Ramenez-moi un trésor ! Ramenez-moi un trésor ? ...Va crever !
C’est avec cette phrase en tête, des sandales aux pieds et un saroual troué qu’il s’éloigna du port en maudissant le capitaine bedonnant et tous les cadres de l’équipage qu’il revoyait se fendre la poire. Eux se la coulaient douce sur le pont. Au menu ? A boire et à manger, le tout à profusion. Sans oublier non plus de dilapider au passage les quelques Berrys amassés jusque-là pour payer ces demoiselles de compagnie. Pourquoi était-il encore avec eux ? Il se posait régulièrement la question. Dans le fond il l’aimait bien cet équipage. Certes, ils n'étaient pas des enfants de cœur. C’était même le contraire, des enfants de salauds, prêt à tout pour de la monnaie. Mais ils avaient tous dans le regard ce rien de nostalgie et ce plus d’ambition. Eux aussi avaient dû laisser derrière eux leur ancienne vie pour un hypothétique meilleur avenir et ce n’était pas gagné. En tout et pour tout il fallait ramener un trésor. C’était là sa mission. Quel genre de trésor et où le trouver ? Là était la question. Une question à laquelle le capitaine n’en avait strictement rien à cirer tant qu’on lui ramenait un butin assez conséquent pour pouvoir quitter ce bout de terre et le troquer au profit d’un autre à quelques milles d’ici.
D’ailleurs, où était-il ? Perdu sans doute. Ce qu’il savait, c’est qu’ils étaient encore sur South Blue. Cet ilot ne devait même pas être sur une carte. Ici tout se ressemblait, les maisons, les paysages, les gens... Décidément ce coin oublié ne l’était pas sans raison. Le temps fuyait, son sable s’égrenait en même temps que les fausses bonnes idées qui tournaient dans l’esprit d’Albafica. Les mains dans les poches, la tête basse, il observait de ci de là ce qui se passait autour de lui, c’est-à-dire pas grand-chose pour le moment. Les scènes banales de la vie défilaient devant lui : Celle d’un enfant poursuivit pour avoir chapardé à l’étalage. Celle d’une femme à la fenêtre qui traitait son pauvre bougre de mari de tous les noms. Rien de vraiment folichon en somme jusqu’à ce moment ou son regard se posa plus loin à l’horizon, à la sortie de la ville. Une vive lumière, celle d’un puissant braisier attira son regard et sa curiosité.
Ses pas battent le pavé mouillé par l’averse de la nuit dernière. Les nuages se voyaient poussé par le vent et ils évinçaient au passage l’astre du jour. D’un croisement de rue à une autre, de venelle en venelle, il quittait peu à peu le centre-ville et se faisant il se faisait le témoin d’une curieuse chose. Des cris, des bruits et le lointain bruit d’un tambour qui commençait à battre la mesure, autant de choses qu’il découvrait au fur et à mesure qu’il se rapprochait du feu qu’il avait aperçu un peu plus tôt.
Je vais t’tuer !
Tels étaient les mots qui lui étaient parvenus au détour d’une ruelle alors qu’il pouvait observer une dizaine de personne affluer vers le grand feu à la sortie de la ville. Une bagarre générale éclata sous ses yeux, une bataille inhabituelle puisque tout en se rouant de coups les belligérants continuaient à courir et à vouloir aller de l’avant. Les croche-pieds et les morsures côtoyaient les méchantes volés et les prises de cou. En bout de file, il était là à attendre. A tenter de comprendre ce qu’il se passait. Luttaient-ils pour quelque chose ? Un butin ? Non, ils ne semblaient pas qu’un quelconque bien était dans la main d’un tel ou d’un autre. Les choses devenaient de plus en plus folle à l’image de cette brute sortit de nulle part recouvert d’une armure de plaque. Il était lourd, il était lent mais aussi inarrêtable. Dès qu’il était apparu, tout le monde s’était jeté sur lui d’un commun accord alors que jusqu’ici c’était un peu « chacun pour sa peau ». Des fumigènes avaient été lancé des toits, on y voyait plus rien.
Albafica voulait faire demi-tour, mais il était déjà pris malgré lui dans ce marasme insensé à éviter les coups et à en donner. Violenté par les uns et les autres et après avoir joué des coudes il était à présent en tête du groupuscule. Cependant il ne courait plus pour se rendre vers le feu, mais pour fuir ses agresseurs. Il galopait comme jamais en évitant des briques qui volaient vers ses jambes ou sa tête et même un tonneau de bière était venu se briser juste devant lui avant d’exploser et de l’arroser au passage. N’en perdant pas une goutte alors qu’il se léchait les lèvres, il rigolait de ce moment fou dont il ignorait tout. A présent il pleuvait comme la veille, il était trempé et était arrivé au bout de ses forces depuis une bonne vingtaine de mètre. Et un peu plus loin, aux portes de la ville, il voyait un gigantesque taureau tiré par des rennes que tenait un vieille homme qui gigotait sur une scelle bien trop grande pour lui. Il lui faisait signe de s’accrocher, de tenir la distance. Le pavé n’était plus, il n’y avait plus que de la terre au sol. Une terre rendue meuble et boueuse par les eaux du ciel. Ses poursuivants étaient toujours là, à vouloir refaire leur retard sans pouvoir y arriver.
Albafica s’effondra devant le taureau et le vieil homme qui se marrait l’un comme l’autre. La chaleur du brasier tout prêt lui faisait du bien sous cette pluie. Un œil ouvert, un autre fermé. Borgne pour le moment, il observait les uns et les autres se disperser sans franchir la porte qui menait en dehors de la ville, là où il était. On lui faisait des doigts d’honneur, on l’insultait de tous les noms. Il ne savait pas encore le pourquoi de tout ça, mais ça il s’enfichait, car pour l’heure il se contentait de rendre la pareille et d’agiter son derrière tout en claquant quelques fessés.
Dernière édition par Albafica le Dim 5 Avr 2015 - 10:56, édité 4 fois