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A 1 000 vies.

C'est une grotte, sombre. Il y a quelques énormes bûches de bois dont les flammes viennent lécher les parois pour y éclairer d'étranges ombres. Il y a le clapotis de l'eau qui vient gentiment cogner les bords d'un bateau trop abîmé pour résister au mouvement lent des minuscules vagues. Il y a le tintement, lent mais régulier d'un marteau qui enfonce des clous au milieu de planches de bois. Et puis il y a la voix, forte, gueularde, qui vient brailler au Monstre de faire attention. Ensuite vient toujours l'autre, plus aiguë, nasillarde, qui râle qu'il ne peut pas travailler dans ce vacarme. Alors le trois voix se taisent dans l'écho de la grotte et recommencent leurs labeurs.

Il y a le Monstre qui frappe ce qu'on lui dit de frapper. Qui questionne sur comment réparer. Il y a l'homme qui ressemble plus à une planche de bois qu'à un homme qui répond quand il le veut. Qui ordonne souvent. Qui râle parce qu’il n'a pas le temps avant de se perdre en digressions. Il y a le Bobby qui prépare les plans, qui fait sonner les escargophones, qui commande les bateaux et qu'allonge les bras des autres pour préparer l'évasion. Il y a ces trois là et puis il y a le Bel Espoir II, qui regagne peu à peu vie en même temps que son nom se change.

Il est bientôt minuit. Les trois hommes triment depuis 4 jours. Seuls. Les Etrangers savent où est la coque mais ordre a été donné de ne pas y retourner avant le grand soir. Alors Bobby, Ishii et le bout de bois s'occupent seuls.

Le premier à lâcher ses outils est le Monstre. Il sort un tonneau qu'il monte sur le pont avec trois chaises, trois verres, une bouteilles et un jeu de cartes. Il sert le trois coupes et les deux hommes finissent vite par le rejoindre.

Ils se mirent en chien de faïence. Les cernes commencent déjà à gagner chacun d'eux. Le bout de bois n'a plus l'âge pour se genre de chose et même s'il travaille moins bien, moins vite que le Monstre, c'est bien le seul à y connaître quelque chose en bateau. Il a le front maronatre qui brille de transpiration et des goutes viennent perler le long de ses joues creusées. Il y a le Bobby dont les yeux eux aussi se creusent dans deux grandes fossettes noires. Et puis il y a le Monstre qui a laissé tomber le costume depuis bien longtemps pour ne plus qu'avoir un bas noir sali par la poussière et un Marcelle blanc qui tend peu à peu à devenir marron. Ils se mirent en chien de faïence avant de prendre leurs verres. Ils les cognent ensembles et gueulent :

-A 1000 vies.

Et ils se marrent.

Bientôt les bouts de bois finiront de cramer pour arrêter de faire danser les ombres. Les cœurs se reposeront durant quelques heures avant de recommencer à trimer. Plus vite. Plus hardiment. Le temps les presse et ils le savent.
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Ici aussi, il fait noir. Le Monstre est salement assis. Il a les genoux qui touchent sa gueule et ses mains posés sur les cuisses. Il a le cou voûté pour laisser passer sa trogne sous le plafond. Il a les yeux plissés pour jouer de la pénombre et apercevoir les ombres danser, de l'autre côté.

Entre lui et l'autre monde, il n'y a qu'une grille d’aération. Entre lui et l'autre monde, il y a aussi la liberté.

Il ne sait pas bien pourquoi est ce qu'il se sent obligé de venir là. Peut être est-ce la culpabilité de ne pas libérer tous ces esclaves de leurs chaînes dès maintenant. Peut être est ce la peur de rater l'évasion qui l'empêche de dormir. Peut être est ce aussi toutes ces âmes, entassées, qui lui rappellent à une de ses vies pas si lointaine.

C'était il y a trois jours. Il se tournait et retournait dans son lit trop moelleux. Il enlevait et remettait la couette trop chaude. Ses yeux se perdaient dans le monde des rêves avant de revenir dans celui, réel, des milliers d'esclaves à quelques kilomètres de là, entassés les uns contre les autres dans la poussière, la crasse, la merde, la puanteur de lieux qu'ils n'auraient jamais dû connaître. Alors son corps lourd s'était levé, sans bruit, ses pieds avaient couru, silencieusement, il avait marché, couru, comme ça, durant plus d'une heure sans que son esprit ne sache pourquoi. Et il s'était réveille là. Il n'aurait jamais cru pouvoir se rappeler des couloirs étroits qu'il avait traversé avec le garde de la Dame qui tentait de le perdre. Mais si. Il avait retrouvé le chemin. Il lui a fallu un moment pour comprendre comment il avait fait. C'est la haki de l'empathie qui l'avait guidé sans qu'il ne s'en rende compte, qui l'avait permis de courir après les râles des prisonniers, après la torpeur des esclaves.

C'est le haki encore ce soir qui lui ouvre le cœur de toutes ses âmes perdues.

Il y a un vieillard, perdu dans ses pensées, la gueule froide. Il a les joues bouffées qui lui donnent un air de cadavre trop frais. Il a les bras branlants qui grignotent la poussière du sol jusqu'à en perdre les ongles.

Il y a cet homme, immobile, les yeux clos Il a les épaules carrées et le corps nu recouvert de tatouages. Son corps n'est plus qu'un tableau immobile, sans vie, avec les membres qui s'embrassent entre deux dessins et se referment sur ses muscles gonflés de haine. Il a beau rester assis, silencieux, il y a toute cette haine qui se dégage de son crâne et toute cette puissance qui sort d'un corps hargneux, blessé.

Il y a ce gamin qui secoue ses cheveux crasseux. Ses boucles se sont fait pourrir par la poussière et certaines se sont même transformer en dreadlocks immondes, raides, dont les liens ne sont fait que d'ingrédients inconnus. Dans ses mains d'enfant, une sorte d’ingrédient se fait parfois engloutir par des dents abîmés qui le déchiquettent avec lenteur.

Il y a, à côté du gamin, un homme énorme, debout. Il a les deux pieds vissés au plancher et les deux yeux presque clos, mis ouverts, qui pourtant tournent le long de la pièce avec lenteur comme de minuscules radars. Il est immense, presque aussi grand que le Monstre et deux fois plus large avec ses bourrelets qui s'entassent sur son ventre nu. Sa gueule se balance vers le gamin et ses deux grosses lèvres murmurent des mots inaudibles. L'enfant s’arrête, un instant, oubliant presque sa nourriture. IL lance son visage de gamin, comme s'il regardait la bouche d'aération. Ses deux yeux bleus sembleraient presque regarder derrière les grilles.
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Le Monstre a sû peut être avant le gamin que celui ci viendrait le voir. Ce foutu Haki a ses avantages mais ça ne l'a même pas permis de fuir. Alors il se trouve là, avec seule la grille pour le séparer de l'enfant. Quelques autres se disputent leurs vies avec la tête crasseuse et le corps éteint. Ils ne prêtent même pas attention à l'enfant. Celui ci finit de grignoter un bout de pain rassi coincé entre les doigts de sa main. Il a les ongles crasseux pour la plupart, cassés pour certains. Et pourtant le monstre voit des restes de peau de bébé sur le bout de ses doigts. Il voit sa peau claire parsemée de tâches de rousseurs déteints par la poussière. Le gamin jette un coup d’œil à travers les grilles pour distinguer les traits grossiers du Monstre.

-T'as de la bouffe ?

Il a la voix cassée, encore aiguë de celui qui n'a pas mué et pourtant si froide, presque désintéressée. Le Monstre enfoui sa main dans une poche pour en sortir une brioche qu'il avait oublié là dans la journée. Il a honte de ne pas avoir pensé à amener plus. Il a honte d'offrir ses restes à l'enfant plutôt qu'un vrai repas.

Le gamin se jette dessus dès qu'un bout commence à dépasser de la grille. Il épie les autres d'un coup d’œil rapide avant d'enfouir ce maigre repas au fond de son caleçon. Rassuré de ne pas avoir été vu, il semble se calmer. Son torse recommence à trouver une respiration normal, son corps se détend.

-Tu viens faire quoi ici, Le Monstre ?
-Hmm. Je me renseigne.
-Tu te renseignes ? Mais... Sur quoi ?
-Hmm. Je ne vois pas de gardes. Il y en a, ici ?

Le gamin se retourne vers le monstre, surpris. Le cachalot voit alors les taches de rousseur qui recouvrent les joues de l'enfant. C'est comme si le soleil s'était approché de trop près pour venir l'embrasser d'une centaine de rayons. Ses lèvres se mordent dans une moue dubitative. Ses yeux se plissent, par méfiance.

-Au fond, de l'autre côté, il y a une porte. Derrière, ils doivent être 4 ou 5 à roupiller. A quoi bon être plus... Ici on ne s'échappe pas. On meurt et c'est tout.

Le Monstre soupire. Son corps se lève comme il peut, bloqué par le manque d'espace. Le gamin réagit à peine à ce mouvement si ce n'est pas une question.

-Tu reviens, demain ?
-Hmm. Oui et avec plus de nourriture.

Le gamin sourit.
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Le monstre aime bien ces moments là. Il est au bord de la grotte, les pieds dans le vide caressés par les vagues. Les seuls bruits sont ceux de l'écume venant perdre vie contre les paroies abruptes de pierre. Il est là, un cigare aux lèvres et une tasse fumante posée à quelques centimètres de sa main. Il est à admirer le ciel se colorer de rouge, de rose et d'orange. C'est comme un feu d'artifice silencieux. C'est comme si le soleil se réveillait au même moment que l'esprit du monde.

Sa mère lui racontait une légende quand il était gamin. Elle disait que les jours qui commençaient par un ciel rouge finissait par un sol couvert de sang. Ça lui procure un frisson de tout le corps qu'il fait passer par un soupir d'amusement. Comme si avec tout ce qu'il avait pu voir dans sa vie il croyait encore aux racontars d'une vieille folle.

Bobby vient s’asseoir à côté de lui, et ramène avec son corps l'odeur de café et de beurre. Il croque à pleine dents dans son croissant. Des miettes s'écrasent sur sa veste de costume. C'est comme s'il avait oublié ses réflexes de gentleman. C'est comme si ici, bloqué entre quatre pierres, sans personne pour le voir, il oubliait ses habitudes et regagnait son côté humain. Vrai. Il engloutit son café avant de taper l'épaule du Monstre.

-Putain, c'est l'heure.

Les deux hommes se lèvent et se mettent à marcher vers le navire, enfoui au fond de la grotte. Soudain, le monstre s’arrête pour tendre l'oreille.

-Hmm. Tu n'as pas entendu quelque chose ?
-Merde, je crois pas.

Ils recommencent alors à se diriger vers le fond de la grotte. Il y a une centaine de mètres à faire pour enfin arriver au navire. Ils doivent suivre une pente sinueuse qui descend de plus en plus jusqu'à presque entièrement bloquer la lumière du jour, si bien que même en pleine journée, ils ne sont éclairés que par des torches. Plus ils avancent et plus le Monstre semble ralentir. Plus ils avancent et plus les torches semblent faibles. Lorsqu'ils arrivent enfin, plus rien n'éclaire le navire. L'homme en bois ne semble plus être là.

-Hmm. Je ne le sens pas.

Aucune réponse ne vient de Bobby. Lorsque le Monstre se retourne pour le voir, c'est pour le retrouvé allongé au sol, allongé. Il faut moins d'un quart de seconde au cachalot pour sortir son épée et se mettre en garde. Il y a un foutu mauvais bougre dans cette grotte et pourtant le Monstre ne sent rien. Ne voit rien. Il a beau se concentrer pour sentir son haki, aucune présence ne semble être ici, aucune si ce n'est ce pauvre Bobby et le souffle d'un autre assommé qu'il sent faiblement une dizaine de mètres plus loin. L'homme en bois.

Le Monstre la sent mal. Il la sent foutrement mal. Il reste là, au milieu de la grotte. Il reste là les yeux clos et la lame sortie. Il reste là à écouter le clapoti de l'eau contre la coque du navire, le souffle de deux endormis et l'écho de son stress cogner sa poitrine.

Il reste là, comme un con.
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Durant les quelques secondes qui passent, le Monstre pense. Le temps se fait rare et pourtant le Monstre pense. Il pense aux deux corps allongés près d'ici et pourtant vivant. Il pense au sien de corps toujours debout. Il pense à l'adversaire silencieux et invisible mais visiblement peu pressé d'attaquer. Il pense à tout ça et ne conclue qu'à une chose. La vraie raison de la présence de l'assaillant, c'est lui, Le Monstre. Alors forcément il tente d'énumérer les possibilités. Il y a Achab forcément, ou la corsaire bien sûr. Il y a le scientifique fou ou le marine buveur de thé. Et plus il énumère les possibilité et plus il se rend compte qu'aucune ne correspond.

Le Monstre n'aime pas ça. Il n'aime pas cette adversaire qui se fond tant et si bien dans l'obscurité qu'il en devient invisible. Il n'aime pas ce temps qui passe, ces secondes qui s'écoulent et le silence du lieu. Il n'aime pas l'écho presque sourd des vagues s'échouant contre la coque du navire, quelques mètres plus loin.

Alors le Monstre oublie son corps qui tremble et son cœur qui bat pour ne plus se concentrer que sur le reste. Il ouvre son haki et vient chercher l'invisible. Il se met à écouter le ruissellement d'une goutte contre une paroi rocheuse. Il se met à écouter le souffle de Bobby. Il se met à voir une mouche voleter quelques dizaines de mètres plus loin, un rat sortir d'un trou à l'entrée de la grotte. Et là, en haut, accroché contre la paroi de la grotte à une dizaine de mètres de lui, il voit une forme humaine, il la sent !

Ses poings viennent serrer la poigne de son épée et sa lame lance une attaque d'air si rapide, si précise qu'elle coupe la mouche entre deux battements d'ail pour partir vers la forme. Mais celle ci a déjà sauté de l'autre côté. Elle lance une lame d'air que le Monstre a à peine le temps de parer avant d'apercevoir la forme sauter au dessus de lui. Il tente de contrer l'attaque avec son épée. Le choc est si violent, si rude, si rapide qu'il sent le sol sous ses pieds s'effondrer sous l'impact. Ses jambes tombent dans le vide et son corps avec. Il lance sa lame pour tenter de cogner la forme dans sa chute. Il n'a pas le temps d'apercevoir les traits de l'inconnu tellement les coups sont rapides, violents. Il sent des genoux venir perforer son ventre. Il voit des coutelas parer sa lame. La chute continue pendant que les deux formes se frappent et se contrent détruisant de plus en plus le tunnel sans fond créé par erreur. Il utilise chaque partie de son corps pour frapper des coups qui tueraient n'importe qui. Il ne réfléchit plus c'est son corps qui agit mû par la volonté de survivre. Ses coudes frottent contre la roche et son corps continue à chuter à une vitesse vertigineuse ! Mais il s'en fout. Il ne pense plus qu'à cette forme qu'il sent à quelques centimètres de lui. Du sang se met à gicler sans qu'il ne sache s'il provient de son corps ou de l'autre. Sa lame s'émousse à force de cogner du fer.

Soudain le Monstre percute quelque chose le faisant directement perdre en vitesse. Ses poumons se vident de leur air, son corps est sous l'eau. Ils ont tant dégringolé qu'ils ont creusé la roche jusqu'à tomber dans la mer. L'inconnu est en face de lui, à à peine plus d'une portée de bras. C'est un femme, une homme poisson. Et malgré la situation le Monstre ne peut s'empêcher de retenir un instant son souffle devant une si grande beauté. Ce n'est pas un charme naturel, non, c'est un charme plein de violence. Elle a l’œil droit recouvert par un cache œil qui lui donne un air de pirate. Un chapeau tient sans qu'on ne sache comment encore sur de longs cheveux bruns tenus en queue de cheval. De longues lignes noires semblent recouvrir son corps visible sous des vêtements qui moulent ses formes arrondies, musclées. Ils restent tous les deux, là, à se juger.

A ce moment précis, le Monstre sait qu'il est perdu. Cette femme est une anguille. Il se rappelle alors le peu qu'on lui a dit à ce sujet. Il se rappellent qu'ils peuvent créer de l'électricité et il se dit que plongé dans l'eau, ce sera un jeu d'enfant pour elle d’électrocuter son adversaire jusqu'à ce qu'il meurt.

La femme se met en position de karaté aquatique. Ses mains aplatissement l'eau autour d'elle, son corps se contracte pour une attaque mortelle. Son pied gauche recule de quelques centimètres pour pouvoir mieux attaquer. Le Monstre sourit. « Une belle mort » qu'il se dit.

La mer autour d'eux deux se colore déjà de rouge. Sa lame est déjà complètement émoussé après seulement quelques secondes de combat.


« Une belle mort » qu'il se dit. Il lâche son épée et se met dans la même position que son adversaire. De fines étincelles d’électricité se mettent à parcourir la main de la femme avant qu'elle ne recule son bras plié et qu'elle ne le lance en direction du Monstre, pliant l'océan entre deux comme on plie une vulgaire feuille de papier. Le Monstre agit de même, contractant chaque partie de son corps, lançant chaque infime parcelle de son âme dans ce qu'il sait son dernier coup.

« POUR 1 000 VIES !!! »
 
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Le Monstre rouvre les yeux. Les vagues finissent de s'écraser de part et d'autre. L'écho du choc résonne encore tout autour et des morceaux de gravas de la roche de dessus s'écrasent de part et d'autre de la bataille, trop secoués par le coup. Il a une sensation étrange qui lui parcourt le bras. C'est comme s'il était transformé en roche, comme s'il s'était de trop engourdi jusqu'à devenir solide. Il le regarde un court instant. Il est noir. Son bras est recouvert d'une étrange substance noire qui va jusqu'au haut de son coude. La femme regarde le Monstre. Elle semblerait presque affolée. Il y a dans ses yeux un mélange de peur, de surprise et d'envie.

-Tu... Tu as le haki de la force ?

Le Monstre se remet en place. L'étrange substance disparaît peu à peu mais il n'en a cure. Il est vivant. Vivant ! Il profite du moment de stupeur de son adversaire pour la narguer. Sa paume lui intime l'ordre de retenter une attaque. Il ne répond même pas à sa question, non. Son esprit a peur, son corps souffre mais son visage nargue. C'est sa seule chance, il le sait. Même s'il a réellement le haki, ce pouvoir ne se matérialisera pas deux fois par chance.

La femme hésite. Elle a beau être en garde, elle a beau garder les muscles serrés et le regard froid le Monstre le sent. Il sent cette peur qu'il a vu de nombreuses fois s'insinuer dans l'esprit de ses adversaires. Et cette peur là qui fait trop réfléchir, qui fait trop penser et pas assez agir, cette peur là lui donne une chance. Alors le Monstre contre-attaque. Une lame d'air gicle de ses mains vers l'adversaire et tout son corps bondit pour fracasser le crâne de la dame avec la paume d'une main. La femme a juste le temps de parer la première attaque et d'éviter la seconde, mais ses gestes sont plus lents, moins sûrs. Elle est plus forte que lui, le Monstre en est certain, mais elle est doute alors que lui se bat en se foutant de la mort. Chaque coups qu'il envoie dans la gueule de son adversaire est un allé sans retour vers un monde sans rêve. Elle ne fait plus que parer, comme si elle réfléchissait. Le Monstre continue son travail de sap. Ses poings volent pour tenter de perforer une défense de plus en plus fébrile. Et plus elle se met à douter et plus les coups du Monstre gagnent en confiance, en force, et plus elle se met à douter.

D'un mouvement, le corps du Monstre se met à tourner lentement puis de plus en plus vite. Les quelques attaques fébriles de la femme poisson sont parés par les énormes paumes du Monstre qui broient maintenant la mer dans une minuscule tornade. Son corps disparaît peu à peu dans des vagues de tourbillon jusqu'à ne plus former qu'un Monstre d'eau tordant et tordant chaque goutte d'eau, faisant vibrer la mer et transformant le calme du liquide en une gigantesque marée. La femme semble lutter pour ne pas se faire emporter par le courant. Elle tente de combattre les vagues qui lui claquent le corps et lui perforent les joues d'innombrables attaques. La mer n'est pus qu'un gigantesque tourbillon sur le point d'exploser avec au centre un Monstre qui n'a plus peur de la mort. Il concentre les vagues dans le creux de ses mains, contrôle le courant en caressant les vagues Monstrueuses qui lui frôlent le corps. Soudain il tord ses poignets et la marée explose de chaque côté dans un énorme fracas. Durant un court instant Le Monstre ne voit plus que l'écume se disperser dans d’innombrables tourbillons. Puis les écumes se dissipent peu à peu pour redonner à la mer sa couleur azur ordinaire.

La femme n'est plus là.

Le Monstre reste immobile de longues minutes à tenter d'écouter, à tenter de voir la femme. Il a peur qu'elle revienne. Oh ce qu'il a peur. Parce qu'il sait que si elle revient il n'aura plus aucune chance, il n'aura plus aucun tour de passe passe à lui faire voir et cette fois elle reviendra pour le tuer. Il a peur parce qu'il la sait plus rapide, plus forte que lui et qu'à regarder ne serait ce qu'une seconde il voit une multitude de blessures gratiner son corps. Il sent le sel de la mer venir cicatriser ses blessures. Il sent l'eau venir refroidir son corps bouillonnant. Les minutes passent et la femme ne revient pas.

Alors le Monstre ose bouger. Il sert ses jambes et d'un bond saute vers le trou béant créé dans la roche par le combat. Ses pieds s'accrochent aux murs pour s'en servir d'appui. La remontée est longue. Son corps fatigué ne saute pas assez haut. Ses bras maltraité s’agrippent trop mal aux parois et il lui faut de longues minutes pour revenir à hauteur de Bobby et de l'homme en bois.

Il arrive enfin à hauteur de la grotte. Dès son premier souffle, une odeur étrange arrive à hauteur de ses narines. Une odeur de thé chaud avec une goutte de miel.

-On ne m'a pas menti, tu aimes le bon thé.

Elle est là. Encore. Le Monstre tente instinctivement de sortir son épée mais il ne tombe que sur un pommeau vide. Sa lame est au fond de l'océan. Il voit la femme boire tranquillement un thé, debout sur le navire.

-J'ai lu un peu votre plan. Pas bête, il peut fonctionner.

Elle sourit. Puis disparaît. Le mouvement a été si rapide qu'on aurait cru qu'elle s'est téléportée. Elle n'est plus qu'à quelques mètres de lui. Le regard apeuré a laissé place à un sourire d'amusement que le Monstre n'aime pas. Il comprend qu'elle s'est jouée de lui depuis le début, qu'elle n'a fait que tester ses réactions comme certains s'amusent à se jouer d'un rat avant de le tuer. Le Monstre n'aime pas ça. Il n'aime vraiment pas ça... Il se met en garde pour tenter de résister. Ses pieds percutent le sol par défi. « Cette fois c'est la dernière » se dit il. L'instant d'après la femme a encore disparue et c'est son haleine chaude de thé qui vient caresser le cou du Monstre.

-Tu es lent...

Le Monstre ne répond que par son coude. Il l'envoie valser dans le crane de la miss. Elle riposte par ses dents qu'elle cale dans le bras d'Ishii pour parer l'attaque. Elle le mord tant et si fort qu'en un instant la douleur vient lui électrocuter tout le corps. Il bondit en arrière pour écraser l'ennemie contre la paroi de la grotte. Elle glisse sur le côté juste avant le choc et c'est le Monstre qui vient s'écraser, seul. Elle est déjà en face de lui. Elle lance une claque d’électricité qu'il évite de justesse avant que la main ne s'écrase contre la roche. Le pied gauche du Monstre balaie le sol pour faire tomber la Miss. Ils tombent sur deux pieds qui ne bougent même pas sous le choc. Le Monstre envoie un poings dans la gueule de l'ennemie mais elle l'évite simplement d'un mouvement de cou avant de bloquer le bras du Monstre en l'écrasant de sa tête. Elle sourit. Le Monstre ne sent plus qu'à peine son pied gauche et a un bras bloqué.

-Tu es vraiment trop faible...

-Hmm. Donne moi un peu de temps et je te tuerai.

La femme est surprise, amusée. Son dernier œil se perd vaguement dans le vide comme pour réfléchir à la situation avant qu'elle n'explose de rire.

-D'accord. Tu as un 24 heures.

Elle relâche son étreinte sur le Monstre avant de disparaître.
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24 heures ont passé. 24 longues heures où les trois hommes ont fait fi de rien. Ils ont trimé toute la journée comme si le labeur allait leur faire oublier cette incroyable apparition. Le Monstre a peur. Très peur. Il sait qu'il ne pourra vaincre la Dame. Il sait que si elle revient le tuer, elle y arrivera. Il a peur non pas pour sa vie mais pour toutes les autres, pour tous ces esclaves qu'il pourrait soulager de leurs chaînes. Il se dit que la vie est une catin quand elle le veut. Il voit les réparations du navire presque terminés. Le plan d'évasion est au point et un coup de Den Den de Jevta l'a informé de possibles autres navires. Tous les voyants sont au vert pour l'opération et si il n'y avait pas eu cette apparition il serait le plus heureux des hommes.

Mais il y a eu cette apparition.

Quelques mots de Bobby ont suffit au Monstre pour comprendre dans quel merdier il s'est mis. Après un marine buveur de thé, un scientifique fou, un marin acharné, une corsaire, voilà qu'une colonelle d'élite voulait la tête du Monstre. Il a entendu beaucoup d'horreurs à propos des Colonels d'Elite, des têtes coupées, des pirates de renom tombés, des Empereurs pourchassés... Et lui, petit Pirate sans envergure, lui, homme Poisson capitaine par erreur, se retrouve avec l'un d'entre eux aux trousse. Ça ne sert à rien de fuir. Si elle veut sa tête, elle l'aura. Et le Monstre n'est pas de ceux à fuir les défis.

Alors il reste là, à l'entrée de la grotte. Il y a les vagues qui continuent leurs vas et viens. Il y a le vent qui vient lécher le crane du Monstre. Il y a l'horizon bleu où deux couleurs de ciel se mélangent entre elles. Et puis il y a la Colonel, au milieu de l'eau, à une centaine de mètres du Monstre. C'est comme si elle marchait sur l'océan, comme si elle narguait l'homme poisson en lui montrant par un tour très simple sa supériorité.

Le cachalot jette son cigare. Il aimerait prendre sa lame mais il l'a perdu. Alors il s'envole d'un plongeon dans l'eau pour un combat à main nu. En un instant, il rejoint la miss. D'un bond, il projette tout son corps en dehors de l'eau. Ses mains se joignent et viennent fracasser le crâne de la Colonel. Elle ne daigne même pas lever les yeux, l'un de ses bras se lève pour parer l'attaque. Le choc est terrible. Le corps du Monstre se met à trembler sous l'impact, la mer elle même gémit des vagues, blessée par le choc. Mais le Monstre sert les dents.

Pourquoi m'as tu laissé en vie, hier ?

Elle ne répond pas. Enfin, pas par les mots. L'un de ses pieds se lève pour venir frapper le Monstre mais celui s'en sert comme appui et tout immense corps replonge dans l'eau. La colonelle admire l'océan, comme amusée. Ses deux mains se mettent à tourbillonner. Puis ses pieds. Et un minuscule courant commence à se former tout autour d'elle. Le courant se transforme en torand, puis en tornade. Comparée à celle de la veille, cette tornade est la pire des horreurs. Plus grande, plus violente, plus destructrice. Elle emmène tout avec elle jusqu'à transformer la mer en un énorme trou noir béant, mortel. Le fracas des vagues résonne comme la pire des tempêtes, la pire des morts et plus aucun autre bruit ne se fait entendre aux dix kilomètres à la ronde, avalé par la Monstruosité de la Tornade.

Il y aurait bien comme le bruit d'un minuscule moustique, mais il est trop faible pour se faire entendre. Puis ce bruit de moustique grossit, s'amplifie et peu à peu la Colonelle semble reconnaître une voix humaine. Soudain, le Monstre jaillit de la tornade les deux mains en avant, le visage boursouflé par la douleur et la gueule déployée.

« POURQUOI M'AS TU LAISSÉ  EN VIE !!?? »
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Le Monstre ouvre les yeux, allongé sur le sol. Il voit deux nuages venir s'embrasser au creux d'un ciel magnifique, bleu. Il sent le sable encore humide lui gratter le dos ensanglanté. Chacun de ses muscles lui fait encore mal.

Il se rappelle avoir tenté de l'attaquer et après, plus rien... Comme si elle l'avait assommé d'un simple coup. Alors il se concentre sur ce qu'il voit, ce qu'il sent. Il sent une chose froide et solide  lui chatouiller le menton.C'est une lame tenue par la femme qui le surplombe. Elle a les yeux mi clos comme si elle était énervé qu'il n'ait pû lui résister. Le Monstre se dit qu'elle est belle, sauvage. Il regrette de ne pas avoir été plus beau, de ne jamais avoir pu être regardé comme il la regarde. Bêtement.

Ils sont tous les deux au milieu d'un banc de sable créé par la tornade, à quelques centaines de mètres de la grotte. Ils savent que le combat est terminé. On reconnaît au temps court d'un combat la qualité d'un soldat. Et la Colonelle est l'une des meilleures soldats de la Marine.

Elle lève son épée au ciel sans que le Monstre ne bouge.

-Je te juge coupable de piraterie.

Et elle enfonce sa lame dans le ventre du Monstre.

---

Ishii ferme les yeux. Il pense à ses amis, à ses ennemis. Il pense à sa vie qui tout compte fait aura été belle avec ses réussites et ses échecs. Et puis surtout, il se dit qu'il sera mort pour ses convictions, parce qu'il sera resté pour libérer les esclaves plutôt que de préférer fuir. Il sourit. Et puis il ouvre les yeux.

Parce que la mort est longue à venir.

Il voit la Colonelle regarder son épée atterrée. Sa lame traverse le corps du Monstre au niveau du cœur mais devient comme transparente au contact du corps du Cachalot.

-Ça fonctionne, normalement...

-Hmm.
-Tu n'es pas pirate ?!
-Hmm. Involontaire, si.
-Mais, tu n'as jamais pillé de village ? Tu n'as jamais violé, volé ?
-Hmm. On a volé du bois pour réparer un navire, une fois. Mais on a payé en aidant à la réparation de la ville. Hmm. Ça compte quand même ?

La femme se laisse tomber par terre, atterrée. Elle se gratte un moment le front, trop énervée par elle même. Le Monstre sourit.

-Ton épée est joueuse.
-...
-Hmm. Si j'avais été assez bon, que m'aurais tu demandé ?

Elle le regarde étrangement. Ses mots ont tapé au bon endroit..

-Avec Bobby, nous nous sommes dit que tu en voulais à la Corsaire.
-...
-Tu as un proche qui s'est pris dans son filet ? Hmm.
-Tu n'es pas assez fort, de toute manière.
-Tu cherches donc quelqu'un pour la tuer, et libérer, ton ami, ton mari, ta sœur ou qui sais-je.
-Tu ne tiendrais pas une seconde.
-Je la tuerai. A moins que ce ne soit toi qui me tue.
-...
-Mais ton épée ne semble pas le vouloir.
-Admettons, admettons que je te laisse en vie, comment comptes tu t'y prendre ?
-Je ne la tuerai pas par traîtrise, si c'est ce que tu veux savoir.
-Mais elle, elle le fera si elle le peut.
-Hmm. Non. Elle s'aime trop pour ça. Elle se croit immortelle.

La femme le regarde, à nouveau. Il la sent douter. Il la voit aussi toucher une lame cachée dans son bas, prête à servir.

-Hmm. Tu ne pourras pas m'aider, ni le faire toute seule. Une marine qui tue un corsaire est condamnée à mort. Laisse moi un an. Jour pour jour. Laisse moi un an pour m’entraîner sans relâche, la retrouver, et l'anéantir. Je me suis juré de libérer chacun des esclaves sous son emprise et je ne m’arrêterai pas tant que ce ne sera pas fait.


Dernière édition par Ishii Môsh le Dim 18 Jan 2015 - 16:51, édité 1 fois
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Aujourd’hui, le monstre a gagné une vie. Et pas que la sienne ne soit plus importante qu’une autre, mais celle-là, il l’aime bien. Alors quitte à la donner à quelqu’un pour quelque chose, le Monstre a préféré l’offrir au destin pour l’honneur.

Un an, cela représente exactement 52 semaines, 364 jours, 8 763 heures, 524 160 minutes. Et tout ce temps-là qu’il lui reste avant que la faux du destin ne choisisse ou non de lui couper le crâne, toutes ces minutes de vie qui commencent déjà à défiler, toutes ces heures où il sait qu’il pourra encore avoir une chance de respirer, et bien tout ça, il a décidé de le mettre à profit pour en détruire une autre, de vie.

La marine le regarde, elle a accepté. Elle a ce visage des personnes qui ne savent s’ils ont fait le bon choix ou non. Elle a des mains toutes serrées, jusqu’à manquer de se faire saigner, elle a les jambes qui tremblent et le regard qui se perd. Elle observe un moment sa lame avant de la planter dans le sol. L’épée est à l’image du soldat : immense, avec une aura de force et de sérénité qui s’en dégage jusqu’à presque imprégner l’air tout autour.

-Si tu veux la battre, il te faut une lame. Une bonne lame.

La femme se retourne sans attendre de réponse. Le Monstre est toujours avachi sur le sol, abasourdi par la vie qui lui est laissé, par la mission terrifiante qui l’attend.

-Hmm… Comment reconnaître la personne que je dois sauver ?
-Tues d’abord la corsaire avant de te poser la question.

Et la femme repart comme elle est venue. Elle s’engouffre dans un courant d’air avant de disparaître de la vue du Monstre. Il sourit, cette comparaison lui va tant, cette femme c’est le vent qui se lève le matin pour caresser des joues avant de raser des villages dans les minutes qui suivent. C’est le doux son de la brise qui vient caresser les arbres et qui se transforme en tornade pour déraciner leurs troncs.

Le Monstre se lève, douloureusement. Il prend la lame dans ses mains et la fait valser d’un poing à un autre. C’est drôle comme elle est légère. Il y a cette impression de puissance et de poids monstrueux qui se dégage d’elle mais quand il la soulève, c’est une plume qui se glisse entre ses doigts. Il croit voir danser des couleurs sur le pommeau comme si la lame hésitait à l’accepter. De longs et sveltes filaments courent sur l’épée, se mêlant et s’entremêlant. Le Monstre croit rêver et il ne sait si ces étranges images proviennent de son imagination ou si c’est bel et bien réel.

C’est un instant en dehors du monde, où le temps s’arrête de couler, où la rivière des minutes s’éteint pour laisser place à celle de la magie, la seule. Celle que nul ne comprend.

Et puis le monde, le vrai, celui avec son air, sa pluie, sa mer et sa terre, ce monde-là revient par quelques vagues qui réussissent à surmonter le banc de sable pour venir lécher les pieds du Monstre.

Il installe sa nouvelle lame dans son dos et plonge dans l’eau. Il nage lentement jusqu’à la grotte pour apercevoir ses deux acolytes l’observer d’un drôle d’air. C’est la peur qui se lit dans leurs yeux. La peur et le soulagement de le voir. En vie.

Il lui faudra pourtant du temps avant de redevenir lui. Du temps à se masser les membres à soigne les blessures. Du temps à regarder les deux autres trimer pour finir de construire le navire pendant que lui se cassera le crâne à organiser l’évasion.

Mais lorsqu’il arrive enfin à leur niveau, le Bobby ne réfléchit plus. Il fonce vers le Monstre pour venir l’enlacer sans même avoir pensé son geste. Parce que ce geste là ce n’est pas la tête qui le dicte mais le cœur, et entre les deux c’est celui qui battait le plus vite qui a gagné.
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