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Bain de culture entre deux bains de sang


- De la pommade ça ? Bordel on dirait du guano...

Ce que l'infirmière lui avait donné sur l'Île du Karaté avait en effet la texture, voire même l'odeur de chiure de mouette. Mais sous ce soleil de plomb, son visage le faisait de toutes manières trop souffrir, et il ne tarda pas à étaler la pommade sur sa sale bobine.
Bien que toujours esquinté, sa tête reprenait apparence humaine. Elle avait reprit son volume normal, et la teinte violacée de sa peau tournait maintenant au bleu.

- Bordel, Aïe, ouh la vache !

C'était le moment délicat où Joe passait la pommade sur son nez. Ce dernier avait été cassé, et le moindre contact suffisait à éveiller des douleurs dont le cafard se passait volontiers. Lorsque les flots n'étaient pas trop agités, il passait la tête par dessus bord afin de tenter d'observer son reflet pour constater les dégâts, mais le forban peinait à voir si il guérissait.
Cela faisait longtemps que les médicaments administrés à l'infirmerie ne faisaient plus effet, et toute sa tête, de la mâchoire à la boite cranienne le faisait souffrir atrocement. Dans ces conditions, un individu lambda savait où il devait se rendre pour se soigner.

- Cap vers Torino !

Mais Joe n'était pas un individu lambda, c'était un pirate doublé d'un enfoiré notoire. Il était de toutes manières compliqué de trouver des bonnes âmes pour soigner un criminel avec une prime sur la tête , aussi, le cafard se résigna à procéder comme il le faisait habituellement en cas de blessure. C'est à dire en se rendant dans une des plus grandes bibliothèques du monde afin de lire. La lecture n'avait évidemment aucun effet curatif, mais cela avait au moins le mérite de le maintenir au calme quelques temps, lui permettant ainsi de recouvrir certaines blessures superficielles. Le coup du poing qu'il avait reçu dans l'arène n'avait heureusement occasionné aucune séquelle définitive, un peu de repos suffisait ; bien que quelques soins demeuraient néanmoins les bienvenus.
Mais puisqu'il n'y avait pas d'hôpital à Torino, le forban ne compta pas là dessus, et se contenterait de quelques bouquins pour le distraire de son agonie en attendant que ça passe.

Enfin, il allait accoster après presque deux jours de voyage, ayant dû faire une détour pour chercher ses dials et son magot. La modeste embarcation qu'il avait subtilisée avait quelques provisions à bord, notamment du rhum et des harengs conservés dans le sel. Il ne lui en fallait pas plus pour faire son bonheur. Déchargeant ses victuailles, il s'étonna d'attirer autant l'attention des bons sauvages qui peuplaient ces terres.
Est-ce que cela venait de son visage ? Son avis de recherche était-il parvenu jusqu'ici ? Si tel avait été le cas, les habitants n'auraient pas été tout sourire.

- C'est vous Joe Bitagu ?

Si l'on connaissait son nom, alors il pouvait être à présent certain que sa prime était affichée dans les environs.

- Biutag petite ! Et pour toi c'est "Monsieur le capitaine Joe Biutag".

S'apprêtant à mettre une claque à la petite fille enrobée qui avait eu le malheur d'égratigner son nom, il préféra stopper net l'élan de sa main quand il s'aperçut qu'il était entouré des indigènes. Faisant mine de se gratter l'épaule avec la main dont il allait se servir pour baffer la gamine, l'un des habitants brandit un avis de recherche pour lui mettre sous le nez.

- Nous savons qui tu es Joe Biuman !

Timidement, Joe tenta de corriger le bougre :

- A vrai dire Monsieur, c'est plutôt Biutag, m'enfin vous pouvez m'appeler Joe hein... haha...

Son petit rire forcé occasionné par la nervosité laissa place à un silence lourd, qui ne fut violé que par la reprise de parole du gros sauvage.

- Te voilà à présent citoyen d'honneur de Torino.
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Posant son bol vide à même le sol, le cafard avait l'impression qu'il allait bientôt rencontrer son créateur. Son ventre était bien rempli, l'abdomen bien rond, et sa vue était floue suite à ce qu'il pensait être le quinzième bol de liqueur de banane qu'il venait de s'enfiler. Il ne s'était pas attendu à une telle forme de convalescence en venant ici.

Partout autour, de ce qu'il arrivait encore à distinguer, on dansait et on buvait autour d'un immense feu. Cela devait faire des heures que tous festoyaient à la gloire de leur tout nouveau citoyen d'honneur, et il faisait nuit noire. A côté du forban, un homme semblait communiquer avec lui, mais le forban était dans un état trop second pour pouvoir comprendre ce qu'on lui disait.
Essayant de reprendre ses esprits, il s'aspergea le visage d'eau pour garder les idées claires. Son interlocuteur insistait pour lui faire la causette.

- Qu'est-ce que tu baves encore toi ?

Tout jovial, le gros naturiste tentait d'attirer l'attention de Joe.

- Laquelle te conviendrait le mieux petit ?

Scrutant dans la direction que lui indiquait du doigt son camarade de beuverie, il observa ce qui semblait être quatre lamantins bronzés ornés d'une touffe de cheveux. Maintenant qu'il y voyait un peu plus clair, il plissa des yeux pour mieux examiner ce qu'il était en train d'observer.

- C'est des femmes ça ?

Le bon sauvage lui mit une grande claque dans le dos.

- Elles sont bien en chair comme on les aime par ici, laquelle ferait ton bonheur ?

D'un vague signe de la main, Joe lui fit signe de laisser tomber l'affaire. Bien qu'il était assez saoul pour accueillir dans sa couche l'un de ces pachidermes bipèdes qui leur faisait office de femme, l'alcool avait neutralisé pour plusieurs heures toute activité rigide sous la ceinture.
A peine pensait-il s'être débarrassé du gros lard qui cherchait à le maquer avec une de ses filles, un autre spécimen, tout ausi corpulent lui passa un bras autour des épaules.

- Hep ! Re.. Refais voir la tête qu'ont fait les marines quand tu leurs a balancé un bateau enflammé sur... sur la gueule là.

Ne sachant pas de quoi parlait ce lourdaud, la mémoire du cafard finit enfin par immerger du torrent d'alcool dans laquelle elle avait été noyée.
Si ils l'avaient élu citoyen d'honneur, c'était parce qu'ils étaient ravis de savoir qu'il avait nuit à la marine à plus d'une reprise. Ce n'était pas une fibre révolutionnaire qui les animait, seulement un ressentiment à l'égard des marines qui délaissaient la sécurité de Torino depuis trop longtemps, estimant qu'il n'y avait rien de valeur à protéger.

Cette négligence avait d'ailleurs amené les Saigneurs à gravement endommager l'île il y a plus d'un an de cela, sans que personne ne s'en émeut.
Aucun ici n'avait idée du degré de veulerie qui caractérisait Joe, ni de sa perfidie, tous le considéraient comme un pirate à part. En effet, au court de ses treize années de piraterie, le forban s'était souvent rendu sur Torino pour bouquiner. Bien qu'il n'ait jamais noué la moindre relation avec un quelconque habitant, il était quelque part considéré comme un enfant du pays, car n'ayant jamais attaqué qui que ce soit.

Le cafard ne voulait pas l'admettre, mais il considérait aussi Torino comme son foyer. La vie de pirate mène au nomadisme, pourtant, tout homme à besoin de s'enraciner pour s'épanouir sainement. Il était très éprouvant psychologiquement de n'avoir aucun point de repère vers lequel se situer. Une famille, un foyer, Joe n'avait plus rien de tout cela, mais petit à petit, sans qu'il s'en rende compte, cette île était devenue son point de repère, le monde pouvait s'écrouler autour de lui, il savait qu'il irait se cacher ici pour être à l'abri.

Mais il préféra ne pas y penser. Pour lui, s'attacher à une terre, à des êtres humains, c'était susciter de la passion, et il n'y avait rien de pire que la passion pour obscurcir la raison. Joe n'était pas un être qu'on pouvait qualifier de franchement raisonnable, mais n'avoir aucune attache lui permettait de tout sacrifier sans regret afin de pouvoir aller de l'avant sans jamais regarder en arrière.

Le cafard fut sorti de ses pensées mélancoliques par le bruit de la fête qui l'entourait. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas ressentit une atmosphère aussi chaleureuse.
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C'est en manquant de s'étouffer que le forban émergea de bon matin. Ne comprenant pas ce qui obstruait ainsi sa respiration, toujours couché, il pencha la tête en avant de sorte à ce que son menton effleure sa poitrine, pour constater qu'une chose immense lui écrasait la cage thoracique. A l'aide de ses deux bras, il souleva ce qui avait failli l'étouffer pour le poser avec peine à côté de lui.

Un matin comme celui là, il n'en avait pas connu depuis longtemps. Une gueule de bois s'ajoutait à sa douleur au crâne, il ne savait pas où il était, ayant oublié jusqu'à l'île où il avait accosté, et se sentant à l'étroit entre deux blocs massifs.
Prenant le temps pour émerger, il analysa la situation dans laquelle il se trouvait.

- Récapitulons, donc je me souviens être à Torino....

Jusque là, ça allait.

- .... Je suis dans ce qui semble être une hutte...

Le regard rivé vers le plafond, c'était une petite habitation sommaire faite de branchages dans laquelle il se trouvait. Suite à la fête, il avait dû être hébergé chez un habitant.

- .... Et si je suis à l'étroit c'est parce qu....

Tournant sa tête à droite puis à gauche, il venait de comprendre la situation dans laquelle il se trouvait. Ce qui lui avait écrasé la poitrine de bon matin était un bras volumineux, rattaché au corps grassouillet d'une autochtone endormie sommeillant à la droite de Joe. Mais le cafard n'avait pas fait dans la dentelle, car à sa gauche, c'était une autre demoiselle largement enrobée qui le jouxtait.
Il faut croire que la veille, les effets de l'alcool s'étaient doucement estompés et que le forban s'était adonné à la spéléologie en milieu charnu.

- Deux d'un coup...

Ayant rapidement surmonté le trauma, il finit par s'enorgueillir de ses conquêtes, qui, si elles avaient pesé une cinquantaine de kilos de moins chacune, auraient pu être considérées comme magnifiques. C'était du moins comme ça qu'il essayait de voir les choses afin de sauver l'honneur.
Les ronflements ayant eu vite raison de sa patience, il remit ses habits et sortit de la hutte. A peine dehors, il crut que le soleil venait de lui griller les rétines.

- Alors ! Notre vigoureux héro local a goûté au repos du guerrier ?!

Et en plus tout le monde était au courant de son "exploit". Jetant un rapide coup d'oeil à l'intégralité des habitants du village, Joe se rassura en se disant qu'il avait culbuté les moins grosses du village. L'honneur était sauf, tout du moins, ce qu'il en restait.
Commençant à s'habituer à la lumière du soleil, Joe estima qu'il devait être onze heure du matin. Il aurait bien voulu se ruer dans la bibliothèque, mais sa douleur au crâne relevait du supplice. Fermant les yeux et posant sa main sur son front pour tenter d'apaiser sa souffrance, une voix de femme se fit entendre.

- Mâche ça.

Ouvrant un oeil, puis deux, ce qui semblait être une mère de famille lui tendait une plante. Le cafard retroussa le nez à l'idée de se salir le palais avec ce qu'il pensait être "une connerie de fleur", mais finit par se résigner à obéir. Après tout, les habitants de Torino étaient connus pour leur savoir, notamment en biologie.
Machouillant ce qui avait un goût infect, il se sentit peu à peu plus léger. La douleur s'évanouissait à une vitesse incroyable.

- C'est une racine de Mangaloo, en plus de dégager les bronches, son arôme fait office d'anti-douleur. Cependant, n'avale pas la sève, elle fait office de relaxant musculaire et peut provoquer une aphasie temporaire.

Tout en demeurant parfaitement lucide, Joe était débarrassé de la douleur de par l'effet apaisant de la plante. Il cala la racine au fond à droite de sa mâchoire, l'écrasant de ses molaires, puis cracha de temps à autres pour ne pas s'empoisonner.
C'était la première fois qu'il goûtait à ce médicament, et l'addiction s'était déjà emparée de lui, le forban ne voulait plus jamais s'en passer. La plante constituait un anti-douleur surpuissant, c'est à peine si Joe arrivait encore à percevoir le sens du toucher.

- Comment j'ai pu vivre sans ça ?!

Lui qui était abonné aux coups de poings dans la gueule et autres ratonades, il avait la sensation d'avoir trouvé le Graal.

- La vieille, trouve moi d'autres plantes comme ça et mets en plein mon bateau !

Ne laissant pas le temps à l'autochtone de lui répondre, le cafard filait déjà vers la bibliothèque. Faisant le contour de l'immense arbre de l'île, il trouva enfin la porte d'entrée pour pénétrer dans l'enceinte du temple de la connaissance.
Le bibliothécaire le salua chaleureusement, ne manquant pas de lui montrer qu'ils avaient érigé son avis de recherche comme une bannière d'un format de deux mètres sur trois au dessus du canapé où il avait toujours prit l'habitude de se vautrer pour lire.
Pour mettre ainsi à l'honneur un pirate aussi immoral que Joe, ce dernier en conclut que les sauvages avaient vraiment une dent contre la marine.

- Me voilà littérature chérie !

Qu'allait-il choisir ? Un traité de philosophie ? De la poésie ? Une oeuvre de fiction ? Un livre de navigation ? Rien de tout cela.
Car son regard s'était fixé sur un exemplaire qu'il avait longuement cherché par le passé mais jamais pu se procurer. Cet ouvrage n'était autre qu'une biographie, celle d'un pirate qui en son temps avait su marquer son époque de par sa gloire et sa richesse.

- Oh ! Très bon choix Joe !

S'exclama le bibliothécaire qui regardait par dessus son épaule.

- C'est une édition limitée. La distribution de cette biographie semble s'être presque exclusivement opérée sur East Blue, nous avons mis un certain temps avant de nous décider à nous le procurer.

Sur la couverture du livre, on pouvait y lire en lettres d'or :


Le One Piece ne me méritait pas.

Biographie de l'illustre capitaine Buggy.
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Bien qu'euphorique à l'idée de pouvoir enfin contempler cet ouvrage, Joe fut néanmoins deçu qu'il ne s'agisse pas d'une autobiographie.

- Bah, c'était un vrai pirate, il avait pas le temps pour écrire !

Dire que Joe idéalisait Buggy relevait de l'euphémisme. Le clown avait été connu comme étant l'un des pirates s'étant enrichit avec le plus d'astuce. Le cafard se retrouvait beaucoup en lui. Mais il se savait loin de l'égaler. Après tout, Buggy était l'homme qui avait ouvert les portes du triangle Floriant de par son simple haki.
C'est tout du moins ainsi que le retenait la légende.

Son récit commence à East Blue, où il s'installa en maître. Son empreinte avait profondément marquée ce quart du globe du fait de son influence et de son charisme. [...] Une fois qu'il en eut terminé avec les hommes-poissons de Cocoyashi, qui nuisaient à ses affaires, l'infâme Luffy au chapeau de paille s'empressa de profiter du manque de marines sur place pour colporter à qui voulait l'entendre, qu'il avait sauvé East Blue.

- Ah l'enflure !

Si son respect allait à Buggy, sa haine allait au seigneur des pirates, Monkey D. Luffy. Un pirate exécrable qui sauvait des royaumes sans demander d'argent en retour, qui libérait des esclaves, et ne s'enrichissait que très rarement.

- Une honte pour la piraterie ce gars.

Buggy tînt à rectifier ce grotesque mensonge, et s'en alla à Loguetown corriger Luffy. [...] Ce ne fut qu'après quelques secondes de combat que le clown parvint à réduire l'homme élastique à néant, ce dernier avait très tôt comprit qu'il n'était pas de taille.
Alors que le glorieux capitaine Buggy s'apprêtait à achever le pitoyable garçon au chapeau de paille, il y renonça.

- Naaaaan capitaine Buggy ! Tu peux pas faire ça ! Pas toi !

Car, ce lieu où il s'apprêtait à achever son adversaire, était là où plusieurs décennies auparavant, son capitaine, Gol D. Roger fut exécuté.[...] Bien que Buggy fut le plus grand pirates de tous les temps, y compris ceux à venir, il avait néanmoins un infini respect pour Roger, à qui il avait jadis montré le chemin vers Rough Tell.

- Je le savais !

Évidemment, les références bibliographiques n'étaient pas légions dans cette biographie, et certaines affirmations demeuraient sans preuve, mais la légende de Buggy suffisait à convaincre un ramassis d'idiots que tout ce qui était inscrit sur ces pages était la vérité.

En hommage à Roger, Buggy décida de laisser Luffy s'enfuir, lui annonçant :

- Je te laisserai être le deuxième homme à trouver le One Piece.

Telle était la grandeur d'âme du Clown. Cela faisait longtemps qu'il avait trouvé le One Piece, mais il estima que cela ne lui suffisait pas. [...] Plutôt que de s'en emparer égoïstement, il le laissa à sa place, afin de permettre à l'ère de la piraterie instiguée par Roger, de continuer encore longtemps. Car si Buggy fut pirate, cela fut par conviction, et non seulement pour l'argent.

Comme moi !

Gagner de l'argent en pillant des malheureux en mer, c'était toute une vocation. Nombreux furent les boucanniers sanguinaires à inspirer la jeunesse à commettre les mêmes atrocités par la suite.

[...]Mais le clown craignait que Luffy, trop faible, ne réussisse pas à accomplir sa volonté. Aussi, il décida de le suivre sur Grand Line, afin de s'assurer à ce qu'il ne lui arrive rien.

Ayant terminé le premier chapitre des aventures du capitaine Buggy, il alla ranger le livre pour ensuite se coucher sur la banquette.
Tout au long de la journée, en mastiquant la racine de Mangaloo pour apaiser sa douleur, il avait passé son temps à cracher dans le pot d'une plante décorative qui trainait à proximité. Cette dernière commençait à s'affaisser dangereusement.

- Putain, c'est vrai que ça provoque l'aphasie cette saloperie.

Otant la racine d'entre ses molaires, il la posa sur une table basse pour la mâchouiller à nouveau le lendemain. Il avait passé la journée à la mastiquer, et elle n'avait rien perdu de son effet anti-douleur.
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- Bien dormi Monsieur Biutag ?

Affalé sur le canapé, Monsieur Biutag répondit aimablement :

- Va chier !

Il dormait très bien, jusqu'à ce que le bibliothécaire ne se permette de le réveiller pour une raison qui lui échappait. Cette raison, c'était tout simplement l'heure d'ouverture de la bibliothèque. Se redressant tant bien que mal, encore fatigué, il se mit en position assise avant de sursauter.

- La vache putain c'est brûlant !

Très attentionné, le bibliothécaire lui avait laissé un plateau repas pour son petit déjeûner avec notamment un bol de café. Cependant, il eut été plus avisé de placer le tout ailleurs qu'au pied du canapé de Joe.
Bien que son pied fut légèrement brûlé, Joe s'en foutait éperduement. Dévorant ses tartines et s'empressant de boire son café, risquant de se griller l'oesophage se faisant, il s'empara de sa racine de Mangaloo et la machouilla pour dissiper toute la douleur.

Sa tête ne le faisait pas tant souffrir que ça ce matin ci, mais l'addiction à la plante se faisait déjà ressentir. Alors qu'il s'apprêtait à commencer sa petite séance lecture en attaquant le chapitre deux de la biographie de Buggy le Clown, il s'étonna du monde qu'il y avait si tôt le matin. Beaucoup étaient venus simplement pour le saluer.
La veille, le chef du village leur avait fait savoir que tout citoyen d'honneur qu'était devenu Joe, il serait amené à partir assez vite de l'île du fait de son statut de pirate.

- Qu'est-ce que vous avez encore ?!

Demanda toujours aussi aimablement le cafard. La plupart d'entre eux étaient passés pour le saluer, d'autres pour lui offrir des présents. L'indigène qui lui avait offert la racine de Mangaloo la veille était venue lui faire savoir qu'elle avait chargé son bateau de la même plante, comme convenu.
L'homme qui l'avait harcelé lors de la fête d'il y a deux jours pour qu'il s'acoquine avec l'une de ses filles venait maintenant lui proposer d'en épouser l'une de celles que le forban avait honoré sous l'effet de l'alcool.

- Suivant....

Nombreux étaient ceux venus lui apporter d'innombrables babioles, d'autres plantes médicinales dont il ne saurait comment se servir, et même une montre boussole.

- Mais elle est nulle à chier ta boussole, elle indique même pas le Nord.

Celui qui lui avait offert ce cadeau pouffa suite à cette réflexion.

- Comment peut-on être pirate et ne pas savoir ce qu'est un Log Pose ? Moi même qui n'ait pas navigué sait comment s'en servir.

Attentif, Joe apprit comment fonctionnait la navigation sur Grand Line. Déglutissant, il s'estimait heureux qu'on lui apprenne cela avant son départ pour Reverse Mountain, autrement, il n'aurait pas eu le temps d'atteindre la première île avant de se retrouver désemparé sur la route de tous les périls.
Il fallut près d'une heure avant que tous ne décampent de la bibliothèque. C'était un peu tôt pour offrir des cadeaux d'adieu pensa le forban.
Mais à bien y réfléchir, lui qui pensait rester une semaine le temps de guérir se sentait déjà mieux. Son visage reprenait sa couleur habituelle, ses lèvres n'étaient plus trop enflées, et surtout, l'anti-douleur prodigué par la racine de Mangaloo avait eu le don de transformer son agonie en plaisir terrestre.

- Je vais peut-être partir ce soir ou demain finalement...

Il n'avait qu'une hâte, c'était de pouvoir enfin se faire une réputation et s'enrichir sur Grand Line. Cela ne faisait que trop longtemps qu'il repoussait cette expédition au lendemain. Qu'à cela ne tienne, il partirait après avoir lu le chapitre deux de la biographie de Buggy.

[...] Contrairement à beaucoup des adversaires de Buggy ( qui le craignaient et le vénéraient en secret ), le clown ne devait pas sa puissance seulement à son fruit du démon, mais à son expertise en chimie.

Le cafard cligna des yeux. Jusqu'à ce jour, il avait entendu dire que Buggy pouvait faire la pluie et le beau temps, détruire une île d'un simple regard, ou faire des allers et retour à Rough Tell comme il le désirait, mais jamais il n'avait entendu parler de ses compétences de chimie.

La Buggy Ball ! Trésor du monde l'armement, faisait sa force sur les mers. Un boulet spécial remplit d'un composé chimique instable lui permettait de raser tout sur son chemin. Il était même parvenu à miniaturiser cette arme de destruction à la taille d'une simple balle, capable néanmoins de provoquer des dégâts explosifs jamais vus.

- Des boulets explosifs miniatures ?

Les yeux du forban se mirent à étinceler. Si ce qu'il lisait ne relevait pas de la légende, cela signifiait que son idole en matière de piraterie avait été capable de mettre au point une munition dont il pourrait se servir.

La recette était la suivante :[...]

Buggy n'avait pas rédigé sa biographie, mais il avait néanmoins fait partager au rédacteur les propriétés de son fruit du démon ainsi que la recette de fabrication des Muggy Balls. Recette oubliée jusqu'alors du fait de la rareté des biographies restantes du clown.
Claquant des doigts, et enfilant son anorak, Joe ordonna au bibliothécaire de copier la recette chimique sur une feuille à part. Le cafard ne tenait plus, il devait absolument partir sur Grand Line pour obtenir les ingrédients nécessaires à la fabrication des Muggy Balls.

Déposant le livre précieusement, il se jura de lire la suite quand il trouverait un autre exemplaire sur Grand Line. Il aurait pu voler celui-ci, mais, réaliste, savait que sa minuscule rembarcation coulerait tôt ou tard, il tenait à ce que cela ne se fasse pas avec le livre à bord. La recette en sa possession, il la rangea dans sa poche et salua son bienfaiteur.

Le soleil commençait à se coucher, et Joe se dirigeait vers les quais, recevant les adieux de chaque autochtone devant lequel il passait.

C'est drôle la vie. Même si à un moment donné, on part confiant en direction de la route de tous les périls, des idées et des rêves plein la tête, c'est généralement à cet instant précis qu'un oiseau géant choisit de vous foncer dessus et de vous attaquer. Il faut croire que ce sont des choses qui arrivent.
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Il y avait échappé jusque là, mais cela devait arriver tôt ou tard. L'un des immenses volatiles qui peuplaient le sommet de l'arbre géant de Torino avait attaqué Joe. Jamais les piafs ne s'en prenaient aux habitants, mais ils détestaient les étrangers. Que le cafard ait été nommé citoyen d'honneur, ils s'en foutaient ouvertement, dès l'instant ou un bipède ne se baladait pas presque à poil, et pesait moins de 100 kilos, c'était un étranger, point final.

Regardant sur sa droite, l'oiseau gigantesque volait en rase motte, gueule grande ouverte en sa direction. Le forban aurait beau faire un bon de côté qu'il se ferait néanmoins percuter par la large gueule, ou bien les ailes.

- Fais chier !

Les dents serrées, il n'en revenait pas. Était-ce comme ça qu'il allait mourir ? A même pas un jour de son voyage vers Grand Line, là où débuterait ce qu'il pensait être le début de sa légende ? C'était trop frustrant pour être vrai.
Ne pouvant ni faire un pas à gauche, ni un pas à droite, il fonça droit devant lui, en direction de l'oiseau. Cela s'apparentait à une mesure désespérée. Chercher le combat frontal avec un animal aussi énorme qu'un oiseau de Torino, c'était peine perdue, surtout pour lui.

Sous le regard terrifié des quelques indigènes présents, Joe se jetait dans la gueule du loup. Ou, en l'occurrence, celle du piaf. Évidemment, ce qui devait arriver arriva, le cafard se fit gober par l'animal. Sans doute avait-il préféré cela plutôt qu'être fauché par les larges ailes qui, compte tenu de la vitesse du volatile, auraient brisé les os du forban.

Alors que l'oiseau, qui avait volé en rase motte pour perpétrer son attaque, s'apprêtait à décoller, il ne vola pas bien haut. S'écrasant lamentablement au loin sur la plage, il se recroquevillait sur lui même, poussant des cris violents, agonisant avant de lâcher un soupire dans un dernier râle.
Les habitants observèrent le spectacle surpris. De la gueule de la bête morte, sortit un médiocre personnage. Joe n'était pas mort, car le cafard ne meure jamais.

En se jetant dans la gorge du piaf, Joe s'était empressé de tirer avec son lance-grenade à travers la trachée de l'animal. Le boulet avait terminé dans l'estomac et avait fait du dégât. Mais à présent, Joe devait repousser son départ pour Reverse Mountain à une date ultérieure.
Affichant un visage d'imbécile heureux, il ne ressentait presque pas la douleur grâce à la racine de Mangaloo qu'il mâchait. Pourtant, il avait deux côtes cassées et une fêlée, une entorse, et il s'était encore une fois déboîté l'épaule droite.

Boitant jusqu'à la bibliothèque, sous le regard inquiet des indigènes qui ne trouvaient pas les mots après ce qu'il venait de se passer, le forban ricanait doucement.

- Bon... Bah faut croire que j'aurai le temps de lire la biographie de Buggy.

Le départ de Torino ne se fit que dix jours plus tard.
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