Feu sacré


Il ne fait guère bon de vagabonder dans les allées tortueuses de Carcimonia le soir venu, l'immense rocher plongé dans la pénombre révèle  ses secrets les plus abscons dans les ombres naissantes, les démons qui dansent sur les parois de ses anfractuosités. La cité dévoile sa vraie nature, son identité la plus sombre et la plus vraie, son essence la plus pure, le constituant de son ADN: la corruption à grande échelle. C'est le nerf de tout ce qui se trame dans ce fief, cette enclave oublié de la marine, cette terre faite de vices et d'immoralité dans ce flot ininterrompu d'inconnus, d'anonymes, qui se croisent, se toisent sans un mot, sans s'adresser le moindre regard, accusateur ou coupable. C'est un vivier indolore où les plus grosses pourritures règnent en maître en toute quiétude, ils se livrent une guerre feutré, de stupre et d'opium, d'armes et de drogues, les plus vicelards creusent leurs trous dans le patelin tout en creusant le trou qui les accueillera les paturons devant l'heure venue.  

Dans la baie, un corps noyé flotte au large du rivage tandis qu'une silhouette masculine sur la jetée époussette son costume et  ajuste précautionneusement son borsalino avant de serpenter dans les ténèbres des ruelles.  Il ne manquera à personne, il n'est qu'une goutte d'eau dans un océan de pêché, une victime de plus de cette sélection naturelle, Jacob Khairns est mort, petit truand local aux couilles dorées sur tranche, les mirettes plus grosses que le buffet, s'est éteint dans le silence d'une crique abandonné. Le révolutionnaire pistait déjà ses moindres agissements depuis des jours entiers, à dresser un état des lieux de ses allées et venues, de ses contacts, de ses liens avec le milieu et les pontes locaux, de son emprise sur les engrenages dentées du système, de ses pots-de-vin, de sa petite famille et de sa mauvaise graine. Il a attendu encore et encore jusqu'à guetter le moment propice pour le mettre hors-circuit pour cette nuit là, pour ce rendez-vous particulier avec une marchande d'arme, ce face-à-face qu'il a griffonné sur une page de calepin qu'il a engouffré dans sa poche de futal, pour cette femme à qui il a filé rencard au Paddy's Hall.  Le révolutionnaire doit tirer l'affaire au clair, évaluer son degré de dangerosité tout comme les motifs qui la poussent à vouloir faire affaire avec Jacob, il n'aime guère ces marchands de mort, ces seigneurs de guerre qui aiment apparaître dans les travées des nœuds les plus sombres du monde. Il est un pacifiste invétéré mais il sait que pour prêcher la paix, il faut parfois préparer la guerre tout autant.

Au Paddy's Hall ce soir -là, l'ambiance feutrée est seyante à souhait, les chandails sur des tables en quinconce, la porcelaine et l'argenterie sortie du vaisselier, des tentures rouges carmin sur les murs, un velours rembourrée en guise de plancher,  une atmosphère cosy et guindée faite de formalisme et servitude à peine déguisée.  Le Paddy's affiche toujours salle comble, la clientèle d'occasionnels ou d'habitués, arrose de copieux pourboire pour que les grouillots soient aux petits soins avec eux, des volutes de cigares hors de prix qui s'entremêlent çà et là dans le hall de restauration , des moues plongées derrière l'éditorial des feuilles de chou locales. Son contact est une femme, Goldie, qu'elle se fait appeler selon les notes de Jacob, le révolutionnaire a d'ores et déjà sommé le personnel de rappliquer avec la demoiselle lorsqu'elle se manifestera sur le seuil. Wade tire une clope de son parka, la grille et tire quelques taffes pour mieux se fondre dans la masse silencieuse, le regard perché sur le miroir mural dressé au dessus du comptoir qui lui fait face. De précieuses minutes s'écoulent dans le sablier, il attend, circonspect, murmure son topo et ballade son regard dans cette foule d'anonyme et d'yeux inquisiteurs. Du moins jusqu'à ce que le personnel le sorte de sa torpeur momentané.

"Monsieur, votre hôte"

Elle a l'parfum qu'les anges devraient avoir. La femme dans toute sa splendeur. une silhouette appelant aux plaisirs de la chair, une chute de reins plus exquise encore que les chutes du Viagara. La tentation, Sublime, Magnifique, un Joyau brut, une Déesse. Goldie.


Dernière édition par Wade le Mar 8 Déc 2015 - 22:52, édité 1 fois
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Carcinomia, c'était c'vieux rocher qui puait la merde. Là où valait mieux pas faire des étincelles et rester dans l'ombre des habitations. Faire le fantôme était un réel problème de conscience pour Margo. Mais c'était le lieu idéal pour les affaires, alors elle s'arrangeait pour contenir ses états d'âmes et envoyer chier mentalement les déchets. L'avantage aussi de l'îlot sous terrain c'était les emmerdes avec les marines totalement inexistantes. Fallait juste faire attention à n'pas empiéter sur les platebandes des clans de Carcinomia. Si ça l'emmerdait sérieusement d'venir s'fourrer dans ce trop pleins d'moisies, la commande qu'elle avait dû faire valait l'coup. C'était d'l'or, une bonne somme qui 'lui était promise. C'tout c'qui l'intéressait et lui permettait d'avoir la motivation pour se retrouver dans ce trou.

Son vieux s'posait jamais d'questions sur ses clients, et elle s'était pas toujours conformée à ses règles du silence. Certains avaient de ces caractères de merde qu'elle pouvait pas s'empêcher de se méfier. Avoir des clients de toutes les horizons n'avaient rien de gratifiant, comme le disait si bien l'papy du temps où il était en vie. C'était pas pratique parce qu'elle devait s'adapter à ces fions et qu'eux étaient des vrais dangers sur patte. D'autant plus qu'elle avait un vagin et que c'était putain d'handicapant dans c'milieu.

Enragé, elle s'était pas gênée pour montrer les crocs lorsqu'un balourd l'avait approché de trop prêt pour lui vendre ses contrefaçons de merde. Elle n'en était pas encore à s'faire une réputation ici, mais au Paddy's Hall, on connait sa tronche et ça l'aidait d'plus avoir besoin d'se nommer. On savait à peu près qui elle était, et même pourquoi elle était là. C'est comme ça qu'elle avait trouvé certains clients d'ailleurs, qu'elle avait un mal fou à garder quand ça tournait au vinaigre. L'mec pour qui elle portait ce sac de ses petites bébés explosifs avait intérêt à pas la faire chier parce qu'elle s'était cassée l'dos pour emporter le bon nombre dans c'trou. Qui était exigeant c'te connard là. Même sa lettre sentait l'péteux à dix kilomètres et elle n'avait été pressé de le rencontrer juste pour le bif qu'il avait à lui proposer. Elle croisait tout de même les doigts pour que l'homme soit réglo, qu'il ne se barre pas avec ses biens. Elle avait toujours une tactique quand elle n'était pas certaine... Pourtant, son grand-père lui, avait déjà faire affaire avec ce très cher Jacob, plus d'une fois. C'est qu'il était digne de confiance. Il était sur la liste blanche d'son vieux.

Elle passa à peine la porte qu'on vint à sa rencontre. Accueillis comme une reine, ou presque, elle ne put s'empêcher de grimacer, ou de sourire, à votre convenance. C'était vraiment un accueil de couillon, son grand-père avait-il vécu ça à chaque fois qu'il avait affaire à Monsieur Jacob ? Une escorte ? Comme si elle était pas capable de flairer où se trouvait le mâle qui avait b'soin de ce matos ? C'était d'foutre d'elle. Mais elle tint bon jusqu'à c'qu'on l'amène à la table d'un blond au regard de glace qui resta plutôt figé en la voyant. Margo fit de même, elle le regarda, l'observant, à deux doigts de lui d'mander si elle voulait sa tronche en photo pour pouvoir s'faire des petites branlettes solos. Mais une petite voix lui disait d'être commerciale, alors elle écouta presque sagement cette voix à la con. Elle dût inspirer profondément et expirer lentement pour faire face à ce choix hautement difficile. Elle s'posait pas d'question sur le physique plutôt avantageux de l'homme, parce qu'elle avait besoin d'ce fric et qu'elle commandait jamais de dessert pareil dans une ville de débauche. Pour couper court à cet échange, elle tira sur le sac qui tiraillait son épaule et balança celui-ci sur la table. Le brouhaha des pigeons du coin avait largement étouffé le bruit mais avait peut être surpris l'homme. Elle ne s'en formalisa pas et laissa crisser la chaise en la tirant en arrière. Ça lui explosa quand même les oreilles mais elle était déjà sourde. « J'ai pas tellement l'temps, va falloir qu'vous disiez si ça colle à vos attentes ? J'dois décoller dans pas trop longtemps, un bateau m'attends pour qu'je retourne à mon chez moi. Sinon j'devrais crécher ici. » Et c'était hors de question. Elle appela l'serveur pour commander, parce qu'elle n'allait pas s'priver d'une bonne bière avant d'se carapater avec l'or.
    Un instant nommé désir.

    Il toise Goldie sous toutes ses coutures , laisse poser son regard sur les courbes généreuses de ses hanches riches et fermes, sur sa nuque fine et gracile , sur son buste généreux comme deux fruits mûrs qu'un audacieux n'aurait aucune peine à cueillir de leur grappe, sur ses chevilles délicates et ses bras effilés. Une taille haute et svelte qui épingle les visages fébriles, harponne ces myriades de regards qui la dévorent, délicieuse, délicate Goldie, au charme grisant d'une jeune demoiselle chaste dont les volutes du parfum capiteux qui dansent sur son cou, attirent les attentions toutes particulières de ces messieurs élégants et distingués. Magnétique Goldie, majestueuse Goldie  au teint doucement rosie de jeune jouvencelle, aux lèvres doucement charnues et  pulpeuses à souhait, aux  prunelles émeraudes si larges qu'on pourrait s'y noyer dedans si elle consentait à vous fixer assez longtemps pour y plonger ses rétines et sonder l'écho hélas coupable qui s'éveille en vous.  Une suavité absolue,  où l'exaltation toute harmonieuse des sens revêt toute son intensité, toute sa puissance et pourtant son infinie finesse en l'âme et personne subtile de Goldie.  Il la lorgne comme une bête curieuse, comme s'il fut transporté momentanément hors du temps, hors d'atteinte de tout ce qui aurait pu entacher cette fascination béate qui s'était imposé à ce rustre mal dégrossi.  Une statue aux lignes pures et éthérées empruntant à l'enchantement des cœurs et au ravissement silencieux.  Un ode à l'onirisme et à la poésie qui se diffuse au fil de ses pas élancés dont la symphonie envoûtante déferle et brise toute résistance futile qui s'oppose à elle.  

    Séduisante, elle laisse courir son charme si singulier,  et comme de juste lorsqu'enfin Goldie prend ses aises, déballe la marchandise et ouvre les lèvres séraphiques qui sont les siennes pour produire un son, la magie opèrerait presque si l'enivrement du révolutionnaire n'était pas étouffé dans l’œuf par les mires scrutatrices de la bonne vingtaine de mâles dans le lobby du Paddy's en cette chaude soirée. Leurs oreilles indiscrètes se dressent comme escompté, ils flairent les filons,  fleurent les bonnes affaires et les pigeons à enquiller. Et c'est bien vers lui, vers Jacob que ces œillades se rivent, que les dents grincent, que les mâchoires se ferment,  vers cet homme pourtant bien connu au Paddy's qu'on semble cette fois ne reconnaître ni d'Eve ni d'Adam. Son faciès dérange, intrigue et perturbe le commun en col blanc de l'établissement qui l'exprime tout naturellement dans une façon bien personnel : la quincaillerie se soulevant par intermittence de leur futal et qui leur titille les phalanges.    

    "J'ai pas tellement l'temps, va falloir qu'vous disiez si ça colle à vos attentes ? J'dois décoller dans pas trop longtemps, un bateau m'attends pour qu'je retourne à mon chez moi. Sinon j'devrais crécher ici. »

    Insoucieuse Goldie, insouciante et pas moins épineuse rose. Un ange passe.

    " Pourtant, l'idée me déplairait pas le moins du monde". lance t'il avec une pointe d'humour avant de saisir l'un des dispositifs et d'y jeter un œil plus attentif.  

    Des pains d'explosifs artisanaux, agrémentés d'un liant plastique, d'un agent plastifiant souple mais peu volubile et présentés  sous forme de petites effigies de poupées.  Il ignore si elle bosse en solo ou pour le compte d'un ponte ou même si elle ne se charge que de la commission avec Jacob.  Elle fait preuve d'une assurance certaine, de beaucoup d'audace et surtout d'un flegme assez déroutant pour une marchande d'armes qui étale ainsi sans le moindre embarras sa dangereuse cargaison. A moins qu'elle soit de mèche avec tous ces lascars ou qu'elle veuille les prendre à témoin du petit échange verbal auquel ils se livrent.  Au regard de sa quiétude toute affichée, il y a fort à parier que les recettes des composés en question comprennent également des stabilisants pour éviter toute brisure de la charge. Le blondin en connaissait un paquet sur les explosifs conventionnels, l'école des niveleurs de Las camp où il avait fait ses classes, lui avait donné un bagage théorique et pratique indéniable. Il connaissait un vaste panel d'explosifs et de modes de détonation, en connaissait les caractéristiques, leurs propriétés et avait également quelques bases en confection pure d'explosifs.  

    " Et l'explosif ? "
    "Un mélange de trinitrotoluène et de nitroglycérine céllulosée, comme de coutume. " rétorque t'elle avec aplomb et sa nonchalance toute affichée.
    " De la dynamite mélangé à de de la TNT...ingénieux mélange Goldie. Et le détonateur? "
    "Le classique. Réaction chimique entre du permanganate de potassium et de la glycérine. Et mon petit ingrédient secret. " annonce t'elle avec un rire mesquin en matant son alter ego.
    " De la poudre d'aluminium pour en améliorer la déflagration. Mais, ça je le fais uniquement pour vous car vous étiez un inconditionnel de mon grand-père, Monsieur Jacob. "

    La petite chimiste en herbe avait fait des étincelles et tout portait à croire qu'elle avait fait élaboré elle-même ces pains-là et qu'elle disposait des ressources pour en produire toute une flopée au cas échéant.  Goldie, c'était, semble t'il, la petite protégée du coin et fallait pas sortir de la cuisse de Végapunk pour s'en rendre, les zouaves d'ici se retournaient après son passage et ne jurait que par sa plastique de rêve et par les calibres et autres joyeusetés qu'elle refilait sous le manteau. Une belle plante qui taffait à l'aune de la fraîche que t'éventais sous son joli minois et de la promesse d'espèces sonnantes et trébuchantes que la clientèle lui laissait entrevoir et surtout, surtout, elle ne posait pas de questions.

    Goldie sirote la bibine comme du lait caillé, le houblon ambré faisant luire sa lippe plantureuse d'une teinte légèrement doré. Elle tapote du coin de l'index sur l'angle de la table, fait mine de s'impatienter,  de ronger son frein tandis que l'anarchiste prolonge la discussion et assène des questions toutes plus pointues les unes que les autres.  Agacé mais piquée au vif,  son intérêt va crescendo, suffisamment suscité pour que l'échange sur les propriétés des explosifs et les amorces lui tiennent la jambe assez longtemps pour qu'elle se figure discrètement à son tour qu'ils sont épiés.

    "C'est que j'aimerais conclure vite fait, Monsieur Jacob. J'ai malheureusement encore trop traîné et..."
    "Oh, eh bien Mademoiselle, vous allez vite en besogne, c'est que...vous me prenez de court " avançait t'il avec dérision avant de rougir
    "Vous ne voulez pas un Whisky ? "
    " Hmmh très bien, mais juste un doigt. "
    "Vous ne voulez pas un whisky d'abord ? " osait t'il poursuivre, le sourire franc, l'expression vraie en dépit des traits tirés d'une nuit passé à potasser le rôle de Jacob.  


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    "Eh bien, tout me semble en règle, Goldie, il ne me reste plus qu'à m'affranchir de ce dont vous savez." finissait t'il par conclure en replaçant précautionneusement les charges dans leurs emplacements idoines avant de l'intimer à le suivre à l'extérieur, à l'abri des paires de mirettes inquisitrices et des paraboles qui ne cessait de les pourfendre ou d'épier le moindre de leurs gestes.  Goldie opine d'un commun accord avant que la quincaillerie s'agite derechef chez nos lascars et fasse pleuvoir des nuées de plomb dans leur direction.  Le blondin se rue in extremis sur Goldie, la projetant face contre sol et tombant par la même par inadvertance à son tour sur la gente demoiselle sidérée.

    "Excusez-moi, c'est que, je ne l'ai pas fait exprès évidemment" osait t'il bafouiller, confus, avant de relever sa tête posé délicatement du  poitrail de la jeune femme.  

    Du 12 millimètre hurlant qui jaillit à profusion dans le hall et perfore de part en part  le mobilier rupin du Paddy's, les premiers éclats de voix qui leur succèdent laissent présumer qu'une grande partie de la clientèle a aussitôt mis les voiles,  alors que Wade & Goldie s'empressent de se mettre à couvert et de chercher une échappatoire au bourbier dans lequel ils s'étaient flanqués. Une chance qu'il ne s'agissait pas de fines gâchettes.  Si une balle était parvenue à percuter l'un des pains d'explosif, le local sautait d'une traite en un immense feu de joie.  Et Pourtant, nous n'étions qu'à l'aube de nos réjouissances.

    "Goldie, ce type n'est pas Jacob. C'est un usurpateur, il t'a baratiné, bourré le mou purement et simplement. Eloigne-toi de ce type, il est dangereux "

    "Ne faites pas ca, c'est une manoeuvre grossière pour qu'ils puissent vous tirer comme un lapin. Je ne connais pas leurs motivations mais je sais qu'il s'ils avaient gré de votre santé comme ils le disent, ils ne vous auraient pas canardé ainsi. Goldie".

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    C'était comme s'faire agresser sous son propre toit, intolérable.
    Sa tête avait lourdement cogné sur le sol, la sonnant quelques secondes. Le temps de reprendre ses esprits alors qu'une pluie de balle venait de ricocher sur la table qui avait été basculé.

    « Eux, ils sont stupides. Ils tirent là où ils peuvent. Ils n'cherchent pas à capter si j'suis dans l'coin ou pas. »

    Elle n'leur donnait certainement pas raison après ce qu'ils avaient osé faire. Lui tirer dessus sans vergogne pour mettre de la distance entre le supposer Jacob qui semblait témoigné un réel intérêt pour le sauvetage de donzelle et le lorgnage de décolleté. Sans douceur, elle avait poussé le mec pour aller elle aussi se dissimuler de la pluie de balles qui continuait à fondre sur eux. Elle jeta un coup d'oeil vraiment bref au mec à coté qui était, semble t-il, ne pas être ce Jacob. Perdue et plus aussi confiante, elle resta un instant perturbé, à attendre que le messie lui donne la bonne marche à suivre. Quel dommage qu'personne vienne lui donner une idée.

    « BANDE D'TROU DU CUL ! VOUS VOULEZ EXPLOSER AVEC L'MATOS ! MON DIEU QU'VOUS ÊTES CON ! »

    Hurla t-elle, c'qui eut le don de calmer la danse des balles sur leurs tronches et de détourner l'attention d'l'autre une seconde. Elle aurait bien été tenter de lever la main pour demander un cessez le feu mais comme dit précédemment, ils étaient trop cons et seraient capable de faire de sa main un gruyère. Margo n'était pas folle.

    Vivement, elle glissa son arme sous la gorge sur blond sans cligner des yeux, plongeant son regard dans le sien. Elle ne cillerait pas.
    Elle avait eu largement le temps de caler le canon sous la mâchoire de son client et d'actionner le chien, prête à tirer.
    Les gars du bar connaissaient les visages de tout le monde ici, y compris ce Jacob avec qui elle n'avait jamais eu la chance de marchander personnellement. Impossible d'avoir un portrait robot du mec non plus, elle n'en avait pas le temps et n'était pas espionne. Elle faisait avec les moyens du bord, c'est à dire pas grand chose. Elle filait le matos qu'on lui demandait, sans poser de questions. Elle vendait point. Si son équipement buttait des gens, c'était triste mais ce n'était pas directement de son fait.

    « Alors, Jacob. Entre nous, sont peut être cons mais ils connaissent chaque trou du cul qui s'balade ici. Vous, Jacob, vous êtes un gros poisson à Carcimonia. S'ils disent d'vive voix qu'vous n'êtes pas ce client, j'ai un peu d'mal à vous croire vous. » Elle n'avait jamais parler aussi vite.

    « Là tout de suite, y a plus intéressant que mon décolleté. Dites-moi la stricte vérité. C'qui qui vous envoie ? »

    Peut être qu'il travaillait pour son compte, mais elle avait réellement peur que la marine soit derrière tout ça. Un espion mal avisé qui cherchait à remonter jusqu'à un fournisseur. Pourtant, elle s'était toujours arrangée pour ne jamais être au même endroit, pour ne pas avoir constamment les même clients. Elle raffermit sa poigne sur l'arme.

    « Deux minutes pour me convaincre. » Si c'était pas moins avant que les autres décident de canarder les cheveux blonds et émeraudes qui dépassaient légèrement de la table renversée.
    Elle n'était qu'à un souffle de lui, et elle guettait le moindre mouvement de cils. Qu'il essaie de bouger.
      La verve toute pêchue de la donzelle n'entachait en rien la beauté singulière dont irradiait Goldie. Bien au contraire, elle la sublimait, elle la magnifiait, elle exaltait cette grâce silencieuse  et tout ce charme ô combien délicat qui se dégageait du profil de ses lignes et ce même en ces circonstances rudes.  Sa lucidité et son sang-froid avaient aussitôt pris le pas sur son sex-appeal ravageur, le calibre judicieusement aligné à la verticale sous le menton de son Apollon, Goldie n'ergotait pas et ne mégotait plus. Le révolutionnaire pouvait sentir à travers le canon froid toute sa détermination,  sentir à travers son timbre toute sa résolution à lui faire sauter le crâne s'il ne donnait pas le change.  La déluge de plomb tonnait sans coup férir dans une sorte de bataille rangée où les projectiles ricochaient  sur le décorum du Paddy et manquaient de  peu d'écharper nos protagonistes reclus derrière le mobilier de fortune. Et pourtant, le révolutionnaire éprouvait bien du mal à sortir de sa gangue cotonneuse et à détacher son regard de sa muse...tout du moins jusqu'à ce qu'une baffe tonitruante, comme une mandale de forain, lui remette les idées en place et la tête sur les épaules.  Goldie a du cran et une droite fameuse songe t'il alors qu'il réaligne sa mâchoire esquinté.  Comateux, il émerge enfin, dégainant le pétard à sa ceinture et larguant quelques dragées sur leurs assaillants.

      "C'était pour le doigt. "

      La première balle vient littéralement exploser une bouteille de Scotch sur une étagère au dessus du comptoir.

      "Semblerait bien qu'il n'y a plus de Whisky qui tienne,  en plus de ca, Goldie. J'en suis navré. "

      Les lascars d'en face sont pas des peignes culs finis, comme dirait cette chère et tendre Goldie, ils savent bien qu'ils sont en supériorité numérique et que c'est qu'une affaire de temps avant qu'ils ne fassent mouche. C'est d'ailleurs incroyable de voir à quel point, leurs costards tirés à quatre épingles étaient garnis de plomb et de poudre à canon. Ils se dispersent bientôt de manière à couvrir nos angles morts, renversant tables et chaises dans la foulée en se calfeutrant au derrière de celles-ci dans l'espoir de refermer l'étreinte petit à petit  sur l'anarchiste & Goldie.  La tension monte consécutivement alors que l'heure tourne et que les deux minutes impartis de Wade semblent s'égrainer sans qu'il ait le temps de donner la réplique à Goldie. L'instant est critique, d'autant plus lorsque le révolutionnaire entend le cliquetis du barillet à vide de son flingue et que la frimousse de Goldie vire à l'écarlate devant le désastre annoncé.

      " On en veut pas à ta peau Goldie, promis ! On veut juste le putain de magot que ce type a dans son attaché-case ! Il a un vrai pactole là-dedans ! "

      Charognards.

      Goldie enchaîne l'échange avec tout un tas d'insultes, d'invectives et d'autres noms d'oiseaux pour les intimer à négocier et à baisser leurs calibres. En vain. L'étau se resserre autour du tandem de tourtereaux, la fin semble inéluctable, leur trépas inévitable.  

      Le coeur lourd, ils se toisent subitement, yeux dans les yeux, prunelles dans les prunelles, un iris rencontrant la lueur fugace qui s'y semble se mouvoir dans l'oeil de l'autre,  pour y lire la confusion de sentiments entremêlés et une émotion crescendo qui semble vrombir dans le for intérieur de Goldie. Une émotion que capte le révolutionnaire et qui croit de surcroît apercevoir une larme affleurer dans la paupière de sa vis-à-vis, une larme noble et vaillante, celle de sa détresse mais de sa dignité tout autant, celle d'une femme résolue à son sort et à sa mort prochaine. Une larme fébrile qui semble vaciller dans l'écrin de la paupière qui la contient envers et contre tout, une larme qui voudrait glisser le long de ses pommettes rosies par l'affrontement et embrasser les courbes de son visage angélique. Poétique.

      Glissant son index près de sa pupille, le blondin se rapproche dans un mouvement de balancement vers son oreille, instant figé où le déchaînement des balles et le fracas qu'elles apportent dans leur sillage semble s'estomper. L'antichambre est comme muette, suspendue aux paroles que s'apprête à proférer le blondin viril.  

      "Je suis révolutionnaire."
      "Mais avant tout artificier, comme toi, Goldie. "

      Une grenade préalablement glissé par ses soins à égale distance entre leur position et celle des tontons flingueurs explose avec fureur.

      "Watch Out ! "  éructe le blondin alors qu'il se propulse en arrière avec sa comparse pour éviter la déflagration.

      D'épaisses fumées opaques générées par l'explosion subite leur offre une porte de sortie salvatrice tout du moins le temps que leurs adversaires émergent des décombres et les canardent à nouveau.
      Lorgnant l'antichambre du Paddy's, le révolutionnaire entrevoit l'échappatoire escompté. Le vide-ordures menant au sous-sol du restaurant ! Ni une, ni deux, il saisit Goldie par le poignet, visiblement encore sonné par la détonation et la propulse la tête la première à travers l'ouverture avant de lui emboîter le pas.

      Le tandem déferle alors dans un conduit labyrinthique d'une dizaine de mètres avant de déboucher sur le vide-ordure ultra classieux du Paddy. Une chute cocasse qui va amener le doublet à se retrouver à nouveau dans une position guère confortable. Le pied de Goldie, écrasant les sacro-saints bijoux virils du sex symbol révolutionnaire.

      "J'ai crû voir une larme dans tes yeux là-haut, Goldie. je...aaaaaaa aaaa aaaa "

      Le talon de la jeune femme prenant un malin plaisir à piétiner la "poche" sur laquelle sa bottine repose en suspension.

      " Tu as mal vu. Ce n'était simplement qu'une poussière dans l'œil. "
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