Roi sur la montagne



Ramenez-moi un trésor ! Ramenez-moi un trésor ? ...Va crever !


C’est avec cette phrase en tête, des sandales aux pieds et un saroual troué qu’il s’éloigna du port en maudissant le capitaine bedonnant et tous les cadres de l’équipage qu’il revoyait se fendre la poire. Eux se la coulaient douce sur le pont. Au menu ? A boire et à manger, le tout à profusion. Sans oublier non plus de dilapider au passage les quelques Berrys amassés jusque-là pour payer ces demoiselles de compagnie. Pourquoi était-il encore avec eux ? Il se posait régulièrement la question. Dans le fond il l’aimait bien cet équipage. Certes, ils n'étaient pas des enfants de cœur. C’était même le contraire, des enfants de salauds, prêt à tout pour de la monnaie. Mais ils avaient tous dans le regard ce rien de nostalgie et ce plus d’ambition. Eux aussi avaient dû laisser derrière eux leur ancienne vie pour un hypothétique meilleur avenir et ce n’était pas gagné. En tout et pour tout il fallait ramener un trésor. C’était là sa mission. Quel genre de trésor et où le trouver ? Là était la question. Une question à laquelle le capitaine n’en avait strictement rien à cirer tant qu’on lui ramenait un butin assez conséquent pour pouvoir quitter ce bout de terre et le troquer au profit d’un autre à quelques milles d’ici.

D’ailleurs, où était-il ? Perdu sans doute. Ce qu’il savait, c’est qu’ils étaient encore sur South Blue. Cet ilot ne devait même pas être sur une carte. Ici tout se ressemblait, les maisons, les paysages, les gens... Décidément ce coin oublié ne l’était pas sans raison. Le temps fuyait, son sable s’égrenait en même temps que les fausses bonnes idées qui tournaient dans l’esprit d’Albafica. Les mains dans les poches, la tête basse, il observait de ci de là ce qui se passait autour de lui, c’est-à-dire pas grand-chose pour le moment. Les scènes banales de la vie défilaient devant lui : Celle d’un enfant poursuivit pour avoir chapardé à l’étalage. Celle d’une femme à la fenêtre qui traitait son pauvre bougre de mari de tous les noms. Rien de vraiment folichon en somme jusqu’à ce moment ou son regard se posa plus loin à l’horizon, à la sortie de la ville. Une vive lumière, celle d’un puissant braisier attira son regard et sa curiosité.
Ses pas battent le pavé mouillé par l’averse de la nuit dernière. Les nuages se voyaient poussé par le vent et ils évinçaient au passage l’astre du jour. D’un croisement de rue à une autre, de venelle en venelle, il quittait peu à peu le centre-ville et se faisant il se faisait le témoin d’une curieuse chose. Des cris, des bruits et le lointain bruit d’un tambour qui commençait à battre la mesure,  autant de choses qu’il découvrait au fur et à mesure qu’il se rapprochait du feu qu’il avait aperçu un peu plus tôt.

Je vais t’tuer !

Tels étaient les mots qui lui étaient parvenus au détour d’une ruelle alors qu’il pouvait observer une dizaine de personne affluer vers le grand feu à la sortie de la ville. Une bagarre générale éclata sous ses yeux, une bataille inhabituelle puisque tout en se rouant de coups les belligérants continuaient à courir et à vouloir aller de l’avant. Les croche-pieds et les morsures côtoyaient les méchantes volés et les prises de cou. En bout de file, il était là à attendre. A tenter de comprendre ce qu’il se passait. Luttaient-ils pour quelque chose ? Un butin ? Non, ils ne semblaient pas qu’un quelconque bien était dans la main d’un tel ou d’un autre. Les choses devenaient de plus en plus folle à l’image de cette brute sortit de nulle part recouvert d’une armure de plaque. Il était lourd, il était lent mais aussi inarrêtable. Dès qu’il était apparu, tout le monde s’était jeté sur lui d’un commun accord alors que jusqu’ici c’était un peu « chacun pour sa peau ». Des fumigènes avaient été lancé des toits, on y voyait plus rien.

Albafica voulait faire demi-tour, mais il était déjà pris malgré lui dans ce marasme insensé à éviter les coups et à en donner. Violenté par les uns et les autres et après avoir joué des coudes il était à présent en tête du groupuscule. Cependant il ne courait plus pour se rendre vers le feu, mais pour fuir ses agresseurs. Il galopait comme jamais en évitant des briques qui volaient vers ses jambes ou sa tête et même un tonneau de bière était venu se briser juste devant lui avant d’exploser et de l’arroser au passage. N’en perdant pas une goutte alors qu’il se léchait les lèvres, il rigolait de ce moment fou dont il ignorait tout. A présent il pleuvait comme la veille, il était trempé et était arrivé au bout de ses forces depuis une bonne vingtaine de mètre. Et un peu plus loin, aux portes de la ville, il voyait un gigantesque taureau tiré par des rennes que tenait un vieille homme qui gigotait sur une scelle bien trop grande pour lui. Il lui faisait signe de s’accrocher, de tenir la distance. Le pavé n’était plus, il n’y avait plus que de la terre au sol. Une terre rendue meuble et boueuse par les eaux du ciel. Ses poursuivants étaient toujours là, à vouloir refaire leur retard sans pouvoir y arriver.

Albafica s’effondra devant le taureau et le vieil homme qui se marrait l’un comme l’autre. La chaleur du brasier tout prêt lui faisait du bien sous cette pluie. Un œil ouvert, un autre fermé. Borgne pour le moment, il observait les uns et les autres se disperser sans franchir la porte qui menait en dehors de la ville, là où il était. On lui faisait des doigts d’honneur, on l’insultait de tous les noms. Il ne savait pas encore le pourquoi de tout ça, mais ça il s’enfichait, car pour l’heure il se contentait de rendre la pareille et d’agiter son derrière tout en claquant quelques fessés.


Dernière édition par Albafica le Dim 5 Avr 2015 - 10:56, édité 4 fois
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La pluie avait cessé.  Assis auprès du feu, Albafica tentait de se réchauffer tout en repensant aux événements qui venaient de se passer. C’était à ni rien comprendre. Il avait été pris dans une tempête, non faites de vents violent, mais de barjots et d’allumés que comptaient ce trou paumé.  Le soleil s’était tiré pour la soirée et une famille en pagne sortit dont ne sais où venait elle aussi de prendre place autour du feu. Il y avait quelques femmes, quelques hommes et des enfants qui se plaisaient à singer la face taciturne de notre aventurier. Jetant un bref regard derrière lui, il nota que ses poursuivants avaient enfin disparu et que le vieux petit bonhomme sur son taureau avait rejoint le groupuscule.
Les uns comme les autres se souriaient, à n’en pas douter, c’était lui le doyen de la famille et aussi le chef spirituel. Alors qu’Alba' se relevait pour foutre le camp, un grand gaillard lui souriait avant de l’empoigner et de le reconduire vers le feu. Surpris, il observa le type en question, puis le doyen, puis le brasier. Puis il les fixa encore une fois avant de mettre ses mains dans ses fouilles et de faire demi-tour pour se tirer à nouveau. Mais là aussi il fut reconduit de nouveau.

Hein ? Bordel vous êtes qui ? Et vous m’voulez quoi ? Et puis c’était qui ces fous qui s’sont jetés sur moi ?!

Des odeurs de viande rôtie planaient dans les airs. De toutes parts les femmes s’activaient à la préparation du repas du soir. Des peaux de bêtes avaient été jetées sur le sol et on venait d’apporter des pichets d’un breuvage exotique.  A présent, le jeune ne voulait plus se tirer. Les malabars qui l’avaient empoigné étaient plus préoccupés par leurs prochaines bouchées que par son sort. Le vieil homme sur son taureau riait à gorgé déployé tout en s’alcoolisant. Ça lui plaisait de voir Alba’ tiraillé entre son désir de s’éloigner d’eux et celui de mettre fin à sa faim.

Allez viens gamin. C’est bon et c’est gratuit. T’auras qu’à t’en aller ensuite le ventre plein.

C’est pas faux !


Et il prit place au milieu de la joyeuse famille. Mangeant comme trois et en mettant partout. S’amusant en poussant les p’tits et en leur chapardant leur bouffe. Et puis il s’affalât de tout son long sur une peau de bête tout en fixant les étoiles. Il était bien ici. Il était en paix et cette image le ramena à son passé alors qu’il sillonnait monts et vaux avec son paternel. Eux aussi préparaient à manger et des feux de camps. Eux aussi observaient les étoiles. Alors que la mélancolie commençait à s’immiscer dans son regard le vieil homme s’approcha lentement pour lui filer un bout de papier sur lequel étaient gribouillés quelques mots.

Jeux concours... Roi sur la montagne... Un seul participant par semaine... Gagner la course de ....Hein ?!
Mais je participais même pas à cette satanée course ! Je voulais juste quitter la ville
!


Tu dis que c’est le hasard qui t’a conduit précisément à l’heure et à l’endroit de la course ? Et que c’est le hasard qui t’a fait gagner ?

Ouaip ! Donc je participe à rien moi. C’était bien sympa tout ça, mais moi j’me tire.

Toujours souriant, le vieil homme haussa des épaules tout en s’en jetant un de plus dans la poire. Il était déjà bien allumé au naturel, mais avec un coup dans l’pif, fallait l’voir. Le ventre bien arrondi, Alba’ lutta pour se relever puis pour mettre un pied devant l’autre. Le papier toujours en main, il l’observa à nouveau et une fraction de seconde avant de le chiffonner dans sa main, il lut le seul mot qui pouvait l’amener à faire demi-tour.

Eh l’vieux ! Pourquoi t’a pas dit que le gagnant du jeu avait droit à un trésor ? Il reste encore d’la viande ?


Dernière édition par Albafica le Dim 5 Avr 2015 - 10:06, édité 1 fois
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Un trésor ! Ouai un trésor, un vrai de vrai. Il est là-bas en haut, il m’attend, il m’appelle! Ouai, après tout j’ai gagné la course nan ? Sérieux, le sort réserve de drôles de surprises parfois. J’avais pas d’idées pour ramener un trésor au capitaine et d’un coup Bam ! Je tombais né à né avec un concours auquel j’avais pas participé et qui, s’y j’le remportais, pouvait m’apporter un trésor. Un droit de monter à bord, un passe pour ailleurs city ou nulle part land. Mais avant ça, avant la gloire et l’éternel, fallait déjà que j’grimpe tout en haut. Bordel, j’me souvenais même pas être arrivé devant cette énorme montagne. Et l’vieux et sa bande, ils sont où ? Et l’taureau ? Y a pas intérêt que j’grimpe pour rien ! N’empêche, cet endroit était vraiment spécial. J’devais être sur l’ile a à côté avant qu’on m’emmène ici. Ça devait être ça, ça m’avait jamais trop réussi de trop manger. Ma faim m’perdra, ma fin aussi... Haha faut que j’la note pour un de mes prochains morceaux intitulé : Roi sur la montagne. J’la chanterai au capitaine Jack et avec un peu de chance, j’serai plus de corvée pour une matinée.

Quoi qu’il en soit le sommet était tout là-haut et moi, j’étais tout en bas. Il culminait bien à ... Fichtre, j’en savais rien du tout. J’avais au moins le beau temps pour moi. Un temps pour naviguer ou flâner à la terrasse d’un café en sifflant les donzelles des alentours. Mais non, moi je devais grimper. Arpenter ce sentier sans fin jalonné de trous et de de cailloux. Avancer sur ce chemin sinueux et cabossé. Alors que mon périple commençait, mes yeux s’étaient perdus sur l’immensité du ciel. Les oiseaux jouaient et se chamaillaient en toute liberté, à s’voler dans les plumes. Un vent frais soufflait et me faisait un bien fou. J’avais faim et soif, surtout soif. Mais c’était pas le temps de se plaindre. Mettre un pied devant l’autre, pas s’attarder, économiser son souffle en évitant tous gestes superflu, c’était là les conseils de mon vieux. Et il en savait un rayon, il avait bourlingué un peu partout et ce, même avant ma venue au monde. Il avait dû en grimper des montagnes alors s’il avait réussi, j’comptais pas échouer.

Plus je montais, plus il faisait froid et moins j’arrivais à bien respirer. Le sol était plus abrupt et la piste se rétrécissait. Instinctivement, dans ces moments-là, on a tendance à se coller à la paroi, mais là encore, il y avait un hic, la roche était coupante comme du verre. Blessé, ce vent salvateur s'était changé en un fichu vent qui n’arrêtait pas de souffler et ça me faisait un mal de chien. Quelque chose clochait dans cet endroit, j’avais développé un certain sens de l’orientation et depuis tout petit j’arrivais toujours à me repérer assez facilement. Mais là rien ! Est Ouest, Nord Sud, que dalle, j’étais complétement paumé avec pour seul objectif la montée et pour seul leitmotiv ce trésor. Qu’est-ce que ça pouvait bien être ? J’en avais même pas la plus petite idée. Inconsciemment j’imaginais un coffre débordant d’or et c’est à cette vision que je me cramponnais de toutes mes forces.

Et tout à coup un bruit sourd. C’est complétement absurde comme expression je sais, mais on peut l’dire. Alors que je crevais à petit feu, des pans entiers de roches enneigées me tombaient dessus. Vite, fallait s’tirer d’ici fissa ! Ma fatigue m’avait quittée, ma raison aussi tandis que mes pas s’accéléraient comme si j’avais été touché par la grâce. La peur me dévorait les entrailles et galvanisait mes maigres forces. Le sol s’éventrait sous mes pieds et à chaque pas je rendais grâce à n’importe quelle divinité d’être encore de ce monde. La vague de neige et de roche continuait à tomber comme la pluie et là, dans un bref moment de lucidité, j’ai pu voir un renforcement dans la paroi. Ni une ni deux, je m’y suis précipité. On aurait dit une grotte, une saleté de grotte. Je détestais les endroits confinés. Comme si j’étais pas assez dans la mouise, les débris tombés venaient d’obstrué la fente.

Bordel j’étais pris au piège ! Au moins j’étais en vie. Garder son calme, respirer et penser tranquillement à une solution, voilà comment y fallait gérer la situation. Il faisait noir, j’avais toujours aussi froid et les pierres tombés m’avaient mis à mal. Puis, sans vouloir me plaindre davantage, j’étais toujours aussi crevé. Le troisième œil, ouai. Je venais d’avoir un flash et une vision. J’m’étais souvenu de ce moine que j’avais croisé j’sais plus trop où. Il m’avait initié au troisième œil. Une faculté permettant de voir plus loin et plus précisément qu’avec nos seuls deux yeux. J’attends, je repense à ce qu’il m’avait dit pour l’activer... Être dans une situation critique et dans le noir...ça c’était bon. Se calmer et visualiser les choses comme on les ressentait... ça aussi, c’était bon.... Oh ! J’venais d’avoir à nouveau un flash. Une vision très nette et très clair. L’image d’un con bloqué dans une montagne qui s’imaginait être capable de voir dans l’noir ! Ouai, ça j’avais pas de mal à bien le voir ! Saleté de vieux bouc sur son taureau ! Saleté trésor et saleté de moine qui m’a truandé ! J’étais pas censé devenir le roi de la montagne ?...
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Le noir.

L’obscurité la plus totale ou presque. A dire vrai, entre ça ou mourir, c’était facile d’hésiter. Prudent, je pensais à tout un bestiaire de monstres divers qui pouvaient avoir élu domicile dans le cœur de la montagne. Ça me rappelait moi quand j’étais gamin. A voir danser des démons sur le sol la nuit, démons qui se trouvaient n’être que l’ombre des pins au matin. Le point positif – si, même dans un cas comme celui-là il y en avait au moins un – résidait dans le fait qu’ici, j’étais loin des caprices du temps. Il faisait moins froid, il n’y avait pas de vent et j’étais à l’abri des chutes de pierres éventuelles. C’est tout du moins ce que j’espérais. Ça et le fait de trouver une sortie au bout de ce couloir long et sinueux. Une traversée sans fin s’en suivit. Mon corps était prisonnier de cette passe difficile, mais mon esprit se plaisait à papillonner loin de là. Vers des lieux de mon passé, des endroits traversés avec mon vieux. Des endroits où j’avais donné une représentation. Autant dire des trous perdus et autant de taverne de plouc que comptais South Blue. Haha, ça me faisait bien marrer. Ça me faisait même un bien fou. J’étais seul au milieu d’une montagne, perdu dans le noir, avec la faim et la soif pour seules compagnes et mes plaies et ma fatigue pour me rappeler que j’étais encore en vie.

En vie et entier, enfin pour le moment. Depuis un temps déjà j’avais remarqué que le sol devenait de plus en plus abrupt alors que je m’aventurais dans une cavité bien plus grande désormais.  De la lumière ! Il y avait de la lumière. Pas celle du soleil, certes, mais celle du feu, d’un feu chaud et ô combien salvateur. Je m’avance en me méfiant. Eh oui, la dernière fois que j’en ai vu un, j’étais accompagné d’un p’tit vieux sur un taureau qui m’avait parlé d’un trésor. Et me voilà à nouveau d’vant un feu alors ouaip, j’fais gaffe ce coup-ci. Quoi que revoir ce vieux débris et m’défouler sur lui me ferai un bien fou. Passons. Je renifle, des effluves de senteurs de viandes cuites à point m’aguichent. J’avance instinctivement. Hypnotisé et répétant sans cesse ‘niku’, ne pensant à rien d’autre qu’à atténuer ma faim qui sonne aussi creux dans mon estomac que cet endroit. Me méfier ? Au diable, rien à carrer, un besoin primale et primaire m’envahi tant et si bien que j’peux pas m’empêcher de me diriger vers mon objectif. Je marche vite... Les parois de ce lieu renvoi une image de... J’m’en fou franchement ! Je me plante devant le feu, je m’installe, la brochette de viande dégoulinant de jus flambe sur la broche. Je plante mon coutelas sur une partie et j’la dévore sans plus attendre ! Niku ! Niku ! J’mange, avec appétit. Je croque je lèche, c’est si bon que j’en pleure. J’en laisse rien jusqu’à l’os pour me retrouver la main sur ma panse gonflée à moitié affalé près du feu mourant que j’entretiens avec flemme en remuant parfois le foyer.

Le temps est comme suspendu. Je revis. J’me sens comme un pacha dans son palais, à m’imaginer me faire dorloter par des masseuses et amusé par des jongleurs. Je donne des ordres loufoques à des personnes fictives. Je les ridiculise en me gaussant après les avoir montré du doigt tout en riant avec ma suite de sujet tout aussi imaginaire. J’deviens fou, privé d’air frais et après avoir autant mangé... rien à carrer, j’me sens bien. Je fais appeler mon meilleur soldat. Une montagne le type. Recouvert d’une peau de bête, il fait peur et il put. C’est un vrai de vrai, avec lui à mes côtés je ne crains personne. Je me demande même si j’vais pas l’envoyer aux trousses du vieux pour lui montrer de quel bois j’me chauffe. Il a pas l’air commode mon fidèle bourreau. J’sais pas ce qu’il fout à regarder le feu et la broche puis à me regarder de travers.

Oh hé ! Tu devrais pas m’regarder comme ça sale con ! J’suis l’boss ici !

J’écarte largement les bras en riant et en lui montrant que j’règne sur tout ça. Tout ce sur quoi se pose mon regard royal. Je me gratte les parties, je le regarde et finalement je lui intime vaguement l’ordre de disposer, de repartir dans les ténèbres de mon imaginaire. J’frappe dans mes mains pour faire apparaitre une danseuse à forte poitrine, mais rien à faire. L’ours est toujours là. A s’avancer vers moi alors que ça put de plus en plus et pendant ce temps-là, la danseuse n’est toujours pas arrivée. La masse s’approche toujours pendant que je me rends compte d’un truc : J’étais plus en train de délirer ! Il était vraiment là ! Et pas content du tout que j’ui ai chouré son diner !

C’était pas une insulte t’sais ! C’était affectif ! Ouai affectif, alors baisse ton bras ! Me frappe pas ! Hey !
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Première frappe !

Et me voilà comme un ballon trop gonflé à ricocher sur toutes les parois du mur après avoir reçu une méchante droite sur le haut du crâne. Ma tête me brûle, ma panse aussi... J’avais trop bien mangé et le fait de tâter mon ventre plein fut pris pour une énième insulte envers cet ours mal léché. Mon corps s’envole, mes pieds ne touchent plus terre et me voici à gigoter dans les airs selon le bon vouloir du bras de cette montagne vivante.

C’était qu’un peu de viande !

Un rictus de colère sur le visage, le regard embrasé, assurément pour lui c’était plus qu’une pièce de viande qui était en jeu, il s’était fait une mission de me voir dérouiller comme jamais. Hé ! C’était sans compter sur mes atouts les plus secrets. Exit le troisième œil, place désormais au très célèbre... SaaABBble !

Une colonne de sable venu dont ne sais où c’était abattu sur mon opposant. Enfin, un peu de poussière dans un petit sac balancé à la figure. On s’en fout, c’est le même rendu au final, il avait lâché prise et s’évertuait à vouloir me briser en balançant ses gros bras un peu partout au hasard. C’était le signal, moi et mon ombre nous chapardons un morceau de bois enflammé dans le feu mourant en se tirant par l’une des sorties de la cavité. Hiken ! Et je souffle sur mon bâton ardent qui n’avait d’ardent que le nom. Il menaçait de s’éteindre à chaque foulée et pour ne rien arranger à l’affaire, la montagne s’était remis de mon attaque et me prenait à nouveau en chasse. Je courrais, je me cognais contre les parois de la fente qui rapetissait à mesure où je me faufilais entre les roches. Bonne nouvelle, je n’entendais plus que la lointaine complainte de feu mon sbire l’ours. Mauvaise nouvelle, j’étais revenu au point de départ : j’étais de nouveau seul, dans le noir, car mon feu m’avait lâché et encore et toujours dans cette foutue montagne. J’avançais, lentement, mais prudemment. En faisant attention à tâtonné plusieurs fois le sol avant d’y mettre le pied.

Tout à coup, je pouvais sentir un souffle. C’était de l’air frais qui se frayait un chemin depuis l’extérieur vers les entrailles de la montagne. Un regain de vitalité s’était mis à me transcender tandis que j’avais oublié toutes notions de prudence pour me forger un passage le plus rapidement possible vers l’avant. Mâché entre les parois de la montagne, malmenée, le vent s’intensifiait si fort que dans un goulot d’étranglement il me poussa littéralement comme si je n’étais pas plus épais qu’une feuille morte au printemps. Et enfin, enfin je vis la lumière, les lueurs de l’aube naissante alors que la montagne me recrachait vers l’extérieur. Exténué, crasseux et mort de rire. Je cramponnais le sol comme si je m’attachais à la vie. Mes yeux observaient le ciel avec défi. J’étais toujours de ce monde et bien décidé à parcourir ce qui me restait de chemin pour atteindre la fin, l’arrivée, le sommet et le trésor. Et l’vieux bougre sur son taureaux aussi, je l’oubliais pas celui-là, pour sûr !

J’étais à présent debout. Debout sur mes frêles jambes qui ne me portaient plus ou presque. Debout sur la corniche qui longeait la montagne comme un serpent noué autour de sa proie. Combien de distance parcourue entre mes débuts et l’endroit où j’étais ? Fichtre, j’en savais rien du tout là non plus. Ce qui était sûr, c’était que le soleil sur ma peau me faisait un bien fou. Sur le chemin, je me plaisais à penser à la vie que j’aurai mené si père était toujours de ce monde. J’pense que j’aurais toujours été sous sa bienveillance, à parcourir monts et vaux par tous les temps pour trouver l’endroit idéal, la scène unique qu’il pouvait peindre et immortaliser sur une toile. Figer le temps et l’espace à jamais. Figer la vie qui s’enfuit et s’en fout de nous, qui nous laisse seul comme je le suis aujourd’hui. Seul face à la montagne, face à soit même. Au fur et à mesure de la montée, l’air se raréfie. Je me perds sur ce sentier sinueux qui ne fait que monter. Encore et toujours. Quelque chose cloche, une sensation bizarre s’empare de moi. Je suis fatigué, j’en ai assez de ce jeu débile, je veux dormir... Dormir et me reposer juste un peu, juste ce qu’il faut pour reprendre mon souffle et mes esprits

Mes pas dans l’escalier, je dégringole et tombe. Je revois l’inquiétude de mon père, sa chaleur, son amour pour moi. Ici il fait bon, il fait chaud. Je suis à l’abri, à l’abri dans cette maison de bucheron au cœur de la forêt. Depuis la fenêtre où je dévore un morceau de viande séché je peux entendre les animaux rires et chanter dans les bois. J’entends le chuchotement de l’eau qui s’écoule. L’air est frais, le feu est dans l’âtre et mon vieux père se fait bercer dans son hamac de fortune, un livre sous l’nez.

C’était un jour heureux, mais c’est le passé, ce n’est pas là qu’est ma place aujourd’hui. Plus maintenant, plus rien ne me retiens à ce passé dont j’ai du mal à m’extirper. Je me bats, il le faut, vite je dois revenir à moi, dans le présent. Mes jambes et mes bras sont lourds, je suis sous l’eau, je nage je veux remonter à la surface, je bats l’eau et j’ouvre les yeux. Je respire mal, mais je suis de nouveau là, dans le présent, sur cette corniche, au bord du précipice d’où je peux entendre la montagne se rire de moi alors que j’arrive au sommet. Je m’agenouille, à bout de souffle et à bout de force. Au bout de moi-même, de mon être, de ce que je suis aujourd’hui. Je regarde mes mains et j’étreins le vide. Des mains encore faible, encore trop petite pour étreindre quoi que ce soit sous le ciel bleu.

Et puis j’observe le soleil et l’immensité de South Blue en dessous. J’inspire à plein poumon. J’aspire à un avenir meilleur, à une vie intense... Non, en ce moment même, je ne pense qu’à une seule chose, à profiter des petits riens de la vie, une vie qui justement ne tient à rien ou presque. Qui peut s’éteindre à n’importe quel moment, n’importe quand, n’importe comment. J’entends le bruit de sabots qui se rapprochent. Je ne tourne pas la tête, je ne dis rien, car je sais. Je sais qu’il s’agit du vieux sur son taureau. Je sais à présent qu’il n’y a pas de trésor, que le seul trésor qui n’a jamais été sur la montagne  est cette vie que l’on doit chérir et que l’on doit vivre pleinement jusqu’aux cendres jours.
Toute cette mise en scène pour découvrir que la vie est le plus sacré des trésors ?
Faut ce qui faut petit. Apprendre aux jeunes que la vie est plus précieuse que tout, c’est ma mission.
J’aurai pu y rester sale vieux schnock !
Mais nan, t’étais entre de bonnes mains, au fait, mon fils ne t’en veux plus pour sa viande....
Famille de timbré j’te jure... Et le capitaine Jack Tipiak va m’tuer parce que j’aurai pas ramené de trésor !
Hé ! C’est pas mon problème, à chacun ses tracas. Je suis sûr que dans le fond, tu t’en fiches et que t’es bien content d’être toujours en vie.
Saleté de vieux...
... De rien gamin.

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