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Moonlight shadow


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La foule exultait. Ces anges étaient des malades. Le premier sang avait été versé et les doigts de Mehdine étaient maculés d’hémoglobine. Il avait laissé des gouttes carmines sur son passage, acculant un révolutionnaire blessé dans un coin de l’arène. L’assassin se tenait l’épaule, du sang débordant de ses doigts pour tacher sa tunique et ton pantalon. Le couteau du Shandia était rouge. Sinistre promesse.

« Un jugement par les Dieux ! AH AH AH AH ! C’est moi le protégé des Dieux, humain ! »

C’était censé être une … de partie de plaisir. Voilà qu’il se retrouvait dos au mur avec son bras percé de part en part. Mehdine jouait de son arme comme un fou, se passant le dos de la lame sur le bras. Il se dégageait de lui une aura meurtrière d’une rare intensité. Son œil valide tournait sans cesse, il était fou. Il passa à l’attaque, encore et encore. Des blessures de plus en plus profondes venaient s’ajouter au tableau de l’assassin. Il saignait sans savoir comment ni pourquoi. Ce n’était qu’un bref éclat noir et carmin avant chaque douleur. Les mouvements du Shandia devenaient de plus en plus rapides. Ou alors c’était ceux de l’assassin qui alentissaient. Il se faisait malmener comme un bleu, laissé désemparé par les assauts fulgurants et implacables de celui qui menait cette répugnante volière.

Le monstre de Shandia était fait d’un bois rare, dépassant même les préceptes les plus sages de l’art de Rafaelo. Du moins de ce qu’il lui restait. Quelque chose au fond de lui hurlait qu’il n’aurait jamais pu se faire avoir ainsi dans un autre temps. C’était la première fois qu’il trouvait adversaire à sa mesure depuis … depuis aussi longtemps qu’il s’en souvenait. Son arrogance était monstrueuse, mais on lui vantait tant ses propres talents, sa propre légende qu’il y avait cru. Il était allé dans la gueule du loup en pensant l’emporter grâce à ses talents. Son mantra, son logia.

« Alloooooooons ! Petit humain … REFAIS MOI-ÇA ! AH AH AH AH !! » hurla le monstre, avant de le saisir par le pied et de l’envoyer s’écraser au centre de l’arène.

La tour centrale vola en éclat, s’écrasant de tout son poids sur la carcasse malmenée de l’assassin. Le fou s’y rua en courant, jubilant de croiser la route d’un adversaire aussi résistant. Il écarta les roches en les envoyant valdinguer dans tous les sens. Ce monstre n’avait pas même conscience de son haki de l’armement. Ses poings se teintaient de noir à chacune de ses attaques. Comment anticiper quelque chose dont l’adversaire même n’avait pas conscience ? Le Shandia attrapa Rafaelo par le col, tirant son corps malmené des ruines. Son front saignait, maculant la moitié gauche de son visage. Ses bandelettes s’étaient défaites pour révéler un bras translucide et son katana était brisé. L’haleine fétide du Shandia lui révulsait les narines.

La créature serra ses mains, tordant l’échine de l’assassin. Celui-ci hurla de douleur, tirant satisfaction à la foule. Les doigts de Rafaelo se cramponnèrent à ceux du colosse. C’était peine perdue. C’était une force de la nature, indomptable. Mais il n’était pas vaincu. Se ramassant, l’assassin frappant du talon, forçant son adversaire à rompre le contact. Le Shandia roula à terre puis se releva d’une main en essuyant le sang qui perlait sur sa lèvre. Il ricana de plus belle face à l’assassin qui se tenait devant, ramassé sur une jambe blessée et avec un bras qui pendait misérablement.

« Allez ! Lâche ta fumée comme tout à l’heure ! AH AH AH AH !! Que je t’attrape encore ! » rugit Mehdine, levant les bras aux cieux pour accueillir les rugissements de ses adorateurs.

Qui de Skippy ou de lui menait la ferveur des fanatiques … en cet instant nul n’aurait pu trancher. Rafaelo se passa la main sur la gorge où trônait encore la marque des doigts de son adversaire. Il avait pu l’attraper dans la brume d’une simple poignée de main. Il l’avait mis à terre, l’avait frappé. Encore et encore. Il savait que ses alliés comptaient sur lui. Il leur offrait un pitoyable spectacle. La réussite de cette opération reposait sur lui, il ne pouvait pas faire de faux pas à Shaïness comme ça. Il grogna de douleur en se redressant. Mehdine frappait trop fort, de manière trop imprévisible. Anticiper ses coups ne servait à rien. Il fallait arrêter de se reposer sur ses propres pouvoirs et commencer à renouer avec l’art du combat. Mais le monstre était dangereusement fort et les estocades de l’assassin ne faisaient que l’entailler sans paraître le blesser. Alors que lui encaissait les coups avec violence. Il lui fallait plus de force, plus de puissance. Ses blessures commencèrent à laisser échapper une fumée presque noire, allégeant sa souffrance mais sapant ses forces. Il se redressa, se mit en garde.

« ENCORE ?! AH AH AH ! MAIS TU ES INCREVABLE ! J’ADORE ÇA !! » jubila Mehdine, se jetant de nouveau au corps à corps.

Rafaelo esquiva un premier coup, puis un deuxième. Il perçut une ouverture et frappa. Son pied resta bloqué contre la musculature du Shandia qui en profita pour bloquer sa jambe. La transformant en fumée, l’assassin fit un tour sur lui-même et recomposa sa jambe en plein dans le menton de son adversaire. Celui-ci tomba à terre mais se releva dans le même mouvement comme si de rien n’était. Il ricana de plus belle, relançant l’assaut encore plus fort. Il tailla dans tous les sens, hurlant sa jouissance. Rapidement, l’assassin se retrouva de nouveau maculé du sang de ses propres blessures, face à un Mehdine qui ne faiblissait pas. La rage qui habitait le révolutionnaire ne cessait de croître. Il n’était pas encore assez fort. Il devait devenir plus fort. Plus fort. Beaucoup plus fort !

*crac*

La lame du Shandia frappa le bras de l’assassin, puis se répandit en étincelles. Le poing de Mehdine transperça Rafaelo sans l’atteindre et ce dernier se recomposa derrière-lui. Le monstre abattit son énorme main et dans un fracas de tous les diables, il se retrouva suspendu en l’air. Le bras de l’assassin était levé, contenant la poigne de son adversaire de sa seule force. Son poing s’était recouvert d’un ébène plus noir que ses cheveux. Mais il ne sembla pas le remarquer. Entièrement dévoué dans le combat qui lui faisait face, Rafaelo posa pied sur le genou du Shandia et entoura sa jambe autour de son épaule. Dans le même mouvement, il leva son bras puis dans un bruit écoeurant, il frappa de la pointe de ses doigts, enfonçant jusqu’à son coude dans la poitrine de son adversaire. Ce dernier eut un hoquet d’incompréhension puis vacilla en cherchant vaguement à attraper son adversaire qui s’était insinué sous sa garde. Ses mains glissèrent sur les épaules de l’assassin puis il finit par tomber à genou, forçant Rafaelo à rouler un peu plus loin. L’assassin se réceptionna sur un genou, les yeux écarquillés. Il regardait son bras maculé de sang devenir de moins en moins sombre. Quelque chose reflua lentement jusqu’au bout de ses doigts pour ne  plus laisser qu’un simple membre humain sous une couche de sang frais.

« Le … le … C’est impossible, je ne suis pas … » bégaya-t-il, incapable de se rendre à l’évidence.

Et pourtant. C’était le haki de l’armement. Il tituba en arrière en essayant de se relever puis tomba sur son séant pendant que l’arène se taisait. Mehdine grattait encore le sable de ses doigts poisseux. Sable qui buvait son sang à grandes goulées. Rafaelo avait percé la veine cave, plongeant son bras jusqu’au plus profond de sa cage thoracique. Le sang noir, pollué du monstre en attestait. Les secondes d’agonie du psychopathe semblèrent durer des décennies. Puis les sifflets vinrent. On hua l’assassin qui avait remporté son combat à l’aide d’une malice dont tout le monde ignorait tout. Il se releva péniblement, secouant sa tête. Il ne fallait pas faiblir maintenant. Surtout pas. Il inspira grandement, s’appuya contre la roche. Marcher. Il fallait marcher.

D’un geste, le dément Skippy fit taire les huées. De la position de Rafaelo, on n’aurait su dire si l’homme était en colère ou non. De ce qu’il savait, Mehdine était le bras droit de Skippy. Vingt contre un qu’il serait furieux de sa mort … mais de son fanatisme ou de ses émotions, qu’importait le plus ?

« Toi … étranger … tu as su vaincre notre grand Mehdine : envoyé des Dieux pour être le bras armé des Fils Illuminés de l’Astre d’Hécate ! Alors tu ne peux qu’avoir été choisi par les Dieux. Il en est ainsi ! Mes amis, mes amis du calme. Vous savez très bien qu’aucune main humaine ou angesque n’aurait pu mettre un terme à la vie de Skippy si les Dieux ne l’avaient pas décidé ! Cette volonté divine qui nous surpasse tous, la volonté divine des envoyés de la Lune ! Les Dieux ! Les Sélénites ! Hourra ! » s’enflamma le petit vieillard, pendant que l’assassin vacillait en bas.

Rafaelo essuya le filet de sang qui lui dégoulinait le long du menton. Il fit une moue écoeurée en se rendant compte qu’il venait simplement de se maculer du sang de Mehdine puis cracha un molard ensanglanté sur le sable. Il inspira profondément, tint bon. Le plus dur avait été fait. Il contracta ses muscles, se redressa. Les ovations fanatiques des anges de cette secte lui faisaient froid dans le dos. Il était au centre d’une folie d’une ampleur telle qu’il n’en avait, peut-être, jamais vu. Pourtant, ces cris et ces hurlements en faveur des Sélénites firent écho en lui. Les voix de centaines d’anges lui chauffèrent l’âme et le corps. Il comprit alors le pouvoir absolu qu’exerçait Skippy sur les siens. Il sentit la vague issue de la puissance de cet homme le transpercer mais il tint bon. Il  le savait fou, il savait sa Cause juste et inébranlable. Il n’était pas l’un de ces anges en quête de vérité et de violence.

Les débordements qui avaient commencé à se faire place dans les gradins avaient aussi tôt cessé, bien que la rancœur envers Rafaelo fût tenace. Il avait été plus fort et s’était placé au sommet de la chaîne alimentaire qu’incarnait le Shandia. Cela ne faisait pas pour autant de lui leur confrère. Ils ne semblaient pas reconnaître cela, mais à partir de ce jour, aucun membre de cette secte n’oserait le confronter en face à face. C’était certain. Il regarda une nouvelle fois son bras redevenu normal. Le fluide noir. Le haki de l’armement. Possédait-il aussi ce pouvoir lorsqu’il était assassin ? Par le biais de quel entraînement avait-il réussi à maîtriser une telle chose en ce cas ? Non … l’empathie était là, omniprésente, tout comme ses pouvoirs. Cela ne pouvait qu’être nouveau … impromptu. Il n’était donc pas au sommet ? Ah ah … quelle heureuse nouvelle … sa vie précédente était donc perfectible ! Il avait fait quelque chose de plus, de nouveau : donc tout pouvait être différent maintenant ! S’accrochant à cette idée, il sourit et releva la tête. Il gonfla ses poumons, chassant sa peur et ses doutes.

« JE SUIS RAFAELO DI AUDITORE. JE SUIS ICI POUR RENCONTRER VOS DIEUX ET LEUR FAIRE ENTENDRE MA VOIX ! JE NE SUIS NI UN ANGE, NI UN SHANDIA MAIS MA VICTOIRE M’ACCORDE LE DROIT DE LES RENCONTRER ! JE RECLAME CE DROIT EN TEMPS QUE TRIBUT POUR MA VICTOIRE ! » hurla-t-il, surpassant la puissance vocale de Skippy.

S’il n’avait pas la même prestance envoûtante que l’ange, son aspect de guerrier né joua largement en sa faveur. Le public se tût, écoutant l’homme seul qui se tenait au milieu de l’arène.

« Et les Dieux te rencontreront. » fit une voix masculine, au-dessus de Skippy, parfaitement audible malgré la distance.

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Hono Matope, le Sélénite en contact avec les Fils Illuminés de l’Astre d’Hécate, qui se tenait au-dessus de leur loge, pied sur une échancrure de pierre et coude sur le genou.


Dernière édition par Rafaelo le Jeu 19 Fév 2015 - 18:50, édité 1 fois
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L’intervention heureuse du Sélénite n’était pas due au hasard. Il avait dû observer le combat tout du long et parvenir à la conclusion que cet intrus-là était à considérer. Il était évident que Mehdine avait été l’un de leurs outils les plus efficaces, ainsi traiter avec l’homme qui l’avait tué était la décision la plus sage. En effet, l’assassin ne considérait pas une seule seconde ces Sélénites comme des Dieux. Et puis il était curieux de savoir comment il était possible de venir de la Lune. Le silence avait suivi la déclaration de la déité incarnée et lentement on avait commencé à faire sortir l’assassin de l’arène, encadré d’une troupe d’illuminés patibulaires. Ils l’avaient mené vers des sources chaudes : l’ordre de prendre soin de lui était intransigeant. Cherchait-on à le mettre en meilleure condition ? À gagner sa confiance ? Les Sélénites désiraient discuter et non se battre. Dans le cas contraire, ils ne lui auraient pas permis de se reposer. L’intrus aux cheveux de feu avait déclaré qu’ils viendraient chercher ce nouveau désigné des dieux le lendemain, à l’heure qui leur siérait. Rafaelo gageait qu’ils se donnaient du temps pour savoir quoi faire de lui et que face à sa victoire, ils étaient bien obligés d’affabuler pour garder leur crédibilité.

Ainsi, on s’essaya à panser ses plaies, déjà disparues sous l’effet de son fruit ce qui ajouta à son crédit d’envoyé des dieux. Visiblement, les fruits du démon étaient méconnus ici, tout comme son identité. Le fait que la Lune Noire ait eu vent de son existence n’avait été qu’un heureux hasard en fin de compte. Il n’eut pas affaire à beaucoup de membres de la secte, son exploit ne lui avait pas valu tant d’admiration qu’il aurait escompté. Malgré leur fanatisme, ils déploraient la perte d’un des leurs, tout autant cinglé qu’était Mehdine. L’assassin avait ainsi été logé dans une alcôve, laissé à l’abri des regards et du reste. Qu’on ne s’y trompa pas : il était toujours en détention. Le Sélénite avait dû toucher quelques mots à Skippy. Ce dernier n’était même pas venu le voir. Quelque chose se tramait et Rafaelo dût résister plusieurs à l’envie de s’échapper de cette loge de fortune. Cependant, s’il agissait ainsi, il ne rencontrerait pas les Sélénites de si tôt … La Lune Noire désirait les éradiquer. Lui, avait un point de vue un peu plus nuancé. La nuit ne fut pas très agitée, et le repas généreux. Ce fut frais et dispo que l’assassin se réveilla le lendemain matin, étonné une fois de plus par la capacité de régénération et de récupération que lui octroyait son fruit. Il était toujours engourdi, sentait que ses membres portaient la trace de son combat mais plus une seule blessure ni tâche de sang sur sa peau.

« Prophète Auditore. » mumura-t-on de l’autre côté de la tenture qui fermait l’alcôve.

Faisant semblant de se réveiller comme une fleur, l’assassin laissa échapper une réponse qui ressemblait à un grognement. Prophète ? C’était quoi cette blague encore … Il n’avait pas eu la force d’explorer les lieux la veille et quelque chose lui soufflait qu’il aurait peut-être mieux fait d’aller écouter aux portes.

« Les Dieux vous mandent. » répliqua la voix fluette.

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L’assassin passa la tenture, découvrant les gardes stationnés à l’autre bout du couloir. La jeune femme qui se présentait là lui adressa un sourire qu’il ne put que lui rendre. Il sentait une légère tension dans le comportement de la donzelle, rendu d’autant plus palpable que les gardes le foudroyaient du regard. Hm. C’était Sesanzin celle-là. Et de mémoire, elle était le bras droit de Skippy. Elle se considérait trop pure pour le commun des mortels et ne se laissait pas approcher. Elle se réservait pour … ah ah … c’était donc ça. Elle se réservait pour les prophètes.

« Merci, Sesanzin. » répliqua l’assassin, tirant un regard surpris de la donzelle.

Autant se la jouer prophète divin, puisqu’ils lui en avaient donné la carte … Tous ces sélénites semblaient manipuler leur monde en toute impunité ici. Le moindre des membres de cette secte était complètement convaincu de leur divinité. C’en était presque écœurant. Mais il mettrait un terme au culte des faux dieux. Il fallait tout de même avouer que cette histoire de prophète tombait à pic. Il emboîta le pas de la donzelle, dont les yeux rayonnaient de bonheur. Elle semblait plutôt Ange que Shandia et la mort de Mehdine semblait la ravir. Assez pour qu’elle accepte un humain comme prophète visiblement. Ou alors était-elle complètement aveugle et n’accordait de crédit qu’à la parole des Sélénites ? Cette secte violente chassait tous ceux qui refusaient d’adhérer à leur culte. Les Sélénites avaient réussi à faire d’eux leur bras armé et ne rechignaient pas à utiliser anges et shandias pour massacrer anges et shandias. Il était terrible de voir que seule la constitution d’un ennemi commun pouvait rassembler ces deux clans pourtant si proches.

« Les Dieux veulent te voir seul, Prophète. Mon devoir en temps qu’élue des dieux et de te mener jusqu’à eux. » minauda la gamine, se ramenant une mèche dorée derrière l’oreille.

Cette femme était un poison, quelque chose n’allait pas. L’assassin demanda quelques minutes avant qu’il ne la suive. Le temps de laisser un léger message via Denden, tout en étant sûr de ne pas être intercepté. Il s’enquit rapidement de la situation de Shaïness, qui disait quelques heures plus tôt que tout allait pour le mieux. Ici aussi, tout allait pour le mieux. Il allait rencontrer les Sélénites et leur parler. Cela fait, il s’en alla rejoindre la donzelle avec son maigre paquetage. Elle renifla en le voyant aussi sobrement vêtu pour la rencontre capitale que le Destin lui accordait. Les vêtements de l’assassin étaient encore maculés de sang. Ainsi, elle lui tendit une simple tenue rituelle, afin de rendre les choses un peu plus … présentables. Une tenue alliant bleu océan, noir et blanc cassé, qu’on aurait dite faite pour lui. L’assassin tint à garder certains de ses attraits, comme ses armes et sa capuche. Sesanzin lui signifia que ses armes lui seraient retirées, ce à quoi il opina. La tenue était précieuse, constellée de brodures ouvragées, censées signifier son rôle. Tout cela était trop irréaliste. Ces gens étaient manipulés, lui-même les manipulait en entrant dans leur jeu. Et pourtant … ils pensaient leurs idéaux fondés et leur cause juste.

Et lui dans tout ça ? N’était-il pas pareil à eux dans sa quête révolutionnaire ? Et si ses idéaux n’étaient que mensonges ? Si on ne cherchait qu’à le manipuler, à le duper pour parvenir à d’autres fins ? De quel droit pouvait-il piétiner ainsi les croyances d’autres créatures au profit des siennes ? C’était une question qui n’avait ni queue ni tête. Quelque chose qui le rongeait inutilement. Peut-être était-ce justement parce qu’il était libre de se poser ce genre de questions que sa Cause prenait un sens. Peut-être que c’était cette possibilité de recourir à son propre liber-arbitre et de ne voir les choses que de son propre œil avant de se faire un avis. Il ne dépendait de personne, faisait ses propres choix … Un homme seul pouvait-il se permettre de ne pas être corrompu par un tel pouvoir ? L’histoire avait prouvé qu’un groupe d’hommes avec un tel pouvoir finissait toujours par être corrompu. Alors pour quelle finalité ? Peut-être que si ce pouvoir venait simplement à ne pas être possédé … si tout le monde, le peuple, connaissait la vérité et agissait pour son seul compte ? Mais il fallait être naïf pour croire en une telle utopie. Il fallait un pouvoir et des garde-fous. Des garde-fous pareil à un assassin rôdant dans l’ombre pour châtier ceux dont le pouvoir tournait la tête …

« Nous y voilà. » mumura Sesanzin, indiquant d’un geste désinvolte l’orée d’une clairière.
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Un léger vrombissement faisait vibrer l’air, le chargeant d’une aura électrique. Elle fit signe à Rafaelo d’avancer. Il n’avait emporté aucune arme, conformément à la demande de la jeune femme. Sauf sa lame secrète qui avait sur rester invisible par ses soins. Elle se recula avec une révérence puis alla s’adosser à un arbre. Elle n’était visiblement pas conviée à la réunion, mais désirait tout de même rester à portée. Avec un léger sourire en coin, Rafaelo se dirigea vers le lieu de rendez-vous. Il inspira profondément, releva le menton. Il devrait les impressionner et les convaincre. Que tout ceci se passe sans effusions de sang. Un défi à sa hauteur, non ? Il marcha à la rencontre des Sélénites et … s’arrêta. Bouche bée. Une immense carcasse de métal surplombait la scène. Une carlingue bardée de canons et d’alliages en tout genre, dont la peinture avait été érodée par le temps et les batailles. La chose devait dépasser les cinquante mètres d’envergures et chacun de ses canons aurait pu accueillir un homme debout à l’intérieur. Vue de profil, l’imposant Maquis Corse fit trembler l’assassin par sa puissance et sa technologie qui surpassait tout ce qu’il avait pu voir de ses courts souvenirs.

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Les trois canons latéraux pivotèrent d’un commun accord, braquant leur puissance de feu démesurée sur l’assassin. Il entendit distinctement les ogives s’armer, le menaçant sans même se cacher. Plus bas, le Sélénite rencontré la veille attendait, sur une table revêtue d’un napperon blanc. Il dégustait ce qui semblait être un vin rouge. S’essuyant la bouche d’une serviette immaculée, il invita l’assassin à prendre place devant lui, sans se lever. Ce Sélénite était sur son territoire, et le message était clair : Rafaelo n’était pas le bienvenu. Toute cette mise en scène de prophète et autre, évidemment que ça ne comptait pas. C’était pour les apparences, l’esbroufe. Au moins pouvait-il leur parler. C’était ça de gagné.

« Assis-toi, Rafaelo. Je m’appelle Hono Matope. Heureux de te rencontrer. Un peu de vin ? C’est quelque chose qui vient du fin fond de la jungle, nous avons trouvé beaucoup de bouteilles dans une vieille épave. » fit-il, en servant un verre au révolutionnaire.

« Hm. Inutile de le nier : nous savons très bien pourquoi tu viens ici. Soit pour négocier, soit pour nous tuer. Alors tu comprendras nos petites précautions. » poursuivit-il, montrant d’un geste négligent les canons du vaisseau.

L’assassin s’assit sans détacher son regard de l’imposante armature du Maquis Corse. Bien qu’on lui ait longuement décrit l’objet, le voir en vrai c’était tout autre chose. Il avait vu des navires plus imposants, mais quelque chose de ce type … quelque chose qui pouvait voler … c’était inconcevable. Le navire semblait surgit d’un autre temps, issu d’une technologie oubliée. Il resta ébahi quelques secondes puis reprit contenance, attrapant le verre que lui tendait le Sélénite. Il se racla la gorge, bu une gorgée. Et s’essuya du revers de la main. Un sourire en coin condescendant naquit sur les traits d’Hono.

« Qui t’envoie Rafaelo ? Je ne pensais pas qu’Anges ou Shandias aient le cran d’embaucher un humain pour faire leur travail. C’est que tu dois venir d’en-dessous, des terres inexplorées. Skippy nous a beaucoup parlé de ces lieux infâmes où la mort n’a d’égale que la cruauté de tes confrères. Que veux-tu donc ? Pouvoir ? Richesses ? Me servir ? » ricana l’Ange, en tout cas il y ressemblait beaucoup, se laissant aller nonchalamment dans son siège.

« Je vois que l’on vous a bien mal informé. Ces terres ne sont pas si inhospitalières. Vous avez demandé leur avis aux deux peuples les plus ignorants que ce monde ait porté. » répliqua l’assassin, posant sa coupe.

« Je suis ce qu’on appelle un révolutionnaire. Je lutte contre la suprématie d’un ordre mondial extrêmement puissant qui use et abuse de sa force pour maintenir le pouvoir de leaders décadents et déclinants. Mon but est simple : renverser l’ordre établi pour un monde de partage et d’équité. » continua-t-il, fixant son interlocuteur droit dans les yeux.

« Cela va à l’encontre de l’ordre naturel, mon cher. Les forts tuent les faibles. Vous parlez là d’un acte contre-nature. » se gaussa Hono, faisant tourner le verre entre ses doigts.

« Un acte qui nous mettrait tous à égalité. Vous, les Anges, les Shandias, les Humains et toutes les autres races existantes. Un acte qui mettrait fin à des massacres aussi nombreux qu’inutiles … surtout pour des peuples sur le déclin. » répliqua Rafaelo, sans réprimer un petit sourire.

La pique avait touché le Sélénite qui se redressa et posa son verre en lâchant un rire assassin. Un rire qui faisait froid dans le dos.

« Donne-moi une raison pour ne pas donner l’ordre de t’éliminer sur le champ, petit insecte. » ricana-t-il, jouant avec le bord de son verre.

« Parce que je suis venu en ami. Parce que je suis venu vous prévenir d’un terrible danger qui vient du monde d’en bas. » répondit l’assassin sans se laisser démonter par la menace.

Menace qui n’en était pas vraiment une, les Sélénites semblaient trop intéressés par lui pour l’éliminer sur un coup de tête. De même, il aurait bien ajouté ‘parce que je suis plus fort que vous’ mais il ne pensait pas que cela l’aiderait à les convaincre. Surtout après les avoir traité de peuple décadent. Ces gens ne semblaient connaître de ce monde que les conséquences de la venue d’Ener. Ainsi faudrait-il tout leur expliquer et les bases sur lesquelles ils étaient partis étaient plus que mauvaises …

« Ecoutez. Je comprends votre position. Vous êtes de la Lune et vous n’avez aucun espoir de retourner un jour là-bas. Vous êtes perdus ici et vous avez fait tous les mauvais choix possibles. Faut croire que tout ça vous donne des … ailes. Ahem.

Comprenez-moi, ce dont je vous parle tient d’un autre domaine. Au-delà de vos querelles intestines d’anges. Il y a en bas, sur les mers que vous n’avez pas exploré encore, un Gouvernement Mondial. Qui n’hésite pas à utiliser les votre pour esclavage et main d’œuvre. Qui honore la suprématie d’un ordre de nobles appelés Dragons Célestes. Ces hommes ont tout pouvoir depuis près d’un millénaire. Le simple fait de croiser leur regard peut vous valoir la mort. »
commença l’assassin, accélérant son débit pour ne pas laisser le Sélénite l’interrompre, notamment à la mention d’anges pour définir son espèce.

« L’intérêt de ma déclaration ? C’est que l’un d’eux ne va pas tarder à se montrer ici, Hono. » ponctua-t-il, sachant qu’appeler le Sélénite par son prénom risquait de le froisser.

Il n’était pas question de prendre des gants avec eux. Il les comprenait, leur offrirait une porte de sortie mais rien de plus. Parfois, la meilleure solution c’était d’en prendre un pour frapper sur l’autre. L’assassin se renfonça dans son siège, attendant la question qui allait poindre.

« Et en quoi c’est mon problème ? » répliqua inéluctablement Hono, avec un manque cruel de classe.

« Car dès qu’il vous verra, dès que vous toucherez à un de ses cheveux, le Gouvernement Mondial enverra l’artillerie lourde pour raser Skypeia de la carte et en fera son nouveau paradis céleste pour touristes. Ce paradis ce sera sans vous. Ou alors, le peu qui restera, se verra mettre aux ordres par le biais de chaînes et de colliers en fer. » répondit Rafaelo, sans cacher sa satisfaction d’avoir fait mordre le Sélénite à son appât.

Celui-ci reprit paisiblement une gorgée de vin et s’épongea de nouveau les lèvres de sa serviette. Il fit tourner le liquide carmin dans son verre, le regard perdu au loin. Il évaluait les possibilités que cela ne soit qu’un coup fourré, mais la balance penchait légèrement en la faveur de l’assassin. D’autant plus que les infiltrés de Skippy avaient peu ou proue entendu la même version des faits. Il avait réussi à convaincre la Lune Noire avec ce charabia, preuve qu’il y avait de la vérité là-dedans. Sans le savoir, le fait que la Lune Noire fut infiltrée jouait en ce moment même en leur faveur. Enfin, sans le savoir … espionnage et contre-espionnage. La base de toute force organisée en somme.

« Je suis sûr que ton noble pourrait entendre raison, entre gens sophistiqués … » minauda Hono, plongeant son regard dans celui de Rafaelo.

« Connaissez-vous le terme de racisme, Hono ? Pensez-vous que quelqu’un se pensant au sommet de la chaîne alimentaire … que le fort traite avec le faible, pour reprendre votre allégorie ? J’ai moi-même affronté ces nobles, j’ai mené des actions propres à les discréditer. Dans mon monde, je suis plutôt connu. Cela me facilite les choses. Mais ici … je dois jouer avec les cartes que j’ai : ma parole, mes capacités. J’ai battu Medhine après tout. Et vous devinez que je me suis fait attraper volontairement. J’ai joué selon les règles du jeu : si je voulais vous la faire à l’envers, je me serais pas donné cette peine. » répliqua l’assassin, sur un ton aussi neutre que possible.

« Je te l’accorde. Mais tu as aussi causé un dangereux déséquilibre du pouvoir chez nos fidèles. Sapant par là une grande partie de nos forces. Nous nous en remettrons, mais tu nous as suffisamment nuit pour que j’ordonne au Maquis de tirer. »
répondit Hono, jouant avec le bord de son verre.

Rafaelo soupira. Que ces gars-là étaient … obtus. Une veine commença à palpiter sur sa nuque, tandis que ses jointures craquaient au fur et à mesure qu’il serrait les poings. Hono fronça les sourcils, hésitant sur la marche à suivre depuis le début de la confrontation.

« Bon. Je vais te dire directement ce que je veux. J’en ai marre de te tourner autour du pot pour rentrer dans ton jeu à la con, Sélénite. Je suis venu ici pour vous sauver le cul, tu pourrais au moins te la fermer et écouter sans faire chier. » grogna Rafaelo, posant doucement sa main sur la table.

Le changement d’attitude, le ton glacial et le regard meurtrier suffirent à faire avaler sa glotte au pédant personnage. Il y avait des nuances qu’il ne pouvait saisir dans le personnage de Rafaelo, des nuances qu’il ne lui appartenait pas de connaître. Il ne pouvait pas être informé de son amnésie et des efforts colossaux qu’il faisait pour rentrer dans le rôle de l’assassin révolutionnaire, ce rôle qui avait le don de l’horripiler. Il ne pouvait deviner que cela faisait depuis qu’il s’était assis que Rafaelo se retenait de l’attraper par le col et de l’écraser sur la table pour l’obliger à obéir, tant les décisions de son peuple étaient stupides et puériles. Et les ogives ? Il était fait de fumée, intangible et intouchable. Il s’en contrefichait. Mais c’était beaucoup trop d’inconnues pour un petit Sélénite débarqué de la Lune … Ils n’avaient pas pu comprendre la nature de ses pouvoirs, tant pis pour eux. Ener avait été le seul Logia à les côtoyer.

« Dans trois jours, un Dragon Céleste va débarquer. Vous allez cesser vos conneries de combat et conclure gentiment à une trêve entre anges, shandias et sélénites. Alors vous présenterez un visage souriant, uni et tout ira pour le mieux. Lorsque cet enfoiré va vouloir vous annexer, je vais m’occuper de lui coller la rouste la plus monumentale pour qu’ils me traquent à moi et foutent la paix à votre misérable bout de terre. Tu comprends ça le Sélénite ?

Je vous demande la paix. En échange ? Je commettrai le crime capital et deviendrai l’homme le plus recherché du monde. Et crois-moi, votre Maquis Corse ne fait pas le poids contre moi. Ni contre n’importe qui de l’Amirauté. Je suis Il Assassino, mon nom suffit à faire conchier la Marine. Tu comprends ? T’es qu’une petite frappe avec qui j’ai bien voulu discuter. »
lâcha l’assassin, joignant ses mains en se reculant sur son siège.

Une moue d’horreur apparut sur les traits du Sélénite. On ne lui avait probablement jamais parlé ainsi et son égo en prenait un sacré coup. Lui, l’envoyé des Dieux chez les fils illuminés d’Hécate ! Son visage passa du blanc au vert puis au rouge. Son sang ne fit qu’un tour et il tira d’un geste une sorte de mousquet agrémenté de quelques câbles. Il arma l’engin.

« Tu baisses d’un ton, ou il n’y aura aucune entente … et nous écraserons la Lune Noire dans le même temps. » menaça le Sélénite, cédant au dernier recours.

« Fais donc feu avec ton superbe navire. Moi j’y survivrai, et toi ? Ou même ta pathétique arme à feu. J’ai posé mes conditions alors tu fais le chien obéissant et tu vas le raconter à tes supérieurs. J’en ai … ma claque. Le temps presse, j’ai pas le temps pour un salon de thé. J’ai déjà perdu une nuit avec vos conneries. » grommela Rafaelo, sans savoir pourquoi il se pressait autant, justement.

Quelque chose lui tiraillait la conscience, brouillait son jugement et le poussait à une précipitation éhontée. Soudain, il su. Du moins il perçut. La présence de Sesanzin avait disparu de son champ de perception. Et, des voix commençaient à … disparaître. Quelque chose se passait, aux limites de son mantra. Il ne pouvait se concentrer plus loin. Hono sembla percevoir le trouble qui habitait l’assassin car il baissa légèrement son arme et haussa un sourcil interrogateur. La chaise du Sélénite était renversée, tout comme son verre de vin, sur la table. Le rouge s’y épanchait comme une tâche de sang. Pourtant, il ne donnait en rien l’impression de dominer la scène. Le calme placide de Rafaelo était d’un autre rang.

*bulubulubulu*

Le Sélénite attrapa quelque chose qui ressemblait de loin à un denden, peut-être une contrefaçon à la mode sélénite. Enfin, contrefaçon, l’unique et seule version pour eux.

« Rentre, nous n'avons pas le temps de discuter avec lui. » ordonna une voix, tandis que les turbines du maquis corse se mettaient en marche, soulevant un vent colossal.

« Mais … » tenta de répliquer Hono, baissant définitivement son mousquet amélioré.

« Ne discute pas. Il y a un … imprévu. » grommela la voix féminine avant de mettre fin à la conversation.

Hono resta quelques secondes interdit puis releva son arme pour menacer Rafaelo, toujours assis.

« Ce fut un plaisir, Rafaelo. Nous nous reverrons sur le champ de bataille. Hin hin … » ricana le Sélénite en reculant vers le navire qui s’élevait doucement dans les airs.
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L’assassin soupira et se leva de son siège. Il regarda le Maquis Corse. Il observa Hono. Bon. Shaïness allait le tuer. En une fraction de seconde, il fut à côté de Hono. Il frappa du tranchant de la main sur sa jugulaire, le Sélénite fit un pas sur le côté, tituba. Le révolutionnaire leva les yeux au ciel, il n’était pas si faible qu’il l’avait escompté. Il lui asséna un coup de poing supplémentaire qui l’envoya glisser trois dizaines de mètres plus loin, rebondissant contre les arbres et les roches. Un instant plus tard, il était à côté de lui. D’un bras, il le chargea sur son épaule et s’avança vers le Maquis Corse qui emmagasinait de plus en plus de puissance pour le démarrage. Les canons étaient trop lents, ils avaient déjà perdu la trace de l’assassin. Le pont était encore baissé. Des cris de panique retentirent et le mécanisme de fermeture s’actionna. Un filet de fumée devança la manœuvre et alors que la soute se condamnait, la silhouette de l’assassin portant le corps inanimé d’Hono apparut au milieu d’une dizaine de Sélénites armés jusqu’aux dents.

Les Sélénites braquèrent leurs armes sur l’assassin et avant qu’ils ne puissent faire feu, le corps d’Hono tomba durement à terre et une gerbe de fumée les avait traversés, subtilisant armes en tout genre au passage. Un brouillard opaque s’engouffra dans les turbines et les couloirs, se glissant comme une seule entité dans les interstices du maquis corse. Un fantôme intangible à bord, qui ne prenait pas la peine de s’arrêter sur les hommes qu’il rencontrait là. Certains s’en retrouvèrent propulsés contre la carlingue, d’autres furent plus chanceux. L’être se dirigeait dans le vaisseau en gagnant les hauteurs, cherchant le point où le Commandait devait se trouver. Il avançait comme s’il connaissait déjà la localisation, seules les directions le maintenaient. Il ne lui fallut cependant pas plus de quelques minutes pour se matérialiser dans la salle de commande, deux mousquets sélénites en main. Il leva les armes, menaçant tour à tour l’homme à la barre et la donzelle aux cheveux bleus, à qui semblait appartenir la voix autoritaire.


Par Nashya

« Bien le bonjour, messieurs dames. Je réquisitionne ce navire pour votre bien. » lâcha-t-il, non sans un petit rire.

La réaction fut immédiate. L’équipe technique chargée de faire décoller le navire maintint ses activités et toute autre personne armée de quoi que ce soit d’utile le braqua en direction de l’assassin, quand bien-même ce fut une clef à molette. Le Maquis était déjà haut dans le ciel.

« Tu oses … » fulmina Amaspa, foudroyant du regard l’assassin.

« J’ose. » répondit-il, basculant ses deux mousquets sur elle.

« Faites atterrir ce tas de ferraille. Je ne le répèterai pas deux fois. N’essayez pas de vous enfuir. Le premier qui bouge, je tue la Tétrarque. » menaça Rafaelo.

Les yeux de la jeune femme se rétrécirent. Il venait de prouver qu’il en savait déjà trop sur les Sélénites, ce qui ne faisait que mettre en lumière sa réelle intention. Elle posa la main sur une sorte de sabre d’abordage, le défiant du regard. Elle fit un pas vers lui, dégainant son arme. L’assassin tira, se fiant à sa voix intérieure et au mantra. La Sélénite évita sans mal les deux tirs. Elle asséna un coup vertical que Rafaelo esquiva d’un pas sur le côté. Il lui enfonça son poing dans le ventre, usant la crosse du mousquet. La Tétrarque encaissa et riposta, séparant en deux la masse intangible du révolutionnaire. Une odeur de cramé emplit la pièce, sous la panique générale. Les deux tirs de l’assassin avaient endommagé les commandes. Tandis qu’il échangeait des coups avec Amaspa, le Maquis commença à perdre de l’altitude, piquant du nez.

Les deux combattants furent un instant en apesanteur, privant la jeune femme de tous repères. Elle se débattit, essayant de cueillir l’assassin. Celui-ci avait l’avantage de sa densité. Il se glissa derrière elle, frappa. Tout commençait à flotter dans la cabine du Maquis. Les techniciens aptes à réparer les dégâts de Rafaelo ne pouvaient à présent plus toucher aux consoles. Ils flottaient dans les airs, agitant leurs bras sans arriver à y changer quoi que ce soit. Amaspa lança son sabre, épinglant les plaques de métal du bras de Rafaelo à la coque du navire. Pour simple réponse, il abandonna son bras d’armure et révéla son bras gauche fait de fumée.

« Ener … » murmura Amaspa avant que la chute du Maquis ne la plaque contre le plafond du fuselage.

Elle cria, essaya de se relever, mais déjà Rafaelo flottait au-dessus des commandes qu’il avait endommagé. Il tira sur un levier, rien ne se passa. Un autre, le Maquis commença à tourner sur lui-même. Merde … les plans étaient pas les mêmes que pour l’autre navire !

« Levier de … hgn … droite ! » hurla Amaspa, luttant contre la force de gravité qui poussait plus vite le bolide vers le sol que sa maigre corpulence à elle.

Le révolutionnaire tira le levier et le navire arrêta de tournoyer sur lui-même.

« Tire la manette et actionne le bouton rouge en même temps ! » continua-t-elle.

Rafaelo s’exécuta et d’un coup, tout le monde fut rejeté à terre. Le sol se rapprochait dangereusement … mais le combat n’était pas terminé. Amaspa savait à quoi elle avait à faire maintenant : à elle de venger tous ses ancêtres !


« Car souvenez-vous ! Les Dieux sont avec nous ! Nous sommes les fils Illuminés de l’Astre d’Hécate ! N’ayez pas peur de ces infidèles mes frères : combattez-les avec toute la fougue dont vous êtes capable ! Pour les Dieux ! Pour Skypeia ! »

Vrrrrr ….

« Anéantissez ces hérétiques aux nom des Dieux de la Luuuuuune ! »

VRRRRRRRR …


La vision d’un vaisseau surgit du ciel suffit à terroriser les troupes qui s’affrontaient ça et là. Un vaisseau qui rasait d’un peu trop près les arbres. De la fumée rougeâtre s’échappait du cockpit de commandement. Le gourou n’eut que le temps de se retourner et de murmurer un oh-oh avant que l’imposante carcasse du Maquis Corse ne fasse voler en éclat son abri. Le vaisseau s’enfonça dans la tour en ruines comme dans du beurre et s’écrasa sur les pierres du camp des fils illuminés. Le Maquis glissa sur le sol, son épais blindage le protégeant des dommages les plus importants mais le navire ne serait plus en état de combattre avant quelques réparations. Il s’arrêta à quelques mètres du camp d’en face, laissant un large nuage de poussière masquer le champ de bataille. Le silence suivit son crash, tandis qu’une silhouette sombre se dessinait devant les troupes du GUANO.


« Bonjour, Rafaelo. »

L’assassin posa un pied hors du cockpit, un filet de sang coulant le long de son menton. Il se laissa glisser jusqu’en bas et se massa l’épaule, dont le tissus était lui aussi carmin. Il fit face au nouveau venu, qui se tenait fièrement devant ses troupes, secondés par Andy et Lullaby. Une espèce de mastodonte aux muscles saillants et au regard empli d’une haine infini accompagnée d’une donzelle tout aussi blonde, mais fragile en apparence. Ils restaient derrière leur leader. Il transpirait de ce dernier une aura forte et caustique. Même l’assassin se sentait petit devant lui. Les deux hommes se jaugèrent, les yeux dans les yeux. Autour d’eux, les rescapés de Skippy essayaient de se sortir des gravats causés par le crash du Maquis. Le silence s’emplit des cris de douleur et de souffrance. Le GUANO se mit rapidement à encercler les décombres, réussissant à contenir les rescapés malgré son nombre restreint. Qui aurait pu prévoir que les membres de la secte seraient aussi nombreux … Il était certain, à présent, qu’ils seraient efficacement démantelés. Leur tête avait été coupée.

« Et toi t’es qui ? À voir ta dégaine … le GUANO, hein ? Alincourt c’est ça ? » grommela l’assassin, crachant un mélange de salive et de sang.

Il inspira, s’étira pendant que la Tétrarque des Sélénites émergeait en boitant du cockpit brisé du Maquis Corse. Dieu applaudit en éclatant de rire.

« Je t’en prie, appelle-moi Dieu. » fit-il en intimant à ses sbires d’aller cueillir la donzelle d’un signe de la tête.

Le révolutionnaire leva un bras, Dieu haussa un sourcil.

« Les Sélénites sont sous ma protection. Vous n’en toucherez pas un cheveu. Ce ne sont pas vos gens, ce ne sont pas vos natifs. Les fous de Skippy, je m’en moque. Mais eux, eux ils sont sous ma protection. » menaça l’assassin.

Andy leva son arme, prêt à taper sur cet insolent avec autant de violence qu’il le faudrait mais Alincourt éclata de nouveau de rire, coupant court aux volontés de son fidèle bras droit. L’assassin fronça les sourcils. C’était ce type que Shaïness était allée voir. Rafaelo regarda par-dessus l’épaule dudit Dieu et n’aperçut aucune chevelure rose. Il ne pouvait pas décemment demander si elle était là, cela était un trop gros risque pour la couverture de CP de la donzelle. Il n'avait, en effet, pas écouté son denden.

« Tu devrais commencer par me remercier, Rafaelo. Sans moi, tu aurais eu bien du mal à faire … d’une pierre deux coups ! Hin. » fit Dieu, croisant négligemment les bras.

L’assassin fronça les sourcils, encore plus si c’était possible.

« Je n’en suis pas si sûr … et d’ailleurs, comment saviez-vous que … » commença-t-il, posant la question la plus évidente de toute.

« Comment j’ai su ? Parce que je suis Dieu, bien évidemment. » ricana l’Ange, comme si Rafaelo venait de proférer une bonne blague.

L’attitude détendue et jumenfoutiste de ce personnage commençait à irriter l’assassin. Son épaule lui faisait mal. Il ne comprenait pas comment il pouvait encore ressentir les coups de Medhine dans une moelle qu'il n'avait pas. Il serra les dents, attendant la suite.

« N’as-tu pas trouvé bizarre que Skippy soit expressément dans cette tour ? N’as-tu pas trouvé bizarre que tu saches intuitivement sur quelles manettes tirer pour faire s’écraser le Maquis Corse ? Comme si un simple tir pouvait faire sombrer ce navire là … » poursuivi Dieu en se lissant le bouc.

« Le Mantra … vous avez anticipé et guidé mes gestes … C’était ça la voix. Je me disais bien que c’était pas … habituel. Et bien merci, ça m’a aidé. Maintenant vous pouvez partir. » grogna l’assassin qui laissa s'échapper quelques volutes.

Le susnommé Dieu fit un geste rapide en direction d’Andy dont les jointures des doigts étaient devenues noires. Il l’apaisa de son simple contact. Amaspa se glissa aux côtés de Rafaelo, découvrant avec horreur l’état de la situation. Le crash l’avait un peu sonnée et malgré les travers de son dernier adversaire, celui-ci semblait apte à les protéger contre la folie de Dieu.

« Écoute-moi, ami Rafaelo. Sans notre attaque, Skippy n’aurait jamais été éliminé et tu n’aurais jamais eu de victoire aussi … facile. Donc avant qu’un autre de mes plans géniaux ne viennent contrecarrer tes vacances, ce serait amical de nous donner accès à ce vaisseau et à ces envahisseurs qui persécutent mon peuple … » répliqua l’Ange, avec un sourire mielleux qui contredisait totalement le regard noir et sévère qu’il planta dans les yeux de l’assassin.

« Sinon vous allez faire quoi ? » ricana Rafaelo, avec un ton soudainement très sûr de lui.

Dieu sembla remarquer le changement d’attitude. Il fronça les sourcils, et son sourire s’élargit.

« En effet, vu comme ça, cela risque d’être un peu plus compliqué, bel inconnu. Reportons notre danse à plus tard ! De toute façon, j’ai déjà eu de quoi me satisfaire plus tôt … » fit le leader du GUANO avant de se retourner en faisant claquer sa cape.

Le révolutionnaire resta un instant interdit sous le mauvais goût de sa blague puis baissa lentement son bras. Andy fulmina tandis que Lullaby soupirait en prenant des notes. Le trio s’en retourna dans la direction dont il était venu, clamant qu’il donnerait un jour de congé à celui qui rapporterait le plus de membres de la secte en vie pour leur jugement. La blonde déclara qu’il était temps de rentrer pour les préparatifs et se sépara des deux autres. La Sélénite en profita pour se reculer d’un bond, portant la main à sa ceinture. Elle n’avait pas tort, leur combat n’était pas terminé. Mais à cet instant même, deux ombres apparurent aux côtés de l’assassin.


Source inconnue/unknown source

« Pfiou. C’est pas passé loin. »


« Bien joué pour le Maquis. »

« Content de vous voir les gars, vous m’avez tiré d’un beau pétrin … Si vous étiez pas arrivés, je crois qu’Alincourt aurait jamais lâché le morceau. » sourit l’assassin, en soupirant de soulagement.

« On a vu des mouvements inquiétants du GUANO pas loin de notre base. Du coup on a essayé de savoir ce qu'ils faisaient et on est resté en arrière pour enquêter. Maintenant on sait ce qu’ils voulaient … » ronchonna Tenna.

Amaspa, quant à elle, ouvrit une bouche bée et recula d’un pas pour se mettre en garde. Elle jeta un œil au Maquis Corse qui était en bon état malgré tout. Il ne pourrait pas voler à nouveau sans quelques réparations mais il y avait toujours de l’espoir. Tenna se mit en garde tandis que Sanji s’alluma une clope.

« Amaspa. Rengainez vos armes, nous ne désirons pas nous battre plus que nécessaire. » fit Rafaelo, avançant parmi ses alliés.

La jeune femme pouffa, d’un air de dédain qui lui était propre. Comme ça, l’homme qui avait ruiné tout ce qu’elle avait entrepris de construire sur cette île, pour son peuple, ne voulait pas se battre ? Comme ça, l’homme qui avait fait se crasher et avait abîmé son bien le plus précieux n’avait aucune envie de se battre ? Elle leva un mousquet Sélénite sur lui et l’arma d’une main tremblante. Les deux autres, elle les connaissait aussi. L’inconnu dans l’équation, c’était cet homme qu’Alincourt avait appelé Rafaelo, et avec des pouvoirs semblables à ceux d’Ener. Si elle avait cru un instant, probablement à cause du choc du crash, que ce Rafaelo allait les aider, elle ne savait plus quoi penser maintenant. Il la regardait avec des manières affables et tentait de l’apaiser mais … il avait tout réduit à néant.

« Qu’est-ce que c’est que ce boucan ? » rugit une voix éméchée du haut du cockpit.

Une silhouette recourbée passa la tête par un hublot éclaté et vomit toutes ses entrailles avant de replonger dans les ténèbres du navire volant. Amaspa fronça les sourcils et secoua la tête. C’était maintenant qu’il se réveillait lui ? Les quelques secondes de silence qui s’installèrent ensuite furent perturbées par l’entrée en scène de ce triste individu qui trébucha en enjambant les dégâts causés par l'atterrissage forcé. Il trébucha et glissa tête la première jusqu’aux pieds des protagonistes de cette histoire.


« Amaspa, remonte tout de suiiiiite dans l’navire … ~ burp ° ~ t’m’entends … on décolle. Allez, ouste, du balais … rentre à ma maison. » ordonna le Sélénite saoul.

Tenna et Sanji échangèrent un regard perplexe. Visiblement cet homme-là était inconnu au bataillon. La Sélénite continua de les pointer de son arme, se mordant la lèvre. Puis, n’y tenant plus elle accourut pour soutenir l’inconnu. Ce dernier se retourna vers les trois compères et tenta d’articuler quelque chose avant d’abandonner d’un geste rageur de la main.

« Shh, Commandant Atheshape, shh … nous rentrerons bientôt à la maison, je vous le promets. Mais en attendant, laissez-moi juste discuter avec ces sauvages, d’accord ? Je suis sûr qu’il vous reste un bon verre de vin des cratères là-haut, hmm ? Et puis nous rentrerons tous sur la Lune quand ça sera fini. » fit-elle, essayant de gérer au mieux cette situation de crise.

Commandant ? Atheshape ? Ils en avaient parlé, comme quoi au départ c’était lui qui menait les opérations, et d’une main de fer. Mais tous le pensaient mort ou presque. Cette loque alcoolisée vivante était donc ce qu’il restait de ce général Sélénite ? Rafaelo en eut pitié sur le moment. Puis il réalisa avec plus de profondeur la détresse réelle des Sélénites. Cela faisait 30 ans qu’ils étaient arrivés ici avec aucun espoir de retour sinon ces épaves volantes qui faisaient leur fierté. C’était un peuple qui ne pourrait plus jamais retourner chez lui et qui voyait les années étioler leur maigre savoir restant. Ils étaient voués à disparaître et nourrissaient un rêve inaccessible. Toute envie de se battre ou de lutter contre eux s’évapora soudainement. Il avait vu en eux un outil et légèrement abordé leur détresse mais la vue du Commandant l’illustrait dans toute sa douleur.

« Vous ne rentrerez jamais. » conclut Rafaelo, en se baissant à hauteur du Commandant qui vomissait de la bile.

Les membres de la Lune Noire commençaient à affluer autour d’eux, laissant libre cours au GUANO pour gérer la secte de Skippy. Un champ de bataille constellé de vautours. Tenna et Sanji étaient déjà entrés dans une discussion quant à la marche à suivre pour la suite. Ils parlaient distinctement du Gouvernement et de la nécessité faire de Dieu et/ou des Shandias des alliés. Pour eux, l’affaire Sélénite était close, ils ne feraient plus de mal à personne. Aucune compassion. Comment en attendre autrement d’adversaires contre lesquels ils étaient en guerre depuis tant d'années ? Rafaelo soupira, posa une main sur l’épaule d’Amaspa qui la lui retira d’un geste rageur. De ce jour, la guerre avec les Sélénites étaient une histoire ancienne.

« Laissez-moi vous aider à le remonter dans sa cabine. » proposa l’assassin.

Il ne lui laissa pas vraiment le choix et d’un geste il créa un support de fumée pour le Commandant.

« Je n’ai jamais voulu me battre, mais j’y ai été contraint. » continua-t-il, tandis qu’Amaspa regardait les choses avec un œil circonspect.

D’un geste de la main, l’assassin commanda la fumée et fit s’avancer le Commandant à présent entre ses mains. Comme tous les Sélénites. Ceux qui avaient émergé du Maquis Corse avaient la tête baissée, voyant là leur fin à tous. Pourtant, personne de la Lune Noire ou du GUANO ne semblait s’approcher d’eux. Ils les regardaient avec dédain, mais de loin. Les choses étaient claires à ce sujet, au moins. Ils laissaient au révolutionnaire l’occasion de s’occuper d’eux à sa sauce : c’était lui qui avait mis à bas leur navire après tout. D’ailleurs, c’était peut-être une des premières fois où la Lune Noire et le GUANO se côtoyaient d’aussi près sans effusion. L’ennemi commun avait un pouvoir fédérateur hors norme …

« Nous avons … perdu, c’est ça ? » fit Amaspa en regardant les siens fondre en larmes et tirer les armes pour leur dernière bataille.

Les Sélénites étaient désemparés. Les réactions mitigées. Un peuple en exil, voué à disparaître …

« Il reste de l’espoir. Donnez-leur l’ordre de cesser le combat, de laisser tomber les armes et je vous expliquerai. Comme vous avez dû le voir, je suis un humain. Je ne suis en rien lié à vos guerres. Je vous expliquerai la raison de ma venue … Comme cela aurait dû être fait sans l’intervention du GUANO. » demanda posément l’assassin, sans trop savoir si Amaspa aurait cette clairvoyance.

Le trio s'était arrêté au milieu du chemin destiné à les mener à l’intérieur du Maquis Corse. La Sélénite jaugea l’assassin, soupira. Regarda son peuple, puis son Commandant. Ils avaient perdu. Et le discours de cet homme sonnait étrangement. Il parlait d’espoir alors qu’il venait de leur faire mettre genou à terre. Mais force était de reconnaître que l’action de Dieu avait précipité les choses. Ils s’étaient envolés, il leur avait demandé de ne pas le faire. Puis il était apparu dans la salle de commandes et avait anéanti tout espoir … Cela sonnait comme une mauvaise farce que de voir cet humain demander à ce qu’on l’écoute à présent. Mais c’était ce qu’il demandait depuis le début. Et les Sélénites n’avaient plus d’autre choix. Il fallait préserver le peuple. Sauver les rescapés. Les soigner … Si le GUANO et la Lune Noire étaient encore dans les parages …

« Ils vous laissent en paix car c’est moi qui l’ai demandé. » fit Rafaelo, semblant lire sur les traits de la jeune femme ses pensées.

Amaspa acquiesça et fit signe à ses hommes d’ouvrir le pont supérieur. Cela fait, elle leur intima de baisser les armes et de laisser passer cet étrange homme-fumée. Elle ordonna qu’on tienne des rondes et qu’on l’informât régulièrement de l’évolution des choses. De ce que l’humain avait montré, il n’y avait pas de moyen à leur portée de le retenir ou de le menacer. Alors il leur faudrait jouer son jeu car, après tout, ne leur montrait-il pas un échappatoire ? On inspecta cet étrange individu avec circonspection, peur même. Son pouvoir leur rappelait en certains sens celui du maudit Ener. On attrapa le Commandant, le reconduisant dans sa cabine. Puis au bout d’une dizaine de minutes, le pont du cockpit était assez propre pour qu’ils puissent s’y rassembler. Hono était, quant à lui, toujours inconscient et dans un lit à l’infirmerie. Il avait survécu, c’était ça de gagné.

« Bien. Maintenant que vous êtes disposés à m’écouter. » commença Rafaelo, tirant un claquement de langue de désapprobation de la jeune femme.

Vu leur tête, ils n'avaient pas eu vent de son discours avec Hono. Génial.

« Que je vous explique rapidement. Je suis ce qu’on appelle un révolutionnaire. Je cherche à renverser le Gouvernement Mondial pour nombre critères qu’il serait superflu de vous présenter. Le fait est que ce Gouvernement est régi par l’autorité absolue de 20 familles nobles appelés Dragons Célestes. Esclavage, pillage, meurtre. Voilà leurs méthodes. Cela vous concerne en un point : d’ici quelques dizaines d’heures, l’un de ces nobles va venir ici. Il va venir ici et la moindre anicroche déclenchera une réaction militaire violente et exterminatrice du Gouvernement. Aussi appelée Buster Call. Là où j’interviens : j’ai moi-même déjà survécu à un Buster Call. Et je connais de ce fait le meilleur moyen de s’en prémunir : éviter de le déclencher. » lâcha-t-il d’un trait, répétant encore une fois son petit discours.

« Vous comprenez donc que les guerres intestines de Skypeia risquaient de déboucher sur un pareil risque. Donc j’ai pris contact avec la seule alliance multi-races de ces terres pour déterminer le meilleur moyen de lutter face à ce problème. La Lune Noire. Il est alors apparu que leur ennemi c’était vous : les Sélénites. J’ai conclu un accord. Si je les aidais à vous vaincre, ils m’aideraient en retour. » continua l’assassin, tirant des murmures d’indignation tout autour de lui.

Amaspa écoutait attentivement et sembla anticiper la suite du discours de Rafaelo.

« Mais vous êtes intéressés par notre technologie et notre savoir alors plutôt que de nous exterminer, vous voulez nous piller et espérez obtenir notre bon vouloir ? » fulmina-t-elle.

« Non. Je suis venu vous empêcher d’être rasés. Votre technologie m’importe peu, à vrai dire. Ce que je désire c’est une terre d’asile pour les miens, les révolutionnaires. La proposition est simple : vous faites gentiment la paix, et je me charge de ce Dragon Céleste. » fit-il, tirant quelques ricanements à l’assemblée des Sélénites.

Cette situation devait bien leur paraître irréelle.

« Ce que je vous propose n’est pas compliqué. Vous ne connaissez en rien cette menace. Ce que je vais faire pour vous libérer de l’influence de ce noble est connu pour être un crime capital. Le pire de tous. C’est ce que je mets dans la balance : ma propre vie et mon propre avenir. » poursuivit-il, croisant les bras.

« Si jamais il venait à mettre le pied ici, les constantes de la guerre vous précipiteraient de facto dans leurs filets. Vous esclaves, eux maîtres de votre technologie et du savoir qu’il existe une vie sur la Lune. La Lune deviendrait leur nouvel El Dorado, vous comprenez ? Il ne s’agit pas seulement de ce bout de rocaille. Ils sont les colons et vous êtes les indigènes. Ils ont la force de dizaines de royaumes sous leur main. Ils vous réduiront en esclavage en un rien de temps … » continua-t-il, soutenant le regard de la jeune femme.

« La paix est nécessaire pour éviter cela aussi : si les Anges ou les Shandias vous vendent cela revient au même. Pour vous donner une mesure, je ne suis pas sûr d’arriver à la cheville de leurs meilleurs hommes. Alors constatez les dégâts que j’ai causé, et constatez ce que cela pourrait être. L’un de ces amiraux possède les mêmes pouvoirs que feu Ener, dont je suis certain que vous vous souvenez … » fit Rafaelo.

La nouvelle fut reçue par des murmures. Au moins le nom d’Ener ça marquait. Rafaelo trouva inutile de préciser que l'Amiral détenteur de ce pouvoir était réputé pour être la bonté incarnée. Car visiblement l'argument Ener pesa dans la balance. Tout avait commencé par-là, après tout. Le but était de faire en sorte que les Sélénites acceptent de vivre ici et de signer ce qu’on pourrait appeler un armistice. Mais encore fallait-il s’assurer que les autres peuples puissent les accepter.

« Bien évidemment, il vous sera difficile de trouver une place sur ces terres … mais vous pourrez toujours vous racheter. Ou … trouver un moyen de le faire. À vrai dire, je ne vous laisse pas tellement le choix. Soit vous suivez mes conditions, soit les Anges et Shandias vous mettent en pièces. Si vous êtes sous ma protection, rien ne vous sera fait. Raison pour laquelle vous viendrez avec moi Amaspa, dès à présent, dans le camp de la Lune Noire. » proposa l’assassin, sans que les Sélénites ne se leurrent sur sa volonté.

« Un otage ? » murmura-t-elle, entre la surprise et l’indignation.

« Pas vraiment. J’aurais besoin de vous pour prendre des décisions relatives à votre peuple. Et pour leur montrer qu’une paix est possible. Que tout le monde descende de son foutu piédestal et commence à discuter. Entre les GUANO et son Dieu, vous et vos fidèles et les Shandias qui vénèrent leurs ruines, ces histoires de théologie commencent à bien faire. » répliqua Rafaelo, éludant toute remarque d’un geste de la main.

« Vous avez une demi-heure pour choisir un représentant. Vous leur donnerez l’ordre de remettre en état le Maquis au cas où les choses se passent mal avec le Gouvernement. » ordonna-t-il, tirant une nouvelle fois des murmures de désapprobation.

Amaspa ouvrit une fois de plus des yeux ronds. Il se comportait en tant que leur chef maintenant ? Simplement parce qu’il pensait leur avoir sauvé la vie ? Elle passa du blanc au rouge de la colère.

« Car si mon plan échoue et que la guerre éclate, il vous faudra fuir très loin et ne jamais vous faire attraper. » conclut-il, avant qu’un brouhaha virulent n’envahisse la pièce.

Il ne devait pas rester plus d’une soixantaine de Sélénites. Une quinzaine, à vue d’œil, avait dû périr dans le crash. Quinze morts imputées à Rafaelo et l’aide opportune de Dieu. Si tout le monde avait pris le temps de discuter, peut-être n’en seraient-ils pas là. Lui avait essayé, après tout. Le bien du plus grand nombre importait. Ainsi que sa volonté de leur expliquer la vérité. Comment leur faire comprendre le danger qu’ils courraient ? Un Dragon Céleste, bon sang … Avoir passé ses nerfs sur Hono ne lui avait pas épargné la nécessité de refaire son discours encore une fois. Mais là, c’était terminé. Il fallait juste espérer que Shaïness allait bien. Que tout serait prêt pour leur … meeting. Ce qui l’embêtait dans l’équation c’était que Dieu l’avait vu et semblait le connaître. Ce type savait visiblement beaucoup trop de choses. Peut-être faudrait-il l’éliminer ? Couvrir les arrières de Shaïness, à tout prix.

« Vous avez une demi-heure. Après quoi vous me soumettrez votre décision. » termina-t-il, avant de disparaître dans un nuage de fumée.
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