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Demain

"On dirait bien que notre petit Péridot est en train de devenir le chouchou du patron.
- C’est vrai qu’il ne confie pas ce genre de mission à n’importe qui hihi
- J’en serai presque jalouse.
- …Faites lui juste passer le mot, ça risque de prendre un peu plus de temps que prévu. On va se débrouiller pour y aller par nos propres moyens."

Excédé, il raccrocha.

Moins brutalement qu’il ne l’aurait voulu néanmoins. Il éprouvait toujours un peu de culpabilité à maltraiter les escargophones qu’il « empruntait ». Ces petites bestioles s’attachaient très rapidement à leur propriétaire et réciproquement,  il préférait donc les rendre dans le meilleur état possible.

Les relâcher en pleine nature n’était sans doute pas la meilleur façon d’assurer ces retrouvailles, mais à partir du moment où elles n’étaient plus de son ressort, il n’en avait plus grand-chose à faire.

"Drôle de journée hein… "

Ils se trouvaient dans un petit atelier de peinture. Des toiles suspendues sur chaque pan de mur exprimaient mille et un paysages dans un langage fait de mouvements et de pigments, d’ombres et de lumières. Les tracés étaient abstraits, obscurs, laissant à l’imagination le soin de trouver points de fuite et horizons. Les bancs de sable étaient constellation de poussière, les fraîches prairies  de longues bandes de cresson, et les villes illuminées un amas d’arabesques couleur nuit.

Des pinceaux traînaient ça et là, la peinture avait séché, imprégné la moindre de leurs fibres. Les palettes étaient renversées, les chevalets instables, des myriades de feuilles de notes éparpillées.

Le lieu était empli d’une vie chatoyante.

"Je crois que je commence à me faire à cette idée. "

Et si la journée s’était bel et bien révélée étonnante de par leur rencontre et l’aide qu’ils avaient apporté à l’aventurier Daïki, les choses ne s’étaient pas pour autant améliorées quand ils en revinrent à l’objet de leur visite sur Logue Town.

L’endroit fut rapidement trouvé, les informations qu’elle détenait et son sens de l’orientation hors pair, permirent en effet à la rousse de se déplacer facilement dans les rues de la métropole. D’un pas déterminé, elle avait guidé son collègue, cherchant à rattraper le retard considérable qu’ils avaient accumulé à force de détour.
Et c’est ici, dans ce charmant atelier qu’ils avaient terminé leur course d’une journée.

Le soleil se couchait et ses derniers rayons teintaient la pièce de nuances orangées. La vue était dégagée, l’appartement se situant dans les hauteurs, et leur regard ne pouvait se décrocher de l’horizon où l’astre majestueux peu à peu disparaissait.

Drôle de journée.
Nova, bras croisés sur son blazer jaune, songeuse, n’aurait pu trouver meilleure façon de la qualifier. Elle jouait avec son pendentif, un bijou précieux qu’elle chérissait par-dessus tout, tapotant de ses doigts le coude sur lequel était posée son autre main, silencieuse.

Son homologue lui faisait concurrence. Appuyé sur le rebord de la fenêtre, il s’était allumé une cigarette, profitant d’un moment de calme pour se recueillir.
Logue Town fourmillait encore d’activités. Les premiers réverbères s’allumaient déjà et on voyait encore au loin s’agiter des masses indistinctes. De temps à autre, on entendait siffler un tramway à vapeur dans le lointain.

Et si l’âme de cette ville était faite d’une grouillante activité, depuis cette fenêtre perchée, elle semblait étrangement sereine, comme hors du temps. Elle n’était au fond qu’un tableau de plus, une toile sans cesse renouvelée qui se fondait parfaitement entre ces quatre murs.

Ces peintures étaient la seule trace de vie que Raphaël et Nova avaient trouvée en arrivant ici, ces peintures et un mot, tracé d’une écriture sibylline.

Ils étaient venus à Logue Town à la rencontre d’une lointaine connaissance, d’un être cher, d’une personne importante, et tout ce qu’ils avaient découvert tenait sur une énigme.
Il ne s’agissait pas de n’importe quelle requête. L’enjeu était important.

"Bon… J’ai comme l’impression qu’on va devoir dormir ici ce soir. "

Une carte maritime était étalée sur la table, un compas planté non-loin. Les tracés étaient encore frais.

Le croupier jeta son mégot, se redressa et s’apprêta à refermer la fenêtre derrière lui.

"Oui. Et demain nous partons pour Amerzone. "
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