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Au fin-fond du Baril

Il faisait froid. La nuit s'était emparée du Monde, couvrant chaque chose de son voile infini, assombrissant le coeur des hommes. Certains sommeillaient, et d'autres étaient en proie à de terribles cauchemars. Les monstres étaient de sortie, ayant quitté les dessous de lits des enfants pour venir arpenter les rues étroites de Las Camp. Parmi toutes ces créatures, l'une d'entre elles s'était progressivement démarquée. Au coeur des bouges du coin, on parlait d'un démon, ne sortant que lorsque le soleil avait quitté sa place de veilleur. Une horreur qui s'infiltrait où bon lui semblait, ôtant la vie à tour de bras.

Les plus sceptiques ne se laissaient pas aller à ces rumeurs de cantine. Eux parlaient d'un psychopathe, et un dangereux, un dingue en proie à des délires mégalomanes. Las Camp avait vu apparaître de bien mystérieuses performances artistiques en son sein, depuis quelques jours déjà. Elles n'avaient rien d'alléchantes, et il fallait vraiment vouloir les trouver pour mettre la main dessus. Il s'agissait de totems entreposés à divers endroits, notamment des hangars ou des habitations abandonnées. Mais ces totems avaient tous une particularité, à savoir qu'ils étaient exclusivement constitués de tissus humains. Structure d'os, ornés de dents et de crânes encore à vif, tâchés de sang et couverts de tripes, un véritable carnage méticuleusement illustré par ces petits grigri mystiques.

D'abord, la pègre s'était intéressé à ces affaires. Non pas qu'ils fassent dans l'humanitaire, évidemment, mais il arrivait bien souvent que les traînards victimes du monstre des rumeurs ne soient des criminels, qui vendaient ou achetaient des marchandises à l'heure où les honnêtes gens profitent de leur couche douillette pour passer une bonne nuit de sommeil. Des patrouilles de mafieux, pirates et autres brigands, avaient alors lancé une chasse à l'homme pour mettre le grappin sur cette vilaine bête qui faisait baisser les chiffres de vente.

Ce mouvement de loubards mobilisa également la Marine, qui avait bien changé en très peu d'années. Las Camp devait être considérée comme une zone encore récupérable, car le Gouvernement avait employé les grands moyens pour en obtenir le contrôle. Des soldats surentraînés, à même de remplir la dure mission qu'était de s'occuper de ce cloaque, avaient été équipés et mobilisés pour régler les conflits internes qui tuait la ville à petit feu. Le territoire tout entier devenait très règlementé, et le nombres d'agents ne cessait d'augmenter. Désormais, il n'était plus rare de voir des Marines patrouiller à plusieurs, mais jamais un seul n'était parvenu à obtenir quoi que ce soit sur le compte de ce "fauve" qui faisait office de croque-mitaine local.

Pourtant, en cette belle nuit humide et brumeuse, le pire s'était déjà produit. Au sein d'un hangar vieillissant, quatre malfrats s'étaient rendus afin d'effectuer un échange. Du commerce d'armement que la Marine cherchait d'ailleurs à endiguer. Ces quatre individus gisaient lamentablement sur le sol, la marchandise éparpillée par terre. Le vendeur, quant à lui, était adossé contre un mur, la gorge arrachée, ses yeux vides rivés droit devant lui. Ils avaient eu la joie de faire connaissance avec ce fameux monstre. Nazgahl avait changé, il avait su évoluer. Après s'être évadé de taule pour ensuite se séparer de celui qui l'avait libéré, la bête s'en était retournée à son terrain de chasse de prédilection, usant de divers stratagèmes plus ou moins frauduleux pour atteindre West Blue.

Même physiquement, il avait changé. Il était plus massif, plus fort également, vêtu d'un long manteau noir qui touchait le sol, qui lui donnait l'aspect curieux d'une entité fantômatique. Coiffé d'un nouveau masque, bien plus élaboré que le précédent, et composé d'un cuir épais et peint avec une précision certaine, Nazgahl se sentait fier. Il l'avait mérité, ce masque, où du moins en était-il persuadé; car il avait accompli un objectif majeur. S'évader, ça n'avait pas été facile et ça lui avait pris du temps, mais il y était finalement parvenu. Alors il savourait sa victoire en un banquet solitaire.

Le silence était bouffé par un bruit régulier de mastications. Nazgahl se nourrissait, comme à son habitude, en chérissant chaque instant de ce petit moment de plénitude. Accroupi en plein centre du carnage dont il était responsable, il tenait dans ses griffes une grosse pièce de viande humaine, dont il se délectait lentement, ressentant une joie perverse à faire durer son plaisir coupable. Tuer pour tuer, gratuitement, sans la moindre arrière-pensée. Une liberté absolue, totale, vide de toute considération ou inquiétude. La perfection.

Et rien ne viendrait le tirer à ses rêveries...

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La rumeur d'un monstre s'était rapidement répandue dans Las Camp. Dans les tavernes, des malheureux en manque de reconnaissance s'attribuait sa mort, d'autres juraient l'avoir combattu et mis en déroute la mystérieuse bête. Trois mètres, huit têtes et des dents de la taille d'une chope, les descriptions elles aussi germaient à foison, toutes plus farfelues les unes que les autres. La triade aurait pu simplement mettre à prix quiconque trouverait le coupable de ces masses de meurtre. Cependant les têtes pensantes de cette mafia pensèrent différemment. Le responsable méritait d'être puni et bonne et du forme, lui et la totalité de sa famille.

Alors ils élaborèrent un plan. Quoi de plus simple, ils connaissaient sur le bout de des doigts son mode opératoire. Ils placèrent quelques sbires dans un coin paumé à l'abri des regards chargés d'un transfert d'armes bénin. Mais dans les toits se cachait Varus Hawkeye. Le profil type du tueur à gage : un type discret, rapide, efficace et qui ne pose pas de questions. Le pactole qu'on lui avait promis se tenait au bout de la lunette de précision, une brève pression sur la gâchette et la munition perforante transperçait la tête de sa cible en plein milieu de son festin. Pourtant le voilà qui restait le doigt sur la détente sans passer le cap. Probablement à cause de cette vive sensation d'acier froid qui venait de lui assaillir le cou.


    — Bonsoir Varus.


En tueur aguerri, il avait appris à masquer ses émotions. La peur ne l'esquivait pas pour autant. En l’occurrence, quelqu'un de suffisamment doué pour le prendre à revers et de suffisamment informé pour connaître son prénom faisait de son interlocuteur un homme particulièrement dangereux.

    — Des personnes peu recommandables t'ont demandé de mettre fin à la vie de cette chose. Hors, cela m'ennuierait vraiment si elle mourrait ce soir. C'est pourquoi tu vas passer un appel à ces personnes et leur dire que ta tâche est terminée. Bien sûr, s'ils venaient à apprendre que tu leur avais menti ils se mettraient à ta poursuite pour faire de toi un exemple qui serait bien plus douloureux que la mort que je te prévois. En revanche, ils ne connaissent pas l'existence de ta femme et de tes deux filles résidant dans la rue du pleureur sur l'île de Kage Berg. Moi, si.

La main libre de cette mystérieuse voix s'empara d'un escargophone qui reposait dans un sac noir à la droite du tueur et vint le déposer juste à sa hauteur.

    — « Il est mort, c'est terminé. » Un seul autre mot et ta famille en subira les conséquences. Je te laisse faire ton choix Varus, mais dépêche toi, je pourrais perdre patience.

Il faisait terriblement froid en cette nuit pourtant des gouttes de sueurs dévalaient le visage du tireur dont la respiration s'était brutalement accélérée. Il empoigna l'escargophone après avoir tout doucement retiré ses mains du fusil de précision.

    — Il est mort, c'est terminé.
    — Excellent travail, la somme convenue sera transférée sur votre compte comme prévu, annonça une voix grésillante à l'autre bout du fil avant de raccrocher.


La prestation de Varus n'avait pas été fameuse. Un vétéran aurait noté la peur dans sa voix. C'était juste suffisant pour les malfrats du coin, et suffisant pour la personne derrière lui, manifestement.

    — Bonne nuit Varus.

Ses yeux se fermèrent, laissant une larme se faufiler difficilement avant que la rapide torsion exercée sur sa tête ne brise sa nuque. Une silhouette descendit alors des hauteurs, un corps dans un bras et une arme à feu dans l'autre. Il balança le premier dans la pile d'arme que réunissait le hangar et le second devant Nazgahl qui terminait son repas du soir.

    — Bonsoir, Nazgahl.


La chose devant lui s'éloignait beaucoup des souvenirs qu'il en avait. Manifestement, chacun d'eux avait énormément changé après les avènements de la prison. Derrière les cheveux pâles, le masque et l’œil noir gorgé de vaisseaux sanguins, se trouvait une toute nouvelle personne que celle rencontrée par Nazgahl, quelques mois auparavant. En revanche l'odeur était restée la même, un indice qu'il n'ignorerait pas.

    — Si j'étais toi, je m'occuperai de ce cadavre. Il est dans ton intérêt que ton supposé tueur ne réapparaisse pas mort au milieu du guet-apens qui t'a été tendu.


Nel fit retentir le craquement de son index en appuyant dessus avec son pouce, un tic provenant des nombreux vestiges laissés par son tortionnaire Viktor.


    — Les hommes choisissent, Nazgahl. Les esclaves obéissent. Désires-tu vraiment rester l'esclave de ta faim, l'esclave de ton instinct, l'esclave de ton propre esprit ? Si ça te convient alors surtout n'hésite pas et ajoute moi à ton festin. Ou alors tu peux me suivre, devenir une arme au service de ma vertu et là tu ne connaîtras plus jamais la faim. Je te confis cela car ta hargne n'a d'égal que ma volonté. Ensemble, nous transcenderons ce monde erroné.


Un silence s'installa au milieu des paroles, et puis elles reprirent.

    — C'est là ta dernière chance. Choisis ton appétit, dévore-moi et tombe au fond du gouffre. Ou choisis-moi, et vois jusqu'où nous pouvons nous élever.

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Le monstre reconnut une odeur familière parmi tous les remugles de chair à vif. Quelqu'un venait de se joindre à son festin, et ce quelqu'un n'avait rien d'un inconnu. Nazgahl tourna lentement sa tête vers son vis-à-vis, la pièce de viande toujours en bouche, et il détailla ce dernier un instant, sans un bruit. C'était Nel, le mystérieux garçon qui l'avait libéré de prison, quelques mois plus tôt, mais il semblait très différent désormais.

Le garçon balança alors un autre cadavre, qui vint se joindre à la pile entreposée là par la Goule. Nazgahl observa et détailla le corps en question, le reniflant pour s'informer sur la nature de ce dernier. Mort récemment, en bon état, nuque brisé mais reste du corps plus ou moins impeccable. A l'odeur ? La bête fauve s'approcha et leva son index pour tailler doucement une incision au niveau du poignet de la victime, avant de frotter un peu de ce sang contre ses propres crocs. Après avoir léchouillé vaguement le liquide pourpre, il sembla satisfait et ramena ce nouveau corps à lui, tranquillement.

Au delà de son physique, qui avait drastiquement évolué depuis la fois passée, Nel avait l'air d'un autre homme. Plus adulte, plus menaçant, plus sûr de lui également. Lors de leur dernière rencontre, Nel était hautement perturbé par le meurtre atroce qu'il venait de commettre. Mais apparemment, il avait accepté sa propre part de noirceur, à en juger par son regard vif et tranchant comme une lame. La bête croassa, mâchonnant le morceau de malfrat tout en faisant craquer les jointures de ses doigts. Après avoir avalé le tout, il répondit à l'interpellation.

"Bonsoir, mon garçon."

Nel reprit son discours, lui offrant par la même occasion de très intéressantes informations sur ce cadeau surprise qu'il venait de lui ramener. Nazgahl cessa de se repaître, étant fortement intéressé par le discours que tenait le gamin. Apparemment, Nel venait de le sauver d'un sacré traquenard qui aurait bien pu lui coûter la vie, et c'était une chose à laquelle Nazgahl n'était absolument pas habitué. Qu'on prenne des risques pour lui était une nouveauté qu'il avait du mal à concevoir, tant elle s'éloignait de son schéma logique et de son mode de pensée. Que cela arrive deux fois, et ce de la part de la même personne, cela devenait franchement louche.

Une fois que Nel en eut terminé avec ses explications, Nazgahl hocha lentement la tête, avant de balancer sa gueule en direction du faciès du présumé tueur. Il cherchait à le défigurer avant tout, s'assurant qu'on ne puisse rien reconnaître des restes éventuels de ce dernier. Et puis, il avait une toute autre raison de se jeter sur ce corps avec tant de hargne. Il cherchait à effrayer le garçon.
Nazgahl, en roi de l'épouvante qu'il était, n'appréciait pas qu'on s'adresse à lui avec un ton aussi impérieux. Pour ainsi dire, cela remettait en cause sa nature même de prédateur.

Mais au lieu d'avoir peur de ce massacre, Nel observait paisiblement la scène, allant même jusqu'à faire craquer la jointure de son index comme si tout cela était normal. Cela devenait très déplaisant pour Nazgahl, qui se sentait amoindri par le manque de réaction de son spectateur. Mais la suite du discours de Nel vint faire empirer la situation, titillant l'esprit du monstre de plus en plus. Ce discours méprisant était une insulte à sa nature même de Seeker, ce qui avait tendance à l'offusquer légèrement. Le fauve lâcha un grognement sourd et régulier avant de prendre la parole d'un air menaçant.

"Tu pousses le bouchon, gamin."

Nel ne s'arrêta pas là, reprenant comme si de rien n'était. Nazgahl se redressa promptement, dévoilant sa nouvelle silhouette sous son imposant manteau de cuir. Il se mit alors à marcher vers sa nouvelle proie potentielle, même si sa confusion réfrénait son envie de meurtre. Nel lâcha alors les bons mots, au milieu de cet océan miné dans lequel il voguait depuis quelques minutes déjà. "choisis-moi, et vois jusqu'où nous pouvons nous élever."

Nazgahl, qui avait déjà levé la patte pour abattre ses griffes monstrueuses comme on laisse tomber une guillotine, se bloqua subitement à mi-parcours. Nullement effrayé, Nel dévisageait la bête masquée et rien, non rien dans la noirceur de son oeil ne semblait indiquer la crainte. La Goule soupira et, sans prévenir, elle saisit le garçon à la gorge avec une poigne puissante pour ensuite le soulever lentement.

"Quelque chose me chagrine dans ton dissscours, mon garçon. Quelque chose qui me rappelle quelqu'un que j'ai tendance à vouloir oublier, à défaut de pouvoir le tuer. Un certain Kamina, une enflure de requin humanoïde qui m'a collé là où tu m'as trouvé, la fois passée. Lui aussi voulait m'empêcher d'obéir à ma nature primitive pour me contraindre à l'idiotie de sa fameuse civilisation. Est-ce que tu es de ceux-là, gamin ? Tu es de ceux qui veulent me priver de ma liberté la plus élémentaire, celle de tuer qui je veux, où je veux ?"

Nazgahl lâcha le gosse, le laissant choir brusquement. Puis il reprit, tout aussi agacé.

"J'accepte que tu m'ais aidé, mais pourquoi perdre ma liberté que j'ai mis de tant de temps à retrouver pour participer à l'accomplissement de tes sombres desseins ?"


Dernière édition par Nazgahl Cradle le Lun 2 Nov 2015 - 14:30, édité 2 fois
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La goule avait une sacrée poigne. Elle soulevait Nel sans le moindre effort d'un seul bras tandis que le garçon l'observait sans réagir. Il fallait s'attendre à une certaine animosité face à un discours aussi poussé. Lors de la réplique de Nazgahl, le nom de « Kamina » fit son apparition. Que le monde est petit. Il s'agissait justement du chirurgien qui lui avait fourni ce « nouveau corps ». Mieux valait garder cette information secrète pour le moment, inutile d'enrager la bête plus qu'elle ne l'était déjà.

Finalement, Nazgahl relâcha son étreinte. Une chance pour lui. Nel n'était plus le petit garçon naïf, qui s'excuserait de l'avoir dérangé avant de repartir en souriant. Non, maintenant c'était plus le genre à avoir refréné son instinct meurtrier à chaque seconde que son cou eût passé sous la force de cette main animale.

« Tu es de ceux qui veulent me priver de ma liberté la plus élémentaire, celle de tuer qui je veux, où je veux ? »  Nazgahl était un diamant brut. Une puissance effroyable qu'il fallait simplement canaliser et utiliser à bon escient. Mais il ne s'en rendait tout simplement pas compte. A le voir, seuls le sang et la faim régissaient ce qui restait de sa vie.

    — Ta liberté ? Le monde est une prison où il n'y a ni espoir, ni saveur, ni odeur. Mais souviens toi de la mort de Stockburn, souviens toi des cris de joie et des hurlements des prisonniers, souviens toi du sentiment qui a parcouru ton corps. Ne souhaites-tu pas revivre ça à nouveau ? Si ta réponse est non, alors je me suis trompé et tu devrais me tuer.


Nous faisons tous des choix, mais au final, ce sont les choix qui font ce que nous sommes.


Dernière édition par Nel Fairwing le Lun 2 Nov 2015 - 0:31, édité 1 fois
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Nazgahl était décontenancé. Après avoir été passagèrement étranglé, Nel semblait toujours revenir à la charge malgré tout. Il n'avait rien du petit garçon avec des espoirs salvateurs et une volonté de sauver l'humanité. Le monstre avait cru pouvoir le transformer, faire évoluer ce petit gars blond qui l'avait libéré par altruisme. Mais il se rendait compte désormais, que le gamin était tout aussi ignoble que lui, sinon plus. Car si Nel se savait en danger aux côtés de la Goule, les phéromones si singuliers auxquels la peur donnait naissance ne semblaient vouloir faire leur apparition.

Binaire, bestial, Nazgahl était incapable de comprendre pourquoi le schéma habituel ne fonctionnait pas. Par ses actes, par ses méthodes, il avait toujours su se rendre terrifiant, enfermer dans sa toile de terreur chacune de ses victimes. Et voilà que ce gosse lui résistait, voilà un gamin qui n'avait pas besoin d'allumer sa veilleuse pour faire fuir l'horreur qui se dissimulait sous le sommier. Et quand un monstre sait qu'il n'en est plus un, que l'épouvante n'a plus d'effet sur sa proie, que lui reste-t-il alors ?

Nazgahl recula d'un pas, cinglé par les propos de Nel. Il ne pouvait qu'admettre la vérité, il avait effectivement adoré cet instant où il était devenu gladiateur dans la fosse, il avait tant éprouvé de plaisir lorsque Stockburn avait été achevé et que la foule en délire s'était activée à scander son nom. A cet instant précis, il s'était senti complet. Enfin ces pourritures d'humains avaient compris son art, sa volonté de destruction. Ces êtres faibles et lâches s'étaient joints à lui et ensemble, ils avaient hurlé de joie à la mort du tortionnaire.

Encore un pas en arrière, la carapace de la Goule se fissurait progressivement, le gosse finissait par prendre l'ascendant sur lui. Nazgahl se posta à quatre pattes, en position défensive, sifflant et crachant pour exprimer ses doutes. Tout s'agitait dans sa caboche, la logique primitive du chasseur se mêlant aux dires du garçon. Détruire pour survivre, ou vivre pour détruire ? Qu'était-il réellement, pourquoi ressentait-il une joie si éxacerbée lorsqu'il commettait ses crimes ? Comment exactement retrouver ce sentiment de puissance qui n'avait jamais refait surface depuis la mort de Stockburn ?

"Que veux-tu de moi ? Quel est ton but ?"

Non, Nel n'avait rien d'un Kamina en herbe. Il était tellement plus. Ce gamin était... terrifiant. Là où Nazgahl se croyait maître, il avait désormais l'impression de n'être qu'un novice à la solde d'un instinct si primitif. Et si ce marmot avait raison, si la vérité était ailleurs, et autrement atteinte qu'en décimant des mafieux dans cette bourgade immonde ?

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Bas un chien et il aura peur de toi, mais à la seconde où tu lui tourneras le dos, il attaquera. Le vrai pouvoir se gagne par le respect. Nel l'avait compris. Il aurait pu se montrer menaçant avec Nazgahl. Pourtant il en avait choisi autrement, en suscitant son intérêt. La réaction de la goule était inattendue, reculant, se recroquevillant. En un instant elle semblait avoir compris, elle semblait avoir réfléchis avec autre chose que son estomac grouillant de chaire humaine. Et cette perspective l'effrayait. A présent il fallait gagner son respect.Le plus dur était fait : installer le doute dans son esprit tordu.

    — Je veux te donner le choix. Le choix est ce qui différencie ceux qui ont le pouvoir, de ceux qui ne l'ont pas. Voilà mon but : avoir le choix. Et pour cela, je dois devenir un foudre de guerre et je sais que tu le désires aussi. Alors relève-toi ! Choisis !


Nel amena sa main droite au niveau de sa bouche et déchira la membrane au cœur de sa paume à l'aide de ses dents. Alors que le sang commençait à s'échapper il tendit ce pacte à la Goule dans l'espoir qu'elle devienne ce qu'elle devrait être : Nazgahl Cradle.
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Aussi surprenant que cela puisse paraître, le monstre tremblait. Non pas d'excitation, comme à son habitude, lorsqu'il venait de découvrir une proie qui éveillait son appétit sans limite. Non, Nazgahl venait de développer le début de ce que l'on nommait communément la crainte. Les arguments de Nel étaient censés, justifiables et justifiés. Sa démarche était d'une logique si implacable que même l'esprit tourmenté de la créature malfaisante ne parvenait à s'y soustraire. C'était très déplaisant, mais à la fois curieusement hypnotisant.

Lorsque Nel lui ordonna de se relever, Nazgahl se sentit comme forcé de s'éxécuter. Il sentait un poids immense sur sa poitrine, et le seul moyen de se délester un tant soit peu de cette vibration organique qui l'empêchait de s'exprimer correctement, c'était d'obéir. Les dires du garçon avaient pour résultat l'opposé total du discours qu'il tenait. La liberté totale, en obéissant aux ordres, le gamin avait le chic pour jouer avec les nerfs du fauve. Comme si Nel était doué d'une sagesse absolu, et qu'il était désormais à même de guider le monstre pour lui permettre d'évoluer, Nazgahl se sentait happé vers un insondable vide. La lâcheté semblait génétique, car le monstre qui avait réfréné sa plus grande faiblesse venait de s'y laisser prendre une fois encore.

Il avait peur, non pas de la force physique, mais du savoir de ce gosse. Nazgahl était perdu, bien qu'il se refuse à l'admettre, et ce petit hommes aux cheveux de givre et au regard obscur semblait détenir une vérité que la Goule ignorait. Nel tendit sa main, dont il sectionna une partie d'un coup de dents brutal. Le sang gicla abondamment, et la chose détailla la plaie avec attention. Un pacte de sang; rituel très commun chez les Seekers. Ce petit avait l'étoffe d'un véritable Bloodlord. Nazgahl dissimulait sa peur et ses tremblements sous l'épaisseur de son manteau, mais son expression même dépeignait une frayeur sourde. Tout en laissant grimper un frisson le long de son échine, il tendit sa propre patte en avant, se mordant sauvagement pour révéler son sang noirâtre.

"Je... te suis, Nel."

Suite à quoi, il saisit la main du garçon avec hésitation. Cela fait, le monstre ramena brusquement sa patte contre sa poitrine, venant dissimuler la blessure sous l'imposante masse de cuir qu'était son vêtement. Il porta cette main tâchée de pourpre à son coeur, avant de poser un genou à terre en signe d'allégeance. Une marque de respect qu'il n'avait jusqu'à présent jamais su délivrer à qui que ce soit.

Nel était vainqueur de cette joute avec le mal incarné.
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