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Les Affranchis

Les Regrets.

Ça pourrait être le titre d'une nouvelle d'Albert Camus, mais ça n'est qu'une des facettes qui organisent ma morphologie en strates éparses et chacune en froid avec sa voisine. J'ai quelque part au niveau du coude gauche la couche de graisse et de nerfs qui s'apparenterait à la culpabilité. Un truc directement relié au poing par un tendon à fleur de peau et comme une corde de piano : pas besoin d'y toucher fort pour qu'il réagisse au quart de tour et n'emboutisse des murs ou quelques nez tournés dans ma direction. Plutôt ferrugineux, y'a le pessimisme, présent dans un bon tiers de ma cage thoracique volumineuse, qui se partage la place avec le côté je-m'en-foutiste de mon corps. Frangins par naissance et chacun cherchant à empiéter sur l'espace de l'autre, tout en étant généralement d'accord. Y'a bien sûr au milieu de tout ça ma tête mon cœur et mes couilles, des putain d’égoïstes qui ne s'entendent avec personne, pas même avec moi. Dans mon pied droit se tassent les remords, qui s'agitent les nuits courtes ou les journées sales. Et ils s'entendent bien avec les regrets, ce qui est assez rare pour le noter.

Là, on vient de finir une journée sale. La seconde sur les flots en compagnie d'une fille qui se prétend grande à cause de ses expériences et d'un vieillard qui se bloque le dos toute les trois heures parce qu'il se prend pour un jeune. Alors moi, comme le soleil descend lentement se cacher derrière un horizon qu'il prend pour son lit deux places et bien chauffé, je fume tranquillement en tenant la barre. J'essaie de pas trop penser à n'importe quoi – ce qui est clairement peine perdue – et m’abîme dans la contemplation des jeux de couleurs sur les nuages livides à cause d'une vie de merde. Même leurs dessins me donnent l'impression qu'ils veulent se suicider, les pauvres cumulus. Allez pleuvoir sur la tronche d'un monstre marin, il l'aura bien cherché, et ça aura tout d'une fin héroïque pour vous ; vous feriez presque peine à voir si vous aviez des émotions et des sentiments. Mais je me rends vite compte à mon pied droit qui bat frénétiquement une mesure visiblement acouphène que je retranscris une fois encore mes propres humeurs sur ces pauvres êtres blancs. D'une chiquenaude, je balance ma clope à la flotte et me tourne vers le vieux peintre qui, ostensiblement, a le mal de mer uniquement quand le soleil menace de se coucher.

T'as vraiment peur du noir ?
-'Si j'vois pas tout autour, comment qu'je fais pour peindre un truc de beau et d'fugace ?
Tu feras comme avec l'oiseau de paradis. Et tu la fermeras.

Une nouvelle nuit s'annonce, aussi longue et chiante que la précédente. Non pas que dormir au milieu d'un océan vide me pose des soucis, hein. Du moins pas plus que de dormir dans une baraque pleine de termites et bouffée par les flammes jusqu'au cœur. Mais c'est plutôt ne pas dormir au milieu d'un océan qui me fait chier. Entre le dégarni qui ronfle dans mon lit, le Cormoran qui RONFLE et la blonde qui... qui... rah merde alors. Elle y est pour rien cette fois. Con de réflexe, j'aurais vraiment cru pourtant. Bref, je passe des pseudo nuits blanches et je regrette presque le confort acide des rues de Hinu Town. Je regrette un peu plus à chaque heure qui passe. Tout en étant persuadé d'avoir fait le bon choix. Juste, faudrait que mon pied droit s'en rende compte. Et puis que niveau journée sale, j'ai déjà connu pire.

En parlant de ça, mes narines tiquent soudain et je tire la tronche. Ça sent le cramé. Et sur un navire, c'est jamais bon. Mais lorsque tu sors des entrailles du Berkois, pourtant pas bien profond, c'est l’œil goguenard et pour annoncer que le repas est prêt. J'arque un sourcil en te voyant plonger à nouveau dans l'une des cales aménagée en cuisine. Et je regrette de t'avoir demandé de faire la cuisine. Autant la première fois, t'as refusé avec un air dédaigneux, mais visiblement, devoir tenir la barre dans le soleil couchant pendant que je m'en occupais avait filé des idées saines et absconses au primé vieillard sans nom. Rapport à la lumière, ou une connerie comme ça. Il t'a peint, toi et un bout de Cormoran qui passait par là, en photobomb, et faut croire que ça t'a coupé l'envie de tenir la barre pour les prochains couchers de soleil. Et me voilà assis en tailleur devant un plat carbonisé quand tous les autres ont l'air vachement appétissants. Et vachement moins cuits.

« J'ai voulu faire flamber le whisky des fruits de mer... » m'explique-t-elle en guise d'excuse en haussant les épaules.
Je me demande si t'auras encore le goût des saloperies si je t'arrache la langue.
-'Tadakimasu !
-Braaaaaaak !
Ouais c'est ça. Bon app'.

Autant dire que j'ai pas mangé des masses. Et c'est un euphémisme.

Après le repas, la barbu se propose pour faire la vaisselle et le Cormoran se blottit à ses pieds et s'endort, la tête entre ses ailes, secoué de hoquets. Sans doute à cause de son allergie qui ne l'empêche pourtant pas de dormir à poings fermés malgré que le vieux fredonne un air guilleret qui avait dû inspirer à Mozart son Requiem. Je retourne faire semblant de digérer mon repas déjà assimilé et me promets que demain, c'est moi qui ferai à manger. Toi, tu allumes une lampe à huile avant qu'il ne fasse trop sombre pour qu'on ne puisse plus y voir. Je garde le cap vers l'Ouest, comme nous l'avait indiqué la dame qui tenait la prison/vente de tapis à Là-Bas. Vers la lumières résiduelle du soleil couchant. Mon étoile du berger. Parce que mine de rien, j'aime pas trop la nuit non plus. Trop sujette à hallucinations dans le noir et les ombres. Ouais, ça me fait chier d'écrire des conneries comme un puceau qu'aurait vécu un drame familial avec morts atroces et images traumatisantes et terreurs nocturnes et plein de trucs sombres, mais putain c'est douloureux comme c'est vrai en fait. Mon pied s'agite un peu plus vite et finit par instaurer dans le silence d'une mer paisible un métronome qui m'aurait agacé à ta place. J’oublie ta présence. Peut-être est-ce la même chose pour toi, ton regard plongé dans le lointain, vers l'horizon que je cible avec une détermination que je sais fabriquée de toute part, falsifiée par mes désirs inavoués de pardon et mes penchants coupables qui m'empêchent de fermer l’œil, certaines nuit, sans les y voir, toutes les deux, les orbites vides, les mains tendues dans cet appel auquel jamais je n'aurai

« Je savais qu'il y avait un truc étrange. »

Je sursaute presque alors que tu m'arraches à mes pensées grotesques. Le monde s'illumine à nouveau des couleurs que mes yeux ont savamment occultées et je t'en serais presque reconnaissant. Je grogne un coup, parce que je sais pas quoi dire d'autre pour l'instant et que, de toute façon, je suis pas sûr que j'aurais pu articuler quoique ce soit de compréhensible d'ici les cinq prochaines secondes et j'attends la suite de ta phrase.

« C'est pas le soleil. C'est une île »

Tu veux parler de la lumière que je suis ? Sérieusement ? Vache d'éclairage sur la suivante. J'espère au moins qu'elle aura un nom l'île cette fois-ci. Je veux dire un vrai quoi.
Et comme tu le disais, il faut moins d'une demi-heure pour que la ville se découpe dans le ciel noir qui lui sert d'arrière plan.

Les tours sont gigantesques. Elles ont peut-être la taille d'une tour Eiffel. Et les tours sont nombreuses. Pas moins de dix, concentrée sur la côte Sud, avec deux ou trois légèrement vers le centre. Le reste de l'île est très large, vraiment vaste. Je ne suis pas sûr d'arriver à discerner l'horizon des côtes et des flots, mais en revanche je vois clairement la montagne, au Nord, qui borde la ville mais dont je perçois les flancs rapiécés, usés, écornés, érodés. Mais les tours, elles, fument. Comme si en leur cœur se terrait un Dragon géant ou des fourneaux d'Erbaf. Mais le plus fantastique reste cette lueur irréelle qui illumine la voie et les cieux. J'aurais presque l'impression de regarder Rome sous le joug de Nero.

Et c'est là qu'on va...


Mais si je devais être honnête avec moi-même, ce qui reste à la fois extrêmement facile et d'une difficulté frustrante, je ne pourrais même pas regretter d'être parti. Parce que j'ai troqué un non foyer contre un non foyer. Parce que j'ai échangé une errance psychologique contre une errance physique. Parce que je n'ai pas su me débarrasser de mes défauts ou de ma violence. Mais aussi parce que j'ai envoyé bouler ma solitude d'un revers, que j'ai ouvert une porte que j'ai toujours craint de pousser, et que j'entame enfin mon pèlerinage vers le repentir. Pourtant, je me demande vraiment

Mais pourquoi j'ai pris ce Con avec moi ?

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Du haut de la plus tour de l’île de Verne, une épaisse fumée écarlate jaillit. Presque aussitôt, de multiples volutes colorés répondent ci et là, échos plus discrets du message de la grande cheminée : il est temps de se mettre au travail.

Groum. Poum. TCHAK. FSSHhhh.

Petit à petit, les machines, énormes bêtes rugissantes, se mettent en marche. Dans la brume du jour naissant, avant même que les coqs mécaniques des quartiers n’aient entonné leur chant, les ouvriers s’affairent. Outils sous le bras, sacoches à l’épaule, plans à la main, ils se dirigent tous vers les imposantes usines de l’île.

Bientôt, la rumeur enfle et, partout, on entend gronder les extraordinaires rouages qui assurent le fonctionnement de la ville. Une heure passe et les nuages de vapeurs succèdent aux chapes de brume. Le soleil se fait timide aujourd’hui, mais Verne brille, comme à son habitude. Grâce à un savant agencement d’engrenages polis comme des miroirs, les reflets moirés des feux et des éclairages auréolent la ville d’un halo éclatant. L’île mérite bien son surnom de Soleil de West Blue.

A mesure que les minutes passent et que les ouvriers disparaissent au sein des multiples ateliers, c’est au tour des milliers d’habitants de Verne de peupler les rues. Badauds ou travailleurs, ils investissent les routes et l’île devient fourmilière. Des groupes d’enfants se dirigent à l’école pendant que leurs parents vaquent à leurs diverses occupations. Ici, une femme ouvre grand les volets de son troquet, dépose un large tableau des tarifs et s’affaire à mettre ses tables en place. Là, un horloger observe avec minutie le curieux pendule qu’un client matinal lui a apporté.

Sur une place, une équipe d’entretien décharge les pavés de leurs ordures. Ils balaient avec énergie les larges dalles de pierre noires avant de prendre une pause à l’ombre d’une imposante bâtisse de bois sombre. Ils plaisantent avec quelques commerçants et saluent des habitants routiniers qui empruntent ce chemin tous les jours. Dans le bruit ambiant des mécanismes qui encombrent la ville, ils doivent parfois hausser le ton et des mots se perdent, mais hormis quelques touristes, personne ne s’en souci.

Quelques rues plus loin, là où les surfaces sont usées et où on ne prend plus la peine de polir les engrenages, le bruit est plus important, l’usure et le rouille provoquant des cliquetis et des crissements irritants auxquels les habitants se sont accoutumés. Suffisamment pour que les cris soient audibles depuis la rue voisine.

« AU VOLEUR ! AU MEURTRIER ! MA MONTRE ! IL VEUT TUER MON TRAVAIL ! »

***

Une île, ouais. Une putain d’île dont la gueule ne rassure pas Louise. Avec tous les karmas de merde réunis sur le rafiot de l’autre Abruti, aucun doute qu’ils allaient encore tomber sur une embrouille. C’est déjà surprenant qu’ils ne soient pas pris une tempête au coin du nez et qu’ils n’y soient pas tous passés. Mais patience. Il n’est jamais trop tard pour bien faire.

L’avantage, c’est que ce coup-ci, l’île a l’air civilisée. Par de pêcheurs arriérés, d’humidité tropicale, de village paysan au nom débile… Non, de la vie, de la machinerie, presque trop. Il est là le piège ? Louise soupire mais ne dit rien. Au moins, jusqu’au port le plus proche, l’eau est calme et, quitte à crever, ce sera au sec.

« ‘C’est beau. »

La blonde ignore les propos contemplatifs du vieux peintre. Elle a pris l’habitude de ne plus l’écouter, maintenant. Au lieu de cela, elle jette un œil à son compagnon d’infortune qui manie la barre. Il a l’air aussi sceptique qu’elle et elle ne peut pas lui en vouloir (pour une fois).

« Tire pas cette gueule, faut y aller pour se débarrasser de ça. »

Elle agite la main en direction de la proue du berkois, mais le geste est flou et il est impossible de savoir si elle désigne le peintre ou le cormoran. Peut-être les deux. Toujours est-il que l’animal a l’air aussi fasciné que le vieux par la lumière de l’île. Et, à mesure que le curieux équipage s’approche des berges, Louise se demande si l’oiseau ne va pas finir par tomber à la flotte à force d’allonger le cou pour s’engorger de clarté. Pour une bestiole qui n’a pas la lumière allumée à tous les étages, autant dire que c’est pas du luxe.

Finalement, la petite troupe débarque dans un port encombré où des bateaux à vapeurs côtoient d’étranges embarcations dont le fonctionnement repose sur des imbrications de rouages. Louise ne peut s’empêcher d’être perplexe, mais elle ne s’attarde pas, contrairement à l’autre tache qui détaille curieusement les navires de diverse taille. Et derrière lui, le vieux et le cormoran, visiblement devenus meilleurs amis du monde pendant le voyage, trainent les pattes en regardant autour d’eux avec ravissement.

Râlant comme à son habitude, Louise rappelle la petite troupe à l’ordre à l’aide de propos bien sentis et d’injures ressenties. Aussi, après quelques minutes, ils se remettent en marche jusqu’à quitter le port et pénétrer réellement en ville. Au passage, ils croisent un large panneau « BIENVENUE A VERNE » et Louise se dit qu’elle n’a jamais entendu ce nom. S’agit-il de celui de la ville ou de l’île ? Au final, ça ne lui importe pas tellement.

Rapidement, elle accoste un homme dans la rue pour lui demander où elle peut trouver le bureau de la Marine le plus proche.

« Ça doit être rue de l’Amiral Céldèborde. »
« Et c’est où ? »
« Alors vous suivez l’avenue Fenyang, l’ex-avenue Arashibourei, jusque devant le stade de Sheepball. Vous devriez arriver dans le quartier nord-ouest, on l’appelle aussi le quartier des boussoles, et là vous prenez à droite à côté de l’école des horlogers, c’est l’école Alice, et vous tournez encore à droite pour reprendre la rue Sentomaru Kenpachi jusqu’au croisement Beckman qui devrait vous amener à gauche de la place des Noms où vous trouverez l’impasse Basara et vous serez arrivés. Mais si vous passez par la grande rue d’Impel Down et que vous coupez par le boulevard Gharr Hadoc pour traverser toute l’ancienne rue Tahgel qu’ils devaient rebaptiser Rossignol Edouard Désiré, mais vous comprenez bien… Du coup, ils attendent de voir si le Commodore Jenkins trahit ou pas, on sait plus quoi penser avec ces trahisons constantes ! Bref, en passant donc par l’ancienne rue Tahgel et en suivant la direction du quartier des néons, vous devriez aussi trouver l’impasse Basara, et ce sera peut-être plus rapide. Bonne journée ! »
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Les rues bondées sont larges. Elles sont minutieusement décorées de lampadaires en fer forgé et bordent les trottoirs à intervalles réguliers. Peut-être même trop à mon goût. Les devantures de chaque magasin devant lequel on passe, le nez en l'air à capter les détails de couleurs, de forme ou de fonctionnement pour nourrir notre curiosité, sont parées de plusieurs horloges et sont pour la plupart agrémentées de trous prodigieux dans lesquels s'encastrent des machines complexes. Elles fument et grincent et activent et moulent et fusionnent et crient. Même en pleine rue, entre deux piétons et trois cyclistes, un kiosque de ce qui ressemble à un vendeur de journaux émet des bruits secs et stridents, souffle et cogne, coulisse et déplace, renâcle et râle. Et meurt. Le vendeur, un jeune homme emmitouflé dans une tenue de travail généreusement bleue et  honteusement huileuse, sort en trombe comme un diable de sa boite et se précipite au secours de sa tendre, affolé. Je l'entends pleurnicher sur son sort à propos d'un patron qui sera pas content ou un truc du genre. Pas longtemps, parce qu'un homme d'une quarantaine d'années bien tassées – au moins autant que ses vertèbres vu sa taille – me passe devant si vite qu'il trébuche sur mon pied et m'écrase copieusement le petit orteil. Avec ses grosses chaussures de sécurité. Le temps que j'avale un juron il avait déjà renversé le Cormoran étrangement discipliné ce matin. L'homme se retourne en s'excusant, remet sa casquette d'aplomb sur ses cheveux auburn coupés courts et s'enfuit de plus belle, pressé comme un citron.

CONNARD ! Que je lui lance à la volée comme il s'esquive derrière un parterre de fleurs hautes.

Et c'est partout comme ça. Les allées sont larges, et si je me suis demandé pourquoi en arrivant, j'ai compris en voyant débarquer de nulle part et disparaître au coin d'une rue un carrosse aussi pressé que les passants, aux dimensions d'un petit appartement et tiré par des Coqs de la taille d'une Autruche. Ils étaient douze, de grosses lunettes d'aviateurs vissé sur leurs becs, et allaient au moins aussi vite que des Autruches. Je suis même prêt à m'attendre à ce qu'ici, ça s'appelle des Autruches. Et si on a de la chance, ces bestiaux ne chanteront pas au lever du soleil demain. Même si j'y crois pas le moins du monde.

Demain matin ce sera Boules Quies pour tout le monde.
-'Sont rapides.

Ici, s'il y a une chose à retenir de la vie, c'est déjà qu'elle est très communautaire ; et pourtant, c'est chacun sa merde. Avec l'itinéraire en béton que nous a refilé le con lambda du coin, on a eu le temps de croiser de quoi se faire une idée. Le garçon du kiosque à journaux, déjà. Seul garçonnet pour gérer toute une machinerie ultra complexe à coups de pistons, d'huile et de four à charbon, mais qui fera à l'arrivée tout pour lui. Le papier, l'encre, la typo, le collage, le recopiage. Lui sera l'instrument qui enlèvera les gravillons dans ses rouages nombreux et multiples et disciplinés et diversifiés et apparents. Hé. Je me demande qui des deux gagnera le salaire à la fin de la journée. Pauvre garçon. Il aurait mieux fait d'aller lessiver les chaussures de grands hommes ou de tenir la porte aux dames rabaissées. Il aurait au moins eu le réconfort d'un bonjour de charité et d'un pourboire hypocrite. Il aurait gardé son habit propre et son sourire figé. Chacun sa merde. Pauvre garçon.
Après, y'a les écoles qu'on croise. Des portails décorés, des enfants bien habillés et des professeurs soignés. Ici une place étriquée mais aux cris de joie et aux musiques conviviales, cernée d'arbres dont les feuilles semblent peintes de couleurs aléatoires. Et partout des fontaines, partout de grandes horloges vers lesquelles toutes les têtes se tournent unanimement lorsque sonne un carillon, partout ces vapeurs, ces fumées, ces bruits et ces cris.

Putain de ville ! J'ai l'impression que mes tympans sont en train de me rentrer dans les oreilles pour me hurler grâce. J'ai pas l'âge d'être dur d'oreille, mais je l'aurais presque voulu. Et c'est bien la premier fois que je rêve d'échanger mes problèmes de vision contre des problèmes auditifs. Mais bon, faut reconnaître que je serais pas forcément gagnant au change. Je t'entendrais moins, certes, mais je serais obligé de me coltiner ta tête de racoleuse au quotidien, et ça me ferait mal, je crois. Alors je prends sur moi et je fais la sourde oreille. Ce qui me permettra par la même occasion d'ignorer ce vieillard sénile qui n'arrête pas de s'extasier devant la couleur d'une fumée, celle d'une feuille ou celle d'une femme. Et vu sa tronche, je veux bien croire qu'il en a pas vu depuis longtemps. Une qui n'aurait pas fui devant sa dentition imparfaite, j'entends.

C'était l'école des horlogers ? Il a dit... à droite non ?

Les dédales de rues sont infernaux. Y'a des panneaux partout, heureusement, mais paix à notre âme, ils sont écrits en pas moins de sept langues différentes et traduits en pas moins de quatre code couleur. Lorsqu'on a de la chance, une plaque minérale est vissée dans un mur de brique et de poutres décoré de lierre et de fleurs. Et sur la plaque, des noms sont inscrits avec des flèches et des symboles. Je crois qu'on est dans le quartier Sud-Sud-Est du coup, mais ça nous avance pas à grand chose de le savoir. Et quand on a moins de chance, on tombe sur un carrefour bondé de monde – course rapide, montre à gousset sur l'épaule et béret sur la tête – au milieu duquel trône un panneau d'indication de la taille d'un arbre et d'où sortent avec un chaos maîtrisé des dizaines de pancartes de bois verni, décorées à la main, indiquant des douzaines de lieux, de rues, de quartiers, de synagogues, d'entreprises, de cimetières, de supermarché, d'écoles, de places du marché, de piscines, de Centre de Désintoxication des Eaux Usées par le Temps ou des Étuves Répétées de l'Eau de Pluie (cette pancarte étant si longue qu'ils l'ont enroulée autour du poteau pour ne pas qu'elle tombe), de garderies, de Services de Poste, de garages de galino-tractés, de commissariats de marine, de

Putain enfin.

J'attrape par l'encolure deux ahuris qui s'extasient devant un magasin de vente de jouets à ressort et remontées mécaniques, arrache le singe aux cymbales des mains de notre Darwin et m'élance dans la direction que donne le panneau. Et je trouve fou la quantité de monde qu'il y a dans les rues. Comme si personne n'avait de chez soi, ou que personne ne restait chez soi en journée. Ou que personne n'aimait la solitude. Vie en communauté disais-je. Où que l'on tourne la tête, toi et moi, c'est pour voir un groupe de dame en robes et ombrelles colorées discuter joyeusement, des groupes d'hommes harnachés pour le travail, où sangles et cuir sont de mises. Il n'est pas rare de voir passer des groupes de tourterelles voyageuses. Je dis ça à cause des sacs qu'elles transportent et des numéros inscrits à l'encre blanche sur des pans de cuir qui les sanglent. Je sais pas trop où on a atterri, mais cette île semble de bien tourner et il n'est pas bien dur de se rendre compte de ses principales sources de revenus. Et à quel point la population est tour à tour détendue et stressée par les aiguilles d'une des centaines d'horloges qui tournent continuellement. J'imagine que même les mobiles au-dessus des landaus des mômes sont de gigantesques pendules de mouvement perpétuel.

Dans le lointain, une corne de brume retentit, ce qui surprend la majorité de la population car en dehors des demi-heures régulières où sonnent d'ordinaire les carillons divers. Un cycliste s’emmêle les pédales, un panneau change subitement de direction, et un serveur renverse malencontreusement son jus d'orange sur le Cormoran qui pépie de stupeur et se fige à l'image d'un type durant le ice-bucket-challenge.

-Braaaak !!!
-Oh pardon, je suis vraiment vraiment vraiment désolé, confus, navré, déconfit, maladroit, patin à roulettes...
La ferme et dégage du chemin.

En réponse à ce cor aussi curieux qu'énigmatique, un jet de fumée écarlate envahit le ciel. Plus proche de notre position, un fumigène de la même couleur sort d'entre une bouche d'égout. Et dans notre dos, dans le kiosque à journaux, le garçon frappe soudain dans un tuyau, puis dans une turbine qui lâche à son tour un très lourd nuage de fumée carmine. Il tousse à s'en déchirer la mâchoire puis court récupérer les liasses de papier que la machine vomit à flots réguliers avec des bruitages pas moins engageant que si elle rendait réellement son repas. Et puis c'est comme un vrai petit scout à qui on aurait demandé de danser en rond et de faire le singe que le jeune travailleur brandit des journaux tout juste imprimé en scandant les gros titres. Enfin, le gros titre. Le journal ne fait qu'une page. Ça c'est de l'information en direct.

-La banque du temps vient d'être cambriolée ! Achetez les gros titres ! Des voleurs se sont introduits dans la banque du temps et on volé le Temps ! Les dégâts sont encore méconnus !
Héhé. Il est con ce gamin. Personne achètera une info qu'il a déjà do

Un homme avec un chapeau haut de forme et une queue de pie rouge lève soudain  la main et échange la feuille de papier contre une petite liasse de billets.

MAIS C'EST PAS POSSIBLE PUTAIN !!!

...Tout ça juste pour venir me contredire...
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« J’en ai marre. »

Sous l’œil indifférent des badauds occupés à s’arracher une page de journal, Louise s’assoit par terre, au milieu de la rue.

Alors qu’une agitation folle règne autour du trio, elle se sent soudainement lasse. Trop de bruit, trop de monde, trop de vie. D’un coup, comme ça, elle a marre de toute cette absurdité. Elle a eu son lot de connerie pour une vie entière et, pourtant, le destin continue à s’acharner. Une banque du temps cambriolée ? Combien de chances que ça leur retombe dessus ? Et puis d’abord, qu’est-ce que c’est une banque du temps ?

Dans la ville, les fumées retombent et embaument les rues de leurs odeurs nauséabondes, les colorent d’une brume étrange à peine tangible. L’aspect est surréaliste. Pour ne rien arranger, les machines s’affolent de plus belle, leur grincement devenant insupportable, entrecoupant les paroles de la foule, privant le monde du droit de s’exprimer.

Trop de bruit, trop de vie. Une migraine pointe le bout de son nez alors que la jeune femme refuse de bouger. Peut-elle faire grève contre le destin ? Son crétin de compagnon de voyage ne semble pas de cet avis. Oh ce regard agacé, meurtri, accusateur… Ces iris presque plus lasses encore que les siennes…

« Quoi, t’essayes de m’arracher la gueule avec tes yeux ? Si t’as un truc à dire, fais-le avec tes poings, ça te réussit mieux ! »

Elle lui crie les mots, mais aucun ne parvient à couvrir le brouhaha mécanique. Elle explose elle aussi, sans raison apparente, avec la même brusquerie que le vacarme soudain.

A quelques pas, le cormoran et le peintre observent avec intérêt une fresque murale faite de cuivre et d’argent. Ils n’ont pas l’air de se rendre compte de la situation. Mais Louise s’en cogne. Elle a mal au crâne et à la raison. Un peu de silence ? Refusé. L’impasse des Noms ? Plutôt des non. Sans majuscule. On ne met pas majuscule à l’injustice.

Puis voilà que l’autre ahuri maugréé quelque chose qu’elle n’entend pas. Il tend le bras, la soulève par le coude avant qu’elle ne se fasse bousculer. Elle ne le remercie pas et dégage son bras violemment, un regard noir en prime.

Avec une grimace, elle pose les doigts sur son front, tente de masser la zone sans que pour autant la migraine ne diminue. Comment le pourrait-elle alors qu’un groupe de soldats débarque sur la place, leurs talons claquant violemment contre les pavés.

Tac. Tac. Tac. Tactactactac.

La mélodie de la justice se perd dans le chaos des crissements métalliques.

Enervée, la blonde se dirige vers le peintre et le piaf pour les tirer de leur contemplation. Elle a une prime à récupérer avant de pouvoir dégager d’ici, avec ou sans le consentement de l’autre crétin.

« Merde. »

Trop tard. Elle a détourné les yeux, observé les Marines arriver. La foule s’est écartée, lui a barré le passage vers la fresque. Le cormoran et la prime se sont noyés dans le monde. Et l’autre, malgré sa taille, semble aussi désemparé qu’elle, incapable de repérer l’improbable duo sur la place. Pour peu qu’ils se soient engouffrés dans une ruelle, ils vont mettre des jours à les retrouver.

S’ils les retrouvent.

Et merde.

Il pouvait pas les surveiller, ce grand con de binoclard ?

Mais les reproches attendront. Louise se rapproche de son acolyte et lui fait signe de descendre vers elle pour pouvoir lui parler.

« Faut qu’on les retrouve ! On s’arrête pas tant qu’on n’a pas récupéré la prime ! »

On ? Tiens, la migraine doit la faire divaguer. Depuis quand a-t-elle l’intention de partager le butin ? De toute façon, ils n’en sont… elle n’en est pas encore là.

Les deux personnages se glissent dans la foule en faisant des pieds et des mains, tentant de repérer leur proie. En vain. Il y a trop de monde et de bruit, Louise ne parvient à rien et la présence des Marines, à la recherche de leur propre cible, n’arrange rien. Les gens se bousculent et se déplacent dans un océan multicolore de chapeaux et de monocles, de costumes et de robes élégantes. Au milieu de la place, le duo n’a aucune chance de retrouver quoique ce soit. Alors, avec difficulté, ils tentent de se frayer un chemin dans la marée humaine, cherchant l’abri d’une ruelle où, à défaut d’être au calme, ils ne se feront pas marcher sur les pieds tous les deux pas.

L’espace d’une minute, marquée par un tic-tac furieux, Louise croit vraiment qu’ils vont se tirer là sans encombre. Espoir illusoire. Comme d’habitude, le sort rattrape l’étrange duo alors qu’un sifflet suraigu perce les tympans de la foule.

« ILS SONT LA, ARRÊTEZ-LES ! »

Ont-ils trouvé les cambrioleurs ? Déjà ? La chasseuse de prime scrute la foule pour voir d’où vient le hurlement amplifié par un den-den mushi. Elle regarde trop loin. Soudainement, elle sent la morsure glaciale du métal autour de son poignet et alors qu’elle baisse les yeux avec incompréhension, elle constate qu’elle est menottée à l’autre ahuri.

« C’est une blague ? »
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Ce grand con binoclard, duchesse, il est trop occupé pour le moment. Il a mieux à faire que de jouer les baby-sitter avec un tas de rides aux pattes agiles et un Cormoran complètement perché ; bien que ne sachant pas voler.

Autour de nous, le nombre de bottes qui heurtent le pavé croit à une vitesse ahurissante depuis les derniers coups de cloches erratiques. Ça ne m'étonnerait pas que ce soit la sonnerie pour la pause repas des onze heures. Et c'est déjà assez difficile de t'éviter de te faire piétiner comme ça sans avoir à jeter mes yeux sur les pièces rapportées. T'en es déjà une bien trop encombrante pour moi.

Autour de nous, les fumigènes rouges et carmines et cramoisies et écarlates et cinabres embuent ma vision, salissent mes rétines, assaillent mon iris. Le genre de purée de poids au-travers de laquelle tu ressors comme d'un festival de la couleur, avec du rouge sur les fringues, dans les cheveux, et en tapisserie à l'intérieur des poumons dont tu ne pourrais te débarrasser qu'avec une pneumonectomie. J'ai un pas de recul mécanique. Pas parce que mes goûts en matière de tapisserie sont plus couleur goudron et nicotine, mais plutôt parce que les fumées rouges qui cernent mon champ de vision, c'est vraiment pas le genre d'attraction pour laquelle je paierais. Je veux dire, j'ai testé une fois, deux fois, à chaque fois, le prix, c'est une vie, voire plus. Et là, je peux dire que les odeurs calcinées, même si elles sont loin de celles des os qui craquent dans une cheminée ou d'une charpente qui éclate à cause de la chaleur, ont le don de me retourner l'estomac et le cerveau. Les images qui me passent par la tête ne sont certes que des flashs entêtants, je peux jurer que c'est pas des rêves de licorne dont me parlait ma fille au petit dèj' en se battant avec le beurre. Non, odeurs de brûlé, du rouge partout où je pose le regard, la vision obscurcie par de la fumée trop opaque à mon goût, c'est pas mon genre mais je panique. Comme un junkie qu'aurait fait tomber sa dernière came. Ou un mec qui se découvrirait agoraphobe. Putain, je dois avouer que ça me ferait chier, mais je me surprends à jeter des coups d’œil à droite, à gauche, à rester près de toi. Putain, j'suis vraiment pas lucide. Comme si tu me protégerais de quoi que ce soit.

Je prends une seconde pour bannir de mon esprit les fragments de mémoire, notamment le corps oscillant de ma femme, la corde au cou, sur un fond d'incendie criminel. Cette image où elle relève la tête et me fusille du regard. Un putain de cauchemar. J'espère.

-Non.



Mais, franchement, je suis pas à l'aise au milieu de tout ça. J'ai le souffle court, je m'en rends bien compte, je suis pas stupide. Je suis probablement trop fier pour l'avouer, probablement trop con pour le reconnaître, mais j'ai soudain du sang glacé qui circule dans mes bras. Une boule de bowling dans l'estomac. Avec des papillons dans les genoux. J'ai les jambes lourdes ; comme si un boucher en avait fait de la chiffonnade. Et de mon crâne une tête de veau. L'agoraphobie me prend aux tripes que j'ai l'impression d'offrir à la vue de tout un chacun. J'y vois pas à plus de quelque pas, entre la marée humaine affamée et ma vision intermittente qui ne peut pas traverser le brouillard rubescent, et de ce fait, je te suis à la trace quand tu suis la tienne en perçant la foule. Je panique. Mes yeux virevoltent dans tous les sens ; à la recherche d'une échappatoire ou d'une menace ? Je réfléchis pas normalement. Putain je suis au bord de la crise. Je réfléchis pas normalement putain ! Tout me semble dangereux ; sauf toi. Putain de bordel de merde mais qu'est-ce que je fiche encore ici ! Je suis sûr que si quelqu'un me touchait, là, mainten

Clack

-Chef ! Les suspeéèè


Je connaîtrai jamais la fin de sa phrase...
Mais je le remercie d'avoir bien voulu se porter volontaire pour illustrer mes pensées solitaires. À deux, bien nombreux sont ceux qui en conviendront, c'est mieux.

Mon poing gauche a été beaucoup plus rapide que sa langue et la voilà maintenant, toujours aussi bien pendue, flirtant avec les pavés fissurés. J’éructe un glaviot qui a la saveur d'une insulte et je baisse mon regard sur les uniformes bleus qui nous font face. Ils ne sont plus que quatre, et ils ont l'air apeurés. Je soulève ma main droite, laquelle est suivie par ton bras gauche, une paire de menotte entre les deux. Nos regards se croisent. Et j'ai pas envie d’interpréter des fadaises que tu pourrais me balancer à la gueule avec tes simples pupilles, j'suis pas d'humeur, et à la réflexion, je le serai jamais. Je rabaisse le tout avant que tu ne m'y forces à coup de talons et me détourne de toi pour mirer du haut de mes deux mètres cinquante les quatre uniformes et le moustachu en costard trois pièce qui se cache derrière le groupe. Et même comme ça, je sens mon dos dans une posture plus farouche qu'à l'accoutumée.

-C'EST EUX !! JE LES RECONNAIS !!

Je me tourne à nouveau vers toi et tu peux constater à quel point j'imite parfaitement la porte qui grince. Tant sur l'intonation de ma voix stupéfaite que sur la vitesse avec laquelle je pivote pour regarder, tour à tour, toi et les autres. Les autres sortent armes à feu et les pointent sur nous, légèrement réticents à s'approcher après ce que je viens de faire à leur camarade. Mes excuses. J'ai encore de mauvais réflexes. Le pauvre m'avait surpris, et maintenant vous saurez que quand je suis surpris, je frappe.

Puis, venant de derrière le banquier, une femme au T-Shirt dégradé de rose fend la foule qui commence à se masser autour de nous et écarte du bout des doigts deux hommes qui pointent les gueules de leurs canons sur la mienne. Elle a la coiffure légère et libre – ou plutôt devrais-je dire chaotique – est maquillée avec goût – du moins celui d'une fillette de quinze ans qui découvre la boite de fond de teint de sa mère – mais surtout, et c'est ce qui fait le charme de ce personnage pour le moins ubuesque, elle tient à la main un sac en papier marron, du genre fast-food à emporter, qu'on sent qu'elle avait prévu de déguster en paix avant qu'on n'arrive.

C'est qui cette folle ?
-Un peu plus de respect, maraud ! C'est notre meilleure enquêtrice !
Et les chiens derrière, c'est pour quoi ?

Les chiens en questions. Un yorkshire, un berger allemand, un golden retriever et un bulldog. Une belle brochette pour chinois si vous voulez mon avis. Et plus moche les uns que les autres. Mais bon, j'ai pas l’œil artistique ; ça doit être la même chose pour les chiens.

-Je vous présente Holly, Spotty, Jenny et Albert.
C'est quoi cette folle...
-Tais-toi séant, elle est niveau 63 !
-ARRÊTEZ-LES, C'EST EUX !
Mais ta gueule toi.
-Les criminels reviennent toujours sur la scène du crime.

Interloqué, je suis du regard le doigt qu'elle pointe dans notre dos. Tu fais de même, avec en plus la présence d'esprit de rester muette au cas où tout ça ne soit qu'une mauvaise blague. Mais moi, rester muet, j'peux pas, surtout dans de telles situations. Parce que juste dans notre dos, à travers le filtre Drakred des fumigènes, on peut voir en lettres capitales la phrase « BANQUE DU TEMPS » qui semble me faire un clin d’œil espiègle. J'ai presque envie de me promettre de lui décocher une mandale, à cette enseigne, mais je me retiens : je serais capable de le faire et uniquement par frustration.

T'as raison. Ça doit être une blague.
-Embarque-les Jones.
-Euh... Jones moi ?
-Ou Jones moi ? Non parce que moi c'est Jeremy.
-Oh pardon. Alors embarque-les Jeremy.
-C'EST EUX, J'EN SUIS SÛR...
Espèce de tarée...
-Rien de ce que tu me diras ne pourra m'atteindre : je résous tous les jours des affaires de viol, de meurtres, d'incendie criminel et de vol de montres. Je suis habituée aux voyous.

Putain, j'ai horreur de la tournure que prennent les événements. Je suis attachée à ton poignet, je suis cerné par des formes, des silhouettes, et des couleurs qui me hantent, j'ai des palpitations et le poing qui me démange. Tout ce dont j'ai envie, là, tout de suite, c'est d'écraser leurs visages de marins. Même si ils ont l'intention de nous conduire là où on voulait aller, il est pas question que je m'y fasse traîner de force et menotté. J'ai déjà tenté la prison et les pièces d'isolement, c'est vraiment pas un kiff, ces merdes. Surtout qu'ils seraient capable de me foutre avec toi, à partager ta couche. Et je suis certain que tu perds tes cheveux.

Il est pas question que je vous suive.

Les fusils se lèvent. Tout autour de nous, la rumeur enfle. Nous sommes montrés du doigts. Des voleurs de temps, des rebuts. L'enquêtrice sorti de sa poche intérieure une paire de lunettes roses aux verres en forme de flamants. Roses.

-Je crois que vous n'avez pas le choix.

Dans un coin de la place, quelqu'un hurle.
Une groupie. À tous les coups.
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Ouais, une blague. Et d’un goût plus que douteux, à l’image de cette enquêtrice miracle qui a dû rentabiliser les prisons du coin. Prison que le duo de choc risque de bientôt voir de près. Louise porte sa main libre à sa tempe, tentant d’atténuer son mal de crâne pour réfléchir. Peine perdue. Son geste est à peine esquissé qu’un cliquetis métalliques de chiens qu’on tire y répond. Et à côté d’elle, le grand ahuri n’a pas l’air apte à l’aider beaucoup. Outre sa violence habituelle, il y a un truc qui cloche chez lui. Louise ne voit pas quoi, n’a pas le temps de s’en occuper. Reste à espérer que ça les foutra pas dans la merde.

« Écoutez, vous faites erreur, on n’a pas… »
« Cheveux blonds, deux mètres cinquante, yeux… œil bleu, homme… Vous réunissez tous les critères ! Vous êtes COUPABLE ! Alors vous allez nous suivre et on pourra tous aller manger des hamburgers. » Elle agite son sac en papier sous l’œil avide de ses hommes.
« OUAIS, EMMENEZ-LES ! C’EST EUX ! »

Jeremy tente de s’approcher mais le duo de suspect recule d’un pas. Pas question de se faire arrêter maintenant.

« Faites pas les idiots ! »

On se demande qui c’est l’idiot… Louise lève les yeux vers son compagnon, mais celui-ci ne remarque pas le regard de la jeune femme. Bon, si elle ne peut pas compter sur lui, il va falloir improviser. La question est de savoir comment. Ils sont toujours sur la place et tant qu’ils y seront, ils ne pourront pas échapper aux soldats. Qui plus est, personne ne semble prêt à les écouter et, le temps qu’ils parviennent à clamer leur innocence – pour peu qu’ils y arrivent –, le peintre et le cormoran auront disparu définitivement. Pour Louise, une seule solution : la fuite. Toujours.

Et elle sait parfaitement comme procéder.

D’une pression de la main, elle attire l’attention de l’autre, lui signale qu’elle va agir. Il a intérêt à comprendre sinon il risque d’avoir des surprises… La blonde doit juste attendre le bon moment pour agir et se concentrer. Pas évident avec les cymbales qui lui martèlent le crâne. Jeremy retente une approche, Louise recule, se décale pour s’aligner avec une rue proche, trainant l’autre crétin avec elle.

« ‘J’aime beaucoup vos lunettes. »
« Braaaak ! »

Hein ?

« Oh, merci. Je les ai débloquées à ma dernière enquête. »

Qu’est-ce qu’ils foutent soudainement là, eux ?

Louise cille et ne comprend pas. Mais déjà les deux énergumènes saluent l’enquêtrice et disparaissent à nouveau, noyés au milieu d’un attroupement de curieux. Toutefois, la jeune femme est à peine remise de sa surprise que la corne de brume se fait entendre à nouveau, annonciatrice de quelque mauvaise nouvelle. Presque immédiatement, un petit den-den mushi sonne dans la poche de l’enquêtrice.

Gotcha.
« L’école des horlogers a aussi été cambriolée, une nouvelle scène de crime a été débloquée, venez vite ! »


La nouvelle ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd et, rapidement, le même manège qu’avant se répète. Le marchand de journaux imprime sa page, les fumées envahissent le ciel et retombent, plus épaisses et nauséabondes que jamais.

« Deux crimes sur la même place ? Vous ne reculez devant rien, marauds ! »

L’enquêtrice est en train d’aboyer de nouveaux ordres à ses hommes et demande à deux de ses chiens de les accompagner jusqu’à l’école. Louise n’attend pas que les Marines passent à nouveau à l’action. Profitant de la confusion générale, elle saisit l’opportunité d’agir.

« Échec ! »

Sur la place, un échiquier géant se matérialise, suffisamment grand pour que les cases puissent contenir des êtres humains. Louise et le con de bon à rien ne font pas parti des pièces. La blonde piège les soldats, les chiens et l’enquêtrice sur une diagonale, et elle fait en sorte de rester elle-même alignée dans l’axe. L’enquêtrice est au premier plan et elle fait office de bouclier le temps de fuir.

« Qu’est-ce que… »
« Fou en A1 ! »

Depuis la case H8, Jeremy, soldat fou, traverse et bouscule ses camarades, attiré par la destination imposé. La confusion est suffisante pour empêcher les soldats de tirer et Louise n’attend pas que l’enquêtrice soit éjectée. Elle prend le bras du grand con et se met à courir jusqu’à la rue la plus proche. Les fumées multicolores sont suffisantes pour ne pas y voir à deux mètres et, rapidement, les deux fugitifs sont hors de vue alors que Louise les traine dans un dédale d’avenues et de ruelles. Finalement, à bout de souffle et avec l’impression que sa tête est trop lourde pour ses épaules, elle s’arrête dans une impasse déserte.
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Je comprends pas. C'est pourtant pas une sensation qui m'est inconnue.
J'ai dans les oreilles un bourdonnement incessant ; l'écho de mon sang qui y bat la chamade pour me rappeler à quel point je suis une petite chose. Une petite chose hantée. Des acouphènes écœurants, qui me prennent à la gorge et aux tripes, remplissent mon estomac d'une bile amère et dévorante, qui balance dans mon sang des toxines que même mes clopes ne peuvent égaler. Que même l'alcool trouverait malsain. Le monde tangue, et ce n'est pas à cause de notre course d'éclopés en sacs, même si nous serions bien plus à l'aise sans ces chaînes qui nous lient. J'ai la nausée qui menace, de brûlantes odeurs macabres qui veulent me faire tourner de l’œil, qui me rendent mauvais. J'ai des pensées noires qui montrent leurs nez au détour d'une des nombreuses ruelles tordues de mon esprit. Des pensées que j'espérais avoir laissé à Hinu mais qui n'attendaient que la premier occasion pour me faire savoir qu'elles étaient toujours là, accrochée à mes os comme des bulbes noirs sous les aisselles d'un pestiféré. Des pensées qui boivent ma moelle et se subsistent des relents de bonheur qui ne sont que les souvenirs d'une vie heureuse ; qui ne sont que la peine de ma sanction. Des trucs sales qui ne m'avaient pas fait tourner la tête à ce point depuis longtemps – pas assez cela dit.

J'suis trop occupé à trembler de toutes mes fibres pour penser au trajet qu'on emprunte. Je te laisse nous guider, entre reconnaissance et accablement de n'être qu'un demi moi. Tes cheveux de paille sont mon seul repère, l'ancre que mes yeux suivent comme étant leur unique attache dans le monde réel, l'élément du décor qui me permet de ne pas partir dans mon pays des merveilles personnel, celui où chaque personnage a le visage de ma femme et le goût du feu de bois. Tu cours devant moi, sans me regarder, sans hésiter entre les rues puisque de toute façon tu bifurques aléatoirement entre les allées. Autour de nous, y'a que du flou. Les bâtiments, les couleurs rouges, les machines monstrueuses, harnachées – licol, mors, selle – comme les meilleurs amis de l'Homme, les pauvres gars en pause bouffe ou clope qui nous décochent un regard pas concerné à notre passage... Et cette brume rouge qui étend ses griffes jusqu'à moi. Je sais que c'est pas réel, mais pour l'instant, j'évolue dans un cadre personnel perturbé, à base d'hallucinations et de remords, à m'en faire vomir. Je cours à l'aveugle. Au radar. Je comprends pas, c'est pourtant pas une sensation qui m'est inconnue. J'y vois rien de sain, j'y vois pas grand chose de net.

Puis je réalise un détail. Mon ancre devant moi...

D'un geste précipité et maladroit j'enlève mes lunettes. Et je te regarde. En fait, je te vois. Tu es nette. À mes yeux d'astigmate, je te vois.
Je serre la mâchoire et remets les lunettes sur mon nez en grève à cause des réminiscences de fragrances infernales.

Putain.
Pourquoi t'es nette ?


La ruelle dans laquelle tu t'arrêtes, à bout de souffle, n'est que le reflet un peu moins éclairé et un peu plus vicié de tout ce qu'on a pu voir jusqu'à maintenant dans cette ville. D'ici, une trouée entre les toits des maisons laissent apercevoir une montagne bien plus proche que je ne l'aurais cru. Une montagne d'où s'élève – et je ne le remarque que maintenant – de nombreuses plaintes, cris, bombardements et divers sons évoquant un travail difficile et des machineries aux tailles impressionnantes. J'ai juste le temps de reprendre mon souffle et mes esprits puis j'oublie la montagne hantée. Toi, t'es plus importante.

Je saisis ta chemise d'un mouvement brusque. Mes muscles sont tendus et crispés. Mon bras est frustré d'avoir paniqué. Je me révolte, certes, mais contre moi-même plus que contre toi, seulement y'a pas de miroir dans les parages : tu feras un défouloir exemplaire. Et puis bordel, y'a des trucs qui surprennent. D'un mouvement ample je te soulève du sol et pour la troisième fois depuis notre rencontre déjà je te plaque au mur à hauteur de mon visage. J'ai envie d'une clope. Bordel, j'ai envie d'une clope. Mon regard est vissé au tien et tu y lis toute la colère qui m'anime tout à coup. Peut-être même que tu y vois le mare de peur au fond de mes prunelles jaunes. J'en sais rien et j'en ai rien à foutre. Pour le moment, tu es ma cible gratuite et tu serviras de vidange à mon ire ample. À défaut de Cormoran.

T'avais prévu de me le dire quand pour ton fruit, belle gueule ? Hein ? C'était quoi ce putain de tour de passe-passe bordel ?

Mais bon, je crois que maintenant tu commence à t'y faire à mon caractère, et tu dois avoir compris que je ne te molesterai pas plus que ça. T'as le regard assassin et la réplique mordante, comme toujours, tu réponds même avant de me frapper, ce qui est rare.

Pourtant, une fois n'est pas coutume, notre petite discussion est écourtée par une porte grinçante qui s'ouvre soudain en grand dans notre dos ; le genre de battant de cent-vingt kilos qu'il faut soulever à trois. Par réflexe, je tourne la tête, et c'est un crochet du droit qui me cueille sous la pommette et qui m'envoie à terre, dans la poussière, ruminer un peu plus ce qui fait de mois un type à vomir. Ma seule satisfaction, c'est que le type qui vient de te venir en aide – c'est en tout cas à ça que ça ressemble de mon point de vue – n'a pas remarqué qu'on était lié par les poignets. Du coup, si je me roule dans la poussière, tu atterris avec moi dans les cartons de boulons. Je peux dire qu'il en tire une, de tête, en voyant la scène. Et vu ses yeux, il s'en veut soudain de t'avoir foutu cul par-dessus tête.


Il est grand, parfumé de près et habillé avec la classe qui semble être de mise dans le coin, mais son regard stupéfait laisse vite la place à un visage décomposé. Et visiblement, il est désolé, à en croire les mains qu'il plaque sur son visage de part et d'autre de ses joues. Un bon gars très expressif, le bonhomme. Il accourt pour t'aider à te remettre debout en m'ignorant complètement. Mais bon, c'est de bonne guerre, moi je reste assis à me masser le visage. Comme ça tu peux tenir debout sans avoir le bras qui pend dans le vide à cause des menottes et de la différence de taille.

Dans le sillage de cet illustre inconnu, d'entre les battants d'une porte métallique de guingois qui semble donner directement sur un sous-sol, un homme, cigarette à la main et trench-coat bon marché, se tient droit et observe le scène avec une moue amusée et le regard de celui qui regarderait dans la rue un couple s'embrasser. Le genre de type que je ne saurais classer parmi les spectateurs, les jaloux ou les profiteurs.

Les Affranchis John_c10
Constantine by Elena Casagrande

-Tu as encore mis le doigts dans un engrenage qui n'était pas le tien, Seth.

Le dénommé Seth se retourne avec une tête d'enterrement vers l'homme au trench-coat et se met à agiter les mains fébrilement. Je comprends rien à son langage de muet, mais il a l'air désolé. Il finit par se tourner vers nous et s'incline respectueusement en nous demandant pardon. Tellement que j'ai presque envie de lui coller mon poing dans la figure. Teh.
Le second, toujours en retrait, mire sans s'en cacher, le duo que nous formons. Il détaille mes mains calleuses, mes lunettes, mon teint un peu plus pâle que d'ordinaire ; puis son regard glisse sur toi, sur tes habits pas vraiment réglementaires pour la région, semble te déshabiller du regard, et s'attarde sur tes yeux vairons. Ce n'est qu'ensuite qu'il apporte de l'attention aux menottes. Je ne sais pas ce qu'il cherche, mais ce qu'il voit semble lui convenir. Je dirais même semble le combler.

-Des étrangers. Comme c'est inhabituel. En général, les visiteurs ne quittent pas les grandes rues de la ville ou sont très vite chassés par les us, les bruits persistants, et les odeurs de charbon.

Au loin, une corne de brume chante une note qu'elle tient pendant une minute bien trop longue à mon goût. Je grogne et époussette mes bras tandis que Seth tente de communiquer avec toi et entreprend de lisser tes habits malgré tes protestations agacées. L'homme garde le visage levé. Sa posture me fait penser à un animal sauvage et je peux sans mal imaginer ses oreilles dressées à l'affût de ce son singulier qui semble vouloir signifier tellement de choses pour les natifs du coin. Puis un sourire carnassier étire ses lèvres, découvrant une dentition parfaite qui aurait convenu à un requin ou à un chien de chasse. Un chien de chasse qui regarde sa curée en salivant. Je sais pas ce qu'il a entendu dans cette note, mais encore une fois, il semble ravi.

-Je me présente, Harold Hamm, l'un des quatre grands charbonnier de l'île et l'un des principaux exploitants de la montagne que vous voyez derrière vous. Vous ne devez pas me connaître, et je suppose que vous ne savez pas vraiment ce que ça signifie pour nous, mais estimez-vous heureux de m'avoir rencontré : ce n'est pas donné à tout le monde. Et voici Seth, mon garde du corps et conseiller personnel. Et non n'insistez pas, il est muet.

Je sais pas trop pourquoi, mais son sourire est loin de me mettre en confiance. Et en terme de confiance, je sais de quoi je cause : je vis tous les jours avec un mec à qui je confierai même pas mon chiot en partant en vacances. Ouais, je parle de moi.

Et du coup, ce genre de type, je les comprends. C'est pas un truc qui m'est totalement inconnu quoi.


Dernière édition par Diele Timberwhite le Ven 23 Jan 2015 - 15:27, édité 1 fois
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« Je vous en prie, entrez. »

Avec une courbette un peu trop insolente aux yeux de Louise, Harold Hamm les invite à passer la porte près de laquelle il se tient. De ce qu’elle peut en voir, elle donne sur un petit bureau désordonné où plans et tableaux se disputent la domination des murs.

« Vous ne sortiez pas ? »

Méfiante. Tout dans la posture de la blonde clame son scepticisme. Ne jamais se fier à un homme d’affaire qui a réussi, il cache toujours des cadavres dans son placard et on risque rapidement d’en devenir un de plus.

« Quoi ? Oh, non. Je travaillais lorsque Seth a entendu votre dispute. »

Louise détaille le larbin d’Hamm. Il a l’air plus digne de confiance que son patron, mais la jeune femme sait d’expérience qu’il ne faut pas se fier au laquai d’un riche emphatique.

« Qu’est-ce qui me dit que je peux vous faire confiance ? »
« Qu’est-ce qui me dit que je peux vous faire confiance ? »

Touché. Pourtant, la blonde a le sentiment qu’il y a un coup fourré derrière tout ça. Un de plus. Mais finalement, c’est la course de quelques talonnettes tout près qui la décident. Sans consulter l’autre abruti, qu’elle a de toute façon décidé d’ignorer pour le moment, elle pénètre dans l’antre du charbonnier.

Elle sent la pression contre son poignet, le métal qui tire et tourne, lui irritant la chair. Elle a l’impression de tirer littéralement son fardeau, et elle a dans l’idée que la sensation est réciproque. Ce regard fou… Elle a bien cru une seconde qu’elle allait se prendre la rouste de sa vie, que cette fois, son compagnon d’infortune n’arrêterait pas son poing et qu’elle se retrouverait dans le même état que ce funeste soir sur Hinu Town. Mais non, Seth s’est interposé.

Dommage.

Louise balaie la pensée d’une secousse de la tête alors qu’Harold attire ses hôtes dans les profondeurs de la maison jusqu’à parvenir à une vaste serre colorée.

L’endroit est saisissant. L’agencement des plaques de verre au cœur d’un labyrinthe de métal témoigne d’un travail de longue haleine. Toutefois, on ne peut qu’admirer la finesse de la dentelle de fer. Au cœur du jardin d’hiver, une petite mare où nagent d’indolents poissons colorés, indifférents au discret clapotis émis par une petite cascade. A l’extérieur de la serre, une lumière artificielle permet aux plantes exotiques de s’épanouir en toute quiétude et ces dernières diffusent un mélange de parfums et d’arômes entêtants et uniques. Les lieux ont un rendu hypnotique encore renforcé par les jeux de lumière dus aux fumées colorées de l’extérieur. Elles se meuvent lentement, traçant d’étranges paternes d’ombres colorées dans les recoins les plus reculés de la serre. En l’espace d’une minute, la pièce change du tout au tout de manière déconcertante.

« Ma pièce préférée. Installez-vous, Seth va nous apporter des rafraichissements. »

À côté de la mare se trouvent une table et quelques fauteuils confortables. Comme pour montrer l’exemple, Harold s’y installe et attend que ses invités fassent de même. S’ils doivent tomber dans une embuche, autant être bien installés. Au point où ils en sont, de toute façon…

Sans se soucier du tiraillement au niveau de son avant-bras, Louise s’assoit et évite soigneusement le regard de l’ahuri. Pendant un instant, elle profite du silence qui soulage sa migraine persistante. Toutefois, ses pensées ne tardent pas à reprendre le dessus pour ajouter à la douleur. Elle est agacée à l’idée d’avoir dévoilé ses pouvoirs, énervée d’être attachée à l’autre tache et irritée de se jeter consciemment dans la gueule d’un loup dont elle ignore tout.

Loup qui se garde bien d’entamer la conversation, se contentant d’observer la scène avec un sourire en coin. Il a l’air de voir plus qu’il ne veut en dire et Louise voudrait bien savoir ce qu’il cache. Cependant, elle ne lui fait pas le plaisir de manifester le moindre trouble. Au contraire, elle lui renvoie son regard avec autant d’intensité, évaluant l’adversaire avant de jouer le prochain coup.

Finalement, Seth revient avec des boissons que Louise ne prend pas la peine de goûter. Boire sans savoir, c’est un piège à con. À la place, elle détaille le larbin qui s’installe à son tour. Garde du corps et conseiller, hein ? Quel garde du corps laisse son patron en compagnon de deux personnes suspectes et menottées ? Et puis sérieusement… un conseiller ? Le fait qu’Harold choisisse un muet pour conseiller en dit long sur la personnalité du type. Enfin, Hamm cède au silence.

« Je ne crois pas vous avoir demandé votre nom. »

Louise lance un regard rapide vers son boulet.

« Vous pouvez me débarrasser de ça ? »

Le sourire d’Hamm s’élargit à la vue des poignets menottés.

« Que savez-vous à propos de la banque du temps ? »

A côté du charbonnier, le muet se raidit, comme s’il s’attendait à une réaction violente de la part de leurs hôtes. Bon réflexe, mais pas utile pour le moment.

« Vous essayez d’insinuer quelque chose ? »
« Une simple conversation amicale. »
« Et vous faites toujours autant de sous-entendus avec vos amis ? »
« Seulement autour d’un dîner. Mais peut-être souhaiteriez-vous l’expérimenter vous-même ? »
« On ne sait rien sur cette banque. On est de passage dans le coin. »

Le regard d’Hamm se perd un instant dans la contemplation des poissons, comme s’il réfléchissait à la manière de tourner ses paroles. Après quelques instants, il relève la tête et reprend :

« La banque du temps est à la fois un centre d’archives et une banque. C’est un lieu unique en son genre où les annales de toute l’île sont conservées précieusement dans des coffres forts. Mettre la main sur ces documents, c’est s’octroyer la possibilité de connaître le fonctionnement du moindre recoin de Verne. On dit que de véritables trésors se cachent là-bas. »

Malgré le ton contrôlé de Hamm, une pointe d’excitation reste perceptible dans sa voix. Et un souffle secret.

« Et ? »
« Je veux savoir ce que vous avez pris là-bas. »
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C'est pas un jour à essayer de m'enculer, mon gars.

Il peut bien faire ce qu'il veut avec toi, tant que t'as ton mot à dire. Mais vu sa tronche de délinquant, les richesses dont il parle, la manière que tu as de traîner avec des raclures comme moi et d'aimer visiblement la douleur dans la violence, c'est possible que t'aimes ça. Mais moi, j'ai pas prévu de me faire ramoner de sitôt. Changer de bord politique n'est pas dans mes objectifs du mois non plus, même si faut avouer que d'un point de vue politique, moi qu'ai jamais voté, je m'y connais en enculeries. Mais ce mec, mal rasé, qui sort un paquet de clopes comme si j'avais rien dit et que mes mots n'avaient pas d'importance, ce type là, j'vais pas le laisser nous déplumer pour nous balancer dans la marmite d'eau bouillante en beuglant que j'aime ça et que j'en veux encore. Toi, t'as pas trop l'air étonnée de ma réaction. Seth non plus, mais si toi c'est parce que tu commences à me cerner, lui c'est justement le contraire. Il doit essayer de comprendre comment on peut communiquer d'un regard – généralement mauvais admettons le – et se foutre sur la gueule au détour d'une ruelle. Le tout en étant attaché. Je laisse s'écouler une longue seconde. Une seconde qui se multiplie en dizaines. Le temps que les couleurs chatoyantes et – reconnaissons-le – apaisantes passent du cramoisi à l'orange monde pour dériver lentement sur du jaune océan. Puis sans le quitter des yeux, je plonge ma main gauche dans ma poche intérieure et en sors une cigarette à mon tour. Plus une pour toi. Une seconde, j'ai pas encore de feu. Tu allonges le bras pour me l'arracher des mains et la fais tournoyer entre tes doigts dans l'expectative que Seth nous apporte du feu. Et puisque Hamm pense qu'on a un truc qui l'intéresse, il donne l'autorisation à son muet de service de nous en apporter. Je le gratifie d'un regard qu'il ne comprendra pas, et reprends.

La question, c'est qu'est-ce que tu offres toi.

Tu comprends très vite mon petit jeu. Peut-être même que t'étais à quelques secondes de lancer la même ronde. Mais désolé de te couper l'herbe sous le pied, j'me suis pas levé du bon pour être patient aujourd'hui et j'ai encore quelques vibrations dans les muscles qui m'empêchent de rester les jambes croisées. Je dirais même plus que c'était soit te couper la parole, soit dégager d'un coup de pied la table entre lui et nous.

Mais putain, je suis à deux doigts de m'en vouloir d'avoir lancé ces hostilités là. Je suis pas bon au poker et la dernière fois que j'ai bluffé, j'ai choppé une allergie à la fumée et la phobie des flammes. Ou presque. L'avantage, c'est que j'ai plus de gamines pour alimenter le barbeuc'.

Harold me dévisage sans sourciller. Il me sonde et évalue ce que je raconte. J'ai l'impression de faire un duel de regard avec un chat. Et ce n'est que par fierté que je ne détourne pas les yeux. Manquerait plus que je cède face à un blanc-bec pareil. Quoique comme tu l'as remarqué, Seth me sait violent et nous a laissés seuls avec lui. Ça doit pas être un rigolo, ce charbonnier. Des trois verres qui trônent sur la table, il en saisit un après avoir souri de toutes ses dents. Et quel sourire ! j'ai l'impression que quelque chose m'a échappé. Ou alors qu'il a compris quelque chose qu'il n'aurait pas dû savoir. Le silence s'allonge, mais étrangement, il n'est pas pesant. En même temps, entre Seth qui s'absente quelques secondes de plus pour aller se chercher son propre verre, le mec au costume élimé qui nous fait face et qui semble aussi détendu que dans un jardin d'enfants, et toi qui profites du silence pour soulager ta migraine, j'ai l'impression d'être le seul mec sur les nerfs ici. Et ça m'agace encore plus.

-La personne qui vous a mis ces fers... commence-t-il en éludant une nouvelle fois la question, ce qui a le don de me mettre les nerfs en pelotte ; même si je me doute que c'est son but. C'était une femme habillée en rose ? Assez excentrique ?
Ouep.
-Alors elle finira par vous avoir. Ce n'est qu'une question de temps. Et le temps fuit.

Ce mec est réellement en train de me pousser à bout. Et j'ai beau savoir qu'il le fait exprès, ça n'atténue pas ma colère pour autant. J'ai des antécédents aujourd'hui, ok, mais fait chier quoi ! En plus, il me fixe avec son sourire carnassier : il doit lire en moi comme dans un livre ce con. Et bordel j'ai horreur de ça.

Viens en au fait.
-J'ai des relations. Je peux faire que la marine vous oublie.
L'asperge à ma droite gère très bien les flics. Seule.

Ouais, t'as pas fini d'en entendre parler. Faudra qu'on ait une longue discussion auprès du feu. D'ailleurs, si c'est bien ce que je crois que c'est, tu risques de plus faire la maligne très longtemps sur le navire, maintenant. Hé. Tu verras.
Hamm suit l'échange de regard avec un œil ennuyé. Comme s'il était dubitatif. Comme s'il s'était attendu à autre chose. Ça me fait presque du bien de voir qu'il est perturbé. Et d'un autre côté, il l'a bien cherché. Il n'avait qu'à te croire quand tu lui disais qu'on n'y était pour rien dans cette affaire. D'une seule bouffée, je grille la moitié de ma clope que j'avais presque oubliée entre mes doigts. De la nicotine qui fait semblant de m'apaiser. J'ai pas la stature pour ça. Harold, lui, reste parfaitement à l'aise malgré les difficultés visibles qu'il a à négocier avec nous. Il est ici chez lui et est un homme d'affaire diplômé : il doit savoir y faire. Il reprend la parole en mesurant chaque mot. Derrière lui, des tâches de couleur dessinent des rosaces complexes et dans notre dos, le clapotis régulier de l'eau sonne comme une douce berceuse.

-Les marins, probablement. Mais pas leur garde montée. Vous avez croisé nos coqs, n'est-ce pas ?

Dans le lointain, une horloge sonne sept fois, puis quatre, et enfin huit. Trop c'est trop. Les sous-entendus du hautain de service m'ont gavé. Je me lève avec plus de calme que je m'en serais cru capable. À cause de nos menotte, tu es obligée de te mettre debout également.

Navré, mais on se passera de votre aide.

Malheureusement, j'ai pas le temps de finir ma phrase que Seth a une main contre ma gorge, le pouce et l'index largement écartés et plus menaçants que beaucoup d'arme blanche que j'ai pu voir dans ma vie de traîne misère. Je le fusille du regard et son visage me renvoie un air consterné. Sauf à toi. À toi, c'est un regard d'excuse qu'il t'offre. Après moi, c'est toi qui passeras à la casserole, blondie. Maigre consolation.

Hamm se lève calmement et pousse un long soupir.

-Je préfère gagner à la loyale, voyez-vous. Mais si vous avez en votre possession la moindre chance d'évincer un de mes concurrents de la course au charbon, je suis prêt à changer un peu les règles.

Il laisse en suspens sa fin de phrase pour une raison que j'ignore. Pause dramatique ?

-Où sont les montres gravées ?
Dans ton cul connard.

Seth serre alors très légèrement sa prise autour de ma gorge. Et j'ai beau contracter mon cou de taureau pour y faire face, ses doigts s'enfoncent dans ma trachée et me coupent soudain toute force dans les jambes. Je m'écroule dans un râle sur le canapé, t'entraînant encore une fois avec moi. Saloperie de menottes.
Et saloperie de charbonnier.
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La chute prend Louise par surprise. Occupée à surveiller Hamm, tentant de percer à jour ses plans foireux, la blonde s’écrase sans grâce sur son compagnon. Dans un inextricable méli-mélo de membres, de chaîne et de vêtements, le duo forme un curieux tableau qui réduit à néant tout espoir d’être crédible dans leurs menaces. Et pourtant, dieu sait que les mots, crachés avec colère et aussi fleuris que la serre, auraient pu avoir plus d’impact s’ils avaient été libres de leur geste.

Seth reste sur ses gardes, son regard expressif animé de sentiments contradictoires. Est-ce de la satisfaction qui danse dans ses iris ? Ou de la pitié ? De la colère ? Il garde les lèvres serrées et les gestes mesurés. Bien que concentré sur le duo qu’il ne parvient à comprendre, son attention sur la pièce est totale et Louise a l’impression qu’aucun détail ne peut lui échapper. A chaque son qui parvient à pénétrer la tranquillité de la serre, il trésaille, tique ou grimace, prêt à réagir. Pas le genre de type qu’on surprend facilement. La chorégraphie colorée des rosaces de fumée insuffle sur son visage des bribes de sentiments secrets, révèle des émotions cachées pour d’infimes secondes, et quelque part, on sent en cet homme une complexité teintée d’efforts et de regrets qui ont forgé sa vie. L’impression est si saisissante que Louise ne perçoit pas immédiatement les tremblements discrets de l’ahuri contre elle.

« Les montres gravées ? »

Hamm, c’est une autre histoire. Il se tient avec une négligence toute étudiée. Dans sa barbe claire ou sur son trench-coat qu’il ne semble pas décidé à ôter, les seuls reflets sont ceux de l’artifice et de la duperie.

« Dans ton cul, connard. »

Répétition sans honte. Pour cette fois, cette situation, Louise est du côté du charpentier. Parce que Hamm la débecte, parce qu’elle déteste perdre le contrôle, parce qu’elle a besoin du grand con, parce qu’elle a une prime à récupérer et un objectif à atteindre. Parce que.

Seth semble prêt à frapper à nouveau, avec peut-être un peu plus d’hésitation. Galanterie ? Connerie. C’est l’abruti affalé qui a le plus à craindre ici. Mais Louise prévient le geste du garde du corps en reprenant la parole.

« Tu veux jouer à la loyale ? »

Plus de vouvoiement, Hamm a perdu le minimum de respect que la blonde était prête à lui accorder.

« Je suis chasseuse de prime. On est arrivé ce matin pour récupérer une prime. Cambrioler une banque ou je ne sais quelle connerie ? C’est juste des emmerdes en perspective. »

Elle n’en dit pas plus. Il y aurait trop long à expliquer. Au lieu de ça, elle laisse à Harold le temps de réagir et en profite pour tenter de se redresser lentement. La présence de l’autre commence à se faire pesante. Littéralement. Et puis il y a une désagréable odeur de tissu brûlé à cause d’une cigarette mal tombée. Que l’autre s’enfume à loisir, perdu dans les coussins du canapé, elle préfère encore les odeurs de fleurs.

« Dans ces emmerdes, comme vous dites, vous y êtes déjà jusqu’au cou. Mais si ce que vous dites est vrai, alors j’ai une proposition à vous faire pour vous en ti… »

Un bruit de pleurs le coupe dans son élan et fait se retourner la petite assemblée en direction de la porte.

« Papaaaaa ! »

Sur le seuil, une petite fille. Six ans tout au plus. Elle a une robe noire très simple, un grand nœud rouge dans les cheveux et, surtout, des torrents de larmes sur les joues. Qu’est-ce qu’elle fait ici ? Avec surprise, Louise se tourne en direction d’Hamm. Lui, père ? Jamais elle n’aurait cru. Mais le regard agacé de l’homme contredit les pensées de la blonde et elle se tourne vers Seth. Le garde du corps n’hésite qu’une seconde et se dirige d’un pas résolu vers la petite fille qu’il prend dans ses bras avant de lui adresser quelques gestes simples. Une question, probablement, pour connaître l’origine de son trouble. La petit hoquète et tente tant bien que mal d’exprimer son mal, mais Hamm reprend déjà la parole.
Les Affranchis Fnv29w

« Seth, je t’avais dis de lui trouver une nourrice. »

Il n’obtient aucune réponse du muet.

« Où en étais-je ? »
« Vous aviez une proposition à nous faire. »

La blonde lance un regard de côté, vers le grand con, mais celui-ci ne semble pas sur le même plan qu’elle.

« Oui. Si vous rattrapez ces cambrioleurs pour moi, je vous blanchis aux yeux de la Marine. »

Le regard de la jeune femme se fait calculateur alors qu’elle tente d’ignorer les pleurs qui lui vrillent les tympans.

« On peut en discuter en privé ? »

Avec le sourire de celui qui se croit vainqueur, Hamm s’installe confortablement dans son fauteuil et fait signe à ses invités de prendre la distance qu’il souhaite avec lui.

Louise ne le remercie pas et traine le paumé de service avec elle, à l’abri des oreilles. Elle le place dos à Harold, pour éviter qu’il ne lise sur ses lèvres, et commence à murmurer furieusement.

« Bon, c’est quoi ton problème au juste ? »

Elle commence à en avoir assez de la violence offerte, des tremblements et des regards perdus. S’ils veulent s’en sortir, ce grand crétin a intérêt à se remettre d’aplomb.
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J'ai la gorge nouée et les yeux lourds. Rien que le temps de t'accompagner à l'abri des oreilles indiscrètes mais pile dans l'axe des yeux curieux, j'ai jeté trois coups d’œil par dessus mon épaule pour observer Seth essayer de rassurer sa fille éplorée. Bordel. Finalement, tu arrives à attirer mon attention, forcée de tirer sur ma chemise pour que je veuille bien me pencher vers toi – menottes et messes basses obligent.

Mon problème ? Ce gars est un sodomite avéré et c'est à nous qu'il veut la mettre ! Je l'ai déjà dit, je marcherai pas dans ses combines. Ou alors on la lui fait à l'envers.

J'essaie de remettre en marche la machine de mes pensées. C'pas chose aisée. L'autre gosse pleure à chaudes larmes comme si elle avait fait un cauchemar. Seth est contraint de la porter jusqu'au bassin réfléchissant où les couleurs fantasmagoriques glissent et se mêlent, se dégradent en volutes, en diérèses, au diapason avec ces gouttes qui perlent plus loin. Les tâches sont évanescentes mais leurs échos trouvent une oreille attentive en celle de la jeune fille qui sèche adagio ses larmes. Son propre reflet se mêle à l'eau. Ses cheveux ondulent et ses yeux pétillent. La palette des gammes d'ocre la transcende ; les arpèges violets l'irisent. Seth plonge un doigt dans ce bain teinté, se figure alchimiste, et change les rouilles en or. Maestro qu'il devient pour ses yeux, virevoltant entre deux flaques sur l'échelle chromatique qu'il créé pour ses rires à elle. L'éclat qu'il en tire n'a pas son pareil, même au milieu des couleurs du ba

Tu me ramènes vers toi avec humeur. Je te foudroie du regard, te fusille de la tête aux pieds. Puis je consens à finir ce que j'ai commencé.

On retrouve ce voleur, on troque notre innocence auprès de la police locale et on la fout bien profond à ce magnat du charbon.

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Louise lève les yeux au ciel enfumé, enfumée, en fumée.

« Putain, ce que tu peux être con ! »

Oh ! elle lui décalquerait une mandale juste pour le plaisir.

« Ton avis je m’en contrecarre. Ta grande gueule nous fout déjà bien assez dans la merde. »

Elle murmure furieusement, prenant soin de rester invisible aux yeux des deux verniens. Comme un licol, elle manœuvre les menottes pour diriger l’autre ahuri et le placer où ça l’arrange. Ceci dit, il semble qu’elle n’ait que peu à craindre de Seth, le muet étant trop occupé à jouer avec sa morveuse. Moyen de pression possible ?

« Hamm est peut-être un salaud, mais c’est pas un abruti. Il sait très bien que si on met la main sur les cambrioleurs, on n’aura pas besoin de lui pour se faire innocenter. Tu veux le dénoncer ? Il a déjà la Marine dans la poche. »

La blonde glisse un regard de côté. Le charbonnier sourit, sûr de lui. Seth sourit, attendri. L’enfant sourit, ravie. A vomir.

Jamais le duo ne sortira seul d’ici. Hamm ne prendra pas le risque de voir disparaitre son précieux butin. Pour la jouer à l’envers, il faudra se montrer plus malin que lui, agir avec la précision de l’ingénierie de Verne. Chaque rouage doit être soigneusement placé, chaque mouvement étudié pour être en accord avec le plan qui se dessine petit à petit dans cette serre bariolée.

Et pour ça, un outil nécessaire : la coordination.

Peut-être.

« Ce que je veux savoir, c’est si t’es capable de faire deux pas sans foutre sur la gueule à n’importe qui. Alors maintenant, soit tu me suis et on la joue en finesse, soit tu continues à agir comme un connard et on baignera dans les emmerdes. »
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Ouais je peux. Mais ce que je dis, c'est pas que je veux le dénoncer à la police puisqu'il est innocent comme nous. J'veux juste nous blanchir nous. Pas besoin de lui.

J'ai les acouphènes qui reprennent et me grillent le cervelet gauche. Je remue légèrement mon épaule droite qui craque alors, comme un mauvais souvenir, qui en ramène d'autres à la surface. Cette épaule qui craque et qui incarne l'une des meilleures actions que j'ai pu faire dans ma vie. Et c'était pas t'encastrer dans un bar, j'te l'dis.

Pourquoi j'écouterais un homme qui a probablement vendu père, mère, enfants et maison familiale pour en arriver là où il est alors qu'on peut faire la même chose sans lui et avec probablement le même résultat ?

Plus loin, Seth remballe les paires de jambes et de bras à la peau fine et disparaît derrière une porte vitrée au travers de laquelle on ne voit pas. Probablement un truc habitable, avec chambres bien rangées, cuisine en inox trempé, salon équipé et une jolie salle de bain toute rose. Hé. Je les leur laisse, j'ai bien assez galéré dans ma vie pour espérer avoir ces pièces, vides certes, mais j'suis loin de vouloir finir dans un truc carré, enfermé entre quatre murs avec pour seule fenêtre celle s'ouvrant sur une liberté perdue. C'est peut-être la seule chose que je ne regrette pas : la perspective de vivre, même un peu, enfermé dans un décor. Même bâti par moi.

-Tu leurres personne. C'était ton rêve.
Ta gueule.
« Pardon ? »
Rien. Ce mec me tient pas par les couilles, j'ai pas l'intention de me laisser marcher sur les pieds.
-Je ne voudrais pas vous presser, mais le temps est une valeur extrêmement précieuse à Verne.
Ta gueule !
« ... »
Rah ! Bon ok ! Je ferai comme tu dis.

Je sais pas si tu sembles satisfaite, mais tu as conscience que tu viens de dompter mon esprit rebelle et celui de contradiction avec. Tu gardes cet air hautain, méprisant et calculateur que je vais finir par croire peint à même ton visage et tu reprends la marche en me tirant comme un vulgaire chien. On retourne vers Hamm. T'as l'air sûre de toi, conquérante. Moi je peux pas m'empêcher de tirer la tronche. Je décroche pas les mâchoires. Ça donnera du cachet à la décision que tu lui rapporteras. Mais comme je suis pas trop mal élevé pour un toutou, je réprime l'envie que j'ai de tirer sur les menottes qui nous retiennent, juste pour te faire mal et te passer l'envie – plus tard – de te vanter d'avoir le dessus sur moi. Ça, tu pourras toujours rêvé ; ce sera à charge de revanche.

Seth n'est toujours pas revenu et seul le visage barré d'un sourire que Harold veut engageant nous accueille à nouveau. Il nous invite à nous rasseoir sur le fauteuil qu'on occupait juste avant. Il a l'impression de jouer cartes sur table ; il croit encore en la victoire facile. Mais dans son regard, j'ai toujours cette impression qu'il a un coup d'avance sur nous. Qu'il sait qu'on prévoit pas de se tenir à son plan à lui. Et savoir qu'il s'en fout me fait tiquer d'avance.

C'est moi ou ça sent le brûlé ?

Non, je panique pas. J'ai juste horreur de cette putain d'odeur. Vrai de vrai.
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Même les animaux les mieux dressés restent des bêtes. Louise ne se fie pas à la docilité de l’autre ahuri ; avec son caractère de chien, il n’attend qu’une occasion pour mordre à nouveau. Le discret cliquetis de la chaîne lui rappelle toutefois qui tient la laisse.

« Seth a probablement allumé un feu pour Emma. »

Louise lève les yeux au ciel. Ils sont chez un charbonnier, évidemment que ça sent le brûlé.

« Nous acceptons ta proposition. »
« Ah ! Très bien ! » Hamm frappe des mains, ravi. Au moins, y’en a un qui s’amuse.
« Par contre, je serai plus efficace seule. J’ai l’habitude de la traque. Détache-nous et j’irai te chercher tes cambrioleurs pendant que lui restera là. »
« J’ai dans l’idée que je ne vous reverrais pas en procédant de la sorte. »

Merde. Grillée.

« Quoiqu’il en soit, j’ai moi-même quelques conditions à vous soumettre afin de m’assurer de votre totale coopération. »

Et voilà, on y est. Comme la chasseuse de prime l’a escompté, Hamm n’est pas dupe. Il ne se laissera pas piéger aussi aisément.

« Lesquelles ? »
« Vous resterez menottés. »
« On ne passera pas inaperçus. »
« Je suis sûr que vous trouverez une solution. »
« C’est tout ? »
« Vous prendrez avec vous un den-den mushi pour me tenir au courant de l’avancée de votre traque. »
« D’accord. »
« Et enfin, je veux votre licence de chasseuse de prime et… mettons… vos lunettes. »
« Hors de question. »
Va te faire foutre.
« Ta gueule, toi. »

Putain de fouille-merde.

« Soyez raisonnables. Si je n’ai pas d’otage, comment puis-je m’assurer que vous reviendrez ? »

Et voilà précisément ce que Louise a tenté d’expliquer au grand con à côté d’elle. Salaud mais malin. Toutefois, elle s’attendait à ce que Seth les suive, pas à se faire confisquer ses papiers comme une vulgaire criminelle. Et les lunettes.

« Sérieusement, pourquoi ses lunettes ? »
« Parce que c’est visiblement la seule chose de valeur qu’il a sur lui et que je veux vous revoir tous les deux. Et puis ça m’amuse. »

Connard.

Derrière Hamm, la porte teintée s’ouvre à nouveau, laissant filtrer une odeur de chaleur, et Seth reprend sa place à la table, plus détendu qu’auparavant. Il adresse quelques signes à son patron.

« Quand ces deux là seront repartis, tu lui trouves une nounou. »

L’homme hoche la tête et la conversation bascule à nouveau sur les cambrioleurs.

« Nous sommes d’accord ? »
« On a le choix ? »
« Toujours. »

Connard arrogant.

« On est d’accord. »

Avec un grognement agacé, Louise s’empare des lunettes de son compagnon et tire de sa chemise sa licence de chasseuse. Hamm s’en empare sans chercher à dissimuler son plaisir.

« Merci. Seth, donne-leur ton escargophone. »

Le garde du corps tend le petit animal à la blonde qui le refait passer à son voisin.

« Pas la place de le garder. »

***

Quelques paroles échangées, des insultes réprimées, et le duo se trouve de nouveau à la rue. Bien heureusement, celle-ci se trouve déserte et si l’air est toujours pollué par les fumées colorées, l’agitation semble retombée. La Marine doit toujours être à leur recherche, mais les dites recherches ne se concentrent pas sur cette zone. Louise prend une minute pour respirer et réfléchir. Elle a peut-être une idée mais elle est risquée.

« Pose ce den-den ici et viens par là. »

Hamm serait bien capable de les espionner via l’animal.

« On a une autre possibilité. Une solution qui rendrait la monnaie de sa pièce à Hamm et nous permettrait de nous blanchir. »

La blonde n’hésite qu’un instant avant de continuer.

« On capture la gamine de Seth et on exige notre liberté en rançon. »
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Et moi j'hésite qu'un instant avant de te mettre à l'amande.

Ça veut pas vraiment dire que je t'offre une galette des rois, non. Et puis la fève, t'en aurais rien à faire, tu te considères déjà comme la reine d'un jeu dont quelqu'un d'autre serait le joueur. Tu crois que j'ai pas repéré ton manège avec cette pièce de bois noire que tu trimballes partout et dont tu ne te sépares jamais ? J'sais rien sur toi, ma grande, mais je peux être certain d'une chose, cette pièce, elle t'a pas sauvé la vie. On garde avec soi que les symboles de nos malheurs, pour être certains de pas les oublier, pour être certain d'attiser notre haine de quelque chose. Ou alors nos plus beaux souvenirs, mais, tu vois, nous, les plus beaux souvenirs, ça nous concerne pas. T'as ta Reine. Et je sais pas ce qu'elle représente, mais je serai pas celui qui te donnera l'occasion de porter une couronne, même tirée au sort par un gâteau basque auquel on aurait troqué le sablé contre une pâte brisée. Cette amande, que je te mets, elle est plutôt dans le genre châtaigne. Marron. Mon amande, quand je l'offre, c'est généralement avec sa coque, au point que les gens en viendraient presque à préférer abricots.

Ma main saisit ton poignet et je ne peux pas m'empêcher de le serrer de ma poigne de fer. Je sais que t'as connu pire, mais c'était ça ou ton nez. Je t'ai déjà enlevé une pommette, alors je vais me cantonner à te maintenir par le poignet. Mon regard est dur, brutal. Là, en cet instant, et probablement pour quelques temps, je te hais. Je te hais au point de me faire du bien. J'ai dans le regard un calibre neuf qui vise tes yeux vairons. Mes dents serrées exhalent un air contenu aux fragrances de colère. Tu m'as gavé jusque là, moi ton oie ; maintenant je vois rouge. Parce que merde, j'ai l'impression que tu te fous de ma gueule, que tu dis ces trucs pour que je sorte de mes gonds. Avoue, je le sais.

T'es vraiment une salope en fait.

Bon, d'accord, j'aurais pu y mettre les formes, la diplomatie, l'hypocrisie. Mais sérieusement. Tu me vois dire des trucs comme si j'étais un gamin de sept ans qui ne saurait pas mentir ou un vieux républicain qu'aurait oublié de se raser ? Et puis, merde, faut bien l'avouer, t'es vraiment une salope.

J'ai pas dit que je te suivais pour aller kidnapper des enfants ! Bordel mais qui t'a élevé ? C'est une gosse ! Et quand bien même, cet enfoiré de Jambon en aurait rien à foutre de la gamine. Il reprocherait à Seth de pas lui avoir trouvé de baby-sitter.



Sérieusement tu me fais chier !


Le ton est posé. Cette fois, je te suis pas. C'est toi qui vas me suivre. Je vais prendre une direction au hasard, genre celle-ci entre les trois barils de déchets sous forme de poussière noire et ces trois caisses en métal rongé par l'acide d'une pluie qui doit pas être aussi limpide que les eaux de Là-Bas. La rue par laquelle on est venue, histoire d'au moins retrouver les grandes artères de la ville trop peuplée, trop bruyante, trop colorée. Il doit pas être loin de quinze heures. Avec un peu de chance, les gens seront retournés bosser et on aura une heure de répit avant que les gosses n'envahissent les rues pavées, avec leurs cartables, leurs bicyclettes et leurs amours difformes en sortant de l'école. Je relâche ton poignet et prends soin d'éviter ton regard. J'ai l'intention de te traîner dans cette direction, au hasard disais-je – parce qu'on sait pas du tout où pourrait se planquer ce foutu voleur arriéré – quand tu me tires en arrière aussi brusquement que je t'avais enserré le bras quelques instants plus tôt. Le regard impérieux, tu m'intimes de garder le silence, tandis que tu restes aux aguets. Il ne faut pas une seconde pour que résonne à nouveau les aboiements et jappements de chiens excités. Et il n'est pas difficile de deviner d'où sortent les chiens, et ce qu'ils cherchent. Nous étouffons chacun un juron d'une voix égale et nous bondissons derrière les tonneaux de poussière en priant pour qu'on ne nous y trouve pas. Et si notre cachette n'est pas de plus brillantes, en une seconde trois-quart, je mets au défi n'importe qui de trouver mieux. À part dans les tonneaux, mais perso, j'y fais pas confiance à cette sciure noirâtre. À tous les coups, c'est des centaines de trucs noirs, à poils, à yeux, à pattes, qui se baladent en bande et qui préfèrent les endroits sombres, humides, et très silencieux.

Et puis à tous les coups, j'y rentre même pas en hauteur dans ces satanés trucs en bois.

Surgissent alors au pas de course cinq marins hors d'haleine d'avoir poursuivi les canidés pendant peut-être plus de deux heures. Ils ont presque l'air heureux de déboucher dans une impasse, surtout avec les seize pattes qui s'arrêtent, les quatre langues pendantes, devant la lourde et large porte en métal de chez Hamm. Nous nous regardons, interloqués, sans savoir si c'est une bonne chose ou une mauvaise nouvelle. Le Den Den qu'il nous a confié n'émet pas un bruit et continue de somnoler même lorsque l'enquêtrice frappe à grands coups sur la double porte. J'ai le temps de penser à l'absurdité qu'elle risque de réveiller la petite, puis la porte s'ouvre devant Seth qui invite les marins à entrer. Nous assistons en silence à la procession des trois marins qui disparaissent à l'intérieur pour laisser les deux autres dehors. Et cette fois, il ne nous faut que quelques secondes durant lesquelles les portes se referment dans un claquement sourd pour se rendre compte que, cette fois, c'est une bonne nouvelle.

Si eux tu veux les kidnapper, aucun problème. Ils doivent avoir des infos.

On verra un peu dans quelle merde on est et si on peut s'en sortir à moindre frais. Parce qu'à mon avis, ils ne nous accusent pas gratuitement ; il doit forcément y avoir méprise quelque part. Remonter jusqu'aux témoins, jusqu'aux lieux, je sais pas, quelque chose. Alors avec ton accord, et comme ils nous tournent le dos, inconscient de notre présence à moins de dix pas d'eux, je soulève l'un des tonneaux et le balance avec la puissance d'une charge de taureau. Le nuage noir qui en résulte, en plus de les avoir figés de surprise et écrasés contre le mur, aura le mérite de les aveugler quand nous viendrons les assommer à coups de bar à mine dans les rotules – passez-moi l'expression. Juste pour le plaisir de se défouler après une matinée stressante. Ça évitera qu'on se cogne l'un sur l'autre. Ce serait limite comme ambiance dans une cohabitation forcée par des menottes, qu'on se cogne l'un sur l'autre. Cogner sur des marins, c'est bien aussi. Je les charge sur mon épaule et on disparaît de cette rue avant que Seth et son ouïe de chat n'ait l'idée de sortir voir si personne n'agresse personne.

Il n'y a plus qu'à se trouver un coin tranquille, derrière un bar, dans une piscine délabrée, ou un minaret en construction, pour les interroger et remettre la main sur le fil d’Ariane qui nous conduira au vrai voleur. Même si j'avoue perdre un peu de vue les raisons pour lesquelles on va essayer de le retrouver.

Et comme je suis galant, je vais te laisser commencer, Reine Noire.
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Torsion du poignet. L’étreinte implacable, plus froide encore que le métal, s’imprime dans la chair à chaque mouvement trop brusque. La douleur, amie. Retenue, dans cette ruelle, maintenue immobile, qui lui coupe le souffle et les mots. Louise.

« Sombre con. »

Cette haine que ces yeux dorés lui crachent à la gueule ; eh bien quoi ? L’asymétrie du regard vairon la renvoie, claire et glaciale. Du mépris aussi. Et une touche de soulagement, comme une ombre qui se perd dans la colère.

Profite de ta poigne, savoure ton emprise ; tant que tu le peux. Tu perds le contrôle et c’est un gouffre que tu ouvres. Les faiblesses sont là, exposées, exhibées. La blonde s’insinue dans la faille et s’en empare. Pour plus tard. Pour ces moments où tu croiras pouvoir la dominer et où, dans ton inconscience, tu te feras écraser. Avoir plusieurs coups d’avance : une nécessité aux échecs.

Pour l’instant, Louise se tait. Elle ne prononce pas ces mots qui lui brûlent les lèvres, ces arguments dont elle veut étouffer ce connard sans lunette.

Qu’est-ce que tu crois ? Les enfants grandissent comme ça dans ce monde, à grand coup de grolle dans le battant. Les contes de fées, personne n’en a le luxe ici. Alors me regarde pas avec ces yeux là, viens pas me faire la morale avec tes complexes de chevalier servant. Et surtout, les trois morceaux d’honneur qui te restent, tu te les carres au cul, et bien profond.

C’est un silence furieux qui entreprend de suivre le chemin du grand con. Louise lui emboite le pas pour ne pas se faire déboiter l’épaule.



Tac. Tac. Tac.

Merde, changement de plan.

***

Après plusieurs minutes de course, le petit groupe s’arrête finalement sur un petit terrain désaffecté rattaché à un café-théâtre fermé. L’espace est protégé par un muret de briques tombant en miettes et un grillage de fer percé à de multiples reprises. Des tables de bois brisées et des affiches de spectacle défraichi laissent à penser qu’il s’agissait d’une terrasse. Toutefois, au juger de l’état et à la prolifération de mauvaises herbes, cela fait bien longtemps que le lieu a perdu sa fonction principale au profit de celui de déchetterie. Peut-être à cause de l’air vicié par la fumée nauséabonde émise par une usine proche ; ou la faute à cet énorme clocher dont le carillon vrille les tympans des badauds à intervalle irrégulier. Toujours est-il qu’il s’agit de l’endroit idéal pour être à l’abri des oreilles indiscrètes.

Alors que Diele attache les Marines au grillage au moyen de leurs propres menottes, Louise masse son épaule endolorie par le choc du jeté de tonneau. Ce con a bien failli lui déboîter l’épaule avec ces conneries. Lorsqu’il se redresse pour l’interroger du regard, la blonde ne lui laisse pas le temps de respirer.

« T’es complètement con ou quoi ? T’as la morale sur commande ou t’es encore plus dégénéré que ce que je pensais ?! »

Elle tire sur la menotte pour attirer ce grand ahuri un peu à l’écart, hors de portée des soldats. Du coin de l’œil, elle note que l’un d’eux commence à se réveiller. Parfait. Elle attrape la chaîne de la menotte, entravant au mieux l’une des mains du grand con, ferme son autre poing, prête à répliquer en cas de coup. Ou prête à en distribuer. Puis elle se place, comme elle l’a fait chez Hamm. Elle s’assure que son compagnon n’ait pas les Marines dans son champ de vision et elle surveille les deux soldats par le biais d’un miroir brisé posé contre le muret de brique. Le manège ne dure qu’un instant et passe inaperçu. Alors, elle prend une profonde inspiration, malgré la fumée, et continue. Son ton est sec, colérique, mais la voix ne monte pas encore. Elle ira crescendo, dans une perte de contrôle maîtrisée dont elle a seule la connaissance.

« Y’a besoin de te rappeler qu’on essaye d’éviter la taule ? Ce connard de Hamm nous tient par la peau du cul et il nous fera porter le chapeau si on lui ramène pas ses conneries de montres. S’attaquer à des Marines c’est juste entrer dans son putain de jeu ! Sans déconner, tu pouvais pas attendre et suivre cette enquêtrice de mes deux ? Y’avait suffisamment d’ordures dans ces tonneaux pour masquer notre odeur et ne pas se faire remarquer par les chiens. »

J…

« Ta gueule, j’ai pas fini ! »

Elle se laisse prendre au jeu. Quelques trémolos inconscients donnent de la justesse à son ton. L’un des Marines est parfaitement réveillé maintenant, et il secoue discrètement son compagnon, profitant des sons de cloche pour murmurer sans se faire entendre.

« Tu voulais pas qu’on s’en prenne à la môme ? Si t’avais réfléchi dix secondes avant d’ouvrir ta grande gueule, t’aurais réalisé que c’était le moyen de diviser Seth et Hamm, d’obtenir de quoi le faire plier et de nous blanchir. Les emmerdes, on y était déjà jusqu’au cou, mais maintenant, avec tes putains de connerie, on se noie dans la merde et on n’est pas prêt d’y voir clair avant un moment. On est du côté des Marines, on n’est pas des putains de criminels, espèce de taré. Faut vraiment que je t’explique des concepts aussi simples que ceux-là ? Y’avait un minimum de chance pour qu’on parvienne à convaincre les autorités de notre innocence, maintenant c’est foutu. Bien joué. »

Lorsqu’elle se tait enfin, Louise est presque essoufflée et réalise qu’elle n’a jamais autant parlé à cet ahuri qu’en cet instant. Comme si elle avait ressenti le besoin soudain de vider son sac, de répondre malgré tout à cette haine qu’elle devine encore dans le regard mordoré de l’autre. Est-ce parce que ses yeux lui rappellent ceux de Waka qu’elle n’est pas tout à fait en mesure d’accepter ce qu’elle y lit ? Non, c’est absurde. Pour le moment, elle profite juste de la colère générée cette situation stupide et complexe.

Maintenant, les deux Marines sont réveillés et chuchotent furieusement, restant toutefois parfaitement inaudibles et faisant montre d’une discrétion remarquable. Sur le visage du plus jeune, l’ombre du doute et de l’incompréhension plane. Ils semblent avoir entendu une bonne partie de la tirade et Louise contient sa mine satisfaite, fait semblant de ne pas les remarquer et conserve son attention sur l’autre connard qui aura sans doute sa grande gueule à ouvrir. Pour changer.

Tu voulais laisser la main ? Eh bien marche, mon cher. Les pions sont avancés.
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Les coups de cloche sonnent. Ça bourdonne entre mes tympans. Le gong est dans mon crâne et mon regard est vitreux. La colère est jamais loin, toujours ondoyant entre les viscères et dans les os. Hein Serena. Colère. Ton serpent. Je sais ce que ça fait. J'ai pas la grandeur d'esprit de lui donner un nom, ou une forme. Je sais juste que ça fait serrer le poing et que ça cogne aux tempes. Elle a beau être anesthésiée, la plupart de la journée, par tout ce capharnaüm d'émotions négatives qui se tirent la chique à qui sera la plus forte, se roulant les unes sur les autres comme des porcs dans leurs fange, elle est là, pulsant, n'attendant qu'une étincelle pour s'embraser. Pour m'embrasser. Hé. L'avantage avec toi, c'est que la colère est en happy hour depuis quelques temps déjà. C'pas compliqué de la laisser sortir, je lui ai donné les clés, plus spécialement depuis qu'on a débarqué ici, et étrangement t'es pas la seule en cause. Et visiblement, c'est la même chose pour toi. J't'ai jamais entendue parler autant. J'ai jamais reçu autant de postillons venant de toi. Et me rendre compte de ça, ça fait bizarre. J'ai l'impression d'être au croisement de chemins de terre, en pleine forêt, avec à la fourche du tronc noueux d'un arbre un chat au grand sourire qui m'indique à droite la colère et à gauche la satisfaction. Et je n'ai guère de peine à t'imaginer dans ma situation, toi et ta chevelure flamboyante.

Les coups de cloche sonnent. J'ai perdu le compte, et je me demande même s'il y a une logique à ces heurts gratuits. Dans le ciel au dessus de nous, une fumée vert pomme masque temporairement le ciel bleu et ne manquera pas de nous retomber sur la tronche. Pour parfaire ton maquillage.

Les coups de cloche sonnent. Ça résonne dans l'espèce de cour où on a trouvé refuge et ça accompagne tes prises d'inspirations nécessaires à ce monologue que tu me sers. Bien sûr, je me rends pas compte de ton petit manège. T'as vraiment l'air persuadée de ce que tu racontes ; tu le penses réellement en fait. Comment veux-tu que je remarque que la moitié de ce que tu psalmodies, tu le dis pour nous blanchir aux yeux des deux gus derrière nous que je ne sais même pas réveillés, hein ? Hé. Tu le veux pas. C'est ça qui est fort. C'est ça qui te fait frémir. Hé. C'est ça qui t'excite. Te jouer de moi comme tu te joues d'eux.

Mes paroles sont sifflées entre mes dents. Parce que colère est là, que j'ai pas mes lunettes, que mon monde est flou et que toi, t'es une tâche nette dans ma vision. Même nette, tu restes une putain de tâche.

Sauver nos fesses n'excuse pas de traumatiser une gamine, bordel ! Tu l'as dit, on est pas des criminels. Mais si je dois le faire croire à des marins qui nous pensent déjà l'être pour nous innocenter, alors ça me fait pas peur ! Parce que de toute façons, prouver notre innocence ça passera par l'étape retrouver le voleur.

Je vais pas faire comme toi et partager mes sentiments de rage et baver ma haine sur toi. Ça ferait sale. Et puis, je t'avoue que j'ai pris le chemin de la satisfaction. Va savoir pourquoi, j'ai la stupide et non moins niaise impression de t'avoir fait sauter quelques boulons. Peut-être que je nous emmène dans le mur, mais je ne veux avoir plus rien à me reprocher. Rien à foutre que ça te mette hors de toi, que tu espérais pouvoir manipuler Hamm et Seth ; ou plutôt je préfère que ça te mette hors de toi plutôt que d'avoir joué ton jeu jusqu'au bout. Te suivre dans tes délires pervers manipulateurs, c'était une connerie, je recommencerai pas. Et s'il faut pour ça épargner des gamines et cogner sur des marines, je le ferai.

Je me rends alors compte que dans mes paroles comme dans mes pensées, ces flics en prennent pour leur grade. C'est qu'il doit être temps de les réveiller pour connaître ce qu'ils savent. Parce que nous, trouver cette fichue montre, c'est pas notre point fort, faut le reconnaître. Je me retourne tranquillement, pour pas te démettre l'épaule, toujours courbé pour pas que ton bras pende dans le vide, et j'avise les deux types accrochés à la grille et visiblement parfaitement éveillés.

Chier. T'aurais pu me dire qu'ils étaient conscients ces cons.

Parce que t'étais face à eux et que moi je leur tournais le dos. Mais c'était ton but, ton plan ; tu risquais pas de me le dire, hein ? Et moi je ne te sais pas aussi tordue pour m'en douter. À la bonne heure, profites-en. Je fais quelques pas vers eux, et bizarrement, ils ont pas aussi peur que si une montagne leur marchait droit dessus. Parce que je suis vouté comme un vieux ou qu'ils ont entendu la quasi-totalité du speech de la demoiselle aux belles jambes ? Bonne question.

Vous avez tout entendu ?
-Plus ou moins.
Lequel d'entre vous s'appelle Jones ?
-Eh bien en fait pour tout vous avouer, c'est là le souci, personne s'appelle Jones...
« Mais votre enquêtrice vous a bien... »
-Ouais, elle a pas la mémoire des prénom, alors on est tous Jones.

Je prends deux secondes pour frotter mes paupières fermées et rouvre les yeux, comme si de rien n'était. Mare de toutes ces conneries.

Bon, Jones. Vous allez répondre à nos questions ?
-On a pas vraiment le choix.

Petit hochement de tête de ma part. Je te lance un regard en coin que tu captes. Pas vraiment calmée, mais au moins assez intelligente pour pas foirer un interrogatoire. Même si c'est un interrogatoire avec des mecs conciliants. Parce que c'est grâce à toi s'ils le sont. Et si je l'avais su, je crois que je t'aurais un peu plus appréciée. Mais tu veux visiblement pas que je le sache, alors je reste froid et concentre à nouveau mon attention sur les bonhommes attachés et aux voix semblables.

Pourquoi vous nous avez pris en grippe ?
-À cause de l'identification des suspects par le témoin...
« Un homme de deux mètres cinquante, blond aux yeux bleus ? »
-Euh... ouais.
« Vous êtes stupides en fait. »
-Mais le témoin vous a également identifié !
Ce con vous donne deux infos différentes et vous le croyez encore ?
-C'est surtout l'enquêtrice qu'on suit, nous.
Hé. On a bien fait de pas la suivre, tiens.

Pullu pullu pullu. Pullu pullu pul !
*Gotcha*
C'est pas le moment ducon.
*Catcha !!*
« ... »
-...
« C'est qui votre témoin ? »
-Le banquier. Puis deux ou trois autres types qui n'étaient pas d'accord entre eux. Il y avait trop de fumée, visiblement. Mais tous s'accordaient à dire que ses vêtements étaient élimés.
Élimés ?
« Vous avez un quartier pauvre dans cette ville ? »
-Eh bien, plus ou moins...
« Vous n'y seriez pas allé faire un tour par hasard ? »
-Pourquoi faire ? Notre témoin vous avait identifiés...
Quand je les aurai récupérées, je lui carrerai mes lunettes dans ses orbites à ce con de banquier tiens.
-Vous allez... Vous n'allez tout de même pas...
On va se gêner tiens.
-Pourquoi vous faites ça ?
« On a pas vraiment le choix. »

À défaut de merles, on mange des grives. Ou un truc du genre. On sait peut-être pas qui on cherche, on sait peut-être pas où le chercher, mais si on doit y passer la semaine, on l'y passera. Je pense pas qu'on ait d'autre choix que d'aller fouiner par là-bas, de toute façon. Dans ce quartier pauvre. Ça doit pas être l'apanage des lieux touristiques, mais on doit bien reconnaître que nous et les tourisme, c'est pas une grande histoire d'amour.

À tout hasard... vous n'auriez pas les clés ?
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Dong. Dong. Dong. Dong.

Dans le quartier le plus ingrat de Verne, le son sourd d’une énorme pendule embrasse la misère. L’étreinte n’est ni amicale, ni réconfortante, mais oppressante et lourde, accablant toujours plus la population. À moins qu’il ne s’agisse d’une illusion ? À force d’entendre résonner, encore et encore, carillons et clochers, gongs et coucous, Louise ne parvient plus à différencier ce qu’elle imagine de ce qu’elle perçoit réellement. L’écho du pendule semble interminable alors que le sang lui bat les tympans. Nul besoin de s’interroger, les raisons qui ont poussé ce quartier dans la misère sont évidentes : comment vivre dans une cacophonie pareille sans devenir fou ? Au-delà du bruit des heurs, les cliquetis mécaniques des horloges sont autant d’oiseaux métalliques. Ils piaillent et raillent les passants, laissant échapper des mélodies dissonantes et chaotiques. Ils se répondent ou se chamaillent, refusant au silence la position qu’il tente de réclamer inlassablement. Il cherche sa place, pourtant ; la multiplication de ses subterfuges témoigne de son existence. Boules quies, casques et caches oreilles, les tentatives sont vaines et l’épaisse fumée des machineries s’allie au vacarme pour refuser tout répit.

Les bâtiments sont noircis par la pollution, la couleur des pierres a disparu et les carreaux crasseux des fenêtres ont depuis longtemps perdu leur utilité. Les lourdes fumées odorantes retombent inlassablement sur la pauvreté, étouffant les habitants de leurs miasmes. Les pavés foulés par les démarches trainantes sont lisses comme du verre et l’on distingue à peine leurs contours dans la crasse qui les lie les uns aux autres. Quant aux maisons elles-mêmes, elles sont autant d’architectures discordantes qui s’élèvent vers le ciel, tentant ce que les habitants ont depuis longtemps abandonné : retrouver le soleil et l’air pur.

Malgré tout, l’endroit grouille de vie et, si les hommes ont renoncé aux privilèges, ils n’ont pas abandonné leur besoin de civilisation pour autant. En effet, partout fleurissent des échoppes et comptoirs nécessaires au quotidien du quartier. Les produits proposés ne sont pas luxueux, les aliments sont ternes et leur goût encore plus, mais le secteur fait parti de Verne et s’accommode à sa manière de son mode de vie particulier.

Dong.

« ‘bien triste tout ça… »
« Braaak ! »

Dong.

Le cri strident du cormoran se perd dans un nouveau coup de cloche. Lancé au mauvais moment, il ne parvient que trop tard à percer la conscience des deux fugitifs qui se sont aventurés si bas.

« Putain ! »

Louise tourne la tête frénétiquement, cherche à percer les exhalaisons des machines pour retrouver le peintre et le piaf, mais ils se sont déjà évaporés, comme une mauvaise blague qu’on cherche à oublier. Bon, ils auront bien l’occasion de les retrouver, ce n’est pas la priorité actuelle.

Bien heureusement, les deux fuyards ont retrouvé une part de liberté grâce à la clé des menottes prise aux marines. Les pauvres hommes, conciliants, ont accepté de les aider un peu. Sans doute espéraient-ils en retour se faire détacher ? Déception. La blonde et l’ahuri ont préféré retarder le moment de la séparation avec le grillage de la cour. Ils ont besoin de temps et ce n’est pas en laissant les soldats courir auprès de l’enquêtrice qu’ils l’obtiendront.

Sur le chemin menant au quartier, le grand con a eu tout le temps de rappeler Hamm pour le tenir au courant de l’avancée de la situation (non sans accommoder le rapport de propos fleuris et nettement moins réguliers que le tic-tac des horloges). Louise a refusé de lui parler, tant par mauvaise humeur que parce qu’elle était occupée à trouver le chemin vers le quartier d’où provient supposément leur suspect. Un aussi grand mec blond aux yeux bleus, ça devrait pouvoir se trouver, non ? Et vu le coin, il est tout à fait possible que le gars en question se planque dans les parages. Mais même s’ils parviennent à découvrir son identité ou son visage, dans cette purée de pois nauséabonde, ils peuvent passer à côté de lui et le rater. L’avantage, c’est que la Marine aura tout autant de mal à les retrouver aussi. Pour peu qu’ils ne se livrent pas eux-mêmes pour échapper au brouhaha constant… Comme si la situation n’était pas déjà assez compliquée…

La question est de savoir par où commencer les recherches. Dans ce genre de quartier, la solidarité est forte et si le duo de chasseurs éveille les soupçons, ils peuvent perdre à tout jamais la trace de leur proie. Toutefois, vu la misère locale, avec quelques berries, ils pourront sans doute parvenir à délier les langues.

« On va demander à ce type s’il a des infos. »

La blonde désigne un mendiant dégueulasse avachi contre un mur aussi crade. Encore une fois, elle n’attend pas de suggestion, elle ne propose rien. Elle impose. Et merde si l’autre ne suit pas.

Mais il suit.

Malgré le changement dans la tension qui les lie, malgré cette haine nouvelle que Louise a perçu dans le ton de ce con de binoclard, il continue à suivre pour le moment. Pour le moment… Qu’est-ce qu’a dit Hamm, déjà ?

"Le temps fuit."

Et il n’est pas le seul.

Ding, ding, ding.

Le tintement discret des pièces de monnaie se perd dans le vrombissement des machines alentours. Toutefois, l’éclat de l’or dans la casquette défraichie du mendiant ne passe pas inaperçu. L’homme relève son visage buriné vers celle qui l’a pris suffisamment en pitié pour lui faire la charité.

« Merci bien m’dam’. »

Elle lui adresse un demi-sourire puis fait mine de s’éloigner. Un instant après, elle se ravise et recule, revient se planter devant le clochard.

« Y l’y reste d’la monnaie ? »
« Ptètre. On cherche un copain, tu l’as peut-être vu passer pendant la journée ? »
« Dis-y voir. »
Blond, yeux bleus, grand comme moi.
« Wohla, z’êtes des copains à Camille ? Faut pas y craindre avec des gaillards comme ça. »
Tu sais où il est ?
« J’y ai vu passer ‘tal’heure dans la rue des pendus. C’est celle qu’y est du côté du chemin du souffre, vers la rue… »
« Ouais, ouais, c’est bon, on va trouver, merci. »

Rue des pendus. Ben tiens, si ça c’est pas encore une preuve que le hasard aime se foutre royalement de leur gueule…
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À chaque pas supplémentaires que nous faisons dans la pauvreté qui a servi de mortier à ces pierres, l'atmosphère se fait plus étouffante encore. Plus viciée d'odeurs disparates et indissociables et plus humide. Il faut dire que pas un angle de rue n'a sa propre bouche d'aération, ses propres évacuations. La fumée est recrachée par tous les pores du quartier. Elle semble sortir des murs eux-mêmes, et ce n'est qu'à moitié faux. C'est un festival de couleurs, de parfums entremêlés. On passe devant cette vitrine de pains et de brioches, et on bouffe par les yeux, par le nez et par à peu près tous les orifices, les vapeurs du levain, du sucre et de l'huile – de moteur. Et lorsqu'ici, on plisse des yeux pour décrypter une plaque en métal rouillée par les sons assourdissants, les odeurs d'un blanchisseur pâlissent nos vêtements sans même en avoir regardé l'écriteau de toute façon illisible. Et c'est partout pareil. Si les rues sont beaucoup moins actives, bien moins remplies et vraiment plus chaotiques, les commerces fleurissent malgré tout et semblent prospérer. Chacun sa mamie à la cave pour pédaler et faire tourner leurs machines gigantesques. L'âge industriel file la toux et l'arthrite, je m'en souviendrai.

Mais le plus impressionnant, c'est cette quantité de sons si dense au mètre carrée qu'elle voute les passants. Si le brouillard et les fumées sont à découper au couteau, il en va de même pour les bruits. Plus qu'oppressants, ils sont affolants. La gravité me semble plus lourde ici que là haut, c'est dire. Pourtant, j'ai rêvé de me tenir droit depuis que je te trimballais au bout de ma chaîne, et même maintenant où je suis débarrassé de toi et plus obligé de me plier en deux pour avancer, je ploie l'échine sous cet assaut continu de coassements métallurgiques et de beuglements d'horlogerie. Ça résonne de partout, ces merdes. On a beau chercher un endroit sans murs, avec un peu d'herbe, qui sait, un parc, ou même une fontaine, la pierre est si large, si polie par les humeurs du peuple qu'elle répercute en échos insatiables les gargouillis infernaux d'une ville basse en ébullition. Et par ville basse, j'entends au sens premier du terme. J'ai arrêté de compter les escaliers qu'on a dévalés après le douzième. Nous avons tous les deux l'impression que le ciel s'éloigne à mesure qu'on s'enfonce dans la ville, mais ce n'est peut-être pas qu'une impression : je suis persuadé qu'il s'éloigne bien de nous. Enfin, lui de nous ou nous de lui... Putain. Mais dans ces conditions, comment on peut en vouloir à Icare d'avoir convoité ses rayons, au soleil ?

Et nous, comme deux cons, on convoite un mec baraqué qu'à disparu dans une rue au nom trop commun pour l'endroit. On passe tout de même devant la rue de la potence, l'impasse des décapités, la rue des mandragores et l'allée des mandragores, la rue du soleil, le quartier de la Shoah, l'avenue des torturés et la ballade des pendus.Alors pour la trouver, cette rue, bonjour. Et la purée de pois n'est pas pour nous aider dans notre entreprise. Enfin, je dis notre, mais toi, tu te dévisses régulièrement la tête et fronces les sourcils dans l'espoir d'entr'apercevoir un duo d'illuminés dont tu as visiblement besoin pour éclairer ton chemin. Moi ils ne me font plus ni chaud ni froid ; je veux juste avancer. Quitter ces rues qui m'oppressent et me filent gerbes et nausées et vertiges. On y voit comme dans une ruée de flics sur une manif' pro-sivens. Ça donne envie de se barrer au galop à dos de Coq Sportifs. Même si je dois avouer que ce dernier point (les fumées), je m'en carre un peu. Ce con de Hamm m'a confisqué mes lunettes, comme un prof à un élève sa console portable, donc je vois flou de base. Mieux, tout le monde est rabaissé à mon niveau. Tant qu'on traverse pas ces fumées rouges qui me rappellent l'incendie, ça me convient.

Et puis soudain, comme par miracle, la cour s'ouvre devant nous. Pas celle des miracles, mais presque.

Au milieu de l'avenue que nous suivons perclus d'humidité, la pierre et les pavés laissent soudain place à une trouée où s'entasse du sable, en tas, en pâtés, en vrac. Et là dedans, une dizaine d'enfants, en bas âge, peut-être en pré-adolescence pour les plus grands, jouent silencieusement, communicants par grands gestes pour ne pas se briser la voix à cent-vingt décibels pour surpasser la puissance de l'orchestre sousharmonique ambiant. Surgissant d'entre les brouillards, l'image se fait nette très vite et me cloue sur place. Je m'attendais tellement à autre chose depuis le temps qu'on arpente ces rues. Ils jouent à chat, à un-deux-trois-soleil, construisent des châteaux de sables... le tout encadré par deux femmes, l'une forte aux longs cheveux bouclés, l'autre frêle, aux joues roses et au visage sévère. Toutes deux arborent un sourire enjôleur et même moi aurais pu leur donner le Don Bieu sans confession. Si tant est que j'eusse été croyant. Je ne remarque qu'alors que derrière elles ne s'étend pas à perte de vue un mur gris et lugubre, couleur terre, comme partout ailleurs. Entre deux parois détruites à coups de masse, une cour, un patio, décoré avec des briques de couleurs, des peintures d'enfants, des sièges bigarrés et des matériaux de récupération. Un espèce de grand arbre dénudé aux branches emberlificotées et à l'air sec trône au centre de cet oasis de douceur. Y sont suspendus des berlingots, des manteaux à capuches, des serpentins et autres objets à l'inutilité inégalable mais à la beauté insoupçonnée.

J'en reste bouche bée.

-Allah Camille ! Qui est-ce que tu nous ramènes encore ?

La plus forte se lève d'un bond en nous apercevant tous deux, debout au milieu de la rue. Sa voix tonne comme une corne de brume et il faut au moins ça pour l'entendre. Derrière elle, les enfants ne réagissent pas lorsqu'elle se rue sur nous.

-Je te pensais déjà rentré ! Où est-ce que tu as trouvé cette frêle jeune fille ?

Il me faut une seconde de plus pour réaliser que c'est moi qu'elle appelle Camille et qu'elle te prend visiblement pour une frêle et innocente jeune fille. En même temps, à côté de moi, n'importe qui semblerait frêle et innocent. Hin. Ça me fait un peu marrer, mais pas trop, conscient qu'un jour, soit ça va me retomber sur le coin de la tronche parce que t'auras mal réagi, soit ça risque de nous être bénéfique si tu sors ta droite alors qu'on te sous-estime. Dans un sens comme dans l'autre, t'es pas perdante, alors le prends pas trop mal, va. Ça m'emmerderait que tu prennes mal une attention si douce à la base. Parce que ouais, ces deux mères poules semblent deux archétypes de la douceur. La couveuse se tourne alors vers toi et penche son visage rond tout proche du tien. Et pourtant, sa voix ne te percera pas les tympans malgré la proximité et la force qu'elle déploie visiblement pour se faire entendre.

-Ma pauvre biche ! Qu'est-ce qui a bien pu t'arriver à toi aussi... ?
Doucement avec les mots doux, elle est pas trop habituée.
-Vraiment ? Ma pauvre, quelle enfance Allah a-t-il bien pu te faire traverser ! Viens à l'intérieur, je vais te préparer un chocolat chaud !
On a pas le t
-Dis pas de bêtises. Et puis elle a pas le choix !

Une main de fer dans un gant de velours. En même temps, si c'est elle qui gère la dizaine d'enfants qu'on voit, pas étonnant. Derrière elle, comme elle t'entraîne par le bras pour te guider jusqu'à l'intérieur où elle a vraiment l'intention de te faire boire un chocolat chaud, la seconde femme reste assise, angélique, et continue de surveiller les enfants. C'est à peine si elle nous lance un regard chaleureux alors que nous passons devant elle. Ses joues semblent rosir d'avantage, mais je dois me faire des idées. J'vois flou de toute façon.

-Camille. Quelle joie de te revoir si vite. (Bon, et visiblement, elle aussi voit flou.) J'étais pourtant sûre que tu étais déjà à l'intérieur.
Je veux bien vous croire.

Je te coule un regard, toi qui te fais tirer par le bras et qui, comme moi, a entendu ce qu'elle vient de dire : Camille est à l'intérieur. Et soudainement, tu parais moins récalcitrante à l'idée d'aller boire ce chocolat chaud qu'on te promet.

Et avant que ça ne dégénère, je ne suis pas Camille.
-JE VEUX BIEN TE CROIRE GARÇON.

Surgissant d'entre les murs brisés à la force de ses propres bras, la main toujours sur le battant de la porte vitrée si encrassée de fumée qu'elle doit à peine laisser filtrer la lumière à l'intérieur, Camille apparaît comme une montagne voilée de brume dans les paysages vallonnés d'Irlande à six heures du matin – la crinière blonde en plus. Et effectivement, il est grand. Peut-être même plus que moi. Et c'est pas courant. Quoique j'ai jamais croisé de géants. Et les Oz encore moins, et c'est pas une mauvaise chose. Mais lui, lui en revanche, il parle fort. J'crois que mon foie a vibré à l'entendre tonner ses mots.

-Camille ! Mais... ? Je te pensais sorti !
Mais on va nous confondre toute la journée... ?
-JE PEUX VOUS AIDER ?

« Ouais. On voudrait discuter un peu avec toi. »
-VOUS AVEZ PAS L'AIR D'ÊTRE DES FLICS.
Heureusement que non !

Camille hésite. Il sait qu'il va lui arriver une couille. D'un côté, il vient de rentrer de son larcin. Et avec la meilleure enquêtrice de l'île en ville (bien que j'ai réellement de très gros doute sur la question) il devait pas s'attendre à rester impuni bien longtemps. Son regard passe de toi à moi. Et nous savons qu'on aura le droit à notre entrevue. Pour une fois qu'on tombe sur le bon type à la première entrevue, on va pas se plaindre, hein. Ton clochard fut efficace en fin de compte.

-Gladÿss, tu t'occupes des enfants ? Je vais faire chauffer la cannelle !

Au moins, eux, je suis presque sûr que je boirai ce qu'ils m'offriront.
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Dans la grande salle de l’orphelinat, les sons sont assourdis mais le BAM BAM régulier d’un marteau géant fait frissonner les murs. L’air est tout aussi vicié à l’intérieur qu’à l’extérieur, si ce n’est plus. Ça sent l’industrie et le chocolat, le charbon et la cannelle. Ça pue le renfermé et les gosses. Louise se sent instantanément mal à l’aise. Pas qu’elle se soit sentie mieux à l’extérieur, ceci dit…

Camille, le colossal Camille, s’installe pesamment sur un énorme fauteuil de bois massif. Probablement le seul qui puisse supporter son poids. Puis, d’un geste qui ne peut qu’être ample, il invite ses hôtes à prendre place à ses côtés tandis que quelques gamins se précipitent sur lui. Louise ne peut réprimer une grimace en voyant ces larves d’être humain se coller aux jambes du géant. Par rapport à lui, ils sont si minuscules qu’ils en deviennent insignifiants.

« Camille, tu veux jouer ? »
« Camille, t’as vu mon robe ? »
« Camille, je veux faire un dessin. »
« Camille, Jack y m’a tapé ! »

Le colosse éclate d’un rire fort et gras qui ne parvient qu’à peine à couvrir le brouhaha de l’extérieur. Les enfants crient pour se faire entendre et Louise est surprise de constater que leur voix est éraillée à force d’efforts, que leur ton est dissonant, hasardeux, comme s’ils n’étaient pas capables de poser correctement leur voix. Est-ce que le fait de vivre dans une pareille cacophonie les rend sourd à eux-mêmes ? Leurs mots montent et ondulent, glissent et se perchent dans des phrases au rythme saccadé. L’impression est troublante et renforce le sentiment de malaise de la blonde.

« Comment tu t’appelles ? »

Ça y est, les enfants ont remarqué la présence des deux inconnus. Avec une moue agacée, Louise repousse le gamin qui tente de l’approcher. Mais celui-ci prend ça pour un jeu et revient à la charge. Heureux les simples d’esprit…

« Tu viens pour jouer ? »
« Non. »

Le mot est prononcé trop bas et l’enfant ne l’entend pas. Un autre prend le relai, s’attaquant aussi bien à Louise qu’à Diele.

« Eh ben moi, j’ai joué au sable avec Susan. »
« Et moi aussi ! »
« Et on a fait un château ! »
« Pourquoi t’es grand ? »
« Je suis grande ! J’ai tout ça d’âge ! »
« Moi aussi je suis un grande. »
« T’as quoi dans tes poches ? »
« Allons, allons, les enfants, vous embêtez nos invités. Allez jouer avec Gladÿss, elle va vous montrer comment faire des tortues de sable. »
« Des tortues ? Mais c’est incroyable ou je rêve ?! »
« Ouiiii ! »
« Moi je joue avec Mei ! »
« Non, c’est Rachel ma copine ! »
« Eh ben t’es plus ma copine ! »

Sans avoir pris la peine d’écouter les hypothétiques réponses du duo, les enfants se précipitent dehors alors que la dénommée Susan dépose des chocolats sur la table métallique et crasseuse. Louise se permet un soupir de soulagement et adresse un sourire faux à la femme.

GING. GING.

Une curieuse pendule s’ajoute à la danse des sons et à l’odeur des rires. Perplexe, Louise détaille la curieuse structure posée sur une étagère. Simple en apparence, elle a pourtant l’air de tenir une place importante dans la pièce, voire dans le bâtiment.

GING. GING. GING.

Pendu à un fil de pêche invisible, un petit médaillon cogne le rebord d’acier d’une cuve remplie d’eau. Il ne semble animé par aucun autre mécanisme que celui des vibrations alentours et sa surface doré est en majorité ternie et étouffée par l’eau colorée de la cuve. Au lieu du laiton poli qu’on devine encore au sommet du cercle, c’est un dégradé bleuté qui s’étend sur le métal.

« Qu’est-ce que c’est ? » ne peut s’empêcher de demander Louise.
« Quoi ? »

Ah, pas assez fort. Elle réitère sa question en haussant la voix.

« La pendule ? Vous n’êtes pas d’ici ? »
« Non, on vient d’arriver. »

Susan sourit doucement et avale une gorgée de chocolat chaud. Les convives font de même, attendant une explication. Camille lui-même semble curieux et il se calle au mieux sur sa chaise pour écouter la réponse de la femme. Le chocolat n’est pas mauvais mais il a un goût de fumée et de charbon, comme si le breuvage s’asphyxiait lui aussi. Toutefois, personne ne fait de remarque et le pendule redevient silencieux avant que Susan ne reprenne la parole.

« Ces pendules sont les horloges de l’île. Tous les foyers en possèdent une. Comme vous le voyez, ce sont des structures très simples qui ne dépendent d’aucun mécanisme précis. Cela peut vous paraître étrange, mais sur Verne, chacun possède son temps. »
Qu’est-ce que ça veut dire ?
« Les pendules réagissent aux vibrations de l’air et du sol. Sur une île aussi exploitée que la nôtre, les ondes sont nombreuses et palpables. Il suffit d’écouter les vagues sonores qui submergent le quartier. Les petites pièces qui effleurent l’eau sont nos jours. Avec les battements de l’île, ils s’agitent, effleurent l’eau, s’y noient petit à petit. Dans l’eau, quelques produits favorisent l’oxydation et la coloration du métal. A chaque plongée, le médaillon se colore un peu plus et nous considérons une journée écoulée lorsque sa couleur a totalement changé. »
« Vous ne vous basez par sur les cycles du soleil et de la lune ? »
« Pourquoi faire ? La plupart des habitants ne les aperçoit jamais. »
« Mais comment vous pouvez vous organiser si personne ne vit au même rythme ? »
« Chaque commerce, entreprise, école, manufacture… a son temps. Chaque foyer également. Ici, nous vivons de manière plus effrénée que dans les quartiers plus sereins de Verne. Comme dans toute société, il y a les démunis et les privilégiés. Nous nous sommes fait une raison. »
« PAS TOUS. »

La voix de Camille tonne alors que le géant sort de son écoute méditative. Il perd un peu de sa bonhommie alors qu’un éclat colérique perce les ténèbres de l’orphelinat. Instantanément, Louise et l’ahuri se tendent, prêts à reculer au moindre geste trop brusque. Mais rien ne vient. Déjà, le géant se rembrunit et Louise avance prudemment un nouveau pion. Bien que la notion de prudence lui paraisse contradictoire avec les cris nécessaires pour se faire entendre.

« Qu’est-ce que vous voulez dire ? »
« ON PEUT CHANGER LES CHOSES AVEC LES BONS MOYENS. »
« Quels moyens ? »
« Camille, ça suffit. »
Tu parles des montres ?

Bon, pour la subtilité et une approche en douceur…

« VOUS AVEZ PAS L’AIR D’ÊTRE DES FLICS. »
« On n’en est pas. »
« POURQUOI VOUS ÊTES LÀ ? »

Louise colle un coup de pied sous la table à son voisin. Quel con, il a intérêt à la boucler maintenant !

La blonde laisse l’incertitude gagner son visage et elle évite soigneusement les regards de leurs hôtes en baissant les yeux. Dans une mascarade cent fois jouée, elle se mordille la lèvre et laisse apparaître la frêle jeune fille que Susan semble si désireuse de voir en elle. Puis, d’un geste maladroit, elle agrippe la manche de la chemise de l’autre ahuri et relève un visage gêné sur le couple en face d’eux.

« C’est une promesse qu’on a fait. »

Encore une fois, le fracas des sons déséquilibre la fausse sincérité du ton de la blonde. Elle envisage de broder un mensonge, d’imaginer une promesse idiote et larmoyante à sa pauvre famille mourante, mais elle a l’intuition qu’en faire trop ruinerait sa crédibilité.

« On a besoin de savoir. Qu’est-ce que sont ces montres, au juste ? Tout le monde en parle là-haut, mais… »
« DES CARTES. »
« Quoi ? »
« LES MONTRES SONT DES MÉDAILLONS GRAVÉS. DES CARTES QUI APPARAITRONT AVEC LA BONNE PENDULE. »
  • https://www.onepiece-requiem.net/t1247-louise-mizuno-la-m-des-sm
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