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Certaines se consolent avec du chocolat, d'autres avec du travail. [PV : Lilou]

Certaines se consolent avec du chocolat, d'autres avec du travail.

Quand il n'est pas question de se venger sur la nourriture et qu'il faut penser à autre chose, le meilleur moyen parfois c'est de travailler. Du repos ? Au début, ça fait du bien, puis après ça énerve de rester à rien faire, mais pour le moment je n'ai pas osée la voir. Pourquoi ? J'aurais l'impression de l'envahir pour l'écraser de travail et de responsabilité et au vu des évènements de Jaya elle n'en a absolument pas besoin. Même si ma main mécanique ne se changera pas toute seule, mais surtout ce qui me fait peur dans le fond est la décision que j'ai pris la dernière fois, j'avoue. Dans un sens, perdre mes deux membres a était traumatisants, la douleur continue me force à prendre des médicaments et même d'autres formes de calmant pas très légales et qui sont en train d'encrasser mes poumons. Mais, je veux changer, évoluer et devenir meilleurs et la mon combat dans la cale m'a largement montrer l'intérêt d'un membre en métal, il m'a permis de survivre au corps-à-corps sans devoir sacrifier le moindre morceau de chair, sans ça j'y aurais perdu la main, me serrais certainement vidée de mon sang et serais morte ou aurait était sauvé in extrémiste allez savoir.

C'est malsain de se dire que le principal intérêt que je trouve à un membre artificiel, c'est son côté remplaçable... Mais il y a d'autres applications à avoir un membre plus solide qui peut contenir tout un tas de petits trucs, accessoires utiles, outil, arme ou protections. Cela ne m'empêche pas réellement d'appréhender le moment où je vais voir Lilou, mais je n'oublie pas que c'est mon choix et que celui-ci même avec le recul est toujours bon dans mon esprit. Il faut dire que quand je l'ai fait, avec les médicaments j'aurais pu faire n'importe quoi quand même.

Je vais donc vers son atelier, j'espère qu'elle me laissera profiter de son expérience et de son savoir-faire pour mener mon projet au bout. Peut-être qu'on risque surtout de traiter des membres mécaniques... En fait ça dépendra essentiellement de son humeur, elle pourrait très bien me laisser à la porte pour cause de repos et je le comprendrai très bien. J'avance d'un pas calme, portant documents divers et poids sur les épaules, un peu de culpabilité de venir si vite la voir tout de même. Je croise des hommes qui me retrouvent après tant de temps dans une tenue bien plus confortable pour moi, un bleu de travail, un tablier avec des poches pour mettre pleins d'outils plus ou moins ranger et tout ce qui va bien avec ça change de la commandante dans son beau tailleur d'officier tout de même.

J'arrive ainsi devant son atelier, dans une poche j'ai une arme secrète que l'ami d'un ami m'a fournie, même si ce ne fut pas gratuit, une tablette de chocolat ! Au pire je me contenterai de la consommer moi-même, mais j'espère surtout lui offrir pour la remercier de tout ce qu'elle a fait. Non mieux, on pourrait la partager, ça sera plus agréable, j'imagine. Je frappe à la porte, elle ouvre, j'envahis une de ses tables de rouleau et parchemins divers plus ou moins propres. Puis sans trop crier gare, je lui tend la barre de chocolats de manière légèrement abrupte, mais surtout timide.

"Merci pour... Tout. On partage ?"

Une fois l'affaire du chocolat fini, je vais commence à vérifier mes papiers, je montre les plus aboutis du bout du pseudo-crochet qui remplace temporairement ma main à Lilou l'air coupable.

"Tu penses que je pourrais utiliser ton atelier s'il te plaît ? Depuis Navaronne, je n'ai pas pu avancer faute de matériel..."

Mon regard s'arête sur le plan le plus grand est les moins propres du lot, on y voix un immense canon et un navire plus ou moins mal schématisé avec une note attacher remplie de détails et une description de l'engin... Les médicaments son parfois un mal, un bien ou les deux à la fois, je comprends dans un sens les artistes qui usent de substances illicites.

"Pour celui-ci, je ne saurais pas dire si c'est un projet sérieux ou un délire complet... Une arme de dissuasion massive. Enfin, on a mieux à faire ! D'ailleurs qu'est-ce que ça fait ici ? Bof, ce n'est pas un secret militaire non plus qu'il soit ici ou ailleurs."

Vulcain et Titan, un "petit" projet, l'idée de faire couler la peur à la place du sang. Enfin soit, avant tout ça il y a autre chose, j'en tremble un petit peu, mais ma volonté est tout de même visible, mais je reste tout de même humaine.

"Quand tu auras eu un repos bien mérité, on pourra commencer à travailler sûr... Les membres mécaniques, s'il te plaît."

Déjà, la jambe et le bras sont bien abîmés due aux combats et leurs jumeaux et jumelles arriveront un jour aussi... Jamais je n'irai jusqu'à un changement complet, je pense, mais je vais déjà aller jusque-là, un choix dur, mais que j'ai fait dans mon intérêt et celui des autres... Mais surtout le mien, avouons-le.


Dernière édition par Rei Yanagiba le Mer 14 Jan 2015 - 0:31, édité 1 fois
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Quelque chose avait changé.

En se levant ce matin-là de son lit, en sortant de sa cabine, une main posée sur le flanc en sentant sa cicatrice la tirer à cause des points, elle en avait déduit que quelque chose, quelque part, avait changé. Sans être capable de déterminer ce que c'était, ou ce que ça voulait dire. Fatiguée, elle avait pourtant fait le tour complet du Léviathan en cherchant la cause de ce changement, de ce sentiment différent qui la faisait se sentir pour le moins... étrange. Du sommet du mât jusqu'à la cale du plus gros navire de guerre que Grand Line n'avait jamais porté. Rien...

En gagnant son antre contre l'avis médical, Lilou s'était posée sur son siège en regardant le vide un long moment avant de comprendre. C'était le son diffus d'un battement rythmé calé sur celui de son cœur qui avait disparu. Un maigre écho à ses oreilles qui était devenu une sorte d'habitude depuis qu'elle avait quitté Down Bellow et vécu la débâcle de Jaya. En se relevant, elle s'arracha un grognement de douleur, et se rendit vers le miroir le plus proche. Une petite glace crasseuse et brisée, qui trônait dans ses biens sans qu'elle ne sache trop le pourquoi de sa place ici. Puis, elle prit le temps de regarder son reflet, et de chercher ce qu'elle ne trouvait plus.

La marque qu'elle avait hérité de Tahar avait disparu.

Il n'y avait désormais qu'une peau glabre et lisse, sans ce petit tatouage à peine perceptible au creux de sa clavicule. Il n'y était plus. Elle fit le tour de son col pour voir s'il n'avait pas glissé ailleurs, mais dut se rendre à l'évidence bien assez tôt.

En retombant sur son siège, la tête baissée, elle s'interrogea un moment sur le pourquoi de tout ça. Sur ce qui était arrivé. Est-ce que Tahar allait bien ? Incapable de le savoir, elle n'avait pourtant senti aucun changement à ce propos. Rien de fort. Rien comme, il y a quelques mois, où cette marque se faisait plus pressante dans sa poitrine, et la tiraillait parfois, ou la démangeait sinon. Elle avait compris que, d'une certaine manière, cette marque réagissait en fonction du propriétaire. Quand il était énervé, elle le savait. Quand il était calme, elle le savait aussi. Lilou en avait déduit bien des choses à ce propos sans savoir si elle pouvait y avoir une influence. Elle s'était même dit que, si elle tapotait cette marque, peut-être que Tahar le saurait, et s'apaiserait, ou quelque chose dans ce genre-là.
Désormais, la marque n'était plus. Seulement un vague souvenir disparu sur lequel elle ne pouvait plus remettre la main. Puis, une autre question vint lui tanner l'esprit : Depuis quand ? Depuis quand était-elle partie ?

Prise dans le feu de Jaya, elle en avait oublié jusqu'à son propre corps et ses propres sensations. Remise en contact avec celle-ci par le coup de poignard de Flist, elle reprenait peu à peu conscience de ses limites et d'elle-même... Et elle fut sortie de sa torpeur par Rei et une tablette de chocolat dont elle prit la moitié sans trop se faire prier. Une main toujours posée sur sa blessure, la rouquine ne pipa mot malgré le visage avenant de Rei qui déballait plan et projet d'avenir sur sa table. Lilou y jeta un coup d'oeil, lorsque la brune lui demanda si elle pouvait travailler ici. En toute réponse, elle hocha la tête. Puis vint la suite.

Bien sûr. Tu as qu'à bosser sur ton projet, pendant que je termine tes membres. Et reposée, je le suis bien assez... T'façon, j'ai déjà envoyé l'équipe médicale entière se faire voir en me barrant de l'infirmerie, alors si l'envie de me tuer à la tâche me prend, ils peuvent bien respecter ça, vu que je suis déjà en train de le faire

Le goût du chocolat toujours en bouche, elle ajouta ensuite :

Faudra demander à un médecin de venir m'aider, par contre. On en a un ou deux disposé, je pense, à m'aider. A toi de voir lequel tu préfères...

Et puis, le plus important :

T'as toujours dans l'idée de tout changer ? Ou ça te suffit pour l'instant ?
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Je commence à m'affairer sur mon travail, observant mes divers plans et en sélectionnant ce qui me semble le plus logique, le plus censé, le plus fonctionnel dans un sens. Travailler est un moyen d'oublier peut-être, le carnage de Jaya, ceux qui sont perdus à jamais et que l'on ne reverra jamais... Une partie de moi est restée sur cette île et le restera à tout jamais et cela n'a aucun rapport avec mes membres. Nous travaillerons donc chacune de notre côté, cela ne l'empêche pas de s'assurer de ma volonté, que je n'ai pas changée d'avis ce qui est tout à fait normal et si c'est le cas, est-ce que j'ai une préférence pour celui-ci. Je pose alors l'outil de mesure que j'avais en main à ce moment-là, me tourne vers elle et l'observe un instant avant de répondre. Une voix sereine, j'ai déjà eu tout le temps de tourner ça dans ma tête, réfléchir calmement enfin plus ou moins.

"Oui, j'en suis sûre, j'ai toujours cette envie d'évoluer, de devenir meilleur. Bon j'avoue je n'irais pas jusqu'à changer totalement, mais jusqu'ici je l'ai décidée."

Changer totalement, sous-entendu passer le pas et devenir un cyborg... J'aurais l'impression de devenir une machine et j'imagine que la plupart qui le son ne l'on pas fais par volonté et s'il l'on fait, allez savoir s'ils sont saints d'esprit ou non. Tout de même, j'en viens à l'autre interrogation à ce sujet.

"Un ou deux ? Je n'ai pas de préférence, et cela pour la bonne raison que j'ai autant confiance en tous et toutes... Le lieutenant Kamina me connaît peut-être un peu mieux et pour être honnête, le Médecin en chef Johnson m'a fais forte impression. À voir avec l'un ou l'autre s'ils sont disposés à nous aider."

Je me mets à rire, j'imagine la tête qu'ils feront quand on leur demandera à l'un ou l'autre d'amputer des membres totalement sein quand on sait qu'ils ont certainement dû voir des dizaines de pauvres âmes qui en ont perdu sans avoir rien demandés. Convaincre l'un où l'autre pourrait être difficile, j'espère que ma volonté sera suffisante à moins que Lilou s'en charge elle-même. Enfin c'est mon choix, je le ferais respecter s'il le faut, à moins qu'ils arrivent à me convaincre de la folie de celui-ci, après tout personne n'est infaillible.

Finalement, le silence s'installe à nouveau, j'ai beau savoir qu'elle a besoin d'une concentration extrême, que je suis déjà une invitée, c'est plus que tentant d'avoir l'avis d'une personne aussi qualifié qu'elle en ingénierie. À la base je suis une experte en canon, pas en arme mécanique. Oh ! Et après tout qui ne tente rien, en plus elle semble me prouver régulièrement qu'elle n'aime pas faire du "chichi" sur ce genre de cas. Mais au milieu de tout cela, je suis aussi nerveuse, personne ne va se faire amputer volontairement deux membres avec un grand sourire et une confiance totale en l'avenir... Ou alors c'est une personne avec un sens du patriotisme et du sacrifice dangereusement élevé.

"Lilou excuse moi de te déranger, j'ai un problème avec mon mécanisme. Si sur le papier c'est censé fonctionner, j'ai le système de came qui ouvre et ferme la culasse qui coince, si ça le fait déjà pour une cela ne va faire qu'empirer quand je vais en monter plusieurs en cercles."

Je lui montre les plans et lui tends le début de prototype, c'est un peu honteux, mais parfois on a besoin de l'aide d'une personne plus expérimentée que soit.

"Il faudra que je travaille sur une alternative à la manivelle, je suis sûre que ça va poser problème à l'avenir et ça rend le tout inutilement encombrant... Sans parler du système de chargement par le dessus, charger les munitions seulement par dizaines va être particulièrement contraignant."

J'ai un peu mal à la tête, je me venge sur le chocolat dans lequel je croque un bon coup.

"Désolé, tu as déjà tant de choses à réfléchir je vais me débrouiller toute seule."
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On appellera le Docteur Kamina tout à l'heure, alors.

Simple et efficace. L'un ou l'autre de toute façon. Ils étaient tous les deux pris par tellement plus grands qu'eux qu'en avoir un des deux relevait du miracle. Lilou poussa un petit soupir en préparant son attirail, tandis que Rei s'installait à ses côtés pour se mettre aussi au travail. Ça faisait depuis le combat contre Flist qu'elle n'avait pas « vu » des gens de l'équipage. Mise à part les médecins et les infirmiers qui avaient voulu la séquestrer dans une pièce stérile le temps qu'elle se remette. Lilou n'avait pas envie d'attendre. Elle se sentait déjà prête à repartir, au dépend de son propre corps. Et de tout ce que ça impliquait.
Que Rei vienne lui proposer du travail l'enchantait beaucoup plus. Ça lui permettait de se sortir la tête de tous ces tracas introspectifs et pénibles qu'elle préférait éviter. La marque de Tahar disparue qui lui tannait l'esprit mais qu'elle mettait de côté. Oswald qui ne se réveillait pas... Au fond, c'était une manière de ne plus avoir d'attentes en attendant. Un rempart psychologique contre l'espoir qui s'amenuisait.

Tu lui expliqueras ? Demanda-t-elle en plantant des lunettes de protection sur ses yeux.

Pour elle. Pour ce qu'elle voulait faire de son corps et ce que ça impliquait pour un médecin. Créer une machine au dépend d'un corps humain. Pas sûr que l'idée passe. Lilou n'avait pas énormément de scrupules à ce propos, puisque c'était son domaine de prédilection. Mais Kamina, ou Johnson, étaient des médecins. Des humains. Et si elle connaissait l'un pour son ouverture d'esprit et sa sensibilité, le comportement de l'autre lui échappait encore. Du coup, mieux valait guérir que prévenir pour Lilou. Ou l'inverse.

Le temps passa tandis que les réparations prenaient forme. Entre deux bouchées de chocolat, des soudures habiles et une concentration à toutes épreuves. Lilou en oublia même sa plaie qui la tirait souvent, la démangeait même parfois. Elle ne releva le nez que lorsque Rei lui posa une question, en se penchant sur ses plans et son travail. Il ne lui fallut qu'un peu d'huile, de raccourcir la came légèrement et de l'ajuster pour que le mécanisme se dégrippe de lui-même.

Tu es plutôt douée, souffla Lilou en retournant par-dessus son bras mécanique bientôt pourvu d'une main entière et complexe. Tu as pensé à rentrer dans la division scientifique et à te spécialiser dans l'armement ?

Elle soupira ensuite, prenant en compte le second problème de Rei, qui, malgré sa présence préféra la laisser à ses affaires pour ne plus la déranger. Il fallait qu'elle apprenne d'elle-même, mais rien n'empêcher qu'elle lui souffle une possibilité :

C'est là qu'on voit la différence entre ta patte et la mienne. Tu penses manivelles quand je pense... Système compact qui se déplie une fois qu'on appuie sur un bouton.

Une simple pression. Lilou adorait les simples pressions qui dévoilaient des armes monstrueuses habilement rangés dans un espace réduit. Elle trouvait ça... Harmonieux ! Quand le monstre apparaissait pour transcendait l'atmosphère sans que personne ne suspecte sa présence. Elle adorait l'effet de surprise. Elle adorait la technologie. Et l'un allant avec l'autre... Elle s'amusait comme une gamine. Si bien qu'elle manqua de foirer une de ses soudures et qu'en essayant son mécanisme, la main métallique lui colla une baffe sur le museau.

Ça au moins, c'est clair, râla Lilou en débranchant le prototype.

Encore un autre comme ça, et elle aurait fait la moitié du travail.

Tu as pu voir d'autres... membres de l'équipage ? Ils vont bien ?
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Kamina alors ? J'imagine que je vais devoir le convaincre, mais surtout je vais devoir attendre qu'il se libère ce qui nous laissera plein de temps à faire des choses diverses, travailler par exemple. Si on me remet dans un lit d'hôpital, je pense que je vais entrer en rage, j'ai trop vu l'infirmerie à mon goût et venant de moi c'est vraiment que la coupe est pleine ! Lui expliquer donc, lui dire que je ne trouve rien de mieux après avoir perdu un bras et une jambe, que de me faire retirer les membres qui restent. Je vais avoir besoin de réfléchir à des arguments solides et les énoncer avec conviction, enfin, je crois.

"Je lui expliquerais."

Il faut bien tuer le temps et on se ressemble assurément sur un point, travailler est un bon passe-temps et un bon défouloir pour éviter de tomber dans des réflexions trop intenses et qu'on ne veut pas avoir. Je prends un outil, un plan et voilà que je me mets à raccourcir une came et mettre de l'huile plutôt qu'à penser à mes dernières batailles. Douée ? Si elle le dit, je n'ai pas de raison de ne pas la croire, est-ce par politesse ? Non je ne crois pas, entrer dans la division scientifique ? Sérieusement ? Je m'arrête net, il y a un blanc d'un instant alors que je l'observe, comme si je m'attendais à ce qu'elle se mette à rire et me dise que c'est une blague à tout moment. Moment qui n'arrive pas d'ailleurs et donc, une fois le doute passé, les joues très légèrement roses.

"Merci... Non... Je n'y avais pas pensé."

Je ne sais pas trop quoi dire et ça s'entend, je pense, je reste bête. Il y a des personnes qui savent recevoir ou qui on l'habitude de recevoir des compliments, moi ce n'est pas mon cas et du coup, vu qu'à force d'être dans la marine, dans les Rhino je me suis beaucoup humanisé, je me retrouve en quelques sortes sans défense face à cela. Je bafouille, ne sais pas trop quoi dire surtout avec une supérieure hiérarchique.

"Si tu penses que je peux y arriver, quand on aura livré le Léviathan à Marie-Joa j'essayerai. D'ici là, j'aurais peut-être eu la chance de m'améliorer quand je ne serais pas sur l'Hypérion."

Je crois que je viens de demander indirectement le droit de venir régulièrement à son atelier, mais je ne suis pas sûre même si c'était l'intension à la base... Peut-être que ce n'était pas assez subtil, ou trop ? Aucune idée en fait. Plus tard vient le problème de la manivelle et la réflexion sur la différence de pattes... Je lui fais un grand sourire, car, c'est vrai qu'à ce niveau la différence n'est pas juste flagrante, elle est drôle. Cela montre aussi le gouffre entre nos niveaux en ingénierie, au point que ça en devient un peu vexant d'où ma réponse sur la défensive et sur un ton qui manque légèrement de maturité :

"Oui mais ! Moi je m'assure qu'elle fonctionne avant de vouloir l'améliorer, aller trop vite c'est pas bien."

Waow quelle répartie Rei, je suis impressionnée... La prochaine fois réfléchir avant de parler pourrait être une bonne idée en fait. En réaction à cet échange, ou plutôt une coïncidence faits que le bras sur lequel elle travailles viens de lui mettre une gifle, voyant une main métallique la frapper, étrangement ma première réaction est de penser à la mienne et comme par un réflexe conditionner je m'exclame :

"Pardon je n'ai pas fais exprès !"

Avant de me rendre compte de l'absurdité de mes propos... Comme si le bras pouvait déjà réagir à mes actions ! D'ailleurs c'est tellement ridicule, que je commence sans trop savoir pourquoi à pouffer de rire, la main devant la bouche j'essaye de m'en empêcher, mais sans résultats. Le temps de me calmer, tout ce que je réussis à répondre à sa question est un non en secouant la tête de gauche à droite. Une fois calmée, je continue tout de même ma réponse.

"Je n'ai pas non plus particulièrement cherché à les voir... Ce n'est pas que j'ai honte, mais je n'ai pas envie de leur rappeler continuellement les pertes de Jaya avec mes membres en moins. Il faudra du temps pour que nos esprits pansent leurs plaies et contrairement au corps, y mettre du métal ça fonctionne moyennement."

Cette fois-ci je m'essaye à l'humour... Je ne pense pas que ce soit très drôle au final, c'est même d'assez mauvais goût dans un sens. Du coup je retourne sur mon prototype. Je l'écoute, je réponds, mais principalement je me concentre quand même sur mon travail. Si bien qu'à force, surtout avec du matériel et face à un projet que j'ai imaginé et dessiné en long , en large et en travers je finis par avoir un premier jet viable ou qui semble l'être.

"Bon au moins, contrairement à mon projet d'explosif autopropulsé, ça ne risque pas de m'éclater le bras... Décidément mes bras attirent les explosions"

Je commence à faire des petites boites de rechargement en bois... Autant appeler ça des chargeurs puisque ça sert à charger des munitions. Ainsi avec de la poudre très fine dans des munitions en papier rapide à faire quand on a le coup de main. Il me faut qu'un long moment pour avoir plusieurs charges fonctionnelles toutes rangées dans des.... chargeur donc.

"Je vais tester le prototype sur le pont, tu viens avec moi ?"

Au pire si elle ne vient pas, c'est l'affaire d'une demi-heure maximum en comptant l'aller et le retour.
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Je t'adresserais une recommandation, ça devrait le faire.

Et Lilou était on ne peut plus sérieuse. Rei lui rappelait elle au début de sa formation et à son entrée dans la brigade scientifique. A l'exception que la rouquine avait déjà des bases très solides et adaptables avec toutes ces aventures vécus ça et là. Elle avait commencé à apprendre sur le sujet très tôt, avait terminé de construire Bee à ses huit ans. En jetant un regard au canard qui ronflait sur un coussin molletonné en se remettant de ses propres blessures, elle savait que ses capacités, elle les devait à un conditionnement inhumain et un apprentissage assidu. Elle n'en avait pas tiré que des avantages, et souvent, son savoir était un handicap ou une plaie. Parce que Lilou était tellement plus habile avec les robots qu'avec les humains, et il n'y avait qu'à voir sa relation avec Rei, une jeune femme pourtant gentille et avenante, avec qui elle n'arrivait pas à faire passer les compliments qu'elle voulait lui offrir. En la voyant se braquer sans trop le vouloir, Lilou baissa les yeux, piteuse, en lui soufflant :

T'en fais pas, tu as raison.

Et elle retourna à ses affaires, préférant se concentrer sur des faits qu'elle comprenait. Ou des mystères qu'elle arrivait à résoudre. L'être humain, très peu pour elle, même ceux avec qui elle était proche, comme Oswald, ou Wallace maintenant. Malgré leur complicité, et les sentiments qu'ils partageaient, Lilou était d'une maladresse sans pareille avec eux. Elle savait, au fond, que s'ils avaient été des robots, ou des machines, elle n'aurait jamais été aussi nulle en tant qu'amie. Le fait, par exemple, qu'elle n'ait pas daigné leurs rendre visite était assez parlant à son propos.
Honteuse, elle baissa les yeux. Rei était là, elle. Et elle disait à peu près les mêmes choses, mais pas pour les mêmes raisons. Elle culpabilisait, comprit Lilou, de son accident et d'être passé près de la mort... Et elle ne voulait pas imposer ça à ses compagnons d'armes qui semblaient peiner à se remettre en marche après les événements. A ses déclarations, la cicatrice à son flanc se mit à lui faire mal, et elle l'interrompit :

Tu sais... Il faut qu'ils s'en remettent, et qu'ils assument aussi. Ce n'est pas en te cachant qu'ils deviendront plus fort et feront en sorte de protéger l'équipage, leurs hommes, ou leurs amis ! Puis, outre ça : Tu es vivante... Et c'est ça qui devrait compter pour tout le monde. Tu n'es pas l'estropiée de Jaya qu'on a pas sû protéger. Tu es une guerrière qui s'est sortie d'une terrible explosion. Bordel, tu n'aurais même pas dut survivre à ça, et tu l'as fait ! Tu ne vas pas non plus avoir honte !

Pas question. Pour Lilou, Rei devait être fière de ce qu'elle avait accompli, et d'être toujours vivante pour profiter encore de ce navire. Et plus que quiconque, elle avait sa place parmi l'équipage. Qu'elle préfère s'en abstenir lui hérissait furieusement le poil, alors quand la jeune fille lui proposa d'aller tester son matériel sur le pont, elle stoppa immédiatement tout ce qu'elle avait entrepris jusqu'ici et tira la brune jusqu'à la sortie. Il fallait qu'elle se montre, et que les autres voient, comme elle, ce qu'ils avaient fait, manqué, et ce qu'ils lui devaient. Alors en débarquant à l'extérieur, elle avisa du regard tous les mousses allant et venant pour charger le navire en vivre, et leur hurla :

Vous feriez mieux d'évacuer le pont pour la prochaine demi-heure !

Ils restèrent silencieux un moment, en se rendant compte de qui c'était. Rei Yanagiba, la mutilée de guerre qui avait envoyé se faire voir la faucheuse, et l'ingénieur Jacob, la rousse incendiaire sortant enfin de sa tanière pour voir la lumière du soleil. Ils ne mirent pas longtemps à déguerpir alors que les deux femmes s'installaient. Un cercle de curieux vint se former autour d'elles, tandis que Lilou souffla à Rei :

Ouais alors le plus simple... C'est que tu vises par-dessus la rambarde, droit par-là, qu'elle lui souffla en lui désignant l'orée de la jungle brûlée par leur bon soin. Et évite d'abimer le navire s'il te plait !
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Une promesse de recommandation, finalement la vie ne va jamais réellement dans le sens que l'on pense quelque temps plus tôt, car s'ils m'acceptent, je n'ai que très peut de toute sur le fait que je ne verrais pas la suite pas le monde de la même manière. Tout comme je ne me doutais pas que le fait de lui avouer que je n'ai pas trop eu envie de voir les autres pour ne pas leur donner d'idée trop noire créerait une réaction aussi intense chez Lilou. Une fois qu'elle a fini, je n'ose pas trop répondre quoi que ce soit, pas que j'ai peur d'une seconde volée de mots, mais sur le coup, je n'ai rien d'intelligent à répliquer à ce qu'elle vient de dire.

J'imagine que c'est ce qu'elle pense, que je dois me montrer, la même chose qui fait qu'elle me tire presque littéralement dehors quand je lui ai proposé de tester le prototype à l'air libre. Bon, une arme à répétition montée pour le moment sur un trépied, ça va certainement faire du bruit. Enfin à côté du raffut quotidien ce ne sera pas trop grave et je ne peux pas rendre une arme à feu silencieuse, rien que l'idée que cela puisse l'être est ridicule d'ailleurs. Lilou fait évacuer le pont alors que j'installe l'engin, dirigé vers l'horizon dans la direction indiquée par Lilou. Je pose les chargeurs sur le côté alors qu'elle me demande expressément de ne pas abîmer le navire.

Je préfère ne rien répondre à cela, je ne fais jamais de dégâts collatéraux, enfin si on exclut mon propre corps. Tiens des curieux ? C'est une bonne chose, ils vont me servir, surtout que je vois parmi eu un des hommes de mon groupe d'artillerie mobile et le fait qu'il y a aussi des personnes non-expertes en maniement d'armes lourdes en même temps augmentera la qualité des informations que cela me révélera. Six chargeurs en bois, ça me fait quatre cobayes en plus de moi et Lilou. Je me tourne vers nos spectateurs et en designer quatre les uns après les autres.

"Vous quatre regardez bien, car, vous serez les suivants."

Aucune surprise, Kirishima me répond par l'affirmative avec un salut en prime et un petit sourire, les trois autres dont une demoiselle eux sont un peu moins confiant et il y a surement des raisons, mais obéisse, car, c'est un ordre. Je me mets de côté, enclenche un des lourds chargeurs, bien qu'il soit en bois, montre bien comment retirer la languette et charger le monstre. L'avantage du trépied, c'est que c'est lui qui va recevoir le plus gros du recul, par contre pour les oreilles il n'y a pas de miracle alors que je décharge plusieurs dizaines de coups en trop peu de temps pour que ce soit agréable à entendre.

"Suivant."
"À vos ordres Commandante."

Un a un, ils s'approchent, Kirishima en premier. Pourquoi ? C'est évident non ? Je m'assure que n'importe qui peut l'utiliser avec un minimum d'information tout de même. Vu que je sais que ça fonctionne bien que cela peut-être largement optimisé, maintenant je les observe et les reprends en cas d'erreurs, mais rien de grave de toute manière. Je suis a peu prés certains que tous les gens de repos doivent nous haïr à ce moment précis, après cinq boites vidées je fais signe à Lilou de s'y essayer. À elle de voir si elle le fait ou non, en tout cas si ce n'est pas elle, par principe je finirai le dernier chargeur.

"Je pense que la moitié du Léviathan au bas mot sait maintenant que nous sommes vivantes et au travail vu le boucan produit depuis les trente dernières minutes."

Je note sur un calepin toutes mes observations et me tourne vers la grande ingénieure.

"Bon, il y a encore quelques soucis, mais je tiens le bon bout je pense. Par contre, il va réellement falloir que je trouve un moyen de charger plus de munitions en une seule fois vue la vitesse à laquelle cette arme les engloutit."

Peut-être attacher les munitions les unes aux autres ? Enfin, je vais devoir y réfléchir.

"J'irai les voir quand on aura fini, pour le moment j'ai juste envie de travailler et à force c'est peut-être eux qui viendront me demander d'y aller moins fort."
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Les coups partirent à la file et le chargeur se vida vitesse grand V sous le regard satisfait de Lilou, et l'ai ravi de s'investir du petit rassemblement. Ça avait le mérite de défouler un peu, et d'aider à faire la part des choses. Et le bestiau semblait bien marcher. Elle ajusta quelques détails avant de rendre la main à Rei, un petit sourire contenté sur le visage qui n'était pas apparu depuis un moment. Depuis la bataille de  Jaya, d'ailleurs, après les propos du Lieutenant Colonel Mavim.
Quand la brune lui souffla qu'à force, c'était sûrement les autres qui allaient venir la voir pour savoir comment elle allait et si elle pouvait faire moins de bruit, la rouquine éclata de rire. Ça lui rappelait la fois, à Navarone, où elle avait construit une partie de son armure sur le pont en y enfermant Oliver Queen. Et toutes ces autres fois où elle avait pris ses aises sur le pont pour travailler, sous des regards curieux et agacés d'envahir l'espace commun.

Il fallait ce qu'il fallait pour continuer. Après Jaya, Lilou s'était retirée du devant de la scène pour lécher ses plaies. Peut-être que, comme le disait Rei, elle devait faire savoir d'une manière ou d'une autre qu'elle était toujours en vie et disposée à être un poil envahissante. Le renouveau passé par cette étape. La prochaine serait de rendre visite aux blessés et de leur taper sur les plaies pour s'amuser en leur souhaitant de se remettre vite. Mais il n'était pas question de sauter trop rapidement les étapes.

On devrait faire sauter d'autres trucs...

Pour les nerfs. Un petit plaisir assez simpliste finalement qui aidait bien à se remettre en branle. Enfin, Lilou aurait beaucoup aimé, mais elle avait une autre priorité en tête. Et elle se permettrait ce petit plaisir ludique dès qu'elle en aurait terminé avec son devoir premier :

Je vais terminer tes membres et s'occupera du reste après. Va falloir que tu prépares Craig mentalement, d'ailleurs.

*

On y est, Rei !

Lilou avait déboulé dans la piaule de la petite brune en enfonçant à moitié sa porte. Couverte de cambouis, les bras huileux et des plaies diverses et variées sur les mains, Lilou avait passé les jours suivants acharnée sur son travail, sans le quitter un seul instant. Il n'y avait que son estomac qui avait raison d'elle à certain moment. Mais pas à tous. Lorsqu'elle ne buchait pas comme une dingue, elle tombait de fatigue sur le canapé miteux que Monty et Pun Bah lui avaient installé dans son local pour qu'elle puisse s'y reposer. Mais quelques heures de sommeil à chaque fois, et pas plus, malgré les recommandations très sérieuses du médecin qui lui avait dit que du repos ferait le plus grand bien pour guérir ses blessures.
Mais... Qu'importait ses muscles fatigués, ses phalanges brisées, ses cicatrices encore sensibles. Lilou n'avait pas perdu de bras, ou de jambe, et ça impliquait qu'elle DEVAIT poursuivre jusqu'à combler le vide dans la vie des autres.

J'ai terminé.

D'ici peu, elle tomberait probablement de fatigue.

Mais pas tout de suite. Il fallait tenir encore un peu.
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Le petit matin, des jours à perfectionner mon prototype et à laisser une Lilou de moins en moins en bon état dans son atelier pour des nuits blanches. Moi , je me suis dit que me faire découper un bras et une jambe cela risque d'être un coup dur pour mon corps et que je ferais mieux de me reposer quand même. Si bien que mon prototype sous le regard bienveillant de l'ingénieur de génie qu'est Lilou est maintenant fonctionnel, j'ai déjà des idées pour rendre l'arme plus pratique, j'ai des bonnes idées pour la bande de munitions qui m'est venue en rependant au Puffing Tom, d'ailleurs cela m'a bien inspiré au point que je commence à me demander si la force créer par la combustion de munition ne pourrait ne pas faire fonctionner une partie du mécanisme, qui créerait donc sa combustion suivante et ainsi de suite. Mais tout cela, ça attendra, car, pour le moment je dors, enfin je dormais avant l'entrer en fanfare de Lilou qui me réveille, après avoir sursauté et avec une arme tendue vers elle... Je souffle puis l'écoute plus ou moins de manières attentives.

"Hein ? Quoi ? À l'assaut !"

Mh, le sol c'est dur... Enfin soit, je me relève, tout est prêt n'est-ce pas ? Enfin, à un détail près quand même...

"Lilou, tu ne comptes pas assister à tout cela à moitié mort de fatigue et complètement crade quand même ?"

Bon, j'ai repris un petit peu de mon côté maniaque, mais les médecins vont la jeter dehors, je pense, si elle se ramène comme ça et pas seulement à cause du cambouis. On va donc s'épargner une demi-heure de remontrance sur l'importance du repos, je la prends par l'épaule et lui montre la fameuse clef pour le bain privé des officiers qu'elle m'avait prêté la dernière fois.

"Je te chouchoute, dodo et après on ira voir pour l'opération, il n'y a pas le feu à la poudrière."

Et puis surtout l'état de ses mains, j'en ai mal pour elle c'est pour dire à quel point c'est pitoyable et dans un sens comique quand on sait ce qui est arrivé aux miennes. Après avoir compati et en la tirant plus ou moins calmement, plus comme une mère ou une sœur attentionner qu'une subalterne que je suis, je l'amène donc dans ce haut lieu du confort et du repos, m'assure qu'elle soit propre et détendue et... Je n'ai pas la moindre idée d'où est sa cabine et j'ose pas imagine son état quand je pense à son atelier, non, je la ramène dans la mienne, l'installe dans le lit après avoir changé les draps et m'installe à côté d'elle un livre à la main.

"Huit heures de sommeil, c'est non négociable Ingénieur Généra Jacob."

Un petit rire plus tard, je la surveille, dans le pire des cas elle refusera ou ne pourra pas s'endormir, mais au moins elle se reposera et moi à côté j'ai pleins de tracés à faire, d'idée à avoir, réfléchir et noté et de choses plus ou moins silencieuses à faire pour m'occuper. Des heures à veiller sur elle et pourtant à un moment donné ou un autre...

"Entrez, mais ne faites pas trop de bruit s'il vous plaît."
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On a commandé un toubib, et c'est rarement pour une p'tite auscultation qu'on le fait sur un tel ton. Je m'arme des miettes de mon sang-froid pour tâcher d'pas laisser trop transparaître cette angoisse qui m'essore les tripes et se gave de c'qui en coule. Quatre, cinq heures de sommeil, ça m'suffit pas à retrouver mon cap. Alors venez pas m'planter des drames dans mes eaux, c'seront qu'encore plus de récifs pointus sur lesquels j'viendrai m'embrocher. Ma cervelle palpite, cogne dans son coffre d'os, elle se confond avec le coeur qui, lui, se fait mollasson et laborieux au fond d'sa cage. Il fut brisé et réparé tellement de fois ces jours-ci qu'il n'doit guère être plus vivant qu'une vieille potiche rafistolée désormais. Et mes nerfs engourdis s'échauffent d'instinct. Oh ouaiiiis, les ardents pressentiments qui m'coulent dans les vaisseaux ! Pourquoi j'voudrais un haki alors que j'suis suivi par un si fidèle pessimisme, putain chien d'chasse qui flaire la merdaille à plusieurs heures de distance ?

J'ai le scalpel froid. La hache encore plus. Mes deux amantes se font frigides. J'ai plus rien en commun avec elles, si c'n'est que j'suis moi aussi parfaitement émoussé désormais. Car, clairement, j'aurais du mal à reprendre les armes du toubib pour lutter contre la mort, de nouveau. Alors t'sais quoi ? J'espère que c'est juste un p'tit rhume à baffer. Une verrue à crever, même, ou une diarrhée à soulager. Un crétin qui est allé s'transformer les doigts en serpentins en les glissant dans ces affreuses portes coulissantes. N'importe quoi qui nécessite pas d'renfiler ma tenue d'boucher, en fait, ce serait, quoi, une p'tite faveur bien méritée, hein ?

Eh. Ce serait la goutte de sang qui fait déborder le vase.
Tout va bien, Uriko. Pas besoin d'me mirer avec ces deux grosses billes noires. Regarde ailleurs, regarde le sous-marin. Ses gros tuyaux qui s'enchevêtrent et ronronnent, ces légères vibrations qu'insufflent la vie à la carcasse de fer, puis ces gros moteurs qu'on entend turbiner dans les coulisses de la bête, ça a quelque chose de... d'effrayant. Ouais. C'est comme si j'étais tombé dans l'corps d'un d'mes patients. Putain de crasse.

Pas trop... Pas trop grand ?

J'les ai fringués, Uriko et Emil. Comme des poupées, j'en ai fais d'vrais marines en devenir avec les rabs d'uniformes de la lingerie. Emil en troufion, Uriko en mousse. Le premier porte bien son pelage de mouette, le second nage dedans. J'pouvais pas les laisser dans l'infirmerie et risquer qu'ils se fassent chopper pendant mon absense par un matelot de corvée d'ménage un peu trop zélé -une espèce rare, mais on sait jamais-. Ma mascarade finira par les agacer, la patience, c'pas à volonté. J'ai pas envie d'forcer Uri à subir les conséquences de mes fautes. J'ai initié un virage vraiment trop brusque, j'devrais vite m'arranger pour corriger la trajectoire avant d'm'envoyer un ravin.

J'm'occuperai vite de régulariser votre situation. En attendant, saluez comme de vrais soldats, et causez pas trop. D'accord ? 'pouvez voir ça comme une mise en bouche de c'qui vous attend dans les bas grades...

C'est parfaitement sérieux. La docilité, l'obéissance, la discipline, ces valeurs niaises qui placent les sbires de la justice sur des rails mal aiguillés, j'suis passé par là moi aussi, j'ai consenti à laisser quelques gros médaillés m'enchaîner l'esprit, me flanquer un fusil entre les palmes et me pousser sur l'champ de bataille. Les ordres pleuvent et z'êtes une cuve. On vous demande que d'avoir assez de mémoire pour stocker toute la salive gaspillée d'vos supérieurs. J'en reviens pas, de nouveau, d'avoir entendu Uriko affirmer qu'cette perspective le bottait plus que l'errance poétique et formatrice d'un p'tit chasseur de primes.

Bref. La marine éprouvera la force de sa foi plus tard. Elle a rapidement déchiré la mienne, qui m'semblait blindée à en faire trembler la piraterie entière, à l'époque. Faut pas sous-estimer le pouvoir perforant des grosses désillusions.

***

Eh, j'ai serré la pince à quelques troufions qui m'reconnaissaient depuis sous leurs bandages. C'est pas parce qu'on a les palmes visqueuses, boueuses, collantes de vielles croûtes de vases, imbibées de sang caillé, et tremblantes comme si leur corps était devenu un gros sac ivre qu'il faut en oublier la politesse, après tout. J'suis devenu une figure connue et sympathique du léviathan alors que j'ai pas retenu un dixième de cette pelotes de noms et d'personnalités, et qu'j'ai carrément pas la gueule qu'il faut pour me faire adopter rapidement. Ça fait plaisir... J'suppose.

Retour sur le Léviathan. Ses canons encore fumants qu'en redemanderaient bien, ses soldats en morceaux qu'errent sur le pont jusque tard dans la nuit à la recherche du sommeil, sa proue arrogante qui fait semblant d'mirer l'horizon... Le Léviathan, quoi.

On a commandé un toubib, et c'est rarement pour une p'tite auscultation qu'on le fait sur un tel ton...

J'toque.
J'pénètre dans l'antre silencieuse, suivi par un Eriko et un Emil aussi ninjas qu'intimidés.

Rei. La mine sombre, sa voix semblait avoir mûrement hésité avant de sortir d'sa bouche. Autant qu'moi, elle sait pas franchement où placer ses mains, ni ses mots. La dernière fois qu'on s'est croisé, c'était pour une bise et un sauvetage de princesse. Et maintenant, il veut dire quoi, c'regard ? Le conte va virer au drame ? Un oeil à une silhouette rousse dans les ombres, qui s'étire en silence. Jacob ? J'l'ai jamais vu pour autre chose que d'me bourrer l'aileron d'explosifs, ou sur le champ de bataille, à chialer les morts. Elle fait clairement partie des gens qui m'apportent des mauvaises nouvelles, celle-là...

Les sourcils levés et la trogne durcie, je fixe Rei.

Alors, besoin de moi ?
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Ainsi je lui ai demandé d'entrer, je sais que c'est lui, l'instinct féminin , et puis quoi encore, le sixième sens ? Non, j'ai reconnu le bruit de ses pas et d'ailleurs avant même qu'il passe la porte je pense savoir et maintenant je suis persuadé que je vais lui pourrir encore plus sa journée. Avec tout ce qu'il a dû faire sur Jaya, tous les membres amputés et les morts, le sang jusqu'aux chevilles il n'a certainement pas envie de devoir se remettre dans une tenue blanche vouée à devenir ocre. Pourtant, c'est mon choix et je ne compte pas faire autrement ou m'en excuser, au pire s'il ne peut ou ne veut pas le faire j'irais voir un de ses confrères. Inutile d'être silencieux ou presque, Lilou est déjà en train de se réveiller doucement, mais bon Craig à eux l'extrême amabilité d'arrivée à l'heure demander et pas trop avant du coup elle a quand même bien dormi et j'ai une joyeuse pile de plans pour plus tard. Entre autres des idées plus ou moins subtiles et innovantes et des travaux préparatoires qui demanderaient certainement un sérieux financement pour être adaptables en prototype voir s'ils passent les tests pour la production en série. Pourquoi tout cela ? Venir avec une lettre de recommandation de Lilou c'est une chose, mais il va bien falloir aussi que je leur montre ce que je vaux en tant qu'armurière, spécialité de la poudre et même document je le deviens en ingénierie.

Enfin ce n'est pas le lieu pour y penser, je lui fais signe de s'installer s'il le souhaite et il n'a même pas le droit à une grimasse idiote s'il salit quoi que ce soit, je crois que Jaya m'a fait grandir dans la tête, mais de la mauvaise manière on dirait. Je me rappel aussi de mon état et de mes actions dernièrement, autre pendant cet avant-dernier assaut où on s'est sauvé mutuellement et/ou sous l'effet plus ou moins fort de l'adrénaline et d'un stupéfiant, je lui ai déposé une bise sur la joue. Cela ne veut pas dire que je ne l'aurais pas fait sans hein ?! Enfin peut-être, bref, j'ai bien l'air stupide à le regarder le rouge aux joues et l'air tout de même un minimum gêné.

Enfin soit, Lilou semble réveillée et je ne compte pas tourner autour du pot, je respire un bon coup pour retrouver de ma contenance et parle avec franchise qui détint dans un regard fixe que je lui envoie.

"J'ai besoin de me faire amputer mon bras et ma jambe pour les faire changer par des prothèses comme les deux autres. J'imagine qu'avec tout ce qui est arrivé dernièrement, tu n'as pas forcement envie de puer encore le sang tout de suite, mais, j'ai quand même besoin que tu le fasses."

Je me lève, maintenant j'ai vraiment l'impression d'être une sorcière, je n'ai pas envie de jouer sur ses sentiments et j'ai peur de l'obliger à faire une chose qu'il ne veut pas faire, mais comment le dire sans donner l'impression d'insister grossièrement ou faire une sorte de psychologie inversée ? Bon en même temps il me connaît mieux que quiconque sur l'Hypérion, pourquoi avoir peur de lui parler d'une chose ?

"Je ne fais pas de complexe du héros ou un truc du genre, j'en ai discuté avec Lilou et c'est bien pour moi que je le fais, pour avancer. Évidemment, tu es aussi une personne en qui j'ai confiance, un ami et un médecin de talent et j'écouterai tout ce que tu auras à dire sur le sujet, mais sache que je suis déterminée à aller jusqu'au bout, évidement je ne souhaite pas non plus te forcer la main et si tu as besoin d'un petit temps de calme avant de le faire ce serait parfaitement compréhensible... Voilà."

J'attends alors, les yeux dans les yeux, sa décision.
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Eh. D'accord.

Mes muscles faciaux m'abandonnent. L'impression qu'mon museau redevient aussi flasque qu'après qu'le poing du commodore l'ait embrassé. Puis c'est tout mon corps qui s'fait vaseux. Encore plus qu'il ne l'est techniquement déjà.

Et enfin, c'est mon esprit qui fond et me coule dans la chair. J'sais pas quoi dire. Ni quoi faire. En fait, ma mémoire elle-même a censuré c'qu'elle vient de cogiter.

Tu peux... Tu peux répéter ?

Le protecteur qui s'planque en moi tire sur mes tripes pour me rappeler qu'Uriko, là-bas, interpellé en silence par Jacob, risque de tout entendre si je fais repartir le sinistre disque. Pas envie de l'imprégner de mauvaises ondes, si peu de temps après nos retrouvailles.

Euh, non. Pas la peine, en fait. On va ailleurs ?

Que Jacob découvre le pot aux roses à propos d'Uriko ? Bah. Je crois que subitement, le monde entier s'est vidé de son importance. Alors, juste, Bah. Si j'étais grillé, ce serait un Ainsi soit-il, une résignation froide. Un blâme sur ma trogne, un scalpel scotché dans le creux de la palme. Au final, rien à foutre, tant que le môme s'en sort.

Rei. Je la suis, après qu'elle ait accepté d'me traîner dans le couloir. J'ai toujours la fatigue qui m'abat d'un sale mal de l'air. Ces vertiges, physiques comme métaphysiques, qui m'creusent des plaies béantes tout autour du coeur.

Ensuite, on se retrouve de nouveau face à face, devant une porte fermée et terriblement plus froide qu'elle ne m'avait semblé au premier abord. Bon. L'isolation, bien. C'est un début. J'aime pas transformer mes émotions en spectacle. C'est un début. Maintenant... j'veux des réponses.

... mais pourquoi tu veux faire ça ?

J'ai été convoqué pour découper une amie ? Crescendo. Qui est le prochain qui atterrira sous mes lames ? Le frangin ? Ça n'a rien d'une mauvaise farce, et pourtant. J'me force à y croire dur comme fer, pour m'protéger de la réalité. Mais ça n'marche pas. J'y crois pas assez fort. Et la réalité défonce mon barrage, et moi avec. Elle a été si directe. Si brusque. Tout dans l'efficacité, aucun détour pour prendre la peine de contourner la psycho des gens. C'est tout à fait sa nature. Rei m'est rentrée dedans.

Ça a pas de sens. Tu veux devenir un putain de robot ? Tu considères que c'est... "avancer" ? J'fais pas dans l'amputation sur commande.

Rien. J'ai beau tourner la folie dans tous les sens, j'vois rien. Rien ne me vient. Pourquoi ? La moitié d'son corps n'est plus qu'un os d'acier enrobé de foutue électronique. Pourquoi elle en veut plus ?

Pour moi... C'est non. Et j'pane pas.
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Ainsi, on est allé ailleurs, même moi je sais que n'importe qu'elle oreille ne peux pas tout entendre et dans le fond je me doutais déjà de sa réponse aussi. Enfin soit, ainsi nous sommes partis plus loin, alors que je laisse bien volontiers à Lilou la charge du jeune homme... Il a quel âge d'ailleurs ? Aucune importance au final, mais je crois que je n'arrive pas à donner un âge à la vu, je me demande si c'est grave de ne pas pouvoir faire ce genre d'estimation ? Enfin ce n'est pas grave, couloir sombre comme le serait une ruelle au milieu d'une ville plus ou moins bien habitué, on fait avec ce qu'on a et l'on va éviter d'aller jusqu'au cœur de Jaya pour discuter de toute manière.

En fait à bien y réfléchir c'était stupide de lui demander de le faire justement parce qu'il me connaît, avec un tel rapport affectif surtout qu'il est loin d'être sans coeur, le résultat était dans un sens couru d'avance. Ce sont les scientifiques plus ou moins fous, perdus dans leurs grands laboratoires du gouvernement mondial qui le feraient sans hésiter au nom de la science, sans conscience ni remords. Pourquoi vouloir faire ça ? C'est évident non ?

"Parce que je suis faible, tout ce que je peux faire dans mon état actuel, c'est voir tout ce qui m'est cher disparaitre sans rien pouvoir y faire quoi que ce soit."

Je n'ai pas vraiment le temps de répondre, le mot est lâché, putain de robot donc ? Est-ce que tu penses que je compte devenir une machine sans âme ? Quand je suis entré dans la marine, peut-être que j'aurais pu faire ce genre d'erreur absurde, heureusement j'ai grandi entre-temps. La suite de ses paroles montre bien qu'il est totalement inutile d'argumenter, sa décision est déjà prise et de toute manière les seuls moyens que je pourrais avoir de modifier ce qu'il pense sont le genre de tactiques sournoises auxquelles je me refuse catégoriquement d'employer surtout avec un ami.

"Puisque ta décision est prise, je ne vais pas te faire perdre de temps..."

Avant même de m'en rendre compte, ma main tient un pan de sa manche, pourquoi j'ai fait cela ? Aucune idée, un réflexe surement sans réellement comprendre de quel genre en tout cas. Je n'arrive plus à le regarder dans les yeux, je le lâche, les joues à nouveau rougies, mais cette fois-ci surement de honte.

"Je... Désolé..."

Je me retourne simple, mon cœur palpite et j'ai presque l'impression que je pourrais pleurer. Je ne sais pas ce qui est le pire, le plus douloureux, d'avoir était suffisamment cruche pour lui demander une chose pareille, ou l'idée que dans le fond il a peut-être raison, que c'est stupide et que tout ce que je peux faire c'est attendre doucement la fin. Je n'ai pas de fruit du démon, de force naturel ou nom ou de capacités hors normes... Peut-être que dans le fond je suis trop imbu de moi-même, que je dois simplement les voir avancer jusqu'à disparaitre de ma vision, comme des étoiles que je peux voir jour après jour, mais que je ne pourrais jamais rattraper. J'essaye alors de partir, peut-être même de fuir, parcouru d'un frisson à moins que ce ne soit simpement qu'un tremblement.

"Je te laisse."
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La faiblesse. Ouais. L'impuissance. Le genre de sentiment qui t'catapulte dans tes plus obscurs retranchements, et te fait aisément basculer dans les extrêmes si tu surveilles pas où t'y mets les pattes. J'l'ai déjà croisé. Le désir de puissance, voisin de celui de vengeance. Lorsqu'on conchie ses propres limites, on dit volontiers merde à sa propre nature...

Cercle vicieux du mépris d'soi. J'aimerais t'aider à t'en extirper avant que tu ne te rendes compte qu'il t'a aspiré. Mais en t'arrachant des membres ? J'me noie dans le malsain, ces temps-ci.

Me noyer...

Attends !

Mes crocs s'emboîtent, grincent dans leurs écrins. Qui d'autre a vu son corps bafoué, violé, tourné en amas de viande monstrueuse ? Qui d'autre a appris à le haïr ? J'aurais espéré avoir l'épiderme plus fin, moins aqueux, moins gris; des mains sans toile de peau entre les phalanges, avec des griffes qui ne sont pas des griffes, mais des ongles brillants émoussés et taillés en U; puis, un petit nez adorable et discret, qui aurait fait son travail sans occuper la moitié d'son visage; puis, une dentition qui n'inspire pas le dégoût, pas la terreur, ni l'inquiétude, des crocs qui ne seraient pas des rasoirs mais... tout juste quelques canifs émoussés pour mâchouiller ma salade sans la broyer.

J'aurais voulu avoir un autre corps. Moi aussi.
Aujourd'hui, j'cohabite dans cette coquille crasseuse avec un démon qui l'a transformé en maison de tourbe.
J'ai jamais autant haï mon corps. Et si demain, un bon samaritain se portait volontaire pour écouter mes caprices...
Moi, j'arriverai jamais à faire entendre mes caprices. J'ai sûrement été terriblement cruel envers les bébés poneys dans une vie antérieure, pour mériter d'être condamné ainsi à rester squale marécageux à vie...
Mais Rei... ce dont j'ai toujours secrètement rêvé sans me l'avouer, je peux le faire pour elle.

C'est... C'est vraiment c'que tu veux ?

Le grand idéogramme dans le dos d'son manteau me toise. Elle a pillé en plein milieu du couloir, durant sa course. Comme si elle n'avait pas évacué tout ses espoirs. Malgré ma première réaction... instinctive.

Et t'es sûre qu'on doit aller jusqu'à... l'amputation ?

Aujourd'hui, j'suis qu'un monstre. Je n'suis plus homme-poisson, car plus jamais l'océan ne m'acceptera en son sein. Je ne suis certainement pas humain. Jaya a déterré en moi de profondes pulsions revanchardes, que j'sens encore palpiter en moi comme un mauvais alcool, qui m'a enivré à m'en faire perdre la boule, qui m'a transporté en des ciels rouges du sang que je voulais voir gicler.

Ça y est, j'suis un monstre. Ça devait arriver. Papa avait raison : c'monde est trop cruel pour moi. Il m'a grillé les câbles.
Mais toi, Rei...

Je le ferai qu'une seule fois.

Si elle est là, devant moi, brûlée et métallique... c'est qu'elle s'est sortie des enfers. Et les lâches ne se blessent pas : c'est un privilège accordé aux héros pour se souvenir des épreuves qu'ils ont endurés.

J'ai pris mon ton assuré, j'fais ma trogne décidée des meilleurs jours. Mais j'ai les larmes qui finissent par perler, là derrière les yeux. J'aimerais chialer des fleuves, pour vidanger cette douleur qui me fait enfler. J'ai une dernière occasion d'offrir une meilleure vie à quelqu'un avant d'enfin lâcher prise jusqu'au prochain champ de bataille. Non ? J'le fais pour son bien-être. J'm'en fous de sa force. Elle l'a déjà, la force. Sinon, on serait pas là, mais dans un cimetière, elle six pieds sous terre, moi à la surface à laisser mes émotions s'exprimer dans leur forme la plus pure.

Nous sommes là. Nous avons survécu. On y a laissé des bouts de nous-mêmes, physiquement, moralement, mais nous sommes là.

Changer de corps, devenir meilleur... C'est aussi mon rêve enfoui.

Je m'occuperai de tes derniers membres, et c'est tout. Le reste de ta force, tu devras le dénicher par toi-même.
Ça te va ?

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La messe est dite, je commence à partir et c'est alors que digne d'un mauvais roman ou un conte pour enfin, retournement de situation. Je n'ai pas vraiment pillée... Bon un peu quand même, mais j'ai une excuse, essayez de freiner avec des talons pour voir ! Ces cochonneries ont dû tuer plus de demoiselles qu'un équipage pirate au complet, ou au moins briser des jambes et des rêves. Je crois que je vais me remettre aux bonnes vieilles rangers et puis c'est tout ! J'attends alors, j'écoute la suite, me retourne laissant alors mon ami voir une simple paire de larmes qui ne peuvent plus être cachées. Un petit coup de manche et il ne reste plus de preuve de leurs existences qui fut des plus courte d'ailleurs.

"Oui, j'en suis sûre, c'est ma décision et je ne l'ai pas prise sur un coup de tête."

Je le regarde, est-ce qu'il a changé d'avis aussi vite ? Et c'est les femmes qui sont des girouettes ? Sérieusement, je me demande si ce n'est pas une erreur, mais a bien y réfléchir c'est bien ce qu'il a dit et ce malgré un air mitigé sur mon visage. Air qui se mut en petit rire que j'essaye de cacher derrière ma main quand il me dit que ce sera la première et dernière fois. Sérieusement, je vois mal comment je pourrais me faire repousser les membres pour les perdre à nouveau quand même. L'idée est tellement idiote au milieu de cette pression que j'ai cette réaction, surement à cause de la pression qui doucement se dégage.

"Je ne compte pas finir comme un robot comme tu le disais, ce sera largement suffisant déjà, certains diront trop peut-être. Oui ça me va"

Je m'attendais à beaucoup de choses, mais pas à voir des larmes sous ces yeux, des deux qui s'est qui joue le plus avec l'autre ? Non, en fait c'est juste Jaya qui nous a fouetté le cœur et l'âme, les blessures sont profondes et douloureuses et l'on se rétablit comme on peut. Que faire ? Je ne sais pas, si je me rappelle bien, quand j'étais triste, quand j'ai vu ce genre de situation une accolade est la solution la plus classique et une réponse normale, j'imagine. Alors je m'approche de lui, le colle contre moi avec une main le prenant derrière la tête et y caressant sa chevelure et collant sa joue contre ma poitrine, l'autre bras dans son dos. Je le caresse, j'ai un gros doute sur le fait que ce soit une bonne idée, mais dans le fond j'espère l'aider, même si j'ai un gros doute.

"Tu as le droit de pleurer aussi."

Dans le fond, je me dis que sortie de son contexte cette scène pourrait alimenter plus d'une rumeur, bon moi je m'en fiche, j'ai déjà la réputation d'avoir fait de la promotion canapé alors bon...

"Juste pour être clair, cela n'a aucun rapport avec le fait que tu as changé d'avis, c'est juste parce que tu es mon ami et que tu semblais avoir besoin."

Bon pas que je sois comme ça, mais j'ai l'impression étrange que cette situation l'est assez quand même. Maintenant que j'y pense et que la situation est passée, je me pose une petite question. Il me semble n'avoir jamais vu le petit qui suivait Craig, que ce soit sur le Léviathan et encore moins sur l'Hypérion ou Navarone, où est-ce qu'il a débarqué ? Bon en même temps, vu la taille du navire c'est assez simple de ne pas voir une personne, même si elle est petite et à ce genre de minois soi-disant adorable quand même reconnaissable. Je le garde contre moi, enfin s'il souhaite y rester, je ne le force à rien.

"Au fait, le jeune matelot avec toi il vient d'où ?"

Peut-être que c'est juste un jeune désoeuvré trouvé à Jaya et qui cherche la rédemption ou un chemin de salut au milieu de ces mers des plus dangereuses ?
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Le contact physique des écailles à la peau n'm'apaise pas vraiment, et j'ai plus tendance à m'demander comment j'en suis arrivé à mériter ça lorsque j'me fais caresser. Par quelqu'un d'autre qu'un uriko qui me prend pour un clebs, j'entends. J'm'écarte, les lèvres soudées, gambergeant brutalement. Les pensées filent plus vite que la lumière, c'qui explique pourquoi j'me retrouve si souvent dans le noir. La gorge sèche, les mots qu'arrivent pas.

Le jeune matelot. Euh...

J'dois avoir droit à un poil de cul de fraction de seconde de réflexion, avant qu'mon hésitation paraisse suspecte.

Nouvelle recrue. Récupérée sur Jaya... Il avait besoin d'une nouvelle famille lui aussi...

Ponctué d'un sourire qui s'lève, aussi radieux qu'un soleil, sur ma grise mine. Pourquoi j'mens ? Plus fort que moi. Pas envie d'affronter la vérité, alors que j'suis si désemparé, ces temps-ci. Le courage connait sa déroute prévisible, après avoir été autant sollicité, exténué, laminé, il fait qu'ramper sur les montagnes de conneries qu'il me reste à gérer. Faudra bien passer aux aveux et en assumer les conséquences un d'ces jours. Mais pour l'instant... j'cherche que la paix. Que j'ai vraiment du mal à trouver...

Bon... Faut vraiment que j'me repose. Alors on fera ça plus tard...

Mes mirettes témoignent de l'état désastreux de c'qu'il y a derrière elles. Rouges à croire qu'elles sont sur le point d'péter dans leurs orbites, humides à penser qu'elles se sont déjà liquéfiées, et encerclée par des cernes si sombres et envahissantes qu'elles ressemblent à des putains de coquard. V'là, j'suis KO. La fatigue, les amputations à la chaîne, la guerre, extérieure comme intérieure, les demandes glauques, ça m'a mis KO.

... faudra p'tete qu'on parle un peu avant, aussi... ou après, j'sais pas c'qui est le mieux.

Causer avant l'opération, ça m'empêchera de bâillonner mes chialeries pendant qu'elle sera sur mon billard et que mon unique rôle se réduira à la découper proprement. Lui causer après... c'est observer ce corps reprendre vie après que j'lui aie enfoncée ma scie à os dans l'épaule. Peu importe. Faudra bien que j'essore mon coeur saignant un jour ou l'autre au-dessus d'une bassine. Qui sera la bassine ?

J'dois repenser à c'que j'suis, maintenant. Prisonnier d'mon corps, coquille d'vase informe, plus jamais l'océan, mon temple, ne viendra m'offrir son infini de sérénité. J'suis plus qu'une bête de combat, tenue en laisse par un démon. J'aurais bien envie d'me venger sur mes écailles. Les crevasser au scalpel, regarder pleurer mon propre sang. Et kiffer. Mettre à mal cette enveloppe que j'ai jamais autant haï. Oh ouais. J'aurais pu céder au masochisme réparateur. M'ébouillanter avec ma propre rage. Ça m'aurait fait du bien, d'avoir mal. La souffrance est un si délicieux exutoire...

... merci Rei. En réalisant tes désirs, je comblerai les miens. Lassée de ton corps ravagé ? J'ai le pouvoir de soigner aussi bien les corps que les esprits. Pas les miens, par contre... Dommage.

Tu sais, tant qu'on y est... Si tu m'laissais plus de temps, je pourrais p'tete même... éventuellement... rendre ta cicatrice moins visible. Ta brûlure.
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J'ai dormi autant de temps que ça ? Demanda-t-elle en fixant le gosse dans la chambre avec elle, qui la regardait avec un petit air malin qu'elle n'appréciait que peu.

Avant qu'elle n'émerge de sa longue sieste, il n'y avait que Rei avec elle. Elle avait vaguement sommeillé éveillé pour remarquer la présence de Craig quelques secondes, avant de ne revenir complètement parmi les humains et observer de haut en bas ce brin d'homme lui faire face. Cheveux noir, comme Craig, visage de poupon, comme Rei, Lilou crut pendant un long moment qu'il s'agissait du rejeton de ses deux compagnons d'armes, avant de revenir brutalement à la réalité. Non, elle n'avait pas comaté pendant près de onze ans pour se refaire une santé. En regardant par le hublot, elle constata avec satisfaction et soulagement qu'ils étaient toujours à Jaya et qu'elle ne faisait pas des bons fabuleux dans le temps durant ses nuits.

Elle sortit de ses draps et fila derrière un paravent pour changer son pyjama en sa tenue de tous les jours. Lorsqu'elle revint dans la cabine, ce fut pour constater que Rei et Craig n'en avaient toujours pas fini. La porte fermée les empêchait d'entendre les tenants et les aboutissants de la discussion... du coup, Lilou s'attarda avec une certaine indifférence sur le gamin avec elle dans la pièce, sans trop essayer de savoir qui il était et ce qu'il faisait là. Elle le trouva petit, jeune, sans pour autant le souligner ou lui demander qui il était. Elle chercha un moment si elle connaissait son nom, mais haussa plutôt les épaules :

Ils sont toujours à papoter ? Questionna-t-elle en s'étirant, avant d'enfiler son manteau d'officier par-dessus sa tenue. C'qu'ils en mettent du temps...

Elle se rendit vers la porte et l'entrouvrit à peine. Elle jeta un coup d'oeil discret, pour regarder. Craig de dos, Rei le regardant, attrapant sa manche pour faire dieu savait quoi. La rouquine eut un petit sourire et un soupir, tandis que le gamin observait de la même manière qu'elle, juste en dessous étant plus petit. Ils ressemblaient à deux ninjas voyeurs espions en pleine mission de repérage :

J'espère qu'il l'invite à un dîner romantique pour que ça s'étale autant, là... Souffla-t-elle a l'attention du gosse avant d'ajouter en lui jetant un coup d'oeil : Tu ne trouves pas que... Et elle les désigna de la tête tous les deux.

Comme pour dire qu'ils formeraient bien un joli couple. Craig, le médecin talentueux homme poisson à la déprime facile, et Rei, pleine de vie et d'avenir encore timide à bord. Lilou envisagea pendant quelques secondes qu'ils se complétaient bien, avant de penser qu'ils étaient d'abord là pour l'opération que devait subir Rei...

Non, laisse tomber. C'était pour le mieux. Ils veilleraient plus tard aux détails qui relevaient de l'amourette. Il y avait tellement plus urgent à traiter... Comme... T'es qui toi d'abord ?
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Tu parles d’un plan foireux… L’idée c’était qu’Emil et moi on accompagne l’autre poiscaille au cas où un marine passerait et que l’homme poisson ne soit pas là pour assurer la défense des « clandestins », parce que, c’est-ce qu’on était actuellement. Mais pourtant, l’autre abomination nous laisse seuls, face à face avec une de ses collègues.
Attendre… Encore… Tsk, ce Craig a vraiment un pois chiche à la place du cerveau… en même temps les poissons n’ont jamais étés doués d’intelligence vous me direz. Fort heureusement, il semblerait que dans ce cas-là, c’est un point commun qu’il partage avec l’ensemble du bateau à première vue. L’autre rousse a pas l’air plus futée que l’autre. Pas curieuse, pas d’intuition féminine… rien… Ptet que c’pas une femme, si on s’en tenait qu’à son visage on aurait sûrement pu le penser.

Mais j’m’en tiens à ce que m’a donné comme instruction la bestiole, ne rien dire, rester aussi tendu qu’un soldat de base en garde à vous. Ne pas se trahir, surtout que l’uniforme était pas à ma taille… Même alors ce ne devait pas être assez pour masquer mon charisme débordant, c’sûr qu’elles se demanderaient si je faisais vraiment partie du navire. On remarquerait forcément quelqu’un comme moi. Cette qualité pouvait se transformer en défaut dans ces cas-là. J’bouge pas de là. Emil est dans un coin avec une… Serpillère ?! Où est-ce qu’il l’a trouvé ? Qu’est-ce qu’il fait encore ? Il nettoie ? J’le vois à son regard, il pense que c’est une tâche à faire d’un marine basique… bah s’il aime autant astiquer la saleté des autres, que grand bien lui fasse. Ca devait probablement lui manquer, ces tâches de pauvres.

J’me retourne à peine que la dame se mettait contre le mur, zieutant discrètement la salle où se trouvaient Craig. Je l’accompagne, chuis curieux quand même. Et là j’vois un peu comme une de ses scènes romantiques où chais pas quoi. Comment j’le devine ? En vérité, c’est la collègue qui me le souffle. Hmm… Personnellement, ça me donne la nausée… Mais en même temps, c’t’assez drôle. Un peu de divertissement, genre… C’est vraiment possible ça ? Couple insolite, donc forcément intéressant. Mais surtout, elle-même semblait plutôt intrigué par ce scénario. L’occasion pour moi de me la mettre de mon côté. Jouons dans ce sens là. Ca peut-être drôle, pour une fois.

« Un beau couple ? Si si ! Tout à fait ! Y a des signes qui trompent pas ! Tu sais. Pendant que tu dormais, j’les ai vus, à un moment, Craig il avait sa tête complètement sur la m’dame. L’genre de gros câlin que des amis ne se font pas que simplement entre eux ! »

Jouer les enfants gossip était tellement plus simple à jouer que l’adorable petit garçon. Je hochais la tête comme pour ponctuer ma phrase. Puis alors, je sortis mon stylo et le chargea d’encre rose. Je devais assurer ma défense, détourner son attention des soupçons qui pesaient sur moi. Bref, j’devais passer pour quelqu’un de bien ! Ne pas trop en révéler, trouver un autre objet d’intérêt !

« Moi ? C’Eriko, euh… Une nouvelle recrue, ptit protégé de Craig ! Enchanté ! Dis, en tant qu’amis, o devrait les supporter tu penses pas ? J’connais un chouette tour de magie pour ça ! Regarde ! C’comme une flèche de cupidon ! »

Je ferme un œil, concentré sur ma visée, que mon symbole s’inscrivent parfaitement sur mes cible, puis j’exécute. Je fais alors un en tracé en forme de cœur, l’encre jaillit légèrement sans dégouliner de mon stylo pour s’apposer sur les vêtements, dans un endroit discret sur les deux futur tourtereaux ! Un cœur rose apposé sur chacun d’eux.

« Color trap : Le rose de l’amour. Hi hi, on va accélérer les choses ! Faisons nous discret ! »

Mode ninja espion, pas caché dans un buisson mais presque. La scène promettait d’être divertissante ! Quiconque est marqué du symbole de l’amour d’Eriko se voit irrémédiablement attiré l’un par l’autre. Le moment pour eux d’avouer leur amour débordant… Même s’ils ne sont pas amoureux. Ca durerait pas tout le temps, mais ça risque fortement d’engendrer de nouvelles réactions une fois qu’ils se seraient réveillés de l’hypnose !
    Jaya, une île que l'on a réduite à néant, avec la justice comme œillère, je crois profondément en notre cause, mais j'espère seulement qu'il n'y a pas eu trop d'innocents impliqués. Cela ne serait pas forcement plus dramatique que la mort de dizaines de marines voir de centaines, mais eux n'ont pas signés pour ça et ont encore moins un entraînement pour survivre. Pourquoi ressasser ce genre de mauvais souvenir pas si éloigné, de nouvelle recrue, venant d'une île des plus blessée...

    "Le pauvre... Je t'aiderai pour sa formation si tu en as besoin."

    J'ai beaucoup de mal à réellement ressentir de l'empathie pour un mioche... Un enfant, mais je n'en suis pas moins consciente qu'il a certainement vu et vécu des horreurs. Au moins pour cette raison je ferais des efforts pour rester calme face à lui si c'est nécessaire. Il me dit qu'il doit se reposer, normal en ces temps, il a reculé alors que j'ai la vague impression de comprendre encore moins les autres que d'habitude, non de te comprendre. Plus de temps pour cacher ma cicatrice ? Il me semble avoir était clair il me semble.

    "Prend le temps dont tu as besoin, tant que ce qu'il y a a faire soit fait, on n'est pas à un instant près."

    C'est à ce moment que tout bascule, je me sens différente, comme si on m'avait mentalement mis un coup de pied au derrière, comme si tout était plus évident, plus clair. Pourquoi n'ai-je pas remarqué cela avant ? Peut-être que je me mentais pour éviter l'amère sensation de penser à lui en trop bien à cause de ce qu'il va faire pour moi. J'ai le cœur qui bat si fort, je n'arrive pas à quitter son regard, je crois qu'il a aussi réalisé l'inéluctable alors que je m'approche de lui a pas lent. Un regard timide, des joues rouges, je me surprends alors à me coller contre lui.

    "Tu vas partir déjà ? Très bien, mais..."

    Il est si irrésistible, plus que jamais et pourtant j'ai tellement l'impression que tout cela est irréel. Peut-être que c'est un rêve, que je suis tombée inconsciente à moins que je dorme encore, alors que doucement mes lèvres s'approchent doucement de son museau. Est-ce que je suis folle ? Oui, mais plus que d'habitude, quitte à rêver, autant laisser ce doux songe continuer, tellement réaliste alors que mes lèvres entre en contact avec sa peau. Je me recule, j'en ai mal au cœur avec le souffle court.

    "Je... J'ai eu tellement peur de te perdre, tu ne vas pas disparaitre hein ?"

    Quelle question stupide ! Et puis c'est quoi cette position digne d'une gamine, aller sayons gentil, d'une adolescente prépubère devant son premier grand-amour ?! Même pas une phrase intelligible, je n'ai jamais fait ça, même devant Salem ce fameux soir. C'est trop irréel pour être la réalité, je me laisse doucement couler dans ces sentiments émergents, laissant mon cœur agir en tyran face à mon esprit et le mener à grand coup de cravache, laissant mes doigts caresser son cuir lentement.

    "Pardon, tu dois avoir vraiment sommeil. Tu reviendras me voir ? Repose-toi bien, tu me manques déjà..."

    Mon corps agit tout seul mon cerveau amorphe le laissant faire sans problème, comme si l'on était dans un mauvais roman à l'eau de rose je ne trouve rien de mieux à faire que de lui voler un baisé, doux pétales de rose se posant sur un lac aux eaux sombres. J'agis comme si j'allais le perdre à jamais, sans trop oser le regarder davantage. Je le laisse partir, mais jusqu'à quand ? Pourquoi de telles questions, je vais le revoir bientôt, mais même là, c'est trop tard.
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    La machine répond plus. Mon malaise dégénère en une putain de gangrène qui me pourrit l'corps entier en grimpant bien peu à peu jusqu'à l'esprit... La fièvre. Sûrement la fatigue qui reprend ses droits. La bouche pâteuse, et quelque chose d'indescriptible qui perle à l'intérieur. Comme un aveu qui s'englue dans un bouillon d'émotions corrosives. J'ai dis qu'ce n'était pas l'heure des aveux. Qu'ils sont comme ces canons qui ont tonné pendant des heures : assourdissants, impitoyables, destructeurs. La paix. Quand est-ce qu'elle s'est encore éloignée, celle-là ? La fatigue. Probablement la fatigue qui me décapite sur place, par derrière, avant même que j'aie pu adresser mes dernières prières à... Non...

    Pourquoi j'peux plus décoller les yeux ? Rei est devenue magnétique. D'un seul coup. J'ai beau essayer de décrocher, elle m'attire, même alors que j'me force à tourner le dos pour m'éloigner. Un putain de trou noir m'avale cru et j'ai beau puiser un peu de lumière dans ma mémoire pour y échapper, il la gobe aussi sec à son tour. J'appelle les souvenirs en renfort. C'n'est que ceux qui me présentent Rei qui accourent. Sa voix, son odeur, sa gestuelle et son regard, son histoire.

    Ce baiser. Je l'ai presque aimé. J'suis écoeuré d'avoir pu lui offrir qu'une peau écaillée, gluante et puante. Elle a pas vomi après coup. Pourquoi ?

    J'en ai les pattes qui tremblent, les os en castagnettes dans leur chair boueuse. J'ai vraiment l'impression d'palper un sentiment neuf, là. Quelque chose qui surgit d'un seul coup d'mon alchimie intérieure, le plomb se dore, mon coeur d'or cogne terriblement fort, c'est comme si j'avais métamorphosé ce profond mépris de moi en...

    ... en amour... non...

    Pas possible. Le rose a jamais fait partie d'ma palette de troubles. J'ai l'intérieur aussi terne qu'les écailles, un amoncellement d'grisaille. Seul le bleu ciel du frangin était apte à peindre un peu d'couleur par-dessus le sombre. Qu'il me catapultait au sein du dernier élément qui m'accepte toujours sans parvenir à me tendre la main. Le ciel. La terre ne m'a jamais apprécié, la mer m'a renié. Le ciel. Le ciel me sourit encore, même endormi.

    On se reverra très bientôt. T'inquiètes p-pas.

    Et ce ciel éternel suspendu au fond d'mes mirettes, je le vois se refléter dans les tiennes.

    Et... Je... Hum.

    Trop brutal. J'déglutis, pour m'empêcher de baver quelque chose que je regretterais dans la seconde. Non, que je regretterais tout en la disant. C'est comme me recevoir un putain coup de hachoir dans le crâne, sans qu'il n'arrive à m'buter. C'est voir la poigne qui tient ce hachoir elle-même frissonner. Qui prolonge mon agonie à une éternité qui s'étendra jusque dans mes cauchemars. C'est tout ça. Mais en beaucoup, beaucoup plus doux.

    Sûrement cette douceur qui m'a scié les guibolles et la langue. Tellement de guimauve à en chier des blocs d'arc-en-ciel, à en dégueuler du coton, celui dont sont bâtis les nuages blancs du ciel. J'ai pas l'habitude de ça. Ce vertige. Pour une fois, ce n'sont pas mes émotions qui me contemplent, c'est moi qui les observent me transformer.

    Mais qu'est-ce qu'elle vient foutre, cette douceur, sinon m'remuer le hachoir dans la plaie ? Elle qu'enfonce la porte de ma conscience pour l'annexer à l'improviste, qu'est-ce qu'elle a de plus à m'dire, si ce n'est d'encore souffrir ? J'ai pas le corps adapté. Laid, visqueux, empli de noirceur. Créature aqueuse qui connaîtra jamais plus que la vase de ses lacs sans fond. La nature m'a difformé bien avant qu'la guerre ne saccage son visage, à elle. C'est depuis la naissance que sur la terre ferme, j'me croyais privé du plus vicelard des parasites. Putain d'Amour. Viens m'narguer.

    C'était là, au fond de moi. Je t'aime, Rei. J'sais pas pourquoi, j'ai pas eu le temps d'le voir venir. C'était brusque, sale, glauque, comme un hachoir dans le crâne. Si peu de temps qu'on se connaît et la foudre m'aurait déjà grillé ? J'me connaissais pas cette faiblesse, putain ! J'me croyais immunisé à cette maladie à faire chialer les ménagères dans leurs chaumières. Parce que j'ai les yeux tournés ailleurs, vers un monde meilleur. Et tout compte fait, jamais pris le temps d'vraiment penser à moi. Infect. Mais ça s'impose à moi avec la virulence du sang semeur de discorde : je t'aime, j'y peux rien.

    J'y peux rien...

    Pas que... Pas que tu aies tant besoin que ça d'un rafistolage, tu sais ? Tu restes très belle comme ça...

    J'me force à tourner la tête, à m'en faire craquer la nuque, pour camoufler ce sourire niais qui me capture les lèvres. Qu'est-ce que j'ai l'air con et louche quand j'souris... J'devrai t'opérer, violenter ton corps à coup de scalpel. T'offrir un nouveau toi, mais à quel prix ? J'ai craché une promesse, j'la tiendrai jusqu'au bout, puisse-t-elle me ronger le coeur. On est plus à ça près...

    Avant de prendre le virage, dernier oeil pour Rei. Souvenir du baiser. Malaise. Peur d'avoir déçu. D'avoir shlingué, au mauvais moment. Et en arrière-plan, l'impression d'oublier quelque chose. M'étonnerait pas. Une nouvelle fois, l'univers entier s'est évidé de toute sa substance pour me confiner dans ma p'tite bulle d'une tendresse... terrifiante.

    B-Bonne nuit, à tout à l'heure.

    Je t'aime, autant que je me hais.
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