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Une transaction pour un esclave

Le Royaume de Goa. En cette belle année de 1625, je dois admettre qu’il fait plutôt bon vivre ici. Je marche tranquillement dans la rue qui s’éveille sous l’œil fatigué de l’astre du jour. Une matinée douce et chaleureuse, qui nous promet un ciel sans nuages et des températures idéales pour de bonnes ballades. Hmmm, mon père a promis de me rembourser les frais nécessaires, mais il connaît mal le fournisseur… Je pense que je prendrais à boire dans un bar puis une bonne nuit à l’hôtel. Je lui raconterais des bobards et ça passera. Je soupire d’aise, enfin une bonne commande. Cela fait longtemps que mon père n’a pas passé commande à Goa, je dois donc aussi récupérer des infos sur les autres marchands, que ça soit leur prix, leurs marchandises ou tout ce qui peut être utile. Aaah… Il tient vraiment à surveiller le marché sur toutes les blues… Un jour, je devrais penser à utiliser son nom comme soutien si je fonde des commerces… Oui, une très bonne idée, je devrais la garder en mémoire.

Je continue de marcher une bonne partie de la matinée, j’ai de l’avance et j’ai envie de profiter. Goa est vraiment un beau royaume, cela ne sert à rien de le nier. Il s’éveille encore un peu et une heure plus tard, je vois les premiers debout en train de déambuler dans la rue. Je souris à la plupart et continue mon chemin vers la maison du marchand d’esclaves que je dois rencontrer. Je repasse un peu mes vêtements en revue, histoire de ne pas paraitre sortie d’une poubelle et je toque. L’attente commence… Je me demande combien de temps il va me faire attendre… Je suis patiente, mais je n’aime pas quand un marchand me prend de haut…
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Les premiers rayons de soleil trouvèrent leur chemin jusqu'à la fenêtre de la chambre. Diffractés par le verre, ces derniers se dispersèrent alors à travers la pièce, dans un magnifique arc en ciel de couleur. L'un d'eux, de couleur bleu, vint caresser le visage de la jeune dormeuse. Cette dernière ouvrit les yeux, dévoilant deux adorables prunelles rouges sang. Instinctivement, la jeune fille recula sa tête, tentant d'esquiver ce qui était pour elle une agression. Sa peau pale témoignait de son aversion pour l'astre solaire et ses délicieux rayons. S'extrayant de son cocon de couverture, la jeune esclave s'assit sur le bord du lit. Une nouvelle journée de servitude commençait pour elle. La nuit avait été paisible. Mario n'était pas venu la rejoindre cette nuit...

Se levant, Miya avança lentement vers la commode de sa chambre. Son corps nu était recouvert d'ecchymoses et de cicatrices. Il était nécessaire de le dissimuler sous des vêtements autant pour les bonnes mœurs que pour conserver l'illusion de la bonté de son maître. Ouvrant un des tiroirs, la jeune fille en tira une longue robe noire qu'elle revêtit. Puis, ce fut au tour de la coiffure. Faisant face au miroir de sa coiffeuse, Miya peigna ses longs cheveux à gauche et ses courts cheveux à droit. Parant ses cheveux de fleurs blanches déposées par une servante pendant son sommeil, la jeune apporta la touche finale à sa tenue par quelques bijou à ses doigts et à ses oreilles. Se levant, elle inspecta une dernière fois sa tenue avant de dissimuler sous sa robe ses deux Aquilas qu'elle fixa sur ses cuisses. Elle était enfin prête pour une nouvelle journée de servitude...

Sortant de sa chambre, Miya se dirigea d'un pas lent vers la salle à manger. En son centre, trônait une longue table recouverte de mets raffinés et luxueux. A peine arrivée, la jeune esclave alla s'installer juste à côté de la chaise de Mario. Restant droite comme une planche de bois, elle attendit ainsi sa venue, la tête baissée. L'attente dura une bonne heure avant que le gros marchand d'esclave n'arrive finalement pour s'installer à table. Ce dernier commença à manger gloutonnement sans même jeter un regard à son esclave, sans prononcer un seul mot. La jeune fille avait l'habitude. Son maître n'était pas du matin. Autour d'eux, les servantes s'activaient pour remplir les plats qui se vidaient de nourriture, happées par les couverts de Mario. Le repas s'éternisa et le ventre de Miya commença à gargouiller. Tant que son Maitre n'avait pas terminé, elle ne pouvait espérer aucune nourriture. Ce dernier entendit l'estomac de son esclave et la gifla, projetant des morceaux de poulet dans les airs. La jeune fille encaissa la gifle en tournant la tête, sans bouger d'un millimètre.

" Du silence pendant mon petit-déjeuner ! Qu'est-ce que c'est que ces manières Miya ?!! "

" Pardonnez-moi Maitre... " bredouilla-t-elle en reprenant sa position initiale.

Une des servantes se précipita pour ramasser les morceaux de poulet et s'éclipsa aussi vite, non s'en lancer un regard de compassion vers la jeune fille. Miya l'ignora, son éternel regard triste fixant le sol. Soudain, quelques coups retentirent depuis la porte d'entrée. Mario releva sa tête de son auge et postillonna, aspergeant le visage de la jeune fille avec de nouveaux morceaux de poulet.  

" Fient, fa doit... " Le marchand avala. " Ça doit être l'acheteur. Il devait arriver ce matin. Miya ! Va lui ouvrir ! Mais très lentement ! Faisons-le un peu attendre ! "

S'inclinant, Miya s’exécuta, se trainant jusqu'à la porte d'un pas très lent. Elle profita de tourner le dos à son maitre pour nettoyer sa figure et sa robe des morceaux de poulet, se rendant à nouveau présentable. Finalement, après de longues minutes Miya ouvrit la porte, dévoilant progressivement la silhouette du mystérieux acheteur. Ce dernier était en fait une acheteuse, comme elle le remarqua en levant à peine son regard. Les cheveux blancs sous un chapeau, vêtue d'un poncho sable et d'un pantalon en cuir, armées de deux pistolets et d'une lame courte. Sans relever le regard, Miya s'inclina en fermant brièvement les yeux.

" Soyez la bienvenue. Veuillez me suivre. Mon maitre attend votre venue. "

Se retournant, l'esclave invita la jeune femme à la suivre. Silencieuse, elle ignora les éventuelles paroles de cette dernière, la conduisant jusqu'à la salle à manger. Apercevant le duo arriver, le marchand d'esclaves releva la tête.

" Ah, mademoiselle, je vous attendais. Excusez-moi pour l'attente, mon esclave a encore trainé. Vous avez fait bon voyage ?" dit-il en octroyant une nouvelle gifle à la jeune fille ayant repris sa place auprès de lui. " Je vous rassure, le reste de ma marchandise est bien plus actif que celle-ci. D'ailleurs, pourquoi ne pas aller la voir tout de suite ? "

Mario se leva et s'apprêta à partir, jusqu'au moment où un serviteur vint à sa rencontre pour lui chuchoter quelque-chose à l'oreille. Le marchand grimaça. Il congédia le malheureux d'une vif geste de main et s'adressa à l'acheteuse.

" Veuillez m'excuser, un fâcheux contretemps. Partez devant avec Miya, elle vous servira de guide et vous fournira toutes les informations concernant la marchandise. Je vous rejoindrais plus tard. J'espère que vous comprenez."

Mario s’éclipsa et laissa les deux femmes seules. Une porte claqua et on entendit la puissante voix rageuse du marchand commencer à s'acharner sur le serviteur qui l'avait précédé. Miya n'y prêta aucune attention et s'approcha de la jeune femme. S'inclinant, elle l'invita de nouveau à la suivre.

" Veuillez me suivre. Je vais vous servir de guide et vous présenter la marchandise. Mon maitre ne tardera pas à nous rejoindre. "

Sans prononcer un mot de plus, Miya sortit de la maison en compagnie de la jeune femme, accusant un bref mouvement de recule lorsque son visage fut confronté à la lumière du jour. Reprenant sa position, la jeune fille se mit à chercher quelques pas devant l'acheteuse, s'assurant que cette dernière la suive bien. Dans quelques minutes, toutes deux arriveraient au port pour inspecter la marchandise...



    Une esclave m’ouvre lentement la porte et m’accueille. Une très belle jeune fille sur de nombreux points, mais elle reste une esclave, triste et vide. J’ai de la pitié pour elle, mais je me ressaisis. Si je montre de la compassion, je risque de me faire arnaquer. J’avance lentement en suivant l’esclave et j’arrive devant le maître… en plein repas. Immonde pourceau, traiter une affaire en mangeant sans même proposer de la nourriture à son invité, se moque-t-il de moi ? Par politesse, je l’écoute et me fends d’une légère révérence.

    -Messire Mario, merci de vous soucier de mon voyage et…

    Je n’ai même pas le temps de finir ma phrase qu’il m’invite, que dis-je : m’oblige, à aller inspecter la marchandise… Ben tiens, un marchand spécialisé se croyant supérieur à une Hyfilnor ? Amusant, on va bien voir qui est meilleur que l’autre. Soudain, il décide de me confier à son esclave, car il doit apparemment régler des problèmes personnels. En frappant et en criant sur ses esclaves ? Le pauvre, il va rapidement se retrouver sans plus personnes pour lui acheter sa marchandise cabossée… Je lâche un soupir et laisse l’esclave me guider. Nous avançons doucement quand j’entends soudain la voix d’un autre marchand d’esclaves.

    -Miya, c’est cela ? Suis-moi un petit moment, on fait un rapide détour.

    Je suis la voix et me retrouve rapidement face à un marchand d’esclaves dont les enchères commencent d’ici deux heures. Je prends le temps de regarder chaque esclave, de repérer ceux qui pourraient plaire au client de mon père et enfin, je note les bénéfices qu’ils peuvent m’apporter, sur un bout de papier. Finalement, je regarde mon guide de la journée.

    -Navrée, mais je me permets de jauger la concurrence et ainsi d’estimer ce que vous allez me proposer… Bien allons-y.

    Nous continuons, les cris des marchands d’êtres humains sont rapidement remplacés par ceux des poissonniers. La ballade continue dans un silence tellement macabre que je décide de briser le silence.

    -Alors, Miya… Tu travailles depuis longtemps pour lui ?

    La tentative est faible et pour m’assurer qu’elle me réponde, je m’assois sur le bord du canal, les jambes dans le vide. Je veux mieux connaître ce Mario avant de faire affaire avec lui… Et puis… Cette jeune femme pourrait m’apporter des sous… De manière assez conséquente.
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    Miya précédait la jeune femme et la guidait lentement vers les quais, lieu d'échange où le poisson se négociait aussi bien que l'humain. Là-bas, sur une imposante galère mouillant depuis quelques jours, se trouvait la fameuse marchandise promise par l’odieux marchand, marchandise de première qualité issue d'un voyage particulièrement fructueux. Le marché des esclaves était particulièrement rentable. Avec la ratification par de nombreux états de l'abolition de l'esclavage, les esclaves se révélaient être un produit de plus en plus rare. Pourtant, la demande ne cessait jamais de croitre et pouvait rapporter gros pour quiconque disposant d'une bonne offre.

    Fixant le sol de ses petites prunelles rouges comme à son habitude, Miya ressentait comme souvent un petit pincement au cœur en se dirigeant vers les quais. Là-bas, beaucoup de ses semblables attendaient d'être acheté et pour beaucoup, allaient connaitre l'Enfer auprès de leurs nouveaux acquéreurs. Le Royaume de Goa n'était pas réputé pour son bon traitement des esclaves. Si la bourgeoisie les utilisait comme serviteur, les dockers par exemple, les tuaient à la tâche en leur faisant décharger les galères ou nettoyer les cales. Dans ce dernier cas, l'usage du fouet était fréquent...

    Le trajet ne fut pas très long et déjà, on put entendre les premiers marchands hurler en faisant l'éloge de leurs marchandises. Ces hurlements n'échappèrent pas à Hylfinor qui invita l'esclave à faire un détour pour aller observer le stock d'esclaves d'un négociant. S'inclinant vers l'avant, docile, Miya emboita le pas à l'acheteuse.

    " A votre guise. " Dit-elle simplement.

    Quelques secondes plus tard, toutes deux se retrouvèrent devant le fameux négociant qui se perdait en boniments et annonçait que les enchères allaient débuter dans deux petites heures. Suivant docilement l'Acheteuse, Miya n'osa pas jeter un seul regard aux pauvres âmes agenouillées, enchainées, qui attendaient leur heure les yeux rougies de larmes. Parmi eux, se trouvaient des hommes robustes, mais aussi des femmes et des enfants, de tous horizons. L'esclavage ne connaissait aucune frontière.

    L'inspection paru durer des heures pour la jeune esclave qui s'inclina une nouvelle fois lorsque la fameuse Hylfinor décida d'y mettre un terme. Cette dernière expliqua qu'elle souhaitait garder un œil sur la concurrence pour mieux juger la qualité de la marchandise qui lui serait présentée. Miya aurait pu lui assurer que ce petit détour n'était pas nécessaire. En effet, elle savait d'expérience que les bons esclaves n'étaient pas exposés et ne faisaient que rarement l’œuvre d'une mise aux enchères. La qualité se payait et était réservée à l'élite. Tout acheteur sérieux s'adressait directement à un professionnel, comme l'était l'odieux Mario.

    " C'est tout naturel. " Dit-elle en effectuant une nouvelle courbette.

    La marche reprit et Miya guida à nouveau la jeune femme à travers les quais, essayant tant bien que mal de lui ouvrir la marche pour lui épargner toute bousculade. Finalement, les hurlements des négociants de chair fraîche laissèrent leurs places aux poissonniers, vantant avec le même vocabulaire la qualité de leur marchandise.

    Après quelques minutes d'un silence absolu entre les deux jeunes femmes, la galère fut finalement visible. Miya s’apprêta à s'engager sur le pont enjambant un petit canal et menant à une autre portion du quai mais s'arrêta nette en entendant la question de l'acheteuse. Cette dernière alla d'ailleurs s'asseoir au bord du canal, comme pour se reposer. Rebroussant chemin, Miya alla la rejoindre et se tint à côté d'elle, droite comme un i.

    " Oui. " Se contenta-t-elle de répondre.

    Néanmoins, la jeune esclave senti le regard de la Blonde se poser sur elle. Aussi, décida-t-elle d'être plus loquace.

    " Depuis trois ans. Désirez-vous savoir autre chose ? " Dit-elle, sentant que les questions de la jeune femme allaient se succéder.

    Écoutant la nouvelle question de la fameuse Hylfinor, l'attention de la jeune esclave fut soudain attirer par un bruit suspect juste derrière elles, le son d'une corde cédant. Ce dernier fut suivi d'un véritable brouhaha illustrant le basculement d'une charrette et la dégringolade d'un chargement de tonneau. L'un d'eux, se frayant un chemin en renversant plusieurs badauds, se dirigea alors vers Miya et Hylfinor. Voyant la menace arriver, l'esclave n'hésita pas une seule seconde et attrapa la jeune femme, avant de se jeter avec elle sur le côté. Un instant plus tard, le tonneau plongea dans le canal.

    Libérant la jeune femme de son étreinte, Miya se redressa et l'aida à se relever, en fixant le sol. Aux alentours, les gens se pressaient pour porter assistance aux victimes des tonneaux fous

    " Vous n'avez rien ? " Demanda-t-elle.

    Une fois relevée, l'esclave se perdit en excuses.

    " Veuillez me pardonner, pardonnez-moi, pardonnez-moi, pardonnez-moi... "

    Si son Maitre venait à apprendre qu'un tel incident s'était produit, la peau blanche de la jeune esclave serait probablement gratifiée de nouvelles cicatrices. L'acheteur était Roi, devait être protégé et ne devait souffrir d'aucun désagréments. Tels étaient les ordres de Mario.


      -Tu es toute pardonnée. Ne t’inquiète pas… Ils devraient faire attention à leur marchandise.

      Je souriais gentiment en tapotant la tête de l’esclave. Elle était douée, ça, on pouvait le dire. Je n’avais rien, mais apparemment ça gueulait de l’autre côté. Doucement, je m’approchais du tumulte, deux hommes en train de se quereller. Devant la charrette d’où provenait l’odeur de poisson à la fraîcheur douteuse. Je me tournais vers mon accompagnatrice.

      -Tu sais, qui sont ces gens ?

      Le tumulte ne cessait de croitre, ils allaient bientôt en venir aux mains, mais prenait déjà des témoins.

      -Ce con a coupé la corde !!
      -Menteur, elle a lâché toute seule ! Tu n’as qu’a acheter du matériel de qualité, déjà que ton poisson est pourri.
      -COMMENT CA IL EST POURRI MON POISSON ?!
      -IL L’EST !!!

      Le responsable des trésors de la mer se saisit d’une énorme truite qu’il utilisa comme massue pour frapper l’importun. Sa victime esquiva et la truite s’écrasa sur le visage d’un autre badaud qui se tenait à côté de lui. Aussitôt tout s’enchaîna très vite. Les hommes attrapèrent d’autres poissons et s’en servir pour frapper leurs voisins. Un enfant coupa la corne d’un narval tout frais et s’en servir pour frapper une vieille dame. Le chaos prenait forme et naissait dans ces combats absurdes. Les harengs et les thons volaient et je vis une raie Manta de petite taille voler en direction de ma guide. Par réflexe, je m’interpose et tente de l’attraper, mais elle s’écrase sur moi m’entraînant au sol. Je tombe sur ma guide et alors qu’un homme barbu et au ventre proéminent attrape la bête par la queue et la lance tel un lanceur de marteau au milieu de la bataille qui se rapproche dangereusement de nous.

      -On devrais s’en aller au plus vite, glissais-je à la pauvre Miya.

      Je l’aide à se relever, mais un poisson heurte ma nuque et manque de me refaire tomber.Le tumulte ne cessait de croitre, ils allaient bientôt en venir aux mains, mais prenait déjà des témoins. un poulpe encore vivant et apeuré… Tiens, c’est rigolo, quand je presse la tête, il jette un peu d’encre.

      -Miya, attrape un poisson, on va tenter de s’enfuir.

      Utilisant mon pistolet improvisé, j’asperge nos adversaires et fais signe à Miya d’attaquer. Nous ne devons pas rester là !
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      La catastrophe avait été évitée de peu. Bien qu'épargnée par le tonneau, la dénommée Hyfilnor avait tout de même été bousculée pour la jeune esclave. Néanmoins, cette dernière ne lui en tint pas rigueur, préférant la remercier chaleureusement et se plaindre du manque d'attention des marchands à l'égard de leur marchandise. Voyant, l'acheteuse se diriger vers l'origine de l’incident, Miya lui emboita le pas, moins curieuse qu'envieuse de veiller à la sécurité de son hôte. Un tel incident ne devait pas se reproduire. Arrivée à la hauteur de la charrette, la jeune fille aperçu deux hommes en train de se chamailler. Ces derniers étaient connus dans le port pour leurs querelles quasi quotidiennes, qui au mieux ne faisaient qu'attirer l'attention des passants et au pire s'achevaient en véritables émeutes. La Blonde demanda d'ailleurs à la jeune fille si cette dernière les connaissait. S'inclinant, Miya lui répondit:

      " Un poissonnier et un forgeron. Deux querelleurs réguliers. Leurs disputes ont tendance à dégénérer rapidement. Je ne saurais trop vous conseiller de nous en éloigner. "

      La suite des évènements donna rapidement raison à la jeune esclave. Un poisson, une esquive et une victime innocente plus tard, le chaos débuta. Chaque passant se retrouva bientôt armée d'un poisson ou tout autre instrument contondant visqueux. Les fruits de la mer commencèrent à pleuvoir. Attentive, Miya tenta de protéger tant bien que mal son hôte mais, cette dernière s'interposa volontairement pour intercepter un projectile lui étant destiné. Chutant au sol et entrainant la jeune fille avec elle, elle se vit ensuite débarrasser du dit projectile qu'un barbu ramassa pour le relancer dans la mêlée. Momentanément écrasée par son hôte, Miya accepta ensuite la main qui lui fut tendu pour se relever. Elle entendit alors l'Acheteuse répéter le conseil qu'elle lui avait elle-même donné quelques minutes plus tôt avant d'encaisser un nouveau projectile dans la nuque. Voyant le chaos gagner et l'intégrité de son hôte de plus en plus compromise, Miya passa une de ses mains dans son dos afin de se munir de ses aquilas. Néanmoins, Hyfilnor prôna une solution plus pacifique en s'armant d'un poulpe. Cette dernière commença d'ailleurs à asperger les éventuels adversaires qui se présentaient. Lui obéissant, la jeune esclave inspira profondément avant de se jeter dans la mêlée.

      Esquivant avec agilité les bagarreurs afin de rejoindre la Blonde, Miya récupéra au passages une corne de narval et un poisson qu'elle saisit par la queue. Habituée à manier des armes dignes de ce nom, la jeune esclave tenta tant bien que mal de se débrouiller avec ses armes de fortunes. Virevoltant au milieu de la mêlée, elle frappa avec précision, écartant les gens sur son chemin avec un coup de poisson sur la figure ou avec un bon coup de corne de narval derrière les genoux. Rejoignant l'Acheteuse, elle s'employa à la protéger et à lui frayer un chemin hors de la mêlée.

      Malgré son talent, la jeune esclave due encaisser quelques coups afin de remplir sa mission. S'extirpant de la mêlée avec Hyfilnor elle lâcha ses armes de fortune, soulagée d'être enfin sortie. Voyant l'état lamentable de sa robe et de se chevelure, Miya tenta de retrouver un peu de tenue en nettoyant sa robe et en désengluant ses cheveux. Posant ensuite son regard sur son hôte, elle remarqua que cette dernière n'avait plus l'air très fraiche non plus. Se portant à sa hauteur, Miya tenta de la nettoyer un peu.

      " Si vous pouviez taire ces derniers désagrément, je vous en serais éternellement reconnaissante. Mon Maitre ne tolère pas que je faillisse à ma mission. "

      Achevant sa tâche avec plus ou moins de succès, Miya interrogea la Blonde concernant la suite des évènements.

      " Souhaitez-vous que nous allions inspecter la marchandise à présent ? "

        -Mais ne t’inquiète pas petite, si tu souhaites garder le secret je me tairais… En échange, j’aimerais que tu me rendes un service le jour où j’en aurais besoin.

        Je lui souris gentiment. Cette pauvre petite est conditionnée et je sais qu’il y a peu de chances qu’elle accepte, mais qui ne tente rien n’a rien. Un bon marchand tire profit de chacune de ses actions, c’est une des maximes favorites de mon père et je compte bien l’utiliser à fond pour réussir mon plus grand objectif : Acheter le monde. Ambitieux n’est-ce pas ? Mais si je possède le monde j’aurais tout ce qui a de la valeur à portée de main, de mots, de regard… Aaah doux rêve merveilleux. Je me reconcentre sur ma pauvre guide pour lui essuyer doucement la joue des dernières traces de poissons avant de fouiller dans mon sac pour trouver de quoi refaire le maquillage que la bataille aurait pu enlever.

        -Ne bouge pas, je refais une ou deux retouches.

        Si elle veut absolument garder le secret, il vaut mieux pour elle que rien ne fasse douter son maître. Je me lève en douceur, gardant mon sourire bienfaisant. Elle pourrait me rapporter énormément. Une jolie somme scintille comme mille étoiles au-dessus de sa tête et j’aime énormément ça. Mais comment pourrait-elle m’apporter ces sous ? Elle semble être capable de se battre… Mais encore ?

        -Oui, allons voir cette marchandise.

        Alors que nous avançons au travers du port bondé, évitant les cargaisons et les marchands, je ne peux m’empêcher de lui poser plus de questions.

        -Miya… As-tu d’autres talents que le combat ? Des rêves peut-être ? Ton maître serait-il prêt à te vendre par hasard ?

        Une question anodine. Peut-être que l’acheter peut se révéler possible, et au moins je pourrais la garder à l’œil et trouver comment je pourrais concrétiser son potentiel monétaire.
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        La Blonde ne lui tint pas rigueur de cette mésaventure, mais lui demanda un service en retour de son silence. On reconnaissait bien là le caractère d'une habile négociante. Tirer profit de toutes les situations, même aux dépends d'une jeune esclave comme Miya. Pourtant, elle n'était pas responsable du déclenchement de cette émeute. Peut-être avait-elle seulement failli à la protéger dans cette mêlée poissonnière. Elle n'avait pas été formée à se battre avec une corne de narval et un poisson visqueux. Il s'agissait d'une faille dans l'éducation stricte qu'elle avait reçu dans la prestigieuse Maison d'esclaves. Néanmoins, cette éducation lui avait inculqué les bases du combat et notamment le maniement des armes. Domaine dans lequel la jeune fille avait excellé. Pourtant, il semblait bien que deux produits de la mer ne soient pas aussi efficaces que deux aquilas. Miya s'en voulait d'ailleurs intérieurement. Armée de ses deux aquilas, elle aurait probablement dispersé l'émeute, à grands coups de gerbes de sang. L’intégrité de l'hôte primait sur tout le reste. Néanmoins, les tâches de sang auraient été plus difficiles à enlever que la bave de poisson.

        Miya s'inclina lorsque Hyfilnor lui nettoya la joue avant de lui refaire une beauté avec du maquillage. La Blonde était consciencieuse.

        " Mon Maitre m'a chargé de veiller sur vous. Je suis donc techniquement à votre service.   "

        Miya emboita le pas à son hôte, heureuse que cette dernière se concentre enfin sur la marchandise. Toutes ces péripéties leur avaient fait prendre du retard. Il était possible que son maitre soit déjà sur le bateau en train d'enrager. A cette idée, la jeune esclave ne put s'empêcher de frissonner. Bien qu'elle ai l'habitude d'encaisser les crises de colère de son maitre et s'y était résolue, elle préférait les éviter. Cela prenait du temps tous les matins de camoufler les ecchymoses avec du maquillage blanc.

        Sur le chemin, alors qu'elles marchaient sur le port, Hyfilnor posa une question qui perturba quelque peu la jeune esclave. Cette dernière lança à l'acheteuse potentielle un bref regard de surprise avant de retrouver son visage impassible. Cherchant ses mots, elle finit par répondre :

        " Les esclaves n'ont pas de rêve. J'ai été éduquée dans la plus prestigieuse Maison d'esclaves de Goa. Je dispose donc de tous les talents nécessaires au confort et au bien être de mon maître. J'ai été formée pour répondre au moindre de ses désirs et pour correspondre à ses attentes. "

        Ces mots avaient été prononcés d'une voix monocorde. Comme une récitation. Pour cause, il s'agissait du discours qu'ont lui avait enseigné à la fameuse Maison et qu'elle devait réciter en cas de question sur ses compétences. Néanmoins, sa voix se fit plus vacillante lorsqu'elle répondit à la dernière question.

        " Vous pourrez poser cette question à mon Maitre lorsqu'il nous rejoindra. "

        Miya n'avait jamais envisagée d'être achetée par quelqu'un d'autre. Servir un autre Maitre que Mario ? Elle n'avait connu que cet homme cruel et violent. Mais pouvait-elle prétendre à une meilleure vie ? Elle était esclave. Que son Maitre soit bon ou méchant, elle était à son service. Pour le meilleur comme pour le pire. Elle était née pour servir, avait été formée pour servir et achetée pour servir. Elle n'avait connu que ça et ne connaitrait probablement que ça. Rêver à une vie meilleure était donc inutile.

        Miya mena Hyfilnor jusqu'au fameux navire. Elle remarqua d'ailleurs que son maître n'était pas encore arrivé. La menant jusqu'à la cale, elle entreprit donc de montrer la marchandise à l'acheteuse potentielle, lui donnant un catalogue qui contenait toutes les références des esclaves emprisonnés derrière d'imposants barreaux. Des musiciens, des cuisiniers, des gardes du corps, des chanteurs, des travailleurs, des serviteurs. Presque tous les corps de métiers étaient représentés. Même si aucun d'eux ne possédaient autant de qualité que celle qui dirigeait la visite. Néanmoins, il était peu probable que le vieux Mario ne consente à vendre sa précieuse esclave de luxe. Celle sur qui il avait passé tant de fois ses colères. Celle dont-il avait fait de la vie, un enfer quotidien.

        " Avez-vous besoin de davantage d'informations sur la marchandise ? Je pourrais vous orienter dans vos recherches. "

          Je continue d’observer les esclaves autour de nous. Tous avec le même regard vide, que celle qui m’a amené à bord. C’est triste. Oui, comme cela, ils seront efficaces, mais un homme qui renonce même à sa propre vie, qui n’a rien à défendre et qui accepte de tout subir… J’ai un souci avec ça. Les esclaves sont nécessaires, et même ils rapportent beaucoup. Mais s’il est une coquille vide, alors sa valeur est faible. Un esclave rêvant de liberté, prêt à satisfaire son maître pour l’obtenir voilà ce qui lui permet de quintuplé les bénéfices de son maître. Il suffit à ce dernier de bien traiter l’esclave et alors il acquière sa fidélité.

          Je soupire lentement. Une partie des prisonniers ne m’intéresse pas, une autre ne vaut pas assez selon mon œil pour que je réussisse à en faire quelque chose. Père espère un esclave pour des travaux, mais je n’en vois pas au premier coup d’œil, interrogeons donc ma guide.

          -Miya… Je recherche un esclave capable d’effectuer des travaux manuels très durs et cela durant de longue périodes. En bonne santé et un minimum instruit de préférence… Saurais-tu me conseiller ?

          Je lui souris alors qu’elle commence à m’indiquer certains esclaves. Je l’écoute d’une oreille discrète, plus occupé à la regarder qu’autre chose. Cette jeune fille est réellement magnifique, et à une certaine grâce dans ses mouvements. La bagarre au port m’a permis de m’assurer qu’elle a de bonnes bases dans l’art du combat, et je suis persuadée qu’elle dispose d’autres talents. La somme, juste énorme, qu’elle pourrait m’apporter me le prouve. Cette somme scintillante… Vibrante entre les 500 millions, voir le milliard quand je lui ai parlé de l’acheter. Sa voix avait même perdue un peu de ce ton monocorde. Oui. Acheter cette esclave serait la source d’un immense profit pour moi. Il va falloir que je trouve une solution pour convaincre son propriétaire. Mmmh… La réflexion sera longue.

          -Miya, que sais-tu faire d’autre ? Je vois bien que tu es une dame de compagnie surtout… Mais sais-tu faire autre chose que servir ? De la musique peut-être ? D’autres choses ?

          Oui, je me renseigne. Et cette fille est la plus à même de répondre à mes questions. Si elle finit par me dire tout son attirail de compétence, je suis persuadée que je trouverais un emploi à cette petite, un emploi qui me permettra de rentabiliser son achat, si son maître accepte de la vendre… Ce que, je pense, risque d’être compliqué. Mais le droit de rêver nous appartient tous n’est-ce pas ?
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          Les esclaves présents dans la cale excellaient tous dans un domaine particulier. Un acheteur lambda y trouverait assurément son compte. Néanmoins, la fameuse Hyfilnor n'était pas une acheteuse lambda. Son regard en disait long sur ses attentes et cela n'avait pas échappé à Miya qui lui avait rapidement proposé son aide afin d'affiner ses recherches. Cette dernière recherchait un esclave robuste, instruit, capable de prouesses physiques. Il en existait bien un qui correspondait à ces critères. Néanmoins, ce dernier n'était pas des plus dociles. Il avait rapidement été classé dans les "invendables" à cause de son caractère rebelle et belliqueux. La jeune esclave ne le présenterait qu'en dernier choix.

          " Oui, si vous voulez bien me suivre. "

          Miya s'inclina et présenta à la Blonde quelques esclaves remplissant au moins deux de ces critères, gardant le fameux rebelle pour la fin. Ce dernier ne serait sûrement pas ravi de la revoir. Présentant tour à tour les esclaves, Miya ne put s'empêcher de remarquer le regard qui pesait sur ses épaules. La fameuse Hyfilnor ne cessait de l'observer, semblant se désintéresser de la marchandise. La jeune esclave lui avait pourtant affirmé que seul son maitre pouvait décider de la vendre ou non. Ce que ce dernier ne ferait probablement pas. Il connaissait le potentiel de son esclave pour qui il avait déboursé une petite fortune.

          La Blonde revint une nouvelle fois à la charge. Elle l'interrogea sur les talents dont-elle pouvait disposer. Des talents au-delà du service. Miya s'apprêta à réciter une nouvelle fois le fameux discours appris à la Maison d'esclaves. Néanmoins, quelque-chose dans son esprit l'incita à lui répondre franchement.

          " Je possèdes quelques talents dans le chant, la musique et la danse. Je chante et je joue d'une flute que j'ai moi-même fabriqué. "

          La jeune esclave sortit ses deux Aquilas de son dos et les présenta à la marchande.

          " J'ai également été formée pour servir de bras armé à mon maitre. "

          Replaçant ses armes dans son dos bien dissimulés sous sa robe, elle montra ensuite sa flute en bois dont le son parvenait à calmer son maitre. Ce qui était en soit un petit exploit.

          " Mes autres talents sont semblables à ceux de n'importe qu'elle esclave de la Maison d'où je viens. La tenue, le service, la soumission, l'art culinaire, les soins du corps et de l'habitât, des notions de médecine, l'art de la couture, de la broderie et enfin l'art du plaisir. "

          Les derniers mots prononcés par la jeune esclave avaient fait quelque-peu vaciller sa voix. Les enseignements n'avaient été que théoriques mais la pratique était rapidement venue après son achat par son maitre.

          " Désirez-vous savoir autre chose ? "

          Même si le ton était resté le même, le regard de la jeune esclave avec quelque-peu évolué l'espace d'un instant. Ce dernier avait brièvement exprimé un soupçon de haine. Une haine non pas destinée à la fameuse Hyfilnor mais bien à son maitre et aux sévices physiques qu'il lui avait fait subir. Même si elle était habituée à la douleur, les gifles et les coups de poing n'étaient rien comparés à celle ressenti au cours de certaines nuits. Néanmoins, ce soupçon de haine avait disparu pour laisser sa place à la résignation. Miya demeurait une esclave, pour le meilleur et souvent pour le pire.

          Miya recommença à présenter les esclaves, avant de finalement mener la Blonde jusqu'au fameux rebelle. Ce dernier était un homme massif et musculeux vêtu d'un haillon marron. Sa taille était assez impressionnante et de lourdes chaines étaient nécessaires pour l'entraver. Une profonde cicatrice lui striait le front. Quand il aperçut la jeune esclave, il perdit instantanément son sang froid et tira sur ses chaines.

          " Toi ! Approche que je t'étripe ! Que je te fasse payer ça ! " Cria-t-il en désignant la cicatrice sur son front.

          Miya resta de marbre, croisant sans sourciller le regard de celui qu'elle avait elle-même affronté puis capturé lors du dernier voyage de son maitre. La jeune fille y avait laissé quelques plumes, mais avait fini par avoir le dessus. Intérieurement, elle s'en voulait d'avoir privé cet homme né libre de sa liberté. Miya ne souhaitait l'esclavage pour personne, mais elle ne pouvait désobéir à un ordre de son maitre. Ce dernier lui avait d'ailleurs ordonné de satisfaire les attentes de l'acheteuse potentiel. Ce qu'elle fit donc.

          " Celui-ci répond à l'ensemble de vos critères. Il est robuste, instruit, dispose de bonnes aptitudes physiques et d'une santé de fer. "

          Des planches se mirent à craquer sur le pont au-dessus de ce petit monde, accompagné de bruits de pas. Le fameux Mario venait d'arriver.