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Dresser l'étendard


La pluie qui tombe. La pluie. Qui. Tombe. Fine, elle caresse mon visage tuméfié, nettoie le sang qui le souille. Fraîche, elle me fait frissonner, éveille un peu mieux mes sens amochés. Mes bras me semblent tachetés de blessures, mes jambes teintées par les ecchymoses. Mon corps rongé par la souffrance, brûlante amante qui m’épouse à la perfection, tressaille sous tes quelques coups de langue. Cher ami. De tous, tu es le seul à ne pas me délaisser. J’ouvre difficilement une première paupière pour capter ton regard sombre, brave Napoléon. Toi, tu es toujours là. Malgré l’échec, malgré la défaite, tu restes à mes côtés. Toi, tu vois plus loin qu’eux ne le feront jamais. Toi, tu sais que je ne suis ni fou ni esseulé. Toi tu sais qu’un jour j’atteindrai le Nouveau Monde. C’est pour cela que tu restes à mes côtés, car tu as vraiment distingué le meneur en moi. Ils m’ont laissé là, vaincu et brisé, contre le mur de la taverne, sous cette pluie naissante, baignant dans mon sang et ma dignité. Aux abords du grand canal de la ville, je discerne dans le gris de l’air, non loin, les grands navires marchands qui procèdent paresseusement dans les eaux de Poiscaille, sans me voir. Les quelques passants, eux non plus, n’osent pas se pencher vers ma silhouette ravagée, évitant de tremper dans des problèmes ne les regardant pas. Elle est belle, n’est-ce pas Napoléon, cette humanité sordide pour qui altruisme et empathie ne sont plus que de vides assemblages de lettres ?  J’aurai cru en mon héritage un temps, court certes, mais un temps, au moins.

Tu m’as suivi lorsque je suis entré dans cette taverne portuaire, Napoléon. Là, au milieu des effluves lourdes et étouffantes de houblon et de tabac, je croyais pouvoir enfin fonder l’équipage qui me guiderait jusqu’au bout de l’océan. Là, je croyais fonder ce pourquoi j’ai pris la mer ; ma véritable destinée. Celle à laquelle mon père et mon oncle m’ont si longtemps préparé. Des marins, dans la pièce sale, aux épaisses masures de bois, au massif comptoir et aux collantes tables odorantes, il y en avait plus qu’il ne m’aurait été possible d’en rêver. Tous experts, usés, forts ou malingres, bourrus ou loquaces, tous avec cet air salin au creux des pores et ces taches laissées par le soleil, burinant leurs visages fermés. Alors que tu trottinais à mes côtés, mon fidèle ami, je me plongeais dans chaque histoire que recelait leurs regards et leurs mines fatiguées de fin de journée. La bière était chaude, l’atmosphère bien opaque –pas de fenêtres. Seuls de vrais hommes prêts à l’aventure pouvaient, à mon sens, renifler l’écume des bocs de ce rade. Si bien que lorsque je me suis dressé de toute ma hauteur sur une des chaises de l’établissement, j’étais galvanisé, le sourire bien ancré au centre de ma barbe.

Marins ! Draveurs ! Mousses et matelots ! leur ai-je lancé, le poing brandit, maigrement éclairé par les quelques ampoules glauques du bar.  Je suis le Capitaine Maxwell Percebrume, prochain empereur pirate que les océans porteront ! Aujourd’hui commence ma campagne vers le bout du monde, rejoignez-moi et vous serez, vous aussi, de dignes aventuriers dont le monde se souviendra ! Les trésors de ce monde seront nôtres et la gloire de la noble Piraterie sera notre étendard !

Alors ? De vous tous, qui seraient les plus méritants pour embarquer à mon bord ?


Le brouhaha de la taverne s’est tut. Tu l’as remarqué toi aussi, Napoléon, lorsque de nombreux hommes se sont levés, renversant leurs boissons dans le mouvement. Descendant de mon piédestal de fortune, je leur ai jeté un regard fier. Alors ils seraient mes officiers, ces quatre braves hommes droits et massifs ! Quatre intimidants et indiscutables vétérans qui sauraient dicter ma bonne volonté sur le pont de mon futur navire ! C’est lorsque l’un d’eux a craché au sol, qu’un autre a brisé une bouteille contre sa table pour en faire un tranchant tesson et qu’un troisième a bruyamment fait craquer ses jointures que tu as compris au même moment que moi, Napoléon, que ceux là ne se joindraient pas à ma cause. Lorsqu’un premier poing a fusé vers moi, que ma main l’a intercepté, tu t’es mis à couiner avec force, vaillant Napoléon. Ils n’auraient pas ma peau, scandais-tu, ils ne me vaincraient pas, croyais-tu.

Les rêveurs ou les fous comm’toi mon gars, on en a pas b’soin sur Poiscaille !
Mouais ! Connards de pirates qui croient qu’le monde tourne seul’ment quand’y s’y intéressent ! On n’a pas b’soin d’pillards ou d’clowns à Poiscaille, ‘tain, la barbe leur pousse de plus en plus tôt, à ces mômes !
Je vous défends de vous moquer des rêves d’un pirate ! Bande d’idiots sans ambitions !
Il veut aller au bout du monde qu’il dit ? Héhahahaha ! Et c’est avec ton joli couteau et tes belles paroles que tu vas t’y rendre, sucre d’orge ?

Leurs rangs se gonflent comme l’originalité de leurs insultes. Et lorsqu’un premier poing vient me cueillir au visage, que mes pieds quittent terre et qu’une table se fracasse sous mon poids, je doute un instant moi aussi du rationalisme de mes vœux d’avenir. Comment as-tu fais, toi, Père, pour prétendre à si haut titre ? Les temps sont à l’individualisme et au profit, de nos jours, des terreaux loin d’être fertiles pour des rêveurs comme nous.

Ils m’ont cassé la gueule, sous l’œil satisfait du tenancier et des autres clients. Ils m’ont massacré et m’ont traîné à l’extérieur comme un vieux chiffon. Là, ils se sont assurés que la semelle de chacune de leurs bottes soit bien imprimée le long de mes flancs.  
Maintenant. Il pleut. La pluie tombe. La pluie. Elle tombe. Et toi, ta fourrure toute aussi mouillée que ma redingote sale, tu veilles sur moi, sage Napoléon. N’ayez qu’un ami, mais choisissez le bien.

Je me relèverai, Napoléon. Ne t’inquiète pas. Je me relèverai, mais avant, je vais remâcher cet échec. Je ne sais encore si la piraterie s’est si rapidement terminée pour moi, mais j’aurai la réponse une fois debout. Toutefois, avant, je m’appuierai sur toi et goûterai la douceur de ta chaleur, Napoléon. Tiens-moi au chaud sous cette pluie, mon cher et seul ami. Fais-moi oublier le sang et les blessures, la haine et les fractures. Aujourd’hui, je croyais me lancer, mais je ne me suis que platement écrasé…
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Tu avances lentement, tête baissée, ton couvre chef légèrement baissé sur les yeux. Tu marches sous la pluie, le regard fixé sur les pavés et sur les myriades de pieds qui défilent devant toi. L'endroit est bien plus peuplé que ne pouvait l'être ton petit trou perdu. Et tu es mal à l'aise dans la foule, ainsi oppressé de tous côtés par les passants. Tu déambules la tête basse, ton fagot de bois destiné au fumage des poissons chargé sur l'épaule, ta lame enroulée dans un tissu au milieu du faisceau de branchages. Il faut vraiment s'arrêter et y prêter attention pour s'en rendre compte, mais tu préfères la garder sur toi par mesure de sécurité. Depuis que tu es ici, tu as eu la chance d'être accueilli par des gens suffisamment généreux pour t'offrir une chance de t'intégrer. Tu ne savais pas quoi faire, ni même où aller la première fois que tu as mis les pieds sur cette île. Les gens qui passaient étaient bien trop pressés et trop occupés pour prêter attention à toi. Toi, qui étais là, ravagé. Dévasté. Par la douleur. Par la honte. Par la rage. Rongé par le remord. Dévoré par les regrets. Noyé dans cette envie de vengeance, qui venait s'insinuer dans ton esprit à chaque instant. Pauvre vieux. Tu avais l'air si misérable. Tu avais l'air tellement perdu dans ces moments là.

Mais il a bien fallu te faire une raison. Tu n'avais pas su le protéger. Tu n'avais pas su écraser les menaces qui pouvaient peser sur lui. Alors tu es parti. Tu as fuit. Lâchement. Tu as abandonné ton poste de sentinelle. Tu as cessé d'être cette gargouille dont l'ombre venait jouer au milieu des tombes. Tu n'as plus rien été d'autre que l'ombre de toi même pendant quelques temps. Tu te laissais mourir. De faim. De soif. Tu étais juste une loque parmi tant d'autres. Une bête en train de gémir misérablement. Qui aurait préféré qu'on écourte ses souffrances plutôt qu'on ne la sauve. Qui aurait voulu pouvoir se mutiler pour chaque seconde passée loin de son poste, mais dont le bras était trop faible pour se lever et venir entailler la chair. Tu n'étais rien d'autre qu'un spectacle pitoyable. Et pourtant, tu vivais encore. Tu étais encore de ce monde, sans savoir pourquoi.

Tu n'as pas su te relever seul. Tu étais prostré au sol. Mais on t'a ramassé. On t'a donné une chance de te reprendre. Tu ne saurais remercier ces gens. Ces gens assez fous pour tenter de panser tes plaies. Ces plaies que tu n'osais même pas nettoyer. Que tu aurais laissé s'infecter. Ces trous que tu aurais laissé se creuser dans ta tête. Dans ton cœur. Pourquoi ? Pourquoi étais-tu encore en train de t'agripper à ces vestiges ? Pourquoi te noyer à ce point dans tes regrets et tes sentiments ? Sûrement parce que tu étais trop effrayé. Trop effrayé pour oser te lancer seul. Trop apeuré pour te jeter dans le vide et prendre ton envol. Tu préférais rester accroché aux branches. Enchaîné. Captif. Mais rassuré. Et quand bien même. Si tu avais su te libérer de la terre, aurais-tu fini prisonnier du ciel ? La liberté t'aurait-elle monté à la tête ? Comment savoir, toi qui n'a même pas essayé. Toi qui n'a même pas osé tenter de te relever.

Mais tu t'es fait une petite place au milieu des ruelles. Tu as appris à te débrouiller au milieu de tous ces gens. Tu t'es redressé. Tu ne t'es pas relevé, tu t'es à peine appuyé sur tes coudes pour ramper. Pour tenter de t'extirper de la fange dans laquelle tu t'enfonces depuis bien trop longtemps. Tu erres, dans cette existence sans réelle substance. Tu avances jour après jour sans savoir pourquoi. Sans savoir pourquoi tu t'accroches si stupidement à cette vie. Pourquoi tu t'accroches alors que tu n'as plus aucune raisons de le faire. Tu es tellement borné. Tellement stupide de continuer à te morfondre ainsi. A porter tes remords. A exhiber tes blessures. A lécher tes plaies du bout de la langue, sans oser vraiment les toucher, par peur de la douleur. Alors tu erres. Tu es comme un navire sans personne pour tenir la barre. Comme une coque de noix qui se contente de flotter, de dériver.

Et te voilà tiré hors de tes pensées. Tu vois un pauvre type se faire jeter d'un bar, et marteler de coups de pieds dans la rue. Tu observes la scène sans réagir. Tu as l'impression de te revoir enfant. L'impression qu'on te projette l'image de ce que pourrait être ton existence si tu étais encore esclave en ce moment même. Et tu secoues la tête. Tu voudrais passer ton chemin. Tu voudrais faire taire cette colère qui monte en toi. Te dire simplement que tu as de la chance d'être là et non à sa place. Mais tu ne peux pas. Tu ne veux pas te dire que tu pourrais être là. Tu te dis que tu n'es pas le seul à avoir subit ce genre de sévices. Qu'ils sont encore nombreux à subir ce genre d'humiliations publiques. Que même si tu as eu de la chance, tu n'as plus rien à quoi te raccrocher. Que tu envies ceux qui meurent sous les coups. Que tu aurais préféré crever plutôt que de laisser ton instinct prendre le dessus pour te sauver la peau. Et tes pensées se mélangent. Se chevauchent. Tu voudrais rester calme. Mais la couleur du sang semble renforcer ta rage naissante. Toi qui a tout perdu, tu as l'impression qu'ils viennent de le tirer au sol pour l'y clouer. Que si tu n'as pas eu de chance, lui non plus. Que ce monde semble s'acharner sur des individus qui n'avaient rien demandé. Et tu ne veux plus voir ce genre de violence gratuite. Tu te rappelles des cris. Des pleurs. Du fouet. Des blessures, cuisantes, des coups à répétitions. Alors tu secoues la tête.

Tu viens poser ton fagot à côté du pauvre hère. Tu sens une petite flamme se rallumer. Tu sens cet instinct que tu croyais éteint ressurgir en toi. Tu te dis que tu ne peux pas le laisser là. Alors tu te diriges vers la porte du bar. Tu marches, poings fermés, serrés, tremblants de rage. Tu entends ce mot résonner dans ta tête. Sans raison. Mais il est là. Toujours aussi présent.

    Protéger.


Et tu défonces la porte. Tu frappes le battant contre la butée, au point de la fissurer. Tu rentres, le regard fou. Chargé de haine. De rage. Il ne te manquerait plus que la bave aux lèvres. Tu es redevenu bête sauvage. Tu es redevenu monstre hideux. Pur instinct. Pure volonté de destruction. Prêt à tout ravager. A tout détruire. Pour protéger. Pour venger cet innocent. Ce pauvre type qui n'avait rien demandé à personne. Le genre de personne que tu as toujours été.
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Foutu temps maussade, putain d’paysage grisonnant et saloperie de pluie tombante. J’mets un pied devant l’autre, mes bottines s’encrassent. La boue s’accroche à mes semelles, ces dernières se font lentement engloutir par ce liquide vaseux et dégueulasse. J’fais bonté d’un regard miséricordieux droit vers les cieux, une seule réponse à mon appel : des nuages intrusifs et  des gouttes fracassantes. J’secoue ma tête à la manière d’un cabot qui se sèche, l’éclaboussure n’tarde pas à pointer le bout de son nez. Une gamine lève sa tête pour me remettre à ma place, sourcils froncés et bouche en forme de voûte. J’hausse les épaules, l’air de rien. L’genre de coupable qui regarde au sol et qui affirme n’avoir rien fait. C’est vrai quoi, c’est une île à emmerdes. Il n’y a même pas quelques heures que j’me suis fait alpagué par des poissonniers. « Enculé, tu pourrais reposer les poissons à l’endroit quand tu les palpent. » J’ai même échappé de peu à une tentative d’assassinat à coup d’arrêtes de poiscaille, l’après-coup quoi. Enfin bref, l’endroit porte bien son nom, nauséabond.

La mère de la petite me fait revenir à la situation, elle me jette un regard noir et accusateur. J’hausse les épaules, toujours l’air de rien. N’empêche que dans ma caboche, ça s’active. Ouais, j’ai envie d’ouvrir ma gueule. D’passer du stade de l’innocence désolante à celui du marabou légèrement dictateur sur les bords. Dire mot pour mot avec un ton plus qu’autoritaire « C’est de l’eau bordel, vous allez pas fondre. Arrêtez un peu de cacher vos têtes avec je ne sais quel subterfuge, vous allez pas en clamser. » Le style de discours qui fait régresser le loup au même niveau que celui d’une fourmi, joli paradoxe hein. Bienvenue dans mon monde, celui qui tourne à l’envers. Un espace sombre se forme entre mes deux lèvres, il se referme aussitôt.

Spectacle te voilà, un type se fait expulser de la taverne. La foule s’agglutine autour de l’évènement tandis que les gros bras traînent la carcasse dans une mare de boue. A l’effigie d’une statue, j’fais preuve de droiture. Colonne vertébrale parfaitement alignée, j’gagne facilement une tête de plus. La foule ne comprend pas, elle assouvit seulement son désir de curiosité. Pas celui de la connaissance en elle-même, celui du plaisir des yeux. Ça m’débecte, surtout quand un vieux marin d’une cinquantaine d’années ne peut se passer de commentaires. Le petit enfoiré qui se donne bonne conscience en lançant quelques remarques silencieuses et indirectes. Celui que l’on regarde rapidement, à qui on lance un signe d’approbation pour qu’il ferme sa putain de gueule. J’me remets dans la pièce de théâtre, les durs à cuire rentrent à nouveau dans leur tanière laissant pour mort un individu quelconque. Personne ne bouge, j’vois juste que les nerfs du macchabé sont toujours opérationnels. J’balaye du regard, de gauche à droite et de droite à gauche. Quelle belle brochette de tantouzes. C’est ça l’humanité ? Contempler le malheur de son prochain ?

C’est là qu’un héros se lève, l’éclipse est finie. J’suis sûr qu’il ramène un soupçon de soleil dans le cœur du blondinet. Comment j’peux en avoir confirmation ? J’sais qu’il a déjà allumé chaque torche qui relie mon cerveau à mes décisions. J’observe la scène d’un œil averti, la porte de la taverne explose en mille morceaux. La foule reste bouche bée devant tant de violence, ça va partir en sucette à ce rythme là. Le bienfaiteur ne déambule pas, il reste là sans se mouvoir. Ses pieds sont ancrés au plancher comme deux aimants attirés l’un à l’autre. Son allure laisse émaner un sentiment d'agressivité, la goutte va bientôt déborder du vase. ‘Faut calmer le jeu, à ma manière.

J’porte mon courage sur mes épaules pour me frayer un chemin à travers le pot de glu humain. Ça gueule dans les rangs, j’écrase chaque paire de pied que j’peux rencontrer. Indignez-vous bande de sous-merdes. Au lieu de ça, vous râlez auprès de mon attitude nonchalante. J’arrive au bout de cette accumulation de zombies, enfin. Les regards se rivent maintenant sur ma personne, un nouveau spectateur prend le rôle d’acteur. J’m’approche du blondin, je prends le temps d’analyser l’étoile de mer. Figure recouverte de déchets, vives entailles et récents hématomes. J’inspecte la bestiole à ses côtés, rouée de coups. ‘Faut éviter que ça pisse trop l’sang. J’m’arrache un morceau de pantalon que j’lui envoie délicatement sur le torse. J’reprends la route vers le deuxième protagoniste, mes empreintes restent gravées dans le sol dont la texture se rapproche plus d’une banane périmée qu’une surface rocailleuse.

J’arrive à son niveau, l’ambiance enjouée est redescendue. L’explosion de bois a kidnappé la langue à toutes ces grosses brutes, à moins que ce soit la fonction cognitive qu’est réfléchir qui a finit par se laisser appréhender. J’ai l’impression d’être dans la limite, entre le paradis de l’extérieur et l’enfer de l’intérieur. Un cul entre deux chaises mais mes convictions restent les mêmes. J’pose ma main droite sur l’épaule de l’homme aux envies meurtrières, un geste plein de chaleur ; un pacte qui se signe sous le poids de ma paume. Traînons ces ordures dans la même boue que celle utilisée pour accueillir le corps du malmené et de son fidèle compagnon.

J’agrippe ma ceinture de la main gauche, je la remonte. Attaque vicieuse, j’en profite pour dégainer un de mes pistolets. J’pointe un des bâtards que j’ai mémorisé depuis la foule. De l’autre côté, ça répond aux hostilités par des scintillements de lames récemment sorties de leurs fourreaux. Pour l’instant on en est au statu quo, le moindre bruit démarrera l’hystérie de la bagarre générale. On est tous à cran, de la même manière que mon cran de sûreté est prêt à faire parler la poudre.



    Poiscaille.

    Je n’aime pas beaucoup le nom de cette île, déjà. Mais il ne fallait pas juger une île à son nom, ni ses habitants, ses coutumes. Kurn savait que les humains avaient hérité un passé de violence vis-à-vis des hommes-poissons, et de telles traces pouvaient encore être retrouvées dans certaines coutumes ou intitulés.
    La rascasse savait qu’on ne pouvait pas forcer les gens à tout changer du jour au lendemain. Que même un nom pouvait être chargé d’une histoire propre, loin de ce passif sanglant. Qu’il pouvait porter une autre valeur propre. Et d’ailleurs, il n’était même pas certain que le nom de l’île était un message à l’attention des hommes-poissons. Pour ce qu’il en savait, c’était simplement un haut-lieu de la pêche au gros.

    Il débarqua, ses pas lourds faisant trembler la planche jusqu’à arriver sur le ponton. Kurn posa son sac de marin contenant toutes ses maigres possessions par terre, à côté de lui, pour serrer la main au capitaine qui l’avait conduit jusque-là. C’avait été un des pires voyages. Il avait été engagé pour garder des bestiaux qui étaient totalement paniqués dans la cale. De longues journées à changer la paille, tenter de calmer les bêtes -sans succès- et à pelleter leurs excréments.
    Rien de pire, et pourtant…

    Sur un dernier signe de tête, il s’éloigna pesamment vers l’intérieur du port. Si Maxwell Percebrume doit recruter, ce sera sûrement dans les tavernes proches des quais, là où se trouvent le plus de marins, d’aventuriers, de hors-la-loi en rade. Pas nécessairement les meilleurs hommes, mais pour un début, cela suffira.

    Kurn grogna quand un homme d’une quarantaine d’années le bouscula en courant, l’ébranlant à peine. Cela ne dérangea qu’à peine l’inconnu, qui gueula :
    « Baston générale à l’Taverne du Dauphin Borgne ! Des étrangers cont’ les gars des docks ! V’nez voir ça ! »
    Quelques personnes dans la rue levèrent la tête au cri du marin. Puis continuèrent leur route dans l’indifférence générale. Au vu de l’heure, ils avaient sans aucun doute mieux à faire que badauder à regarder des ivrognes se battre dans la bouillasse.

    Ce n’était pas le cas de Kurn. Une taverne en valait une autre, et pour récupérer des informations sur le capitaine Percebrume, rien de tel que des combattants esseulés et assoiffés qui ne laisseraient sûrement pas passer une occasion de se rincer la gorge à l’œil contre une petite discussion toute innocente.

    L’homme-poisson emboîta le pas au marin, le suivant dans une ruelle perpendiculaire qui le mena tout droit à l’attroupement. Sa haute stature et sa corpulence, ainsi que son air pas franchement amical lui permirent de se rapprocher du ring improvisé, suffisamment pour voir un homme assis par terre avec un étrange animal, en train de panser leurs plaies.
    De l’intérieur du bâtiment venaient des cris de colère, de douleur. Des coups sourds avec de temps à autres l’immanquable son d’une bouteille brisée. Kurn fut probablement un des premiers à la sentir. L’odeur du sang. On est loin d’une simple bagarre de taverne. La Marine, probablement, ne tardera pas…

    L’homme qui était dehors, le visage tuméfié, les atours déchirés et salis, se leva d’un bond dont la grâce fut perdue aux yeux du monde quand il se plia brusquement en deux en se tenant les côtes. Puis il se précipita à l’intérieur. Un juron étouffé retentit puis trois hommes sortirent au pas de course, lames ensanglantées et diverses blessures visibles.
    Celui qui était entré en dernier s’écria :
    « Je suis le capitaine Maxwell Percebrume ! Prochain Empereur des Mers et Héritier de la Piraterie ! Souvenez-vous de ce jour ! »
    Puis il s’éclipsa, les deux autres à sa suite, plongeant dans la foule et y disparaissant.

    Kurn cligna des yeux. Ai-je bien entendu ? Ou alors mes oreilles me jouent-elles des tours ? Il posa une main aussi légère que possible sur l’épaule de son plus proche voisin, provoquant chez ce dernier un mouvement de recul. Le profond grondement de sa voix ne fut pas entendu sur plus de quelques pas.
    « Dis-moi, quel nom as-tu entendu ?
    - Ah, euh… Maxouelle Perc’brume !
    - Merci, petit homme. »

    Ses yeux aux sclères noires se fixèrent ensuite sur la direction empruntée par les fuyards alors que derrière lui retentissaient les appels de la patrouille, venue rétablir l’ordre. Je dois les rattraper ! Ils sont juste là, maintenant que je l’ai enfin trouvé, il est temps de tenir mon serment ! Kurn bouscula la foule de son imposant gabarit, les gens s’écartant rapidement sur son chemin.

    Puis il courut après le fils Toreshky, son sac de marin rebondissant sur son épaule. L’odeur du sang se dissipa rapidement pour laisser place à nouveau à celle du port, des entrailles de poisson et des déjections jetées à même le sol.
    Il retrouva les trois hommes adossés contre le mur en torchis d’une ruelle sombre, assis. Les maisons de part et d’autres s’inclinaient les unes vers les autres, allant jusqu’à occulter presque totalement la lumière du jour. Une odeur de pisse, ancienne, le disputait à celle, plus récente, de la sueur. Le trio vérifiait leurs états respectifs, inspectant leurs blessures, s’assurant de n’avoir rien de grave. Quand la luminosité ambiance fut dérobée par un homme-poisson de trois mètres à quelques pas d’eux, ils posèrent leurs mains sur leurs armes, encore souillées.

    « Pas d’inquiétude, laissez cela rangé, grommella Kurn.
    - C’est pour quoi ?
    - Je cherche le Capitaine Maxwell Percebrume. »
    Les regards se tournèrent vers celui qui avait été battu en premier. L’origine de toute la querelle dans le bar.

    « Et moi aussi, justement ! Fit une voix juste derrière la rascasse. »
    Surpris, le désormais quatuor se retourna d’un bloc, les appuis de Kurn s’allégeant inconsciemment pour lui permettre de réagir au quart de tour si cela s’avérait nécessaire…

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    Tu l'as senti toi aussi, mon Napoléon, la vague de l'adrénaline qui, soudainement, noie nos artères et bouillonne dans chacun de nos vaisseaux. La douleur s'est échappée, le dépit s'est envolé, mes yeux se sont illuminés. Les tiens aussi, d'ailleurs, collègue rongeur, lorsque tu les as vu toi aussi. Lorsque nous les avons aperçu. Ces deux braves. Ces deux vaillants qui se sont dressés face à l'intolérance et la hargne de l'humanité pour protéger ma solitaire carcasse. J'ai bien vu en eux ce que j'aurais dû chercher avant tout; les véritables valeurs de la piraterie. Il n'y a probablement de docker assez valeureux, empathique ou singulier à Poiscaille pour répondre aux critères que sont ceux des vrais forbans. Eux, qui fracassent des portes et brandissent armes à feu dès le premier écart de conduite, sont les parfaits lieutenants qu'un capitaine nécessite. La confiance et la motivation qui m'ont permis de me relever émanent de leur colère à eux, de la fougue avec laquelle ils se dressent devant une simple injustice.

    Ayez plusieurs amis, mais découvrez-les bien.

    Et nous voici désormais, brave Napoléon, adossés dans cette ruelle puante de trop d'exactions indéfinissables. Toi affalé sur ton large et touffu postérieur, nous trois la tête renversés, à bout de souffle.

    Haa…Haa…Haaa…Haha…Hahahaha ! Hahaahahahaaa !

    Un fou rire irrépressible me prend ! Un fou rire que le borgne partage, alors que l'autre, l'air plus lunatique, secoue ses frêles épaules en affichant l'esquisse d'un sourire. Même toi tu couines avec plaisir, ami capibara, alors que l'énorme ombre de la rascasse s'immisce dans le demi-jour de la ruelle. C'est d'abord la méfiance, à savoir si le colosse aquatique qui se dresse devant nous est un homme de la Marine. En effet, nous avons joué des poings à la taverne du Dauphin Borgne, au détriment de ces malheureux qui ont osé remettre en question l'évidence du destin que j'ai hérité de mon père. Mes jointures en souffrent encore, à ce propos, au même titre que mes blessures dont la douleur refait surface, tandis que l'adrénaline de l'action s'évanouie de mon organisme.

    Trois batailleurs amochés et un rongeur se relèvent comme un seul homme. Trois pairs d'yeux et demi ainsi que les énormes prunelles d'un capibara échangent quelques regards. Sourcils arqués, pupilles lumineuses, mines analystes, doutes, acceptation.
    Dans l'œil du borgne, je décèle la curiosité, l'arrogance de ceux qui savent, qui aiment à comprendre et connaître. Je lui trouve aussi cette posture droite, cette carrure solide qui inspire la confiance. Il est de ces hommes que l'on appelle facilement camarade ou frère d'arme, de ceux qui posent une main sur votre épaule avant de plonger dans le feu de l'action. De sous sa barbe apparaissent quelques dents claires alors que son œil unique cligne légèrement en serrant ma poigne que j'aurais voulu plus solide. Il sera mon officier, je l'ai su plus tôt, je le sais toujours.

    Landacier. Des Veinstone.
    Je connais ce nom.

    Une lueur énigmatique éclaire mon regard alors que dans mon esprit ressurgissent ces journées entières passées à éplucher tous les contes de la bibliothèque du manoir Toreshky. Le Veinstone, métal de légende, d'une rareté n'ayant d'égal que la solidité de la fonte nordique des Kaltershaft. Ils sont un clan d'aventuriers et de découvreurs. J'ai besoin d'hommes qui perçoivent l'avenir et qui respirent les mots liberté et aventure à défaut de l'oxygène. Tes oreille papillonnent, Napoléon, alors que tes iris sages dévisagent Landacier.

    Le suivant a les yeux voilés de celui qui ne regardent plus le monde avec la lunette de la compréhension, avec celle des sens. Son air frêle, fêlé, mêlé à un flegme qui efface encore plus son esprit, rappellent encore mieux un fauve. Un fauve en loques, certes, mais un fauve constamment en chasse. Une brute passive qui n'a pas un instant hésité à se précipiter à mon secours. La voilà, cette chose si simple qui pourtant m'échappait jusqu'alors chez cet homme : la réactivité. C'est un instinct profondément ancré qui semble le mener. Le mot qui le décrit est Bête. La pensée que j'ai pour lui est Rupture. Un homme ne devient ainsi qu'au prix de lourds tributs.

    Je. Euh. Uriel.
    Et sois-en fier. lui soufflé-je en agrippant sa main peu réceptive.

    Puis il y a lui. Montagne d'écailles. Lui. Toi. Toi qui me cherchais. Toi qui t'es aventuré jusque dans les tréfonds du port de Poiscaille pour me trouver. Toi dont les ténèbres vitreuses de tes yeux semblent se sustenter de ma personne avec émotion. Je m'approche que ta paume est déjà tendue, que tes dards frémissent et que je comprends d'ores et déjà à qui j'ai affaire. Il n'y a qu'un seul mot pour cerner ce qui baigne dans la lueur de ton regard. Dans ce miroir qui fait briller ma silhouette fourbues. Destin. Je connais ton sang.

    Tu es le fils de Torl T'Erlhitan.
    Son petit-fils. Kurn.
    Et tu viens remplir sa dette.

    Connexion. Évidence.

    Euh, dites, je dérange ?




    Je t'avais oublié, quelques instants, toi, obèse et gras personnage à l'œil malin qui se tient à l'orée de la ruelle. Je ne te connais pas encore, mais si tu me cherches, tu m'as trouvé, et cela au prix de la rencontre de mes premiers camarades.

    Je suis le Capitaine Percebrume.
    Et je suis Robert Blop, le maire de Poiscaille.

    Tout de suite c'est la méfiance. Les mains filent vers les sabres et les pistolets, les poings se dressent et les crocs se révèlent.

    Oh, du calme. Restons diplomates, messieurs.
    Je vous ai remarqué, là-bas, au Dauphin Borgne. Vous m'avez l'air d'une pointure !
    Héhé, on pourrait dire ça.
    Je connais un restaurant dans les environs, ils y servent la meilleur bouillabaisse de West Blue. C'est moi qui invite !

    Je coule un regard vers mes nouveaux compagnons. L'idée d'une bouillabaisse t'a fait dresser le museau, mon gourmand compagnon animal. Kurn, lui, reste méfiant, alors que Landacier et Uriel ne semblent pas rejeter l'idée. Le maire lui-même ne s'empêtrerait pas dans une altercation avec des pirates. Il n'oserait pas. Faire de ce rendez-vous un carnage ou un guet-apens serait de loin une horrible idée pour quiconque cherche à sauver sa peau. Et puis, on ne trahit pas l'honneur d'un Toreshky. Si ce Robert Blop a quelque chose à me -à nous- proposer, il le fera autour d'une soupe qu'il aura lui-même payé. Mon père n'aurait jamais refusé l'hospitalité et la bonne volonté d'un autre.

    Nous vous suivons.


    Dernière édition par Maxwell Percebrume le Mer 13 Mai - 0:15, édité 2 fois
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    L'ambiance était au rendez-vous au Brochet Barbu. Les clients riaient et semblaient avoir du bon temps. L'odeur de poisson cuit régnait dans la salle et tout le monde semblait manger à sa faim. J'étais assis à ma banquette et j'avais commandé la spécialité de la maison. Les marins de partout dans West Blue traversaient de très grandes distances pour simplement goûter à ce plat. Même si j'en avais mangé pour déjeuner et diner, c'était toujours aussi succulent. Le poisson parfaitement cuit dans un bouillon aromatisé à la perfection avec les tendres croutons de pain. Cette bouillabaisse était tout simplement délicieuse. Je dévore mon repas en quelques secondes et liche les quelques gouttes de soupe qui reste dans mon bol. Je commande une autre assiette.

    Du coin de l'œil, je vois cette jolie femme, seule, assise au fond de la salle qui m'observe. Lorsque qu'elle s’aperçoit que je la regarde aussi, elle rougit et baisse les yeux, puis les relève et recommence à m'observer. Je m'égarais dans ses beaux yeux bleus et son sourire craquant. Elle me regarde avec ses mignonnes fossettes en faisant tourner son doigt dans ses longs cheveux bruns. C'est un signe qui ne ment pas.

    Je me lève et marche dans sa direction. Je me déplace lentement, les épaules bien larges, et en profite pour l'analyser. Un peu plus vielle que moi, plutôt bien membrée, belle robe blanche... Elle devait être une gosse de riche. Plus je m'approche et plus elle devient jolie. C'est une perle rare cette fille. Je m'assois devant elle, une main dans ma poche et l'autre sur la table, il faut du style quoi, et j'exécute la technique ultime. Je souffle sur ma mèche de cheveux rebelle et donne un petit coup de tête vers la gauche. Elle se mord la lèvre inférieure et me fait un regard timide. Bingo!

    Elle me faisait perdre mes moyens, mais je ne pouvais le laisser paraître. Un mâle alpha ne peut se permettre de montrer son attirance ou il perd l'avantage dans la bataille. Première fois que je drague une fille dans un restaurant. Elle est bien plus belle que les greluches qui se trouvent dans les tavernes, ça me forçait à utiliser la meilleure arme de mon arsenal.

    - Bonjour ma jolie capibara, comment allez-vous?

    Le truc avec cette phrase, c'est que pratiquement aucune fille ne sait ce qu'est qu'un capibara. Elles n'osent pas demander pour ne pas avoir l'air stupide et font habituellement un petit rire nerveux, ce qu'elle fit. J'avais réussi à introduire la conversation et en plus j'avais l'air d'un intello.

    - Plutôt bien et vous Monsieur?

    - Monsieur? Mais voyons princesse, vous pouvez m'appeler Dimitri.

    Elle rie et me je ne peux m'empêcher de lâcher un sourire.

    - Moi c'est Panda, dit-elle en plaçant ses cheveux derrière son oreille.

    Hum... Ouais, décidément on ne peut pas tout avoir dans la vie. Après tout, Panda ce n’est pas si mal... Ça fait... féroce?

    - Alors, qu'est-ce qu'une jeune demoiselle sans défense comme vous fait seule ici?

    - À est-ce que vous croyiez vraiment que j'étais seul? J'ai dû oublier de vous dire que je suis avec mes amis pirates Dimitri. Oupsi! me dit-elle avec un petit clin d'œil.

    À ce moment trois gaillards se rassemblent autour de moi et dégainent leurs pistolets. Les clients s'arrêtent de parler quelques secondes, puis recommencent quelques instants après. Les gens ne changent donc jamais, ils favorisent toujours leur propre bien avant celui des autres... Décevant...

    - Attention Messieurs, vous pourriez-vous blesser.

    - Allez mon ange, donne tout ce que t'as sur toi.

    Je fais comme si j'allais prendre ma bourse et envoie un coup de coude sur le menton du mec derrière moi. Je poursuis avec un coup de pied sur le mollet du pirate à ma gauche et fauche celui à ma droite. Les trois se retrouvent au sol et semblent sonnés.

    - Il y a toujours quelque chose qui louche avec les filles qui s'appellent Panda. Tu pensais vraiment m'avoir avec un nom aussi ridicule?

    - C'est mon vrai nom pauvre con! me hurle-t-elle en me donnant un solide coup de pied dans les couilles.

    Je tombe par terre et me tord dans la douleur. Les femmes... Toutes les mêmes au fond. Elles n'ont pas d'honneur et profitent des points faibles des hommes. Les trois bandits c'étaient relevés et pointaient leurs armes sur mon visage. Je reçois quelques coups qui me font cracher du sang et ils me volent mon argent. Je voyais flou et j'avais quelques côtes de cassées, mais bon, c'était pas si pire que ça.

    Soudain, les mecs commencent à tomber les uns après les autres. Un silence et les gens recommencent à parler comme tout à l'heure. Je vois une main d'homme qui agrippe Panda par l'épaule et j'aperçois la terreur sur le visage de la demoiselle. Une jeune femme sans défense, il fallait que j'agisse. J'utilise les quelques forces qui me reste et attrape violemment le bras de l'individu.

    - On ne vous à jamais enseigné qu'il faut bien traiter les femmes?

    À ce moment, j'aperçois la merveille, la créature mythique, le dieu de la drague. Devant moi se trouvait UN VRAI CAPYBARA! Je n'en avais vu que dans des livres auparavant, et lui il se tenait là, aux pieds de ce mec, avec son petit air hautain.

    - WWWWAAAAAAAAAAAOOOUUUUUHHHHHHHH!!!!!!!!


    Dernière édition par Dimitri Pokochiev le Dim 10 Mai - 2:50, édité 1 fois (Raison : Justifier)
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    Une altercation venait d’éclater dans le restaurant. Encore une. Ils ont le sang chaud, se dit Kurn. Ce dernier resta en retrait : sa tâche était de protéger le Capitaine Percebrume et se mettre à son service. Et il n’avait certainement pas besoin d’aide pour écarter quelques brigands de bas étage. En arrière-plan, le maire de Poiscaille fit signe aux serveurs de ne pas intervenir. Ceux-ci rangèrent précipitamment les couteaux à viande.
    L’intérêt de la victime de la tentative de racket tourna rapidement son attention vers le Capybara de Maxwell, et sembla oublier le reste, la situation, et le risque que courait la jeune femme. Le capitaine, distrait aussi, fut rappelé à la réalité par le maire, Robert Blop :
    « Messieurs ? Je pense que, maintenant que vous avez empêché cette rixe, nous pouvons peut-être nous installer pour dîner ? Nous avons beaucoup de choses à nous dire, je pense.
    - Hm, oui, bien sûr, Monsieur le Maire. »

    Kurn s’assit précautionneusement sur la chaise, faisant peser sa masse peu à peu. Etant donné qu’aucun craquement ne se faisait entendre, il décida enfin de faire porter tout son poids et d’examiner la salle dans laquelle ils se trouvaient.
    Leur grande table était couverte d’une nappe d’une blancheur immaculée impeccablement repassée et recouverte d’argenterie, de verres en cristal et de serviettes de table assorties. Du coin de l’œil, il vit les serveurs sortir de la cuisine par une porte battante, mais Kurn ne put distinguer ce qu’il s’y passait. Les autres clients leur jetaient des regards allant de la surprise au mépris, regards qui étaient tout de même jugulés par la présence rassurante du maire.

    Un maître d’hôtel s’approcha de Blop avant de s’adresser à toute la tablée :
    « Messieurs, souhaitez-vous recevoir les menus ?
    - Inutile, Richard, inutile. Nous prendrons tous une bouillabaisse. Après tout, je leur ai dit que c’était la meilleure de l’île !
    - Vous êtes trop bon, Monsieur le Maire.
    - Ne vous en faites pas, Richard, je ne dis que ce que je pense, toujours ! Fit Robert en adressant une œillade joyeuse aux nouveaux-venus.
    - Monsieur, y compris votre hôte, l’homme… poisson ?
    - Ah, effectivement… Une bouillabaisse ?
    - Je vous en prie, répondit Kurn en fixant Richard.
    - Très bien, je vous apporte votre commande au plus vite. Et comme boisson ?
    - Servez-nous cette bouteille de blanc d’Inari. J’ai toujours eu un faible pour ce cru que je qualifierais de… divinement bon. »
    Seuls Maxwell, Landacier et le maître d’hôtel semblèrent comprendre la plaisanterie et en sourire, les trois autres se contentant d’attendre la suite des événements.

    « Bien, entama Robert Blop, ce que je veux vous proposer, c’est un contrat.
    - Un contrat, répéta Percebrume d’une voix plate.
    - Tout à fait. Je ne suis pas sans savoir que vous n’avez pas de navire digne de ce nom. Et pour avoir ledit navire, il est nécessaire d’avoir des fonds. Ces fonds, je peux vous les fournir. Moyennant un petit service. »
    Tous les regards se tournèrent vers lui, y compris celui de Napoleon. Blop se contenta d’un sourire et d’un clin d’œil. Il était facétieux, semblait-il. Mais cela ne le rendait pas plus sympathique aux yeux de Kurn. J’ai fréquenté peu de chefs humains. Et peu parmi ceux-là s’intéressaient au bien-être des autres, a fortiori si ce sont des étrangers.

    « Mais nous pouvons peut-être d’abord parler de vous, faire les présentations ? Après tout, vous savez qui je suis mais je n’ai pas la moindre idée de qui vous pouvez être, excepté le Capitaine Maxwell Percebrume à ma droite.
    - Landacier Veinstone, enchanté.
    - Dimitri Pokochiev, ravi de faire votre connaissance, ajouta celui qui était déjà là à leur arrivée et s’était assis –sans la moindre gêne- à côté de Maxwell et de son capybara.
    - Kurn T’Erlhitan, fils de Vrarr, fils de Torl.
    - Uriel, fit le jeune homme en montrant les dents, accroupi sur sa chaise. »

    Sur ces entrefaites, les bouillabaisses arrivèrent, et pendant quelques minutes on n’entendit plus que le cliquetis des couverts résonnant contre les bols, le son de la soupe aspirée bruyamment dans les cuillères et du vin descendu à plus ou moins grosses gorgées.
    Quand le maire eut fini sa propre portion, il s’essuya précieusement la bouche, se racla la gorge et commanda une deuxième assiette.
    « J’espère que vous avez apprécié ? La meilleure bouillabaisse, je vous l’avais bien dit ! Enfin, revenons à nos poissons, et pas ceux de l’assiette.
    - Oui, nous souhaiterions savoir ce qu’implique de travailler pour vous.
    - Ma foi, ce sera fort simple, et fort complexe, à la fois. C’est pourquoi j’ai besoin de vaillants individus qui en ont dans le ventre… et dans la cervelle. Vous me paraissez remplir parfaitement ces deux conditions et…
    - Et nous sommes des étrangers, n’est-ce pas ? Coupa Percebrume.
    - Tout à fait. Pour mes besoins, c’est précisément ce qu’il me faut.
    - Et donc ?
    - Vous n’êtes pas sans savoir, probablement, que les trois familles de cette île se livrent en sous-main une terrible guerre d’influence, chacun tentant de développer son périmètre commercial aux dépends des autres familles. Bien évidemment, cela serait tout à fait délétère pour les habitants de Poiscaille. Or, étant moi-même le Maire, je me dois de penser à leur bien-être, vous le comprendrez aisément. »

    Sa déclaration ne fit pas grande impression, ne déclencha pas de tonnerre d’applaudissements. Ses invités se contentèrent de continuer à le regarder avec plus ou moins d’attention tandis que la salle, une fois la surprise des nouveaux arrivants passée, était retournée à ses propres petites affaires.
    « Ce qui m’amène, après ce rapide rappel de la situation, à l’état présent. Un des trois nobles a organisé une grande soirée. Il y a convié tous les notables de la ville et d’autres encore. Mais je subodore que sous cette invitation se cache quelque motif peu avouable et dangereux. Oh, bien sûr, il y aura un service de sécurité. Mais il sera sûrement corrompu, aux ordres de l’un ou de l’autre.
    Votre rôle, si vous acceptez mon marché, sera de vous assurer qu’il n’y a pas d’incident menaçant l’équilibre de l’île, rien de moins.
    - Et le paiement ?
    - Là encore, je ne pense pas me moquer de vous. Je vous propose cinquante millions de berries, très précisément. Une somme plus qu’honnête à la hauteur de la tâche que je vous demande. Et à la vôtre, de hauteur. »

    L’annonce surprit la tablée. Un pactole de cinquante millions, simplement pour assurer la sécurité d’un repas ? C’était alléchant, et plus encore, malgré le fait qu’ils aient tous déjà le ventre plein. Robert décida que c’était le moment de porter l’estocade finale :
    « Bien sûr, si vous acceptez mon offre, vous serez déguisés en riches marchands, à mes frais. »

    Il porta un regard satisfait, se repaissant de l’expression convaincue de ses interlocuteurs, avant de se repaître de son deuxième bol de bouillabaisse, qui venait d’arriver. La soirée semblait porter ses fruits jusque-là.

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    Hmpfh.
    Oh ! Hé oh ! Lâche-moi !
    Kurn.

    Le soir imprime ses sombres taches, peu à peu, sur les rues mouillées de Poiscaille. Les lampadaires des rues crachent sur le sol reluisant leur lueur orangée alors que, dans une ruelle, Kurn laisse retomber au sol le piteux Dimitri Pokochiev. Ce dernier frotte vigoureusement son arrière-train douloureux alors que Kurn, lui, dirige son regard humide et sombre vers moi. Comme seule réponse, je lui adresse un sourire énigmatique en te jetant un signe de tête. Car tu ne peux le nier, mon brave Napoléon, mais tu es bête d'orgueil ! C'est bien toi qui t'es senti le devoir d'épargner l'intrépide curieux puisqu'un peu plus tôt, il s'était lui-même entiché de ta grâce. Évidemment, je ne pourrais t'en vouloir, puisque moi-même je retrouvais en ce gamin la fougue gavée de rêves qu'est celle des jeunes aventuriers. Lui, le monde a encore tant à lui offrir, ne serait-ce que par la découverte de bêtes mythiques comme toi, ou encore par de fabuleuses batailles dont il gardera toujours le souvenir. Moi, le monde m'a déjà déçu, je ne le traverse que pour le force à s'excuser à mon égard. On ne brime pas les rêves d'un Toreshky.

    D'ailleurs, je souhaite ardemment que ce Robert Blop, gourmand et vain politicien, ne commette pas l'erreur d'agir de la sorte à l'égard de mon honneur. Il a donné sa parole, et sa bonhommie naturelle m'inspire la même confiance que j'ai envers les rares hommes qui cherchent sincèrement le bien des autres. Il est le maire de Poiscaille, il n'a pu prétendre à ce siège sans le mériter. De plus, quoique je n'ai toujours pas vu la couleur de l'or qu'il nous a promit, je ferai en sorte d'écarter mes quelques doutes une fois que j'aurai compris l'ampleur du sérieux de son engagement; lorsque nous l'aurons rejoint chez le tailleur le plus prestigieux de l'île. Car c'est bien vers les Soies de Jackson que nous marchions avant que Kurn ne laisse libre cour à sa méfiance envers le gamin muni d'une lance.

    Dimitri. Hmm.

    Une chose est certaine, le fils de Torl est un élément loyal et indispensable. Je l'ai su dès que mon regard a croisé le sien. Au même titre que Landacier et Uriel, j'ai reconnu en lui le lien indubitable que le destin tisse entre des âmes poussées à travailler de concert. J'ai immédiatement eu cette impression, oui. Cette sensation fulgurante qu'est celle de se sentir meneur. Tu la connais bien, toi, cette puissance qui galvanise l'esprit, prince des rongeurs. Moi, je l'apprivoise, je la goûte pour une première fois, et je me délecte déjà de me la savoir promise. Je sais que je dois être le capitaine de mes trois premiers confrères, tout comme je l'ai senti lorsque mes déboires m'ont porté aux côtés du Baron Brixius. Toutefois, lui, ce Dimitri, ne m'a toujours pas insufflé la certitude de la loyauté. Je vois en lui la liberté, l'assurance et l'insubordination.

    Je vois en lui un pirate avant un frère. Et c'est peut-être ce sentiment qui m'effraie plus qu'il ne me motive.  

    Un élection libre. Peut-être. Ou bien un investissement à long terme. Un gage d'avenir pour un homme qui saurait peut-être devenir un de mes lieutenants les plus avisés.

    Tu es lié à nous par le contrat auquel tu as assisté, Dimitri. Suis nous et prouve ta valeur, mais assure toi surtout de ne pas nous décevoir, ni moi, ni Napoléon.

    Je me retourne vers le reste de mes compagnons, une lueur amusée dans le regard. Émergeant de la ruelle, je m'engage sur l'avenue humide où s'entremêlent les lumières des lampadaires et des échoppes fermant leurs portes. Ils sont à ma suite, évidemment. Les Soies de Jackson doivent se trouver sur cette rue, conformément aux indications du rendez-vous que nous a intimé Blop.

    Maintenant, nous sommes de riches marchands, comme le maire le fera croire aux autres. Agissons de la sorte ! Alors Uriel, tu peux bien parler comme les riches de ce monde ?
    Euh. Je.
    Héh, laisse tomber. Il tape fort, mais on dirait qu'il lésine pas mal sur le dialogue. grogne un Landacier a l'air amusé.
    Je. J'aime les moules. Et. Euh. Et le vin blanc d'Inari. J'ai. J'ai toujours eu un faible pour ce cru que je qualifierais de divinement bon.
    Hahaha ! Impressionnant !
    Héh, au moins il a une bonne capacité de rétention, le bougre.
    Nous sommes arrivés. coupe Kurn en désignant sur notre droite une vitrine croulant sous des mannequins affublés de robes et de costumes de toute sorte. Une porte s'ouvre et c'est le maire lui-même qui passe difficilement sa corpulente masse dans l'interstice pour nous faire signe d'entrer.

    La boutique est fermée à une heure pareille, mais pour vous c'est un traitement spécial !

    S'offre alors à nous des rangées entières de tissus, de vestons, cravates, pantalons, mouchoirs de soie et boutons de manchette, mais aussi des robes, des blouses, des bustiers et des châles. Entre les rangées garnies de tissus provenant des quatre coins du monde patientent une multitude de miroirs de toutes tailles, chacun attendant de recevoir le digne reflet d'un acheteur assez nantis pour se payer le luxe d'un des accoutrements des étalages. Un petit morceau de quinquagénaire surgit de l'ombre du magasin, le crâne chauve, les lunettes carrées, quelques poils bien taillés surplombant ses lèvres, pour venir à notre rencontre.

    Jackson, je suppose.
    Lui-même ! geigne le petit tailleur portant chemise et débardeur de laine, des ciseaux et des rubans à mesurer plein les poches.
    Il leur faut un costume chacun, ils doivent bien paraître pour la soirée de demain, celle organisée par Monsieur Portdragon.
    Bien évidemment ! renchérit le gringalet d'un ton somme-toute assez efféminé. Ce sera une partie de… de plaisir… termine-t-il avec hésitation en détaillant chaque membre de notre groupe. Son air se décompose petit à petit, surtout lorsque ses yeux à la taille décuplée par les verres s'arrêtent sur la silhouette colossale de Kurn, mais aussi sur ton museau velu, brave Napoléon.

    J'imagine qu'il n'a jamais eu la chance d'habiller un roi.



    Dernière édition par Maxwell Percebrume le Dim 10 Mai - 8:39, édité 1 fois
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    Altercation. Poings fermés. Frappe. Tu te retrouves embarqué dans toutes ces aventures, un peu contre ton gré, mais pas vraiment. Tu t'étais dressé, ton corps réagissant par instinct. Cette espèce de volonté gravée en toi qu'était celle de protéger. Cette fêlure. Ce déséquilibre qu'on t'a inscrit de force à même la peau. On t'a ouvert le crâne, pour y déverser cette idée. Cette fixation. Vivre pour protéger. Mourir en protégeant. C'est ainsi que la bête avait été élevée. Ainsi que la machine avait été programmée. Et le fouet a cessé de claquer. Les chaînes sont tombées. La machine s'est court-circuitée. Tu n'avais plus d'entraves. Plus d'obligations. Le programme était incomplet. Les données était erronées. Tu n'étais plus qu'une erreur dans tout cela. Une vulgaire erreur, pourtant impossible à effacer. Une existence qui continuait à exister, pour un seul et unique but. Un but sommaire. Un but vulgaire. Protéger. Alors tu avais encore joué des poings en voyant ce type se faire agresser. Comme tu l'avais fait pour protéger ces mousses avant ton départ. Comme tu l'avais fait pour venger cet homme qui venait de te prendre sous son aile. Il n'y avait rien en toi. Juste un mot. Protéger. De tout. De rien. Des éléments. Des gens. Pourquoi pas de ce maire, qui remplissait tes narines de relents de couardise et de débauche. Le genre d'individus louches que tu avais déjà croisé. Rien à voir avec un véritable homme de bien. Cet homme, Percebrume, avait à tes yeux bien plus de prestance que ce maire rondouillard. Tu avais beau savoir leurs conditions, ils étaient inégaux à tes yeux. Alors tu étais resté. Tu aurais pu partir. Mais tu ne l'as pas fait. Parce qu'il y avait chez ces gens une sorte d'aura qui te retenait. Une voix semblait te chuchoter de continuer. De rester encore un peu.

    Tu avais suivi la conversation sans faire de vagues. Te contentant de lâcher quelques mots lorsqu'on te l'avait demandé, leur donnant pour tout et en tout, ton nom. Tu te contentais d'écouter les conversations, en surveillant les alentours. Tu voyais les regards converger. Les oreilles se tendre. Tu te tenais prêt à intervenir en cas de besoin, tout en dévorant le plat que l'on venait de vous servir. Ou du moins non. Tu avais baffré comme un porc cette assiette, n'ayant plus eu droit à ce genre de plats depuis bien longtemps. Tu avais presque porté plus d'attention à ton repas qu'aux propos que l'on tenait autour de toi. Mais tu avais fini par redresser la tête. Incidents ? Tu avais commencé à prêter d'avantage attention à ce qu'il racontait. C'était une affaire de surveillance. De protection. Tout dépendrait de la décision de ces trois hommes qui t'entouraient. Ou du moins de ces deux hommes et de cet homme-poisson. Tu n'avais pas réellement pris en compte le dernier, qui était venu se greffer à votre groupe. Par instinct. Tu avais déjà croisé un hybride de poisson humanoïde, et tu en avais gardé un mauvais souvenir. Mais celui-ci était différent, en ce sens où tu aurais presque pu sentir émaner de lui une aura de loyauté. Cette même loyauté, si forte qu'elle en devient absurde. Ce même sentiment que tu connais si bien. Tu te fiches bien des affaires d'argent ou de récompenses. S'ils se décident à agir, alors tu les suivras. Tu n'as plus rien à perdre de toutes façons.

    Tu suis le mouvement, docilement. Comme un animal attaché, suivant ses propriétaires. Tu te plies aux exigences du rôle que l'on veut te donner. Tu n'es guère à l'aise avec les mots. Tu as beau retenir les mots, les sons semblent tordus, râpeux, comme grattant ta bouche. Tu te remémores sa façon de se tenir. Toi qui n'a jamais fait que courber l'échine, toujours souple, toujours prêt à bondir, tu as du mal à adopter les manières d'un marchand. Tu tentes malgré tout de redresser ton dos alors que tu avances, semblant gagner quelques centimètres. Tu prends le temps de poser le pied, de raidir ton pas. Tu n'es guère à l'aise. Et c'est encore pire alors que tu entres dans la boutique, remplie de tissus et de costumes. Tu observes les parures, les tissus chamarrés, les coupes fines et précises. Tu n'oserais pas porter ce genre de choses, par peur de les abîmer. De les froisser, de les salir, ou même de les déchirer. Mais tu laisses pourtant le petit tailleur prendre tes mensurations, sans un mot. Tu manques de le frapper alors que son mètre vient chatouiller une des trop nombreuses cicatrices qui barrent ton dos. Mais tu supportes ce petit jeu en silence, attendant patiemment alors qu'il s'affaire. Tu observes les quatre autres. Le barbu borgne nommé Landacier. Le premier a t'avoir rejoint alors que tu étais prêt à ravager cette taverne. Tu ne saurais même plus vraiment dire ce qui t'as poussé. Etait-ce la fièvre, ou un quelconque autre instinct ? D'autant que tu ne le connaissais pas, ce Pecebrume. Pas avant cette intervention musclée. Puis l'homme poisson. Plus imposant que celui que tu avais croisé par le passé. Plus massif, mais dégageant une impression moins pesante pour toi. Il te faisait moins peur que l'autre. Le requin. Tu frissonnes sans t'en rendre compte, alors que tu repenses aux côtes qu'il t'avait fracassé. Et tu n'as pas le temps de détailler le dernier, le tailleur se présentant déjà devant vous, visiblement mécontent. Tu l'entends vaguement grommeler à propos d'histoires de carrures, que cela va lui coûter cher en tissus, que vous n'avez pas intérêt à ruiner ses vêtements. Ce genre de choses. Mais tu n'écoutes déjà plus. Tu contemples les vêtements qu'il te met entre les mains. Tu admires le travail réalisé, en te demandant si tu oseras les porter. Tu es si absorbé dans ta contemplation que tu n'entends guère ce qui se dit autour de toi.

    Et l'essayage te confirme que tu n'es guère fait pour cela. Tu te sens engoncé. Mal à l'aise. Tu as l'impression de ne pas être à ta place. Même s'il peut dire que cela te sied, tu n'es pas du même avis. Avis qui ne tarde pas à changer, alors que tu vois ton compère écailleux sortir, fagoté n'importe comment. Tu ne peux réprimer un fou-rire, qui ne tarde pas à dérailler en grattant tes cordes vocales. Tu essaies de reprendre un minimum de contenance, finissant par aller attendre dehors, gardant le costume sur toi. Tu attires quelques regards alors que tu te postes devant la boutique, appuyé contre la vitrine, bras croisés. Tu te mordilles la lèvre, en te demandant ce que vont dire les pauvres gens qui t'hébergent lorsque tu rentreras ainsi vêtu. A voir également s'ils vont t'accompagner ou non. Tu fermes les yeux, tentant de te représenter la scène. Ce sera un fourbi sans nom. Mais pas forcément un désastre. Dans le pire des cas, tu dormiras dehors. Tu ne sais guère comment se dérouleront les choses. Comment tout évoluera. Si tu finiras par les suivre. Tu hésites. Tu n'aimes pas te mêler à ces discussions importantes. Tu n'en as pas l'habitude, toi qui était destiné à servir en silence, sans droit à la parole. Tu as beau être libre, ces habitudes te collent à la peau. Elles te hantent. Si tu t'engages sur le même chemin qu'eux, peut-être finiras-tu par t'en défaire, qui sait ? Mais tu hésites. Pourras-tu les protéger cette fois ? En seras-tu capable ? C'est la question qui te tourmente. Mais tu n'as guère le temps de pousser d'avantage ta réflexion, car les voilà qui sortent.

      Et maintenant ?


    Tu ne te rends pas compte d'avoir parlé à voix haute. Et pourtant. Tu commences à prendre des libertés, en prenant ainsi la parole sans y avoir été invité.

      Maintenant ? Nous avons bien mérité un peu de repos d'ici à demain soir ! Nous aurons besoin de tout le monde en forme. Même toi Dimitri.



    Il ne rappelle que lui à l'ordre. Comme s'il sous-entendait que tu es déjà sous ses ordres. C'est ce que tu te dis. Et pourtant, tu as déjà commencé à agir en tant que tel. A partir du moment où tu t'es dressé pour le protéger, tu as lié ton destin au sien. Tu as beau hésiter, il y a cette petite voix au fond de toi qui te hurle que ton avenir, si avenir il y a, est à leurs côtés.

    Et où va-t-on dormir ? Monsieur le maire, une idée ? Tu jettes un œil au dénommé Landacier, qui vient interrompre tes pensées.

    Je dois vous loger en plus ?

    Il semblerait bien. Avait ajouté l'homme-poisson. Kurn. Tu devrais prendre l'habitude de l'appeler ainsi. Mais tu ne dis rien. Tu les suivras pour cette fois. Tu préfères ne pas encombrer le vieux couple qui t'a accueilli. Tu ne veux pas leur amener de problèmes. Alors tu suis le mouvement, silencieux. Tu te redresses, allongeant un rien ton pas, te faisant un peu plus grand. Un peu plus fier, fermant la marche, pour garder un œil sur eux. Pour mieux les prévenir des possibles dangers qui les guetteraient. Tu avances, jusqu'à cet immense hôtel. Il ne lésine pas sur les moyens pour s'attirer vos grâces on dirait. Tu observes le bâtiment. Encore une débauche de luxe inutile. Tu fronces les sourcils, avec un semblant de dégoût. Quel gâchis. Mais tu n'en fais pas part au groupe, alors que vous entrez, guidés par le jambonneau vers la réception. Ou plutôt par le maire. Tu écoutes d'une oreille distraite l'homme grassouillet demander une des meilleures suites, alors que tu observes l'intérieur. Tu connais ce bois sculpté, et cette pierre si particulière. Les statues en marbre te rendent presque nostalgique, alors que vos chaussures encore neuves claquent dans les marches de l'immense escalier. Tout semble colossal. Démesuré. Tout est trop grand. Trop lumineux. Trop luxueux. Trop tout. Et tu fermes les yeux alors que vous arrivez à l'étage, et qu'il vous distribue les clés.

    Voici messieurs. Deux des meilleures suites de l'hôtel, voisines l'une de l'autre ! Sur ce, je vous dis donc à demain soir ?

    Et comment allons nous vous contacter en cas de besoin ?

    Ah. Euh. Tenez, mon numéro d'escargophone. Les communications sont comprises dans le prix de la chambre ne vous en faîtes pas.

    Tu lèves les yeux au ciel alors qu'il en rajoute. Encore, toujours plus d'étalages de richesse. Et tu ne l'écoutes déjà plus, ouvrant l'une des deux portes, observant la chambre. Immense. Des baies vitrées donnant sur la ville. Des draps en soie blanche. Une déclinaison de luxe et de lucre réunis. Même l'odeur est particulière, et en dépit du fait que l'argent n'aie pas d'odeur, ses produits en ont manifestement une. Tu avances au milieu de la pièce, laissant tes camarades régler leurs affaires, alors que tu te laisses tomber sur le lit. Enfin un peu de repos. Toutefois il ne sera que temporaire. Et il faut voir si tu pourras vraiment parler de repos, une fois tout le monde installé...
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    Plus un bruit, même pas une mouche. J’me demande si l’oxygène est aussi cher qu’les plinthes dorées qui ornent les fondations, c’est à s’y perdre. ‘Fin vu l’palace qui nous reçoit, c’est un peu ça. Puis à en croire la magnificence du maire, l’air doit sûrement être filtré pour éviter la mauvaise odeur de la corruption. Ironie. J’jette un regard à mes fringues, à mon noble accoutrement, pardon. Les chaussures déjà, santiags en cuir de croco’ et aux surpiqûres dorées style piraterie de la haute-sphère. J’suis plus qu’à l’aise dedans, pas comme dans le grand pantalon bouffant qui recouvre la totalité de mes jambes. C’est gros, c’est chiant, ça donne chaud et comme en plus j’ai le sang chaud, j’risque de déclencher un incendie prématurément. Alors pour éviter ça, une chemise à manches courtes et en gabardine kaki s’allie parfaitement à un veston en cuir d’éléphant. C’est l’combo’ gagnant pour absorber le frais ambiant, d’après Jackson. Le problème dans tout ça, c’est que c’est d’après Jackson justement. Si je l’avais écouté, j’aurais été ligoté de la même manière que Kurn. L’image parfaite qui décrit l’homme poisson, c’est un ballon de baudruche prêt à exploser. Ah. Ça m’arrache un sourire qui a survécu au tumulte des éclats de rire lors de l’essayage. J’relève le regard pour finir deux fois plus borgne face à une grosse silhouette ombrageuse.

    "- Un problème, cowboy ?"

    J’me tords en deux, les entrailles parlent pour moi. Putain que c’est bon, j’ai l’impression d’voir une sardine dans un costume trois-pièces. Maxwell, immuable, se rejoint à ma tranche de rigolade tout comme Dimitri, ce dernier en train de courir dans le vide, surélevé par le col et par le blondinet. Uriel quant à lui, passe à deux doigts de s’étouffer dans le coussin qui lui sert de moule à visage. On s’est tous compris, nos neurones sont sur la même longueur d’ondes. Même le capibara est sur la fréquence, son rire d’hyène résonne dans toutes les pièces. C’est un barouf sans nom, sans compter la venue du rire granuleux de Kurn qui couvre celui de tous les autres. Je les aime déjà, cette bande de joyeux lurons. Ce nouveau moment intense en émotion est soudainement interrompu par l’rondouillard.

    "- … Veuillez m’excuser !crie-t-il d’une voix aigüe et cocasse.

    L’atmosphère redescend, toute l’attention dirigée vers notre employeur commun.

    - Je vous souhaite de profiter de ce repos, vous en aurez bien besoin. Veuillez m’excuser.dit-il plus sereinement et avec un tempérament de volcan à la limite de l’éruption."

    Les portes se referment sur nous, j’essaie désespérément de rattraper mon chapeau prenant son envol vers la salle de bain. C’est à partir de là que je me rends compte de la multitude de détails qui arbore le chapeau de l’ouest américain. Des dents en assortiment avec les chaussures remplissent le couvre-chef de part en part, ça fait foutument Crocodile Dundee. J’rentre dans l’rôle qu’on m’a fixé, celui d’un chasseur de prime se situant au sommet de la noblesse. Don Dungo, l’homme qui aime traquer les esclaves et autres sous-catégories qui n’incluent pas les riches. J’attrape ma coiffe du bout des doigts, ma tête se cogne contre l’angle du séjour. L’euphorie laisse sa place à la réflexion. Où ça va me mener tout ça, dans une impasse remplie de pièges à loup ou dans un boulevard d’aventure ? J’les sens déjà comme des frères, des compagnons de route. Il ne faudra pas non plus que j’en oublie mon objectif, façonner l’objet de mes rêves et retrouver le reste de l'équipage de Toreshky.

    Une main chaude s’appuie sur mon épaule, c’est celle du blondin.

    "- Je vais me prendre un bon bain, tu me laisses la place compagnon ?
    - Si tu veux, j’aurais juste besoin de me faire une moustache de mousquetaire pour paraître crédible à la réception. Ça peut attendre quelques heures, fais toi plaisir. – lui-réponds-je en lui souriant amicalement."

    Il me sourit en retour avant de s’engouffrer dans la salle luxueuse, avec son capibara. Etrange, n’est-ce pas. J’lève le sourcil, celui qui veut tout dire. En réponse, un sourire faussement malsain et un regard plus qu’amical. Ahah, le con. La porte se ferme brusquement, mon chapeau tremble entre mes doigts. Il est temps de le remettre sur la tête et de m’prendre une chambre. Un bon lit au matelas souple, c’est tout ce que je veux. J’prends mon itinéraire jusqu’à l’endroit voulu, j’attrape la poignée pour ensuite ouvrir délicatement la porte massive. Soudain, un Dimitri sauvage fonce vers ma destination, force le passage d’une explosivité sans nom et se réfugie à l’intérieur en prenant le soin de m’couper le bout des ongles avec la porte. Putain, Dimi’. Cette dernière s’ouvre à nouveau pour laisser entrevoir le visage excité du spécimen.

    "- J’vais m’prendre celle là, enfin, je vais la réserver ! Pour Maxwell et moi ! Et son capibara ! Son CA-PI-BA-RA BORDEL !me lance-t-il en plein visage avec une armée de postillons.
    - Pas d’sushi. – lui réponds-je avec une gueule blanche comme un cachet d’aspirine. On arrose que les belles fleurs, hein."

    J’me retourne pour trouver un cadavre à moitié-mort sur le lit du salon, celui d’Uriel. Il dort avec ses vêtements qui coûtent la peau des couilles, normal. Il n’y a décidemment plus aucun respect et ‘faut l’avouer, j’aime ça. Sa caboche se tourne d’un quart, histoire qu’un œil puisse voir. J’lui lance un signe de main, bonne nuit copain. Il n’a plus vraiment la force de bouger, enfourne sa tête dans l’oreiller et bouge son pied de gauche à droite. Merci de me l’souhaiter aussi, t’es chic, même avec les pieds.

    J’me demande bien où se trouve le saumon, au frigo ? J’décide de faire un tour dans la cuisine. C’est là que j’tombe nez à nez avec la nourriture que je cherche. Il déguste un thé aux herbes assis là, en tailleur, sur l’carrelage incrusté d’une multitude de saphirs et de rubis. J’attrape une petite tasse, m’en verse du liquide avec la théière tout en posant mes fesses de renégat sur un sol qui vaut des millions. L’homme-poisson me toise du regard, sirotant son thé avec grâce.

    "- A la tienne l’ami."

    J’apporte la tasse à mes lèvres, l’eau parfumée s’écoule le long de mon larynx. J’ferme les yeux et j’me transporte directement dans la saison du printemps. Les pétales de cerisiers m’effleurent le visage et une odeur de renouveau s’empare de mon odorat. Il faut quelques secondes à mon esprit pour redescendre à la réalité et ouvrir à nouveau les yeux sur le cabillaud en boîte. Son attitude devient légèrement chaleureuse, il me transmet ce qu’il ressent. Incroyable pouvoir, d’ailleurs. J’avale d’une traite mon thé avant de lui esquisser un léger sourire. Bonne nuit à toi, Kurn. J’me lève doucement, pour pas que ça m’monte à la tête. Le thé quoi ? C’est comme l’alcool, bonhomme, on n’abuse pas des bonnes choses. J’trouve enfin la direction de ma chambre, un endroit plutôt cool, la salle la plus sobre de toutes. J’me dépêche de m’mettre à poil avant de rentrer sous les draps, extinction des feux. Toutes les lumières s’éteignent aussi unes à unes, le marchand de sable passe un peu partout.



      Le lendemain matin, aux aurores, Kurn se tourna dans son lit, et put voir la lueur du soleil par la fenêtre qu’aucun rideau ne cachait. Il se redressa, puis s’assit en bordure du matelas et s’étira. Ma charge de majordome a déjà commencé. Pour l’honneur…
      L’homme-poisson se leva et, de son habituel pas pesant, enfila son short habituel, délaissant les vêtements d’apparat qui étaient pliés sur une chaise, dans une vaine tentative d’éviter les plis. Je dois encore travailler ça, nota Kurn en clignant des yeux pour faire disparaître les dernières traces de sommeil.

      En ouvrant la porte de sa chambre, ses narines captèrent immédiatement une odeur de toast en train de griller et de café fraichement moulu. Bon, ce n’est pas aujourd’hui que je commencerai à cuisiner. Quelque part, Kurn était soulagé. Il savait manquer d’expérience dans ces domaines. Il tenta bien d’aller voir comment procéder, mais tout était déjà prêt sur la table, et une domestique lui proposa de s’asseoir pour petit-déjeuner, ou bien de boire quelque chose en attendant.
      « Un thé, s’il vous plaît.
      - Bien, monsieur. »
      Alors c’est comme ça qu’on s’exprime, puis qu’on s’incline, avec la serviette posée sur l’avant-bras et…

      Assis dans la grande salle à manger, son thé lui réchauffant les mains, la rascasse regardait l’astre solaire se lever tranquillement, en repensant aux événements de la veille. J’ai vécu en presque-stase pendant des mois, à la recherche du Capitaine Maxwell Toreshky Percebrume, et, enfin, je l’ai trouvé. Puis tout s’était accéléré. A peine l’avait-il trouvé qu’il avait dû voir des inconnus se battre pour lui.
      Ce n’est jamais que la preuve qu’il a l’étoffe de son père. L’étoffe d’un meneur, d’un capitaine. D’un empereur. Kurn but une gorgée de thé, laissant la chaleur se diffuser dans son œsophage puis dans sa cage thoracique en inspirant profondément.

      L’homme-poisson en était à repenser au maire quand Uriel, complètement échevelé par sa nuit de repos, sortit du salon, portant sur lui ses vêtements tout froissés.
      « Bonjour, Uriel, salut Kurn.
      - … Bonjour.
      - Bien dormi ?
      - … Oui. »
      Le jeune homme, mettant ainsi fin à la conversation, ramassa deux tartines sur la table et retourna dans son lit, pour profiter de la chaleur des draps ainsi que d’un casse-croûte. La rascasse haussa mentalement les épaules et reprit du thé.

      Plusieurs dizaines de minutes plus tard, une porte à peine entrouverte laissa passer un capybara en pleine forme suivi de très près par Dimitri, puis le capitaine Percebrume. Ils se saluèrent puis prirent place à table, Uriel les rejoignant les yeux bouffis de sommeil. Il a dû se renformir. Le dernier à se lever fut Landacier, armé de sa moustache de mousquetaire qu’il avait, semblait-il, bichonnée pour donner parfaitement l’image d’un chasseur de primes, mercenaire.
      « Bien, entama Maxwell. Petit-déjeunons. Bon appétit. »
      Tous firent comme le capitaine le proposait, les mains se tendant toutes vers la corbeille à pain, déclenchant quelques rires. Kurn prit sur lui de servir les boissons, thés et cafés, aux autres. Un premier pas vers le poste de majordome compétent.

      Une fois qu’ils furent tous servis et après qu’ils eurent déjà constellé de miettes la nappe blanche ornée de broderies qui couvrait la table, Percebrume reprit la parole :
      « Je propose que l’on profite de cette journée libre pour nous renseigner un petit peu sur l’île, ses principales influences, sa politique, et tous les événements récents sortant de l’ordinaire. Cela nous aidera à prendre le pouls des habitants. Puis nous reviendrons ici, à notre Quartier Général, pour déjeuner et nous préparer en vue de la soirée, en plus d’échanger sur ce que nous avons appris.
      - Excellente idée, commenta Landacier.
      - Mais comme je ne fais pas réellement confiance à quiconque en dehors de ce groupe, et cela inclut le maire, nous allons nous séparer en groupes.
      - Je suis avec le capybara ! Intervint Dimitri.
      - Nous sommes cinq, ajouta Kurn. Et… Et je reste avec le capitaine Percebrume. »
      Maxwell se gratta le menton.
      « Faisons comme ceci : Landacier et Uriel ensemble. Napoléon et Dimitri. Kurn et moi. Cela convient-il à tout le monde ? »
      Personne n’élevant sa voix contre, le plan fut entériné.
      « J’ai également pris la liberté de demander des vêtements plus courants au maire. Nous devrions bientôt les recevoir. Certaines de nos frippes étaient usées, souillées, ou ne correspondaient pas à l’image de grands marchands que nous sommes supposés véhiculer. »

      Une heure plus tard, le petit-déjeuner bien tassé dans leurs estomacs, les cinq hommes et le capybara, habillés de manière chic mais décontractée, quittèrent leur suite royale et se séparèrent en bas, Kurn étant comme prévu en binôme avec Maxwell. Comment le protéger si je ne suis pas avec lui, de toute façon ?
      Ils s’étaient répartis les zones de l’île, aussi les deux humains se dirigèrent vers le port et son marché déjà très actif malgré l’heure matinale : la mer et les pécheurs n’attendaient personne, et c’était à l’aube qu’ils rentraient, les filets pleins des poissons qui faisaient la renommée de Poiscaille.
      « Alors, Kurn, des nouvelles de ton grand-père ?
      - Il va bien, aussi bien qu’il pourrait aller. Avec la blessure qu’il a reçue et qui l’a empêché de rester aux côtés de votre père, il souffre régulièrement, notamment les jours de pluie. Mais cela ne le gêne pas trop.
      - Et ton père ?
      - Mon père a également été blessé. Dans notre village, nous pratiquons le mercenariat pour survivre, surtout. Et lors d’un contrat, sa jambe a été brisée, puis s’est mal rétablie. Il boite, depuis.
      - Et le reste de ta famille ?
      - Ma mère est partie quand j’avais quelques années, je ne sais pas pourquoi. Mon frère, plus jeune que moi, s’entraine au dojo familial. » L’homme-poisson hausse les épaules. Pourquoi ces questions ?

      Mais comme ils arrivaient tous deux au port, ils se turent, puis s’appliquèrent, surtout Maxwell, à tirer les vers du nez des habitants. Ils apprirent ainsi que trois familles luttaient pour gagner de l’influence sur l’île. Le patriarche Portdragon était très porté sur les échanges, et visait à étendre les routes commerciales de Poiscaille. La famille Malsouin contrôlait les pompiers et n’hésitait pas à faire usage de sa fortune pour s’assurer une bonne image. La matriarche Keudver dirigeait toute la santé de l’île, en plus du secteur de la pêche dont chaque famille s’assurait une part considérable.

      Ce qui ressortait, c’était le fait que malgré l’opulence des lieux, malgré la pêche somme toute facile, les habitants se sentaient oppressés par ces trois familles, et la Marine ne faisait rien pour améliorer la situation, tout comme le maire. Maxwell prenait note de tout cela, invitant ses interlocuteurs à continuer à parler, d’un sourire ou d’un silence, tandis que Kurn surveillait les environs, s’assurant qu’aucun danger n’atteindrait son capitaine.

      Quelques heures plus tard, ils étaient à nouveau dans les costumes sur-mesure créés par le tailleur, et s’apprêtaient à entrer dans la salle de réception…

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      Maxwell a assigné le quartier Est de la ville à Napoléon et moi. C'est l'endroit où la populace demeure, et évidemment personne dans ce coin ne s'intéresse aux riches commerçants. Mon déguisement ne m'est d'aucune utilité et ne semble créer que de la haine chez les paysans. Je dois trouver un moyen d'approcher ces gens sans éveiller de soupçons.

      Je marche dans le quartier et cherche un moyen de m'intégrer, lorsque quelqu'un m'attrape solidement par l'épaule et me fait presque basculer au sol.

      - Hey Zamboni, vous êtes finalement arrivé! me crie-t-il dans l'oreille. Son haleine de poisson crue me donne le haut de cœur. Ça commence bientôt. Allez, suivez-moi.

      - Pardon?

      L'homme dans la quarantaine, avec un costard de faible qualité et une moustache bien entretenue, m'attrape par le bras et m'emmène dans un chapiteau. Le capibara nous suit de près.

      - Hey vieux! Je pense que tu te trompe de personne.

      - Écoutes-moi jeune homme. Le vrai Zamboni m'a laissé tomber et tu lui ressemble assez pour qu'on te fasse passer pour lui. Fais semblant d'être un voyant et tu vas t'en tirer avec une petite somme d'argent. Maintenant, laisse-moi t'arranger.

      Il m'arrache ma chemise du dos et en fait un turban qu'il enroule autour de ma tête. Puis, il dessine quelques symboles sur mon visage avec de la peinture mauve.

      - Une longue file de personnes s'est amassé pour simplement avoir la chance de te rencontrer Zamboni. Regarde!

      Il ouvre un rideau et devant moi se trouve des centaines de personnes qui hurlent lorsqu'ils m'aperçoivent. La situation peut possiblement sortir avantageuse. Je vais profiter de la réputation de ce Zamboni pour obtenir des informations.

      - Ho! J'ai oublié la boule de cristal.

      - C'est bon, j'en ai une juste là! dis-je en attrapant Napoléon par la taille.

      - Et tu crois vraiment que les gens vont gober ça? me demande-t-il en frottant sa moustache entre son pouce et son index.

      - C'est la nouvelle magie. J'ai été cherché cette bête dans les tréfonds de l'enfer et j'ai lié mon esprit à celle-ci. Je peux maintenant voir des siècles à l'avance.

      - Hum... Ça peut fonctionner. Cessons de faire attendre notre public, commençons!

      Une première femme vient s'assoir sur la chaise devant moi et me demande de lui prédire son avenir. Je fais rouler le capibara de tous les côtés et demande à la demoiselle de la caresser pour créer la magie de l'avenir. Elle semble vraiment croire que ça fonctionne. Napoléon se fait câliner, donc il ne bronche pas.

      - Je vois... des hommes... des femmes... c'est une famille! Et c'est écrit M... Ma... Malsouin!

      - Ho non! Est-ce qu'ils me font du mal? me demande-t-elle terrifiée.

      - Pourquoi vous feraient-ils du mal?

      - Ah... Je sais pas pourquoi j'ai dit ça. C'est des gentilles personnes... Ahah...

      - Pour bien voir votre avenir, j'ai besoin de tout ce que vous savez à propos d'eux. Alors?

      - Ah j'ai oublié que j'avais un rendez-vous avec mon voisin. Zut! Je dois y aller. Au revoir!

      Elle s'en va aussi rapidement qu'elle est arrivée. Sa réaction n'avait certainement rien de naturel. Elle a peur de cette famille et je vais savoir pourquoi. Il faut simplement que je sois moins direct avec les futurs visiteurs pour ne pas les effrayer.

      Toute la journée, j'ai lu l'avenir de ces personnes dans le poil abondant de Napoléon. Il se faisait bichonner par tout le monde et adorait ça. Les clients s'enfilaient les uns après les autres. J'incluais l'un des trois nobles dans les histoires de futur que j'apercevais à travers le capibara. Je demandais tout ce que la personne savait sur celui-ci, même son côté plus sombre, afin de voir un futur plus détaillé. Tous se sont prêtés au jeu.

      Lorsqu'il ne reste plus personne, l'homme au costard vient me rejoindre et me récompense avec 100 000 de Berry. Je suis parvenu à récolter des renseignements en plus d'augmenter ma bourse. Dimitri Pokochiev, le surdoué!

      Au cours des interrogations, j'ai appris que la matriarche Keudver et le patriarche Portdragon sont les principaux suspects de plusieurs meurtres dans la région. Évidemment, l'argent et leur réputation les ont toujours innocentés. La femme est principalement liée aux empoisonnements, alors que l'homme touche plutôt aux coups montés. Tous les gens que j'ai questionné à propos de la famille Malsouin semblaient terrifiés et je n'ai pu rien apprendre autre que des faits insignifiants.

      - Zamboni attendez!

      J'arrête, et me retourne. C'est une femme très attirante dans la trentaine. Elle est grande et porte une jolie robe moulante rouge. La demoiselle se joue dans ses cheveux noirs et se déhanche sensuellement.

      - Maintenant que vous êtes libre, Monsieur Zamboni, ça vous dit de venir vous amusez dans ma chambre?

      La plus difficile décision de toute ma vie. Je ne peux décevoir le capitaine et la vie du capibara dépend de moi, mais qu'elle femme! C'est une occasion qui ne se présente qu'une fois, et avec une compagne d'expérience en plus...

      - Noooooooooooooooonnnnnnn!!!!! dis-je en m'enfuyant jambes au cou.

      J'espère ne pas trop le regretter. Je suis encore jeune et immature, mais la confiance que mes frères m'accordent est assez grande pour me contrôler. Leurs vies dépendent peut-être de l'information que j'ai amassé. C'est ce qu'il faut faire... J'espère...

      Je n'ai pas vu le temps passer. La soirée avait certainement commencé et les autres ne connaissent probablement pas le danger. J'accours à l'hôtel, et effectivement, ils sont déjà tous parti. J'enfile mon habit et celui de Napoléon et nous atteignons finalement la cérémonie.
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      Dresser l'étendard 1431469630-salle-de-bal

      La soirée est à l'hôtel de ville, un majestueux palace ayant perdu, à mes yeux, la totalité de sa valeur administrative. De l'extérieur, la bâtisse n'est plus qu'opulence, baies vitrées béantes et monumentales parois de marbre. C'est lorsque nous découvrons la faramineuse forteresse, Versailles splendide nichée au creux de la cité poissonnière, que je prends enfin conscience de ce qui, plus tôt, s'était affiché comme un doute quant à l'influence des trois familles sur Poiscaille. La richesse semble au rendez-vous sur l'île du poisson, mais elle est loin de l'être pour l'entièreté des habitants. Beaucoup, comme je l'ai remarqué lors de ma promenade avec Kurn, vivent dans ces quartiers pauvres, souvent vieux et délabrés, qui ternissent la beauté de certaines artères de l'île. Il me tarde de découvrir qui sont les meneurs de ces trois influentes familles qui, jusqu'à maintenant, me semblent tout sauf fréquentables. Je t'affirmerais que ce palais n'est pas digne d'un maire, mais plutôt d'un seigneur comme toi, mon cher Napoléon, si tu étais des nôtres… J'espère que le pauvre Dimitri n'a pas osé trahir ma confiance, ce qui expliquerais votre retard, sans quoi tu le châtierais de tes crocs vengeurs.

      Salle de bal comble. Draperies colorées, ornements opulents, dorures et clé de voûtes nous accueillent dans un hall monumental où s'entasse toute l'aristocratie des environs. Visages plus fardés d'hypocrisie que de maquillage, tricornes croulant sous les plumes de toute espèce, canne incrustée de pierres, collants et fins souliers de danse, redingotes et robes bouffantes, perruques et bourses pleines. C'est un torrent visuel qui nous noie sous un surplus de sensations, alors qu'au parfum distinct de chaque dame se mêle les fragrances de nombreux plats dont j'anticipe la qualité. Ici, chez les nobles, on ne mange pas ce qui est accessible aux paysans, pas de poisson ce soir, que des mets importés de South ou de East Blue.

      Tête basse, messieurs. Au royaume des conventions il n'y a d'yeux que pour les différences.

      Meute d'agneaux perdus dans un troupeau de loups, nous avançons tant bien que mal, ployant sous les regards intéressés et surpris. Je me revois, durant mes jeunes années, écumant les soirées mondaines de Marie-Joa afin d'obtenir l'once d'un mystère, la bribe d'un potin ou le témoignage d'un scandale. Tout se joue dans les hautes sphères. Le cœur de Poiscaille se pâme et se goinfre dans des costumes hors de prix partout autour de nous. Cette centaine d'hommes et de femmes drainant les ressources de la cité sirotent des champagnes hors de prix dont l'importation suinte la corruption, tout en badinant et en sous-entendant des non-dits sur leurs meneurs les plus riches.


       


      Et comme de fait.
      V'là un des gros poissons, m'semble bien. J'ai vu sa tronche sur une affiche aujourd'hui, pas vrai Uriel ?

      Comme mon silencieux compagnon acquiesce aux dires de Landacier, la foule s'écarte pour laisser se pavaner un corpulent et épais personnage.

      C'est le patriarche Malsouin. Pordric. indique Kurn, toujours aussi coincé dans son costume.
      Hm. Séparons nous. Nous ferions mieux de garder dans notre ligne de mire chacun des chefs de famille, comme nous l'a conseillé le maire. Je m'occupe de ce gras morceau de bourgeoisie enrubanné de fourrure.

      Je les quitte en me faufilant entre les riches et bien nantis, attrapant une coupe de champagne sur un plateau au passage. Je me sais surveillé, Kurn veille. Il a probablement déjà identifié chaque sortie, chaque homme de la Marine, chaque danger potentiel. L'héritage des T'Erlithan a fait de lui le combattant le plus fiable, j'ai confiance de pouvoir m'empêtrer dans les pires situations et le savoir apte à me venir en aide. Le voilà, le plus pur exemple de loyauté.

      Dans un costard sombre au nœud papillon flamboyant, les cheveux attachés en catogan et la barbe bien taillée, j'arrive au niveau de Podric Malsouin avec le sourire en coin, un air malicieux planant sur mon visage. Il y a de ces mimiques qui vous donnent systématiquement un air convaincant. Toutefois, il y a aussi de ces hommes, comme Malsouin, qui vous obligent automatiquement à vous méfier. Son rictus tordu me semble machiavélique, même s'il est entouré d'une bande de courtisans gringalets qui, par leurs nez péninsulaires, doivent tous être ses dignes progénitures. Dans la plus plaisante opulence et dans l'oisiveté la plus complète, mon instinct d'homme-libre me hurle tout de même que l'homme, derrière son monocle, n'a en tête que différents moyens de trahir, de mentir et de dissimuler. Fabuleuse première impression.

      Soirée exquise pour ceux qui s'y intéressent, dites moi.
      Gniiiéh ? grogne le bonhomme en fichant un cigare entre ses lèvres. Son escouade de gamins entame le canon de son bruyant onomatopée, comme un chœur de fidèles larbins.
      Oh, pardonnez-moi ma grossière entrée en matière ! Je suis Salomon, marchand de tissus fins à travers les Blues.
      Oh ? Heureux d'vous rencontrer. Vous appréciez la soirée de ce cher Portdragon ?
      Ah ? C'est donc lui l'organisateur de cette diligente fête ?
      Gniéh, oui. maugrée-t-il en exhalant un nuage de fumée. Pas mal… pas mal…
      J'ose croire que vous auriez fait quelque chose de plus…. grandiose, Sire Malsouin ?

      Ses joues s'empourprent alors qu'il se met à jubiler. L'orgueil est la chose du monde la moins bien partagée, chez les hautes sphères. Mon passé de journaliste désireux d'entrer dans les bonnes grâces de l'élite m'a expressément initier à cette malicieuse vérité. Le gros chapeauté se met à me parler avec intérêt de sa vision de la fête. J'acquiesce en silence, jonglant entre un sourire compréhensif et une mine engagée, intéressée, de quoi le garder en halène durant plusieurs minutes. Si un drame doit se dérouler ce soir, je serai près d'un des gardiens de l'équilibre de l'île.

      …au moins, la fête du Poisson, elle, va mieux se dérouler, m'est avis.
      La fête du Poisson ?
      Oh, oui, un gros événement dans quelques jours. C'jour là, tout s'passe au port ! T'as un énorme bestiau qui traverse à chaque année l'canal de Poiscaille. Y'a un gros concours pour celui qui s'ra capable de l'attraper.
      Hm… Je vois…
      Une chose est sûre, en tout cas, j'aurais pas engagé ces musiciens boiteux là, moi ! J'déteste le jazz.


       


      Je ne m'en étais moi-même pas aperçu. Ils sont quelques jazzmen, au fond de la salle, un quintet, à entonner quelques trames de fond pour dynamiser la soirée. Au devant du groupe, un homme semble faire l'amour à sa trompette. Il y a la passion dans ses gestes… le rythme dans ses doigts… la puissance dans son souffle… Il est magnifique dans la transe qui le possède, alors que ses lèvres injectent une nouvelle salve d'air dans son mélodieux tuyau de cuivre. J'aime bien le jazz.

      Gniéh… dites, vous m'écoutez ?
      Ah, oui, oui, bien sûr, continuez, Sire Malsouin…
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      Dispersion totale et brutale, m’voilà face à une assiette de charcuterie en compagnie d’une jolie dame. Bras dessus bras dessous, je n’sais même pas comment j’ai atterris là. Le départ de Maxwell a démarré l’invitation au bal. Chacun se retrouvant pris à part par de grandes têtes, de grandes personnes. J’ai eu la divine chance de tomber sur cette charmante compagnie et je n’regrette en rien son parfum exotique. Les rires bruyants me ramènent à la raison, surtout à celle de ma mission première. J’observe tel un vautour survolant une plaine, un œil averti en vaut deux ; pas de moqueries sur mon cache-œil, ça se paiera à l’addition. Ce à quoi j’assiste, c’est une secte qui célèbre son statut. Entre le barman au nœud de papillon parfaitement symétrique et la domestique à la grande et magnifique robe dorée, on sait à quoi ressemblent les esclaves de luxe. Je n’parlerais pas des juges venus spécialement pour l’occasion, j’les emmerde avec leurs perruques en forme de roulés à la fraise, leurs froufrous qui servent de col en V et leurs manies de taper sur les tables comme s’ils venaient de condamner un pauvre être humain. Je n’sais pas qui est le pire dans l’histoire, l’homme de maison qui rigole avec son procureur ou l’esclavagiste qui tape sur l’épaule d’un des juges itinérants. Qu’est-ce que je fais là, putain. C’est vrai quoi, pourquoi une pauvre délurée s’accroche à mon bras une dizaine de fois plus pur que ce qu’il se passe entre ses deux cuisses. Lâche-moi, bac à foutre. J’retire mon bras avec élégance, mentalement, c’est avec dégoût. Comme partout, plus on en rajoute, mieux c’est, alors ça m’angoisse déjà à l’idée de savoir que mon voisin de beuverie raconte ses déboires qu’il fait subir à ses employés. L’horreur dans tout ça, c’est le rire plus que naturel de ses interlocuteurs. Poiscaille, hein. On n’s’était pas trompé Uriel, l’opulence de l’aristocratie a déjà rongé les premières racines de l’île. En parlant de racine, voilà qu’une des trois grosses pointures se montre soudainement en spectacle.


       


      Portdragon, Alexander Portdragon. Celui dont le nom résonne dans tous les docks, à propos de vols et de taxes surélevées. Il est là, marche avec assurance ; c’est lui le roi de la fête et il le sait. Les plus vénales des femmes accourent à lui avant de se faire jeter par ses molosses enragés. Une image pour le définir : un dieu qui marche sur ses apôtres et Judas n’a qu’à bien se tenir. Les projecteurs sont dirigés sur lui, sa belle moustache blonde en jubile. Cet homme n’est resté qu’un enfant, un adolescent en quête d’approbation. Il sait taper des mains pour se faire entendre, se faire obéir et grâce à cet instant majestueusement mis en scène, j’ai enfin l’œil sur mes compagnons. Que font-ils, comment se débrouillent-ils, montrez-moi l’exemple tant que mon sang froid circule dans mes artères.

      J’aperçois de loin Uriel en compagnie d’une diva blonde, de deux gros obus et d’un balcon à la limite de s’écraser au sol. C’est une sirène qui scintille dans la pénombre des spectateurs, le fantasme de tous les hommes. Je plisse légèrement de l’œil, histoire d’avoir une vue un peu plus précise. Ouais, il n’y a pas à dire, bonnet K. Hormis ce détail, cette demoiselle ressemble fortement à l’héritière Keudver. T’es dans d’jolis draps Urielou, croisons les doigts pour que tu finisses dans les siens au beau milieu de la nuit. ‘Paraît qu’elle aime ça, les hommes renfermés, les hommes mystérieux aux problèmes d’expression. Courage bonhomme, t’en auras bien besoin avec un Dimitri qui renifle chaque parcelle de son corps divinement dessiné. Mmh, à croire que notre Dimi se rapproche de plus en plus du comportement d’un capibara. D’ailleurs, il est où ce capibara.

      « Snizz. »

      A tes souhaits, Napoléon. Merde, Napoléon, où est-ce que t’es.

      « Snizz. »

      Je vois tes petites pattes sous la nappe de la table, crapule. J’ai l’sourire jusqu’aux oreilles, c’est un bonheur ce mammifère. J’ai tellement l’sourire Colgate que le blondin me remarque depuis le fond de la salle. Il me lance un signe de main, accompagné par son acolyte plutôt bien dodu. Kurn ? Non, ce n’est pas lui. L’homme-poisson, c’est l’plus reconnaissable. C’est celui qui rentre le ventre pour pouvoir rentrer dans ses affaires. La même tête qu’un poisson-baudruche paniqué, tu vois ce que j’veux dire. J’agite ma main en l’air à Percebrume tout en cherchant mon plus classe des camarades. Un style de « Où est Charlie » version Kurn jusqu’à tant que je trouve sa tête immobile en train de m’inspecter d’un regard noir. T’es vraiment flippant, bordel. J’ai rien dis, rien fais…

      "- … Don Dungo ! Quel plaisir de vous voir ici, vous savez, nous pouvons nous serrer la main, vous n’êtes plus un étranger pour me faire des signes à distance ! – me lance Portdragon en rigolant aux éclats.

      Je comprends mieux les yeux revolver de Kurn et l’index de Maxwell qui pointait Alexander, c’était astucieux. Le patriarche s’approche de moi pour me serrer la poigne avec entrain, de la même manière que l’on conclue un contrat. Il a l’habitude, ça se sent.

      - Monsieur Portdragon ! Tout le plaisir est pour moi, votre richesse n’a de limite que votre magnificence ! – réponds-je en ôtant mon couvre-chef et en le saluant respectueusement.
      - Qu’est-ce que vous racontez Dungo, parlez-moi comme vous le feriez dans vos lettres, vous êtes un ami, un grand ami. – me lance-t-il avec joie.

      Se faire lécher les bottes par ce genre de personne, jouissance éternelle.

      - Ce n’était que taquinerie, Alexander ! Parlons chasse, voulez-vous ? – surenchéris-je en instaurant un climat de confiance.
      - Vous êtes vraiment génial Dungo, je ne me suis pas rendu compte à un seul moment que vous me trompiez, moi, Alexander Portdragon. – dit-il en s’esclaffant.
      - C’est l’une de mes bottes secrètes, Alexander ! Vous devriez le savoir pourtant !
      - Ohoh ! Excusez-moi Don, votre ironie ne me laisse pas indifférent ! En parlant de bottes, vous n’avez pas lésiné sur les moyens. Une récompense d’un contrat ? – me questionne-t-il avec curiosité.
      - On n’peut rien vous cacher, un joli contrat d’ailleurs. – rétorque-je en bougeant mes mains pour créer le spectacle.
      - Dungo ! Racontez-moi tout, un esclave ? Un pauvre habitant taxé jusque la moelle ? – demande-t-il comme un enfant à qui l’on raconte une histoire palpitante avant de s’endormir.
      - Aucun des deux, un bouseux de serrurier qui volait pour se nourrir !
      - Dites moi tout, je veux vivre vos histoires. Je ne veux plus les lire, non pas que ça ne m’intéresse plus mais, je présume que votre élocution nous transportera, TOUT LES DEUX. – continue-t-il avec encore plus d’envie, tel un fanatique qui serait à la portée de son dieu.
      - Ce n’est pas marrant, Alexander, vous me connaissez déjà à la perfection.
      - Venez prendre un verre Dungo, je veux tout savoir. J’aurais aussi quelque chose à vous demander, mais pour plus tard, ne vous en faites pas !
      - Ce sera avec plaisir ! – clos-je la discussion avec ferveur."

      Les gardes du corps de Portdragon s’écartent, me laissant libre cours à une marche mondaine. Les jalouses se comptent par dizaines, la réception est ébahie après ce court passage d’un des trois régisseurs. J’ai peur d’aimer ce rôle, ce personnage. Être un caillou merdique que l’on polie par des mains incommensurablement riches, c’est la vie.
        Tu te tiens bien droit, si ce n'est un peu trop, observant les convives autour de toi. Tu es un rien nerveux depuis que ton camarade t'a laissé pour partir discuter avec le fameux Portdragon. Te voilà seul, en quelque sorte livré à toi même. Mais ce n'est pas la première fois. Tu devrais pouvoir gérer cette situation par toi même. Du moins tu l'espères. Tu inspires tranquillement, observant les invités qui vont et viennent autour de toi, gravitant les uns autour des autres, véritables électrons libres, se détachant et se raccrochant aux particules les plus importantes de la soirée. Notamment ce cher Portdragon, sur lequel on t'a un peu renseigné, mais aussi le maire, ainsi que cet autre individu qui semble avoir accaparé un de tes camarades, un peu plus loin. Et toi voilà un peu seul avec toi même, ton verre presque fixé à la main, seul convive réellement isolé parmi cette foule grouillante. Cette foule puante, de petits richards trop parfumés, de gros investisseurs se dandinant dans leur graisse, et d'autres individus dégoulinants de faux-semblants et de sueur.

        Alors tu sirotes ton verre de vin. Bien trop sucré pour toi, qui fut habitué à un régime de pain sec et d'eau parfois un peu trop minérale. Tu te rappelles de ces pichets d'eau presque marronâtre. De ce pain presque aussi dur que tes dents. Et tu te perds dans la dégustation de ce vin, liquide bien trop doux pour un être tel que toi. Tu ne devrais pas être en train de boire ce liquide. Tu ne devrais pas porter ces vêtements. Ta place devrait être ailleurs. Et pourtant, tu es bel et bien là, encore un rien hésitant. Mais tu ne feras pas marche arrière. Tu ne peux plus veiller sa tombe, mais tu as de nouveaux maîtres à protéger. Tu fermes les yeux, te replongeant dans ton verre, alors qu'un parfum lourd s'approche de toi. Un parfum pesant, malgré toutes ses nuances fruitées. Tu sens que cette odeur est particulière. Elle est presque oppressante, et tu ne saurais dire pourquoi. La fragrance est pourtant harmonieuse, et en tout, assez équilibrée. Mais quelque chose te gêne dans cette odeur. Et tu ne saurais dire pourquoi. C'est alors que tu remarques son approche. Tu te raidis, dans ton costume encore légèrement froissé. Tu as bien compris que c'est toi qu'elle venait voir. Tu détournes un peu le regard, gardant tout de même en mémoire les quelques secondes où tu as posé le regard sur elle. Sur sa démarche, et la danse de ses hanches. Sur ses yeux, aux paupières lourdes, cachant ces pupilles pourtant si chargées de malice. Tu fais quelques pas pour interpeller un serveur, lui réclamant un autre verre. Tu es bien trop tendu pour tenir une conversation. Surtout avec cette femme. Inconsciemment, tu portes une main à ta barbe, dans l'espoir de replacer quelques poils rebelles. Tu as l'impression que quelque chose ne va pas chez toi. Tu sens son regard qui te transpercerait presque, sans comprendre pourquoi elle t'observe ainsi.

          Sieur Dassaut ! Je ne m'attendais pas à vraiment vous croiser ce soir !


        La matriarche Keudver. Tu déglutis, un peu difficilement, finissant par boire une nouvelle gorgée avant de te décider à lui répondre. Tu prends la main tendue, alors qu'une image te revient. Tu le revoit, quelques années auparavant, lors de ses apprentissages des manières mondaines. Tu plies le genou, venant effleurer sa main du bout de tes lèvres, dans un simulacre de baisemain, basé sur des souvenirs un peu poussiéreux.

          Madame Keudver, tout le plaisir est pour moi.


        Tu as parlé un peu vite. Un peu sèchement, si ce n'est froidement. Tu as bien du mal à te mettre dans la peau d'un marchand plein aux as. Et pourtant, tu sembles faire illusion.

          Je dois vous avouer que j'avais BEAUCOUP entendu parler de vous, je n'ai pas pu résister à l'envie de venir vous voir en personne.


          Et bien. Je ne m'attendais pas à avoir une telle réputation...


          Et pourtant... Dites moi, que venez vous faire par ici ?


          Quelques affaires qui m'attendent dans la région. J'en ai profité pour venir passer quelques jours à Poiscaille.


        Tu gardes ton air froid et sérieux, avant de reprendre une gorgée de vin. Tu ne peux que remarquer son petit sourire, alors qu'elle reprend.

          Tiens donc ? Encore et toujours des contrats juteux ? C'est bien digne de vous !


        Elle laisse alors monter un petit rire, alors que tu te contentes de sourire, fuyant son regard, en observant la salle. Tu vois ton camarade, un peu plus loin, qui passe au milieu d'une haie de nobliaux médusés, en compagnie d'un des fameux maîtres de l'île. Tu préfères ne pas croiser le regard de ton interlocutrice. Tu es déjà bien trop mal à l'aise avec les gens en général, alors avec une femme si importante... Tu préfères jouer les hommes distants. Mais peut-être aurais-tu du simplement éviter d'engager la conversation avec elle.

          Et si vous me racontiez tout ça dans un endroit plus calme ?

          Je. Euh. Et bien, pourquoi pas.


        Tu as eu un instant d'hésitation. Mais tu finis par lui présenter un bras, auquel elle s'accroche, avant de t'embarque avec elle. Tu sens une goutte de sueur perler sur ton front, pernicieuse, prête à rouler sur ton visage, alors que tu traverses la salle à ses côtés. Tu sens les regards tournés sur toi, alors que tu fais mine de replacer une de tes mèches de cheveux, pour chasser cette vilaine suée, tandis qu'un très léger frisson te parcourt l'échine. Tu espères arriver à garder ton rôle. A ne pas tout faire foirer.
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        Kurn plissa les yeux une nouvelle fois sur la presse. Le dos appuyé comme il l’était, surplombant largement la majeure partie de la foule, il pouvait reconnaître chacun des membres de leur joyeuse épopée, et chacun des trois chefs de Poiscaille, à l’exception de la Matriarche, qui venait de se diriger vers le balcon en compagnie d’Uriel.
        La rascasse retint in extremis une inspiration un peu trop profonde qui risquerait de faire craquer le tissu très serré au niveau de la ceinture. Tout son corps était dans la même situation, pouvant à peine bouger de crainte de déchirer les vêtements d’apparat.

        Je ne suis peut-être pas un génie, surtout en ce qui concerne les rapports humains, la politique et la diplomatie. Mais maintenant que j’ai pris le temps d’y réfléchir… Au-delà de prétendre à un rôle qui n’est pas le nôtre, en vérité, nous utilisons ce masque gracieusement fourni par le maire. Et comme il se porte garant, chacun pense qu’effectivement, nous sommes de riches marchands. Et grâce à cela, nous pouvons agir comme tels… L’idée de pouvoir supplante ici le pouvoir réel. Je dois noter ce concept, il me sera sûrement utile en duel. Ce n’est pas de la simple intimidation. Cela mérite plus ample réflexion.

        Le regard aux sclères noires de Kurn passa une nouvelle fois sur l’assemblée, s’arrêtant sur les musiciens de jazz qui venaient d’achever leur morceau et, en cercle, préparaient probablement les suivants. Ils tapotaient leurs instruments en faisant des signes des doigts.
        Les serveurs étaient en train d’apporter le gros du buffet, mettant avec diligence les grandes tables à tréteaux en place. Elles se couvrirent rapidement d’une nappe d’une blancheur éclatante, puis de plats aux effluves diverses et variées. Des pics à apéritifs et des serviettes rejoignirent prestement le reste. Le ventre de l’homme-poisson gargouilla, mais il se demanda si manger quoi que ce soit serait compatible avec la résistance de ses vêtements.

        Ce serait imprudent, se dit-il en tâchant d’oublier la faim pour se concentrer sur son objectif.

        Maxwell Percebrume allait d’invité en invité, discutant avec légèreté et bonne humeur avec tout un chacun. Landacier racontait une histoire à grands renforts de postillons et de moult gestes des bras. Uriel était toujours aux bras de sa chère et tendre. Dimitri, au milieu d’une troupe de jeunes femmes, faisait de légers signes de dénégation tout en cherchant des yeux Napoléon, qui avait disparu.
        Le capybara venait se grimper sur la table et se pavanait entre les plats, reniflant ici et là. Finalement, il se cabra, laissant échapper un petit cri de ce que Kurn supposa être de la colère. Ou il est en rut, allez savoir.

        Ce n’est qu’à ce moment-là que Kurn nota que cela faisait un moment qu’il n’avait pas entendu le moindre son, et il n’était pas le seul à s’en être aperçu.

        De derrière la batterie, et de l’étui du violoncelle, les jazzmen sortirent des armes à feu qu’ils se firent passer avec une précision qui dénotait d’une grande habitude. La rascasse jura intérieurement et prit une impulsion en se repoussant du mur. Du coin de l’œil, il vit les portes se fermer brutalement. Cela ne sentait vraiment pas bon, littéralement, puisque l’odeur âcre de la peur venait de remplacer celle de la nourriture.

        Les musiciens, qui ont désormais tout des tueurs à gages, allaient faire feu sur la foule après avoir tiré en l’air. Les invités étaient pour la plupart massés contre les portes, sous le buffet ou tout bonnement frétillaient, allongés par terre.
        Portdragon était derrière une table renversée, entouré de ses gardes du corps. Il n’avait pas l’air spécialement nerveux, et pourtant il regardait frénétiquement autour de lui : lui aussi venait de remarquer l’absence désormais prolongée des deux autres Videurs de Poiscaille. La Matriarche Keudver n’avait toujours pas refait son apparition du balcon, ni Uriel. Et ce sagouin de Pordric Malsouin était également introuvable.

        Il y avait anguille sous roche.

        Des bouteilles ressemblant à s’y méprendre à des cocktails molotov brisèrent les vitres des hautes fenêtres avant de s’écraser ça et là dans la salle. La tension monta d’un cran quand de la fumée commença à s’élever, intérieur comme extérieur. Toute idée de fête, de banquet, était oubliée, et même les Jazzmen commençaient à se poser sérieusement des questions.

        C’est que cela commence avec la tension, et ensuite… la panique.

        L’intensité des décibels gagna soudainement en puissance. Toute la troupe du capitaine Percebrume, en tout cas, venait de se réunir, à l’exception d’Uriel, qui devait toujours être sur le balcon, à moins qu’il soit parti par un autre chemin, en compagnie de la Matriarche.

        En parlant de filer à l’anglaise… Le maire Blop venait de tenter de prendre la poudre d’escampette par un côté de la salle tandis que les musiciens tueurs à gages décidaient qu’ils préféraient ne pas brûler là, et qu’importait leur contrat.

        Alors qu’ils se précipitaient tous à la suite du maire, Kurn nota distraitement un grand crac venant de son postérieur.

        Le tissu venait de lâcher. Bruyamment.

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        […]

        Du rhum, des femm's, et d'la bièr'nom de Dieu
        Un accordéon pour valser tant qu'on veut
        Du rhum, des femm's, c'est ça qui rend heureux,
        Que l'diabl' nous emport', on n'a rien trouvé d'mieux
        Oh oh oh oh oh
        On n'a rien trouvé d'mieux

        Ca fait une paye qu'on n’a pas touché terre
        Et même une paye qu'on s'fait des gonzesses en poster
        Tant pis pour celle qui s'pointera la première
        J'lui démonte la pass'relle, la cale, la dunette arrière

        […]

        Ah bordel que ça fait du bien de se déchirer la gueule à coup de rhum ! Je marche – ou plutôt, je chancelle tellement je suis rond – dans les rues de Poiscaille, une bouteille à la main, mon précieux Code dans l’autre. S’agirait pas que quelqu’un me le pique !

        - Eh moussaillon, marin d’eau douce, t’veux pas une chtite goutte ? Heh ?

        J’suis beurré comme pas possible, j’en ai conscience, mais ça me plaît. Ça doit faire au moins une vie que je suis comme ça, et franchement, y a pas mieux. Et malgré ce qu’on peut en penser, je me souviens de tout quand je suis bourré, et j’ai encore pleine conscience de mes actes ! Bon, sauf la fois où j’ai démonté un poste de garde port. Au sens propre du terme hein, avec arrache clou et marteau, j’ai démonté chaque planche et je les ai rangées bien en tas les unes à côté des autres, tout propre.

        Alors forcément, ça leur a pas plu. Mais je m’en tape, c’était marrant. Bon, il y a aussi l’exception de mon premier « blackout ». Ah, et aussi le deuxième. Et le troisième. Et les suivants en fait.

        Bon, d’accord, j’ai beau tenir l’alcool, quand je suis bourré, il m’arrive de ne plus me rappeler de rien. Parfois hein, attention, d’autres fois j’ai pleine conscience de tout ! Si si ! Non mais cette fois je suis sérieux.

        Et là, c’est un de ces moments où j’ai pleine conscience de tout. Jusqu’à ce que j’oublie, éventuellement, mais j’espère pas. Depuis que j’ai quarante-deux ans, j’ai trouvé la réponse absolue à la vie. Du rhum, des femmes et d’la bière. Nom de Dieu. Cette chanson illustre à la perfection la piraterie, la vie,… tout en fait ! Ma préférée.

        Quarante balais, et j’ai pas perdu la main, c’est moi qui vous le dit. Il me faut un bon litre de rhum pur pour me saouler, et un autre pour décuver. Oui, je décuve au rhum, cherchez pas à comprendre. Et là, j’en suis à ma deuxième bouteille, dans la phase descendante donc. Et j’adore.

        Quand je dis que j’ai pas perdu la main, c’est dans tous les sens du terme. Piraterie, boisson, femmes… Surtout les femmes en fait.

        Bref, ça fait une semaine que je suis sur cette foutue île qui pue le poisson, pour raisons touristiques. Et professionnelles. J’y ai revendu mon précédent butin, et je suis en train de le dilapider comme tout pirate se doit de le faire. Et puis bon… J’ai quarante-deux ans, et il y a un moment ou faut avancer merde. Ça fait une éternité, au moins, que je parcours les mers pour taper sur ceux qui respectent pas le Code, mais j’ai vraiment pas l’impression d’avoir fait globalement bouger les choses.

        Et là, en toute honnêteté, je déprime un peu sur le sujet. J’y arriverai pas seul. Et la seule solution, c’est d’enfin rejoindre un équipage digne de ce nom, qui pourra m’aider à pousser le Code en haut de la liste des priorités d’un pirate. Mais jusque-là, je tombe que sur des bouseux, des merdes, des nuls, des irrespectueux et des moules à gaufre.

        L’autre fois – là tout de suite, je ne resitue pas l’événement temporellement, je suis trop déchiré – j’ai assisté à une scène sympathique à un bar. Un type qui s’est fait dégager, qui s’est battu, que d’autres ont aidé, et qui clamait haut et fort qu’il voulait se hisser en haut de la piraterie. Rien que ça. Empereur, eh bah mon petit, tu manques pas de culot. Mais d’un œil entraîné, je me suis surpris à manifester un certain intérêt à son égard. Je ne sais pas quoi, mais un quelque chose me poussait à le suivre. Je ne l’ai pas fait, bien évidemment, rien ne sert de courir, faut partir à point. Une histoire de tortue, tout ça.

        Mais bon à part ça je le vis bien. Tenez, aujourd’hui. Réveil vers midi, déjeuner à la taverne où je loge depuis mon arrivée. Les serveuses sont assez frigides, m’avait-on dit… Mon œil oui, suffit d’avoir assez d’expérience en la matière pour les pousser jusqu’à votre chambre et le tour est joué. Après une semaine sur place, il m’en restait une que j’arrivais pas à avoir. Bon, je ne suis pas à plaindre, mes autres nuits étaient quand même bien comblées hein.

        Déjeuner, donc. L’après-midi, balade en ville, sur le port, sur le reste de l’île. J’aime bien me promener, goûter à l’air pur, même si ici il sent fort la poiscaille. Début de soirée, apéritif au rhum, puis dîner toujours à la taverne, accompagné d’une bonne bière, puis digestif au rhum. Mon habitude préférée. Des petites doses hein, ma tête ne tourne même pas après ça. Au final, j’ai réussi à avoir la dernière serveuse de la taverne et j’ai vraiment pas été déçu. Comme dit la chanson, « J'lui démonte la pass'relle, la cale, la dunette arrière ».

        Et après ça, je pars vagabonder dans les rues, comme à mon habitude. Je n’ai aucune foutue idée de là où je vais, mais j’y vais, avec deux bouteilles de rhum. La première est vide, me voilà déchiré, j’entame donc la seconde pour redescendre.

        Et là, qu’est-ce que je vois devant moi ? Un gros monsieur qui sort précipitamment d’une grande bâtisse très bruyante, avec plein de lumières dedans. Je suis à la porte de derrière, mais ça m’empêche pas de savoir que quelque chose cloche ici, même saoul. Le lourdaud se précipite vers moi en regardant par-dessus son épaule et, ne me voyant pas, me heurte de plein fouet.

        Et parce que je suis bourré, je chancelle et perds un peu mon équilibre. Lui, gros lard qu’il est, tombe à la renverse. Mais moi je ne vois qu’une chose, c’est qu’il s’est tapé la tête dans mon Code – en plus d’avoir fait tomber un peu de mon rhum – et ça, j’aime vraiment pas. Mais alors, vraiment vraiment pas du tout. Alors je le hèle, d’une voix qui déraille complètement, à la manière du parfait pochtron.

        - Eh le gland, t’pourrais faire attention ouais ? Ce truc là c’le Code t’vois, et moi j’aime pas qu’on touche au Code !

        Il se relève et manifeste son mécontentement, ayant certainement l’impression d’avoir affaire à n’importe quel mendiant saoul.

        - Ôte-toi de mon chemin le vieux, allez crever, toi et ton Code !

        Et là, d’un coup d’un seul, je sors de mes gonds. Faut pas parler comme ça du Code, ça ne me plaît vraiment pas. Je dessaoule immédiatement face à la situation, pose ma bouteille et mon livre à côté, et chope le grassouillet par le col, de mes deux mains, pour le soulever et le plaquer contre le mur. Je lui hurle dessus en postillonnant à chaque mot :

        - Redis ça pour voir ? Tu veux finir la soirée dans une fosse commune, détroussé de tous tes biens ? Le soir comme ça, je suis pas en recherche de butin, mais vu tes fringues tu risques d’avoir du pognon, alors je peux bien m’arranger pour faire une exception ! ET TU VAS COMMENCER PAR T’EXCUSER !
        - Euh je non mais non oui non je… quoi ? Ah oui non mais oui excusez-moi monsieur, toutes mes excuses de vous avoir bousculé ! Pourriez me relâcher maintenant ?
        - C’est auprès du Code que tu dois t’excuser !
        - Le quoi ?
        - Le Code abruti !

        Je le secoue comme un prunier, atterré par son ignorance. Il faut vraiment que je hisse le Code plus haut dans les esprits de chacun, rien de va plus là…

        - Le bouquin à côté de moi, tu le respectes ou tu crèves !
        - Hein ? Ah euh si vous voulez, je m’excuse d’avoir parlé comme ça de votre livre, monsieur…
        - Mouais.
        - Pourriez me relâcher maintenant ?

        A ce moment, une petite troupe fait irruption par la même porte de laquelle est sorti le petit gros. Plusieurs types, dont le mec qui avait fait du boucan l’autre fois, le truc d’Empereur tout ça tout ça. Il me plaît lui. Mais là, son groupe est vêtu assez… bizarrement. Ils n’ont vraiment pas la tête à porter ce type de fringues, mais alors pas du tout. Mais tous suivent ce même homme, qui a ce quelque chose qui flotte autour de lui. Une aura, un je-ne-sais-quoi qui m’intrigue, m’intéresse et m’attire. Je crois que ça s’appelle le charisme, mais je ne voyais pas ça aussi fort. Pour moi, il s’agit d’autre chose, de plus… impressionnant.

        Et quand je suis intéressé, je ne démords pas de mes idées. Et comme en ce moment j’ai rien à faire, à part ce besoin irascible de rendre le Code plus connu et respecté, si l’occasion se présente de le suivre je tenterais bien le coup. Des fois que.

        En attendant, je tiens toujours le grassouillet à bout de bras, en hauteur, plaqué contre le mur, les deux mains à son col. Nos deux regards sont tournés vers le groupe qui vient de faire son apparition, tout le monde est figé.


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        Il y avait dans l'air, à cet instant cruel, une odeur noyant celle de la peur. Dans ce mélange moite et puant de terreur rôdait, avec le calme du prédateur, la douce assurance d'un plan qui se déroule trop bien. Tous s'étaient plaqués contre le sol, même le gros Malsouin, s'encombrant dans ses épaisses fourrures. Tous saufs ceux qui savaient que, d'une façon ou d'une autre, leur devoir les mènerait inévitablement à combattre. Toutefois, il y avait bien, le sentait-on, une différence entre ceux qui seraient amenés à combattre et ceux qui seraient amenés à protéger. Ce mensonge brillait d'abord dans les yeux des soldats impassible, puis dans ceux des videurs. Ce malentendu, ce secret de Polichinelle qui, à tes yeux comme aux miens, Napoléon, suscitait chez nous une méfiance sans pareil. Les mines terrifiées de l'assemblée, les sueurs froides des nobliaux et ton couinement paniqué à l'odeur du festin empoisonné ne pouvaient toutefois pas mentir ; cette soirée tenait de la supercherie. Tout cela était bel et bien un piège. Un piège pour qui ? La voilà, ma véritable interrogation, alors que les tantôt mélodieux jazzmen saccageaient alors la décoration luxueuse. J'ai cherché dans le regard énigmatique de Portdragon , mais encore une fois les voies de la politique se sont avérées impénétrables pour mon idéalisme, préférant croire que l'homme nait honorable avant d'être avilie par le subterfuge. J'ai dégoné pistolet à silex, croyant pouvoir intervenir,  croyant pouvoir protéger Malsouin, comme le voulait le contrat. Il suait toujours comme un gros porc, pestant continuellement en s'en voulant de ne pas s'y être attendu.

        Avec l'assurance de l'homme qui croyait accomplir son devoir je m'étais dressé, fusil en l'air, avant de croiser la mine mouillée et stressée de Blop. Son visage empourpré, ses yeux fuyants, puis sa grasse langue s'agitant au rythme des tremblements de son doigt potelé et accusateur… dirigé vers moi.

        D…D…Des pirates ! Ce sont eux ! Les pirates du Capitaine Percebrume ! Arrêtez-les !

        Et de cette atmosphère malsaine pondue d'un plan trop bien rodé émergeait la pénible et injuste sensation que j'aurais à partager avec mes nouveaux compagnons : la trahison. Nous avions été joués par Robert Blop dès le début. Désormais, nous avions à porter le même chapeau que les jazzmen. Celui de dangereux criminels. À la différence que les jazzmen, eux, devaient très certainement avoir été payés pour de telles ignominies.

        Tu as bien fait de courir, Blop. Oh oui. Tu savais très bien que je ne tolérerais pas que l'on bafoue mon honneur. Alors lorsque les mousquets se sont chargés, que les sabres ont été tirés de leurs fourreaux, tu t'es empressé de fuir. Car tu savais que nous tenterions de te rattraper. Les poings de Kurn se sont abattus sur les pauvres crânes de ces marins corrompus. La crosse de mon pistolet s'est écrasée sur la tempe d'un premier ennemi. La sauvagerie d'Uriel a fondu sur les soldats comme un rapace sur sa proie. Les jointures de Landacier ont morcelé les dents d'un malchanceux. La Lance de Dimitri s'est empressée de fracasser le loquet d'une des grandes portes. La vérité s'est peu à peu imposée aux yeux de tous : "Les pirates de Percebrume" sortiraient. Même sous les tirs de la Marine conjoints à ceux des jazzmen avec qui nous avions désormais à partager le forfait du quiproquo, nous sortirions. Une porte fracassée, puis une autre enfoncée.

        Nous sommes à l'extérieur. Là. En quelque sorte paralysés, haletants. Fatigués du combat et de notre escapade, mais figés devant cet homme qui plaque notre cible contre le mur. Cet homme qui semble assagit par les âges, mais qui, malgré son air titubant et fulminant, inspire une certaine sagesse. Sagesse ? Non. Pas sagesse, mais bien droiture et histoire. C'est l'Histoire que je vois dans son œil unique alors qu'il rive vers moi son visage dédicacé d'une longue balafre. Ses mèches grasses et immaculées, rebelles, tombent de manière éparse sur son visage alors que ses traits, d'abord coléreux, s'apaisent pour laisser place à une certaine surprise. Qui sommes nous ? Qui es-tu ? pourrions-nous lui répondre. Et pourtant, seul le silence et la respiration sifflante et paniquée de Blop semblent assez courageux pour s'immiscer entre nos coups d'œil collectifs. Ami ? Ennemi ? Difficile à savoir suite à une telle débandade.

        Tu couines discrètement, mon fidèle compagnon, en m'indiquant du museau un objet qui gît au sol, tout près, avoisinant une bouteille de rhum.

        Un livre. Un livre que je reconnaîtrais entre mille, puisque toute ma jeunesse je l'ai lu, relu et épluché dans ses moindres détails. Ce lourd ouvrage à la reliure usée par l'iode marin et les mistrals, zéphyrs et tramontanes de ces mers. Ce livre qui trônait au centre de la bibliothèque de mon enfance, dans le manoir Toreshky, sur Maple Island. Ce morceau d'Histoire et de vécu dans lequel s'échelonnent les jurisprudences, les arguments et les contre-arguments, les closes, les articles et les faits, mais aussi les opinions et les anecdotes.

        Cette brique déposée sur le pavé n'est autre que le légendaire Code de la Piraterie. Le Recueil ultime des forbans et des frères de la Côte. La Bible de la liberté.

        Et elle n'appartient certainement pas au gros porc qui suinte entre les poignes du pirate.

        Je désigne subtilement du pistolet son ouvrage, en plus de pointer du menton Robert Blop.

        Tu as deux choses qui m'intéressent, gardien des règles parmi les hommes libres. Cet homme est un traître. Tu possèdes le pouvoir de juger de mes actes.

        Laisse-le nous et passe ta route. Ou bien passe-le nous et suis ma route.

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        C’est une proposition qui ne laisse guère beaucoup de choix. Ils veulent cet homme, c’est une certitude. Pourquoi ? Qu’en feront ils ? C’est le cadet de mes soucis. Pour l’heure, j’ai mon propre différend à régler avec ce grassouillet, et cela prévaut sur tout le reste.

        Deux choses, hein… Vous m’intéressez, meneur d’hommes. Vous avez de suite compris quelle est ma raison d’aller de l’avant.

        Ses yeux se sont illuminés d’une manière qu’on voit rarement chez un homme. Lorsqu’ils se sont posés sur le Code, il l’a immédiatement reconnu.

        Par contre, il a des manières envers moi que je ne puis tolérer pour le moment. Ni peut-être jamais.

        - Monsieur, je vous prie de bien vouloir me vouvoyer. Je ne permets une intimité plus poussée que pour mes plus vieilles connaissances.

        Je marque une pause, savourant cet instant. Quoi qu’il puisse en penser, j’ai mes habitudes, et je préfère qu’elles demeurent ainsi.

        - Pour ce qui est de vous donner cette ordure, permettez-moi de finir ce que j’avais entamé. N’ayez pas d’inquiétude, il vous sera rendu dans le même état physique dans quelques instants.

        Sans attendre de réponse, je jette le petit gros au sol, toujours en le tenant au col, d’une main, et ramasse le Code de l’autre, laissant là cette pauvre bouteille de rhum. Je traîne ma méritante victime sur quelques mètres tout au plus pour l’envoyer valser, toujours sans la lâcher, dans une benne à ordures. Dans un rythme effréné, je lui secoue la caboche pour qu’il puisse goûter à l’amertume des déchets.

        Une fois cette séance terminée, je repère deux mètres plus loin de quoi terminer mon œuvre.

        Le laissant une seconde chancelant, par terre, tentant de reprendre ses esprits, je ramasse ce que je sens être un seau d’excréments liquéfiés par le temps, qui empeste suffisamment pour faire fuir même les mendiants. Je lui balance au visage, et, sans lui donner de répit, le lave grossièrement à l’aide d’un autre seau rempli d’eau de pluie, bien plus pure.

        L’homme, terrifié, dégoûté, malade de honte, lève ses petits yeux enfoncés vers moi. Il a le regard suppliant, mais cela ne me fait rien.

        - Au cours d’une soirée plus banale, tu aurais pu être retrouvé au petit matin dans cette même ruelle, dans un état bien pire. Je ne supporte pas les lâches dans ton genre, qui s’excusent pour le principe, sans même savoir ce qu’ils racontent.

        Je place bien en face de lui mon ouvrage, si vital.

        - Ceci, inculte que tu es, est le Code de la Piraterie. Le Code, c’est la Loi, et nul ne saurait ignorer la Loi. Si tu ne sais pas, aies au moins la décence de le dire. Ma vie consiste à l’expliquer et à l’appliquer. J’enseigne aux volontaires, je juge les récalcitrants. Mais heureuse soit ta soirée, ta vie se trouvant sauvée par l’irruption de cet homme, ce meneur qui m’intéresse.

        Puis je me tourne vers cette figure pleine de charisme qui se tient là, entourée de ses fidèles compagnons.

        - Juger vos actes sera pour moi un plaisir, meneur d’hommes parmi les hommes libres. Vous avez deux choses qui m’intéressent. L’intérêt pour la Piraterie originelle. L’empreinte charismatique d’un Seigneur des Océans.

        Me penchant légèrement en avant, le sabre en main, j'ajoute en marquant bien chacun de mes mots.

        - Mon nom est Monsieur Ellington, Gardien du Code. Pour l'heure et les suivantes, je suis à votre service.

        Et je relève la tête, le fixant de mon seul œil valide :

        - Mon Capitaine.


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        Parle.
        N-N-Non écoutez c'est un malentendu j'n'ai jamais voulu-
        SBAFF !
        Parle.
        Arrêtez ! Arrêtez ! Plus de coups ! Pitié ! Dites-lui d'arrêter…
        Kurn.
        Grhmpf.

        Le poing aux proportions de massue s'arrête à mi-chemin. Le visage ensanglanté de Blop se crispe, puis se détend lorsqu'il comprend qu'il ne sera pas à nouveau châtié par Kurn. Ce traître… Même sous les coups vengeurs du plus dangereux des combattants de Poiscaille, il ose quand même nous avilir l'esprit de ses propos mensongers. Tu peux toujours enduire chacune de tes paroles du doux venin qu'est le mensonge, mais sache que de nous tous tu seras le premier à t'empoisonner, gros et haletant politicien corrompu. Combien l'ont-ils payés, chacun de ces grands oligarques, pour pouvoir tranquillement tenter d'assassiner leur prochain ? Combien de femmes lui a-t-elle promises, cette enjoliveuse plantureuse qui s'est entichée d'Uriel, afin de déverser ses poisons dans les plats ? Quelles quantités d'or lui a fait miroiter Portdragon pour laisser entrer ces tueurs musiciens ? Quelles promesses a-t-il fait aux marins du coin pour féliciter leur inaction volontaire ?

        Je m'appuis sur le bord de la fenêtre de notre suite, la tête bouillante de rage. Plaqué contre le mur par Kurn, ses pieds ne touchant à peine le sol, Robert Blop déballe son sac avec panique. Dans mon dos, ayant tous pris place dans la suite où personne n'a jugé bon d'allumer de lumière, mes compagnons d'infortune écoutent et attendent dans un mutisme collectif bien compréhensible. Dans les rues, il y a ces marins qui courent et donnent des alertes vaines. Ils cherchent les pirates du Capitaine Percebrume. Tss… Nous faire porter le chapeau… Il était là, le véritable et unique objectif de Blop ; nous promettre ce que nous désirions avant de froidement nous trahir sur l'échiquier politique. À défaut d'avoir à accuser un des puissants entrepreneurs de Poiscaille pour une vaine tentative d'assassinat, il a préféré pointer du doigt des pirates, des bouc-émissaires parfaits dont il n'aurait qu'à se débarrasser à l'aide de ses bons amis des forces de l'ordre. Ainsi, Blop ne se serait pas mouillé, et cette guerre invisible dont il nous parle, menée par Malsouin, Portdragon et Keudver, ne se serait pas ébruitée et aurait pu se poursuivre sans davantage de scandales.

        Toutefois, c'était sans compter qu'il ne faut jamais sous-estimer des pirates.

        Et encore moins se moquer de l'honneur d'un Toreshky.

        Ou de celui du Roi des Capibaras.

        Je me retourne vers ces hommes qui sont désormais pirates à mes côtés. Seule la lumière des lampadaires, filtrant à travers les fenêtres de la suite, éclaire leurs visages fatigués par les derniers événements. Ils sont ceux qui, même face à la plus haute trahison, n'ont pas fléchit. Ces fiers et braves, mais aussi fidèles hommes qui, même devant les forces de l'ordre, n'ont pas un instant pensé à tout laisser tomber. Pas même le petit Dimitri, pour qui j'avais quelques doutes, mais qui désormais, assis sur le bord d'un lit aux côtés de Landacier, semble pleinement avoir gagné sa place.

        Hum… Cette ville est complètement pourrie. La liberté de tous y a été sacrifiée sur l'autel du profit. L'honneur et le bonheur s'y sont faits poignarder par le vice et le subterfuge. Messieurs… à vos cœurs loyaux je me sens désormais lié, et c'est avec vous que je veux purifier cette ville de la corruption qui la ronge.

        Je fais un signe de tête à Kurn. Il acquiesce, se saisit de Blop qui grouine de surprise, puis l'enferme dans la salle de bain. Là il sera moins dérangeant. Il leur faudra un temps, aux gens de Poiscaille, avant de comprendre que leur maire s'est envolé en cette soirée. Peut-être demain l'alerte sera-t-elle sonnée, en attendant, la nuit sera calme. Tu t'approches et viens t'assoir tout près de moi, mon cher ami rongeur, pour que je te gratte les oreilles tout en poursuivant ma tirade.

        Les pirates de Percebrume. Voilà comment ils nous ont appelé. Je ne vous le cacherai pas, j'ai comme objectif de devenir un capitaine pirate reconnu et célèbre, de rallier le Nouveau-Monde et d'y vivre des aventures phénoménales. Ces aventures, c'est avec vous que je veux les vivre. Ce soir, pour bon nombre d'entre nous, c'est le pas de la criminalité qui a été franchit, suivez-moi ou partez de votre côté, mais avant sachez que j'ai un secret et que j'ai foi en vos âmes, assez pour vous en faire part.
        Ce secret est lourd, pratiquement incroyable, et je ne vous en voudrai pas de douter de moi.

        Mon véritable est nom est Maxwell Toreshky, je suis le fils de feu l'Empereur Vladimir Toreshky.

        Et je compte bien reprendre son trône au sommet du monde de la Piraterie.
         

        Me suivras-tu, Landacier ? Héritier de la puissante famille des Veinstones ? Je le vois bien dans tes yeux, dans ce sourire dur que tu m'adresses avant de te lever et de me serrer la main. Tu as des questions, un passé qui, je le sens, s'éveille aussi à l'écoute de cette vérité. Chaque chose en son temps mon ami, car désormais tu feras de mon navire le meilleur navire sur les mers. Tu seras son gardien, son médecin et son cœur.

        Et toi Dimitri ? L'aventure te tente ? Je suis content de pouvoir serrer ta poigne, de savoir ta lance à mon service et de voir les rêves briller dans tes yeux. Jeune fou, vas. La plus grande erreur de ma vie aura de ne pas m'être embarqué dans une folle épopée dès ton jeune âge, je ne pourrais te laisser perpétrer une telle erreur. Tu seras un grand pirate, et tu le seras sous mon égide, brave gamin.

        Hm. C'est bien l'espoir que je perçois dans ton regard, mon fidèle et énigmatique Uriel. Oublies ces endroits où tu étais rejeté, où les doigts se levaient vers toi. Ici, tu as ta place, et sur les planches de mon navire aussi. Sois des miens, Uriel, tends ta main et trouve-toi une nouvelle raison d'exister. Parcoure les mers à mes côtés et apprends le monde en même temps que moi. La souffrance est derrière toi, les rêves devant nous.

        Vous. Sieur Ellington, sachez qu'en vous j'ai respect, et qu'en vous je saurai trouver un référent. Conseillez-moi, et aidez-moi à atteindre les strates les plus honorables de la Piraterie, et ce, selon les lois du Code. Jouons au jeu de la vie selon les règles imposées par la Liberté notre maîtresse. Ensemble, voyons plus loin que ce que votre œil unique vous permet. Voyons l'avenir de la Piraterie. Voyons le monde comme nous voudrons le façonner une fois au sommet.

        Et toi. Kurn. L'évidence-même me porte au silence. Seul ton regard sombre et brillant me suffit. Je te sais mes yeux, mes oreilles, mon armure. Je sais que le lien qui nous uni va plus loin que la simple loyauté, que l'Histoire et les générations antérieures ont voulu cette union. Enfin, dresse l'étendard pour lequel tu combattras et porte-le à travers toutes les mers. Tu incarnes les fondations-même de cet équipage, sois-en fier, car toujours je t'approuverai.

        Nous serons les pirates de Percebrume. Nom que je préfère garder, à des fins d'anonymat face au reste du monde. Car il n'est pas prêt, le monde, ni pour mon secret, ni pour ce serment silencieux que nous tenons tous en cet instant.
        Nous serons les Héritiers.

        Héritiers des volontés de grandes familles, des rêves de nos prédécesseurs que nous portons cette fois avec une fierté inaliénable.

        Héritiers des vœux de la Vraie Piraterie, celle façonnée dans l'Honneur, la Liberté et le goût de l'aventure. En souvenir de ces grands pirates, comme mon père, qui ont sillonné les mers et forgé le Code nous serons les Héritiers.
        Et Poiscaille n'est qu'une première marche vers notre ascension vertigineuse.  

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