cyborg.

- Je parie que le blizzard va se lever d’une minute à l’autre. Il faut que nous trouvions la cache de secours !

La voix de Shikane est emportée par le vent violent. Elle s’y retrouve diminuée, et parvenir à l’entendre est plus difficile à cause de ce même vent qui bourdonnent dans nos oreilles.

Personne ne répond, personne ne se redresse pour confirmer d’un signe de tête. Parce que ça demanderait un effort supplémentaire qu’il est sage d’économiser, et parce qu’aussitôt le visage serait vivement fouetté par ces froides et violentes bourrasques. Au loin, la neige danse et virevolte furieusement dans les congères et dissimulent le village qui disparaît derrière ce rideau cotonneux.

Heureusement que nous avons ce boîtier ! Il aurait été impossible de combattre des animaux cybernétiquement améliorés durant une telle période.

- Je reconnais l’endroit, nous sommes pas loin ! Il faut que nous nous rapprochions du laboratoire et que nous longions son mur !

Il serait temps de trouver cette cache ! Si le froid commence sérieusement à me transir jusqu’aux os, il ne manque également pas de geler les extrémités de mes parties métalliques et de commencer à créer des gelures à ces endroits là. Mais pour l’heure, nous ne pouvons que progresser difficilement et douloureusement dans cette forêt, à la file indienne, séparés de quelques mètres les uns des autres, Shikane en tête, en faisant attention à où nous mettons les pieds, pour ne pas trébucher sur une racine recouverte par la neige.

Une vingtaine de minutes plus tard, nous apercevons enfin un renfoncement qui certes ne nous protège pas du froid, mais qui au moins nous protège du vent. Nous en profitons pour faire une halte et ramasser le matériel dans la cache, uniquement le strict nécessaire pour ne pas nous encombrer. Shikane nous explique la raison de l’existence de cette cache.

- Vous avez pu attester des caprices de cette météo difficile. Et quand un problème technique surgit, il faut être capable d’aller le résoudre quelque soit les conditions. Souvent, il s’agit des puces implantées dans les animaux que nous améliorons qui connaît une défaillance. Il est arrivé plusieurs fois qu’un groupe disparaisse de nos contrôles, ou que son animosité soit déréglée et qu’ils s’en prennent aux autres, au delà de toute raison.

Il fouille dans la cache et en sort diverses choses pendant que Meredith et moi soufflons sur nos gants pour réchauffer nos doigts.

- Tenez, un Rebreather. C’est un masque à autonomie doublée par rapport aux Subdials précisément parce qu’il en contient deux mais qui permet également de respirer de l’air pur dans des situations critiques. Autant dire qu’ils nous seront nécessaires si nous tenons à entrer dans les laboratoires. Hiroaka nous attend, et nous pouvons nous attendre au moins à un escadron de cafardoeuf. Vous n’avez qu’à essayer : posez-le sur votre visage et inspirez un coup, l’effet de ventouse restera jusqu’à ce que vous le décrochiez à l’aide de votre main.

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- Oh, et Agent Skullson, j’ai également ceci pour vous.

Il me tend la main, je tends la main en dessous de la sienne qui s’ouvre et d’où en tombe une petite gélule.

- Ce médicament n’est qu’un prototype mais il vous aidera à lutter contre les coupures internes pendant quelques heures uniquement. Tenez aussi, ce pansement. Appliquez le une fois entré dans le laboratoire, sur votre blessure au ventre, tout cela vous permettra de nous assister dans les combats, parce qu’il y en aura.
- Merci.
- C’est tout ce qu’il y a d’utiles pour nous actuellement. Vous êtes prêts ? Retournons à l’entrée du laboratoire.

Nous confirmons d’un signe de tête, et nous reprenons nos positions courbées pour braver le vent glacial. Nous voilà repartis à la chasse au rat.
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J’ai regardé la gélule un petit moment avant de l’avaler en me posant des questions et en imaginant les réponses. Qu’est ce c’est ? Il ne valait peut être mieux pas savoir ...Qu’est ce que ça fait ? Je ne le saurais qu’en l’ingérant ... Sans compter que ce n’était qu’un prototype ...

Mais bon, comme Shikane est de bonne foi, et qu’il ne cherche qu’à nous aider, je l’ai avalée et j’avais l’impression qu’elle retapissait mon système digestif sur son passage. Mais pas naturellement, avec du plâtre par exemple. Ca m’a fait pensé que je transformais ma chair en métal au fur à mesure de mes blessures mais que mes organes internes restaient naturels. Alors je me suis pris à m’imaginer avec des organes mécaniques pendant que nos trois masses couvertes et recouvertes affrontaient le froid, bien alignés docilement et recourbés. Comme la seule présence dans la nature.

Tiens, c’est vrai ça. Nous n’avons pas croisé une seule cyber-bestiole ! Pas un seul ours tentaculaire, pas un seul gorille-araignée ... Peut être est-ce grâce au boîtier de commande, mais je ne peux m’empêcher de ne pas être pleinement serein et rassuré même si cela -et tant mieux- ne complique pas davantage notre progression, alors je fais part de mes craintes à mes collègues.

- Shikane ?

Je hausse la voix pour couvrir le vent hurlant. Il se retourne et commence à marcher à reculons.

- On a croisé aucun animal-cyborg ! C’est normal ?

J’entrevois à travers le rideau de neige qui tombe perpétuellement qu’il hausse les épaules.

- Peut être se cachent-ils du froid ...
- ... ou alors, Hiroaka les a rapatriés à l’intérieur pour gonfler ses défenses ...

Meredith met le doigt là où je voulais en venir.

- Peut être ... Nous serons fixés bien assez tôt, et dans le pire des cas ... eh bien nous l’aurons déjà imaginé, ce “pire des cas” ... Et puis, j’ai toujours le boîtier ...

C’est vrai, mais ça reste un problème. Il ne suffit pas de le concevoir pour qu’il se résolve. L’ingénieur se retourne pour reprendre convenablement sa marche et le hurlement du vent glacial reprend ses droits sur le silence nocturne.

Au bout de deux longues heures à longer le mur du labo, nous arrivons enfin pas très loin de l’entrée. Dans quelques temps, le soleil qui cherche à percer l’horizon pourra timidement se lever et briller sur l’épais manteau neigeux qui n’a de cesse d’épaissir. Nous sommes harassés, tant par le froid que la fatigue, mais quelque chose semble se dresser devant nous. Oui, il y a bien quelqu’un et ... quelque chose qui détache du fond recouvert par la neige.
Comme je ferme la marche, Shikane et Meredith se sont retournés vers moi un instant, comme pour me prévenir de faire attention.

Soudain un rire joyeux lézarde le mur jusqu’à nous.

- Huohohoho !

Hiroaka !

- Huohohoho ! Je vous attendais ! Vous n’êtes pas très discrets, je vous rappelle que la forêt est bourrée de Visio Den Den ! C’est quand même dommage, pour des Agent du Cipher Pol ! Huohohoho !

A mesure que nous nous approchons de lui, les traits et les couleurs apparaissent et la triste vérité se confirme : Hiroaka engoncé dans une cape lui aussi.

- En même temps, la discrétion n’était pas notre priorité ...
- Hiroaka, cessez vos mascarades et rendez-vous !

Nouveau rire.

- Ca, une mascarade ? Huohoho ! Voyez comment vous me traitez, alors que je prends pitié de vous qui mourrez de froid ! Venez, je vais vous réchauffer !

Shikane, qui est en première ligne devine ce qu’a apporté Hiroaka.

- Faites attention ! Des Fusérissons !

En effet ! A mon tour je vois de pauvres hérissons tristes et désolés dans des rails de lancement, avec une fusée attachée sur le dos !

- Hiroaka, vermine impie !
- Huohohoho ! Ferme la Shikane ! Tu aurais du rester aussi naïf que tu l’étais, à chouchouter ces bestioles sauvages ! MAINTENANT, MOURREZ !
- ECARTEZ VOUS !

Une flamme vacillant furieusement apparaît dans une gerbe d’étincelle puis le bruit de la poudre qui crépite se fait doucement entendre et porter dans les bourrasques violentes du vent quand soudain les fusérissons sont envoyés chaotiquement dans les airs, formants des virages et des loopings, criant et pleurant sur leur sort funeste qui s’abattra sur eux dans quelques secondes dans une nuée d’explosions.
N’importe quel obstacle naturel sert de couverture, les explosions retentissent, elles illuminent les cieux comme en plein jour, vrillent nos tympans et nous réchauffent malgré la distance qui nous sépare des plus anciennes.
Un de ces malheureux hérisson soit-disant amélioré explose près de moi et des pics transpercent ma cape et viennent se loger dans ma chair, j’entends Meredith qui court, haletante, Shikane hurle de douleur quelques mètres plus loin.

Le silence revient petit à petit, avant qu’un grondement lointain se fasse entendre. Possiblement une avalanche.

Nous sommes séparés et déboussolés. Et comme si cela ne suffisait pas, le blizzard bat son plein, on ne voit rien devant soi. Alors je hurle.

- MEREDITH ? SHIKANE ?

Aucune réponse si ce n’est le vent qui me hurle dans les oreilles.

- MEREDITH ? SHIKANE ?

Rien. Rien que le vent, le froid et la neige dans un tourbillon infernale. C’en est presque irrespirable, je suis obligé de plisser les yeux et lutter contre la météo pour avancer. Un pas après l’autre, mais déjà je sens ma température corporelle qui chute drastiquement, mes vêtements claquent derrière moi.

Désespéré, je prends le risque d’ouvrir à cet enfer du nord un carré de ma peau nue en glissant ma main près de mon Radiant Core pour l’allumer et détecter les présences proches.

Rien. Je suis seul au monde à cet instant présent. Seul au milieu de la tempête de glace.
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Toujours rien ! Ca fait plus d’une demi-heure que je cherche à savoir où je vais. Bordel ! On était pas loin de l’entrée ! Ca ne devrait pas être si difficile de la retrouver !
Les premiers signes d’abus du Radiant Core se fait sentir. J’ai mal au crâne, j’ai des vertiges et des migraines, je saigne du nez, en plus de tout ce qu’on a subi précédemment mais je ne peux me résigner à abandonner et éteindre mon Radiant Core.

Si ce n’est pas la mort, si ce n’est pas l’enfer, cela y ressemble beaucoup.

Et puis, entre deux rafales cinglantes, j’aperçois en arrière plan un morceau du mur gris du laboratoire. Même pas un pan, juste des traits incertains en forme de briques. Inondé par un nouveau souffle qu’est l’espoir, je cours autant que je peux et comme je peux pour le retrouver et ne plus jamais lâcher le contact entre lui et ma main.
Maintenant que je me suis à peu près retrouvé, je n’ai plus que deux choix : le longer d’un côté ou de l’autre. Et avec la neige qui bloque nettement la vue, c’est impossible de ne pas s’en remettre au hasard.

Je sens que l’intérieur de mes tripes remontent. J’ai tellement mal au crâne que j’en vomis. J’ai la peau gercée, gelée, craquelée, je sens du givre dans ma barbe. Il faut que je fasse vite et que je me décide. Et si je prends le mauvais chemin, je périrai ici.
Mon instinct (de survie ?) me dit de suivre la direction dans laquelle j’ai posé ma main, de ne pas aller contre et de ne pas devoir la repositionner ou simplement la tourner. Alors je m’en remets pleinement au destin et suis docilement ce mur, seul fil d’Ariane de ma survie. Quand il prend un angle droit, je le prends avec lui. Je ne laisserai jamais ce dernière espoir.
L’air devient franchement irrespirable, et d’une main, celle de libre, je place le Rebreather devant mon visage et inspire une fois. Au bout de quelques respirations, l’air sain et déchargé de neige emplit enfin mes poumons. Je croirais regarder en lucidité.

Et puis soudain ... les deux lourdes portes de l’entrée ! Je pleure dans mon masque. De joie, de désespoir et de tristesse. Je me traîne jusqu’à elle, et puise dans mes ressources pour avoir la force nécessaire de les pousser. Le froid glacial les a convenablement grippées mais je ne peux me résoudre à rester ici et à y mourir. Pas maintenant, pas quand je touche au but ! Alors je redouble d’efforts et parviens à me créer un espace suffisant pour m’y glisser en forçant un peu.

Je .. J’y suis parvenu ! Je me carapate à l’intérieur et relâche tous les muscles. La porte claque sèchement, je m’effondre sur le sol, je me dérobe sous mon propre poids. La fraîcheur ambiante me parait comme un doux rayon de soleil de printemps. Ma respiration est visible dans des souffles condensés, mais jamais une telle température ne m’a paru agréable en dehors des étés.
Je souffle ... Je pleure tellement je me réjouis d’être arrivé ici ... Je halète. Fort. Mon coeur bat la chamade jusque dans ma tête. Hiroaka peut bien me regarder via son Visio Den Den qui me regarde avec des yeux globuleux, il peut bien se rire de moi derrière son écran, il ne pourra rien me faire de pire.

Je prends encore quelques instants pour me remettre de tout ça et recharger ne serait-ce qu’un peu mes batteries naturelles. Mais une fois que je reprends conscience lentement de tout ce qui m’entoure, je balaie la salle du regard en tournant la tête et je m’aperçois qu’une de nos capes jonche le sol. Quelqu’un d’autre, de nous trois, a trouvé le chemin avant moi ! Tout en me réjouissant de cette nouvelle, je ne peux m’empêcher de me demander de qui il s’agit. Meredith, ou Shikane ? Tout ce que je sais, c’est que cette cape a été délibérément placée ici pour nous, les deux autres restants, pour nous signifier que l’un de nous trois est déjà à l’intérieur.

Lentement, ma chaleur corporelle revient, mon coeur cesse de tambouriner jusque dans ma tête, et je retrouve peu à peu mes capacités, du moins ce qu’il en reste. Je me relève fébrilement, mes parties métalliques grincent un peu, j’ai quelques courbatures ça et là, le givre dans ma barbe font en gouttelettes qui tombent au sol.

Alors je me dresse sur la pointe des pieds pour dépercher le Visio Den Den de son emplacement, la double porte s’entrouvre très légèrement dans un grincement interminable.
Très agréablement surpris, je me dépêche de déposer l’escargophone sur le sol, dos aux portes, pour aider ce que je devine être le dernier ou la dernière d’entre nous en les poussant de mon côté.

- Entre ! Vite !

J’aperçois une tignasse rousse complètement gelée. Mais vraiment. Littéralement ! Alors je redouble d’effort et tire le bras que j’aperçois. Déjà le blizzard s’invite et s’engouffre brutalement, emportant avec lui quelques flocons vire-voletant avec frénésie. Je tire sur le bras, et c’est enfin Meredith toute entière qui passe le seuil de la porte.

Elle me regarde, l’oeil vide, tremblant de tout son corps. Elle n’a plus sa cape et ses habits sont calcinés par endroit, son bras gauche est sévèrement brûlé. Je la regarde d’un oeil horrifié en songeant à ce qu’elle a pu vivre, comparé à moi, coincé dans des épaisseurs molletonnées. Elle me donne l’impression d’une carcasse fraîche et glacée, vide de toute âme, prise de spasmes post-mortem. Aussitôt, je l’aide à s'asseoir contre un mur du couloir, glisse la cape de Shikane -je suppose- sur les épaules et frottes énergiquement mes mains sur ses bras. Son visage se décrispe non sans douleur et ses cordes vocales sortent un râle de douleur rauque, enraillés et sourd. Je m’arrête dans la seconde même et préfère la relever pour la tenir dans mes bras, plus délicatement à gauche qu’à droite, et ainsi harmoniser nos températures corporelles pour la réchauffer, tout en frottant énergiquement ma main droite dans son dos.

- Ca va aller ...

Je l’enlasse. Comme une amie. Elle me fait énormément de peine. Elle ne mérite pas ce qu’elle vient de vivre, Agent du Cipher Pol ou non. La rage que j’ai envers les pourris, et pis encore, contre Hiroaka, enfle de plus belle. C’est une justicière, une battante, quelqu’un de simple et aimable, serviable, qui se saigne constamment pour le bien des apparences, de l’entente du bien d’autrui ...

- Ca va aller ...

Non. Ca n’ira pas. Pas tant que mon poing ne se sera pas écrasé contre le visage de ce putain de rat couinant de Hiroaka !
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J’en profite pour régler mon Radiant Core sur la première surfréquence. Pour son petit côté bénéfique. Mais je n’irai pas jusqu’à la brûlure, parce que je veux en découdre avec Hiroaka avant et terminer notre mission.

Je ne m’éloigne de Meredith que pour aller écraser le Visio Den Den qui commence à se retourner. Je veux l’épargner du regard de voyeur de cet Ingénieur général de pacotille.
Spratch, d’un plat de semelle. Assez long pour montrer combien je lui en veux, à Hiroaka, mais assez court pour ne pas trop faire souffrir la bête qui n’y est pour rien. Si tant est qu’elle ressente quelque chose.

Puis je retourne auprès de Meredith qui commence lentement à reprendre de légères couleurs, et naturelles celles-ci. Je la regarde, heureux qu’elle se remette lentement mais sûrement.

- Ca ira ? Plus on attends, plus c’est risqué. Et Shikane était déjà là avant moi.

Elle me répond par l’affirmatif de la tête.

- Tu restes là, je reviens dès que c’est fini.

Au moment où je pars, elle me retient le bras avec sa main valide avant de prendre la parole de sa voix enrouée.

- Tu ?
- Oui, toi, tu restes là.
- C’est un ordre ?
- Si je pouvais, oui.

Et sans prendre plus de précaution, je coupe le Radiant Core et je la recouvre vaguement de ma cape avant de m’enfoncer à nouveau dans les couloirs, le Rebreather à la main, en cas d’urgence.
J’arpente ses mêmes pièces qu’avant, mais cette fois ci, je suis seul ... Je me souviens de nos combats contre les insectes robotisés ... et j’espère ne plus en croiser.

Les premiers étages sont autant en bordel qu’avant. La faute aux LIONs. Il faut que je descende pour retrouver l’espace dédié à la Scientifique de Bulgemore. Un vrai dédale. Je dévale les escaliers, m’aventure dans les couloirs et poussent des portes qui mènent je ne sais où. Jusqu’à trouver un couloir avec une immense vitre donnant sur une pièce presque vide. Il y a juste un Visio Den Den et un fusérisson, braqué entre un mur et le plafond. Le Visio Den Den prend la parole.

- Ah ! Te voilà, misérable insecte fouille-merde du Cipher Pol ! J’espère pour toi que tu n’as pas mangé de Calamité du Démon !

Aussitôt, l’animal à l’armature de fer remplie d’explosif fuse et explose contre le mur, la vitre est soufflée, et de l’eau jaillit des ruines ! Des trombes d’eau ! Dans un boucan du feu de dieu ! Je me replie en boule et utilise le Tekkaï pour éviter que les morceaux de verre ne transpercent ma peau et l’eau de ce que je devine être un bassin à l’étage déferle et inonde le couloir. J’équipe le Rebreather et ...

Blue Walk

Comme l’eau est beaucoup plus dense que l’air, je peux utiliser le Geppou beaucoup plus facilement et je m’en sers pour franchir le courant et remonter le torrent d’eau qui déferle dans le couloir où j’étais auparavant.
Après une dizaine de seconde d’immersion totale, je referai surface, complètement trempé et je regarde le nouveau Visio Den Den d’un oeil noir.

- Tu vas t’amuser longtemps comme ça ?
- Huohohoho ! Oh oui ! Tu n’aimes pas mes jeux léthaux ?
- Tu ne fais que retarder l’inévitable.
- Oh ça va ! J’aurais parié que tu avais mangé un fruit du démon ...

Et le Visio Den Den s’endort.

Je reprends ma course sans trop savoir où aller. Je passe par des salles que nous avons déjà visité l’avant-veille, les cadavres des insectes robotisés jonchent encore le sol, notamment ceux des araignées avec des lames à la place des pattes.. J’ai essaie de me remémorer le parcours, mais au final, cela ne me servirait à rien puisque dans le meilleur des cas, j’atteindrais la salle du robot constructeur de robot, et ce n’est pas ce que je cherche. Je rentre dans une grande test, de test visiblement, si je me fie à l’écriteau à côté de la porte loin en face de moi. A priori, elle est vide. Mais me sachant en territoire hostile et piégé, je trouve ça louche. Alors j’essaie de voir ou sentir une présence.

Rien. Rien ? Vraiment ?

Je m’engage prudemment. Lentement. Un pas après l’autre. En essayant d’être le plus silencieux possible pour tenter de capter des bruits étrangers.
La lumière s’éteint. Des petites loupiotes rouge se mettent à clignoter sur les murs latéraux. Des bruits d’engrenages et de volets qui s’ouvrent. Je reste statique, mais aux abois. J’entends quelque chose qui se charge, partout là où il y a des loupiotes. Quelque chose rougit, je devine que ce sont des canons de laser, aux formes qui se dessinent et apparaissent dans l’obscurité.

Par réflexe, j’utilise le Soru pour tenter d’atteindre la porte loin en face de moi. Les premiers lasers sont tirés sont tirés là où j’étais précédemment, je dois courir pour atteindre mon objectif, les canons me braquent, je me mets à courir, une voix robotisée s’élève.

- *Kshrfr* ... utain de canon-laser ! *Frksh*

Ils tirent ! Je leur échappe de peu, je peux sentir le souffle de l’explosion me lécher l’arrière du corps, je fais un pas ! Un pas ! Le pas de trop ! Mon pied s’enfonce dans le sol, le sol se met à trembler, je comprends qu’il va s’écrouler mais ma jambe est bloquée

- Bonne nouvelle Agent Skullson ! J’ai désactivé les lasers !
- Shikane ?! Où tu es ?

Rien, pas de réponse. Je sens que quelque chose m'agrippe le pied en dessous, ça me tire ! C’est tentaculaire ! Ca s’enroule autour de ma jambe ! J’entends le sol qui s’effrite ! Par pur réflexe, me sentant dégringoler, j’utilise le Tekkaï.

Finalement, je passe par le plancher mais je ne tombe pas comme c’est le cas pour tous les gravats du plancher qui s’écroule. Non, quelque chose me retient. Quelque chose me retient mais m’envoie valdinguer dans un mur de la nouvelle salle. L’emmurage est difficile.
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La lumière de la salle du dessous s’allume enfin. Je me décolle du mur sans un petit râle de douleur. C’est Bulgemore m’aura bien fait morfler ! Je chute qu’une vingtaine de centimètres et outre le fait que la salle soit équipée d’un autre Visio Den Den, je réalise que je fais face à l’horreur même ! Un amas de bêtes sauvages géantes et de biomécanique, c’est répugnant, c’en est même de la barbarie !

- Tsai Shikane ! Arrête de faire planter tout ce que je prévois en empruntant des salles sans Visio Den Den ! Admire plutôt le travail que j’ai fait à ta place ! Je l’ai nommé Cyber-octo-wyverne ! Bonne mort, moucheron du Cipher Pol !

Je comprends mieux. C’est un assemblage d’un lion, d’un aigle, d’un scorpion géant et d’un poulpe ... le tout, en ... en armure. Avec des lames et des armes à feu !
Le cyber-monstre s’approche lentement de moi. Je recule, mais je ne veux pas me coller au mur du fond et me condamner mais bordel, par où est ce que je dois m’y prendre ? Est que ... ça ... a un point faible ?

Je tente bien un petit Ran Kyaku pour essayer mais les ailes de l’aigle se mettent à battre comme s’il allait s’envoler et vu la puissance des coups de vent dégagés, la lame d’air a simplement été soufflée ! Les pattes du lion approchent, celle avant gauche se lève, je me mets en position pour parer le coup avec du Tekkaï pur, la lourde patte retombe sur moi et force. Je résiste tant bien que mal, mais mon Tekkaï va finir par lâcher ! La deuxième vient me chasser sur le flanc droit, brise ma garde et m’envoie rouler sur le sol sur quelques mètres jusque dans le mur.

- Oumf ! Putain, c’est la merde !

A peine le temps de me relever que les tentacules se dressent, prêts à attaquer. Dans la seconde qui suit, ils me fondent dessus, j’entame alors la danse de l’esquive avec le Kami-E. A nouveau, la voix de Shikane émane du Visio Den Den.

- Agent Skullson, mauvaise nouvelle ... Cette ... Ce ... truc n’a pas de puce ! Je ne peux pas le désactiver !

C’est pas vrai ! Comment je vais faire ? Je peux en venir à bout au moins ?

Il m’attaque sans relâche mais le rythme est le même, alors j’ondule comme jamais je ne l’ai fait jusqu’à trouver une ouverture. Là ! Le tentacule qui vient ! J’enroule mon pied autour de celui, essaie de le tirer mais finalement c’est lui qui me traîne de force. Il me balance à droite et à gauche, comme s’il voulait me jeter à nouveau. Mais je connais la technique, alors je prépare les cinq doigts de ma main droite et je les plante dans la chair du membre visqueux avec autant de Shigans. Il se met à rugir de douleur et à cabrer, mais comme je l’agrippe bien, comme je l’ai bien en main, je reste solidement sur son corps. Sa queue commence à bouger bizarrement, et quand je vais pour regarder la taille du dard, je m’aperçois qu’il n’en a pas mais que c’est un bazooka qui est intégré à la chitine ! Un bazooka !

Ca peut peut être jouer en ma faveur ! Je lâche mon emprise et me dirige vers ses épaules avant.

- Allez ! Vise-moi ! Vise-moi !

Le lion tourne la tête pour essayer de m’attraper dans sa gueule mais je me décale en même temps, la queue me braque ... et tire ! Un poil juste avant, je m’éloigne à l’aide d’un Geppou en arrière et le missile vient s’écraser contre le casque de la wyverne immense qui grogne après sa queue.

Je me pose sur le sol, la patte du lion me fonce dessus toutes griffes dehors, droit sur moi ! J’entends un bruit d’ouverture et on me tire en arrière. Dans la seconde qui suit, les griffes se plantent dans le mur métallique et le transpercent !

- Eh bien, il était moins une !

Cette voix ! Shikane !

Allongé sur le dos, je tourne la tête et je vois l’Ingénieur en chef avec une grosse partie de ses hommes, radieux.
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Shikane m’aide à me relever, et m’explique ce qu’il a fait durant son retour dans les labos.

- Quand je suis arrivé ici, je ne savais pas si j’étais le premier. J’ai laissé ma cape pour vous faire savoir que l’un d’entre nous avait atteint notre but. Hiroaka a bien tenté de me piéger, mais je connais les laboratoires, j’ai donc emprunté un chemin sans Visio Den Den et j’ai rallié mes hommes à ma cause. De toute façon, Hiroaka n’est plus des nôtres, il est enfermé dans son bureau, et il s’amuse à essayer de nous tuer via les salles qu’il filme. Les écrans de contrôle sont également dans son bureau mais je sais comment aller jusqu’à lui sans nous montrer. Et j’aurais également une petite surprise pour vous.

Il fouille dans ses affaires, et sans me regarder, continue de me parler.

- Tenez bon, Agent Skullson, nous touchons au but.

Il sort un bélier d’un casier et le regarde comme un bijou.

- Je savais que tu me servirais une nouvelle fois.

Il l’embrasse sans inquiétude, puis se souvient qu’il est regardé.

- Oui, bon. Nous avons un souci de rébellion une fois. Des marmottes à dials s’étaient enfermées dans une salle pour comploter contre nous ...

Je crois qu’il a repensé à ce qu’il a dit, et qu’il a trouvé cette phrase aussi absurde que nous.

- Quoi qu’il en soit, Section 2, vous venez avec nous. Section 1 vous couvrez nos arrières et Section 3, vous savez ce qu’il vous reste à faire.

Les scientos aboient un “A vos ordres !” à l’unisson. L’ingénieur en chef pose la main sur la lourde porte en béton de son bureau, s’arrête, tourne la tête vers nous et nous motive.

- C’est parti, mettons un terme à tout cela !

Armés de notre volonté, nous lui emboîtons dans une cadence rythmée, presque militaire. Nous lézardons dans les couloirs et les escaliers, tantôt en béton, tantôt en métal, mais toujours froids et austères, presque plongés dans l’obscurité.
A un moment, un Visio Den Den d’une salle à la porte entrouverte nous a surpris. La voix de Hiroaka en a tout de suite émané.

- Ah ! Enfin je vous retrouve ! Je commençais à m’inquiéter ! Je me sentais seul ...
- Il a complètement perdu la raison !
- L’Agent Rockbell dit que c’est le syndrome de tout pourri acculé.
- Eh bien ... Ca ne doit pas être facile tous les jours ...
- Vous comprenez maintenant pourquoi je les hais tant.
- Pour être totalement franc, de vous à moi, et si vous me permettez, vous me paraissez bien trop à cheval sur l’ordre et la loi. Je ne dis pas que c’est un mal, bien au contraire, mais un jour, cela vous perdra.

Je me suis senti ... touché. Vexé. Piqué dans le vif, dans l’amour propre. Je pourrais lui dire que se mêler de ses oignons, que c’est ma façon de faire et que ça m’a permis d’arriver là où je suis aujourd’hui, mais à bien y repenser, ce ne serait pas très mélioratif pour moi. Un instant, je suis tenté de croire qu’il a raison, mais l’autre d’après, je me dis que dans tous les cas, j’agis pour la loi. Et que la loi, je l’incarne, je la dicte et je la fais respecter. Alors un petit rictus désinvolte arme une réponse du même calibre.

- Hmpf ! En attendant, nombreux seront les crapules sous les verrous.
- Si vous le dites ...

Il ne m’a pas répondu sèchement, ou pour m’envoyer paître, indifférent. Non, son ton était ... triste. Mais pas le temps de songer à tout cela, il me tire à nouveau de mes pensées.

- Tous à vos Rebreather ! Nous allons traverser le couloir du sas, là où il y avait les cafardoeufs ! Il y a un risque que tous leurs gaz se soient échappés dans une couche tellement dense qu’elle ne serait pas encore dissipée !

Dans un brouhaha collectif, nous ne sommes plus qu’une petite armée au même visage, un visage de fer difforme. Les masques se mettent à vrombir légèrement, signe de leur fonctionnement. Après une centaine de mètres, nous pouvons nous en débarasser. Puis encore une course d’une quinzaine de minutes à avaler la distance dans un décor sensiblement identique, nous sommes enfin arrivés. Le bureau secret d’Hiroaka !
Nous avons enfin franchi la distance qui nous séparait de lui, tout en évitant ses pièges mortels.

Shikane lève la main, ses hommes se tiennent prêts, le bélier passe de mains en mains jusqu’au premier rang. Leur chef compte ses doigts pour leur dire quand enfoncer la double porte. Trois. Deux. Un ...

- Go ! Go ! Go !

C’est toute la section en entier qui met à l’action, dans la seconde qui suit, les doubles portes sont enfoncées et donnent sur un Hiroaka armé jusqu’aux dents !

- Surpriiiiise, huohoho !

Dans ses mains, un fusil bleu qui ne tire non pas des balles mais un rayon glaçant, même gelé, qui coince le premier rang dans un glaçon gigantesque.

- A couvert !

La section se replie sur les côtés. Cela s’entend dans sa voix, il est devenu complètement cinglé ! Retranché comme il est, il n’a plus rien à perdre, alors il compte bien nous en faire baver visiblement ...

- Oh, ne vous inquiétez pas, il y en aura pour tout le monde ! Mais en attendant, sans personne pour les défendre ...

On l’entend fouiller dans son bazar.

- Pluie d’Impact Diaaaals ! Histoire de briser la glace !

J’ai à peine entendu ça, que je me suis jeté en avant. Je n’arrive pas à le croire, mais je me suis instinctivement jeté en avant pour protéger des marins ... J’ai écarté un maximum les bras, j’ai sauté par dessus le glaçon avec les scientos dedans et j’ai activé le Tekkaï ...

Merde alors !
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L’instant du vol plané, j’ai l’impression que le temps s’est arrêté. Ou du moins, a considérablement ralenti.
Mes chairs qui se raidissent pour atteindre la densité du métal, les quelques Impact Dials lancés qui retombent depuis les airs.
Au premier “clic”, le temps a repris sa vitesse habituelle et sa course dans une formidable accélération. En une fraction de seconde, je me fais bombarder de coups qui résonnent dans tout mon corps, ma défense est brisée, une gerbe de sang jaillit de ma bouche, elle explose magnifiquement comme un feu d’artifice, je m’écrase et glisse sur le sol froid quelques mètres plus loin dans des éclats de glace et de métal ...

- HUOHOHOHO ! Le moucheron s’écrase devant moi de lui même ! Que demander de plus ?

Avec son pied, il m’écrase la tête alors que je gis, inerte. Bien faible est cette douleur comparée à celle qui hante mon corps. Ma position me permet de jeter un coup d’oeil au glaçon malgré ma vue qui se trouble. S’ils s’en sortent, certains ne seront pas indemnes, mais je leur ai évité le pire ... La glace qui a éclaté a emporté avec elle quelques morceau de chair, voire pour certains des membres entiers.

Toutes ces armes aux murs ... tout l’arsenal qu’il porte sur lui ...

Alors je tombe dans l’inconscience, le combat continue de faire rage.

Tout ça ... Tout ça me monte quand même à la tête. Ces types là sont peut être ceux que je déteste le plus. D’accord, je n’oublie pas les hors-la-loi, mais eux savent qu’ils sont du mauvais côté. Alors que les pourris, ces agents doubles, ils ont la chance d’avoir bien choisi leur camp, POURQUOI VOULOIR LA GASPILLER ?

Je me sens tomber dans le vide alors que tout est noir autour de moi. Je n’entends plus rien, je ne vois plus rien, je ne sens plus rien si ce n’est chute dans une matière visqueuse. Je sens que je me cogne dans les parois qui auraient du être dures mais qui sont finalement pourries. Tellement pourries que je peux les transpercer sans le moindre mal.

Je ne suis pas en confiance, je ne suis pas dans mon élément. Soudain, une lumière blanche perce l’opacité de cette matière noire, fielleuse et visqueuse qui me noie à l’intérieure d’elle. Je veux l’atteindre cette lumière, je le veux de tout mon corps mais celui-ci refuse de bouger.

Puis je perçois des sons, lointains. Qui m’irritent au plus profond de moi-même. Je porte mon attention sur eux, et à mesure qu’ils amplifient, la lumière s’approche et m’inonde petit à petit. Ce son, ce bruit irritant, je peux l’identifier.

- HUOHOHOHO !

Le rire de Hiroaka !

Je reviens à moi comme si on m’injectait la vie électriquement. Comme si on me ranimait. Mes dents se serrent toutes seules, mes veines enflent sans que je ne leur demande. Maintenant je sais. Je sais pourquoi j’ai sauvé ces scientos. Je n’ai pas voulu les sauver. Je me suis approché de Hiroaka. C’est le seul moyen ne peut pas avoir affaire à ses armes technologiques.

- Hiroaka ...

Il ne m’écoute pas, son rire triomphant résonne dans ma tête et la hante. Je me relève fébrilement, mon corps tout entier est endoloris, je tremble.

- HIROAKA !

Je l’aperçois maintenant, il me tourne le dos et nargue ses anciens collègues, quand je hurle son nom, il se retourne brusquement, effrayé. Je l’attrape par le col l’envoie sur le tableau de contrôle des Visio Den Den, son dos le heurte avec violence, il couine et chiale comme un misérable vermisseau, je le décharge de ses armes qui peuvent me nuire, je les jette au sol, sans précaution, sans plus d’attention parce que c’est LUI, le centre de mon attention.

Il me suffit d’apercevoir son faciès de lâche déformé par la peur me demander pitié pour qu’une nouvelle bouffée de colère m’anime. Je lui emmanche un coup de poing de la main droite, formant un étau avec le bureau qui lui coince et écrase la gueule ! Voir sa sale tronche tuméfiées et en sang me réjouit, sa moustache n’en est que plus tordue ! Et elles m’appellent ! Elles m’appelle à violenter encore plus ! Je ne peux résister à cette envie alors je le soulève et le colle contre le mur ! Mes poings sont comme des serres, je ne peux plus le lâcher. Mes traits endurcis par la fatigue sont encore remodelé par la vague de frustration et de colère dont mon esprit est infusé ! Et ça se voit. Ca se voit à travers mes yeux qui rouges de colère ! Rien ! Plus rien ne peut me retenir ! Je vais finir par le tuer avant même de m’être calmé ! Je vais jouer avec sa dépouille comme un chat sadique joue avec sa souris ! Je vais ...

- BJÖRN !

Cette voix ... Elle résonne .. comme un clair tintement de cloche au milieu de la tempête .. Ce si petit instrument qui parvient à se faire entendre au milieu d’un vacarme assourdissant ... Ce petit tintement cristallin qui parvient miraculeusement à m’apaiser ...

- Björn, stop, c’est moi, Meredith. Arrête, je t’en supplie.

Meredith ? Mais je veux déferler moi ! Je veux me défouler comme la tempête le fait !

- Il n’a eu que ce qu’il méritait ...

Au fond de moi, je sais qu’elle a raison. Et sa voix ... douce ... qui a réussi ... Oui ... elle ... a réussi à m’apaiser. Petit à petit, j’arrive à faire abstraction à ses pleurs implorants, je reprends conscience de la réalité qui m’entoure. Le bureau, la section, Shikane et Meredith.
Alors je le lâche enfin, et il s’écroule au sol, avant de prendre une position foetale.

Toute ma violence s’écroule, et je tombe des nues ...

Merde, je savais que je pouvais m’emporter facilement, mais là ... J’ai presque peur de moi ...

- Debout !

Je regarde Meredith qui aboit cet ordre à Hiroaka en le fusillant du regard. Lui ne fait que couiner, terrorisé.

Elle prend de l’élan avec sa jambe droite et ... l’encastre dans ses parties génitales sans manquer de lui arracher de nouveaux sanglot et de le plier en deux.
Ma confusion fait place à la surprise, et je ne peux m’empêcher de regarder ma rousse de cheffe avec un regard d’incompréhension.

- Quoi ? Moi aussi j’ai bien le droit à ma part non ? Coffrez moi ce sac à merde !

Siffle-t-elle sèchement. Si ce qui vient de se passer ne s’était justement pas passé, je crois que j’aurais laissé échapper un éclat de rire.

Et puis ... plus rien ... Trou noir.

- Oh non ! Dites moi pas qu’on va devoir aussi le traîner celui là !
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[Epilogue, merci Joe pour l’idée]

Quand je me réveille, je suis allongé sur une surface douillette. Le spectre de la douleur est toujours là, mais celui de la fatigue a presque disparu. Je suis bien au chaud, je devine une lueur douce qui transperce légèrement l’opacité de mes paupières. Alors j’ouvre doucement les yeux. Et je peux confirmer que je suis bien dans un lit, dans une cabine. Enfin à bord.

A ma gauche, Meredith, assise sur une chaise. Tout commence à me revenir lentement.

- Alors c’est terminé hein ? Enfin ...
- Oui, enfin, comme tu dis.

Je suis soulagé, mais aux vues des derniers évènements, je ne peux m’empêcher de ressentir de l’amertume. Mais ça, même si elle doit s’en douter, je préfère le garder pour moi.

- Et lui ? Il est resté là haut ?
- Après ce qu’il a fait ? Sûrement pas. On l’a enfermé à bord, on est remonté et attendu que le blizzard se calme pour sortir.
- Mais j’y pense ? Comment tu es parvenue à son bureau ?
- Shikane ne te l’a pas dit ? Quand tu m’as laissé seule, je n’ai pas pu résister, j’ai essayé de te suivre en prenant mes distances, mais c’était trop tard. Heureusement pour moi, Shikane a trouvé un moyen de pirater les Visio Den Den, donc il a pu me guider plus ou moins. Un escadron est venu à ma recherche par la suite.

Alors ça devait être ça, la surprise. Et le but de la section restante ...

- En parlant de Shikane, il a dit qu’on pouvait garder nos Rebreather en guise de souvenir, bien que je n’y tienne pas particulièrement ... Il a aussi dit qu’il faudra que tu reviennes un jour, pour goûter son café ...
- Je ne suis pas mécontent de quitter Bulgemore, on va y aller par étape avant d’y remettre le pied. D’ailleurs, je me demande ce qu’ils vont devenir les labos maintenant ...
- Shikane a été promu Ingénieur Général, on lui a envoyé des bras supplémentaires pour ranger les premiers sous-sol, réparer les dégâts infligés par ce Hiroaka, etc.
- Ah, enfin une bonne nouvelle ...

Et puis il y a eu un long silence. Comme si Meredith n’osait pas avouer quelque chose, ou n’osait pas aborder un sujet. C’a été assez gênant.
Je sais quel sujet épineux elle essaie d’aborder aussi délicatement que possible, et ça me fait déjà du mal d’y penser, mais il faut que je le fasse, c’est un mal nécessaire, un mal pour un bien. Alors j’essaie de mettre mon égo de côté ... Alors je prends la parole, mais sans la regarder, je préfère me concentrer sur ce pauvre fil qui dépasse de ma couette, que je torture en le tirant et l’enroulant sur mon doigt.

- Je sais à quoi tu penses ...
- Ah ...
- C’est difficile de passer à côté.
- Surtout que -je suis désolée hein mais, ça devra figurer dans le dossier.
- Je sais.
- Je peux t’aider à surmonter ça si tu veux ...
- Non, ça ira, merci. Je préfère m’en occuper seul.
- Tu auras sans doute une mise à pied ...
- J’imagine.

Autre silence.

- Tu ne peux pas garder ça pour toi tout seul, il faut te faire épauler ...
- Non, c’est mon problème, c’est à moi de le résoudre, c’est comme ça que je fonctionne.
- Oui, et on a bien vu les résultats !

Trop, c’est trop ! Je me lève. Du moins j’essaie.

- Tu vas où là comme ça ?
- J’ai faim.

Elle n’essaie pas de me retenir. Et je sais qu’elle ne veut que mon bien. Mais ça ne concerne que moi et moi seul.

Je fournis un maximum d’effort pour ne pas me montrer défaillant devant elle. Je sors de la cabine avec grand mal, mais j’en sors quand même, quelque soit le temps que ça me prend.
Bien sûr, une fois la porte claquée, je me relâche ... et dix mètres plus loin je m’écroule dans un grognement de douleur. Alors je me relève en m’aidant de la paroi à côté de moi, et je progresse de la même façon.

Avant de me diriger dans les cuisines, je fais un détour par les geôles. Peut être que je tente le diable, mais j’en ressens le besoin. Je dois aller voir Hiroaka pour tester ma propre réaction.
Au bout de quelques minutes, je tombe enfin sur lui. A mon arrivée, il est pris d’un sursaut de peur. Il est pieds et poings liés. Je le regarde, l’oeil vide. Dans mon coeur, nulle compassion, nulle pitié. Que du dédain que je lui crache au visage dans un petit “Hmpf.”.

Je repars pour vraiment gagner les cuisines cette fois-ci.

Quand j’y arriverai, on me dira qu’aller me recoucher, qu’on apportera un plateau, que ce n’est pas bon pour moi de me lever.
Quand j’enterai dans la cabine, Meredith sera partie, et je ne la reverrai pas avant l’arrivée.
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