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Tango Revolver



J'arrivais enfin à Kage Berg, la boule au ventre et à la gorge.

Pourtant n'importe qui qui allait à Kage Berg partait l'esprit léger pour se ressourcer au calme et se mettre au vert. C'était d'ailleurs le cas de ma cible, Johnny Belle-Gueule, un Révolutionnaire, venu sur cet île pour se relaxer et voir sa famille avant de taper un grand coup sur la table. Et la table en question était Tequila Wolf. Il voulait réunir son équipage pour libérer les prisonniers.

J'avais bu un nombre incalculables de cafetières et fumer tant de cigarettes que j'aurais pu développer un cancer des poumons.

Ca faisait un mois que cet abruti me joignait par escargophone pour prendre de mes nouvelles, pour savoir si je n'avais pas trop le trac, pour savoir si j'étais prêt à l'aider à frapper et surtout, comment était la mobilisation de la Marine.

Tout ça remontait à un mois. J'avais pour mission d'extraire un agent du Cipher Pol 5 de Saint Uréa. Elle était partie longtemps avant moi pour l'espionner. Et évidemment, c'était moi et mon équipe qu'on avait pris pour connaitre les dernières informations et extraire cette agent. Liza, qu'elle s'appellait. Difficile de l'oublier, elle, sa peau blanche, ses envies de steaks crus, et sa sensibilité et ses sauts d'humeur.
J'avais donc du moi aussi me prétendre Révolutionnaire dans l'âme, et en découvrant qu'il planifiait de s'en prendre à Tequila Wolf, je m'étais dit que lui faire croire que j'habitais l'île était une bonne idée.

Je crois que je ferai mieux de fermer ma gueule parfois.

Toujours est-il que le mois était presque passé. Et qu'il n'allait pas tarder à entrer en action. Mais j'avais également découvert qu'il avait un petit rituel : il aimait passer du bon temps avec sa famille incognito à Kage Berg avant d'opérer.
Mes supérieurs avaient jugé bon de m'y envoyer là bas pour l'assassiner avant qu'il n'agisse. Autrement dit, tout reposait sur moi. Enfin, pas totalement. Parce qu'ils m'avaient collé une Agent du Cipher Pol 9. Shinai Tetsuo.

Je me demandais à quoi elle pouvait ressembler et si elle était compétente. Ma question était inutile. Si elle était au CP9, elle l'était forcément. Elle devait être un apport à ma maîtrise du Rokushiki.
Enfin, ce n'était pas elle qui me dérangeait, ni le fait de travailler en équipe. Non, j'étais du CP8, le travail en équipe, ça me connaissait. C'était le fait de former un duo avec une inconnue qui me taraudait. Surtout que nous n'aurions pas le temps de faire les présentations ni connaitre nos habitudes, notre façon de faire, ...

Alors voilà quelques jours que j'expirais mes angoisses à l'air marin, sur le pont d'un bateau d'un faux marchand.

- Kage Berg en vue, Agent Skullson.
- Ouais ouais ...


Allez, c'était le moment. Le moment de se reprendre et de resserrer sa cravate en soie quitte à nous plus pouvoir respirer à cause de cette boule.

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Arrivé au port, une jeune femme aux yeux bridés m'accueillit. Sa chevelure parfaitement tirée n'ondulait pas dans les bourrasques, même son chignon n'osait pas bouger. Seuls ses quelques rubans claquaient allègrement au gré du vent. Son visage fin était délicieusement maquillé, ses lèvres brillaient d'un rouge vif donnaient envie de l'embrasser fougueusement pour l'en débarrasser. Son doux parfum apaisait la force des brises en l'envoutant. Elle était tout simplement ravissante dans son magnifique kimono en soie brodée.

- Agent Björn Skullson je présume ?
- C'est bien cela. Vous êtes donc l'Agent Shinaï Tetsuo ?
- Exact.


Nous nous serrâmes la main cordialement, elle avait de la poigne.

- Bien, ne perdons pas de temps. Vous avez consulté les plans ?
- Ah oui, les plans. Euh oui, bien entendu.


Johnny Belle-Gueule allait faire un tour de calèche vers 16 heures en empruntant le chemin extérieur du village, rituel habituel. L'horloge du village sonna moins-le-quart.

- Nous avons peu de temps pour nous mettre en place. Je propose une attaque surprise foudroyante. Depuis les arbres, ce sera bien. A moins que vous n'ayez une meilleure idée ?
- Non, pas mieux.


Parfait, elle avait tout prévu. Nous gagnâmes alors le lieu de notre mission en marchant tranquillement, sans nous regarder, comme deux inconnus.

- Nous allons prendre deux points différents pour ne pas être trop visibles mais je préfère tout de même vous avoir dans mon champ visuel.
- Vous n'avez pas confiance en moi ?
- J'aurais pu me charger seule de la mission. Mais vous devez apprendre à maîtriser le Rokushiki, pas vrai ?
- ...
- Alors je me retrouve à vous seconder et je n'aime pas ça. Rien de personnel rassurez-vous. J'aime simplement opérer seule.


La boule dans ma gorge ne faisait que grossir quand celle dans mon ventre dégonflait depuis que je l'avais rencontrée. Je défis le premier bouton de ma chemise. De toute façon, je devais être à l'aise pour bouger sans contrainte.

Le reste du voyage se fit dans le silence le plus complet. Sûrement un besoin de concentration. Peu à peu, pas après pas, nous quittions le village et nous gagnions les vertes étendues.
Au bout de quelques minutes, nous arrivions dans un petit coin isolé, avec des arbres au bord du sentier qu'inspecta ma collègue.

- Là, ce sera parfait.
- Bien.
- Allez, montez dans l'arbre avec le Geppou, je vous regarde.

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Je repensai fort à mes entrainements. Aux gestes que j'avais pu faire pour réussir un Geppou. Mais me savoir jugé me stressait terriblement. Je soufflai un coup et tentai de densifier très vite l'air sous mon pied droit pour y prendre appui. Il me fallait penser à l'escalier de balsa ...

Un, deux, trois quatre pas. J'avais réussi à monter l'escalier imaginaire et me tenais fièrement debout sur une branche.

- Bien, cachez-vous un peu. Il ne devrait plus tarder. A mon signal.

J'opinai du chef pour toute réponse.

Elle s'éloigna un peu et monta aussitôt dans son arbre. De là, je la voyais à peine, il fallut qu'elle sorte son pouce des feuillages pour que je voie que tout était en place, tout était prêt, il ne manquait plus que notre victime.

Et il n'allait pas tarder mais cet instant défila extrêmement lentement dans ma tête, je me posais énormément de question. Etions-nous sûrs qu'il passerait ici à cette heure ? Comment cela allait-il se dérouler ? Aurai-je le temps de comprendre que c'est lui qui passera sous mon arbre ? A quelle allure roulera-t-il ? Comment m'y prendrai-je ?

Vint le moment fatidique.
Les deux boules d'angoisse dans mon organisme ne faisaient plus qu'une, logée au fin fond de mes tripes, au coeur même de mes boyaux, et elle vibrait, elle vibrait qu'une énergie malsaine et écœurante. A m'en rendre malade. Mais ce n'était le bon moment pour l'être. Alors mon corps me délivra une dose d'adrénaline qui anesthésia presque aussitôt la boule malveillante. C'était du à la calèche qui se rapprochait. Mon sang-froid était devenu implacable, mon mode opératoire tout tracé.

Ma cible était dans une carriole fermée, elle avait un toit et était conduite par un cocher sur son cheval. J'avais vu sa tignasse blondinette et son sourire niais par la petite fenêtre.
Ni une ni deux, je sautai après avoir laissé passer le conducteur. Je voulais décocher un Ran Kyaku sur ce qui tractait la calèche pour la séparer du cheval avant d'amortir ma chute avec un Geppou mais malheureusement ne créai aucune lame d'air. J'avais tout juste freiné ma chute et avais atterri sur la pièce qui permet de tracter la voiture en bois que je finis par détacher manuellement grâce au mécanisme. Dans la seconde qui suivit, le cocher s'aperçut qu'il avait été délesté de la calèche et s'en surprit. Pendant ce temps, je me glissai du côté de la portière, l'entrouvris à peine pour y glisser ma main et diriger la paume de ma main et les extrémité de mes doigts vers Johnny Belle-Gueule pour pulser une lumière blanche grâce à mon Radiant Core.

- Qu'est ce que ... ?
- Flashing Light !
- Qui êtes-vous ?


J'ouvris la portière à la volée, Johnny se cachait les yeux avec ses bras, aveuglé, je dégainai mon index prêt à l'enfoncer dans son coeur à l'aide d'un Shigan et ... quoi ?

- Papa ?

Que ?

- Papa !

Un gamin ? Son gamin ! Le Révolutionnaire n'était pas seul ! Il avait emmené son fils avec lui ! Je ne pouvais pas ... Pas devant son fils !

- Je suis là fiston, tu ne crains rien.

Le fils avait adopté le même geste que son père mais bientôt, ma lumière ne ferait plus effet.

- Vous ! Arrêtez-vous !

Merde ! Le cocher !

A ce moment là, ce fut mon instinct qui agit. Je disparus de son champ de vision avec un Soru désespéré et désespérément réussi afin de m'enfoncer dans la forêt.

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Aussitôt, Shinaï bondit hors de son feuillage, atterrit au sol grâce à un Geppou de dernière minute, fondit sur le cocher avec un Soru, sauta avec un Geppou pour arriver à la hauteur de sa tête, dégaina son sabre et le planta à la verticale dans le crâne de son adversaire avant de foncer vers la calèche abaissée.
Elle saisit l'enfant au col, sectionna son cou et y enfonça un poignard qui était caché dans sa botte droite et asséna plusieurs coups de dague cachée dans sa botte gauche frénétiquement dans le thorax du Révolutionnaire, lacérant complètement ses organes qui se mirent à fuir dans une flaque de sang qui s'épandait plus vite que les secondes ne s'égrainaient. Un bain de sang effroyable.

Sans broncher ni ciller, elle récupéra ses armes avant de me poursuivre.

- Reviens, incapable ! Minable ! Impotent ! Incompétent notoire ! Petite merde !

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Après quelques minutes à me faire copieusement insulter et courir, tout en ayant mille pensées qui défilaient et fusaient dans ma tête, je m'arrêtai.

- Alors quoi ? Qu'est ce que tu vas me faire ?

Elle s'arrêta elle aussi, et posa ses mains sur ses genoux pour récupérer son souffle un instant.

- Toi ! Tu n'es pas digne d'être ce que tu es !

Malgré sa colère, elle savait rester discrète sur notre fonction ... Même si j'imaginais que la mienne n'allait pas durer ...

- Y'avait son fils !
- Et alors ? Tu sais mieux que ce moi qu'il était ! Il ne méritait que la mort !
- D'accord ! Peut-être ! Mais pas devant son ...
- Je sais ! Pas devant son fils. Son fils qui a été élevé selon les valeurs de son père ! Ce que j'ai fait, ce que tu aurais du faire, est profitable pour plus tard, il suivait le chemin de son père, et il aurait eu la soif de vengeance en plus ! C'était une menace qu'il ne fallait pas négliger, tu as failli tout faire capoter ! Tu as commis une énorme erreur qui ne doit plus se reproduire !


J'étais au bord de la crise d'angoisse, j'étais tétanisé.

- E-Et ensuite ? Q-Qu'est ce qu'il va m'arriver ?
- Je vais te ramener avec moi.


Plus je la voyais avancer vers moi, plus mon corps me criait de courir. Un peu plus à chaque fois avant de lui filer sous le nez.

- Reviens, enfoiré !

Je détalais comme un lapin mais elle tenait le rythme. Commença l'effeuillage martial au gré d'un nouveau flot d'insulte. D'abord des bolas, pour me ligoter les chevilles dans ma course, elles étaient dans ses manches de kimono, je les esquivai juste à temps en franchissant une souche ; ensuite, deux lames courbes qui lui servaient auparavant de baleines pour son soutien-gorge, une m'érafla d'oreille, l'autre se planta dans un arbre non loin de moi ; après, ses bagues qui retenaient son chignon, elle voulut me les planter dans le dos mais je trébuchai au dernier moment sur une racine ; en enfin, ses faux cils, qui sont comme deux petits demi-disques de lancer aux minuscules lames empoisonnées qui se plantèrent dans mon bras quand j'essayai de me relever. Si elle n'avait bouilli de rage, ses lancers auraient été plus précis ... donc sûrement plus létaux. Avant que je ne puisse bouger, elle m'avait rattrapé et enlevé ses faux cils de ma chair.

- Utile le poison paralysant, n'est ce pas ? A faible dose, il ne fait que ralentir ma victime.

Je me relevai douloureusement et avec peine.

- Maintenant, meurs !

Elle abattit son sabre que j'évitai grâce à un Kami-E raté. Sa rage frénétique reprit de plus belle.

- Meurs ! Meurs ! Meurs !

J'ondulais presque aléatoirement pour éviter ses coups brusques mais imprécis dans une danse qui ressemblait à un enchainement de faux Kami-E.

- Pourquoi tu veux pas crever ? Crève je te dis !

J'ondulais, j'ondulais, j'ondulais. J'ondulais pour rester en vie, jusqu'à voir une ouverture pendant laquelle j'attrapai son bras. Avec l'élan, elle trébucha dans mes pieds sauf qu'avec mon étreinte, elle n'était que penchée en arrière, bras tendu, comme si nous concluions un tango endiablé.

Elle se mit à pleurer de rage à forcer d'échouer, je vis ses larmes perler et briller, couler le long de ses douces joues, puis mes yeux se portèrent sur ses lèvres. Nom de dieu ces lèvres ! Je ne pus m'empêcher de les embrasser goulûment.

Au moment où je me redressai de sur son corps, nous restâmes quelques secondes, perdus, follement perdus, avant qu'elle ne se reprenne. Ses lèvres ... ses lèvres étaient devenues ... vertes.

- Ah ! Abruti ! Ca aussi c'est un poison ! Je garde toujours une couche de l'antidote en dess ...

J'avais compris. En plus de ça, ça m'offrait une seconde chance d'embrasser ses lèvres, elle m'accordait malgré elle un second moment merveilleux de pure volupté. Hors de question de passer à côté et je m'abaissai encore une fois pour l'embrasser torridement.
Puis à nouveau, je me redressai et regardai ses lèvres. Elles avaient une teinte normale.

Complètement perdu -et je devais bien l'admettre, éperdu ; éperdu, et épris- je la relevai à son tour, en grand gentleman. Elle se trémoussa aussi lentement que sensuellement jusqu'à moi, presque peau contre peau, je pouvais entendre son souffle dans mon oreille et ...

... elle me colla un coup de genou dans les valseuses.

- Ah la salope !
- Ca t'apprendra, gros porc !


Et enfin, un gros coup de garde sur le sommet du crâne pour me ramener jusqu'à Marie-Joie où je me ferai certainement jugé pour mon erreur. S'ils savaient à quel point je suis terriblement désolé ...

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