Le directeur Elphias Jean Rotor commençait sa journée. Comme tous les matins, il prenait un café bien fort, un croissant, puis partait travailler. Il n’était en fonction dans la petite école primaire des lilas que depuis quelques mois, mais il s’y sentait bien. Les élèves à qui il enseignait chaque jour étaient prometteurs et il leur partageait avec la plus grande attention son savoir, et ses idées. Grand, athlétique et un peu grisonnant, un sourire charmeur sur le visage quasi constant, il aimait son travail. Faire cours à sa petite classe d’une vingtaine d’élèves tout en dirigeant l’établissement lui donnait l’impression du travail accompli.
En arrivant à l’école ce matin là, il ne put s’empêcher de s’arrêter quelques instants devant la grille pour observer son bien. Il n’habitait qu’à quelques dizaines de mètres de là, et pouvait voir de chez lui l’intégralité des bâtiments scolaires, mais la vue depuis le grillage le remplissait d’un certain sentiment de pouvoir. C’était son domaine et il y faisait ce qu’il désirait.
L’équipe pédagogique qu’il avait formée était composée de personnes de confiance, des gens qui partageaient les mêmes idées que lui et qui ne rechignaient pas aux quelques ajouts dans le programme qu’il avait pu faire. Son prédécesseur avait, selon lui, suivi trop conformément les directives gouvernementales et, à son goût, il n’était pas bon de se laisser guider béatement par une institution qui avait pour unique but de former ses futurs partisans, afin de continuer à diriger d’une main de fer ce monde qu’il jugeait en déclin.
M. Rotor n’aimait pas le gouvernement, c’était le moins qu’on puisse dire. Depuis sa plus tendre jeunesse il avait tenté par tous les moyens de contrer ce monstre de puissance et d’autorité, dont il n’aimait guère plus d’un aspect de la politique. Désormais, son nouveau défi était d’éduquer les jeunes à une nouvelle forme de pensée. Une pensée plus libre qui les mènerait à comprendre que, de toute évidence, le gouvernement mondial n’avait rien de bon à leur apporter, la Révolution, si.
« Bonjour Anabelle, lança Elphias en passant devant une des cantinières.
-Bonjour monsieur Rotor, beaucoup de travail aujourd’hui ?
-Oh, pas plus que d’habitude, nous allons nous pencher aujourd’hui, outre deux heures de Mathématiques approfondis, sur l’étude des douze péchés gouvernementaux puis nous nous attarderons sur les quatre vertus révolutionnaires.
-Ça m’a tout l’air d’être un bon programme ça, monsieur Rotor. »
Laissant à son travail sa collègue, il se dirigea vers la salle des professeurs pour y prendre un second café, secret de la réussite Révolutionnaire : un bon café pour bien se lever tôt, car comme le dit le dicton, l’avenir appartient aux gens qui se lèvent tôt. Assise derrière un journal, une jambe par-dessus l’autre, la charmante miss Girard lui adressa un bref signe de la main. Il n’avait jamais eu beaucoup de chance avec elle. Il la trouvait absolument ravissante, mais une foule de malentendus plutôt désastreux avaient conduit la demoiselle à ne pouvoir discuter avec Elphias que dans le cadre professionnel.
Elphias ayant fini par trouver une chaise qui lui convienne, portât son café brûlant à ses lèvres et continua d’observer du coin de l’oeil sa jeune collègue. Ses yeux verts surmontés d’une jolie paire de lunettes rondes posée négligemment sur le bout du nez la rendait tout à fait… Elle leva le regard quelques instants pour se passer la main dans sa large crinière brune et aussitôt, Elphias détourna le regard, s’intéressant subitement à une mouche qui agressait le plafonnier. Sara Girard n’était pas dupe, et elle s’apprêtait à lui lancer une réplique cinglante lorsqu’un troisième larron fit irruption dans la pièce.
« M’sieur le directeur, on a reçu du courrier ce matin, et… et…
-Calme toi Jeannot. Ça peut pas être bien grave.
-On a un gars qui vient présenter aux élèves le métier de Marin.
-SI ce n’est que ça. Je m’en chargerais Jeannot, tachez de vous montrer discret quant à nos idées communes. Je ferai passer le mot au reste de l’équipe enseignante. »
Qui donc pouvait bien avoir l’envie de faire découvrir un métier aussi moisi à des élèves aussi intelligents ? Il ne savait certainement pas à qui il avait affaire, et les quelques mauvaises idées que ce gars pourrait mettre dans la tête des gamins ne sauraient être longues à balayer, une fois l’incident écarté.
***
Le Denden a sonné ce matin, assez tôt, ma femme dormait encore. Ces cons-là m’envoient en mission dans une école, avec un type que je connais ni d’Eve, ni d’Adam, et avec pour unique but de vérifier si ce qu’on apprend aux gamins là-bas, est bien conforme à la ligne d’éducation du gouvernement. Ils voient le mal partout. Encore leur paranoïa au sujet des révos et des gens qui leur veulent du mal. J’ai grandi sur Cocoyashi, et j’ai jamais eu plus d’accrochages avec des Révos que partout ailleurs. J’vois pas pourquoi, subitement, on aurait une école gangrenée.
J’me dirige vers le port. Mon partenaire de mission doit arriver par là. J’espère qu’il sera sympa, j’en ai un peu marre de ces types un brin antipathiques avec qui la discussion va à sens unique. Les quais sont vides, ou presque, deux trois marchands de poissons qui déplacent des caissons, un cul d’jatte qui trimballe son corps en rampant, et à l’horizon, un navire.
Bon, plus qu’à attendre l’arrivée de celui-ci.
En arrivant à l’école ce matin là, il ne put s’empêcher de s’arrêter quelques instants devant la grille pour observer son bien. Il n’habitait qu’à quelques dizaines de mètres de là, et pouvait voir de chez lui l’intégralité des bâtiments scolaires, mais la vue depuis le grillage le remplissait d’un certain sentiment de pouvoir. C’était son domaine et il y faisait ce qu’il désirait.
L’équipe pédagogique qu’il avait formée était composée de personnes de confiance, des gens qui partageaient les mêmes idées que lui et qui ne rechignaient pas aux quelques ajouts dans le programme qu’il avait pu faire. Son prédécesseur avait, selon lui, suivi trop conformément les directives gouvernementales et, à son goût, il n’était pas bon de se laisser guider béatement par une institution qui avait pour unique but de former ses futurs partisans, afin de continuer à diriger d’une main de fer ce monde qu’il jugeait en déclin.
M. Rotor n’aimait pas le gouvernement, c’était le moins qu’on puisse dire. Depuis sa plus tendre jeunesse il avait tenté par tous les moyens de contrer ce monstre de puissance et d’autorité, dont il n’aimait guère plus d’un aspect de la politique. Désormais, son nouveau défi était d’éduquer les jeunes à une nouvelle forme de pensée. Une pensée plus libre qui les mènerait à comprendre que, de toute évidence, le gouvernement mondial n’avait rien de bon à leur apporter, la Révolution, si.
« Bonjour Anabelle, lança Elphias en passant devant une des cantinières.
-Bonjour monsieur Rotor, beaucoup de travail aujourd’hui ?
-Oh, pas plus que d’habitude, nous allons nous pencher aujourd’hui, outre deux heures de Mathématiques approfondis, sur l’étude des douze péchés gouvernementaux puis nous nous attarderons sur les quatre vertus révolutionnaires.
-Ça m’a tout l’air d’être un bon programme ça, monsieur Rotor. »
Laissant à son travail sa collègue, il se dirigea vers la salle des professeurs pour y prendre un second café, secret de la réussite Révolutionnaire : un bon café pour bien se lever tôt, car comme le dit le dicton, l’avenir appartient aux gens qui se lèvent tôt. Assise derrière un journal, une jambe par-dessus l’autre, la charmante miss Girard lui adressa un bref signe de la main. Il n’avait jamais eu beaucoup de chance avec elle. Il la trouvait absolument ravissante, mais une foule de malentendus plutôt désastreux avaient conduit la demoiselle à ne pouvoir discuter avec Elphias que dans le cadre professionnel.
Elphias ayant fini par trouver une chaise qui lui convienne, portât son café brûlant à ses lèvres et continua d’observer du coin de l’oeil sa jeune collègue. Ses yeux verts surmontés d’une jolie paire de lunettes rondes posée négligemment sur le bout du nez la rendait tout à fait… Elle leva le regard quelques instants pour se passer la main dans sa large crinière brune et aussitôt, Elphias détourna le regard, s’intéressant subitement à une mouche qui agressait le plafonnier. Sara Girard n’était pas dupe, et elle s’apprêtait à lui lancer une réplique cinglante lorsqu’un troisième larron fit irruption dans la pièce.
« M’sieur le directeur, on a reçu du courrier ce matin, et… et…
-Calme toi Jeannot. Ça peut pas être bien grave.
-On a un gars qui vient présenter aux élèves le métier de Marin.
-SI ce n’est que ça. Je m’en chargerais Jeannot, tachez de vous montrer discret quant à nos idées communes. Je ferai passer le mot au reste de l’équipe enseignante. »
Qui donc pouvait bien avoir l’envie de faire découvrir un métier aussi moisi à des élèves aussi intelligents ? Il ne savait certainement pas à qui il avait affaire, et les quelques mauvaises idées que ce gars pourrait mettre dans la tête des gamins ne sauraient être longues à balayer, une fois l’incident écarté.
***
Le Denden a sonné ce matin, assez tôt, ma femme dormait encore. Ces cons-là m’envoient en mission dans une école, avec un type que je connais ni d’Eve, ni d’Adam, et avec pour unique but de vérifier si ce qu’on apprend aux gamins là-bas, est bien conforme à la ligne d’éducation du gouvernement. Ils voient le mal partout. Encore leur paranoïa au sujet des révos et des gens qui leur veulent du mal. J’ai grandi sur Cocoyashi, et j’ai jamais eu plus d’accrochages avec des Révos que partout ailleurs. J’vois pas pourquoi, subitement, on aurait une école gangrenée.
J’me dirige vers le port. Mon partenaire de mission doit arriver par là. J’espère qu’il sera sympa, j’en ai un peu marre de ces types un brin antipathiques avec qui la discussion va à sens unique. Les quais sont vides, ou presque, deux trois marchands de poissons qui déplacent des caissons, un cul d’jatte qui trimballe son corps en rampant, et à l’horizon, un navire.
Bon, plus qu’à attendre l’arrivée de celui-ci.