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Au pays des zaunards

Zaun, 1625.

A mesure de l’avancé du matin, la brume se retirait au large avec dans ses filets les derniers songes des vivants. Posant une main cadavérique sur le montant pourrissant de son refuge, le Cavalier s’extirpa dans un bâillement d’outre-tombe de l’amoncellement de planches. L’ancienne demeure de quelques miséreux chassés par quelques misérables. Les braves hommes étaient venus à sa rencontre minuit passée, apprendre au nouvel arrivant les rites du quartier pour ceux qui n’y avait pas leur place. A la lumière du jour, il restait uniquement d’abondantes traces de sang de leur passage. Les carcasses malmenées avaient du se trainer hors de la ruelle avant le réveil de leur bourreau. Bien que de grands cris furent poussés, personne n’avait daigné s’y intéresser. Les prochaines pluies gommeraient les derniers souvenirs de la cuisante branlée, dont seul les victimes garderaient mémoire.

Depuis son arrivé au port, les altercations se répétaient régulièrement. Une sorte de fête d’accueil locale organisée par d’hardis habitants souhaitant faire honneur à la réputation de l’île. La ville de Zaun n’aimait pas les étrangers et ne s’embêtait pas de métaphores pour leur exprimer. Ils toléraient les marins de passage à la rigueur, tant qu’ils ne causaient pas de problèmes et dépensaient jusqu’à leurs derniers berrys. Mais  ceux qui posaient leurs valises ne bénéficiaient pas de la même clémence. Dans l’esprit général deux types d’étrangers existaient en ce monde, aussi détestables l’un que l’autre : les débrouillards venant piquer le boulot des natifs et ceux qui ne valaient pas un clou rejoignant le flot de déchets mendiants. Ils n’apportaient rien de bon et les citoyens se faisaient un devoir de leur rappeler, à coup de triques dans le meilleur des cas. Malgré son statut de pirate, le cavalier avait la malchance de ne posséder aucun des attribues de la profession. Tous les membres amarrés à bon port, aucun œil manquant à l’appel, pas de mousquet, de sabre ou de perroquet. Rien que des guenilles délavées par le temps et l’ombre de la mort sur les traits. Son corps osseux et l’odeur forte, mélange d’alcool et de croupie, ne corrigeaient pas la méprise s’il y en avait une. Par contre si on approchait, on se rendait compte d’un élément clochant derrière la couche de misère. Un éclat de folie dans le regard, le plissement d’un rire moqueur.. un truc. Un quelque chose que l’esprit ressentait sans comprendre. Si l’instinct de la plupart encourageait à garder ses distances, certains tentaient toujours leurs chances. L’alcool, le nombre ou l’absence de bon sens formaient un puissant rempart à l’esprit de préservation.

Sous le regard méprisant des passants, il cheminait dans l’air toxique de la cité, aux abords du quartier industriel. Une fine cendre jaunâtre, vestige de dégagements corrosifs, pigmentait les bâtiments avoisinants. Le rejet des industries, l’unique couleur d’un monde ténébreux. A cette heure la plupart s’affairait déjà à leurs tâches, motivé par une quête de l’élévation. Beaucoup se brisaient durant  l’ascension sans fin, mais en ces terres seul le succès définissait l’homme que vous étiez. Arcbouté sur son bâton, notre clochard d’aujourd’hui et pirate des jours meilleurs cherchait quand à lui une demeure de l’ivresse où noyer sa conscience. Les adresses connues du forban avaient pour bon nombre disparues, écrasées sous la rude concurrence. Les rares à avoir tiré leur épingle du jeu ne lui auraient plus permis de  s’abriter sous le perron un jour de déluge. Heureusement il restait le « Cochon Pendu ». Le standing de l’endroit restait toujours aussi lamentable mais sa superficie s’était agrandie sur les commerces avoisinants. Lieu de rencontre des ouvriers, dockers et marins de tous bords. Un coin idéal pour une journée de débauche. A cette heure, seul les travailleurs nocturnes et les restes de la veille gardaient le fort sous l’œil sévère du proprio au bar. L’atmosphère tranquille vacilla lorsque le Cavalier poussa la porte. Un courant d’air glacé et soufré sur les talons parcouru la salle, léchant l’échine des habitués de son souffle. Tout en se rabougrissant sur eux même, les hommes tirèrent  le haut de leur col pour chasser la gène qui leur redressait le poil. Vaine tentative. Dans un silence profond, le vieillard se dirigea vers le bar, souriant à qui voulait bien croiser son regard. Le plancher raisonnait au fil de ses pas du claquement de son bâton dont l’écho se perdait. Le son brut affaissait et obnubilait les témoins de son arrivé. Le bar atteint, il glissa un bras osseux sur le comptoir et claqua deux fois du gourdin sur le sol pour marquer sa présence. Plus par mimétisme que par nécessité, les regards l’évitant mais ne pouvant l’ignorer.


- T’as à boire ?
- T’as de quoi payer ? rétorqua le commerçant au tact au tac.

Sortant une bourse bien rebondie de sa manche, le brigand la laissa choir dans un entrechoquement métallique. Une pièce d’argent apparue entre ses doigts se plaqua sous le nez du tenancier.

- Sors moi ce que t’as de mieux hé hé…

Le barman glissa la pièce dans sa bouche pour en vérifier l'authenticité et sortit une bouteille de sous le bar. Le bonhomme ne lui revenait pas mais du moment qu’on payait, il servait. Berni n’était pas le genre d’homme à se faire dessus dès qu’une sale tronche se pointait dans l’établissement. Il ne se démarquait pas dans la profession par la vente des meilleures alcools, mais tous les mauvais payeurs finissaient toujours par régler leurs dettes qu'importe leurs renommées. Même s'il devait aller les chercher par la peau du cul pour cela. Sa marque de fabrique dans le milieu, on ne plaisantait pas avec Berni. Le cavalier n’en attendait pas moins. Son sachet de caillasses et de déchets métalliques ferait l’affaire le temps de finir, après il lui suffirait de trouver comment sortir.


Dernière édition par Le Cavalier le Sam 5 Déc 2015 - 19:15, édité 7 fois
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Au dehors les ténèbres avaient repris place dans les rues labyrinthiques sitôt l’astre flamboyant tourna le dos. Un manège savamment orchestré depuis la nuit des temps que les petits bipèdes et leurs artéfacts lumineux n’était pas prêt d’annihiler. Chassés de l’extérieur, les hommes s’engouffraient aux carrefours des noctambules. L’atmosphère tranquille de l’établissement s’était muée en un tintamarre énergisé par l’alcool. Les gaillards, sortant des manufactures de la Cité, se requinquaient de leur labeur au coté de petits et grands caïds du coin. Certains jouaient, d’autres chantaient, miaulaient, dansaient dans une bonne humeur contagieuse. Pour s’entendre parler au milieu du brouhaha une seule façon existait.. Crier plus fort encore ! Une sacré cacophonie en résultait qu’un orchestre amateur de cuire amplifiait de son souffle. L’atmosphère bouillonnante engaillardisait les âmes fatiguées en préparation de l’événement du soir.

Pourtant, un coin sombre de la pièce subsistait malgré cet afflux de joyeuseté. Seul point d’ombre à la scène, la table du vendeur de désespoir tamisait la chaleur des lieux par un voile obscur. Une forme de pénombre avait pris source dans la décharge progressive de l’éclairage pétrosulfuré le surplombant. Ses compagnons de boisson guillerets en début de soirée s’étaient peu à peu refermés sur eux même. Le son des lieux normalement festif leur parvenaient maintenant par brides éparses et distordues. Une longue introspection de l’existence s’était enclenchée chez certains. Mais à leurs mines abattues, le résultat n’était pas glorieux. Un gout de cendre dans la bouche et le regard éteint, ils se remémoraient les regrets qu’ils emporteraient dans la tombe. Les bons moments de l’existence éclipsés dans cette spirale sans fin les emmenaient toujours plus bas. Le ton enjoué du Cavalier n’apportait aucun soulagement aux victimes de son aura, bien au contraire. Son rire, anodin dans la bouche d’un autre, pressait leurs âmes d’un gantelet de fer et les enfonçait dans les abysses plus profondément encore.


- … je vais me faire tuer.. je le sais c’est pour bientôt…

Les complaintes provenaient de sa droite. A moitié endormi, le Cavalier se redressa dans un grand éclat de rire et appela aussitôt à une nouvelle tournée d’alcool, à grand renfort de violents coups sur la table pour couvrir le raffut des dix autres gus faisant de même. Ce n’est qu’après qu’il se tourna vers le geignard, le regard malicieux et légèrement embrumé.

- Hé hé… T’inquiète aucun client de la Dame s’en est encore plaint.

Les mines déconfites de ses camarades n’altéraient pas sa bonne humeur, bien au contraire, leurs gémissements sonnaient comme des plaisanteries à ses oreilles. L’homme attrapa nerveusement sa tête entre les mains, son visage exprimait toute la tension de son esprit. La Mort sur les talons, il sentait son haleine glaciale dans le dos. Il frémit, blêmit et se retourna brusquement au bord de la syncope. Rien.. rien que des consommateurs à leurs affaires. Il quitta la scène chaleureuse des yeux pour la froideur de sa boisson..  La main charnue de son voisin de droite se posa sur son épaule ferrant son regard avant qu’il ne s’éclipse. Le ton chargé d’amertume, il lâcha quelques mots de réconfort.

- J’adorais cette robe mais il me l’a brulée..

Une serveuse vint à la table le plateau chargé de breuvages. L’amas transporté conserva sa stabilité tout le long du chemin, sans tressaillir une seule fois malgré ses zigzags entre les assauts répétés de mains baladeuses. L’ardoise du pirate en reprenait une nouvelle fois un coup mais il n’avait plus de piécette pour y contribuer depuis un moment. Les sous de ses compagnons du jour avaient déjà servi à épancher une partie, mais seul son sac de briques à broques restait maintenant en sa possession. Apportant une chope à ses lèvres, pendant que le nez d’un autre n’allait pas tarder à plonger, il apprécia la substance forte revigorant un brin ses papilles malades. Son regard se fixa quelques instants à l’arrivé d’un homme prestement habillé et de sa suite.

Vêtu d’une redingote violette, agrémentée par une poulette au bras, l’individu ventripotent s’avançait en terrain conquis. Sa simple présence avait suffi à modifier l’atmosphère. Ignorant les regard tournés vers lui, il s’approcha de Berni un grand sourire au lèvre et présenta sa large paluche. Un sourire de façade, offert aux adversaires qu’on souhaitait écrabouiller dans les formes. Gragass, l’emperhum de la Gragass Corporation. L’entrepreneur prônait au dessus des bars de la ville avec une clientèle très sélecte. Sa notoriété atteignait les sommets du monde. Ses concurrents de Zaun ne jouaient pas dans la même catégorie et tout le monde le savait. Ils se faisaient un devoir de lui foutre une raclée à la moindre occasion, qu’importe le domaine. Cependant le bonhomme ne mettait genou à terre aisément. Il participait à ces types de challenges uniquement pour assoir sa domination, que personne n’oublie qui était le patron. Berni lâcha son torchon et serra la poignée tendue de son invité, dans un broyage de main en bonne et due forme. Son adversaire savait aussi y faire. Ils n’allaient pas se départager ici, un autre moyen existait. Pendant ce temps là, les sympathisants s’étaient installés sous les regards hostiles voir moqueurs de ceux déjà en place. L’ambiance restait toujours aussi chaleureuse et fêtarde, mais tout le monde sentait l’air s’électriser depuis l’apparition du nouvel arrivant. Non loin de lui, son champion enfilait ses gants la mine sereine.

Les rixes de bar appartenaient aux nombreuses traditions conservées sur Zaun. Les avancées technologiques n’avaient nullement altéré la simplicité brutasse de la population. La faute à un esprit borné et un penchant prononcé pour la castagne. Quelques hurluberlus essayaient bien parfois de changer les mentalités, mais leurs tentatives s’écrasaient contre un mur de rudesse. Le dernier en date à avoir tenté le coup, s’était amusé à coller des affichettes appelant à un monde de verdure. Tout naturellement, il devint en quelques jours une blague publique. Sa paperasse servait maintenant d’essuie fesses pas cher depuis qu’un petit malin s’était amusé à toutes les décoller pour les revendre sous le prix de la concurrence. Donner le sourire et remplir son office,  la combinaison du succès. Les combats amicaux possédaient aussi cet attrait multifonction. De grosses sommes partaient dans les paris pour déterminer le premier à finir au tapis. Une occasion pour les gérants de fédérer les habitants le temps d’une soirée et de fidéliser leurs consommations les jours suivants. Le combattant bénéficiait de son coté d’un moyen de faire ses preuves avec un beau paquet à la clef en cas de victoire. Toutefois, la défaite n’était pas permise. Le terme d’amical n’appartenait qu’à la théorie, dans la pratique l’affrontement se terminait quand il en restait un seul débout. Un règlement simple, compréhensible pour les moins dégourdis, encadrait la rencontre : pas d’arme et pas d’aide extérieure. Après on laissait les combattants en tête à tête, avec aucun arbitre pour les séparer. La manière dont le duel se clôturait dépendait du bon vouloir du vainqueur. Les dérives fréquentes conduisaient régulièrement les vaincus à Ord Mantell, s’ils n’avaient pas passé l’arme à gauche entre temps.

Une main sur sa choppe, le vieux forban continuait d’observer le manège. L’attention ailleurs lui offrait l’opportunité de s’éclipser sans vague maintenant sa soif épanchée. Il racla le sol de sa chaise sans réussir à percer le bruit ambiant et se leva avec l'appui de son bâton. La tête alourdie par l’alcool le maintint quelques instants étourdis après des heures passées assis, avant de le laisser saluer d’une mimique de référence ses camarades de tablé. Seules des réponses amorphes lui parvinrent en retour. Le geignard avait déjà foutu le camp débuter un mystérieux plan pour contrer la Mort. Laissant derrière lui la troupe de rabais, le pirate se dirigea vers la sortie. Sa démarche approximative sur le sol tanguant l’envoyait par moment contre les obstacles parsemant son parcours. Des bousculades fortuites jaillissaient de noirs regards, dont l’intensité flétrissait devant le visage du porteur de mort. La porte plus qu'à quelques pas, un étau se referma sur son épaule. Tournant la tête vers le gros bras dans son dos, il sourit à son commanditaire non loin. Ce dernier le fixait le visage impassible.


- On nous quitte avant les festivités ?
- Envie de pisser hé hé..
- Pas avant d’être passé à la caisse vieillard.

Un échange des plus simple sans réel animosité. Les deux hommes n’avaient pas besoin de se perdre dans une conversation de forme pour se comprendre, ils étaient faits du même bois. Sans se départir de sa mine amusée, le brigand glissa une main dans son dos afin de saisir le manche de son coutelas. Mais rien ne l'y attendait, d'autres se levèrent armes au poing en vue de clôturer ses espoirs d'évasion.

- Ne fais pas l'enfant, si tu combats un match j'efface ton ardoise. Qu'en dis tu ?
- J'en dis que le choix a déjà été pris pour moi hé hé hé..
- Bien dit ah ah ! Amenez le, nous avons notre fier combattant !

L'assemblée éclata d'un rugissement d'acclamations à la nouvelle. Tous debout une choppe en main, les clameurs avaient remplacé le chant. Alors qu'on poussait le héros de la soirée vers le centre des festivités, chaises et tables dégageaient pour fournir une scène suffisamment grande aux combattants. Le poulain de la Gragass Corporation la rejoignit en premier et commença à s'échauffer sous les encouragements. L’événement du soir ne se déroulerait pas avec cette première rencontre, il s'agissait uniquement d'un match d'ouverture afin de se présenter. En d'autres mots, un amuse gueule offert à l'invité pour étaler sa force et chauffer les paris. Beaucoup s'étaient déplacés voir le nouveau champion vedette de Zaun : John Lawrence. Il ne se démarquait pas par un corps disproportionné à la différence de bon nombre de ses concurrents, mais par un simple bandeau recouvrant ses yeux. Les conséquences d'une mauvaise rixe qui lui avaient ôté la vue. Si bon nombre aurait entamé une longue déchéance, le boxeur continua les combats. Les débuts le laissèrent en morceau, mais en puisant dans ses retranchements il fit le dos rond et ne lâcha rien. Peu à peu, il se hissa sur le devant de la scène qu'il dominait maintenant. Il rentra depuis peu au service de Gragass, où leurs deux notoriétés se joignirent dans un mariage de raison.  

Le champion s’affairait dans son coin à un échauffement rituel d’avant combat. Balançant ses poings dans le vide, il enchainait un à un les mouvements de son art martial avec la plus grande concentration. En retrait de l’effervescence ambiant, il s'en imprégnait et la relâcherait qu'une fois la serviette lancée. Il affutait ses armes jusqu’à cet instant. Un match d'ouverture sans enjeu ne demandait pas tant d'attention, mais sa rigueur l'imposait. Cette rigueur qui l'avait amené aussi haut ne méritait aucune traitrise. Assoir sa domination sur le véritable match commencerait maintenant en écrasant l'opposant le plus spectaculairement possible. Plus efficace que n'importe quelle bravade, sa lisibilité en ressortirait grandie. Il jeta à peine une pensée au poivrot mis en face. Le rôle de sac de frappe sur patte ne convenait pas à tout le monde, seul les désespérés ou les contraints en portaient le fardeau. L'aura ténébreuse s'en dégageant l’effleura à peine, amenuisée par l'atmosphère brulante. Son effet insidieux se trouvait d'autre part discrédité par l'apparence de son propriétaire. Débarrassé de son bâton, il n'avait plus d'arme à porter, son couteau planté dans une table à distance plus d'aucune utilité. Se détachant de la masse, un nouvel intervenant prit la parole. Coiffé d'un haut de forme assortie à son veston crème, il entama d'une voix forte le lancement de son speech après un signe de tête de Berni.


- MESSIEURS ET MESSIEURS ! Et Mesdames.. EN CE SOIR,  NOUS ALLONS ASSISTER AUX PREMIERS PAS EN CE LIEU DE L’ÉPOUSTOUFLANT JOHN LAWRENCE DE LA GRAGASS CORPORATION !!!

L’intéressé leva un bras en l'air soulevant une vague d'encouragement.

- EN FACE, LUTTANT POUR SA VIE SE TIENdra...
- Le Cavalier..., lâcha le vieil homme agrémenté d'un clin d’œil.
- LE CAVALIER SANS CHEVAL !!!

Un mélange d'encouragement et de rire accueillirent l'annonce avec la même intensité.

- Si vous n'avez pas encore pris vos paris pressez vous, car à cet instant LE MATCH COMMENCE !!!

Attrapant théâtralement la serviette blanche mise sur son épaule, il la jeta à terre tout en effectuant un bon en arrière. Lorsqu'elle toucha le sol, le pirate de pacotille surnommé "le Cavalier" traversa la pièce en un instant avant de se fracasser contre le mur du fond. Le Champion de Zaun se tenait maintenant à sa place le poing tendu. Un instant de stupeur gagna la salle, puis fusèrent de toutes parts des acclamations.  

Au pays des zaunards Knockout_leesin_splash_1920


Dernière édition par Le Cavalier le Mar 29 Mar 2016 - 23:13, édité 1 fois
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Le nuage de poussière dérangé par le boulet humain s’affaissait à présent sur les contours d’une masse inerte… abandonnée à son sort. L’attention des spectateurs l’avait quitté sitôt son éphémère instant de gloire passé. Les restes d’une relique envoyée en pâture ne rivalisaient pas avec un champion en plein éclat. L’affaire se serait conclue ainsi sans que personne n’y trouve à redire.  Rien à prouver ou à gagner en ces terres ne venait l’encourager à se lever, cuver contre un plancher de bois ou le pavé importait peu. Pourtant l’un des doigts osseux remua. Puis un autre. Redressant sa stature courbée, le Cavalier se remettait debout le visage aussi abimé qu’amusé. Il salua les exclamations surprises de l’assemblée d’un geste de tête prêt pour le second round.

Lawrence en prit conscience le premier. Malgré le boucan, les moindres sons continuaient de lui parvenir distinctement. Il perçut le tapotement d'un doigt puis le frôlement du tissu d’un homme qui n’aurait plus du bouger. Son brusque volte face avertit à son tour l’assemblé d’où germa de nouvelles exclamations. Le combat n’était pas terminé ! La braise tenue au chaud s’embrasa de plus belle et un nouveau cercle vociférant se forma autour des combattants. L’argent des paris changea de main et de nouveaux se lancèrent. L’euphorie n’atteignit pas le champion mis à défaut par un vieillard. Il avait souhaité clôturer la mascarade en un coup et devait à nouveau s’y pencher. Dans la même mesure où l’adversaire gagnait en sérieux, son image en pâtissait. Sans attendre, il se repositionna dans un mouvement de balancier prêt à en découdre. Les bras écartés, le soulard en face semblait l’inviter à le rejoindre dans une embrassade fraternelle. Passant d’une jambe à une autre dans un sautillement crescendo, le boxeur gagnait en vitesse jusqu’à flouter sa silhouette. Lorsqu’il s’élança, un éclair imperceptible aux moins vifs traversa la distance et glissa au travers de la garde ouverte. Son premier poing s’enfonça dans les côtes du forban puis d’une torsion du corps écrasa le suivant dans la mâchoire sans perdre de sa vitesse. Le choc violent redressa l’homme avec un craquement de vertèbres. Coincé entre ciel et terre, une explosion de coups frappa le corps à nue. La violence le projeta une nouvelle fois dans le décore.

Pour la deuxième fois de la soirée, le Cavalier se releva du sol poussiéreux. Un filet de sang en-salivé gicla à ses pieds. Le champion ne manquait pas de force, il cognait bien. Mais sa manière de se trémousser vitesse grand V l'ennuyait d'avantage. Le flibustier resserra les poings prêt pour une nouvelle salve. Le gamin tapait bien mais il en avait vu d'autre. Lorsque le boulet arriva, il balança son poing dans sa course, brassa l'air et ressentit une explosion de douleur dans les côtes. L'onde de l'impact lui traversa toute l'ossature. Sans rien laisser paraitre, il tenta de l'emprisonner de ses bras mais d'un pas en arrière fut évité puis greffé en retour d'un uppercut en pleine face. Le choc sembla souffler la salle. Il tint bon à cette nouvelle explosion de violence et encaissa le coup sans s'étaler misérablement. Alors qu'il se laissait aller sur quelques pas hasardeux en arrière, le boxeur s’arrêta là légèrement décontenancé de l'effet limité de ses attaques. Estourbi mais toujours là, le pirate conservait son sourire. Provocation continuelle envers son vendeur de beignets, qui relâcha de son agacement.  


- Tu fais peine à voir à t'en prendre plein la gueule. Écrases toi et fais pas chier.
- Si t’as pas envie de te prendre des coups, à quoi bon venir se battre morveux.
- Frapper sans manger, c'est ce qui différencie un art martial des gésticulades d'un vaurien.
- Bien dit hé hé hé..

Les deux hommes se confrontèrent à nouveau. Piochant dans sa trousse à malice, le brigand souleva son ample soutane. Les plis tombant s'élevèrent en un faible rempart de tissus, dissimulant un bref instant sa présence. Un temps suffisant pour annihiler l’avantage de vitesse de son adversaire. En d'autres circonstances la manœuvre n'aurait pas été mauvaise, mais on ne pouvait pas se dérober à la vue d'un aveugle. Lawrence ralentit à peine l'allure et fit mouche de ses poings. Les yeux perdus, il percevait ce qui l’entourait par les sons, les mouvements d’air et vibrations du sol. Dans son esprit, l'environnement se construisait en trois dimensions aussi nettement que s'il survolait la scène. Les tours de passepasse ne l'affectaient pas. Les coups violents repoussèrent le vieillard sur quelques mètres. Autour les supporters avides ne perdaient rien du spectacle. Le ton enflammé du présentateur décrivait chaque échange à renfort d'hyperboles. Rarement un match d'ouverture n'avait autant dégagé d’intensité.

Le pirate s'ébroua histoire de remettre de l'ordre dans sa tête malmenée. Il avait bien mangé, maintenant repu son intérêt ne l’encourageait pas à poursuivre. Lawrence s’était montré généreux, le temps de le remercier et d’en finir arrivait. Au fil du combat, l’ivrogne rapiécé s’était mué en un ivrogne rapiécé à la peau dure. On sentait un vécu à la marche-ou-crève, de ceux qui laissent sur le bord de route les âmes sensibles. En même temps que sa nature se révélait, l’aura sombre gagnait en ampleur jusqu’à s’imposer. A cet instant, l’ignorer n’avait plus rien d’aisé. Lorsque le Cavalier fit un pas en avant, l’ombre de la Mort se colla à ses basques. Pour la première fois de la soirée, Lawrence prit une posture défensive. Prenant conscience du réflexe non souhaité, il réaffirma sa position et chargea. Le Cavalier ne tenta même pas de se défendre, il reçut tous ce qu'il avait à offrir. Les chocs le traversèrent mais il tint bon. On ne survivait pas à Red Line pour s’écrouler aux punchs d’une gazelle. Lorsque le boxeur tenta de se dégager pour attaquer sous un meilleur angle, une main squelettique l’en empêcha. Au lieu de se concentrer à parer des poings fins et mobiles, le Cavalier s'était contenté de saisir son gilet. L'autre cherchant à se dégager, il reçut des coups mais ne lâcha rien. Il sourit. Il en reprit un plus puissant encore. Mais il sourit de nouveau. Il avait gagné.D'un mouvement brusque, il ramena l'adversaire contre lui et referma son autre main sur son cou. Ses longs doigts se refermèrent tels des serres emprisonnant une proie. Leur froideur pénétra au plus profond de la chaire du condamné, jusqu'au cœur de son âme. Le mortel se débattit en vain, la pression ne diminua pas. Ses pieds décolèrent du sol, il suffoquait.

Un silence d'outre tombe avait éteint l'animation de la salle. Absorbé par le spectacle surréaliste, personne ne soufflait mot. Pas une seule fois le brigand n'avait atteint sa cible, pourtant du bout de ses doigts se tenait la fin du match. Le grand champion n'était plus qu'un poisson agonisant hors de l'eau. L'aura de Mort avait détruit toute festivité. Il s'agissait d'une victoire des plus froides sans aucun sentiment. Lawrence ne se battait plus que pour quelques instants de conscience. Elle s'effritait inexorablement..


- Ll..ai..oi..

Le Cavalier maintint sa prise jusqu'au dernier signe de vie, puis le laissa choir.  Il s'écroula alors comme une marionnette désarticulée. L'expression du porteur de Mort n'avait pas changé depuis son arrivé, lorsqu'il balaya la salle du regard la plupart évita cette vision dérangeante. Il n'aurait pas le droit à des applaudissements.
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- Victoire du Cavalier...

Les premiers mots à percer le silence. Derrière, les conversations reprirent, d'avantage de l'ordre du murmure et du grognement. L’événement se clôturait sans combat des champions et de la manière la plus abrupte possible. Avec une fin sans saveur et l'argent des paris perdu, la plupart digérait la nouvelle. Quelques uns se détachèrent pour hisser Lawrence sur leurs épaules et l’emmener à l’hôpital de Zaun, histoire de voir s'il restait quelque chose à faire. Le pirate se tourna vers Berni détaché du flottement d'ambiance.

- Alors cette ardoise ?

Ce dernier s'adressa à son adversaire du soir. Les deux hommes avait regardé impassibles le déroulement du match. Aucune fanfaronnade, aucun pleure mais le sourire de l'un était passé sur le visage de l'autre.


- T'as un autre champion à envoyer contre mon vaurien ?
- Pas ce soir.. On en reste là.

Le ton légèrement irrité de l'Emperhum combla le tenancier des lieux. Il gratifia au vainqueur quelques mots épurés de douceur et ne s'en occupa plus.  

- T'as plus d'ardoise ici, mais ne reviens plus tu fais tourner la vinasse.
- A vos ordres Monsieur, hé hé..

Après un simulacre de courbette, le Cavalier arracha son coutelas d'une table et le glissa à sa place. Puis vint le tour au panier d'osier de regrimper sur son dos. Le temps de quitter les lieux pour un endroit plus tranquil arrivait. Les ombrages de Shad' offriraient un coin idéal pour lécher ses plaies et dormir d'ici la prochaine fois. Il agrippa son bâton d'une main, une bouteille qui trainait de l'autre. Lorsque la porte se referma sur lui, son ombre resta. Berni n'avait pas à se plaindre de son passage, mais les autres arrivaient à la même conclusion : les étrangers n'apportaient rien de bon.
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