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La première pierre d'un grand empire

Pour pouvoir exercer le métier de transporteur, il faut trouver des choses à transporter. Et pour trouver des choses à transporter, il faut se rapprocher des gens qui ont d’ores et déjà un commerce florissant. Or, aucune île n'est plus active économiquement sur les Blues que Poiscaille. On pêche et revend plus de poisson sur cette île que dans tout le reste des Blues, sans le moindre doute. Joseph est certain de pouvoir trouver des clients désireux d'étendre le périmètre de leur revente de poissons frais. Un commerce fixe, rapportant gros et parfaitement légal, voilà ce dont il  besoin dans un premier temps. Il s'est renseigné sur le commerce et sait à qui il doit s'adresser. Trois familles gouvernent la totalité du business, comme le feraient des familles mafieuses d'un trafic d'arme ou de drogue. Lobby influent imposant même leurs conditions à la Marine, les Portdragon, les Malsoin et les Keudever sont de toute évidence ceux à qui parler pour toute négociation financière.

La ville est belle. L'économie locale rapporte gros à la municipalité qui investit de grosses sommes dans les infrastructures. L'architecture est travaillée et moderne, de grands et luxueux voiliers mouillent dans le port et affichent de façon ostentatoire leur réussite. Trois mats, drapeaux flottant fièrement au vent, difficile de se dire qu'il s'agit simplement d'un port de pêche. Depuis qu'il a posé le pied dans ce port, Joseph sait qu'il a bien fait de venir. La réputation du lieu n'est pas usurpée. Des centaines voire même des milliers d'étals proposent des poissons frais, parfois encore frétillant, aussi divers que variés. Certaines espèces sont même parfois totalement inconnues au nouvel arrivant. Des couleurs bariolées, des écailles brillantes, des nageoires et des voiles gracieux... La diversité des créatures aquatiques proposées est étonnante, même pour un homme aillant souvent sillonné les mers. Certaines échoppes proposent également des produits préparés, comme des sushis et des makis en majorité, préparés directement sur place avec la pêche du jour.

Après avoir discuté pendant quelques temps avec de nombreux revendeurs, Joseph en arrive à la conclusion qu'il devrait commencer par tenter de négocier avec la famille Keudver. Ce choix est mûrement réfléchit, après avoir pesé longuement le pour et le contre des trois candidats en lice dans l'ouverture d'un contrat direct de transport et de distribution. Mais un argument à fait pencher la balance pour les Keudver. Ou plutôt deux en vérité. Le sein droit et le sein gauche de la matriarche, Adriana Keudver. Certes, un contrat bien juteux est appréciable, mais il n'oublie pas la mission primordiale qui lui incombe, faire un héritier qui saura faire perdurer la volonté du Q à travers les âges. Et cette Adriana semble parfaitement équipée pour allaiter un enfant. Elle sera très bien.

Le voilà justement qui arrive devant le grand bâtiment qui sert de centre d'affaires des Keudver. Alors qu'il s'approche de l'entrée, deux hommes en armes lui somment de s'arrêter en lui demandant de décliner son identité et de leur faire part de ses intentions.

-Joseph Q. Andersen, c'est ainsi que je me nomme. Je souhaiterais m'entretenir avec Adriana Keudver afin de pouvoir définir un intéressant contrat d'affaire.
-Bougez pas.

Le gardien sort un escargophone de sa poche et annonce l'arrivée d'un homme étrange souhaitant parler business avec la matriarche. Une voix lui répond de le faire entrer après l'avoir fouillé. Joseph se laisse faire sans discuter. On le fouille, lui confisque son pistolet et son fleuret et, après lui avoir frotté la joue avec un morceau de granit marin pour s'assurer qu'il ne possédait pas de pouvoirs liés à un fruit du démon, il est invité à entrer. L'intérieur est immense, semblable à un hangar de stockage. De nombreuses personnes s'activent à transporter des caisses d'un point à un autre, les charger dans des navires, en décharger d'autres et à discuter par escargophone. L'odeur de poisson qui y règne est très importante mais les travailleurs s'y sont habitués. Le garde l'invite à le suivre et l'amène jusqu'à un escalier menant à une grande cabine qui surplombe toute la salle. En levant la tête, il aperçoit la directrice de l'organisation qui l'observe à travers une baie vitrée. Il fait une révérence tout en continuant à grimper mais n'obtient aucune réaction.

Ils finissent par arriver devant une porte, elle aussi gardée. Les vigiles s'écartent et Joseph est invité à entrer. Adriana l'attend. Une belle femme au charme certain. De longs cheveux ondulés qui tombent en cascade sur une poitrine aussi généreuse que les rumeurs le prétendaient. Des courbes à faire rugir de passion un eunuque et des hanches encadrées par une robe rouge aguicheuse. Elle se tient debout devant son bureau recouvert de papiers. Un révolver est posé de façon bien visible en plein milieu. Le message est clair. Elle n'est pas une faible femme que l'on pourrait vouloir escroquer et gare à celui qui voudrait la doubler ou lui faire perdre son temps. Joseph s'assoit dans le fauteuil qui lui ait destiné après un geste du menton de la chef.

-Bonjour. Vous êtes venu faire affaire à ce qu'on m'a dit.
-Tout à fait, je pense qu'une femme telle que vous, doit devoir exporter beaucoup. Je suis livreur de l'extrème, le défi c'est ce que j'aime. Je livre des marchandises où l'on m'envoie avec une garantie de choix.
-C'est à dire?
-Toutes mes marchandises sont sécurisées, si la livraison n'est pas effectuée, sa valeur vous est remboursée dans les plus brefs délais. Je me charge moi-même de la sécurité, les attaques de pirates sont repoussées.
-Je vois. Vous prétendez être en mesure de repousser d'éventuelles attaques. Ca peut être inétressant. Et vous vous occupez de revendre les poissons une fois arrivé?
-Non, cela n'est pas ma fonction. Je me charge seulement de la livraison. Je ne me fais donc pas de marge sur le prix de vente ce qui vous permettrait d'augmenter votre rente. Je charge les poissons sur mon bateau et m'occupe de leur faire traverser l'eau. Je les remets à votre contact qui les revend et revient vous donner le payement.
-Hahaha! Et quelle garantie aurais-je que vous reviendrez avec l'argent? Vous me prenez pour une imbécile? Je vous préviens, je ne suis pas d'humeur à écouter des gens qui tentent de me flouer!

Adriana se saisit du revolver et s'approche lentement du livreur, un petit sourire au coin des lèvres. Joseph ne se départit pas de son sang-froid et lui explique calmement que s'il faisait ce genre de chose, son commerce coulerait en quelques instants, sans compter le nombre d'ennemis qu'il se ferait à travers les Blues. Un contrat sur le long terme avec une entreprise aussi florissante que celle des Keudver est bien plus intéressant que le prix d'une unique livraison de poissons. Il n'aurait donc aucun intérêt personnel ou financier à la trahir. La femme l'écoute tout en lui tournant autour, faisant virevolter son revolver, amusée. Les regards se croisent, les deux commerciaux se toisent et se jaugent l'un l'autre. Elle finit par revenir à sa place et repose l'arme à feu d'un geste sec.

-Vous disiez être de mauvaise humeur, pas plus tard que tout à l'heure. Peut-être que je peux vous aider, avant de commencer à négocier?

La femme d'affaire se retourne vivement et fixe Joseph pour tenter de deviner ses intentions. Elle finit par laisser transparaître un sourire. Il pourrait effectivement l'aider. Passant rapidement à côte de Joseph, toujours assis confortablement dans le fauteuil, elle ouvre la porte et demande à n'être dérangée sous aucun prétexte avant de la refermer d'un claquement sec. Le transporteur pivote pour lui faire face et la voit sortir un couteau de sa manche. Intrigué, il la laisse s'approcher, relever le bas de sa robe et le chevaucher pour mettre son visage à quelques centimètres du sien. Elle place la lame sous la gorge de l'homme et appuie doucement.

-Autant vous prévenir, aucune médiocrité ne sera tolérée.
-Il n'est pas dans mes habitudes de faire preuve d'inaptitude.

Les lèvres se claquent violemment.
    Joseph remonte son pantalon et boucle sa ceinture. Sans prêter attention à la femme encore allongée à côté de lui, il allume une cigarette et retourne s'asseoir dans le fauteuil. Encore un pas de plus pour sa famille. Après quelques instants, Adriana revient à nouveau s'asseoir à son bureau, se peignant doucement les cheveux de ses doigts pour tenter de les remettre en ordre. Les deux amants reprennent immédiatement leur sérieux comme si rien ne s'était passé. Les chiffres commencent à danser et les tarifs sont renvoyés tour à tour jusqu'à finir par se stabiliser sur un accord. Joseph s'engage à effectuer des livraisons pour un tarif fixe, peu importe la valeur marchande de la cargaison. En contrepartie, Adriana ne doit jamais lui faire livrer quoi que ce soit d'illégal et dépassant la capacité de son navire. Cela peut sembler logique mais certains clients lui ont déjà fait le coup, forçant Joseph à faire plusieurs allers et retours pour le même prix.

    Le contrat est intéressant pour les Keudver car en livrant directement sur place, sans passer par un intermédiaire qui achètera à bas prix pour revendre lui-même au prix de gros aux revendeurs en ayant fait gonfler les prix, ils peuvent obtenir un bénéfice net sur chaque voyage, même après déduction des honoraires de Joseph. Pour donner un exemple, au lieu de vendre pour mille berrys à un acheteur A, qui le vendra aux revendeurs en gros B de chaque île pour deux mille berrys, qui le revendra trois milles berrys aux poissonniers locaux C  qui eux même le revendront quatre mille berrys aux clients, ils peuvent le vendre directement aux revendeurs en gros B de chaque île pour deux mille berrys. Au vu des quantités, le bénéfice peut-être énorme!

    Adriana le met en garde. Les acheteurs risquent de vouloir faire barrage à ce type de commerce mais Joseph est fin prêt à les recevoir. Les mains se tendent pour conclure l'accord par une poignée de main solennelle. Mais au moment de signer le contrat, la femme laisse sa plume suspendue dans les airs.

    -Quelque chose ne va pas? Un problème avec le contrat?
    -Il reste une zone d'ombre, en effet. Vous dîtes pouvoir protéger mes marchandises contre les pirates et les acheteurs mécontents. Qu'est ce qui me prouve que vous en êtes capable?
    -Sans vouloir me vanter, je sais manier l'épée. Nombreux sont ceux à avoir essayer de me tuer, je suis toujours là, comme vous le voyez.
    -Charmeur, beau parleur, je demande à voir avant de vous accorder ma confiance.

    Elle tape alors dans ses mains et deux hommes entrent, armés de fusils, suivis de cinq autres un sabre à la main. La femme se retire en lui souhaitant bonne chance. S'il survit à cette situation, elle sera définitivement convaincue de ses capacités à défendre ses biens. Joseph se lève. Un homme lui apporte son révolver à silex et son fleuret qui lui avaient été confisqués. Après l'avoir remercié et avoir inspecté le bon état de ses armes, il se met en position. Il s'était attendu à cela en arrivant. Toutefois, la présence d'armes à feu le dérange. Il va devoir s'occuper des deux tireurs en priorité s'il veut pouvoir croiser le fer sereinement. Personne ne bouge, chacun attend un mouvement adverse qui signalerait le début de l'affrontement. Fait étrange, l'épreuve a lieu dans le bureau même d'Adriana ce qui risque de provoquer de nombreux dégâts. Joseph espère que cal dissuadera les tireurs de canarder comme des malades mais rien de moins sûr. Si elle a décidé que l'affrontement doit avoir lieu ici, elle doit savoir ce qu'elle fait.

    Sans prévenir, l'homme feinte de partir à toute vitesse sur la droite avant de se jeter en arrière pour prendre tout le groupe à contre-pied. Durant son saut, il dégaine son révolver et touche à l'épaule sans perdre de temps un des deux tireurs. Le signal est donné, les hommes se ruent sur lui, sabre levé. Se contentant de parer les attaques, il garde le second tireur à l'œil. Celui-ci le vise, attendant une ouverture pour pouvoir tirer. Pour éviter tout risque, le bretteur s'arrange pour toujours avoir un adversaire entre lui et l'homme au fusil. Il n'a pas le temps de recharger son revolver. Il effectue un pas de côté, se mettant alors à découvert et empoigne par le col un des sabreurs. Au dernier moment, il le tire pour le placer devant lui. Une détonation retentit et le bouclier humain s'effondre, une balle dans la colonne vertébrale.

    Joseph prend alors une impulsion et saute sur le bureau avant de sauter à nouveau par-dessus les quatre sabreurs. Il effectue une roulade avant et fonce droit sur le tireur en train de recharger son fusil. Il saute et d'un coup sec enfonce et ressort sa lame du biceps du malheureux sniper. Profitant de la vive douleur, il lui assène un violent coup de boule qui l'assomme sur le champ. A présent pris dans un coin de la pièce, il se retourne et se remet en position défensive. Les quatre hommes de mains se rapprochent en se jetant des regards furtifs. Joseph a le sourire aux lèvres. A présent, il sait qu'il a déjà gagné cette épreuve. Contre plusieurs adversaires, il sait comment agir. Il détend ses muscles et commence à vaciller.

    -Can't touch me.

    Son corps s'affaiblit doucement et il tangue, tenant à peine sur ses jambes. Il penche à droite, avant de repartir à gauche, ses pieds se déplacent sur la droite alors que son corps part en arrière. Les lames des assaillants fusent de toute part mais ne parviennent pas à toucher l'homme aux mouvements totalement imprévisibles. Joseph finit par s'effondrer, esquivant ainsi deux katanas qui s'entrechoquent au-dessus de sa tête. Il vrille sur lui-même et blesse les deux hommes au niveau des chevilles avant de se redresser d'un bond. Les sabreurs touchés s'effondrent en hurlant. Les deux combattants encore debout ont un mouvement de recul. Joseph en profite pour sortir son revolver et commence à le recharger. Un des hommes charge pour l'en empêcher mais est esquivé d'un pas de côté au dernier moment. Le futur livreur lui fait un croche-patte, finit de recharger et lui tire une balle dans le bas du dos.

    -On dirait qu'il ne reste que toi et moi. Tu veux vraiment poursuivre le combat?
    -Comme si j'avais le choix. Si j'abandonne, je meurs.

    Désespéré, l'homme lève son sabre au dessus de sa tête et tente une attaque ascendante. Mais le coup est trop prévisible et est arrêté grâce à la crosse du révolver déchargé. De sa main libre, Joseph lui perce le mollet puis la cuisse avant de se reculer. L'homme est blessé mais tente un nouveau coup, horizontal cette fois. Joseph le pare facilement, le gifle et lui inflige un violent coup de pied à l'estomac, le faisant voler à travers la pièce pour venir heurter le bureau. Un des hommes aux chevilles tranchées profite de la situation pour attraper le descendant des Andersen et l'immobiliser mais ne parvient qu'à recevoir un coup de talon au niveau de la mâchoire l'envoyant dans les vapes. Le calme retombe dans le bureau. La plupart sont assommés, les autres geignent doucement avant de finir par s'évanouir à cause de la douleur ou par perte de sang.

    Joseph s'avance en évitant soigneusement les corps inertes et retourne s'asseoir dans le fauteuil pour s'allumer une nouvelle cigarette. Après quelques minutes, la porte s'ouvre derrière lui et il reconnait la démarche gracieuse d'Adriana. Les bras de la femme s'enlacent autour du cou du vainqueur et ses lèvres se déplacent sensuellement sur son cou pour atteindre son oreille.

    -Très impressionant, Monsieur Andersen.
    -Je vous l'ai dit, la faiblesse n'est pas ma façon de faire, en combat, en amour ou en affaire.

    La matriarche des Keudver contourne son bureau et remarque que ses hommes ne sont pas morts. Elle lance un regard interrogateur à Joseph qui lui fait savoir qu'il ne se serait pas permit de s'en prendre au personnel d'une future associée, ce qui la fait rire. Elle appelle d'autres hommes qui entrent vite et s'occupent de récupérer les vaincus avant de repartir comme ils sont venus. Avec un regard complice, elle prend sa plume et applique sa signature au bas du contrat qu'ils ont rédigé avant de le lui tendre. Joseph l'imite et lui rend la plume et le document.

    -Félicitations, Monsieur Andersen, vous êtes engagé. Quand pourrez-vous commencer?
    -Je suis disponible dès maintenant. Je peux partir immédiatement.
    -Très bien, vous pouvez vous rendre au quatrième dock. Les marins devraient être revenus de la pêche. Ils vont trier les prises et sélectionner les poissons commandés par les différents vendeurs de Luvneel. Vous aurez toutes les informations nécessaires dans ce document.

    Après l'avoir remercié pour sa confiance, Joseph sort de la pièce, salue les deux gardes qui ne lui répondent pas et sort du bâtiment. Une bonne affaire de conclue.
      Le port est très agité, du matin au soir. Bien que l'on puisse penser qu'il n'y a la qu'un tas de pêcheurs, en vérité, de nombreux corps de métiers se côtoient, chacun dépendant des autres. Des marins, des pêcheurs, des videurs, des sélectionneurs, des commerciaux, des crieurs, des négociateurs... Toute une ribambelle de personnes qui, mises toutes ensembles, forment le commerce de poisson le plus florissant des quatre Blues. Chacun à sa place et une place pour chacun. En revanche, pour un non initié comme Joseph, il est bien ardu de s'y retrouver entre toutes les caisses, les étals, les filets et la foule en mouvement permanent. Après avoir demandé son chemin à plusieurs reprises, il parvient à trouver le quatrième dock et à entrer en contact avec le chef qui s'occupe de la répartition des prises. L'homme, nommé Marty Monnier, lui explique très rapidement le fonctionnement du dock tout en s'interrompant toutes les cinq secondes pour hurler ses consignes à différents groupes de travailleurs. Toutes les prises sont réparties entre les trois familles selon leur investissement dans le dock. Ensuite, les poissons sont triés selon leurs espèces et enfin les commandes sont regroupées et stockées pour être récupérées par les différents acheteurs ou bien préparées pour être envoyées.

      -Pour les poissons des Keudver, c'est A DROITE LES MAQUEREAUX!!! la zone rouge au fond à gauche du dock ILS VIENNENT CES MERLANS?!?! vous pouvez pas la ATTENTION EN DESSOUS!! manquer.
      -Merci pour ces informations. Je vous laisse à votre manutention.

      En effet, une grande zone du hangar est entièrement peinte en rouge, du sol jusqu'au plafond. Là-bas, des poissons sont jetés en vrac et forment un monticule impressionnant de plus de cinq mètres de hauteur. Des hommes et des femmes piochent dans le tas et les balancent dans différentes bennes. Joseph s'approche de celui qui semble donner les ordres, se présente et lui tend le document que vient de lui remettre Adriana. L'homme le lit et lui rend.

      -On en est encore qu'au tri. Vot'commande s'ra pas prête avant deux heures au moins!
      -Deux heures? Quelle horreur!
      -Hé ba oui! Déjà on commence par virer tout ce qu'est pas poisson, puis on trie les poissons et seulement quand tout cela est fait, on prépare les commandes. Vot'commande est pas prioritaire alors...
      -Comment ça, "ce qui n'est pas poisson"? Qu'attrapez-vous d'autres dans les bas-fonds?
      -Bé des oursins, des étoiles de mers mais aussi des déchets, des objets... La s'maine dernière, on a même choppé une épée qu'a complètement découpé not'filet. Une journée entière de perdue!
      -Diable, cette épée devait être tranchante! Etait-elle encore brillante? Après un long séjour dans l'eau salée, une épée devrait être rouillée.

      L'homme, étonné par l'intérêt que porte soudain le livreur à une simple épée, lui fait une rapide description de l'objet. Une lame très fine et pointue, très brillante, pas rouillée le moins du monde et surtout très résistante. Normalement, les déchets sont jetés dans une benne qui les broie mais cette épée de malheur a bloqué la broyeuse. Ils ont été obligé de la jeter directement telle quelle. Mais le chef du dock Keudver l'arrête tout de suite; il a vérifié, l'arme n'était ni en or blanc, ni en argent. Mais Joseph s'en moque bien. Une épée qui résiste à la rouille malgré un séjour dans de l'eau de mer, très tranchante et très résistante, il pourrait s'agir d'un meitou! Il demande quel jour cela a eu lieu et où sont jetés les déchets après avoir été broyés dans la benne et l'homme, non sans un regard dédaigneux, le redirige vers le fond du quai, après le douzième quai. L'incident a eu lieu il y a neuf jours.

      Animé d'un pressentiment qu'il ne peut faire taire, Joseph sors du dock et se dirige d'un pas rapide vers le fond du quai. Il a deux heures pour tirer cela au clair. Il avance rapidement en évitant les trajectoires des nombreux dockers, chargés de caisses très lourdes. Il se baisse pour éviter une longue barre de métal et reprend sa course sans même y prêter attention. Il finit après quelques minutes par arriver au bout du quai. Le spectacle qui l'attend alors est prévisible mais tout de même impressionnant. Une grande décharge s'étend en dessous de lui. Des centaines, voire-même des milliers de mètres cubes de poissons en décomposition, des débris de toute sorte, quelques objets aussi divers qu'inattendus... Fouiller dans un tel fouillis de cadavres pourris, sans compter que cela représenterait une tâche immense, est absolument impensable. L'odeur seule suffit à dégoûter le bretteur, alors s'imaginer patauger là-dedans... Impossible. Il va devoir trouver un moyen...

      Justement, il voit un homme conduire une charrette remplie de ces rebuts qui s'approche pour vider son chargement dans l'immense poubelle. Le laissant effectuer sa tâche, il s'approche et l'interpelle.

      -Excusez-moi de vous interrompre mon brave travailleur, je crains qu'un objet m'appartenant n'ait été jeté par erreur.
      -Ha la bourde! Vous voulez l'retrouver dans c'merdier?
      -C'est pour moi extrêmement important. Y a t-il un moyen de le localiser rapidement?
      -Ben... Plus ou moins... De façon très approximative. C'était quoi et c'était quand?
      -Une magnifique épée offerte par mon grand-père décédée. Une personne mal intentionnée à dû la jeter. Cela fait maintenant neuf jours que je ne la trouve plus. Si elle n'est pas là, je ne vois plus...

      L'éboueur siffle longuement en levant les yeux au ciel. Après neuf jours, il y a des chances que cette arme se trouve d’ores et déjà sous plusieurs mètres de déchets. La quantité de poissons morts car non vendus à temps et jeté ici est très importante. Il faudrait en discuter avec celui qui était de service à ce moment-là. Peut-être pourra-t-il se souvenir d'avoir vu cet objet et dans ce cas savoir dans quel coin il a été jeté. Le problème c'est que Jimmy est de repos aujourd'hui. Difficile de savoir où il est. Joseph peste et demande l'adresse de ce Jimmy. Il n'a pas l'intention de laisser tomber si facilement.
        Petite rectification. La ville n'est pas belle. La partie de la ville visible depuis le port l'est. Dès que l'on s'enfonce un peu à l'intérieur, que l'on s'approche des lieux d'habitations des ouvriers, le style change considérablement. Les gravures qui ornaient les fenêtres disparaissent, la propreté des façades laisse place à une saleté clairement visible et les rues impeccablement pavées sont remplacées par des ruelles défoncées et remplies d'ordures. Les rues sont très étroites, il est parfois impossible de se croiser de face. L'obscurité règne entre les hautes façades d'immeubles tous identiques. Des enfants courent en riant, vêtus uniquement de loques déchirées. Joseph les regarde passer puis disparaître au coin d'une habitation.

        Il finit après quelques dizaines de minutes d'errance et d'indication floues par trouver l'adresse qu'il recherche. Il frappe à la porte, provoquant un miaulement strident. Un chat pouilleux s'enfuit d'une poubelle juste à côté en faisant tomber un couvercle de métal dont le choc retentit et résonne en écho dans les ruelles vides. Après quelques minutes qui lui paraissent être une éternité, il refrappe, plus fort mais personne ne vient ouvrir. Une vieille femme de l'appartement voisin ouvre sa fenêtre et apostrophe l'inconnu avec un air méfiant.

        -C'est pourquoi?!
        -Je suis à la recherche d'un dénommé Jimmy. Sauriez-vous me guider jusqu'à lui?
        -C'te saloperie d'Jimmy ben l'est pas là! Pas la peine de vous acharner sur cette pov'porte! A l'heure qu'il est y doit encore être au bar en train d'parier l'argent qu'y gagne!
        -Je dois donc trouver le bar... Sauriez-vous où il est par hasard?
        -C'est droite, droite, gauche, droite, gauche, tout droit, gauche, gauche et droite!

        Et elle claque son volet en rouspétant sans attendre. Joseph tente de se répéter mentalement les indications qu'il vient de recevoir pour ne pas les oublier mais plus il les répète, plus le doute le gagne, un peu comme lorsqu'on tente de se souvenir d'un rêve que l'on vient de faire et que les détails s'enfuient au fur et à mesure. Après quelques tentative, il ne se souvient rien d'autres que de "droite, droite". Il décide donc de commencer par là. Après deux intersections à droite, il décide de redemander son chemin à un passant qui l'envoie une centaines de mètres plus loin. Ici, un homme en état évident d'ébriété lui indique sa provenance. Après quelques allers retours, il finit par repérer une enseigne en forme de choppe et se dirige par là.

        Un bar... Appelons plutôt cela un trou à rat rempli de poivrots alcoolisés jusqu'à la limite vitale. Dans un coin de l'établissement, une dizaine d'hommes sont assis un verre à la main, affalés, les yeux dans le vague. Dans un autre, une partie de poker particulièrement bruyante se déroule. A droite de l'entrée, quelques-uns s'essayent aux fléchettes mais l'alcool n'a jamais aidé pour la précision. Un des projectiles se plante dans la jambe d'un des participants et une bagarre éclate rapidement. Joseph se faufile au milieu du règlement de compte et se dirige vers la partie de poker. La vieille a dit que ce Jimmy a pour habitude de dilapider ses payes dans des jeux d'argent. Il s'approche de la tablée et essaye d'attirer l'attention des joueurs mais ceux-ci semblent se disputer par rapport à l'apparition soudaine d'un deuxième as de pique sur la table. Après quelques tentatives infructueuses, Joseph finit par frapper du poing sur la table, faisant s'écrouler les montagnes de jetons des différents joueurs.

        -HO! C'EST PAS BIENTOT FINI? LEQUEL D'ENTRE VOUS EST JIMMY?
        -Mais c'est qu'il va nous causer meilleur l'étranger!
        -Tu viens d'mélanger les j'tons, imbécile!

        Les joueurs se lèvent, prêt à expliquer au nouveau venu leur manière de penser mais Joseph dégaine son sabre et place la point de la lame sous la gorge du joueur le plus agressif et le force à s'asseoir. Les esprits se calment immédiatement les mains se lèvent. Même la bagarre du côté des fléchettes s'arrête. La seule personne imperturbable est le barman qui continue à nettoyer ses verres, trop habitué à ce genre d'incidents. On lui explique que Jimmy vient tout juste de partir après avoir perdu la totalité de son argent, comme d'habitude. Cet homme est très dépensier et surtout très mauvais aux cartes. Il joue car sa paye ne lui suffit pas à vivre et que seule une victoire lui démultipliant ses gains lui permettrait de joindre les deux bouts. Joseph peste et rengaine son arme ce qui provoque la reprise de l'altercation comme si de rien n'était. Il demande où il est parti et reçoit plusieurs réponses différentes. Une seule chose est sûre, il est parti trouver de quoi se refaire.

        La détenteur de la volonté du Q sort du bar et place ses mains sur ses hanches. Où peut-on se rendre pour tenter de gagner un peu d'argent rapidement?
          Par dépit, Joseph retourne sur les quais. Il a déjà perdu une heure à force de chercher ce satané Jimmy. Il décide de se faire passer pour un docker cherchant à se faire un peu d'argent rapidement. Très vite, il comprend que le nombre de travailleurs ne gagnant pas assez pour vivre convenablement est énorme et que de nombreux trafics se sont formés mais Joseph n'est pas intéressé. Il cherche un moyen très rapide de gagner de l'argent. On l'aiguille alors vers un coin légèrement à l'abri des regards sans lui donner plus d'informations. Intrigué, il s'y rend. Certains marins le regardent de travers au fur et à mesure qu'il s'approche. Dans un coin reculé, à l'arrière du septième dock, plusieurs personnes proposent des sommes coquettes à quiconque parviendra à vaincre un des marins au bras de fer ou au combat à mains nues. La participation est gratuite, les organisateurs se faisant uniquement leur recette grâce aux nombreux paris déposés sur les affrontements. Joseph sourit. L'homme qu'il recherche à de grandes chances de se trouver ici.

          Il commence à interroger les hommes présents mais peu sont enclins à lui répondre, son visage étant totalement étranger aux habitués. Mais la réponse finit par lui venir d'elle même lorsqu'un des bookmakers annonce qu'un certain Jimmy vient de se porter volontaire pour un bras de fer. Tandis que les paris se lancent, Joseph se faufile pour rejoindre le challenger. Il s'agit bien de Jimmy, un homme à la corpulence impressionnante et aux biceps équivalent aux cuisses d'un homme normal. Le crâne rasé, et un tatouage en forme d'ancre sur le biceps, il semble très fort. Son adversaire est du même acabit.

          -C'est vous Jimmy qui videz les ordures? Vous rechercher à été une véritable torture!
          -J'ai pas l'temps d'causer là! J'vais pas tarder à commencer.
          -Vous ne comprenez pas, c'est extrêmement important! En échange de votre aide, je vous promets de l'argent.

          Ces mots attirent l'attention du marin mais il est déjà trop tard, le duel est annoncé et il doit aller s'asseoir face à l'autre colosse. Les coudes collés, les mains jointes, ils se fixent l'un l'autre tandis que le livreur trépigne d'impatience. De chaque côté, une bougie est placée afin que le perdant voit le dos de sa main brulée. C'est plus impressionnant et cela attise le côté primaire des spectateurs. Un peu de souffrance est toujours plus amusant à regarder. Le duel est lancé et les forces semblent assez équilibrées, chacun tentant de grappiller un peu de terrain à l'autre. La situation stagne pendant un moment mais Jimmy semble beaucoup plus forcer que son adversaire qui se contente de le retenir. Il devient rouge et une veine apparait sur sa tempe. Alors qu'il souffle un grand coup pour reprendre des forces, son adversaire en profite pour passer à l'attaque et fait flancher Jimmy qui se retrouve à quelques centimètres de la flamme. Il souffre mais ne cède pas, envoyant ses dernières forces pour essayer de remonter. Mais après quelques secondes, la brûlure devient insupportable et il craque. Sa main s'écrase dans la cire fondue dans un grand fracas sous les rires et les huées des spectateurs. Joseph le rejoint aussitôt.

          -Laissez donc tomber ces jeux pour décérébrés. Si vous m'aidez, votre paye est assurée.
          -Vas y annonce la couleur.
          -Il y a neuf jours, parmi les déchets que vous avez balancés, il se trouvait probablement une belle épée.
          -Ouais je m'en souviens. J'avais pas réussi à la broyer alors je l'ai balancé comme ça, à la main, direct.
          -Si vous la retrouvez dans l'heure, je ferais votre bonheur. Dix milles berrys de salaire que vous pourrez aller miser au poker.

          Sans hésiter un seul instant, le pauvre travailleur exploité accepte. Une telle chance doit se présenter assez rarement. Dix mille berrys, cela représente plus de trois jours de salaire alors obtenir une telle somme juste pour aller chercher une babiole sans intérêt dans les poubelles est inespéré. Ils se rendent aux abords de la décharge et Jimmy désigne une zone sur la droite avec son index et affirme l'avoir lancé dans ces environs. Sans même hésiter une seconde, il saute. Une chute de plus de dix mètres amortie par des tonnes de poissons morts. Le bruit de l'impact arrache un haut le cœur à Joseph qui préfère ne même pas imaginer la sensation.

          Plus d'une demi-heure se passe, Jimmy ne revient pas. Joseph a beau le chercher du regard dans l'immense tas de déchets, il est introuvable. Un homme s'approche de lui, lui tend un document et l'informe que la commande est prête. Mince, il n'a plus le temps!

          -Commencez à charger dans le bateau, je vous rejoindrai aussitôt.
          -Bien monsieur.

          A cet instant, une main s'agrippe au rebord et Jimmy se hisse. Dans sa seconde main, il tient l'arme. Les yeux de Joseph s'écarquillent. C'est une magnifique rapière, forgée dans un bloc unique de métal. Les décorations de la garde ne trompent pas un connaisseur. C'est "Belle aiguille", une des cinquante lames de qualité supérieure. De nombreuses descriptions en ont été faîte mais jamais personne ne l'a maniée car elle aurait fait naufrage au moment de la livraison à un client. Certains racontent même que cette arme n'a en réalité jamais existé et que le forgeron l'a inventé de toute pièce pour ne pas à avoir à avouer son incapacité à forger un meitou. Alors qu'il s'approche, Jimmy lui fait signe de s'arrêter.

          -Effectivement, j'y avais pas prêté attention, mais c'est une belle arme. Elle doit valoir bien plus que dix mille berrys. Je pourrais facilement en tirer cent mille berrys si je trouvais un amateur!
          -Cent mille berrys? Foutaises que ceci! Je n'ai pas le temps de négocier alors à vous de décider. Soit vous accepter mon offre, soit vous placer cette épée dans un coffre. Votre famille sera sûrement enchantée d'avoir uniquement du métal à manger.
          -C'est sûr, j'ai pas trop le temps d'attendre qu'un fan d'épée se pointe pour me l'acheter. Mais j'ai une contre-proposition à t'faire! Ça te coutera rien et moi, je gagnerai le pactole!

          Le marin attrape Joseph par le poignet et le traîne jusqu'au coin des jeux illégaux avant de le pousser devant tout le monde. Sa proposition est simple. Il va parier les dix mille berrys promis sur une victoire de Joseph au combat. Vu la carrure fluette du livreur, les paris se reporteront principalement vers le challenger. En cas de victoire, c'est donc une multiplication par au moins vingt de l'investissement qui se trouve à la clef. Joseph tente de refuser mais déjà, les bookmakers, trop heureux d'avoir enfin un volontaire, l'attrape et le font entrer presque de force dans la cage. Une grille se referme derrière lui. Des dizaines de personnes hurlent des propos incompréhensibles en pointant du doigt l'autre côté de la cage. Joseph regarde dans cette direction et voit un homme immense entrer. Tout en muscle, l'homme de plus de deux mètres referme lui-même la grille en tirant le bloc de métal de plusieurs centaines de kilos qui claque dans un fracas assourdissant. Joseph soupire bruyamment. Il n'a pas le temps de jouer...

          PNJ : https://www.onepiece-requiem.net/t16491-pnj-pour-quete
            Les armes sont interdites. Joseph n'est pas réellement habitué à se battre avec ses poings et ses pieds uniquement. Mais l'homme face à lui est une véritable caricature de la brute épaisse qui compte uniquement sur sa force et néglige la tactique. La vaincre devrait être faisable tant qu'il évite de se prendre un coup violent qui le handicaperait pour le reste du combat. Les spectateurs sont surexcités, ils hurlent et frappent sur les barreaux en scandant des encouragements ou des flopées d'insultes. Le champion en lice à l'habitude et tient à assurer le spectacle. Il pousse un rugissement bestial et frappe son torse nu et imposant. Joseph, de l'autre côté affiche un air impassible. Il décroche son fleuret et son pistolet, retire son veston, le plie et le dépose dans un coin du ring afin de ne pas l'abimer. Il s'échauffe rapidement les poignets et le cou sans montrer le moindre intérêt pour la démonstration de force qui se déroule juste en face de lui.

            Une clochette sonne. Le colosse se précipite vers sa proie, lie ses mains ensemble pour former un énorme poing et effectue une frappe titanesque. L'attaque est esquivée grâce à un plongeon en avant au dernier moment. Joseph se relève après une roulade et se retourne. Il déglutit en voyant que les barreaux métalliques se sont déformés sous la puissance de l'impact. Il est clairement inutile d'essayer de le vaincre en force. Il faut viser les points faibles. Articulations, gorge, plexus solaire, nez, testicules... Une attaque bien placée peut faire vaciller n'importe quel combattant. Il se recule et se plaque à la limite de la cage puis se penche vers Jimmy qui l'encourage.

            -Juste une petite précision... Il y a des interdictions?
            -Nan! Tout est permis! Même la mort!
            -Ah... J'avoue que cela m'arrangerait que l'on évite de tels excès...

            Il n'a pas le temps de continuer qu'il doit se baisser pour éviter un nouveau coup de poing ravageur. Bon... Les combats déloyaux, c'est spécialité. Il recule au maximum. Son adversaire, pas plus futé qu'un vulgaire bovin, lui fonce droit dessus sans réfléchir. Au dernier moment, Joseph bondit en l'air, prend appuie sur les barreaux et bondit par-dessus le bourrin tout en lui infligeant un violent coup de pied au niveau du visage. Avec satisfaction, il sent l'arête du nez se briser sous ses orteils. Mais il n'a pas le temps de retomber au sol. Le combattant se retourne et se saisit de la cheville du descendant des Andersen. Une petite vrille et Joseph s'écrase avec violence contre le métal. Sa lèvre explose et une giclée de sang emplit sa bouche. Il est sonné mais son instinct de survie le force à se relever en vitesse. Les deux combattants s'accordent un petit moment de répit pour reprendre leurs esprits. L'un se mouche, l'autre s'essuie la bouche. Deux mains inconnues poussent le plus léger en avant pour que l'affrontement reprenne.

            Joseph est déséquilibré. Il se penche rapidement en arrière pour éviter une droite et se lance. Ses pieds heurtent les deux genoux du géant qui s'écroule la tête la première, emporté par son propre élan. Joseph ne perd pas de temps et se jette sur son adversaire. Il agrippe le crâne de l'homme et tente de lui enfoncer les doigts dans les yeux. Le combattant rugit et tente de l'attraper mais n'y parvient pas. De dépit, il se jette en arrière, écrasant Joseph contre les barreaux. Ce dernier a le souffle coupé. Il suffoque et parvient juste à se jeter sur le côté avant de subir une seconde charge. A cet instant, un petit mousse se faufile et s'approche de la cage avant de faire un petit mouvement ressemblant à un garde à vous.

            -Monsieur Andersen? La cargaison est chargée, nous sommes prêts à partir.

            Le colosse se laisse tomber, le coude en avant pour tenter d'écraser définitivement son challenger. Joseph roule sur le côté et se relève, haletant.

            -Je... laissez moi un instant et je suis à vous. Je suis un peu occupé pour le coup. Ah!

            Il se jette à nouveau mais ne peut esquiver un violent coup de pied dans l'estomac qui lui fait cracher une giclée de sang. Tout en encaissant la frappe, Joseph s'agrippe au tendon à l'arrière du genou, y plante ses ongles et tire d'un coup sec. Il ne parvient pas à l'arracher mais provoque tout de même une très violente douleur chez la brute épaisse qui est obligée de ployer le genou. Joseph se relève et l'interpelle. Au moment où il se retourne, le colosse reçoit une pointe de botte taille 43 dans l'entrejambe. Un cri suraigu sort de la gorge du pauvre homme qui s'effondre définitivement. Le silence retombe dans la salle avant que des acclamations n'explosent littéralement. Des hommes pestent en voyant leur pari qu'ils pensaient pourtant facile leur glisser des doigts tandis que quelques-uns jubilent. Jimmy fait partie de la deuxième catégorie. Il est déjà en train de harceler les bookmakers pour obtenir son argent.

            Joseph crache une glaire sanguinolente et sort de la cage. Certains marins veulent lui serrer la main mais ils les repoussent en râlant. Il a déjà bien trop perdu de temps. Il s'avance vers Jimmy, l'agrippe par l'épaule et lui rappelle ce qu'il lui doit. Ce dernier, trop excité par le gain qu'il vient de se faire et qui dépasse largement ses espérances, ne comprend pas tout de suite. Après quelques secondes, cela lui revient et il lui tend l'épée. Joseph s'en saisit, les yeux brillants d'excitation. Les esprits finissent par se calmer et les hommes se dispersent. Il ne prend même pas le temps d'admirer son acquisition car son bateau doit partir et vite. Il ne faudrait pas partir en retard pour son tout premier contrat.

            Alors qu'il monte à bord et que l'ancre est relevée, l'homme animé par la volonté du Q voit Jimmy arriver. Ce dernier met ses mains en porte-voix et l'apostrophe.

            -Hey! Merci! Je me suis fait trois cent mille berrys grâce à vous!
            -Ne me remerciez pas, voyons! Vous m'avez bien aidé d'une certaine façon.
            -Et en toute honnêteté, elle valait combien cette épée?
            -Je ne sais pas environ.... entre huit et dix millions!
            -QUOI?!?! HEY!! Reven...

            PPOOOOOONNNNNNNNNN!!!!!

            La corne de brume de navire retentit et la distance s'allonge jusqu'à ce que les deux interlocuteurs ne soient plus à portée de voix l'un de l'autre. Joseph lui fait un signe de la main, le sourire aux lèvres et part pour son premier contrat.