Les bas quartiers de Goa sont d'étranges fourmilières grouillantes de curiosités sociologiques. La marine piétina cette fourmilière, y a quelques semaines. Notre détachement de l'élite part enfumer ce qui en reste. Les survivants de toute catégorie. Notamment ceux dont la langue est encore en état de fonctionnement, et dont la voix reste suffisamment audible.
L'élite se chargera d'éteindre ces dernières voix. La division scientifique s'assurera d'étouffer l'écho. En nettoyant. Les morceaux. Les membres, le sang, les dents qui pourraient servir de relique, de symboles de ralliement à d'autres rebellions. En somme, de transformer les morts en disparus, afin qu'ils ne hantent plus la région. Un travail de terrain plutôt impropre dont je n'ai pas l'habitude. Compte tenu de mon quotient intellectuel, de mes aptitudes manuelles et de mes connaissances, je serais très exactement mille cent trente fois plus rentable enfermé H24 dans un laboratoire que largué ainsi parmi les relents calcinés de viande hachée. Argument irrecevable d'après les supérieurs.
"Tout le monde doit mettre un jour les mains dans le cambouis" ont-ils dit. Je préférais le cambouis des ateliers.
Naturellement, autant de misère tartinée sur un si maigre laps de temps aura tôt fait d'exciter une dangereuse empathie en chaque soldat. Les idéalistes ayant signés pour servir la Justice, ce vague concept fort utile pour hypnotiser les coeurs et anesthésier la raison, risquent de tomber de haut. De si haut qu'ils ne se relèveront peut-être jamais. Et des idéalistes blasés dans les rangs de la marine ne sont guère plus qu'un troupeau de cellules cancéreuses dans un organisme. Le rongent lentement, l'affaiblissent, et le tuent tôt ou tard si on tarde à agir. Mais si on ne sait pas encore guérir le cancer, on sait au moins déjà amputer les membres porteurs de cellules malades.
Je ne sais pas d'où chutent ces ordres exactement. Probablement du QG. Je les fais tourner en boucle pour que ma mémoire ne les chassent pas. Je suis l'un des éléments jugés suffisamment fidèle et perspicace pour m'acquitter d'une chasse aux traîtres potentiels. Repérer ceux qui doutent de leur mission. Et les signaler avant qu'ils n'envisagent, possiblement, une reconversion dans les rangs de nos ennemis. A la bonne heure. C'est un but autrement plus intéressant qu'une bête traque méticuleuse de créatures qui ne sont de toute façon plus en état de lutter contre le rouleau-compresseur que représente un commando de marine d'élites. Ils sont cinq, menés par un lieutenant. Je suis derrière. A étudier leurs mots. Aucun ne semble vraiment prompt à poignarder ses collègues dans le dos, mais nous n'avons pas encore entamé le plus éprouvant pour le moral d'un justicier lambda. Éparpillés à travers les décombres de ce qui devait être autrefois une rue malsaine d'un bidonville aussi bien fréquenté qu'une jungle, ils s'affairent à déblayer un passage obstrué par des dizaines de planches métalliques. Sûrement une maison qui s'est effondrée sur elle-même.
A la une... A la deux... A la trois !
Ho hiiiisse !
Eh !
Une grande canalisation s'effondre en un résonnant fracas aux pieds des sympathiques mais peu clairvoyants exécutants. Les résidents s'en servaient comme cheminée, à en juger par l'épais brouillard noir qui s'en extirpe. Et au concert de l'acier vibrant s'ajoute un tonnerre toussant. Aucun cri. Ouf. Les marines fuient un à un le nuage de cendres incandescentes. Ils sont formés à encaisser d'autrement plus brutaux sévices. M'en fais pas pour eux.
Vous pouvez vous b-blesser. M-Mais pas trop g-gravement. Trousse de s-soin peu fournie.
Merci du conseil, gros malin !
C'est pas tombé loin.
P'tain ! Mission d'merde ! Charcuter d'pauvres types agonisants dans cet enfer ! J'ai l'impression d'être un chien !
Voyez ça comme une m-mission de secou-courisme. Sauf qu'au l-lieu de sauver les s-survivants vous les achevez. Dans l'état où vos co-collègues les ont laissé, la différence est négligeable.
Bah ! On est pas les clebs du cipher pol, merde ! Pas vrai, lieutenant ?
L'élite se chargera d'éteindre ces dernières voix. La division scientifique s'assurera d'étouffer l'écho. En nettoyant. Les morceaux. Les membres, le sang, les dents qui pourraient servir de relique, de symboles de ralliement à d'autres rebellions. En somme, de transformer les morts en disparus, afin qu'ils ne hantent plus la région. Un travail de terrain plutôt impropre dont je n'ai pas l'habitude. Compte tenu de mon quotient intellectuel, de mes aptitudes manuelles et de mes connaissances, je serais très exactement mille cent trente fois plus rentable enfermé H24 dans un laboratoire que largué ainsi parmi les relents calcinés de viande hachée. Argument irrecevable d'après les supérieurs.
"Tout le monde doit mettre un jour les mains dans le cambouis" ont-ils dit. Je préférais le cambouis des ateliers.
Naturellement, autant de misère tartinée sur un si maigre laps de temps aura tôt fait d'exciter une dangereuse empathie en chaque soldat. Les idéalistes ayant signés pour servir la Justice, ce vague concept fort utile pour hypnotiser les coeurs et anesthésier la raison, risquent de tomber de haut. De si haut qu'ils ne se relèveront peut-être jamais. Et des idéalistes blasés dans les rangs de la marine ne sont guère plus qu'un troupeau de cellules cancéreuses dans un organisme. Le rongent lentement, l'affaiblissent, et le tuent tôt ou tard si on tarde à agir. Mais si on ne sait pas encore guérir le cancer, on sait au moins déjà amputer les membres porteurs de cellules malades.
Je ne sais pas d'où chutent ces ordres exactement. Probablement du QG. Je les fais tourner en boucle pour que ma mémoire ne les chassent pas. Je suis l'un des éléments jugés suffisamment fidèle et perspicace pour m'acquitter d'une chasse aux traîtres potentiels. Repérer ceux qui doutent de leur mission. Et les signaler avant qu'ils n'envisagent, possiblement, une reconversion dans les rangs de nos ennemis. A la bonne heure. C'est un but autrement plus intéressant qu'une bête traque méticuleuse de créatures qui ne sont de toute façon plus en état de lutter contre le rouleau-compresseur que représente un commando de marine d'élites. Ils sont cinq, menés par un lieutenant. Je suis derrière. A étudier leurs mots. Aucun ne semble vraiment prompt à poignarder ses collègues dans le dos, mais nous n'avons pas encore entamé le plus éprouvant pour le moral d'un justicier lambda. Éparpillés à travers les décombres de ce qui devait être autrefois une rue malsaine d'un bidonville aussi bien fréquenté qu'une jungle, ils s'affairent à déblayer un passage obstrué par des dizaines de planches métalliques. Sûrement une maison qui s'est effondrée sur elle-même.
A la une... A la deux... A la trois !
Ho hiiiisse !
Eh !
Une grande canalisation s'effondre en un résonnant fracas aux pieds des sympathiques mais peu clairvoyants exécutants. Les résidents s'en servaient comme cheminée, à en juger par l'épais brouillard noir qui s'en extirpe. Et au concert de l'acier vibrant s'ajoute un tonnerre toussant. Aucun cri. Ouf. Les marines fuient un à un le nuage de cendres incandescentes. Ils sont formés à encaisser d'autrement plus brutaux sévices. M'en fais pas pour eux.
Vous pouvez vous b-blesser. M-Mais pas trop g-gravement. Trousse de s-soin peu fournie.
Merci du conseil, gros malin !
C'est pas tombé loin.
P'tain ! Mission d'merde ! Charcuter d'pauvres types agonisants dans cet enfer ! J'ai l'impression d'être un chien !
Voyez ça comme une m-mission de secou-courisme. Sauf qu'au l-lieu de sauver les s-survivants vous les achevez. Dans l'état où vos co-collègues les ont laissé, la différence est négligeable.
Bah ! On est pas les clebs du cipher pol, merde ! Pas vrai, lieutenant ?