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Boire la tasse

Ma première sensation fut la chaleur douce et tendre qui baignait mon dos qui, à la manière d'un iceberg, me permettait de goûter de façon abrupte la différence de température avec mon ventre immergé. Tel un copeau de bois à la dérive, j'avais fini par m'échouer lamentablement sur l'une des plages de l'île ; stoïque, c'était limite si je ne m'étais pas plantée comme un clou dans le sable fin mais néanmoins vaseux de la côte.

Non contente d'avoir le nez profondément enterré et immergé dans une petite flaque de dix centimètres carrés tapissant le fond boueux de la marée basse, je goutais l'eau et le sable à la façon d'un poisson ridicule échoué sur la rive, bullant pathétiquement du nez dans la surface grisâtre. Les yeux entrouverts, j'étais emprisonnée dans une paralysie mentale, comme si je cherchais à compter chaque grain composant la masse gluante qui me rentrait par la bouche et venait crisser sous mes dents, pour peu que je donnasse l'effort de forcer sur ma mâchoire, avant de ressortir par mes naseaux.

- Gbnnblelelh... Fis-je alors, décidée à finalement faire un effort pour prouver que j'étais en vie autrement qu'en respirant.

A la simple prononciation de cette suite d'onomatopées dignes de n'importe quel attardé mental sous morphine, je sentis des picotements dans le dos comme si on était en train de vérifier mon degré d'appartenance à la famille des mollusques en me triturant la colonne vertébrale avec un bâton. Un éclair de génie traversa alors le peu de neurones actives qu'il me restait pour me rappeler que j'avais un animal de compagnie qui, même après un naufrage en mer, arrivait toujours à me suivre. Je ne sais alors si ce furent les trente secondes qui suivirent ou le fait que l'animal se planta devant mes yeux ensablés qui me rappela qu'il s'agissait d'un écureuil, plus spécialement d'un écureuil lubrique.

- Ma dame, si vous ne vous levez pas, comment voulez-vous que je puisse prendre place auprès de votre... poitrine... pour que nous puissions continuer le chemin ? Entendis-je alors "parler" l'animal dans ma tête.

Tss. Et puis ce fut alors que, par un incroyable miracle et je ne compris trop comment, je réussis à poser ma main droite à plat juste à côté de mon visage, puis je fis de même avec la gauche. Voilà que désormais j'étais à quatre pattes, prête pour continuer ma route, prête pour... me ramasser de façon minable pour rencontrer à nouveau la flaque d'eau qui avait accueilli mon visage une minute auparavant.

- Gbnnblelelh...

***

Je m'affalai dans le sable sec, manquant de compresser la bestiole en m'étalant de tout mon long avec la grâce d'un lamantin sur le sol de petit grains jaunes et chauds. Il m'avait fallu un peu moins d'une heure et un sacré bon paquet de gamelles pour réussir à tenir le cap jusqu'à la terre ferme, mais bon sang j'y étais arrivée. Après toutes ces mésaventures, difficile à croire que la tâche qui me posait le plus problème, c'était de marcher.

Lors de l'accident, j'avais tout perdu. Mes vêtements étaient en lambeaux, mes cheveux de plus en plus parsemés de mèches blanches étaient collés en paquets blancs et ma peau était froide et granuleuse sous l'effet de la chair de poule. Même mon œil balafré était à nu, le cache œil avait lui aussi coulé avec le bateau. Et même si mon corps ne me répondait pas encore totalement, je reprenais petit à petit des forces sous l'effet de la chaleur et des rayons du soleil. J'avais même réussi à me remettre debout. Tandis que mon quotient intellectuel remontait, j'étais désormais apte à me poser des questions élémentaires comme :

- Où... je suis... bordel ?

Et aussi vite que la raison me rattrapait, la folie revenait, elle, deux fois plus vite. Une douleur sourde, aigüe, m'interrompit dans mon flot d'interrogations, comme si une lame métallique avait traversé mon crâne, s'était fichée dans une zone de mon cerveau et se contorsionnait lentement sous l'effet d'un quelconque démon maléfique. Mon fantôme. Je passai ma main sur mon visage, combattant mes troubles visuels et auditifs, crachant pour me débarrasser du gout métallique que j'avais dans la bouche. Soudain, mes yeux s'écarquillèrent de surprise, les forces me quittèrent brusquement, mes bras se ramollirent comme deux membres inertes, puis mes jambes suivirent et tout mon corps bascula.

- Oh Anna, c'était terrible, quel horrible cauchemar...

La toux me reprit de plus belle, tandis que ma vue s'obscurcissait, tandis que de mon nez pendait un filet de morve, tandis que je mouillais le sable chaud de larmes...

Et de trois gouttes de liquide vermillon.


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Jeu 15 Oct 2015 - 10:14, édité 9 fois
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- Par ici mademoiselle ! Il y a de la lumière là-bas ! Affirma la bestiole, pointant son museau vers la lueur blanche qui poignait à l'horizon.

J'avais plus ou moins récupéré suite à l'inconscience qui avait succédé ma crise, bien que je restasse toujours fébrile. Ce mini-coma avait probablement dû durer une demi-douzaine d'heures, car le soleil entre temps avait quasiment disparu, aplati sur la surface de la mer et le temps que je me lève, le crépuscule avait laissé place à la nuit naissante de l'été. La lune éclairait faiblement mais, mon œil, toujours embué d'un liquide aqueux et pâteux, ne distinguait que la pénombre. Concrètement, j'avançais simplement en mettant une jambe devant l'autre, mais si quelqu'un me demandait de sauter, je m'étalerais sur le champ. Ainsi donc, avec Balisto, nous avions longé la côte jusqu'à ce que, finalement, une lumière apparaisse dans le lointain.

Bien que celle-ci fut distante et esseulée, elle me redonna la vigueur nécessaire pour presser le pas, comme si elle était assez proche pour éclairer ma route. La traversée fut longue et pénible, mais au fur et à mesure les lueurs se multipliaient et devenaient plus fortes. Un village, c'était probablement un village... Mais bientôt des sons et des odeurs accompagnèrent la blancheur blafarde des projecteurs et je compris que je me trouvais dans quelque chose de plus complexe. Ma vue n'était pas parfaite mais mon ouïe me permettait d'entendre les bruits résultant du travail du métal, du déplacement de lourdes charges et des cheminées qui fument. C'était un port, non, c'était plus que ça, c'était une zone industrielle. Je passai ma main droite maintes et maintes fois sur mon œil valide, espérant en dégager les larmes et croutes qui bloquaient ma perception. Rien à faire, j'étais quasiment aveugle, je ne distinguais que des tâches de couleurs, sombres ou claires, plus ou moins grosses. Soudain, comme pour accompagner mon échec, la nuit se replia sur moi pour m'envelopper dans un vêtement de froid : il pleuvait.

***

Je devais trouver un abri pour la nuit. Or, qui disait ville disait hôtel et qui disait hôtel disait repos, mais encore fallait-il que j'arrive à me repérer dans cette mélasse opaque. Par chance, je n'avais pas perdu ma veste lors du naufrage et, même si celle-ci n'accomplissait plus son devoir de vêtement chaud vu son état, la poche dans laquelle se trouvait mon porte-feuilles était encore intacte et pleine. Croyant reconnaître ce qui ressemblait à un trottoir, je me pris un mur et tombai mollement sur le sol.

- Aouch...

Sous moi, j'entendais des petit "kikiki" qui signalaient la présence du petit animal, écrasé sous mon flanc. Tâtonnant ça et là, je finis par me remettre debout à la façon d'une grand-mère affligée d'une scoliose. Une main sur le mur, je continuai mon cheminement hasardeux dans la bourgade, espérant tomber sur une personne qui pourrait m'aider. La chance me sourit alors lorsque j'entendis des bruits de pas résonner dans l'allée que je parcourais aveuglément. La personne qui venait de front dut remarquer que quelque chose n'allait pas car elle s'arrêta. Relevant la tête, tout ce que je pouvais distinguer sous le voile de mes cheveux, c'était une grande silhouette blanche stoïque.

- Aidez-moi...

Je jaugeai la situation : si j'étais tombé sur un malfrat ou un pervers, c'en était fini de moi. Dans mon état actuel, impossible de me défendre. Je ne savais trop quoi espérer, aveugle et perdue sur une île inconnue dans une ville inconnue. Et puis l'homme se rapprocha, passa son bras sous mon épaule et prit le mien par dessus la sienne. Il me venait en aide... pourquoi ? Dans un dernier effort pour percevoir un trait caractéristique de mon sauveur, je tournai la tête pour admirer son visage. Je compris dès que je vis son couvre-chef.

- N'ayez craintes madame, vous êtes en sûreté maintenant. La 19e division de la Marine va s'occuper de vous.

La... la 19e division. J'eus comme un flash dans ma tête, épuisant les dernières forces qu'il me restait pour saisir la gravité de la situation.

- Non... pas eux...

Un cri strident résonna alors dans mon crâne. La fillette au fond de moi semblait s'être réfugiée dans un coin de ma tête, transie et je sentais sa peur affluer à travers mon corps.

- Non ! Non ! Pas les gros méchants ! Ne les laisse pas m'emmener !!

Je frissonnais. Combien de temps leur faudrait-il avant de relier la disparition d'une navire de la Marine au large de l'île à un agent du Cipher Pol échoué sur la berge ? Combien de temps leur faudrait-il avant de réaliser le massacre qui avait eu lieu, combien de temps avant de repêcher des cadavres gonflés en décomposition ?

Combien de temps leur faudrait-il avant de découvrir la vérité...

- Impurs, ils étaient impurs... impurs... impurs... Murmurai-je tandis que je m'affalais de plus en plus sur l'épaule du soldat avant de reperdre connaissance.


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Jeu 15 Oct 2015 - 10:20, édité 5 fois
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Tout cela avait commencé avec des rumeurs, de simples rumeurs. Des rumeurs comme quoi, les actes atroces commis par la Marine semblaient se multiplier ces derniers temps sur South Blue. Des taxes non réglementaires sur des villages de civils, des pillages, viols et meurtres sur des individus considérés comme des pirates à tort. Je m'étais rendue sur les lieux de mon plain gré, j'étais sûre qu'il s'agissait de forbans déguisés, de monstres qui voulaient entacher une fois de plus les instances du Gouvernement Mondial, peut-être même d'un équipage des Sunset Pirates ou de cette truie de Nakajima.

Je m'étais donc rendue sur une petite île au nom saugrenu au sein de laquelle se trouvait un village ordinaire mais, selon mes sources, ruiné par des taxes exorbitantes imposées par un Lieutenant de la Marine en fonction. A mon arrivée, je trouvai une ville fantôme, désertée par les habitants, planqués chez eux avec leur porte verrouillée à double tours, refusant d'ouvrir aux étrangers. Je finis néanmoins par trouver hospice chez une famille d'humble paysans, plus loin dans les terres, qui me racontèrent que les soldats de la Marine étaient un pire fléau que les pirates, qu'ils prélevaient chaque semaine la moitié des revenus des habitants et, des fois, emmenaient avec eux des jeune filles pour peu qu'elles soient belles. Et celles-ci ne revenaient plus jamais. Mon conteur s'était par la suite effondré en larme tout en me narrant l'enlèvement de sa fille dont je me fichais totalement.

J'avais alors attendu jour après jour la venue de ces fameux Marines, payant un loyer dérisoire à la famille qui m'avait accueillie pour pouvoir profiter de la chambre de leur enfant disparue. Trois jours plus tard, le vieillard vint tambouriner à ma porte pour me presser de partir : le Lieutenant était en ville.


Lorsque je revins à moi, mon corps était engourdi et j'avais des fourmis dans les jambes. Néanmoins ce sentiment déplaisant laissa rapidement place à la douceur de draps propres et d'un lit confortable. Après plusieurs tentatives infructueuses pour soulever ma paupière valide, je réussis à ouvrir mon œil : j'avais recouvré la vue, une vue nette et parfaite. Le sommeil avait joué son rôle réparateur et je me mis rapidement à bouger mes membres. J'étais dans une petite pièce inondée par la lumière du jour qui traversait une fenêtre avec des rideaux blancs, entourée d'équipement médical, sur un lit d’hôpital. Probablement une infirmerie. Je me redressai non sans peine et tentai de toucher mes orteils du bout des doigts, puis recroquevillai mes jambes sous mes fesses avant de les faire basculer en dehors du lit. Je portais un drôle de vêtement qui me laissait tout le bas du dos à l'air et mon absence de sous-vêtement rendait la chose encore plus ridicule. Il fallait à tout prix que je parte d'ici avant que l'on découvre ma véritable identité.

Mes jambes étaient encore fébriles mais elles soutenaient mon poids, je réussis à me trainer jusqu'au placard dans lequel je trouvai mes affaires, roulées en boule dans un coin. Je récupérai mon porte-feuille et divers autres trucs qui pouvaient me servir avant de remarquer qu'il manquait quelque chose.

- Balisto ?

J'entendis un léger bruit venant de la fenêtre, comme un grattement ou le résultat de petites griffes qui cherchaient à creuser dans le verre. A peine eus-je entrouvert la baie vitrée qu'une boule de poile s'accrocha à ma jambe et remonta sous mon drôle de vêtement pour reprendre sa place habituelle... avant de retomber par terre le museau en sang...

- J'ai jamais vu de bestiole aussi perverse dans toute ma chienne de vie.

***

Après mûre réflexion j'avais décidé de passer par l'extérieur dans le but d'éviter au maximum de mauvaises rencontres. Aucune prise ne me permettait de descendre en rappel depuis la fenêtre de ma chambre, néanmoins il n'y avait que six mètres de hauteur ce qui n'était pas vertigineux.

BLOM.

Je m'écroulai dans un bruit mou sur un buisson d'aubépine, souffrant en silence, les fesses en et à l'air. Bien heureusement, le bâtiment était entouré d'un terrain herbeux étrangement plat qui devait se situer quelques centimètres au dessus du niveau de l'eau. En me retournant, je constatai même qu'une partie de la base était bâtie directement dans la mer. A mon plus grand bonheur, le petit hôpital de campagne était en marge du bâtiment principal et il ne me restait plus qu'un petit muret à escalader pour m'échapper ni vu ni connu.

Alors que j'étais à un mètre d'atteindre ce dernier, j'entendis une voix hurler "Harle là" dans mon dos, un soldat courrait dans ma direction. Remarquant soudain que j'étais une femme, il s'arrêta et vira rouge tomate, confus. Je saisis ma chance pour escalader le muret, me hisser et tomber en roulade de l'autre côté, non sans jeter un dernier regard au soldat immobile qui n'avait pas perdu une seule seconde de ce qu'il venait de se passer.

- Ah il a vu notre derrière, Anna ! C'est horrible !! piaille la voix de gamine dans mon crâne.

Je soupire, les joues légèrement rouges à cause des sentiments de mon autre personnalité qui fait des siennes.

- Tous les mêmes... Murmurai-je avant de détaler en direction de la ville.


***

La base navale était à trois kilomètre de la capitale, Portgentil. Évitant soigneusement de passer par la route, je traversais les champs, passant de temps en temps devant une maison d'agriculteur. En passant par le jardin d'une troisième bâtisse, j'eus la chance de trouver des vêtements temporaires, mis à sécher sur une corde à linge. Un peu larges et mouillés, j'étais néanmoins heureuse d'avoir de véritables habits qui ne laissaient pas entrevoir tout mon derrière. Il ne me manquait plus que des chaussures, chose que je trouverais facilement en ville au cours de mes diverses emplettes. Après tout je n'avais plus aucune arme sur moi et mon corps était trop faible pour me battre à l'aide du Rokushiki.

Un quart d'heure de marche plus tard, les champs laissèrent progressivement place à de petits quartiers résidentiels. Rapidement des bâtiments gigantesques et des arches abandonnées à la végétation vinrent peupler le paysage, tandis que les rues étaient de plus en plus alimentées par le flots de riverains et que des boutiques poignaient de plus en plus à chaque pâté de maisons. Passant devant la vitrine d'un magasin de vêtements, je tombai sur ce dont j'avais exactement besoin. Je dévalisai alors littéralement le magasin, investissant dans un ensemble à 150.000 Berries et me débarrassant des vêtements que j'avais au préalable "emprunté".

Je passai le reste de la journée à chercher un bon magasin d'armes pour remplacer mes pistolets perdus. Malgré leur grand nombre, je ne trouvai rien à la hauteur de mes espérances : bien souvent les produits étaient médiocres ou banaux et il me fallait des flingues solides et destructeurs. Alors que le soleil entamait sa longue descente et que les magasins fermaient les uns après les autres, je me résolus à remettre mes recherches à demain et me trouver une auberge pour passer la nuit. Un endroit pas trop mal famé du nom de "l'Auberge du Bâtisseur" me parut un bon choix. Au rez de chaussée, ça grouillait de monde et l'ambiance était au rendez-vous et après un repas frugal mais suffisant, je tirais ma révérence alors que les hommes saouls entamaient leur onzième chanson paillarde. J'avais pris une chambre au troisième étage, celle-ci n'était pas spacieuse mais le lit était fait, les draps propres, une salle de bain était à disposition et la fenêtre donnait sur la rue. Je posai mes affaires près de la porte et me déshabillais pour aller prendre une douche avant de fondre dans mon lit.

Sous le jet d'eau et le savon, la crasse qui s'était entassé depuis plusieurs jours quitta mon corps pour laisser place à un sentiment de bien-être et d'idées claires. Tout se déroulait pour le mieux, j'avais accosté sur l'île sur laquelle je devais me rendre et j'avais réussi à me tirer d'un sacré merdier pour le moment. Enveloppée dans une serviette de bain, me peignant les cheveux devant un miroir, je vis mon visage se fendre d'un sourire, je sentis la joie et l'hystérie monter en moi. J'étais si proche, si proche. J'allais enfin pouvoir réaliser ma mission. Mon faciès se tordit alors dans un rictus horrible tandis que, malgré moi, entre deux rires macabres, la folie se transforma en ces quelques mots :

- Purifier, purifier... c'est le moment de purifier !


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Jeu 15 Oct 2015 - 10:35, édité 3 fois
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Je me rappelle très bien la façon dont j'ai infiltré leur bateau, jamais rien ne m'a semble aussi facile. Cette horde de monstres avait déboulé dans le village pour extorquer les civils au porte à porte. Paniqués, ceux-ci donnaient tout ce qu'ils avaient au péril de se voir défoncer et leur porte, et leur tronche et celle de leur femme et de leurs gosses. Bref c'étaient pas des enfants de cœur, mais des grosses brutes épaisses qui étaient, effectivement, en tenue de soldats de la Marine. Mais leur uniforme, c'était tout ce qui pouvait les rattacher au taf' de gardien de la paix, pour le reste ils avaient pas vraiment la gueule de l'emploi et ça allait sans dire l'odeur qui émanait d'eux, trahissant leur mode de vie de basse extraction. Des bandits, des pirates, des parasites qu'il fallait nettoyer, supprimer, exterminer. Intérieurement je me pourléchais déjà les lèvres de faire couler le sang de telles pourritures quand extérieurement, un panier d'osier à la main, un chapeau de paille à bords larges vissé sur le crâne, je jouais la jeune femme innocente qui revient d'une cueillette de champignons. "Emmenez-moi", pensai-je tandis que je me dirigeais vers eux, inconsciemment, à grandes enjambées.

J'avais appris il y a très longtemps, qu'il fallait savoir user de ses charmes lorsqu'on en avait en tant qu'agent du Cipher Pol. Je n'avais jamais oublié cette règle et quand bien même mon patch recouvrant mon œil vide diminuait un peu la beauté de mon visage, je restais une très belle femme. Belle et mystérieuse, c'est ce qu'ils aiment. Ils sont tous pareils.

- Eh toi là ! Quess' tu fous là ma jolie ? Vers où t'vas comme ça ? M'asséna la brute la plus proche en me saisissant par le bras.

- Je.. Qui êtes-vous ? fis-je, douce enfant innocente que j'étais.

- On est d'la Marine, que c'est ! C'est la guerre, on réquisitionne ! Dis moi, ça t'dit de travailler pour la Marine ?

"Te laisse pas avoir, si tu leur réponds oui, ils vont se douter de quelque chose", me dis-je.

- Pas vraiment, je.. je suis bien ici avec ma famille...

Son emprise sur mon bras se resserra alors et son regard devint noir tandis qu'un sourire béant naissait sur son visage, laissant entrevoir ses dents jaunies et pourries.

- Ah ouais ? Non mais allez, viens ! On va bien s'amuser hé hé...

Je continuai à protester mais l'homme se fit de plus en plus véhément. Bientôt, me tenir le bras pendant que j'essayais de fuir ne fut plus suffisant, alors il me souleva et me jeta sur son épaule comme un sac de farine. Je fus contrainte à rejoindre le butin qui était réuni devant le bateau pendant que le reste de l'équipage continuait à faire les poches des habitants du village. Deux autres filles étaient là aussi, elles étaient plus jeunes, beaucoup plus jeunes même et elles pleuraient. Bien que nous ayons les mains et les pieds libres, nous fûmes gardé sous étroite surveillance par deux massifs qui se pensaient assez forts pour empêcher trois poulettes sans défense de fuir.

Je me doutais bien que pour prendre l'apparence de soldats de la Marine et pouvoir réaliser de telles horreurs, il devait y avoir anguille sous roche. Quelque chose de bien plus puissant était à l’œuvre qu'une bande de malfrats déguisés en soldats du gouvernement et il fallait que je découvre ce que c'était. Une fois qu'ils eurent fini, les brutes épaisses nous firent monter à bord de leur épave qui ressemblait à un navire de la Marine bon pour la casse et nous fûmes enfermées à double tours dans une pièce exigüe sous le pont. Et alors que les pauvres jeunettes qui étaient avec moi pleuraient et suppliaient en se cachant le visage dans les mains, recroquevillée dans mon coin, je me mis à sourire et à rire tout bas. Et dire qu'ils ne m'avaient même pas fouillée ni ligotée...

Tout se déroulait comme prévu.


A mon réveil le temps était superbe, le soleil pénétrait dans la chambre et les rayons de lumière se réfléchissaient sur les imperfections du verre de la fenêtre et ondulaient sur le plancher juste devant. J'avais pu dormir du sommeil du juste et étais en grande forme, il devait facilement être dix heures du matin. Je me levai, me lavai et me préparai pour recommencer ma tournée des armureries. J'avais d'ores et déjà, le jour précédent, fait la moitié de la ville sans rien trouver, des armureries prestigieuses avec leurs prix gonflés aux bicoques de misère vendant de la poudre à canon humide et des sabres émoussés. Alors que je désespérais et perdais patience au bout de deux heures de recherches infructueuses, je décidai de me rendre sur le port. Il existait probablement une chance infime de trouver une armurerie en bordure de quai.

Bien que la frontière maritime de la ville accueillait peu de commerce, on y trouvait plus facilement les industries et usines qui coopéraient avec les chantiers navals. Malgré cela, il semblait tout de même que j'allais faire chou blanc jusqu'à ce que je tombe sur une petite boutique, située en-dessous du niveau de la chaussée, en contrebas d'un petit escalier entre deux immeubles, sans prétention ni aucune visibilité si ce n'était une pancarte bien cachée dans un coin de l'entrée indiquant "l'Armurerie de Dan".

- Il y a quelqu'un ? demandais-je, devant l'entrée.

Aucune réponse, cependant mon regard fut immédiatement attiré par les étalages ça et là et par curiosité je décidais d'entrer. La boutique n'était ni lumineuse ni vaste et n'offrait pas beaucoup de choix, mais les armes que l'on pouvait y trouver étaient d'un tout autre niveau. J'étais désormais persuadée qu'en fouillant bien on pouvait tomber sur un sabre rare mais ça n'était pas ce que je recherchais. Les murs étaient recouverts d'étagères en verre dans lesquelles on pouvait trouver toutes sortes d'armes, mais ce qui retenait le plus mon attention étaient deux colts cuivrés et boisés sophistiqués encadrés sur un mur près du comptoir.



Ils étaient magnifiques.

- Mes colts vous intéressent ? Je suis désolé, ils ne sont pas à vendre...

La voix dure de l'homme m'arracha à ma contemplation, néanmoins je ne daignai même pas détourner les yeux du cadre en face de moi pour voir à quoi il ressemblait, je répondis seulement :

- Je les veux.

J'entendis l'homme relâcher un râle avant de me dire :

- Je vous l'ai déjà dit, je ne les vends pas. Si vous ne voulez rien acheter d'autre, je vous prierai de quitter ma boutique.

Mon regard dévia en direction du gérant, il s'agissait d'un petit homme rabougri affublé d'une moustache ignoble, probablement un collectionneur ou un revendeur mais en tout cas pas quelqu'un d'assez noble pour manier les trois quarts des armes qu'il possédait. Je pivotai donc dans sa direction, m'invitant volontiers dans son espace vital, ce qui le mit très mal à l'aise.

- Quittez ma boutique sur le champ ou sinon...

Je fis un pas en avant, puis un autre et il commença à reculer. Mon regard se voulait incendiaire et si je devais brûler tout le bâtiment pour avoir ce que je voulais, j'étais prête à le faire. Et ça, il venait de le comprendre.

- Sinon quoi ?

- S-sinon je... je devrai ap-appeler les autorités..., balbutia-t-il.

Sa réponse me fit sourire et alors qu'il notait que ma santé mental n'était pas tout à fait stable, il saisit un katana qui était à portée de main et le brandit devant moi.

- Anna-chan, il a une arme ! J'aime pas les armes...

- Reculez, j-je n'hésiterai pas à m'en servir !

Je fis alors mine de reculer, toujours en souriant, lui laissant croire qu'il avait l'avantage, puis m'arrêtai à mi-chemin. Dix petits coups de talon sur le sol, c'est "tout" ce qu'il m'avait fallu, bien que cela était beaucoup plus complexe qu'il ne le paraissait.

- Soru !, dis-je tout en disparaissant pour réapparaître dans le dos du vieil homme et plaquer mon bras droit contre son cou.

Sous l'effet de surprise, celui-ci laissa échapper un hoquet de stupéfaction ainsi que son arme par terre. Je lui susurrai alors à l'oreille :

- Laisse moi prendre ces colts et il ne te sera fait aucun mal. Si tu résistes ou si tu parles à qui que ce soit de ce qui vient d'arriver, sois sûr que je reviendrai, que je te retrouverai et que je te réduirai, toi et ta boutique... en cendres. Hi hi hi..., menaçais-je, concluant en lui mordant le lobe de l'oreille.

- A-allez-y... je ne sais pas qui vous êtes, m-mais prenez tout ce qu'il vous faut..., répondit-il, sous le choc, alors que j'étais déjà en train de retirer les armes du cadre.

Je me servis aussi en munitions et pris deux étuis. Et alors que j'allais finalement quitter la boutique, contentée, j'entendis le vendeur commettre la pire erreur possible. Et pourtant ça n'était qu'un simple murmure...

- Espèce de sale pirate...

- Anna-chan ? Anna-chan... Anna, non ! NON !!


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Jeu 15 Oct 2015 - 13:24, édité 4 fois
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- Venez donc mes jolies, allons nous amuser tous ensemble !

La porte de la geôle s'était ouverte sur le visage inquiétant de l'un des malfrats : un nez cassés, trois dents de devant manquantes et une calvitie naissante, cela avait suffit pour faire caqueter les demoiselles avec qui je partageais la cellule. Quelques heures plus tôt, l'une d'elle s'était d'ailleurs compissée entre deux sanglots et depuis l'odeur était restée. D'ailleurs le bonhomme sembla le remarquer car il plissa les narines. Assise dans mon coin, je demeurais impassible quant aux ordres du malfrat, celui-ci saisit donc la poulette la plus proche et la balança à un autre gusse derrière lui avant de faire de même avec la deuxième jouvencelle. Puis il vint se planter devant moi, le regard fier mais l'air ridicule, avec ses dents manquantes.

- Alors, on résissste ? demanda-t-il d'une voix sifflante à la limite de l'insupportable. Tu préfères ptet qu'l'on vienne t'chercher ?

- J'ai peur Anna, protège-nous du vilain monsieur !

Outre le gusse, il n'y avait âme qui vive à l'horizon, tous semblaient être déjà montés sur le pont pour festoyer avec les pauvres jeunettes. Tout était parfait. Comble du comble, l'homme venait de faire l'erreur de poser la main sur moi, agrippant au poignet.

- Allez t'vas être une gentille fille et m'faire une p'tite gât... commença-t-il avant d'être interrompu par un puissant coup de tête dans le torse.

J'avais bien pris garde à ne pas y aller trop fort pour ne pas l’assommer, de sorte à ce que je puisse interroger l'individu. Je fermai la porte et revins à l'homme que j'avais laissé dans le coin, qui tachait tant bien que mal de reprendre son souffle.

- Réponds à mes questions et tu auras une mort rapide. Qui est le responsable ?, le questionnais-je tout en saisissant sa main droite.

Le gusse cracha :

- Va te faire foutre sssal-AOUAARHGHH !!

D'une simple pression, je venais de replier l'intégralité de son index sur le dos de sa main. L'os avait fait un "crac" succin, c'était un bruit que j'adorais.

- Réponds sinon j'attaque un autre doigt. dis-je calmement en effectuant une légère pression sur son majeur.

La détermination et la moquerie semblaient avoir fuit le regard du forban, il était déjà prêt à passer aux aveux, c'était tellement prévisible.

- A-arrêtez !! Je vais tout vous dire, sss'il-vous-plait... Nous- nous sssommes des sssoldats de la Mari- OARRGGGHHH !!

- J'ai du mal à le croire... Encore un comme ça et je réitère avec ta main toute entière. Qui est votre responsable ? dis-je tout en lui saisissant la paume de la main avec mes deux pouces.

L'homme pleurait toutes les larmes de son corps. Fondamentalement je ne voulais pas le croire, mais étrangement ses yeux ne semblaient pas mentir.

- Puisssque je vous dis que... nous ssso-sssommes des sssoldats de la Marine, n-nous avons été recrutés..., chiala-t-il.

- Par qui ? Qui vous a recruté ? Réponds !

Le bonhomme prenait de grandes respirations mais je le soupçonnais de préparer une fausse réponse. Je le pressai alors de répondre en appuyant un peu plus sur sur sa paume.

- Arr-arrêtez !! Le... le Commandant Mariol, l-le capitaine du navire... pitié non, NONNN AARGH !

Sa main entière se retourna sur elle-même et l'os craqua comme une vieille branche. Je ne pus m'empêcher de me passer la langue sur l'une de mes canines, comblée par l'excitation. J'entendais des bruits de pas à l'étage d'au-dessus, pour des raisons obscures ça commençait à s'activer là-haut, il fallait donc que je me dépêche. De l'une de mes nombreuses poches, je sortis alors ma trousse de torture que je déroulai devant moi et saisis la petite cuillère. L'homme regardait l'objet sans réussir à comprendre, jusqu'à ce que je m'agenouillasse et que j’approchasse celui-ci de son visage.

-Dis moi maintenant, de qui il s'agit si tu veux garder tes yeux dans tes orbites !, entonnais-je tout en faisant tourner la cuillère entre mon pouce et mon index.

Il suait désormais à grosse gouttes et sa transpiration se mêlait à ses larmes, son visage était tordu par un rictus de douleur et la peur de ce que j'allais lui infliger. Cela fut suffisant pour lui faire cracher le morceau une bonne fois pour toute. Il était probable que ma propre mutilation donne un certain crédit à ce que je pouvais lui faire.

- La-la 19e division, un Colonel, u-un sssertain Ouros-Borosss ou quelque chose comme sssa !! Pitié !

- C'est lui le méchant monsieur qui commande tous les vilains ? Il faut le gronder ! commenta la petite voix dans ma tête.

- Ta gueule ! lui répondis-je, faisant sursauter ma victime en pensant que je m'adressais à lui.

Je me relevai ensuite, impassible. J'avais du mal à croire qu'un Colonel de la Marine puisse être l'instigateur de quelque chose d'aussi criminel, contraire à la divine justice. De son côté, le parasite s'était replié en position fœtale, enroulé autour de sa main.

Ploc.

Un éclair rouge traversa la cabine et s'éclata sur le sol sous forme de tâche noirâtre. Je levai les yeux et remarquai comme une fuite de ce liquide qui avait visiblement traversé le plancher de l'étage supérieur. Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre que l'une des deux jeunes filles emmenées avec moi venait probablement de perdre la vie. Tous des parasites, tous coupables, pirates ou non, ils devaient disparaître. Mon regard se déplaça sur l'homme en sanglots. Je lui saisis alors la tête par ce qu'il lui restait de cheveux de la main droite, posant mon talon gauche contre son cou. Je devais me mettre au boulot et quitter ce rafiot aussi vite que possible.

- Pitié !! J'ai une femme, des enfants !!!

Je souris.

- Ran kyaku !


Depuis ma fenêtre je les entendais parler comme si elles étaient juste en face de moi, la gérante et une commerçante, sur le perron de l'auberge. Comme beaucoup de monde ce jour-là, leur conversation avait commencé ainsi :

- Tu es au courant, il paraît qu'il y a eu un incendie sur le port hier !

- Oui, tout le monde en parle, apparemment c'est une armurerie qui aurait pris feu. On suppose que ça viendrait d'une fuite de gaz sachant que le corps du gérant aurait été retrouvé totalement carbonisé, quelle horreur...

Les ragots se colportaient rapidement dans les rues et la nouvelle était le scoop du jour dans la capitale. J'avais bien pris soin de ne laisser aucun élément pouvant laisser planer toute suspicion d'incendie criminel et encore moins en être considérée comme fautive : c'était comme si je n'avais jamais été là-bas. Maintenant que j'étais finalement remise d'aplomb avec l'équipement nécessaire, je pouvais mettre les voiles sur la base de la 19e division. J'avais passé le restant de la journée d'y hier à m'entrainer avec mes deux nouveaux joujoux. Ceux-ci étaient beaucoup plus efficaces que mes anciens pistolets, avec une cadence de tir imparable et un coefficient de perforation bien au dessus de la normal. Il me faudrait néanmoins un peu plus d'entrainement pour pouvoir recharger plus rapidement. J'avais par ailleurs profité d'une dernière bonne nuit de sommeil et d'une dernière douche avant de prendre la route.

Le trajet était beaucoup plus court lorsque l'on passait par les grands chemins. Une heure de route à pieds seulement séparait la base de la Marine de la capitale. Je profitais de ce temps libre pour établir une stratégie dans ma tête qui me permettrait de mener à bien ma mission. Il s'agissait d'arriver jusqu'au colonel en tachant de rencontrer un minimum de résistance et d'occasionner le moins de pertes possibles. J'avais, au préalable, contacté mon coordinateur du CP8 en l'informant de l'état de la mission et d'une potentielle attaque terroriste sur ladite base de la marine. En toute logique je ne devais pas rencontrer de grosse difficulté, cependant l'un des plus gros freins à la réussite de la mission était la présence de soldats de la Marine innocents qu'il me fallait épargner au risque de me voir durement sanctionnée.

J'avais effectué mes recherches, questionnant à la fois des habitants au hasard en ville et mon coordinateur pour qu'il me ressorte les archives qu'il possédait au quartier général. Chez les autochtones, très peu nombreux étaient ceux pour qui ce nom disait quelque chose et au mieux, les plus renseignés pouvaient me donner le nom du Lieutenant-Colonel en charge à la dix-neuvième division. Et même avec les registres du Cipher Pol, il m'avait été impossible d'avoir plus de détails sur ce type, c'était comme s'il était sorti de nul part. Mes chances de succès demeuraient néanmoins mitigées : je n'avais aucune idée de la topographie du terrain, si ce n'était l'annexe hospitalière dans laquelle j'avais séjourné ; je ne savais pas non plus si le colonel était au courant pour le naufrage ou non, bien que j'eusse pris soin de supprimer personnellement chaque passager du navire avant de le couler, il ne me restait plus qu'à croiser les doigts. Je partais du principe que je me considérais chanceuse et que je ne rencontrerais pas d'obstacle.

Et j'avais tellement tort.


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Lun 26 Oct 2015 - 0:12, édité 6 fois
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La geôle se situait juste sous le pont, elle était accessible par un escalier qui descendait le long du bastingage droit du navire. Dehors, il faisait nuit, mais cinq ou six lampes étaient accrochées un peu partout sur la bicoque. Comme je ne bénéficiais d'aucune couverture, il me fallut être rapide. Là-haut, c'était une véritable orgie : la première chose que je pus distinguer fut le corps nu, sans vie, de l'une des pauvres victimes, un couteau planté dans le torse, gisant près de l'escalier ; l'autre otage n'était pas discernable, néanmoins je pouvais la deviner au milieu du tas d'une vingtaine d'imposteurs de la marine. Certains n'avaient d'ailleurs plus de vêtements. Le dégout s'empara de moi.

Ma première victime fut un homme totalement saoul, assis contre le bastingage, qui n'eut même pas le temps de me voir arriver. Il commença à peine à tourner la tête lorsque je pointai déjà l'un de mes pistolets sur sa tempe.

BAM.

La détonation retentit dans l'air frais de la nuit et stoppa net tous les forbans dans leurs diverses activités. Désormais tous leurs regards étaient sur moi. Je supposais qu'aucun n'était véritablement assez fort pour me faire face, cependant vaincre trente hommes armés n'était pas chose aisée. Détachant donc mon second flingue de son étui, j'étais prête à tous les accueillir. En guise de réponse, l'un des malfrats sortit son mousquet en espérant m'avoir.

- Aah, attention le vilain monsieur !!

- Soru.

J'apparus juste dans son dos et lui dévissais la tête de ses épaules d'un simple coup de poignets. Son cou lâcha un sympathique craquement avant que le cadavre ne s'affaissât mollement à terre. J'eus le temps de voir deux autres hommes tenter de m'attaquer par derrière, je fis donc balancer ma jambe derrière moi et entrepris de les couper en deux.

- Ran kyaku.

Tranchés sur la diagonale, l'un des hommes eut la tête décapitée nette tandis que l'autre se vidait de ses tripes sur le sol. Malgré moi, je souriais, une expression démoniaque se lisait sur mon visage, j'étais l'ange de la mort, le nettoyeur, j'étais la justice divine qui allait enfin éradiquer tous ces parasites. Je tirais une salve de balles à bout portant sur cinq gusses qui voulurent m'attaquer d'estoc avec leurs sabres, tapissant le pont de leur sang. Puis je disparaissais et réapparaissais dans le dos de mes ennemis, les achevant d'une balle à l'arrière du crâne, réitérant une dizaine de fois la procédure. Mon corps bougeait de lui-même, mes jambes dansaient et se balançaient, traçant des lames invisibles dans l'air, alors que je me déplaçais à la vitesse de la lumière pour cueillir mes ennemis comme des fleurs. A un moment je fus acculée par une demi-douzaine de mercenaires qui avaient dégainé leurs flingues tous en même temps et s'apprêtaient à faire feu sur moi.

- Tekkai.

Les balles me heurtèrent et tombèrent net sur le sol sans réaliser une seule égratignure, lorsqu'ils comprirent que c'était vain je brisai ma technique pour les achever avec un Ran Kyaku. Bientôt il ne resta que le fameux Lieutenant, qui s'était planqué dans sa cabine. Traversant le charnier, je pus voir du coin de l’œil le corps inerte de la seconde fillette qui n'avait visiblement pas survécu aux sévices que lui avaient infligé ces pourritures. Cela valait mieux comme ça, si elle était restée en vie j'aurais alors du la liquider moi-même pour éviter tout témoin. J'entrai dans la cabine du capitaine, la pièce la plus vaste du vaisseau où l'on pouvait trouver tous les effets du responsable du navire. L'homme se tenait devant moi, avec quelque chose dans sa main que je ne pouvais discerner. Comparé aux autres brutes épaisses, il était plutôt jeune, svelte et semblait aussi beaucoup plus malin. Il avait les cheveux blonds coupés courts et sa tunique était impeccable, preuve qu'il n'avait pas participé à l'orgie qui s'était tenue quelques dizaines de minutes auparavant. Son regard était foncièrement mauvais, mais on pouvait y lire un intense sentiment de peur.

- Qui es-tu sale chienne ?

Sans daigner répondre, je posai simplement la même question que celle que j'avais posée lors de l'interrogatoire.

- Qui est votre responsable ?

Il cracha. Je savais que je n'allais rien obtenir de lui, contre toute attente, il était un vrai soldat de la Marine. Je levai l'arme que je tenais dans ma main droite dans sa direction. Ma réaction le fit rire.

- Va crever sale pute ! Si je dois mourir tu mourras aussi !! gueula-t-il.

Je ne compris que bien que trop tard mon erreur. De sa main vide, le Lieutenant poussa négligemment une caisse en bois qui était sur le bureau. Celle-ci se renversa en relâchant des petits objets ronds qui roulèrent et se répandirent dans toute la pièce. J'écarquillai les yeux et devinai directement ce que l'homme tenait dans sa main.

- Oh j'ai si peur ! Maman, maman, où est ma maman ? intervint la gamine.

Je pressai la gâchette en hâte, mon coup partit instantanément et la balle traversa son œil droit avant de ressortir par le derrière du crâne, tapissant le mur de sang. Mais il était déjà trop tard. Dans le silence de la nuit je pus percevoir un petit "Cling".

Le capitaine du navire avait dégoupillé sa grenade.


Je m'étais installée en périphérie de la base, cachée dans des hautes herbes, dans ce qui semblait être un bosquet. Il était beaucoup plus évident d'intervenir de nuit et comme il n'était que le milieu de l'après-midi, j'attendais patiemment que le temps passe tout en observant la base de loin. Comme j'avais déjà pu l'expliquer auparavant, le complexe était à moitié bâti sur l'eau, de sorte que le bâtiment principal auquel je devais accéder se trouvait au bout d'un pont qui commençait sur la berge et à côté duquel s'établissait l'infirmerie. Bien plus sécurisé que le périmètre extérieur, la grande tour - d'architecture typique de la Marine - était bordée d'un épais mur d'enceinte qui empêchait tout accès autre que par la porte d'entrée.

Étant donné la situation, je ne pouvais pas courir le risque d’assommer un garde pour lui piquer ses vêtements et rentrer incognito, il me fallait donc réfléchir à une autre stratégie. Bien que je me creusasse la tête, je ne voyais aucune façon de faire ça sans occasionner des dommages sur les gardes. La nuit tombant, je me résolus à y aller à l'improviste. Avant de partir, je pris soin de laisser l'écureuil lubrique derrière moi : il n'était pas nécessaire que je lui fasse courir le danger de me suivre dans ma mission.

Je franchisai donc la première enceinte en l'escaladant rapidement, retombant en silence dans une roulade de l'autre côté, dans un coin faiblement éclairé et visiblement désert. Longeant les murs des différents bâtiments bordant la route, je me glissais furtivement jusqu'au ponton au bout duquel un seul homme gardait l'entrée. Bon sang, il s'agissait du gusse de la dernière fois qui m'avait particulièrement reluqué le dos, alors que je m'évadais de l'infirmerie. Fort heureusement, il n'avait pas vu mon visage et donc ne me reconnut pas. J'étais particulièrement chanceuse. Une idée me vint alors, consistant tout premièrement à dégrafer mon chemisier et à me rapprocher du jeune homme, au regard perplexe et confus.

- Halte-là, l'entrée est limitée au personnel et aux soldats de la Marine, vous avez un badge ?

Je relevai le regard pour planter mes yeux droit dans les siens avec un grand sourire.

- Salut mon mignon ! Je viens voir le Colonel Ouroboros... commençais-je d'une voix sensuelle tout en m'approchant de lui, la poitrine gonflée. J'ai une affaire... urgeeeente à... voir avec lui. Je te passe les détails, mon chéri, mais malheureusement... je n'ai pas de passe...

Le jeune homme était progressivement devenu rouge pivoine, cependant il restait sur la défensive. Je ne m'attendais pas à ce que ça marche du premier coup, bien évidemment.

- Dé-désolé madame, les ordres s-sont formels, balbutia-t-il en guise de réponse.

Continuant de me rapprocher de lui, les atouts bien en avant, je continuai :

- Mais... oh tu sais, si je ne rentre pas, Monsieur le Colonel, il va se fâcher très fooort... Et tu n'aimerais pas qu'il se fâche, n'est-ce pas, biquet ?

A ces mots j'en étais venue à caresser le menton du petit garde de mon index. C'était dégoutant mais il n'y avait pas d'autre méthode et visiblement, ça semblait être efficace.

- Je... oh... très bien, v-vous pouvez passer... J-je... b-bonne soirée... craqua-t-il alors, les yeux rivés sur mon buste, m'ouvrant la porte en même temps.

- C'est pas très joli joli ce que tu viens de faire, hein Anna ??

- Roh mais tu vas la mettre en veilleuse ? dis-je, exaspérée.

- P-pardon ? Vous avez dit quelque chose ?

- Non, rien. Souris-je. Bonne soirée charmant... jeune homme...

Une fois que je fus certaine que de l'autre côté, il avait remis le loquet, je reboutonnai ma veste et repris mon infiltration, toujours souriante mais pour des raisons bien différentes.


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Jeu 15 Oct 2015 - 13:21, édité 3 fois
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Bien que la cour intérieur ne fusse pas plus peuplée que ça, je m'étais résignée à rentrer dans le bâtiment par une fenêtre du premier étage. Arrivée jusque là, je ne pouvais plus me permettre de me faire repérer, la chance ne se présenterait pas une seconde fois. Ainsi donc je ne pouvais remédier à donner quelques coups de crosse dans le haut des nuque de quelques pauvres soldats effectuant leurs rondes quotidiennes. Je n'étais pas vraiment sûre de savoir si certains étaient dans le coup avec le Colonel ou pas, bien que de nombreux autochtones m'aient vanté les mérites du Lieutenant-Colonel officiant à la base, j'espérais alors qu'il se soit charger de recruter et former les hommes en poste lui-même et que ça ne soit pas son supérieur hiérarchique qui l'ait fait à sa place.

Après mûre réflexion j'en étais arrivée à la conclusion que les débauchés et criminels que j'avais maté sur ce foutu rafiot étaient bel et bien des Marines, malgré leur comportement et leur respect du Code Civil. Les galons de leurs uniformes et leur façon d'obéir à leurs gradés semblaient concorder avec les bases rudimentaires du fonctionnement de la Marine. J'étais alors d'autant plus inquiète de ne pas savoir comment un soldat du Gouvernement Mondial pouvait plonger aussi bas et devenir un pirate dérobé. Pire que ça, le doute naissait en moi quant à chaque soldat que je rencontrais, susceptible d'être une crapule. Les pirates et les révolutionnaires étaient des parasites, j'en étais certains, mais se pourrait-il que ceux-ci se soient aussi infiltrés dans les rangs de l'institution prônant la Justice Divine ? Je n'y avais jamais songé mais ça semblait assez clair à présent : les impurs étaient partout.

Grimper le mur du bâtiment principal pour accéder au premier étage n'avait pas été une mince affaire : les espaces entre les pierres étaient très réduits et glissants. Déplaçant chaque partie de mon corps lentement et méthodiquement, j'avais finalement réussi au bout d'une dizaine de minutes à parcourir les trois mètres de hauteur qui me séparaient de la lucarne. Trouvant évidemment la fenêtre fermée, mais le bureau derrière vide, je brisai la vitre avec le coude, engendrant un bruit qui ne dut pas passer inaperçu et me faufilai prestement entre les morceaux de verre. Au cas où le tintamarre m'avait faite repérer, je me glissai furtivement dans un coin de la pièce, attendant l'arrivée de potentiels gardes. Mais contre toute attente, après trois bonnes minutes, personne ne vint. Quelque chose clochait. Mon sentiment de doute s'exacerba lorsque, en m'engouffrant dans le couloir, je me retrouvai seule dans le bâtiment. Lorsque, dans l'un des escaliers menant aux étages supérieurs, je rencontrai enfin un garde, je me questionnai quant à l'interroger ou non. Cela n'était décidément pas normal pour une base de la Marine d'être aussi vide à cette heure. J'entrepris d'y aller au feeling. Évidemment, l'homme surpris de me voir sortir de nul part braqua son fusil sur moi et m'apostropha d'un habituel :

- Qui va là ? Que faites-vous ici ?

- Bonsoir ! E-excusez-moi... Je suis une nouvelle et je... o-où sont passés les autres... ? répondis-je, les mains levées, espérant que mon mensonge réussirait à passer.

Après une bonne minute de silence et d'appréhension, l'homme abaissa son arme. Le regard méfiant, il me répondit tout de même.

- La base a été évacuée sur ordre du Colonel. Étrange, je ne vous ai jamais v...

- Soru.

Blom.

De la crosse de l'un de mes revolvers, je percutai la nuque du garde, l'envoyant directement au royaume des songes et déplaçais son corps dans un coin, à l'abri des regards.

Le deuxième étage était à l'image du premier : longeant les murs, je ne rencontrais quasiment aucune âme qui vive si ce n'étaient deux ou trois gardes qui passaient par là. Réitérant l'opération plusieurs fois, j'arrivais ou non à obtenir des réponses avant que les soldats ne me posassent trop de questions ou n'en arrivent à donner l'alerte avec leur denden-mushi de poche. Le dernier garde qu'il m'avait fallu assommer s'était douté de quelque chose et, plutôt que de demander "qui va là ?" comme ses confrères auparavant, avait directement braqué son arme sur moi d'une main et sorti son denden-mushi de l'autre. Prise de court, j'avais du agir en vitesse, plaquant d'un coup sec le plat de ma main dans la nuque du bonhomme. Pour tous les autres, je n'avais rien appris de conséquent qui puisse m'amener à savoir dans quel pétrin je m'étais fourrée, mais maintenant j'en étais sûre : c'était un piège.

Bien que la base fut étrangement vide, j'espérais tout de même trouver cette crapule de Colonel dans le coin. Je m'accrochais à cette pensée en espérant qu'il n'aie pas déjà quitté l'île et je souhaitais véritablement qu'il en soit venu à me sous-estimer pour être resté ici. Non, nul doute qu'il savait que j'étais là, pourquoi tendre un piège sinon ? Était-ce mon passage à l'infirmerie qui l'avait prévenu de ma présence ou bien avais-je commis la bêtise de laisser l'un des fieffés Marines s'en sortir ? Gravissant deux par deux les marches menant au dernier étage, des gouttes de sueur commençaient à se multiplier sur mon front. Les trois derniers hommes que j'avais rencontré n'étaient pas des gardes, mais des espèces de sentinelles qui s'étaient davantage agrippées à leur escargophone qu'à leur arme. Arrivée en haut des escaliers, je me retrouvais face à une porte à double battants, fermée, me barrant la voie. Je n'avais plus le choix, il me fallait renoncer à ma couverture. Je balançai subitement ma jambe de gauche à droite, enchaînant par là un Rankyaku qui vint s'écraser sur la double-porte en la fendant horizontalement et l'enfonçant dans un impact, jonchant de débris l'entrée de la grande salle sur laquelle elle débouchait.


Le dernier étage n'était pas un ensemble de couloirs fendant un méli-mélo de chambres, de bureaux et de pièces diverses comme sur les premiers, mais une sorte de grand hall obscur, semblable à une salle de fêtes ou à un réfectoire. Malgré les grandes fenêtres qui laissaient entre-passer de fins rayons de lumière lunaire, l'endroit était sombre et les tables et bancs délaissés à la hâte étaient à peine distinguables dans les ténèbres qui baignaient la salle. J'y étais, le piège que je flairais depuis le début, c'était si prévisible, si classique que je ne frémis presque pas en entendant les soldats cachés dans le noir armer leurs fusils, en entendant une voix tonner dans le fond de la pièce, en voyant sortir des rangs dissimulés, un homme d'âge moyen enveloppé dans un manteau d'officier.


- Qui êtes vous, assassin ? Un révolutionnaire, un chasseur de primes ou bien l'un de ces pitoyables chiens du gouvernement ?

Alors voilà donc à quoi ressemblait Ouroboros Greed.
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Cette question me fit sourire. Évidemment, je n'avais pas à lui répondre, donc je n'en fis pas l'effort. Je devais juste le capturer et le foutre en taule, lui donner des informations sur qui j'étais n'allait ni me faire me sentir mieux, ni m'aider dans ma mission. Inutile de perdre du temps avec les parasites. Mon œil commençait à s'habituer à la pénombre et j'étais désormais capable de distinguer et dénombrer les hommes du Colonel. Certains semblaient correspondre à leur uniforme, des pour qui l'habit ne faisait pas le moine néanmoins ; d'autres avaient le même aspect brutal et dégingandé que les pirates déguisés en Marines. Dix, vingt, trente, peut-être cinquante grand maximum, je marquai chacun d'eux comme d'une cible invisible, les jaugeais, les jugeais, comme l'ange de la mort sur le pas de l'abattoir. Verdict, tous coupables. Alors seulement, je me mis à avancer dans le creuset du réfectoire formé par la ronde des corps et des tables autour de moi. Ils ne le savaient pas alors, mais ils étaient déjà morts ou du moins, je les considérais comme tels.

- Pauvre idiot.

Oui, je me permettais de l'insulter. Il m'avait sous-estimée, prise pour une bleue ou pire encore, une Révolutionnaire ; mais surtout il s'était enfermé dans sa propre cage et maintenant il pensait que ses cinquante malfrats seraient suffisants pour me faire la peau. Jamais.

- Soru.

Je me téléportai juste devant le bonhomme, utilisant de mes dons du Rokushiki pour lui faire savoir à qui il avait à faire. Là, ça répondait à sa question ? J'en profitais également pour observer l'énergumène : à cette distance, j'étais beaucoup plus en capacité de décrire l'individu. Ouroboros était un homme fin, aux cheveux en broussailles, aux yeux pervers et vitreux et à l'expression goguenarde plantée sur son visage ; un faiblard, dernier de la classe, qui avait voulu user de ses talents de manipulateur pour se donner du pouvoir, rien d'autre. Je détestais ces gens-là, ils me donnaient envie de vomir. Devinant finalement la raison de ma présence sans trop peu de mal, au vu de mes capacités de combat ; il jugea alors, portant son bras en garde devant lui et reculant maladroitement :

- Un agent du Cipher Pol ?! Mais qu'est-ce que vous attendez, crétins, TUEZ-LA !!!

Ça y est, j'allais enfin pouvoir arrêter cette mascarade et commencer à faire le ménage. Les bons petits toutous avaient déjà braqué leurs fusils sur moi, d'autres derrière avaient sorti leurs sabres, mais à peine commencèrent-ils à tirer que j'avais déjà disparu dans un nuage de poussière pour prendre par surprise le premier tas venu et les fendre d'un Rankyaku. Mes nouveaux habits, achetés pour l'occasion, firent leur baptême du sang, l'hémoglobine se répandant partout et par gros paquets au fur et à mesure que je tailladais l'ennemi. Lorsqu'on se bat contre un grand nombre, la défense c'est l'attaque et j'appliquais cette règle à la perfection, balançant ma jambe pour créer des lames d'air en cascade. Bientôt, j'eus à faire à des visages désespérés, à des hommes qui compissaient leurs chausses plutôt qu'à de vaillants combattants comme on ne s'attendrait pas à trouver ici. A l'instar de ma mésaventure passée sur le bateau des pillards et violeurs, les hommes semblaient petit à petit perdre leur organisation et leur confiance en soi : certains fuyaient mais je les rattrapais inexorablement pour les décapiter proprement, d'autres fonçaient sur moi comme des forcenés pour finir coupés en morceaux sans aucun scrupule. Je n'allais pas commettre deux fois la même erreur, il ne devait rester aucun témoin.

- Rankyaku... Gaichou !

Cette fois-ci la lame d'air se fendit dans la forme d'un oiseau et vint percuter le gros d'un groupe d'une douzaine d'hommes, les répandant dans à peu près toutes les directions. J'avais récemment retravaillé mes techniques pour en arriver à une optimisation du résultat : un plus grand champs d'action pour une coupure plus nette et plus précise, davantage destructrice. Je n'étais définitivement la petite Anna craintive s'amusant avec son gros canon au nom ridicule, j'étais devenue ce pour quoi on m'avait prise dans le Cipher Pol : un assassin hors pair. Bien évidemment, j'étais loin d'être la meilleure dans mon domaine mais mes derniers combats m'avaient laissée confiante sur ce sujet : je savais me débrouiller pour effacer mes traces. Et si j'avais échoué une fois, cette fois-ci ça ne serait pas le cas. Alors que je tenais tête à quatre gugusses, je pouvais noter du coin de l’œil la disparition de ma cible qui semblait s'être réfugiée dans son bureau que je situais pas trop loin derrière la seconde porte du réfectoire - sans comprendre celles des cuisines et des toilettes.

Sur la cinquantaine d'hommes qui me faisaient face au début, seulement une vingtaine subsistait en comptant quatre ou cinq blessés. Je continuai ce que j'avais commencé, je ne m'inquiétai pas pour le grand chef puisqu'il n'y avait qu'une seule sortie et je le voyais mal faire de la descente en rappel le long de la tour depuis la fenêtre de son bureau. Je restais néanmoins sur mes gardes quant à ce qu'il pouvait bien mijoter là-bas, en espérant qu'il était bien parti se planquer sous son bureau. Je tuais machinalement, les armes aux poings, dansant frénétiquement dans la foule de soldats et les tranchant et perforant comme de vulgaires poupées de son. Je ne m'en tirais pas indemne pour autant : çà et là j'avais des coupures et des ecchymoses, la plus grave étant une profonde entaille dans l'épaule et une autre au flanc. Nonobstant la souffrance que je ressentais tout du moins, je me sentais revigorée et fraichement réveillée comme au sortir du lit. De mon unique œil valide, je voyais arriver les coups des truands les moins expérimentés et arrivais à esquiver au dernier moment ceux des plus agiles. Mes autres sens à l'affut, je m'appuyais d'un son sur ma gauche pour me glisser derrière l'ennemi qui me prenait de dos avec un Soru. Ravages, destruction, la salle ne ressemblait plus à une cantine mais bel et bien à un bain de sang, de cadavres et de lambeaux de chair gisants.

J'exécutais mon ballet en marchant une fois sur deux sur quelque chose de visqueux ou la partie d'un cadavre. Alliant les armes qu'étaient mes jambes et celles que je tenais dans les mains, j'effectuais la toupie dans les rangs ennemis. Décomptant les vivants et comptant les morts, je savourais les derniers instants de mes victimes en plongeant ma pupille dans leurs yeux égarés lorsque j'avais l'occasion de les tuer au corps à corps. Qu'étais-je devenue ? Tuer ? J'adorais cela. Chaque vie ôtée était une pourriture en moins qui n'avait rien à faire dans ce monde. J'aimais nettoyer, purifier, purger mon univers des saletés qui l'encombraient comme l'on passe la serpillère sur le carrelage pour en retirer une tâche de vin. Véritable démon effectuant pirouettes et acrobaties, ma dernière victime, le seul homme encore en vie, s'était agenouillé pitoyablement devant moi et me demandait grâce. C'était un homme petit et chétif qui n'avait probablement eu aucune idée de ce dans quoi il s'était engagé. Je le saisis par le col, posant un revolver sur sa tempe.

- Je t'épargnerai si tu me dis ce que prépare ton chef, c'est aussi simple que ça...

Le gusse fondit en larmes, dégoulinant de la bouche et du nez comme un môme, le froc trempé. Je pressai l'arme un peu plus sur le coin de son visage, lui faisant comprendre que j'avais pas tout mon temps. Enfin il se décida à me vendre la mèche :

- C'est... c'est un plan secret... je sais pas grand chose mais...

Je me pinçai la lèvre, le nabot semblait prendre son temps alors je le stressai davantage.

- Bon sang bouge-toi un peu plus le cul ou j'te fais sauter la cervelle, là, maintenant !

Mon otage fit dès lors un effort pour conserver ses larmes, transi par la peur de mourir, comme beaucoup.

- Il va... il a... bombe... au cas où... fuir par une trappe dans son bureau... détruire la base... Oh bon dieu, oh bon sang par pitié, grâ...

Bakam.

Je lâchais le macchabée qui vint s'effondrer à mes pieds comme un tas de chiffons. C'est alors que je la vis, debout devant la porte menant aux quartiers du Colonel, figée, en pleurs. C'était elle, je la pensais morte, mais c'était bien elle. Ils avaient du la retrouver dans les vestiges de l'épave, inconsciente, ils avaient du l'interroger ; elle était l'élément qui m'avait trahie. Mais je la croyais morte et elle était bien là, vivante. Et dans ses mains, elle tenait un objet particulier dans ses mains, une valise produisant un tic-tac régulier. C'était elle mon erreur.

La jeune fille nue sur le pont.
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C'était une bombe.

La valise qu'elle tenait, c'était la bombe dont parlait le sous-fifre. La jeune fille se tenait devant moi, l'objet dans les mains, menotté à l'un de ses poignets, transie de peur. Je la devinai avoir été récupérée sur la berge avec quelques morceaux de l'épave et probablement d'autres cadavres échoués, elle avait du être elle aussi menée à l'infirmerie - peut-être dans une salle tout près de là où j'avais été moi-même soignée - avant qu son cas ne soit personnellement pris en charge par le Colonel. "Une jeune femme, se déplaçant aussi vite que l'éclair, elle avait tué tout l'équipage." voilà ce qu'elle avait sûrement dû raconter. Si j'avais su, je lui aurais mis une balle dans le crâne pour vérifier qu'elle était véritablement morte au lieu de la croire simplement inconsciente.

- Ne fais pas de mouvement brusque. lui intimai-je.

Ses yeux tremblaient mais les larmes ne sortaient pas, son visage exprimait une peur intense, un effroi qui la laissait stoïque. Je m'avançai vers elle, doucement pour ne pas l'effrayer. Bien que chétive, son esprit semblait s'être envolé, l'expérience sur le bateau avait du la rendre folle, elle était déjà morte. En m'approchant, je remarquai qu'elle était nue sous sa chemise, que son corps était strié de marques et d'hématomes, que certaines de ses blessures n'étaient pas si vieilles que ça. Même ici, elle s'était faite maltraiter, même ici, les pirates avaient fait leur œuvre, au sein même d'un bâtiment de la Marine. Ce Colonel avait bafoué l'autorité suprême jusque dans ses derniers retranchements et allait le payer cher. Lentement mais sûrement, le rythme du tic tac s’accélérait. Je devinai le forban déjà en train de fuir dans un réseau de passages secrets du bâtiment, c'était une course contre la montre.

Je saisis la mallette et avec moult précaution, l'ouvrai doucement, retirant les attaches sur le côté et écartant les deux flancs de la cassette. Je soufflai de soulagement, aucun système d'alarme n'était raccordé à l'ouverture du boitier, néanmoins une horloge analogique m'indiquait qu'il ne me restait plus qu'une minute pour couper le fil correct empêchant la détonation.

- Bon sang, c'est pas le moment d'oublier mes cours de désamorçage de bombes...

Nous avions toutes sortes de cours au CP : une fois que j'étais devenue agent en formation, j'avais tout le loisir de me rendre aux formations que je voulais et pendant une journée complète, l'un des enseignements avait résulté dans la mise hors fonction des outils terroristes utilisés par les révolutionnaires, principalement. Cependant tout cela restait flou dans ma tête et cette fois-ci personne n'était là pour corriger mon erreur : je n'avais le droit qu'à un seul essai, un seul fil à couper et tout était fini, dans le bon comme dans le mauvais sens du terme. Comme si cela ne suffisait pas, la donzelle devant moi commençait à paniquer. Je rivai alors un œil sur elle, lui priant de s'arrêter.

- Calme toi, idiote, sinon comment veux-tu que je me concentre ?

Cela sembla empirer la situation. Comme une bête sauvage effrayée, son corps était parcouru de tremblements et je voyais bien qu'elle n'allait pas tarder à s'effondrer. Du côté de la valise, il me restait environ quarante cinq secondes pour désactiver le minuteur. Une goutte de sueur perla sur mon front alors que je saisissais mon couteau de chasse - fixé à ma ceinture du côté de ma cuisse droite - et tâchais de me souvenir quel fil couper. Il y en avait des tas, peut-être une dizaine : deux verts, deux jaunes, un rouge, un bleu, un noir.

- Besoin d'aide, Anna-chan ? piailla la petite voix dans ma tête.

- NON TOI LA FERME ! hurlai-je, faisant frémir un peu plus la jeune fille devant moi, qui venait de s'uriner dessus ; elle était à deux doigts de craquer.

Trente secondes. Quel fil, quel câble, quelle couleur fallait-il choisir ? Je retournai la question encore et encore dans ma tête, essayant de me remémorer mais en vain. C'était comme si je n'avais pas accès à ma mémoire, comme si quelque chose m'en empêchait. Je compris soudain.

- C'est toi qui a la réponse, sale monstre ?

- Oui.

- Donne-la moi, maintenant.

- Et la politesse alors ? fit-elle avec une voix tout à fait immature.

- Tu préfères qu'on crève peut-être ?!

Quinze secondes. J'écarquillai davantage les yeux à la vue de l'aiguille qui faisait sa ronde : soit je désamorçais la bombe maintenant, soit je mourais éparpillée en milliers de morceaux. Cette fois-ci le tekkai ne me sauverait pas. Après trois secondes de silences, j'eus enfin la réponse que j'espérais.

- C'est le rouge et le bleu. En même temps.

Cinq secondes. Je n'avais plus le temps de douter, je me reposais entièrement sur elle, peu importe ce qu'elle était, peu importe ce qu'elle voulait. Je plaçai la lame du couteau sous le deux fils et tirai d'un coup sec, les sectionnant immédiatement. L'horloge se figea a trois secondes et quasiment au même moment, la gosse s'écroula au sol, secouée de spasmes inarticulés. C'était moins une. Il ne me restait plus qu'une chose à faire désormais : retrouver le Colonel et lui faire payer. Cependant avant de partir, je m'agenouillai auprès de la gosse et lui soulevai légèrement le crâne. Elle délirait.

- Ma-maman...?

Plus jamais la même erreur. Elle n'était plus de ce monde, autant abréger ses souffrances, je n'avais donc aucun remords à saisir l'un de mes revolvers et le plaquer sur son front. Sans aucun scrupule.

Bakam.
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BLOM !

La porte s'effondra à l'intérieur de la pièce, son bois malmené par le coup de pied qui venait de la percuter de plein fouet. Personne, comme prévu. C'était un bureau vaste et richement décoré, qui possédait de grandes fenêtres bien que les rideaux soient tirés et l'éclairage inexistant. Si Ouroboros se complaisait à demeurer dans le noir, j'étais sûre que sa cellule lui ferait de l'effet. Je remarquai dans un coin un coffre-fort vide, laissé entrouvert : c'était sûrement là que le criminel planquait son magot et il n'avait évidemment pas oublié de le récupérer avant de disparaître. En parlant de disparaître, je me mis à farfouiller l'endroit pour essayer de trouver une trappe ou un passage dérobé dans le mur. Je poussai les meubles, déchirai la tapisserie, retournai chaque élément de la pièce en essayant de trouver par où l'homme s'était enfuit. Rien sous le tapis, rien derrière le mobilier, un vrai casse-tête. Je remis dans le bon sens le fauteuil confortable derrière le bureau et m'assis dessus pour me donner un moment de réflexion.

Je ne pouvais pas non plus me permettre de trop attendre, le criminel avait déjà du me mettre une sacrée distance dans les pattes. Donnant un dernier coup d’œil panoramique à la zone, j'espérais débusquer le détail qui me permettrait de m'enfoncer dans le couloir secret que le bonhomme avait emprunté. Or j'avais tout faux, il n'y avait pas de couloir secret. Je vis dépasser de sous le bureau un tout petit interrupteur rectangulaire que je n'avais pas remarqué au premier abord. Ça ? J'avais qu'à tenter, on verrait bien. Sur mes gardes tout de même, j'effectuai une légère pression sur le...

Klong !

- AAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHH !!

Le sol venait de se dérober sous pieds, une trappe s'était ouverte à l'endroit même où je m'étais assise et désormais je descendais les cinq étages du bâtiment en tombant inexorablement dans le vide et les ténèbres. Tout d'abord je n'arrivais pas distinguer le bout du tunnel, ce qui me rassura et m'effraya à la fois, puis je vis le sol se rapprocher dangereusement. Écartant les membres pour essayer de trouver une prise, l'une de mes mains rencontra douloureusement plusieurs surfaces dures qui me tapèrent sur les doigts à plusieurs reprises. Des barreaux, des barreaux d'échelle à même le mur. Déployant davantage les jambes pour me servir de mes bottes et ralentir, je réussis à m'accrocher in extremis à l'une des barres cylindriques. Malgré la douleur dans mes mains, je voyais le bon côté des choses : de cette manière j'avais probablement gagné un temps considérable sur Greed qui avait du se taper tout le chemin sur l'échelle. Le sol n'était plus qu'à environ deux mètres en dessous de moi, ce pourquoi je décidai finalement de me laisser tomber dans une roulade pour amortir le choc et continuer ma course effrénée.

Suivant un enchevêtrement de couloirs exigus percés de tuyaux et de radiateurs, j'arrivai finalement devant une bouche d'aération. Sans me poser plus de questions, je me faufilai dedans : je n'avais pas le temps de douter. De l'autre côté, la grille qui devait clore le chemin avait déjà été démise par mon prédécesseur, qui n'avait pas pris la peine de la refixer dans sa fuite. Comme tout bon passage secret permettant à un criminel paranoïaque de s'enfuir, celui-ci débouchait dehors, sur les quais. Me redressant enfin, humant l'air frais de la marée nocturne à pleins poumons, je me mis à zieuter le lointain dans l'espoir de voir le gusse courir sur l'un des pontons en direction du navire chéri qui l'arracherait à ce cauchemar. Et oui, la bombe n'avait pas explosé ; et oui, j'étais sur tes traces mon gros. Je le vis alors, se trainant maladroitement sur la berge, boiteux, prendre la tangente vers un croiseur amarré non loin. C'était sûrement là que les soldats - les bons gars de la base - avaient été évacués en attendant que je sois hypothétiquement éliminée. J'étais chanceuses. Dans tous les cas, je ne devais pas laisser le bandit rejoindre des marins innocents qui prendraient sa défense, ça ne respectait pas les ordres de mission : seuls les hommes à la solde d'Ouroboros pouvaient être supprimés pour accomplir ma tâche, c'était la seule condition. Aucun soldat de la Marine n'ayant rien à voir avec cette histoire ne devait perdre la vie à cause de mon manque de professionnalisme.

Même si quelques bonnes centaines de mètres me séparaient de ma future victime, j'étais plutôt confiante. Le bateau n'était qu'à un kilomètre d'ici et ma cible se trouvait à mi-chemin, en utilisant le Soru pour me déplacer très rapidement, je pouvais parvenir à le rattraper et le mettre hors d'état de nuire avant même qu'il ne soit à portée de vue ou d'oreille des soldats sur le navire.

- Soru.

Enchaînant sprint et téléportation, je dépassai prestement le Colonel qui n'eut pas le temps de me voir arriver. Je me téléportai finalement pour me retrouver nez à nez avec lui, les canines à découvert et le regard narquois.

- Co... comment ?

L'officier corrompu ne devait pas être habitué aux exercices physiques tellement son visage était couvert de sueur et boursouflé par l'effort.

PAF !

Il n'eut pas le temps de réagir que mon poing venait déjà de heurter son faciès et l'envoyer rouler dans l'herbe plus loin. A moitié sonné, il se releva néanmoins, dégainant un Pistolet An XIII camouflé dans les plis de sa veste, le pointa sur moi et fit feu sans attendre.

- Soru.

Je ricanais devant la faiblesse de l'officier, devant l'inutilité de ses attaques. J'étais alors persuadée de plier le combat facilement, mais j'avais tort. Une douleur à l'épaule effaça rapidement l'expression goguenarde sur mon visage, alors qu'un trou irrégulier me déchirait la chair au niveau de l'épaule. L'homme avait anticipé mon esquive, il avait déporté son tir pour me toucher quand j'étais en mouvement.

- N'oublie pas à qui tu as à faire, petite. fit-il, d'un ton pédant.

Et à ces mots, le Colonel changea son arme de main et dégaina un long sabre, une chachka imposante et délicatement courbée.

- Tu vas voir ce qu'il en coûte de s'opposer à Ouroboros Greed.

Il s'attendait probablement à ce que je reste figée dans ma stupeur, il n'en fut rien. J'explosai de rire, un rire sombre, un rire fou, qui tient plus du cri d'effroi dans l'obscurité que du résultat d'un trait d'humour. Non, je ne riais pas car ce qu'il venait de dire était drôle, mais car j'adorais lorsque mes cibles se débattaient pour survivre. Les pirates, j'adorais les voir m'attaquer et perdre la face, j'adorais les faire perdre et réduire leur estime à néant.

La difficulté du combat résidait dans le fait que je devais conserver ma victime en vie, c'était là ma mission. Je me résolus donc à n'effectuer que des attaques au corps à corps. Mon épaule me lancinait, m'envoyait des pulsations qui me fournissaient à rythme régulier en adrénaline. Je me voyais lui rétamer la tronche, le transformer en viande hachée, faire de lui un tas de chair à vif. Et comme je n'en pouvais plus d'attendre qu'il vienne vers moi, je vins vers lui.

- Soru.

L'homme fit un bond de côté, m'entaillant de façon superficielle le flanc avec son sabre hors du commun. Il savait que si je m'approchais trop près de lui, le combat serait fini, alors il ne cessait de me repousser et de battre en retraite et jamais il ne faisait le premier pas. Il était doué à l'épée, ça se voyait, ses attaques visaient systématiquement mes organes vitaux, mais sa peur et sa paranoïa maladive l'empêchaient de prendre des risques pour parvenir à me blesser concrètement. Au bout de dix minutes d'échanges, l'homme était épuisé tandis que j'étais blessée à plusieurs endroits du corps. Greed enchaînait de façon habile les attaques à l'épée et au pistolet, parant, esquivant et tirant quand il en avait l'occasion. Sur une dizaine de balles au total, je n'avais réussi qu'à en esquiver et bloquer - avec le Tekkai - que sept : la première m'avait touchée à la clavicule droite, la seconde m'avait atteint sur un muscle intercostal, la dernière s'était fichée dans mon bras gauche et n'en était pas ressortie.

Le combat s'éternisait et je commençais à perdre des forces. Mon antagoniste lui aussi avait subi de nombreux coups au visage et dans l'estomac et semblait abattu par la fatigue. Je ne riais plus, j'avais adopté une expression neutre, celle d'un assassin concentré sur une cible d'envergure.

- Le prochain coup sera décisif, Greed. J'aurai ta peau. lui lançai-je.

- Prépare-toi à mourir, raclure du Gouvernement ! haleta-t-il.

Et dans un ultime assaut, je m'élançai vers le criminel en n'utilisant cette fois-ci non pas le Soru et mes poings nus comme seule arme, mais une autre technique que j'avais développé il y a peu.

- Tekkai... Kenpou !

A une seconde près, l'épée de l'officier avait manqué de me transpercer le cœur. Au lieu de ça, elle avait rencontré la dureté de fer de mon corps en mouvement et s'était brisée nette sous le regard ébahi de son propriétaire. Prenant de l'élan, je balançai finalement mon poing dans son torse, lui coupant net la respiration, lui broyant une ou deux cotes et le plaquant au sol sans aucun espoir de se relever. L'homme lâcha un râle de douleur et continua à gémir, paralysé pendant un bon moment, avant qu'un direct du gauche dans la tronche ne l'envoie au pays des rêves. Droite comme un i, je toisais mon opposant, le regard dur et les poings serrés. Je saisis alors sa tête par les cheveux et le trainai sur la plage vers un endroit un peu plus tranquille, dans les fourrés. Comme il me fallait retirer cette balle, j'avais besoin de faire un feu pour chauffer mon couteau à blanc et l'extraire délicatement, cependant je ne pouvais pas faire ça au vu et au su de l'équipage de marins à quelques centaines de mètres de là. Arrivée à proximité de l'enceinte extérieure, je m'agenouillai près de la crapule, saisissant des menottes dans l'une des poches de ma veste pour lui enserrer les mains et les pieds. Puis je le soulevai pour le jeter de l'autre côté du mur comme un vulgaire sac de farine avant d'escalader à mon tour. De l'autre côté, alerté par le bruit du corps qui venait de chuter, Ballisto m'attendait et me surprit en bondissant subitement sur ma jambe avant de remonter jusque dans mon soutien-gorge.

- Ma Dame m'a manquée. commenta-t-il, se lovant tendrement dans son coin favori.

***

J'avais au moins parcouru plusieurs kilomètres avant de juger être à une distance respectable de la base. Pendant une bonne demi-heure, j'en avais profité pour me reposer, le corps inerte de mon captif à mes côtés, autour d'un bon feu qui avait mis du temps à prendre mais qui crépitait désormais en diffusant une chaleur douce et satisfaisante. Sur un mouchoir de poche ensanglanté, mon couteau de chasse gisait avec la balle que je venais de retirer. Jetant un regard inquisiteur à mon prisonnier, je décidai de finalement saisir l'escargophone qui me gardait en contact avec mon coordinateur du CP8. Après un court instant, celui-ci décrocha :

- Agent Sweetsong ?

- Salut Enrod, je voulais juste annoncer que la mission s'était bien déroulée. J'aurais besoin que quelqu'un passe à la base de la dix-neuvième division aussi vite que possible pour faire le ménage, c'est faisable ?

- Pas de souci, nous envoyons quelqu'un. La situation sera clarifiée. Autre chose ?

- Reçu. Ouais, j'aimerais savoir où je dois déposer le paquet.

- Ahah je vois. Il y a un centre pénitencier de l'autre côté de l'île, nous les contactons pour qu'ils t'envoient un transport de détenus. Où te trouves-tu ?

Je zieutai un peu le paysage autour de moi : j'étais en bordure d'un grand chemin, dans la campagne, peut-être entre la base et Portgentil, mais j'étais pas vraiment sûre, il faisait nuit. Je lui décrivis donc le portrait tout en espérant que les geôliers arrivassent mieux à se repérer dans le coin que moi.

- C'est noté. Beau boulot Sweetsong, à bientôt.

Gotcha.

Je me retournai vers le prisonnier qui entre temps s'était réveillé et tentait de se faire la malle. Il se doutait bien que fuir de la sorte n'allait pas le sauver, mais il semblait mu par un étrange espoir de retrouver la liberté. Saisissant son pied nonchalamment, je le ramenai vers moi. Son visage était tuméfié, méconnaissable et chaque mouvement le faisait gémir de douleur. Me relevant péniblement, je le saisis par son petit col de faux fonctionnaire de mon bras le moins douloureux et le soulevai pour le regarder de mon œil valide dans l'un des seins, celui qui était pas trop clos.

- Maintenant que ça c'est fait, on va pouvoir s'expliquer tous les deux... Après tout, je n'ai jamais spécifié que tu étais en un seul morceau. annonçai-je, la mine déformée par un rictus infâme.

***

Les secours n'arrivèrent qu'une heure plus tard. Comme promis, je leurs livrais l'homme sans faire de chichi, sans discussions superflues. En voyant le gaillard inconscient, le visage et le manteau baignés de rouge, les deux hommes chargés de l'amener jusqu'au centre pénitencier me jetèrent un regard chargé de perplexité. Et même s'ils n'en dirent rien, ils n'en pensaient pas moins. "Monstre" ou "folle" ils pouvaient m'appeler comme ils voulaient, leur prison s'enorgueillissait d'un nouveau captif de choix grâce à moi. Enfin, ils remontèrent à bord de leur charrette et amorcèrent leur voyage de retour.

Une fois qu'ils furent suffisamment éloignés, je retournai alors à mon feu, utilisant un bâton pour tisonner les braises incandescentes. L'air était étrangement lourd et chargé d'une odeur de viande grillée, une viande dont le fumet rappelait étrangement le porc et pour cause...

Dans le foyer, reposant sur une dizaine de phalanges carbonisées, même brûlés et réduits à l'état de cendres, je pouvais toujours sentir les deux yeux du Colonel me regarder.
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