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Les aventures de la Justice au Far West.


…Et c'est comme ça, croyez-le ou non, compagnon bagnard, que je me suis retrouvé croupissant et défaillant ainsi engeôlé dans ce sordide endroit.
Cesse donc de m'importuner de tes miséreuses flagorneries de crevard fourbu, avant que je t'asperge de mes pouvoirs maléfiques ! Indigne carcasse faisandée !
Vous n'avez peut-être pas compris tous les tenants et les aboutissants de mon récit à l'exactitude indubitable, Baron. Laissez-moi vous le raconter une seconde fois.
Damné sois-tu par tes vices que j'encrasse de toute ma hargne, lieutenant pestiféré !


***


Un soleil de plomb écrase Bull Town sous sa sèche et torride lumière. Le long de l'unique rue de la ville s'alignent, grillés par les flammes de l'astre du jour, des bicoques desséchées et biscornues aux toits rapiécés, rafistolés, mais malgré tout mal isolés. Sur le porche de chaque bâtiments s'entassent des troupeaux de chaises berçantes, toutes prises d'assaut par des hommes bedonnants, portant salopettes et chapeaux, fumant cigares et buvant scotch ou brandy. Bull Town est assagie par les rayons insupportables de midi, si bien que Bill Buck Bill, tenancier du Fer à Cheval (l'original) -taverne ainsi nommée parce que son propriétaire assumait être le premier de l'île à avoir eu l'idée de nommer de la sorte son établissement, au détriment de ses soixante-treize autres compétiteurs assumant tous le même nom pour leurs institutions respectives- s'est résolu à lui-même fermer son comptoir durant quelques heures, ne pouvant supporter de travailler sous une telle chaleur.

Le chapeau en peau de vache bien vissé sur son crâne chauve, la moustache de morse aux longs poils noirs brossés bien en vue, celui que l'on surnomme communément sur l'île "BBB" est à son tour étendu sur une chaise berçante.  Ses yeux surplombés de sourcils touffus scrutent la rue déserte et s'ouvrent en grand lorsqu'une grande et mince silhouette se profile entre les bâtiments de Bull Town. Il met d'abord la faute sur l'air ondulant de chaleur avant de se frotter les yeux pour constater qu'effectivement, quelqu'un ose se promener à une heure pareille, sous un soleil pareil, dans un accoutrement pareil. Parce que c'est bel et bien l'accoutrement qui le fait, comme tant d'autres ayant aperçu le nouveau venu, se redresser de sa chaise. Un costume noir serti d'un haut-de-forme tout aussi sombre. Un haut-de-forme. Peu sont ceux qui portent un tel apparat sur Hat Island. Ici, ce sont les larges bords et les épaisses moustaches qui font office de conventions. Si bien qu'un mot, un seul, s'échappe des nombreuses lèvres humectées d'alcool des hommes de l'Ouest qui, chacun à leur tour, aperçoivent l'automate filiforme qui traverse Bull Town à pied.

Étranger.

La silhouette, désormais cible de tous les regards, s'arrête devant les portillons grinçants et battants du Tireur Sifflant. Un instant, seul l'air sec et brûlant semble encore s'agiter, alors que plus personne ne bouge sur l'unique avenue de la capitale de Hat Island. À l'intérieur du Tireur Sifflant, attablé dans l'ombre, un cigare rougeoie puis crache une épaisse et irrespirable bouffée puante. Les bottes du grand humanoïde chapeauté claquent sur le porche de la taverne avant que les typiques portes western ne grincent en le laissant pénétrer dans l'antre silencieuse. Dans l'ombre, le cigare rougeoie à nouveau, révélant un rictus appréciateur. Une voix fuse dans le silence de l'air suffoquant; même dans la sombre taverne on pourrait faire cuir un œuf sur une des nombreuses tables. Le ton est neutre, plat, mais racle les oreilles de son interlocuteur comme un caillou sur une ardoise.

Vous devez être Hector Gabril, le maire de Bull Town. Je suis le Lieutenant d'Élite Edwin Morneplume.

Un mouchoir fuse dans la main osseuse et fripée de Morneplume, vient essuyer son front couvert de sueur, puis retourne se couvrir dans la poche du costume sombre du Lieutenant. Pour une troisième fois, les braises du long cigare d'Hector Gabril brillent avant d'être noyées sous une épaisse déglutition de fumée. Dans l'ombre, Edwin devine le rictus du gras personnage aux cheveux gominés et à la moustache taillée qui le fixe avec l'air triomphant d'un ours dans sa propre tanière. Des quelques rayons filtrés par les stores tirés sur les fenêtres, un seul passe fugacement sur l'acier du colt posé sur la table avant de faire reluire les nombreuses bagues de la main posée sur l'arme. Un profond rire emboucané s'échappe lentement de la gorge du maire de Bull Town.




Méhéhohohoho… C'bien moi, Lieutenant Morneplume, méhé…
J'ai été envoyé en tant qu'émissaire spécial par le Commandant d'Élite Méphis Toffel afin d'enquêter sur la disparition des…
…trois derniers émissaires que l'gouvernement a envoyé ici pour faire d'la diplomatie.
C'est exact. Vous ne semblez donc pas vous détacher de leur manque à l'appel, monsieur le Maire ?
Mouais, on pourrait dire ça comme ça… maugrée l'homme dont les dents jaunies et la barbe mal rasée rendent encore moins fiable.
J'ai aussi remarqué que les croiseurs faisant escale sur votre île - et dont l'ordre était de convoyer de la façon la plus sécuritaire les représentants de la diplomatie gouvernementale - ne mouillent plus dans le port de Bull Town.
Mouais, ça aussi c't'un fait.
Laissez-moi vous apprendre, monsieur le Maire, que si j'ai été envoyé ici, c'est non seulement afin d'enquêter sur leur disparition, mais aussi afin de vous pousser à rejoindre l'assemblée des nations en jurant allégeance à la bannière du Gouvernement Mondial. Considérant votre réticence à entamer des pourparlers, l'État Major de North Blue a jugé pertinent de m'envoyer moi, une force de frappe de l'Élite, afin de consolider une entente faite à l'amiable.
Mouais, j'me disais aussi… Mhéhoho !

Son arme cliquète, ses épais sourcils bruns se froncent. En un éclair, le colt de Morneplume surgit dans l'ombre, alors que celui de Gabril se dresse vers la tête chapeautée du Lieutenant.

Considérant l'absence de coopération dont vous faites usage, Hector Gabril, je me dois de vous déclarer que vous êtes en état d'arrestation pour entrave à la diplomatie du Gouvernement.
Et moi, en tant qu'Maire, j'vous déclare en état d'arrestation pour m'avoir menacé, vieux con ! Hat Island c'est mon île ! Pigé ? J'ai pas b'soin qu'la Marine vienne me piquer la gestion ! Les gars…

Derrière Morneplume, quatre crans de sureté se relèvent de concert. Ils n'étaient pas seuls. Le regard glacial d'Edwin reste rivé sur la mine amusée de Gabril qui tète à nouveau son cigare, cette fois avec contentement.

Hm. Les Pistoleros, si je ne m'abuse. Vous êtes tous des pirates primés, votre affiliation avec Hector Gabril est désormais claire.
'p't'être un peu tard pour faire des constations, mon gars. Allez, embarquez-le, qu'on l'pende demain à midi. Ah, et trouvez un moyen d'sortir son bateau du port, qu'on l'envoie s'faire recycler de l'autre côté d'l'île.
Hm. Et bien, cette mission diplomatique commence à merveille.
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Je n'écoute pas ! Je n'écoute pas ! Tu bavasses dans le vide, scélérat ! Sors-moi plutôt de cet indigne piège à rats !
Et vous donc ? Vous disiez que vous étiez chasseur de têtes, c'est cela ? Qui donc vous a attiré dans la région ?
Je ne suis pas l'un de tes suspects, indélicat bachi-bouzouk, je te ferai ravaler tes questions par le FER et la MAGIE NOIRE !
Oh, j'oubliais. Ces pouvoirs dont vous parliez, peuvent-ils nous délivrer ?
Ghinhinhin ! Ce ne sont pas de pauvres barreaux que je sais briser, fossile galonné, mais les ESPRITS !
Hm. Dommage, je crains que nous ayons davantage besoin de force brute que d'esbroufe aujourd'hui.
Je... J'aurai poussé ce falot de Valérien jusqu'au suicide ! Me comprends-tu ? J'aurai inséminé en son âme friable la tortueuse PARESSE DE VIVRE ELLE-MÊME !
Je vois, Valérien. Une proie de choix en cette saison.
Tu m'as ! Tu m'as ôté les mots de l'esprit, charlatan déguenillé !
Il semblerait que vous vous êtes trahi tout seul, effectivement.
...
...


***

Oufff... Ça y est, p'tain, la pause bien méritée. J'ai la gorge plus sèche qu'un derrière de coyote.
Ouais, ouais. Ils sont bien au frais, les deux originaux, là ?
Yep, de la viande froide pour demain !
T'amèneras les gosses ?
Bien sûr, z'adorent mirer les pendus tournoyer comme des danseuses étoiles au bas d'leur corde ! Leur en faut peu, aux mômes...
J'empalerai vos crânes sur des piques et forcerai vos ignobles mouflets à les lécher comme des sucettes !
Oh non, il recommence...
Tu trouves pas ça dingue ? Tout à l'heure quand on l'a choppé, on l'a rattrapé en deux foulées, tout essoufflé, mais là, il a trouvé assez d'poumon pour insulter non-stop ma mère et mes gosses pendant une heure !
Ta progéniture dévergondée et la progéniture de ta progéniture deviendront mes laquais, tu entends ? Ils ramperont à mes bottes en me priant au nom de tous les dieux de te pardonner tes contrites manières d'écervelé manant !
Et y veut toujours pas mettre de chapeau, l'aliéné ?
Nan nan, on a laissé tombé, l'est irrécupérable. Il a mordu Bobby quand il a essayé d'lui en enfoncer un sur la caboche de force. On dirait qu'il préfère crever que s'plier à la loi. Y en a, j'vous jure...
Pardieu ! Ces métèques s'croient tout permis !
Tu connais pas la meilleure ! Quand on l'a amené au tribunal -pour rigoler-, il a tiré un rayon à la con sur Joe, not' bon juge. Lui qu'est si calme d'habitude, il est devenu enragé, il fonçait dans les bureaux en renversant des tables, en distribuant des coups d'marteau et en traitant tout l'monde de déchets. Pis il s'est même embrouillé avec le patron, mais comme une baston, c'aurait fait mauvais genre devant l'prisonnier, on s'est arrêtés là.
De toute façon, ce con, là, "Baron", comme il veut qu'on l'insulte, il ricanait comme une vieille hyène pendant ce temps, en traitant nos mamans d'plein d'noms bizarres. Dans l'doute, on s'est dit que c'était sûrement des trucs méchants. C'est là qu'on lui a foutu un taquet, parce que, bon, ça s'fait pas trop d'attaquer la famille d'inconnus comme ça.
Putain, j'blaire pas c'genre de zigoto. Ça vient faire la bringue par chez nous, ça dégueule sur nos bonnes vieilles traditions, puis ça s'permet d'faire passer les copains pour des cons !
Marre de c'clodo, ouaip ! Vivement qu'on l'pende !
Il a d'jolis fringues quand même, tu trouves pas ? L'a du piller une benne de nobliaux.
Ouais mais bon, j'dirais qu'ça fait une dizaine d'années qu'il les porte sans en changer... J'te les laisse volontiers.
Oublie pas d'fermer.


Et ce qui prétend être une porte, mordue par la crasse et l'oubli, grince puis claque, gémissant de tout ses gongs. Puis une clé vient violer sa serrure.

***

Qu'ouïe-je ? Ces bouseux ont déguerpi ? MARAUDS ! SI VOUS ÊTES SI TERRIFIÉS, POURQUOI DONC NE VIENDRIEZ VOUS PAS OUVRIR VOTRE CAGE EN IMPLORANT MON PARDON ? M'ENTENDEZ-VOUS ? JE CONSENTIRAI PEUT-ÊTRE A VOUS ÔTER VOS VIES ET SEULEMENT LES VÔTRES, SANS ÉVINCER DANS LE MÊME GESTE VOS FAMILLES, DANS CE GRAND NETTOYAGE QUE VOTRE PITEUSE CITÉ S'APPRÊTE A SUBIR !
Ils sont sortis.
Oh seigneur tout puissant, serait-ce une punition pour avoir rasé votre hideuse maison de joie sur Inari ? Pourquoi m'avoir flanqué d'un si outrecuidant bric ?


Pour un misérable chapeau, ces bouseux auraient pu se faire plus conciliant, tout de même, et retourner copuler avec leurs chevaux en silence en laissant les ceueilleurs de têtes s'acquitter gentillement de leur besogne ! Mais dans quel pore suintant de sable es-tu tombé, mon pauvre Balty ? Courir après la fortune t'emporte dans de bien piteux purgatoires, semble-t-il des contrées barbares que la civilisation n'est guère encore venue fouler et souiller de ses grandes bottes métallique et bruyantes. Les autochtones sont typiques de la caste des animaux dégénérés domestiqués par leurs propres coutumes, devenant bien dociles face à des traditions puisant leur source à travers des années et des siècles d'obscurantisme feignant.

Hinhinhin. Ils sont de véritables stéréotypes de gueux. De ceux qui répondaient à ton sifflet, à cette lointaine et si insouciante époque où nous étions encore tout les deux bien en vie, moi avec un coquet enrobage charnel, toi pas encore liché par tes ignobles bourdes et la déchéance. Tu te souviens ? Ces merdeux sont de véritables ténias dans l'intestin grêle du monde, minuscules mais causant d'atroces maux de ventre, et naturellement, s'empiffrant de la fange pour subsister. Tu m'as prouvé par mille fois que tu fais un bien médiocre antiparasitaire, Balty, malheureusement. Guérir le mal du monde n'est pas pour toi, tu préfères encore nager dans ses plaies !

L'affaire semblait pourtant juteuse, et ton idée prenait ses racines dans une logique tout à toi. Ce simplet de Maxwell, persuadé d'être rejeton de Toreshky, l'empereur qui fut trop occupé à rêvasser pour gérer convenablement ses territoires, te planta sans le savoir l'envie, dans le fertile terreau à idées noires qu'est ta cervelle, de t'accaparer un certain Valérien, primé à 17 millions, laquais du gros glaçon probablement éperdu et sans attaches depuis la perte de son ancien maître. Une opportunité enjôleuse de s'attaquer à une tête à la fois lourdement primée, et plus que jamais vulnérable... puisqu'il paraît que notre autrefois joyeux lièvre fuit aujourd'hui ses dernières responsabilités en plongeant tête la première dans les insondables abysses de l'alcool. 17 millions paralysés, ivres morts, dépressifs et n'attendant que leur ultime sentence comme tu attends ta libération ! Quel gâchis !

Te voilà entre les quatre murs d'un poulailler servant de prison à ces gueux, à l'ombre d'un blême... commissariat ? Tanière ? Taudis ? De bien fades terres, sur lesquelles tu vas peut-être mourir.

La paille hume un fort rustre parfum, celui du fumier raclé par le soleil du désert, vos couchettes ne donneraient assurément pas envie même à un bousier de se vautrer dessus. La pierre accueille les courants d'air, charriant sable et relents douteux, comme une vieille fille de joie ouvre ses secrets au premier péquin venu. Et lui, oh, Lui, ton nouveau compère ! Lieutenant Morneplume, s'est-il présenté. Où ont donc coulé ses expressions ? La chaleur lui a-t-elle fait fondre ses mimiques sur son visage de cire ? Toujours est-il que sa compagnie t'es cruellement désagréable; car s'il a l'étrange mérite de parvenir à arracher quelques degrés à l'atmosphère suante par cette glaciale résolution dont il émane, partager ton ultime logis avec l'un des molosses du gouvernement ne t'enchante que bien peu. L'as-tu entendu raconter son histoire en des mots semblant retracer l'épopée d'un "Juste" ? On dirait presque qu'il croît en ces sornettes. Mais si, ces chimères-là, Justice, Diplomatie... Ces carottes qui servent à précipiter les mulets dans le ravin du zèle bâté.

Bah ! Inari n'était peut-être pas si obscure comparée à cet environnement de chacals hypnotisés par de stupides traditions et des concepts dépassés, après tout !

Ultime logis. En es-tu certain, Balty ? Je t'ai connu plus combatif. Assez d'incriminer la chaleur ! Tu es ivre de paresse, Balty, ton esprit larvaire ne se repose sur de sauvages beuglements et creuses menaces, j'espère que cela ne va pas être encore à moi de t'extirper de ce pétrin dans lequel tu t'es laborieusement fourré ! Que fait le rat simplet dans sa cage, Balty ? Il tourne en rond et couinant, attend impatiemment sa mise à mort !

Toujours la poigne aux barreaux de ta petite cellule, tant bien que mal tentant de les arracher, de les déloger de ta route et, dans un reposant fantasme, de les enfoncer dans l'arrière-train de cette cohorte de jeunes porcs. Gémissant et hurlant comme un damné dans un enfer qui ne lui sied guère, cela fait bien quelques minutes que tu envahis les sordides geôles de ta rage résonnante. Et c'est un complet silence qui te répond, lourd et narquois, soutenu par le regard en flèches de notre lieutenant bénet.


Desclosez moi, pécores, et osez une nouvelle fois me manquer de respect et je jure sur les cent véroles des dragons célestes que je passerai votre lacrimable cité par les FLAMMES et par le SANG de vos familles !
J'essaimerai la mort, la guerre et la misère ! Le BARON BRIXIUS, retenez le nom du démon qui BOIRA avec délectation vos âmes viciées et éperdues !
...
...
Nos geôliers faisaient la sourde oreille.
Félicitation, maraud, tu sais au moins pointer les évidences !
Vous n'aviez pas besoin de vous égosiller. Ils n'ont probablement même pas compris vos menaces.

Oh, il est clair que ton hasardeux lexique, empruntant -volant- le langage chantant de la belle noblesse, devait voler bien haut, comparé aux bégaiements de la populace locale. Mais tu trébuches suffisamment souvent sur la barrière de la langue pour te passer volontiers d'un nouveau commentaire fort facultatif de ce bien arrogant officier qui se croit capable d'apprendre à un jeune singe que ses grimaces sont amateures et maladroites. Tu le sais, oh, tu le sais si bien, Balty, qu'hors de ta gorge les mots se dénudent de leur sens et deviennent démons dansants anarchiquement.

Je constate avec joie que nous sommes ici pour les mêmes raisons.
Et quelle genre de prétention te pousse à te déclarer comme mon égal ?
Je n'apprendrai pas à un chasseur expérimenté et renseigné tel que vous que les primés sont aussi nombreux que les grains de sable dans cette ville sans loi.
Oh, je te vois venir, rapace ! Mon butin ne sera pas divisible, autant que je ne te laisserai pas t'additionner à ma rayonnante gloire !
J'ai l'impression que vous n'avez effectivement guère prêté l'oreille à mon histoire, Baron. Auriez-vous besoin de l'entendre une nouvelle fois ?
Mordiable !
Mon unique motivation est de remplir ma mission et de présenter une démonstration de force à cette vermine en dératisant autant que possible Bull Town. C'est en cela que nos intérêts convergent.


Tu te laisses désirer, Balty, tu feins l'indifférence. Mais ces derniers jours, ton autonomie s'est bien effritée, et tu te sens subitement homme à multiplier les alliances imbéciles avec quelques sots pensant que leurs objectifs te travaillent. Tu m'interroges du regard, éveillant manifestement la curiosité de notre fanatique esclave du gouvernement. J'ai l'impression d'être mirée par un clébard affamé qui attend que je lui saupoudre quelques restes de bidoche dans la gueule ! Tu n'as pas été en mesure de t'échapper d'ici par toi-même, non, Balty ? Ni de tenir face aux hordes de gueux qui te sont tombés dessus en pleine rue dès lors qu'ils ont aperçu ton crâne graisseux nu de tout couvre-chef. Alors, ton instinct de survie le plus élémentaire devrait te donner la réponse à cette énigme, ce dilemme qui te ronge.

Tu as besoin de LUI pour SORTIR. N'est-ce pas ta toute première priorité ? Ne t'enlise pas dans ton orgueil, tu ne le mérites pas !


... Soit. Évadons-nous d'ici, et j'y songerai !
  • https://www.onepiece-requiem.net/t11506-fiche-du-baron
  • https://www.onepiece-requiem.net/t11172-le-baron-balthazar-b-brixius-et-sa-maman

Hm. Vous voilà bien coopératif, Baron. Je ne sais pas quel est l'ampleur du Mal qui vous ronge, mais il ne vous a pas amputé de votre bon sens.
Garde-toi de commenter mes choix, misérable et croulante canaille gouvernementale !

Le front toujours couvert de sueur, le chapeau indissociablement vissé sur sa tête, Morneplume se relève de toute son impressionnante hauteur. Il doit se pencher pour ne pas froisser son couvre-chef contre le suintant plafond, comme quoi en plus d'être mal accompagné dans la mort, il aurait eu à partager une cellule des plus inconfortables avec l'individu crotté et malade le traitant comme le plus ignoble des sous-fifre. Il apprendra à ses dépends, ce pauvre Baron, qu'on ne traîne pas Edwin Morneplume dans la boue. Il découvrira bien assez tôt que Morneplume préfère de loin les hommes efficaces et peu loquaces aux pleutres à la langue bien pendue. Toutefois, avant tout, ils doivent sortir d'ici. Et Morneplume patiente déjà dans ce cachot brûlant depuis assez longtemps à son goût. La nécessité de se faire des alliés en cette terre lui est apparue rapidement. Jamais il n'aurait cru qu'une population entière puisse être à ce point réticente à l'application du Bien et de la Civilisation en ces terres. De plus, lui-même ne se serait douté qu'autant de primitifs êtres humains puissent vouloir se soulever au nom du Chaos et du Mal… Tous ligués contre lui de par l'influence maligne de ce Gabril… Décidément, il devra se faire de nouveaux partenaires à travers cette île qu'il sait déjà très vaste, ses hommes à bord de son navire ayant probablement déjà tous été disposés. Le rapport ne serait pas exempt de tache, mais il serait complet et afficherait "mission accomplie" lorsque le Lieutenant aurait à rendre des comptes à l'État Major.

Il jette un regard derrière lui, toujours penché. D'une étroite fenêtre bardée de fer, donnant directement au niveau du sol, il constate que le commissariat lugubre et décrépit dans lequel lui et le Baron ont été confinés est adjacent à la rue principale de Bull Town. Fuir dans la ville ne devrait pas être un problème, c'est plutôt le moyen de la quitter qui, momentanément, échappe à Edwin. Peu importe, sortir d'abord, réfléchir ensuite.

Croulante canaille, dites-vous ? Sachez que je ne tiens pas mes titres de nulle part, Brixius.

Écume.

Ses jointures s'abattent sur les barreaux rouillés dans un claquement sonore. Le métal gémit, l'espace d'un court et maigre instant, puis c'est la barrière complète qui est éjectée de ses gonds. La carcasse de fer tordu s'écrase contre le mur face à la cellule, retombant dans un tintement sourd. La voie est libre devant Morneplume et Brixius, ce dernier affichant un air hésitant entre la surprise et la jubilation. Un instant, Edwin, sur ses gardes, dégaine son six-coups qu'il braque vers la porte grinçante, prévoyant une attaque, avant de se raviser. Personne. Le prisonniers doivent être rares, à Hat Island, puisque leurs geôliers n'ont même pas cru bon de leur retirer leurs armes, et encore moins de fermer à clé la porte les menant vers l'extérieur.

Mène la charge, je suivrai ton hargneuse fougue !
Hm.

Ils s'élancent dans les rues de Bull Town, sous les yeux tout de suite nombreux des badauds toujours bien affalés à l'ombre. D'abord, c'est le crâne découvert de Brixius qui attire l'attention. Ensuite, c'est la froide et mécanique silhouette de Morneplume qui sème le doute. Finalement, ce sont les cris des deux geôliers, désormais bien assis autour d'une choppe, qui ont tardivement fait d'alarmer les nombreux hommes de l'Ouest aux abords de la rue principale. Et dès lors, pour Morneplume et son compagnon d'infortune, c'est la débandade. Nombreux sont les hommes à tirer colts, canon-sciés, pistolets, winchesters et autres carabines et à plomb dont leur culture les a empêché de se départir.

Le premier à tirer est Bill Buck Bill qui, du porche de sa taverne (le Fer à cheval (l'original)) a une vue imprenable sur les deux fuyards. La longue bouche de son winchester s'étouffe un peu avant de cracher un épais nuage de fumée. La balle file, passe à un cheveux de départir Brixius d'une oreille, puis va s'écraser contre la choppe de M. Offman, propriétaire de la deuxième taverne du Fer à cheval, pile de l'autre côté de la rue.  

Apprends donc à viser, avant que je ne t'écornifle toi et toute ta descendance grâce à mes suprêmes pouvoirs psychiques !

L'épaisse moustache noire de BBB frémit alors qu'il fulmine et tire une nouvelle salve de plombs. Tous percent de profonds trous dans la façade de son concurrent et voisin d'en face. L'un des tirs les moins calibrés frappe d'ailleurs une des chaînes tenant l'enseigne du bar. Dans un fracas tonitruant, la plaque peinturée annonçant le Fer à cheval s'écroule dans la poussière. Sur le pas de son établissement, ledit M. Offman, les favoris grisonnant de colère, le teint rubicond de rage, n'hésite pas une seconde à volontairement manquer sa cible pour réduire en morceau l'une des fenêtres de BBB.

Foi d'Bill Buck Bill tu vas m'payer ça !
Foi d'Offman III tu vas goûter l'crottin d'mon beu !


Et progressivement plus que soudainement, les tirs s'enchaînent et s'échangent, ne visant même plus le Lieutenant et le Baron, mais réglant plutôt de vieilles querelles et de nouvelles rivalités dans le chaos de l'escapade des étrangers. Les balles fusent de part et d'autre de la rue, se fichent dans les barils, les murs, les fenêtres, le sable et la paille. Rapidement, Morneplume et Brixius ne sont plus que deux marathoniens traversant le plus aride et le plus violent parcours du combattant jamais pensé. L'un courant aussi rapidement que ses longues jambes peuvent le propulser, insensible au chaos environnant, l'autre sifflant et suant, sa voix rauque n'hésitant pas à narguer les tireurs à gauche comme à droite.

Et pourtant, au milieu de la folie ayant gagnée Bull Town, une silhouette se dresse au centre de la rue. C'est d'abord la tête d'un cheval qui, de l'intérieur d'un saloon, pousse les portes battantes avant de s'immiscer vers l'extérieur. Sur l'étalon, un homme baisse la tête, en sortant. Les yeux froids de Morneplume le détaillent alors qu'il arque un sourcil, constatant que l'homme était déjà en selle, même à l'intérieur du bâtiment. Soudain, il le reconnait, freine sa course et retient un Balthazar inattentif par le collet, l'empêchant de poursuivre sa route. Derrière eux, les bruits des tirs font toujours échos. Ils ont dépassé la zone dangereuse.

Le soleil dans le dos, la silhouette montée qui se présente face à eux est indescriptible, mais l'instinct de Morneplume ne lui ment pas, il reconnait le son que fait l'arme de l'homme lorsqu'il en retire le cran de sécurité.




Jackie Finnway. Cinquante-cinq millions. Il est un des célèbres Pistoleros de Hat Island. murmure Morneplume d'un ton rocailleux, sa main osseuse se serrant autour de son propre colt.

Haletant, au bord de l'évanouissement, Brixius tente quelques invectives à bout de souffle, puis abandonne au profit de sa respiration.

'Va falloir r'tourner en taule… les mecs.

Morneplume lui-même, d'habitude toujours insensible, ne peut s'empêcher de relever le timing parfait de la réplique de Finnway, dont un coup de vent providentiel est venu relever la tension surprenante enrobant son apparition. C'est entre autre par la faute d'un de ces brigands, un peu plus tôt, que Morneplume s'est retrouvé en prison. Ils sont forts, et il s'en doute. Voilà pourquoi il a besoin de l'aide d'engeance comme le Baron.

Une chose lui semble toutefois indéniable. Ils doivent fuir rapidement, car si Finnway se trouve ici, ses trois autres compères sont probablement aussi dans les environs.  

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Hinhinhin. A qui essayes-tu de parler, distillant dans tes halètements des vocalises désaccordées qui feraient passer un chant d'ivrogne pour un noble opéra ? Serait-ce à cette sale bête aux yeux braqués sur toi comme des phares rouges grésillants ? Le canasson vous toise d'un regard plus sombre encore que l'ombre dominante de son dédaigneux maître. Dédaigneux ? Existe-t-il un mot plus fort ? Il est une cerise d'orgueil sur une pièce montée de crasse et de vieux tissu. Finnway. Appelons-le Finnway, puisque c'est son nom ! Tu ne vas tout de même pas le laisser gâcher cette bien amusante évasion, Balty ? Je commençais à peine à esquisser un rictus... le cafouillis ambiant est un si surprenant délice ! Sommes-nous bel et bien dans une cité, apanage de la... "civilisation", ou ne serait-ce pas plutôt un cirque sédentaire ?

La... -keuf keuf !- carcasse de ton canasson sera ton tombeau, aigrefin de -erk !- AIGREFIN DE CHAPITEAU !
Parles à mon flingue, mec.


Et sa bouche à feu te crache en une détonation hurlante, une salade de petits plombs appétissante qui frôle ta trachée; cette trachée débordante de mots pourris. Balty...  Ton compagnon se pare de meilleurs réflexes, et déjà il se confronte aux sabots fous du cheval qui rue en hennissant comme un damné; si seulement il existe un enfer où ces sales bêtes finissent damnées, bien sûr, ce dont je ne doute pas. Le destrier fou secoue son croupion, enragé, il dévoile une spectaculaire dextérité. Dans ses sabots chaque phalange du gorille galonné s'encastre, se laisse dévier tandis que le cavalier là-haut se pare d'un rictus crasseux en t'observant serrer des dents à ses côtés. Comme si l'homme et la bête avaient fusionné en un bien vilain centaure, les soubresauts provoqué par le canasson en rut ne le gêne en rien dans le rechargement de son fusil, et déjà une nouvelle salve fulminante part te lécher les semelles.

Ça serait con qu'personne d'autre que nous vous voit crever. Soyez braves et rendez vous, les mecs.

Il déglutit vite son arrogance alors que sa monture se fait inquiète de l'ardeur du pion de cire à le transformer en tartare équin. Il dégaine deux nouvelles cartouches d'une sacoche pendouillante le long de sa ceinture, sans se douter qu'il est déjà trop tard. Car tu as la main, Balty ! Je t'en prie, tentes donc de surprendre ta vieille mère blasée avec tes petits sorts lumineux.

La racine de tous les maux ! Crime originel de la maudite race humaine !
Présentes-toi à moi, ORGUEIL, père obscène de l'infamie !

Abrèges. Moins évasif, plus dynamique !

SUPERBIA !

Tu décoches cette caractéristique vipère d'impureté blanche qui file se ficher dans... Tu plaisantes ? T'ai-je donc pondu avec les globuleux de travers ? Tu as visé son cheval, sotard ! Ébouriffant ! Ma crinière d'éther en frétille ! Tu es parvenu à manquer une cible qui se pavanait au bout de ton grand et hideux renifleur ! Une balourdise exceptionnelle ! Sidérante calembredaine qui assèche pour de bon le reste d'estime pour toi qui me stagnait dans le fond de mon instinct maternel !

Euh...
Que... Qu'est-ce qui t'arrive ? Oh, eh, c'est quoi c'putain de coup de mou ?! ... Chiasse ! CHIASSE !

Le chevalier de cuir vacille, son équilibre le fuit. Lui et son canasson s'abandonnent tout deux à l'implacable injonction de la gravité, qui leur ordonne de mordre à plein crocs l'aride et granuleux tapis du désert. Un bien... Un bien intriguant orgueil que tu lui as injecté là. Ses pupilles mi fermées, sa salive se déversant par cascade de son museau amorphe. Par ses naseaux, un ronflement rauque et las. Il est un moucheron sur la retorse toile de la Paresse. Nous en reparlerons, Balty. Tu maîtrises décidément aussi bien ton pouvoir que tes pulsions, les deux étant comme de l'énergie nucléaire dans le petit laboratoire d'un apprenti chimiste. Fort heureusement pour toi, une fois n'est pas coutume, les circonstances te pardonnent ta faute, et servent votre fuite...

Finnway, après s'être vulgairement étalé, se réinstalle sur ses deux jambes et peine, naturellement, à saisir ce qui vient d'arriver à sa farouche bestiole. Une poignées de secondes perdues dans ses questions, qu'il va payer au prix fort.


C'est quoi c'bordel, me...

Notre courtois molosse l'interrompt en l'un de ces jets de poing qui semblent composer la totalité de son fort banal -fort rustre- style de combat. Nous ne pouvons pas lui en vouloir. La marine n'apprend guère à ses pions à se déplacer en diagonale sur l'échiquier du monde. Au moins savent-ils bondir suffisamment brutalement sur leurs alters egos de l'autre côté pour les occire en un geste. Le Finnway roule dans le sable pour venir goûter le bois assaisonné aux termites formant le pallier du saloon. Il se relève en faisant l'appel de ses dents, et vous serez bien loin lorsqu'il cessera de mirer autour de lui tournoyer des étoiles.

...
N'est-ce pas ? Où vas-tu, infatigable andouille ?


Où allez-vous, Baron ?
Mordiable ! L'égorger avec ses propres cotes, bien sûr !
Si nous nous attardons ici, ses compagnons n'auront guère de mal à nous préparer une embuscade, si ce n'est pas déjà fait. Restez donc si vous souhaitez mourir, j'ai personnellement quelques desseins plus intéressants.
Mais ! Attends-moi, grossier boutefeu ! Que j'arrache ce faciès hautain hors de ta bilieuse figure !

Le regard du lieutenant s'obscurcit tandis qu'une détonation, un éternuement et le sifflement strident d'une balle, messagère de la mort, charge dans son haut-de-forme. Et ce chapeau raffiné qui paraissait bien grand, posé sur une cervelle dégarnie aussi ridiculement rachitique, voltige en pirouettes chaotiques à travers le vent, larguant ça et là quelques copeaux de lin meurtri.

Qu'était-ce ce tour d'illusionniste que je...
Leur sniper.

Il n'a guère besoin d'approfondir son analyse, et déjà il fonce vers la première couverture que lui offre les stries intercalées entre les bâtiments, et toi qui t'empresser d'emboîter ses pas, tremblotant comme un corbeau paniqué en pleine saison de chasse.

Un tour de magie à base de détonations, oui, c'est souvent l'oeuvre des impitoyables sorciers de la gâchette, qui arrachent l'une des trop nombreuses vies insouciantes de cette planète d'une simple pression, ni vu, ni connu. Alors même que la cervelle de la proie pouvait jouir d'un calme plat, la voici soudainement répandue d'une bien intrusive et impertinente balle de fusil. A la manière de la Mort qui bafoue les distances, omniprésente, et discrète jusqu'à ce qu'on la rencontre, le sharpnell du sniper convertit en un instant les kilomètres en l'épaisseur d'un cheveu de bambin, et précipite à l'improviste sa proie dans le grand ravin de l'outremonde.

Lâche ? Je trouve que c'est une bien amusante expertise, personnellement, que de savoir moissonner les vies avec l'impudence de la faucheuse.

Dans cette ombrageuse ruelle dans laquelle vous êtes réfugiés, les échos lointains traduisent l'animation de la ville qui grimpe petit à petit vers une apogée. Tandis qu'encore frémissants jusqu'aux racines de vos bronches, vous haletez, toi Balty éperdu dans ta spontanée confusion, lui Mornecroûte faisant le deuil de son arrogant haut-de-forme.

Alors. Pourquoi donc cette cartouche n'est pas partie directement à la rencontre du bulbe rachidien de notre endimanché charlot ? Était-ce un sarcastique tir de sommation ? Ou la transparente maladresse d'un tireur du dimanche ?


***

J'peste dur contre cette maudite morve qui m'coule des narines. Le grand dadais en premier, pis l'petit minet dans la foulée. C'aurait été un enchaînement parfait sans ces foutues allergies, leurs crânes auraient sautés comme des ballons à la foire.



Par l'pubis d'Valérien, crénom de rhume des foins ! Bah pardieu, c'est pas ma saison !

La crosse de Marguerite s'enfonce bien dans mon épaule, mes mirettes comprimées dans leurs orbites pénètrent ma chtite lunette. Paré à tirer. L'prochain tir sera l'bon, ou alors c'pas moi l'Prof. Allez Marguerite. Fais moi voir c'que t'as dans l'chargeur !
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Alors ? Comment comptes-tu me tirer de cette impasse, fourbe et bien veinard roturier ?!
C'est Cain Black, cinquante millions, il pourrait abattre une souris à cent mètres en pleine tempête de sable…
Sache que je n'accepterai pas de croupir dans ce trou à rat jusqu'à ce que l'on me localise, que l'on me castre et me pende, et ce, par ton incapacité à-
Je ne  vois d'autre moyen que de lui tendre une diversion.

Il dit ça, Morneplume, en posant une froide et lourde main sur l'épaule de son compagnon d'infortune. Une poigne solide qui a tôt fait de clore le bec du Baron. Il déglutit péniblement alors que Morneplume, lui, replace ses quelques cheveux grisonnants, faute de leur offrir un digne couvre-chef. Ses yeux s'habituent à la pénombre du couloir exigu entre les deux bâtisses, tandis que Brixius, lui, rumine de si noires pensées qu'elles pourraient avaler la pénombre de leurs gourmandes ténèbres. Il n'y a que peu d'objets utiles à-même le sol de la ruelle. Un vieux chariot aux essieux désaxés, des tessons de bouteilles, des colonies faramineuses de poussière, les restes du repas d'un vautour, de vieilles affiches de prime… et une lourde botte de foin. Les iris polaires d'Edwin s'y intéressent, il y a moyen d'utiliser l'épais agglomérat de brins séchés pour tenter une diversion, voire brouiller la vue du sniper.

Hm.

Morneplume se redresse, empoigne à deux mains le tas de foin avant de se diriger vers l'entrée de la ruelle, sous les yeux du Baron qui se met à nouveau à vociférer. Le Lieutenant s'appuie de dos contre le mur, pointant lentement le bout de son nez, à la manière d'un rongeur incertain, hors de sa cachette. L'air siffle, le son éclate, Edwin retire prestement sa tête au moment où une balle vient se ficher en pleine terre, à ses pieds. Moins une. Imperturbable, Morneplume examine l'angle avec lequel le plomb s'est enfoncé dans le sable, tentant du même fait d'estimer la position en hauteur du sniper…

Fieffé raton ! Cesseras-tu tes vaines simagrées !

Malgré les invectives redoublées du Baron à la verve retrouvée, Morneplume s'efforce de réfléchir, de comprendre. Sa Justice est bien mal outillée sur le terrain de jeu de ces hommes de l'Ouest, il doit se faire plus malin qu'eux s'il veut survivre…

Daigne entendre mes discours, stupide engeance vieillie !

Lancer la botte de foin à une hauteur optimale, voilà ce qu'il doit accomplir. Avec chance, elle fera obstacle au tireur le temps d'une fraction de secondes, juste assez pour qu'ils puissent prendre la poudre d'escampette… C'est un risque à prendre. Un coup à tenter.

Le sésame de notre escapade nous est révélé ! Brute inattentive !

Tiquant, Morneplume se retourne avec agacement vers son homologue. Le Baron, avec fierté, pointe une bouche d'égout, échappatoire révélé par la botte de foin qu'Edwin avait lui-même déplacé.

Eh bien. Ma foi, filons. murmure froidement Morneplume en laissant l'objet de ses réflexions retomber au sol. Ses poignes tordent et arrachent le fer leur bloquant l'entrée des canalisations, puis tous deux s'y enfoncent, avec pour seul lumière les braises d'une cigarette nouvellement allumée. Leurs bottes se salissent dans les eaux stagnantes d'un tunnel humide aux odeurs irrespirables. Le clapotis de leurs pas ricoche et se répercute à l'infini dans le boyau nauséabond à la chaleur tout aussi insupportable qu'à la surface.

Dites-moi, Brixius, d'où vous sont venues ces étranges pouvoirs que vous avez libérés, face à Finnway ?
Nigaud ! Ce sont mes suprêmes capacités démoniaques ! Je les ai acquises en DÉVORANT un puissant DÉMON ! Je possède l'hégémonie totale sur les vices et les faiblesses d'esprit de tous les pécheurs et les mécréants DU MONDE !

Morneplume se retourne vers le Baron qui, à sa suite, cesse subitement de jubiler lorsque les deux pupilles mortifères du Lieutenant l'écrasent avec froideur. La lumière sale de la cigarette éclaire faiblement les traits de l'homme de l'Élite, lui donnant l'air lugubre d'un cadavre beaucoup trop vivant. Brixius déglutit. Morneplume crache un nuage de nicotine.

Hm. Je vois.  À la bonne heure. Sachez donc que si vous osez en faire usage sur ma personne, je vous tuerai, Brixius.

Un doute poignant vient momentanément noyer les yeux vitreux de Balthazar, le temps que sa langue sulfureuse ne se remette à crachoter, avec bien moins de conviction, quelques lignes shakespeariennes.

Crois-tu que tes menaces soufflent assez fort pour m'arracher mon... ma... bravoure... babille-t-il avec une hargne incertaine.

D'un air toujours cireux, illisible, Morneplume reprend sa marche.

Évidemment, couard défroqué, fuir est ta seule réponse !


***





Il attend, adossé contre un tas de caisse, en bordure de Bull Town. Il attend, adossé, tout près de cet énorme navire monté sur roues. Une ancre colossale s'est abattue dans la terre sèche du désert, alors que les voiles du galion se sont refermées sous les efforts des marins à son bord. Une bande de cowboys arrivant tout droit d'Exact Town, avec à bord une cargaison inestimable pour Deckard White qui, fébrilement, accueille un coffre que lui remet un des marchands du navire. Il l'attend depuis des mois enfin, cette perle rare tout droit importée de South Blue, tissée dans le plus fin des tissus. Jamais son cou ne pourrait se délecter d'une si diaphane texture, d'une si enveloppante douceur… Les poils de sa barbe taillée se dressent, à l'ombre de son large chapeau, lorsqu'il entrouvre le caisson pour en vérifier le contenu. Un nouveau foulard ! Enfin ! Une énième divine pièce vestimentaire dont il pourra sertir son frêle et faible cou !

Déjà, les hommes du navire, stationné momentanément à l'orée de Bull Town, tout près du désert, se préparent à repartir. Ils fileront vers Corporation Entreprise, là où de nouvelles cargaisons les attendent. White, lui, pourra revenir calmement vers Bull Town pour essayer son nouvel…

Hm. Nous voilà tiré d'affaire.

Prononce Morneplume lorsqu'il écarte le couvercle de l'égout. Il s'extirpe, à l'orée de la ville, sous les yeux de Deckard White, suivit de Balthazar qui, à son tour, quitte les profondeurs des canalisations qui, bizarrement, ont l'absurdité de s'étendre jusqu'aux limites de la ville.

L'œil affûté de White reconnait Morneplume, ses écharpes, comme soudainement animées de la même surprise que leur propriétaire, se dressent vers les cieux comme des serpents effarouchés. Deux holsters se vident, l'un appartenant à Morneplume, l'autre à White.

Les mains en l'air.
C'est ma réplique ça !
Deckard White, quarante-cinq millions. affirme Morneplume à Brixius qui lui, tente de nettoyer ses bottes trempée contre le sol. Les yeux du Baron se soulèvent, fixent les foulards flottants, puis se rivent vers l'énorme galion roulant qui se trouve à quelques enjambées de leur trio.

Diantre fortune purulente ! Réquisitionnons cette monture et quittons ce tertre sordide et primitif !

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Serait-ce un humain écharpe ? Ou une écharpe humaine ? Nous voyons décidément de tout en ce bas monde, oh ! Le tourisme extra-corporel est tellement instructif...

Il vous fait parvenir sa réticence à vous laisser embarquer sur le rafiot à roulettes, d'une sincère cabriole l'installant sur votre passage; et ses lambeaux de tissus s'agitant un à un comme les tentacules d'un poulpe croulant sous ses appendices.


Retournes à ton chapiteau, bouffon de foire ! A moins que tu ne veuilles que nous vérifions ensemble si tes intestins sont suffisamment longs pour contenir tes kilomètres de tissus ?
Je ne crois pas que nous ayons le temps pour ça, Baron.
Est-ce le second degré qui te fuit ou toi qui le renie, mécréant ?
Héhé, "bouffon", tu dis ? C'pas plutôt vous les clowns ?


Il t'en faut toujours bien pour t'arracher la langue, Balty, aussi alors que tu amorçais une nouvelle décharge d'insanités, ton compagnon, toujours aussi froid, rigide et toxique qu'une statue de plomb, lève son mousquet et lui fait cracher sa glaire dans une assourdissante détonation, tout en s'élançant derrière sa balle puisque, bien évidemment, pourquoi se servir de son arme de service lorsqu'on a les poings montés sur des muscles de gorille ?

Le mollusque de soie, White, c'est cela ? Se transforme en une leste toupie fouettant le vent qu'il enfante, tout près de lacérer un Morneplume bien imprudent. Contre toute attente, au lieu de te servir de tes nouveaux joujous tranchants pour débroussailler la jungle de foulards que l'original déploie tout autour de lui, tu préfères reculer de bruyants pas pour te pavaner en l'observant, le lieutenant à l'arrogance tapie sous les décombres de sa conscience, déchirer laborieusement à mains nues les écharpes batifolantes.

Là-haut sur le navire, les "marins", si l'on peut qualifier ces bouseux défroqués ainsi, se font hilares et aussitôt, se lancent dans de puérils paris. Bon. Alors, Balty, cette offensive ? Pour aujourd'hui ou pour demain ? Je ne voudrais pas bivouaquer devant tout ces babouins ricanant sous leurs ridicules chapeaux de paille dignes des rois des pirates. Et cela est bien loin d'être une éloge sorti de mes mots : le roi des ordures reste une ordure, peu importe le poids de sa couronne...

... Bon, Balty. FAIS QUELQUE CHOSE ! Cesse d'exhiber tes chicots rieurs !


Regarde les se démener, Maman ! Comme des éléphants au cirque ! Alors qu'il me suffit d'une touche de sorcellerie pour placer un point final à leur lamentable escarmouche !

... est-ce bien sérieux, Balty ? Tu ne parviens déjà pas à moucher un vieux buffle ronflant juste sous tes globuleux, alors un roquet hystérique en plein pugilat... ? ... A moins que ça ne soit ton orgueil blessé qui a besoin d'un pansement ? Le méchant marine croulant t'a vexé, mon pauvre petit diablotin, en te menaçant de t'infliger un décès si tu jouais avec le feu, et tu as besoin de provoquer des départs d'incendie pour attirer son attention et regonfler tes testicules crevées ?

Perds-toi, à ton tour, dans les méandres de la paresse, manant !
ACEDIA !


Si j'avais encore des poumons, j'expirerais tout l'air de mon corps en un profond soupir. As-tu vu ? Qui tu as touché ? Non, tu pourrais tout aussi bien viser les yeux arrachés de leurs glaireuses orbites que le résultat n'aurait guère été différent. C'est notre crasseux Morneplomb qui s'est reçu ta chatoyante flèche d'amour. Et ta "paresse", dirait-on, l'a bien remonté. Hinhinhin. Il grince des crocs et ses poings deviennent implacables marteaux ! Sa violence jusque là froide devient crépitante, et ses frappes se désorganisent pour n'être plus qu'averse de chaos aveugle !

Impossible... C'est bien les flux de paresse que j'ai invoqué en mes mains, je ne...

Peu m'importe, mon indécrottable jocrisse ! Une nouvelle fois, tu offres un agréable deus ex machina tout droit pondu par ta lourderie à une situation fort tendue. Cesses de parier contre le sort ainsi, Balty ! La loi des séries aura tôt fait de te surprendre en train de tricher avec ta poisse !

Putain, t'es un fou toi, hein ?

Il plie sous sa rage, sans capituler. Un poing par-ci dévié par une salvatrice écharpe, un autre sac de phalanges et de haine par-là qui déchiquete un foulard sur sa route. Sa virulence silencieuse se traduit amplement par la discordance de sa tornade de colère; qui rapidement emporte dans une danse macabre notre brave matassin, dès lors qu'il ose se prendre son premier coup dans le ventre que ses couches débordantes de tissu amortissent tant bien que mal, tandis qu'un second part rapidement en renfort au front. Dans son front, lui qui est nu, n'est couvert d'aucun artifice.

Une roulade défensive lui évite une fatale dégringolade tandis qu'il voltige; au lieu de s'encastrer dans la coque du rafiot, il parvient à retomber sur ses pattes sur votre côté. Sonné, ses écharpes, telles un nid de cobras sifflants enroulés sur eux-mêmes, semblent protéger ardemment leur maître en tâchant un à un de s'enrouler autour d'un Mornecroûte vibrant de colère; initiative inutile s'il en est puisque sa force réduit en charpie chacun des impétueux foulards, mais qui offre un temps de repli précieux à notre apeuré White, qui repart dans sa cité de crasseux, le souffle du vent brûlant mettant bien en valeur le carnage infligé à sa seconde peau d'écharpes, s'arrachant peu à peu par vagues de lambeaux. La main crispée sur l'une de ses étoffes miteuses, on l'entend une dernière fois vociférer au loin.


Ouais. T'es un fou. Bordel. Déchirée. DÉCHIRÉE, MERDE ! ELLE ÉTAIT NEUVE ! ELLE AVAIT TOUTE LA VIE DEVANT ELLE, PUTAIN ! RENFORTS ! RENFORTS ! MAIS ARRÊTEZ D'VOUS CANARDER ENTRE VOUS, BANDE DE CONS !

Il s'envole innocemment mais notre preux justicier aux poings bien impartiaux ne le poursuit pas... Hinhinhin. Sûrement son ire est désormais accrochée à une autre malheureuse âme en attente de son jugement à base d'os brisés et de cervelle broyée ? Non ? Tu ne vois vraiment pas, Balty ? Tu te dandines fièrement, paradant  même devant les péons dont les ricanements redoublent d'intensité, là-haut sur le rafiot. Quelle hideux paon tu fais, Balty !

Et... Oh, non... Serais-tu assez stupide pour... Ah, eh bien si. Tes mirettes brillantes, brunes mais pétillantes comme de la matière fécales qu'on se serait appliqués à lustrer, se tournent triomphantes vers ton compagnon soldat de plomb, qui lui aussi s'avance d'un pas battant en ta direction.


Alors, vieux bénet ? Ma sorcellerie subtilement calculée ne t'a-t-elle pas serv... ARGL !

Cette poigne qui te comprime la gorge à t'en réduire la trachée en fil d'airain semble t'indiquer que, hm, non, tu ne peux guère faire passer ta gaffe pour du génie, ce serait aussi remarquable que le talent d'un commercial à vendre du pinard bourré de toxines jusqu'au goulot aux indigents. Bien. Ce fut amusant de suivre le flot de ta pathétique existence, Balty. Je t'attends dans l'outremonde, cela ne devrait plus tarder. Car alors qu'il te voyait porter ta paluche à ta ceinture en direction de ton poignard dissimulé sous ton veston, son autre bras vient menotter le tien. Et te voici, parfaitement immobile, la tête gonflée comme un ballon de baudruche rouge.

... sa rage change de cap, subitement. Te voici relâché, t'écroulant les quatre fers en l'air, haletant, palpant tes veines boursouflées.


Voyez, Brixius, j'ai failli perdre le contrôle de moi-même. C'est un pouvoir fort dangereux que vous tenez là; et un pouvoir dangereux entre les mains d'un imbécile devient vite un désastre incontrôlable. Vous ne l'utiliserez plus sans mon autorisation, désormais.

Parce qu'à la prochaine sournoiserie de votre part, je me résignerai à accomplir seul ma mission, tandis que vous; vous nourrirez les vautours. J'espère que cette fois-ci, le message est bien passé. A bon entendeur.

Maintenant, nous embarquons pour Exact Town. Et je ne veux pas vous réentendre jacter de toute la traversée.


Hinhinhin. Tu le suis, tu emboîtes ses pas tandis qu'il grimpe sur le ponton de cet étrange vaisseau à roulettes, sans un mot, suite à ton ablation totale de tes tripes descendante jusqu'à tes roubignoles. Un remarquable chirurgien, ce Mornecroûte. Il est parvenu à t'extraire ton arrogance présomptueuse en une simple et vile tirade. Une performance que je suis la seule à savoir surpasser. Félicitations ! Ce vieux boute-en-train a gagné une minute de mon respect.

Hum. Ou plutôt, dix secondes, c'est largement suffisant. Ce rustre reste un primate ultraviolent auquel un ahuri, un simplet ou un inconscient, voire peut-être un esprit absolument machiavélique, a donné une pincée d'autorité. Pourquoi s'entache-t-il d'une canaille tel que toi, déjà ? Est-il à ce point naïf pour ne point se rendre compte que tu ne constitues plus un allié, mais un chacal à l'orgueil grognant ?

Ta tête a toujours été une cible crasseuse sur lequel le destin s'entraînait à tirer sa foudre, Balty, comme ce sniper gauche devait s'amuser à dégommer des canettes pour exercer sa précision fort déshéritée. Ton statut n'est plus, depuis bien longtemps, ce talisman qui t'épargnait les problèmes -autres que ceux du domaine qui te passaient au-dessus de la tête comme une volée de corbeaux, bien entendu, bouffon !- et semblait conférer à ta vie une trajectoire droite sur une route plate. Aujourd'hui tandis que tu dois enfin négocier virages revêches et pentes indécentes, le contrôle de ton existence t'échappe totalement; ta chance fuit ton visage sculpté à la truelle dans la cire d'une bougie morte. Je ne suis pas dupe, oh que non, nous percevons les faits dénudés de tout déguisement depuis l'outremonde, le savais-tu ? Je la vois. Ta terreur. Se faufilant sous ta peau, se nourrissant de ton psychotique passé. Le lieutenant Morneplume inspire une profonde frayeur à un âne qui n'a jamais connu que la brutalité physique et verbale comme moyen d'expression.

Fascinant. Mais l'expérience m'a appris -à mes dépens- qu'essayer de te museler n'est que retarder l'échéance de ton explosion de rancoeur, fils ingrat et matricide...

Ils se rassemblent autour de vous, bien moins rigolards qu'avant d'assister à ta fausse agonie. Tu restes dans l'ombre de la bestiale créature d'acier, qui écrase l'assistance d'une inquiétante aura.

Lieutenant d'élite Morneplume. Je réquisitionne ce navire. Que le capitaine se désigne.
Y a pas d'captain.
Si si, c'moi !
T'es bourré h24, ducon, comment tu voudrais être captain ?
Euh... L'oncle du fils de ma cousine est maire d'Exact Town !
Ah ouais... P'tain, la consanguinité, c'est d'la triche...
Bon d'accord. C'est lui l'captain. On y avait jamais trop réfléchi avant. Pourquoi ?
C'est pas n'importe qui attention hein, c'est l'cousin du père de...
D'Exact Town, j'ai entendu. Vous allez nous y emmener, sans plus discuter. Exécution.


Mollement, ce chenil de clébards boiteux, probablement la lie de la lie de Hat Island, s'affaire à manoeuvrer ce curieux tas de bois moisi monté sur roues. Qui aurait cru qu'une civilisation de cossards puisse avoir découvert par elle-même l'ingéniosité de la roue ? J'aurais plutôt misé sur des chariots à roues carrés traînés par des buffles, cela aurait été plus en accord avec leurs portraits de demeurés desquels ne sortent qu'une haleine chargée d'éthanol qui charrie quelques jurons. Mère Nature n'a décidément pas gâté ces vermineux...
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Les portes battantes grincent. Trois fois. Silhouettes à contre-jour, ils sont trois hommes chapeautés et un cheval à pénétrer l'intérieur sombre du saloon. Assis à une table, les deux pieds posés sur celle-ci, Hector Gabril, auréolé d'un toxique nuage de fumée, un cigare bien enfourné en bouche, arque un sourcil. Finnway, affaissé contre sa monture qui elle aussi affiche un air piteux. Cain Black, Marguerite rangée dans son dos, un mouchoir contre le nez, affiche un rictus déçu que sa dentition massacrée n'hésite pas à enlaidir. Deckard White, lui, enrobé dans ses foulards frémissants, est couvert de poussière et d'ecchymoses, visiblement amoché. À la vue de l'humeur pathétique de ses lieutenants, le front du maire de Bull Town est scindé par de nombreuses rides coléreuses. Son moustavori frémit alors qu'il crache une nouvelle bouffée de cigare avant d'attendre une explication de ses hommes.

Y s'sont tirés… avance craintivement un Deckard White aux écharpes effilochées.
Le rhume des foins… grommelle le vieux Prof en caressant son sniper.
Ses pouvoirs magiques… mec… maugrée Finnway, Bibliothèque, son destrier, acquiesçant d'un faible hennissement.

CRRRAC ! Le poing d'Hector Gabril percute la table avec une force inouïe, fendant le bois en deux dans un craquement horrible. Sous le choc, ses trois hommes de main -et le cheval- sursautent de concert. À travers la boucane de son cigare puant, les yeux de Gabril fusillent chacun de ses lieutenants avec une colère profonde. Il se met à rager, à japper si fort qu'il en broie le tabac de son cigare à chaque parole.

LE RHUME DES FOINS ? DES POUVOIRS MAGIQUES ? VOUS VOUS FOUTEZ D'MOI LES GARS ? C'EST ÇA ? DEUX PAUV' ÉTRANGERS !

Il se lève et cogne du pied avec fureur, continuant d'engueuler ses lieutenants, le visage rouge pivoine.

VOUS ALLEZ M'LES R'TROUVER ET LES FLINGUER TOUS LES DEUX ! V'SAVEZ C'QU'Y PEUT S'PASSER SI MORNEPLUME CONTACTE LA MARINE ?
On est mal…
Mouais… mec…  
J'lui ai troué l'couvre-chef, quand même…
HM ? Mh.

Le maire se tourne vers le doyen des Pistoleros, se calmant soudainement. Le rouge s'évacue de son visage, progressivement, alors qu'il affiche un rictus satisfait.

Méhohoho…. Vrai qu'il avait un drôle de chapeau, l'Morneplume. Méhoho ! Et l'autre… Méhohoh ! JE SAIS ! Z'allez foutre leurs têtes à prix, les gars ! Allez distribuer des avis d'recherche dans toutes les villes de l'île ! On cherche un grand robot du troisième âge et un tas d'maladies qui jacte pas comme tout l'monde ! Un grand maigre, un p'tit cadavérique ! Allez ! Filez !

Ils acquiescent tous, puis quittent le saloon au pas de course. À l'extérieur, les cravaches claquent et se sont trois chevaux qui quittent Bull Town à plein galop. Hector Gabril reste seul, debout dans son saloon, l'air satisfait. Il écrase les restes mâchouillés de son cigare au sol, puis remonte son pantalon avec vigueur.

Toi aussi, tu files, méhoho… Tu trouves ces deux rigolos et tu les écrases. Pigé ?

Dans un coin du saloon, un briquet libère une longue et ondulante flamme. La lueur dansante éclaire un visage bien ciselé, exempt de défaut. Barbe rasée, peau bronzée et luisante, mâchoire carrée, nez magnifiquement découpé. L'homme, adossé contre un mur, s'allume une longue et maigre cigarette, souffle un nuage, puis éteint son briquet. Dans la pénombre, Gabril distingue l'éclat luminescent d'un demi-sourire. Une voix suave, coulante et virile perce le silence du saloon.

Hm. C'vous l'patron.





***


Le dernier des quatre Pistoleros de Hat Island se nomme Roc Martin. Soixante-cinq millions. C'est leur meneur, le plus proche lieutenant de Hector Gabril.
Ne m'importune pas de badineries impudentes !
Je vous préviens, Baron, car il me semble plus que probable que nous n'en ayons pas terminé avec ces cowboys. D'ailleurs, faites moi donc le plaisir de revêtir ce chapeau en peau de vache.
JAMAIS ! N'APPROCHE PAS CE LINGE SOUILLÉ DE MA SINGULIÈRE TÊTE ! MANANT !
Sbaff !
Aïe ! Infernale souffrance !
Pardonnez-moi, mais je suis dans l'impression, Brixius, qu'il n'y a que cette forme répressive de pédagogie qui semble fonctionner avec vous. Mettez ce chapeau, sans quoi nous serons encore interpelés et arrêtés une fois à Exact Town. Voyez, je fais moi-même l'effort d'en mettre un.
Sache que je ne me rabaisse à ce vêtement de plébéien que par nécessité ! Et non par la violence à laquelle tu me soumets, bigre de blaireau pestiféré !

Le désert défile sous leurs pieds, alors que tous deux, duo improbable et effrayant, sont assis sur la rambarde de l'énorme navire roulant. Edwin Morneplume, froid et impétueux Lieutenant d'Élite, un chapeau blanc tacheté de brun lui couvrant le crâne. Balthazar B Brixius, contagieux et haineux noble déchu, un couvre-chef en cuir beige surplombant sa grasse chevelure. Une cigarette allumée au bec, son regard immobile braqué vers l'horizon, stable même lorsque leur rapide transport heurte quelque cahot sur le sol, Morneplume prend à nouveau la parole.

Je ne sais comment nous arriverons à détrôner Gabril et ses sbires, Baron, mais je me doute que votre aide ne sera pas suffisante à cette tâche. Surtout si vous osez réutiliser vos incontrôlables pouvoirs…

Il n'a guère apprécié être victime de cette soumission émotive. Oh non. Il a détesté, à vrai dire. Un instant, un seul, il s'est senti comme vingt-cinq ans auparavant. Il s'est senti, surpuissant, excessif et mortel. Tout comme lorsqu'il a commis le meurtre de trop. L'erreur, le tournant dans sa vie. La fois où il a déçu la Justice. Cette colère trop sanguine, trop brûlante, qu'il croyait avoir muselée des années plus tôt, s'est soudainement éveillée lorsque le rayon de Brixius l'a percuté. Plus jamais il ne veut et peut être victime d'une telle force. Plus jamais il ne permettra que l'on ait le dessus sur ses émotions. Il est la Justice, inébranlable et stoïque.

Il nous faudra donc trouver de nouveaux alliés, et aussi récolter de l'information. C'est ce à quoi nous nous attellerons une fois arrivés à Exact Town.  
Crois-tu que je me mêlerai à ces péons ! Pendard !
Il me faudrait par tous les moyens entrer en communication avec l'État Major, afin de leur rapporter ces événements, là nous pourrions obtenir du renfort assurément.

Hm.

Voilà Exact Town.



Dernière édition par Edwin Morneplume le Sam 9 Mai 2015 - 1:47, édité 1 fois
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Une foule de tavernes imbriquées les unes dans les autres, Exact Town est un amoncellement anarchique de temples de débauche, ode à la gloutonnerie dans ses plus vicieux atours : le pinard, ce poison dans lequel l'esprit apprécie piquer une tête... pour bien souvent, ne plus jamais refaire surface ! Mais ta soif se situerait plutôt dans l'or et le sang, Balty ! Je te sais immunisé aux yeux vitreux et taquins de tout ces puants tripots malfamés. Ton ventre semble avoir subi l'assaut d'un rouleau-compresseur et tes cotes surgissant de sous ton cuir donnerait des hauts-de-coeur au plus émacié des ascètes !

Tu répands tes péchés comme du riz à un mariage, Balty, au-dessus des mégères en furie. Le golem à galons, tu l'as fissuré, tu t'es incrusté dans l'un de ses discrètes failles pour y implanter une graine de rage. Et cela, avec le recul, t'a plu, je le lis sur ton visage aux rictus tressautants, bien que tu t'obstines à les camoufler dans l'ombre du ridicule chapeau de toile vissé sur ton crâne. Si c'était à refaire, oh, hinhin, tu le referais, en sachant cette fois-ci à quoi t'attendre. Tu le referais et tu surenchérirais, tu martèlerais de vices l'esprit du Morne, qui se croit fort à l'abri de ses émotions qu'il semble avoir séquestré dans les recoins poussiéreux de son âme.

Tu aimerais le briser, inverser sa prédation. Malheureusement ! Les priorités ! Les conséquences ! On ne fait pas toujours ce que l'on désire, mon pauvre raton, les gruyères les plus appétissants sont souvent placés sur les tapettes !


Trouvons un tripot qui ne soit pas trop peuplé et prions pour qu'il ait un den den.
Hummf.
"La Patte Folle". Charmant. Ne perdons pas de temps.


Tu piétines à ses côtés le sable fumeux, tes yeux stagnant dans l'ombre de ton ridicule couvre-chef. Ta hargne est revenue à la charge, plus intense, plus belliqueuse, l'accalmie qu'a imposé Morneplomb à ton orage était de bien courte durée; et déjà de nouveau nuages de rancoeur obscurcissent ta vision. Sans réellement tonner pour l'instant. Patience, Balty ! Le moment viendra. La haine hurlera. Le sang giclera. Et ton sourire fleurira. Aussi sûrement que l'eau s'évapore et s'entasse en nuages au-dessus de nous, ta colère elle aussi surpasse les cimes. Chaque chose en son temps. Tu lui feras payer son insolence lorsqu'autour de toi les frelons cesseront de bourdonner.

"La Patte Folle" ! Hinhin. Si ces minables étaient capables de rhétorique, je jurerais qu'ils désignent leur propre façon d'être comme boiteuse, indigne, trébuchante, infantile. Si je n'estime guère l'être humain de manière générale davantage qu'un adolescent malheureux dont l'arrogance est autant démesurée et défigurante que son acné, la populace locale m'a l'air d'être le dernier né consanguin de la portée ratée qu'est l'humanité.
Dans ton silence, tu marmonnes, le coeur semblant fondre sur tes boyaux, sous l'étouffante chaleur qui doit régner en ta cage thoracique assiégée par le désert et les émotions fortes. Sur le pallier, quelques rockings chairs piégées dans une infernale mélodie de grincements. La porte à battant brusquée dans ses gonds par notre primate aux poings affamés, la sèche haleine du désert embrasse la gorge ivre du tripot; comment font-ils pour survivre en un air envahi de moitié par les vapeurs de bière lascive ? Leurs poumons ont-ils eux-mêmes mutés en gourdes dégoulinantes de vinasse ?

Le fumet du bois aride lutte à arme égale contre l'urine toute chaude de poivrot à la vessie loquace, le brouhaha vous encercle dès le premier pas en territoire de débauche, les rires rauques copulant avec les lubricités susurrées à voix basses pour pondre une cruelle purge de l'ouïe, auquel je n'aurais pu résisté si j'avais encore des esgourdes bien en chair : je me serais enfoncé tes poignards dans les tympans, Balty, et le silence ensanglanté m'aurait gratifié d'une éternité de soulagement. Et les voir onduler dans leur insouciante joie, caresser leurs revolvers comme de pulpeuses catins et s'échanger de complices secrets dans les ombres des piliers de ce sanctuaire de la bêtise, je...

Il faut faire avec. Les nuisances sont la tapisserie des contrées de roturiers, un atroce papier peint aux teintes offensives et dégoulinantes. Humf.

Par les trente parasites de mon urètre !
Hm.
Dois-je te cravacher pour que tu te mettes enfin au travail, paltoquet ? Mes nobles sens ! Tous érodés par les manières ingrates de ces bouseux ! Je ne supporterai pas une seconde de plus à me regarder agoniser dans ce terrier de pécores ! Pollution ! Pollution ! Étrons ! FERMEZ-LA ! FERMEZ-LA ! PENSEZ-VOUS QUE VOTRE PISSAT D'IVROGNE SOIT SUFFISAMMENT ACIDE POUR VOUS DÉCOLLER LES LEVRES ? JE M'EN VAIS... Hmmf !


Les regards un à un s'aimantaient à toi, affluant par essaims ricanants, ils cessent d'alimenter le puits sans fond qui leur sert de gosier, ils marquent un silence dans leurs chansons paillardes dont le niveau stagne dans l'entrejambe, ils s'arrachent à leurs primitifs jeux de cartes pour contempler d'un oeil taquin l'expression de ta colère. Notre tempéré gardien de la paix -ou de la peur ?- a calé une poutre dans les roues de ta démence, en te placardant son gant sur ton clapet grand ouvert, grand ouvert comme une cave de chair nauséabonde conduisant droit à tes entrailles brûlantes d'un subtil brasier mêlant haine et panique. Tu continues à vociférer même ainsi censuré; mais ta mitraille de mots fous ricoche bêtement sur sa grosse paluche. Économise tes forces, Balty !

Restez faire le guet dehors, Brixius.

Tu profites de la retraite de sa main pour lui agripper le bras, puis simuler que tu prends l'initiative de la reconquête de ta parole; afin, hum, de grappiller quelques miettes d'honneur ? Si frêles et éparpillées qu'elles en sont désormais invisibles. Pathétique sans interruption, Balty ! Tu démontres une véritable endurance dans le domaine du lamentable, une constance dans le navrant que beaucoup de mendiants lépreux te jalouseraient !

Fier de ta performance d'acteur ruisselant d'égo, tu redresses ton hideux couvre-chef comme si tu l'avais déjà adopté, tu fais crisser tes godillots sur le parquet en un majestueux -admettons que tu es supérieur en majesté à tes congénères rats- demi-tour, puis fais à nouveau geindre les gongs des deux planches de bois faisant office de "portes" à l'établissement.


Hinhin, si le culot se mesurait en berries, cette merdaille nagerait dans le luxe plutôt que la fange...

Et toi aussi par la même occasion, Balty ! Tu laisses tes guibolles avec hâte te porter sur le pallier, campant l'ombre gracieusement offerte par le parapet de bois desséché qui te frôle.

Infernal cagnard ! Aujourd'hui, même le soleil se ligue face à moi ! Infecte journée sous le signe de la langueur !

Tu plaisantes ? Le destin t'a épargné d'ardents retours de flammes DEUX FOIS. DEUX FOIS, en moins d'UNE HEURE ! Fichu âne bâté, oser te plaindre un jour où ta poisse inné se fait si complaisante ! Que je te réentende plus pleurnicher de la sorte, petite fiente !

Mais... Maman, ce gorille que le hasard m'a flanqué n'est-il pas la preuve que...
Une maman ? Y aurait-il une maman dans les parages ?


Il ne manquait plus que ça... Qui est cet énergumène, encore ? Sur le capot de sa carriole sombre, "Les secrets du Docteur Crasse", qu'est-ce que c'est encore ? Un cirque ambulant ? Qui traverserait une mascarade sédentaire ? Aucun sens ! Mais sa redingote violette proprette dont les paillettes feraient frémir de peine le plus niais des artistes, sa face blême sur lequel un importun a gravé un large sourire au coutelas, et ses... roses... entassées... dans ses poches ? Que fait-il avec un jardin sous un déguisement d'ergi ?

Peu importe le souci de votre brave maman, mon garçon ! Crèmes, pommades, élixirs, j'ai dans ma caravane de quoi lui faire recouvrer la vingtaine !
Qui es-tu, rejet de cabaret ?
Le DOCTEUR CRASSE, pharmacien depuis 1597, l'aride flore du désert est pour moi un merveilleux univers d'espoir et de santé ! Savez-vous d'où je tiens mon corps si fringuant ?
De ces dagues que je vais t'insérer dans la poitrine pour la vider de ses restes de lard ?
Oh... Oh ! Non ! Non ! Mon dieu, calmez vous ! Si vous n'êtes pas intéressé par ma marchandise, je...

Tes dagues dégainées telles de bien perverses griffes et toi te glissant avec la vélocité d'une vipère au pied de sa rachitique proie. Un sac de viande dont tu veux t'empiffrer de la terreur; mais pourtant. Un sifflement strident, comme des tympans que l'on vrille à la perceuse, se glisse sous tes oreilles, escorté d'une furieuse détonation assorti de rires.

Grruh !
Aaaah !


Oh. C'est une fort vilaine balle qui aurait pu se gorger de ton sang, mais qui a préféré charitablement te contourner de près. TROIS injustes détournements de chance. On en est à TROIS !

Une tournée à celui qui m'ramène sa carcasse !
DEUX tournées !
CINQ ! Qu'esss tu dis d'ça, fumier ?
SIX !
DIX ! BAISÉ ! Y A RIEN AU DESSUS D'DIX !
Euh... L'INFINI !
DEUX FOIS L'INFINI !


Hinhinhin ! On dirait que cette courtoise cartouche t'était bien destiné, Balty ! Ils font grimper les enchères pour ton cuir, de l'autre côté de l'avenue. L'humeur bipolaire de ces patelins pouilleux me surprend toujours ! Calmes comme un mort, puis la seconde d'après, subitement plus excitées qu'un pendu au bout de sa corde ! Les balles se multiplient, parviennent à ton niveau en une nuée bourdonnante, et dans un réflexe bien à toi, tu t'empares du col du troubadour pour le tirer à ta suite dans la ruelle adjacente au beau saloon dont l'activité, à elle aussi, s'emballe. Non sans une indigeste salade de cris qui doit se propager à des lieux à la ronde...

Félon. ROULURE ! VIENS ! OSES PRÉTENDRE QUE TU N'Y ES POUR RIEN ET JE T'ÉGORGE SUR LE CHAMP !
IIIIIIH !
SILENCE ! AS-TU DÉVORÉ DES SOURIS POUR CRIER AUSSI STRIDENT, MORDIABLE ?!


T'improviser preneur d'otage. En voilà une belle, Balty ! Penses-tu que cette glaire pailletée est chère de coeur à la faune locale ? Sérieusement, regarde-le ! Sa mesquinerie est sculptée dans son museau de fouine ! Une bouille à claques qui cultive, à ta lucrative manière, l'ignorance des basses extraces pour leur infliger de silencieux sévices. Fais-lui donc boire ses élixirs, et expérimentons-donc la valeur de ses promesses, aussi creuses que les tiennes ! Un otage d'une valeur amarrée au ZÉRO !

Fais moi confiance, Maman ! Je m'en vais conjuguer mes acérés instincts de prédation à mes nouveaux dons surnaturels pour m'extirper de cette nasse !
Mais à qui parlez-vous, gros taré ?! MAIS A QUI VOUS PARLEZ ?! IIIIH ! A L'AIDE !


***

Ça y est, ça commence. T'entends ?
Hips !
On m'fera pas croire que ces types se sortiront d'une émeute d'ivrognes bien d'chez nous.
T-Trop ! Balèze !
La rumeur va vite s'propager à tout les saloons. J'compte sur toi pour foutre les retardataires sur les bons rails, si t'en choppes.
Zzzz...
Parce que j'vais t'dire : faut pas la jouer perso, dans le job. Parmi les milliers d'balles que les pintés tireront, y en aura bien une qui touchera sa cible...


Sa chaise grince, le cow-boy se relève d'un trait, avant de vite ne plus présenter que son dos au pauvre gars endormi. Tandis qu'il avance vers la lumière du jour, tout en s'allumant un calumet de nicotine sous son chapeau ombrageux, il vérifie une ultime fois que son veston blanc ne souffre d'aucune tâche.

... et cette balle, ce sera la mienne.
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Ne me servez rien. Merci.

Le gras et bourru tenancier range la chope qu'il avait tiré de sous son comptoir, comprenant qu'il n'a pas à faire à un client normal. D'ailleurs, il le remarque peut-être un moment trop tard, mais la température de son établissement, aussi fou soit-il, s'est étrangement refroidie et assombrie avec l'arrivée du mécanique quinquagénaire. Il ne fait que rester bien droit devant le comptoir, Edwin, goûtant avec une maigre satisfaction la sécurité qu'apporte au propriétaire cette insignifiante barrière de bois le séparant de ses iris arctiques. Ses longs doigts osseux effleurent le bois, faisant frémir la moustache blanche du gras tavernier. ses yeux fuyants, billes sombres de rongeur perdues dans l'immensité de sa figure, esquivent tant bien que mal les estocs glacés des pupilles de Morneplume. Morneplume qui, d'un ton acéré, ne passe pas par quatre chemins, il se doute que le temps presse.

Il y a des hommes sur cette terre près à faire la guerre à votre civilisation primitive. Qui ?
Euh… O… Oui. Euh… j'veux dire… eu… l-l-les Drognars. C'sont d-d-d-des sauvages… y s-sont dans l'désert… quelque part…
Sauvages ? À croire qu'il n'y a que de cette engeance répandue sur l'entièreté de Hat Island. Où puis-je trouver les Drognars ?
Y-y-y-y'en a une à CE.
CE ?
C-c-corporation entreprise. Loin dans l'désert. Une usine de cactus.
De cactus. Hm. La belle affaire.
BANG !

L'une des fenêtres de l'étouffante taverne explose en plusieurs éclats lorsqu'une balle la traverse pour se ficher dans un mur, tout près du tavernier. En un clignement de cil, le colt d'Edwin a jaillit dans sa main et il s'est complètement retourné vers l'entrée du rade. Aux tables du crasseux établissement, ils sont des vingtaines de cowboys à se lever brusquement pour tirer leurs armes à leur tour. Des armes se braquent, des injures se lancent, de vieilles amertumes tendent à vouloir se régler, des dettes à se rembourser. D'un geste sec, le bras d'Edwin plonge vers le collet du tavernier, le soulevant comme s'il n'était qu'une pathétique poupée. Le gros moustachu couine et sue à grosses gouttes alors que son visage s'empourpre, l'air peinant à gagner ses poumons.

Dites moi comment gagner CE. Très cher.
haaan…. haaan…. l'Est ! L'Est ! …Suivre…la côte… vers l'Est !

Je vous en suis infiniment reconnaissant. répond un Morneplume n'ayant pas adressé un seul regard à sa proie, préférant guetter la bataille à venir au sein de la taverne. À l'extérieur les choses semblent déjà s'être gravement envenimées. Lancer un combat de bar dans une ville qui en est entièrement composée… et voyez le résultat. Seul un génie du Mal ou un stratège digne des pires crapules révolutionnaires pourrait avoir envisagé un tel plan, pense le Lieutenant en quittant la Patte Folle à la course. À peine pousse-t-il les portillons grinçants que l'hécatombe envahit l'établissement, des tirs s'enchaînent et se croisent dans une folie digne des guerres les plus historiques.

À l'extérieur, déjà, les coups de feu sont légions. Des plombs filent de parts et d'autres des rues, percent les murs des tavernes et se fichent dans des barils, des bottes de foin, des enseignes ou des fenêtres. Une certaine fatigue dans la voix, Edwin ne peut s'empêcher de déplorer la situation :

Hm.

Et le Baron, lui. Où peut-il s'être éclipsé, cette fois ?

Se faufilant le long du mur de la Patte Folle, désormais victime des tirs, Morneplume s'engage dans un sombre interstice entre deux bouges. Peu importe l'endroit où il regarde, il ne peut qu'y déceler des hordes de brutes s'échangeant coups de poing et coups de feu. Il n'y aucun moyen logique, voire diplomate, de faire cesser une telle débandade. Il n'y a que la force de sa Justice qui peut prévaloir, mais leur nombre et l'envergure de leur stupidité semble suffisants pour tenir tête à son autorité suprême. Il doit jouer sur leur terrain, agir comme un médiateur d'ici.

Et c'est là qu'il l'aperçoit. Ce formidable enclos. Énorme palissade de bois rafistolé, aux abords d'un boulevard désert, derrière laquelle meuglent, beuglent et pâturent une formidable harde de bovidés aux longues cornes pointues. Il n'y a que ce cadenas rouillé scellant les deux portes de l'enclos dans lequel s'entassent les bestiaux, sous le chaud soleil. Il n'y a que lui et ces gras et musculeux animaux qui, en groupe, ont la force d'une armée entière. Dans les yeux vides de Morneplume, une idée germe. Au bout de son bras qu'il dresse, son colt cliquète. Sur le visage stoïque d'Edwin, il y a un air solennel qui accompagne sa solitaire diatribe.

Soit châtiée, Exact Town, ville de pécheurs. Soit châtiée par ma Justice farouche qui ne tolère pas tes exactions sans bornes.

BANG !


MEEEUUUUUUUH !
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JE VOUS EN PRIIIIIIIIH
ARRÊTE ! ARRÊTE DE BEUGLER OU JE T'ARRACHE UN POUMON VÉRIFIER SI TU N'AS TOUJOURS PAS BESOIN DE REPRENDRE TON SOUFFLE !

Bien que toi aussi tu vocifères plus fort qu'un âne en rut, tes menaces se laissent moudre par sa horde de décibels galopant. Est-ce une alarme ou des cordes vocales qui tressautent dans sa gorge déployée ? Diable ! Le souvenir seul de mes esgourdes m'est douloureux, désormais, alors que je n'en ai même plus ! Fais donc le taire, Balty ! Ses clabauderies sont des invitations à venir lui condamner promptement sa GUEULE A JAMAIS AVEC QUELQUES PLANCHES DE BOIS ET D'ADORABLES CLOUS ! Une balle pourrait venir te visiter cet encéphale pleine de bouillie d'asticots que je ne l'entendrai MÊME PAS arriver !

COMMENT ? COMMENT ARRIVES-TU A M'OBSTRUER LES OREILLES PAR DE SIMPLES GUEULANTES, PENDARD ? JE T'ENTENDS A PEINE, MAMAN, ALORS QUE TU N'ES MÊME PAS SUR NOTRE PLAN !
IIIIIIIIH ! POURQUOI ? POURQUOI TOUT CES DINGUES VOUS POURSUIVENT ? PUTAIN VOUS ÊTES QUIIIIIIH ? PUTAIN !

Tes nerfs sont des cordes de pianos à vif, mon ardent feu follet, sur lequel cet impudent s'amuse à jouer. Ce qui doit arriver surgit aussi sûrement que les balles derrière nous : ta dague à la forme si savoureuse s'engouffre dans ses entrailles, déchiquetant aveuglément tout ce qui passe à la portée de leurs affectueux crochets. Ses gémissements langoureux deviennent râles de rats ; et le volume sonore chute un tantinet, pas suffisamment pour ralentir le chaos qui roule derrière toi. Continues à courir ! Depuis quand as-tu besoin de prendre une pause dans tes meurtres et ta fuite ? Mais de quoi sont faits tes poumons, diablotin de cirque ? T'ai-je pondu avec deux sacoches crevées à la place des bons organes ? Oh, je savais que je n'aurais pas du bâcler ce laborieux travail !

So... Sortir de cette ruelle... Déjà... les piéger dans l'étroitesse d'un... d'une...

T'égosiller fut aussi un bien beau gâchis d'oxygène, naturellement. Abandonnes-le là. Tu n'arrives déjà pas à traîner ta propre graisse; alors celle d'un autre, fut-il aussi rachitique qu'un brin de paille ?! ABANDONNES-LE ! J'AURAIS AUSSI BIEN PU TE DÉFÉQUER DANS LA CABOCHE POUR BÂTIR TA CERVELLE QU'IL N'Y AURAIT EU GUERE GRANDES DIFFÉRENCES, INCAPABLE !

Un otage, maman, une monnaie de chair pour...
Je les intéresserai pas... Pitié, laissez-moi...
FERMES-LA ! FERMES-keuf ! keuf ! AAARK !


Ta toux frénétique desserre ton étreinte, il s'étale pathétiquement sur le sol. Et toi que tes vocalises tuberculeuses plient en deux, en quatre, en huit; tu n'es qu'un origami de pathologies se recroquevillant sur lui-même. Encore une fois, de nombreuses secondes s'échappent sans que tu ne puisses les rattraper.

Et de toute part de cette sordide veine d'une ville cancéreuse, surgissent des silhouettes beuglantes; assorties des cris de leurs pétoires affamées. Tu es né rat, tu mourras rat, Balty. Expires en silence, s'il te plaît, ne m'accable pas de davantage de honte !


MEUUUUUH !
Oh 'diou, qui c'est qu'a largué mes vaches, que j'lui fasse un deuxième trou de balle dans le front ?
MES vaches ! R'garde leur poil brillant, ça s'voit c'est les miennes !
T'es bourré, t'as pas à causer !
Toi non plus alors !
L'est où, euh... Baltazambé Bisou ?
L'était là y a pas trois secondes, p'tain ! Salopes de vaches ! Ça s'voit qu'ce sont les tiennes !
Tu déconnes ? Elles ont l'cuir lépreux, elles sont à toi !


... Balty ? Ces sales bestiaux se sont engouffrées dans ton refuge avant les prédateurs attardés qui leur font face. C'était l'un ou l'autre. Plutôt que le chant de tromblon d'un ivrogne, c'sont les sabots et le fracas de tes os qui orneront tes derniers instants.

IIIIIIH... ARF ! aidez-moi...
Oh bordel, y a Crasse dans l'tas !
Tant pis pour sa tronche, j'vais pas me casser les burnes à soulever chacune de tes bestioles malades !
C'sont tes vaches à toi qui sont malades !
MEUUUUuuuuHHHH !
T'as vu comment qu'elles geignent ? Tu leur fais bouffer quoi, des os d'coyotes ?
A tout les coups c'à cause d'toi qu'elles ont choppé un cancer du pis !
Ça existe même pas !
C'qui existe, c'est mon flingue dans ta gueule !

...

Balty ? Est-ce toi qui a fait aboyer aussi atrocement cet animal ? Dans ce concert de meuhs déchaîné, il s'est imposé avec la consternation d'une fausse note.


Calmez-vous les mecs, notre gars va s'faire réduire en purée, on s'fera des sous sur d'la vieille bouillie, c'est pas fendard ça ?
C'qui est fendard, c'est ma balle dans ton crâne, pervers !
Mais c'quoi ton problème ?
On sait tous c'que tu fais avec les vaches, toi, hein, à la tombée d'la nuit...
Hein ? De quoi j'me mêle ?
De quoi j'mamelle ! BwahahaSALAUD !

Pugilat de manants. Encore un. Si tu veux t'échapper, la voie se libère petit à petit. J'ai compris ta stratégie, petit filou. Rudimentaire, risquée, sanglante, bref, ta signature : Éventrant l'un de ces ruminants lobotomisés tandis qu'il passait au-dessus de toi... tu t'es servi de l'amas de viande et de sauce rouge comme d'une barricade qu'une à une, les vaches contournent.

En file indienne, leurs sabots croustillent en choeur sur le sable; tandis que les os du paon déplumé qui se prétendait... Docteur ? Craquent par échos macabres, douce sonneries en tes oreilles régies par le goût de l'infect. Et les bouseux ? De l'autre côté ils s'entretuent, tu esquisses un rictus en les apercevant par-dessus les imposants fessiers bruns des bovins : l'un d'entre eux semble déjà se tenir une plaie béante, anesthésiée par une ivresse chirurgicale probablement fort prononcé.


Gnhinhinhin.

Le flot beuglant peu à peu s'apaise ; mais le répit n'est que de courte durée si j'en juge par les hurlements des damnées amantes de ces bouseux se généraliser. Dirait-on qu'ils envahissent la cité avec la ferveur de ces poivrots ? Bondis, Balty, cours ! Bond... Mais...
Un demi-tour ?


Un trophée. Une victoire. La providence m'a tendu la main.

Et tu lui craches dedans ?

Juste l'absurde couvre-chef de cette cochonnerie de marabout. Silencieux ! Si silencieux ! Regarde maman, ne reste de lui que cette flaque de rognures ! Gnhinhin, je m'en vais en prendre la température...

Est-ce qu'utiliser ton esprit l'espace d'une seconde t'a consumé les quelques neurones séniles qui ont survécu à ta déchéance ? VAS-T-EN ! Voilà. Au pas de course. Le hasard est une affaire de timing, de secondes judicieusement exploitées. Rien de plus. Ta traditionnelle poisse n'a toujours été que le reflet de tes propres pulsions battantes et ignares. Aujourd'hui semble-t-il, une lueur d'intellect s'est rallumée dans ce corps bestial. Je ne te laisserai pas l'éteindre bêtement. Plus vite que ça !

Tu t'extirpes de la mince ruelle, étroite comme une veine sténosée. Tes globuleux cuisent dans leurs orbites suite au retour d'un soleil que tu t'étais empressé d'oublier, en attente d'être survolé par la glaciale silhouette de la mort. Là derrière-toi, le même chaos, qui sautille telle une bonne puce d'une taverne à une autre, parasitant tout les chiens galeux dont la raison s'époumone sous un tsunami de bière pisseuse.

C'est... hilarant. Ces macaques frétillent comme face à l'une de leurs femelles lorsqu'ils croisent le sang, la mort et la poudre au détour d'une de leurs banales journées de ripailles, de cartes et de ricanements gras.


Alors Maman, comment m'as-tu trouvé ? Ne suis-je point le prometteur héritier de la famille Brixius ?

Dès lors que tu perdis notre domaine et que tu fus déchu de la noblesse de ton statut, tu devins aussitôt le pire des renégats.

La fête n'est pas encore finie, tocard ! Regarde ce joyeux Mornecroûte t'attendre fiérot près d'un enclos désert. Nous savons qui t'a réellement sauvé, maintenant.

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Ses globes d'acier, insensibles aux dards brûlants du soleil, balaient l'étendue piétinée lui faisant face. Les bovins se sont empressés, sous l'effet de panique du troupeau, de saccager la cité, entraînant dans leur course les pauvres bougres la peuplant. Des dommages collatéraux ? Non. Seulement une juste application de la Justice. Il est fier, Morneplume, alors que son bilieux compagnon ramène son odorante carcasse jusqu'à lui. Ayant soigneusement pris la peine de recharger son arme et de la ranger avec convenance, Morneplume s'approche de Brixius, vissant de plus belle son chapeau sur sa tête.

J'ose espérer que cette incartade ne découle pas d'une énième bévue de votre part, Brixius.
Ne crache pas tes glaires accusatrices dans ma direction ! Vieux bouc fripé !
Silence, Baron. La patience que j'ai pour vous s'amenuise à chacune de vos insidieuses paroles. lâche Morneplume d'un ton égal, en posant une paume délétère sur l'épaule de Balthazar.

La salive pourtant très prolifique de Brixius est relayée aux tréfonds de son œsophage, comme il déglutit péniblement devant la froide et mécanique menace du Lieutenant. Silence. Le Lieutenant inspire une gorgée d'air qui s'engouffre comme un nuage de poivre dans ses narines. Ses intransigeantes pupilles se braquent soudainement. Dans l'air granuleux, à travers les nuages de fumée sèche et de sable vaporeux, il distingue une silhouette. Une silhouette. Le chapeau, cuir tanné, bien pâle, les bords recourbés. La mâchoire carrée, ciselée. Les yeux comme deux billes sombres -étoiles du désert- qui ne fléchissent pas même sous les ardents rayons. L'homme est droit, bien planté au centre de l'avenue. Même après le fracas et la cavalcade des bêtes, lui, immuable, est toujours debout. Il est si solidement campé là qu'on croirait qu'il l'a toujours été. Que le sol lui-même se serait démené pour lui offrir cet indélogeable positionnement terrestre. Ses bottes de serpent plongent légèrement dans le sable chaud, qui coule sous lui, comme domestiqué. Ses éperons argentés cliquètent et reluisent avec la même clarté pure que le briquet qui surgit dans la main gantée de l'homme. Chac ! Une flamme unique, longue et filiforme, vient lécher la pointe d'une cigarette roulée dont le tabac s'embrase avec excitation. Sa peau lustrée, son visage bronzé, son demi-sourire assuré. Tout dans l'homme crie l'épique et l'impressionnant. Même ce léger mouvement de l'avant-bras qui écarte un pan de sa veste. Un holster se révèle, accroché à la ceinture de l'homme. Un instant sourd s'empare du Far West. Un silence assez téméraire pour s'imposer entre la dentition éclatante de Roc Martin et la Justice colossale d'Edwin Morneplume.

Un instant.

Détonation.

Un colt crache entre les doigts de velours du Lieutenant.  

Un colt rugit dans la main du Pistolero.

Deux balles s'entrechoquent dans l'air enflammé et immobile.

Deux plombs se fichent dans la terre craquelée.

Souffle du vent. Poussière.

Crevant le silence comme un porc dans un abattoir, la sentence du Baron déferle des tréfonds de sa gorge haletante et haineuse :

VIL FOURBE ! CREVARD DE TIREUR ENDIMANCHÉ ! TERRIBLE ET IMMONDE ERREUR ENGENDRÉE PAR UN QUELCONQUE DIEU CRÉATEUR AVEUGLE ET AUTISTE ! TU M'AS QUASIMENT AMPUTÉ D'UNE OREILLE, PUSTULEUX ET AGONISANT VIEUX DÉMON !

Siffle et vocifère un Balthazar au tympan sifflant. La main de Morneplume s'ouvre. Comme une serre. Le temps n'est plus aux insultes et aux caprices. Ses doigts de fer s'agrippent au collet usé de Brixius, le soulevant de terre.

Écoutez-moi bien, Brixius, vous allez nous trouver un moyen de quitter cette ville le plus rapidement possible. Tâchez de ne pas vous enfoncer à nouveaux dans des problèmes auxquels je ne pourrai pas, cette fois, mettre un terme. Je vais m'occuper de Roc Martin. Il n'est pas à sous-estimer, et j'ose croire qu'il ne sera pas long avant que d'autres des sbires de Gabril ne passent dans les environs. Je vous ferai gagner du temps, vous, débrouillez-vous pour nous tirer de ce mauvais pas.

Sans quoi je serai outrageusement déçu et devrai me résoudre à vous abattre moi-même, au nom de la Justice.

Filez.

Et maint'nant c'est entre nous deux, Morneplume. Héhé.

Le Lieutenant se tourne vers Martin, désormais la seule autre âme vivante dans ce recoin d'Exact Town. Son fusil regagne son holster. Ses poings se serrent. Il pourrait bien tenter de se débarrasser de lui dès maintenant, mais il ne sait que trop mal à quoi s'attendre du charmant combattant qui arme ses poings avec une assurance désarmante. Gagner du temps. Déjà. Gagner tout court. Ensuite. Dieu sait ce que la variable Brixius peut amener à une telle confrontation.

Je tiens à ce que vous sachiez, Martin, que je ne vous sommerai même pas de vous rendre. Puisque je me doute très bien que vous me retourneriez le commentaire.
Héhé, pas si mal, tu parles vraiment comme une machine mon gars. Ça tombe bien, j'ai toujours rêver d'tourner une scène d'action contre un robot d'combat !
Vous surestimez grandement ma composition, mon cher. Toutefois, on ose me qualifier de "Poigne de Fer" dans les rangs de l'Élite. J'espère que ce sobriquet allume chez vous un semblant de mise en garde.
Hm… Laisse tomber et bats-toi ! lance-t-il en se propulsant de toute sa force vers un Morneplume immobile.

L'air ne bronche pas. Morneplume non plus. Roc Martin, lui, en contrepartie, ne peut réprimer un rictus. Un sifflement se fait entendre sur la grande avenue. Un craquement le suit. Les globes du Pistolero se rivent sur les cinq phalanges gantées de blanc encastrées au centre de son front, alors que le temps semble arrêté autour de lui. Un instant, il reste fixement paralysé entre ciel et terre, peinture athlétique où Morneplume lui abat gracieusement son poing en plein visage. Un instant plus tard, le temps reprend son habituel et indéniable contrôle sur le monde, et Roc Martin file sur plusieurs mètres avant de retomber contre le sable de l'avenue, le front ensanglanté.

Je crois qu'il vous faudra passer aux choses sérieuses, sans vouloir paraître vous narguer, Martin.
…Raah… Héhé… Si tu l'demandes, vieux robot…


Dernière édition par Edwin Morneplume le Mar 19 Mai 2015 - 18:10, édité 1 fois
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En roues libres dans une pente qui descend à pic ! Qui sait ce que tu renverseras sur ton passage ? Ta dignité ? Suis-je bête, elle était déjà dans le fossé !
Autour de ton cou est solidement rivée cette laisse que le lieutenant Mornecroûte t'a harnaché. Les menaces te rendent aussi docile qu'un vassal trépané, pourtant ton existence ne vaut que bien peu aux yeux livides du monde, et la souffrance n'ébrèche plus ta volonté depuis fort longtemps, contrairement à la haine qui prend de plus en plus ses aises en ton taudis intérieur. Alors, qu'est-ce qui t'a subitement castré, mon roquet enragé ?

Tes poumons fondent dans ta poitrine. Sous tes pas délirants croustille le sable, ta nuque pivote comme une girouette à la recherche d'un échappatoire. En soi, le désert en est un. Mais embrasser cette rocailleuse mer de sable chaud en n'étant armé que de ta folie et de ton couteau, cela revient à se vendre comme prostitué à la nature. Qui sait quelle vicieuse emprise elle exercera sur toi ?


Crasseux fief de charognards ! J'utiliserai leur épais cruor comme encre pour rédiger ses dernières bravades au gourou de ce patelin puant !

Est-ce vers cette écurie que tu gambades ? Arrogante bien que lépreuse derrière cette série d'enclos déserts, grande grange balafrée de fissures et de trous grands comme ta bêtise, elle étend ses tentaculaires relents de crottin cuit par l'oppressant barbecue solaire jusqu'aux cavernes brûlantes qui te servent de narines. Allons, Balty... Tu n'as jamais su te faire respecter des rongeurs dont tu partages le quotidien. Alors de canassons orgueilleux fidèlement soumis aux éperons de leurs despotes agnats ? Tu t'enfonces le doigt dans l'oeil, et eux vont probablement t'enfoncer leurs sabots dans les cotes si tu maintiens cet ignoble faciès de cadavre réanimé par une fulgurante constipation post-mortem. Un peu comme les crapauds toxiques, ton visage boursouflé se revêt d'étranges coloris pour avertir tes proies de ta hargne. Ralentis un peu la cadence ! C'est ignoble, j'ai l'impression que quelque chose de vivant se débat sous tes joues bombées !

Keuf ! Keuf !

Tellement d'occasions de t'élancer dans le dernier gouffre ! Comment donc me rejoindras-tu ? Pendu par la plèbe en un ultime sarcasme ? Fourré de plomb comme les cerfs en nos chasses à cour d'antan ? Ou bien recyclé en ampoule sanglante par la grosse paluche du gorille en uniforme ? A moins que ton palpitant ne t'explose sous la chair tant tu lui en demandes trop ?

Ça ira, mon uni-aaark!-unique ennui est la suppression de ce maroufle dans le glorieux tableau que je peins de mes -AAARK !

De tes glaires ? Il est vrai qu'entre ta tuberculose et ton pus dormant en chaque pore de ton cuir, ta bave ferait excellente peinture à l'eau aux couleurs parfaitement originales. Tu piles à l'approche de l'écurie, une écoeurante satisfaction tentant de s'imposer à ton visage souffreteux. Tu restes un instant comme un pendu, suspendu entre deux airs, rigide, yeux hagards et gosier béant, pris de petits soubresauts. Le temps court malgré tout, Balty, évitons de lui faire des croche-pattes. Je te donne tout au plus dix secondes pour tirer tes esprits des griffes de la fièvre. Ces hennissements furieux qui jaillissent de l'écurie sont de fort mauvais présages ; cesses de narguer le diable, c'est quelqu'un d'assez susceptible.

Tu t'engouffres dans les ombres puantes de la bâtisse. Hinhinhin. On dirait qu'ils ne domptent pas que des canassons là-dedans. Regarde moi ces poutres, festins de termites ! Une véritable mégapole de cavités et de fissures qui rendent la structure aussi poreuse que ton poumon gauche. Et sous cette déplorable armature des rangées de haras emplis de foins et de ces fières bestioles à sabots, aux dos façonnés pour accueillir les nobles fessiers de l'aristocratie. Quelle peine de les voir ainsi entre les pattes crasseuses d'une légion de bouffons consanguins... Ces minables garçons vachers devraient se contenter de taureaux et laisser la belle faune aux élus de la civilisation.

Dans cette forêt de silhouettes équines, s'en distingue une bien familière qui ronfle de rage, surmontée d'un jockey débraillé aux dents grinçantes comme du silex. Oh ! Ne serait-ce pas Finnway, l'acrobate du cirque local ? Et son hideuse et hargneuse bestiole aux fers crépitants sur le plancher ; dont les étincelles pourraient bien embraser toute l'écurie ! Les globuleux fous du cheval te font face et te rentrent dedans avec la vélocité d'un regard de taureau, tandis que le picador te toisant du haut de son promontoire de viande s'essaye à quelques vaines provocations.


T'es qu'un paillasson, mec. Crade et allergène, comme la moquette de mamie.
Gnhinhinhin ! Apporter ainsi ton mulet à l'abattoir, il faut que tu sois aussi cruel qu'inconscient, fangeux coquin ! Je gaverai ton monstre de tes propres os broyés en avoine !

J'EN APPELLE A L'ATONIE QUI RENDRA TES MUSCLES CREUX !

ACE
BANG !


Tu sais que ce ne sont pas les discours qui posent les points finaux au combat, hum ? Son fusil t'a craché un mollard de plombs en pleine cuisse, ton carreau de paresse dévié parti visiter le coeur d'un inutile canasson figurant dans le décor. Et toi qui t'effondre à la renverse, palpitant, tes crocs pourris si serrés qu'on pourrait les croire soudés au fer rouge. Triomphant ils s'avancent, la créature et son maître, imposant à ton ciel en bois pourri un désagréable paysage de museau moelleux et d'air narquois. Un sabot s'enfonce dans ta cage thoracique, tes organes en purée là-dessous hurlent à la mort.

Tu veux pas t'relever, mec ? Sûr ?
Cra-CRAPULE ! BUTOR ! AUSSI GONFLÉ QUE LES GONADES -erk !- DE CE FOUTU BOEUF !
Faux, c'un cheval. Perdu, mec.


J'aimerais déclarer à nouveau mes condoléances à ta sinistre existence, Balty, car tout porte à croire, tandis que ce canasson se rit de voir son sorcier souffrir sous ses fers, que les portes de la mort s'ouvrent à toi et que le diable ne va pas tarder à venir à ta rencontre. Mais aujourd'hui le Mal semble prêter attention toute particulière à ses vassaux, et la faucheuse n'est pas parvenue à t'attraper par le col jusque là. Ainsi je ne me risquerai pas à te considérer mort avant de ne voir effectivement ton âme viciée s'extirper de ce cocon putride, pas de faux espoirs ! Les bourreaux que te réservent l'outremonde -moi comprise- ne s'en iront pas, rien ne presse donc !

Combien d'cotes pétées, mec ? Si t'es si malin, t'dois pouvoir les compt... Quoi ? Qu'est-ce que t'veux ?

Hm. Derrière l'imposant arrière-train de son bestiau surgit ce canasson que tu as du rendre fou d'un vice non-contrôlé; ton dommage collatéral. Et s'il est debout, l'oeil brillant et la langue pendante, excité comme un chacal dans une fosse commune, c'est probablement car tu t'es encore emmêlé dans tes péchés. Ce n'est guère de la paresse, ça. Tss !

HIIIII ! ♥
Oh, m... FAIS GAFFE, BIBLIOTHEQUE ! AVANCE, AVANCE ! NON, RECULE ! PUTAIN DE...


Quel hennissement lubrique ! Tu permets que je détourne le regard un instant, Balty ? La pornographie chevaline n'est pas des plus plaisantes à décrire, surtout quand elle comporte un humain comprimé entre les deux amants. Peut-on considérer cela comme un viol ? Ah, impartiales lois de la nature ! La luxure détiendra toujours l'ultime véto sur toutes les réticences !

Parce que tu n'es toi-même pas rat à te rincer l'oeil sur autant de bestialité débridée, tu en profites pour ramper, sifflant d'hilarité entre tes crocs pourris, une hilarité ne pouvant s'exprimer pleinement; faute de poumons en état de marche. Tu rampes comme une vipère sur les planches, derrière toi un nouveau danger désamorcé grâce à une décidément fort bienveillante balourdise.

Était-ce prévu, tout cela ? Essayes-tu de te donner un rôle de simplet pour te jouer de ta vieille mère ? Y aurait-il quelques neurones là-dessous qui fomenteraient un complot contre ton ânerie souveraine ? Ou est-ce un plus qu'habile détournement de chance ?


Fan-Fantastiques... Pouvoirs... Impayable mesquinerie... Complaisance inouïe d'un karma habituellement si... si... insultant...

... Hum. Nous en reparlerons plus tard. Tu m'avoueras comment tu t'y prends pour piper aussi efficacement les dés du destin. Resquilleur !
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Sa botte châtie amèrement la mâchoire angélique du cowboy. Il frappe, Morneplume. Il frappe comme si ses poings, en vaillants écuyers, cherchaient le moyen de déconstruire le puzzle qu'est le corps humain. À chaque coups, ces deux boules d'acier s'impriment contre l'épiderme du pauvre homme, cherchant un interstice, une faille, une aspérité. De quoi morceler cet être si bien monté. Pièce par pièce. Morceau par morceau. Il le lance dans le sable fumeux comme s'il était une guenille, il ignore ses contre-attaques comme si, lui, était une statue immuable. Roc Martin gît au sol, il se relève péniblement, mais retourne rapidement mordre, littéralement, l'épaisse couche de poussière qui parsème le sol.
Hm. suggère le timbre calme et rocailleux d'Edwin.

Graah… enculé…

Et là, à cet instant, ça se passe. À ce moment, cette seconde, cette unité temporelle précise, Roc Martin relève la tête. Dans son regard sombre de tombeur s'éclipse le soleil, sur sa mine couverte d'hématomes et de sang se dessine l'assurance, sur ses lèvres enflées et charnues s'esquisse la victoire. Oui. Étrangement, elle commence là, la victoire. À l'orée de sa bouche où surgit un sourire. D'abord deux dents, les palettes, vaillantes déchiqueteuses alimentaires, mais aussi protectrices de la dignité humain -car tous le savent, sans elles, même le plus preux des hommes ne peut bien paraître. Sur ces deux boucliers immaculés, solidement plantés dans les gencives vermillon de Martin, Morneplume remarque une étincelle. Un simple étincelle. Toutefois, qui dit étincelle dit feu. Et c'est lorsqu'à leur tour les maxillaires, les canines, les prémolaires, les molaires et les dents de sagesse -non il n'avait pas eu besoin d'un traitement pour les faire retirer- apparaissent pour compléter le sourire légendaire de Roc Martin qu'Edwin prend conscience de ce à quoi il a affaire.

L'étincelle précédemment mentionnée ne donne pas naissance à un feu, mais bien à mille feux. Mille feux dont brille la dentition exacte, reluisante et immaculée du Pistolero. Mille feux ardents, produits du reflet des puissants rayons solaires sur les merveilles d'hygiène dentaire formant le sourire de Martin. Le faisceau lumineux du sourire s'écrase directement contre les pupilles du Lieutenant, massacrant sa rétine sous un incendie solaire insoutenable.

L'instant d'après, Morneplume est complètement aveugle. Ses yeux clos et souffrants ne peuvent prévenir l'assaut lorsque le genou du cowboy le percute en plein ventre. Ils ne peuvent lui éviter la douleur lorsque des éperons lui lacèrent le visage dans un brutal revers du pied. Il ne voit qu'étoiles et rubans de ténèbres, étourdi et perdu, constamment frappé par le lieutenant d'Hector Gabril. Un ultime poing lui enfonce le nez comme on pile des patates, le jetant contre terre avec force, une vague de feu dans les narines.  

La vue lui revient, graduellement, alors que se moque un Roc Martin satisfait.

Héhéhé… j'ai monté l'niveau, tu vois ? Y'a pas un sourire aussi étinc'lant qu'le mien sur tout North Blue, j't'assure !
Hm. Je le constate amèrement. J'ai été pris pas surprise. maugrée un Morneplume qui s'appuie sur ses coudes, aux pieds de Roc Martin.

Son nez laisse s'écouler une cascade intarissable d'hémoglobine. Son sang se mélange en un liquide visqueux avec le sable. Le sable… Le sable. Oui. Il ne peut réfléchir qu'un instant, laissant son esprit froid et mathématique mettre au point un plan, alors que derrière lui résonne le cliquetis d'une arme qu'on charge. Il pourrait presque sentir le canon de l'arme, qui inspire la mort par son long tube argenté pour mieux la lui recracher en pleine tête, là, juste derrière sa nuque. Ses gants sales empoignent le sable, alors qu'il tourne douloureusement sa tête sur le côté. Pendant la bagarre, il a perdu son chapeau.

Comme on s'est dit, pas d'quartier Mornepute. J'vais d'buter et laisser ton cadavre s'faire bouffer par les vautours.
Pour ça il vous faudrait voir, Martin.

Il dit ça d'un air simple, égal et sibyllin, avant de se retourner sur le dos et de lancer deux pleines poignées de sable aux yeux de Martin.

BANG !

Aveuglé. Il a manqué sa chance. La balle s'est fichée dans le sable, à un pouce de la tête d'Edwin. Ce dernier se relève. Machine de mort dominant désormais sa proie. Martin se frotte les yeux et braque son arme vers le vide, paniqué.

Merde ! Merde ! T'es où connard ?! AAARRG !

Son cri s'étrangle dans sa gorge comme il lâche son arme, sa main broyée par la Poigne de Fer. Murmure glacé. Dans l'air chaud, un poing nu s'arme. Comme un rapace fondant vers sa proie.

J'imagine que vous ne pourrez plus m'handicaper de votre désarmant sourire… si vous n'avez plus les accessoires nécessaires à celui-ci.

Écume.

Ses jointures entrent dans la bouche de Roc Martin comme une boule de démolition. Les dents explosent, se fissurent, éclatent et plongent dans les gencives boursouflées du Pistolero. Une fontaine de sang ruisselle de la gueule du pauvre cowboy, qui trace un lobe dans les airs avant de retomber mollement sur le sol d'Exact Town.

Silence.

Hm.

Tranquillement, ignorant ses blessures, Edwin remet ses gants sales. Son chapeau. Il époussette ses vêtements, se recoiffe sommairement… pour entendre les grognements rauques de son adversaire s'élever derrière lui.

N'en ai-je pas terminé avec vous Mart-… Hm.

Un "Hm" de surprise, s'il en est un pour Morneplume. Car ce n'est plus le beau et charismatique Roc Martin qui se relève de son sang et de ses loques, mais un énorme gavial aux écailles verdâtres, monté sur deux pattes postérieures musclées. Les habits déchirés et sales que porte le colossal hybride saurien sont ceux du chef des Pistoleros, mais c'est un surprenant reptile qui les arbore. Sa longue mâchoire claque, sa langue goûte l'air, puis le monstre remet sur sa tête le chapeau qu'il avait lui aussi perdu lors du combat. Sur ses écailles sèches reluit le soleil, dans ses yeux sombres se dessine une assurance typique qu'Edwin sait très bien reconnaître.

Hm. Un zoan.
Ouais, héhéhé, l'zoan du Crocodile, mon gars ! Maintenant, on va passer aux choses sérieuses, comme tu voulais, vieux con !
Je vois.

La gueule de Roc Martin s'ouvre, et là où devaient se trouver des dents fracassées et morcelées, ce sont des rangées complètes de crocs qui percent les gencives du monstre pour briller d'une nouvelle ardeur lumineuse.

Brixius ferait mieux de se grouiller.

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Tu devrais panser ta cuisse avant de t'adonner à ce style d'exercice.

Prostate putréfiée ! Tout est donc verrouillé ?! Mais qui donc voudrait chaparder ces bâtards ensabotés ?!

Un aliéné en cavale tel que toi, peut-être ? Des toiles de chaînes consolidées de serrures confinent tout les canassons en leurs haras respectifs. Il existe donc un système carcéral pour ces sales bestioles ? Je comprends mieux comment elles ont chuté sous les fesses visqueuses des rebuts locaux. Une impitoyable sanction.

HIIIIII !
SILENCE ! OU JE FAIS DE TA JUMENT UN NOUVEAU VESTON DE CUIR !
Hiiii...


Tes exploits de sombre cupidon semeur de débauche et d'images choquantes t'ont rendu si confiant que tu ne cherches même plus à constater si tes boyaux réduits en bouillie ne te couleraient pas par hasard dans le bas-ventre. Décidé à annexer un cheval, ton instinct de survie prend le pas sur la douleur battante sous ton abdomen. Ta patience effritée pour de bon se répand en miettes ; tu perds le contrôle de ta rage, qui se libère, bouillonnante, sous la forme d'une averse de lame dans le bois geignant, qui saigne des copeaux par dizaine. Ton gosier explose quant à lui en une amère bouillie de hurlements invoquant tour à tour tout ce que cette planète peut porter de plus impie. Hinhinhin.

Douce folie !

Un pan de bois cède à tes caprices dans un craquement sourd, des échardes viennent se venger sur tes mains excitées comme des mygales. Une nouvelle fois, tu méprises les plaintes du cadavre pleurant qui te sert d'enveloppe charnelle ; tu grimaces de joie, la fierté dégouline sur ton visage, le rendant aussi esthétique et lisible qu'une toile abstraite. D'elles-même les chaînes se déroulent autour des restes de bois vermineux. Et derrière, ta monture toute désignée vibre d'effroi. Je la comprends, te transporter sur son dos doit être fort angoissant ; pourquoi pas promener un loup affamé sur sa tête tant que l'on y est ? Ou une meute de rats pesteux sous ses sous-vêtements ? Hum. Il fait bien longtemps que la pitié eut désertée mon âme sinistrée, et pourtant, je ne peux m'empêcher d'y songer : malheureuse bête !


En avant, mon impétueux destrier ! Ploies à ma volonté ou il t'en cuira !

Invoquant tes très vagues souvenirs d'équitation d'antan, tu enfourches la bestiole dans un gracieux bond saboté par ta jambe grande ouverte aux infections. Tu trouves rapidement un espèce d'équilibre sur le dos de l'animal, même si je sens que l'hippisme sans selle va rapidement réduire ton fessier en galette rougeaude et ta colonne vertébrale en scoubidou, mais la douleur perd beaucoup en dissuasion lorsque l'on cohabite perpétuellement avec elle ! Dans le regard inquiet du cheval ne flotte pas la moindre once de bravoure, il se soumet à tes coups d'étrier imaginaires, et avance d'un pas lent et résigné à travers la sortie fracturée, cette démarche accablée de l'enfant battu qui craint éveiller la fureur du patriarche. Ça ne te rappelle rien, Balty, hinhinhin ? Cette brave bête et toi, vous semblez nourrir bien des points communs, quelle forte relation suante de bons sentiments cela pourrait être ! ... Mais cela ne sera pas. Les bons sentiments trop effrayés par ta noirceur résidente !

Je m'en vais dénicher un mulet ou autre aberration chevaline qui collera à cette idée de calamité que m'inspire ce primate !

Mornecloque ? Mais pourquoi ne pas simplement l'abandonner à ses braconniers ? Il te crée malgré lui une diversion inespérée. C'est le moment ou jamais pour sauter à l'étape suivante.

Pas avant que je n'aie trouvé l'occasion de le briser !

Oh, oui, suis-je bête, cela tombait sous le sens. Ton orgueil réclame réparation, et hurle plus fort que ton instinct de survie. Soit ! Qui suis-je pour tenter de te raisonner, sinon une pauvre mère dépassée par la sourde ganacherie de son poussin ? Presse toi, en tout cas ! Chaque seconde passée en jérémiades en est une de moins employée à la conservation de l'épaisse couche de crasse séchée qui te fait office de peau. Tu dénoues un cordage enroulé autour d'une poulie, tu t'en fabriques un lasso tandis que ta monture geint en silence sous tes fesses. Puis tu défiles devant les alcôves des bestiaux, tel un fier cavalier en pleine revue d'une armée de canassons tracassés, chacun priant en son esprit étriqué pour ne pas attiser ton attention. Ton regard bondit d'une bête à l'autre à la recherche de la plus souffreteuse, malade, malingre, celle que tu refourgueras à ton hardi complice en guise de mesquine et piteuse revanche.

Tu déniches vite le martyr parfait en cette pathétique carne aux yeux moroses et suppliants, pouilleux à la crinière pareille à du du fumier en pleine décomposition, monté sur des jarrets frissonnants. Il trépigne sur un tapis de foin à la couleur rubiconde suspecte, renâclant frénétiquement comme si toute la morve du monde s'était rendue en ses naseaux.

Tu descends, tes dents pourries exhibées en un sourire des plus carnassiers.


Ghinhinhin. Toi.

Son enclos entrouvert ne résiste pas au leste coup de dague que tu lui projettes sur les barres. Puis à hauteur de la bête malade, tu lui passes ton noeud coulant autour du cou, tandis que ta poigne s'enlace fermement à l'autre bout de la corde. Une laisse des plus sordides qui ferait aussi son travail dans le cadre d'une pendaison...

Tu auras intérêt à suivre le rythme si tu ne veux pas que mon ingénieuse laisse ne t'étrangle !

Tu n'as plus qu'à retrouver Mornecroûte.

Tu regrimpes sur ton otage, la paluche gauche profondément fourrée dans sa crinière et la droite tenant la cruelle laisse traînassant le canasson putride fourbu d'effroi. Bien, en route ! Tu as perdu bien assez de temps en perversités chevalines. Économise ton imagination tordue pour Valérien, mon insolant chiot enragé. La ruse est une ressource fort rare chez toi, dilapidée en plus par un sadisme absolument facultatif. Gaspillage !


Au galop !
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Si ça se trouve, ses yeux ont fondu dans leurs orbites. Il ne pourrait dire s'il verra à nouveau, depuis que les énormes crocs éclatants du Crocodile ont aspergé ses pupilles des feux du soleil. Désormais, ses nerfs optiques ne sont plus que des longs tuyaux de magma qui carbonisent son cerveau, sa rétine n'est qu'une plaque nerveuse calcinée qui ne répond plus de rien. Et alors qu'il titube en grognant, le sang lui affluant aux yeux, l'énorme hybride crocodilien s'approche pour enfoncer sa cage thoracique d'un puissant coup de poing. Il sent les phalanges surmontées d'écailles le percuter et délivrer une onde de douleur dans son abdomen. Il se sent décoller du sol, puis retomber lourdement, sa tête heurtant la terre craquelée. Sa bouche goutte le sable et le sang, son nez perçoit les émanations terreuses et brûlantes du sol d'Exact Town, son ventre ne répond plus que par souffrance et fracture, ses tympans l'alertent alors qu'il entend la gueule béante du monstre claquer, non-loin de lui. Seuls ses yeux le trahissent dans un instant aussi crucial.

Prends ça !

Réflexe. Morneplume se jette sur le côté, s'éloignant de la voix qui a percé le silence de l'avenue. Le sol vibre alors qu'il entend l'énorme queue du gavial s'écraser là où il devait, un instant plus tôt, se trouver. Le rayon lumineux, cette fois, était beaucoup plus puissant, renvoyé à la perfection par les reluisantes canines du saurien. En plus de l'avoir handicapé, Roc Martin peut désormais s'enorgueillir d'être bien plus puissant, physiquement, que lui. Une patte griffue lui lacère la cage thoracique, déchirant costume et peau, avant de le faire rouler dans la poussière. Il respire difficilement, n'arrivant pas à se relever avant que sa tête ne soit prisonnière de l'étau du monstre. Un pied couvert d'écailles lui écrase un côté de la tête contre le sol. Il ne peut plus bouger. Il est vaincu. Et comme de fait, c'est à ce moment critique que sa vue, enfin, se décide à progressivement revenir. Un peu trop tard, visiblement, puisque lorsqu'il arrive enfin à mieux voir les alentours, malgré l'énorme patte lui écrasant le visage, c'est pour apercevoir la bouche du colt de Martin braqué directement vers lui.

On dirait qu't'as perdu, Morneplume. C'est l'patron qui s'ra content, m'rest'ra plus qu'à attraper le p'tit maladif qui t'suivait.
TAÏAUT ! FONCE ! VIEILLE BIQUETTE BÂTÉE !

Des galops se font entendre derrière Morneplume, et quelle n'est pas sa surprise lorsqu'un cheval malade et puant fonce tête première sur l'effroyable crocodile déguisé en western. Tant bien que mal, il se relève, alors qu'un Balthazar victorieux s'époumone à apostropher un Roc Martin sonné en l'affublant des sobriquets les plus respectueux. Morneplume époussette son costume irrécupérable, du sang ruisselant sur son visage, puis constate les deux montures trouvées par Brixius. Surtout celle qui ne semble avoir pour seule utilité qu'être un des principaux agents de contagion de la lèpre.

Baron, je tiens à vous affirmer que vous vous plongez un doigt dans l'œil jusqu'au coude si vous imaginez, ne serait-ce qu'un instant, que je vais m'asseoir sur l'ignoble cadavre ambulant que vous avez trouvé.
Ne rechigne pas ! Tu ferais mieux de cesser de geindre et de monter en selle si tu ne veux pas que je t'abandonne aux vautours ! Officier de pacotilles !
Fort bien.

Sa poigne s'empare du collet déjà malmené du Baron. Baron qui n'a que quelques secondes pour regretter ses paroles avant que Morneplume ne le jette au bas de son étalon. Edwin monte sur le cheval en santé, alors qu'un Brixius vociférant et crachant sa haine aux quatre vents doit se résoudre en embarquer sur le cheval malade, et ce, en vitesse, puisque Roc Martin reprend ses esprits en sifflant.

Hé ! Restez ici que j'vous…
SBAFF !

C'est le son que provoque la botte de Morneplume lorsqu'il l'envoie fracasser le long nez du lézard, en passant tout près de Martin, au galop.

Filons, Brixius !
Mais où vas-tu, bigre de lieutenant entêté ?! Laisse-moi d'abord ouvrir ce bestiau qui rampe dans le cagadou de cet odieux ramassis de tavernes !
Osez faire demi-tour et je vous abat avec ce dernier. Nous devons nous rendre à CE, Corporation Entreprise. Là-bas nous aurons des alliés.

Et ils filent comme le vent. Si ce n'est que le vent, en ce coin de pays, aime à souffler d'insupportables effluves de crottin animal, et qu'eux laissent plutôt dans leurs sillages les fragrances tuberculeuses de Balthazar et de son odieuse monture. Brixius et Morneplume. Morneplume et Brixius. Ils galopent à travers les rues d'Exact Town, suivant un chemin qu'Edwin décide au fur et à mesure. Ils doivent suivre la côte vers l'Est, comme le lui a indiqué le fétide tavernier à qui il s'est plus tôt adressé. Il galope, malgré ses blessures et sa fatigue, supporté parla Justice qui, elle, ne s'arrêtera pas. Même avec les quatre Pistoleros aux fesses, jamais il ne cessera cette cavalcade, aussi longtemps que Hat Island ne sera pas une propriété gouvernementale.
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