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Il était un homme, un mythe... Il était une fin écrite de sa main.

Au commencement, il n’y avait rien. Rien excepté l’immensité imperturbable de l’océan. Une infinie étendue bleue. Le néant. A peine quelques timides vagues à la surface. Pas un oiseau dans le ciel. Et sous l’eau ? Toujours rien. Pas un poisson. Si on s’enfonce dans les profondeurs ? Ça pullule ! Ils sont là, gigantesques et impitoyables ! Des monstres marins, des rois des mers. Ces eaux leur appartiennent. Ils sont seuls souverains. Ce serait sans compter sur notre véritable maître, à tous, sans exception: Le noyau de la Terre. Et un jour, il fut en colère. De sa rage, il fit s’embraser toute une chaîne de volcans qui reposaient sous l’océan. Une éruption en entraînant une autre. La face de cette petite partie du monde en fut changé. Un monceau de terre émergé. Une île née au coeur du cataclysme.


Tout d’abord sombre et terne, habitée de micro-organismes. Un micro-climat favorable. La vie s’y développe, la terre prend forme. Une montagne volcanique, des falaises, une forêt, des champs et deux plages qui prendront forme avec le temps. Les végétaux prennent tout d’abord leur droit, puis la faune se déploie à son tour. L’île est sauvage. L’île est superbe. Tout y est d’une cruelle beauté. Magnifique et redoutable à la fois. L’île est devenue souveraine au milieu de l’océan. Soleil incandescent, elle est bordée d’un croissant de lune, barrière de corail, sur son flanc sud, qui rend l’île inaccessible aux futurs navires depuis ce que les hommes nommeront un jour West Blue. Face à cette barrière naturelle, une petite plage qui remonte sur une colline verdoyante,au pied de la montagne, et bordée de toute part par des falaises. Ces falaises qui forment tout le pourtour de l’île jusqu’à son flanc Nord où s’étend à l’opposé de la première, la plus vaste des deux plages de sable fin: Une vue imprenable sur Calm Belt. D’une part, la montagne volcanique ensommeillée, de l’autre les plaines propices à la culture de la terre sur le plateau jalonné de quelques collines. Et entre les deux, l’implacable forêt où des animaux de toutes natures rodent, prédateurs affamés.


Une île imprenable et inaccessible ? Juste une faille dans la falaise, une petite crique à l’est où les marins les plus habiles pourront réussir à s’engouffrer. Le fond est profond mais il est possible de jeter l’ancre tout de même. Par endroit. Prenez garde à ne pas rester coincé dans les rochers car une fois la nuit tombée, les animaux de la montagne s’éveillent. Entre majestueux charognards qui semblent anticiper la mort de leurs proies et suceurs de sang, vous feriez mieux de ne jamais les rencontrer. Si cela devait advenir, vous ne pourrez jamais en témoigner.

Une crique au coeur de la façade rocheuse, mais toujours nul point d’accès pour poser un pied sur l’île. Montez à bord d’une chaloupe. Observez. Voyez-vous ces cavités qui s’enfoncent dans la chair de la falaise ? Aventurez-vous à l’intérieur. Attention, ne vous trompez pas. Une seule vous mènera jusqu’au chemin qui permettra d’atteindre la surface. Pénétrez dans la mauvaise, et vous y serez prisonnier jusqu’à ce que la marée monte et qu’elle vienne vous avaler de son insatiable appétit, petits lapereaux effrayés et condamnés que vous faites.

Pour ceux qui auront trouvé la voie, le chemin au coeur de la roche est encore sinueux et escarpé pour atteindre enfin la lumière du jour. Le monde extérieur. Une colline verdoyante. Et un comité d’accueil. Les animaux sauvages ont faim. Un troupeau de mouton inoffensif vient de leur être apporté sur un plateau. De la toute première exploration qui fut envoyée sur cette île, nul homme ne revint. Seule une bouteille à la dérive fut découverte un jour, quelques années plus tard. Entre temps, on y avait envoyé d’autres émissaires, suspectant les premiers d’avoir découvert un eldorado qu’ils ne voudraient partager, ou alors tout simplement un autre royaume avide de s’emparer d’une nouvelle terre. Et des bouteilles qui se perdirent en mer…
Des dizaines, sans doute des centaines d’hommes furent envoyés à la conquête de cette terre, vaincus par l’océan, la terre ou les animaux, seule une poignée en revint sur des années de tentatives. Ces derniers à jamais marqués par le traumatisme de cette expérience où ils eurent filtrer avec la mort à chaque instant.

Ainsi, on en vint à nommer cette terre hostile et imprenable, celle dont on ne revient pas : Shimakuma, l’île du Démon…
******


Shimakuma… N’est-ce pas le nom d’une certaine île prospère, oubliée du reste du monde comme si elle avait déjà sombré ou plutôt jamais existé, dont une demoiselle aux yeux cyans serait originaire ? Alors comment une île inaccessible aurait-elle finalement pu être peuplée ?


L’histoire de son peuple commença un peu comme celle de toutes les populations qui émergèrent en terres hostiles. Puisque l’île refusait de se laisser conquérir, puisqu’elle n’appartiendrait à personne alors elle serait terre de bagne. Les différents royaumes, à l’heure où le Gouvernement Mondial n’avait pas encore étendu son joug par-delà le monde - existait-il seulement ? - décidèrent d’envoyer sur Shimakuma tous les indésirables. Mais ce ne fut pas des criminels, des brutes, ni même de quelconques individus malfamés qu’on y envoya. Non, la vermine, elle croupissait dans des cellules ou on l’exécutait sur la place publique à titre d’exemple. Ceux qu’on exila sur l’île démoniaque étaient de ces gens qui dérangent, ceux qui pensent, qui réfléchissent un peu trop. Ceux dont l’intellect les conduisaient parfois à douter un peu trop de la légitimité des ordres des seigneurs tout-puissant. Des juristes, des historiens, des médecins, des écrivains, des archéologues, des architectes, des ingénieurs de toutes sortes, des individus qui avaient eu la désobligeance d’ouvrir leur esprit à une autre conception du monde que celle qu’on voulait leur imposer ! Des humains a priori pas très résistants, ils n’étaient pas les mieux parés pour survivre dans des conditions extrêmes.

Certains étaient peut-être des révolutionnaires avérés dans l’âme, d’autres simplement supposés, mesure de prévention. Prévenir vaut mieux que guérir, il fallait enrayer la gangrène de la société avant qu'elle ne se propage. Tous ces gens qu’on ne pouvait faire exécuter, qu’on ne pouvait arrêter au risque de les victimiser, d’accélérer encore plus le processus de remise en question au sein des populations érudites. Alors, on les a fait disparaître, mystérieusement. Isolé ou parfois en famille entière, on venait les chercher de la manière la plus discrète possible, ou pas, faisant croire à un enlèvement par un groupuscule indépendant, et on leur mettait des chaînes avant de les charger dans les cales des bateaux, certains ne survivraient même pas jusqu’à la première étape du périple. Peut-être était-ce mieux ainsi, ils n’auraient eu aucune chance par la suite.


De toutes parts des mers, ces infâmes convois se réunissaient sur une seule et même île afin de les rassembler le plus possible sur le moins de navire possible. Pour les marins qui les conduisaient à ce qu’on pourrait appeler une mort certaine, le voyage n’était pas sans risque non plus. L’accès à la crique demandait une très grande habilité : un peu trop au sud et la coque du bateau serait saignée par les coraux, un peu trop au nord et le courant vous porterait cruellement sur calm belt où il vous abandonnerait là où ne le vent ne souffle plus.


Lorsque vous êtes enfin dans  la crique, vous pouvez respirer, mais ne perdez pas trop de temps. N’oubliez jamais de scruter le ciel et mettez les voiles avant que le soleil n’atteigne la ligne d’horizon. Sinon, cette île sera votre terminus à vous aussi. Les bagnards et leurs familles dans des chaloupes, à eux de ramer jusqu’aux grottes. Souvent, ils se séparent, choisissent une voie différente. Nouvelle sélection, une seule est la bonne. Pour les rares survivants de la toute première expédition de condamnés qui parvinrent jusqu’au plateau de l’île, à l’instar des explorateurs avant eux, la faune sut leur faire part de son plus charmant comité d’accueil. On aurait pu les croire tous morts dans les quelques heures qui suivirent le débarquement, mais il y avait parmi ces hommes et ces femmes des individus plus coriaces qu’on pouvait le penser, des gens physiquement et moralement, de fins stratèges. De plus, ils bénéficièrent d’une aide inattendue. Quelques humains vivaient déjà, ou plutôt survivaient tant bien que mal sur l’île. Des survivants des dernières missions d’explorations, des hommes que leurs camarades lâches et fuyards avaient laissé pour mort derrière eux tandis qu’ils ne pensaient plus qu’à sauver leur peau.


Et on en envoya, des exilés politiques, en provenance des quatre coins de la planète, persuadé qu’ils périssaient tous sur cette fameuse île qu’on avait d’or et déjà pris l’habitude d’appeler communément l’île du Démon. Un présage inconscient qui pourtant se révèlerait un jour porteur de sens …

Un grand nombre de bagnards perdirent effectivement la vie, mais au fil des années, le groupe des survivants commença à se faire de plus en plus important. La vie s’organisa peu à peu sur l’île et notamment sur la plage nord, relativement éloignée de la forêt où la vie se faisait, à défaut d’être paisible, la moins périlleuse.


Dernière édition par Cameron Edward le Mer 5 Nov 2014 - 14:37, édité 1 fois
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La superbe plage de sable fin se peuplait peu à peu. Les habitations, ou plutôt abris restaient encore très précaires, cependant, les têtes pensantes ne manquaient pas. A chaque jour sa nouvelle idée. Lentement mais sûrement, les conditions de vie s’amélioraient. Par chance, si la nature était hostile, le climat lui était relativement clément. En comparaison à la forêt qu’ils avaient tout d’abord tentée d’occuper, les bagnards trouvaient presque qu’il faisait bon vivre sur cette vaste plage. Ils se nourrissaient de chasse et de pêche, pour cela, il fallait s’entraîner à se battre pour survivre. Etre le prédateur et non plus la proie. D’autres commencèrent à cultiver la terre qui se révéla riche et généreuse. Un paradis perdu ? Pas encore, les hommes parvenaient à n’occuper qu’un modeste quart de l’île, et à chaque nouveau convoi, tout au plus un par mois, les pertes se perpétuaient.
Le danger demeurait omniprésent. De timides tentatives d’organisation en société se faisaient peu à peu ressentir au sein de la communauté des bagnards, et les religieux qui avaient été envoyés en cette terre d’exil ne tardèrent pas à y inscrire leur empreinte. Sur la terre du démon, il fallait ramener la parole de dieu.


Un jour, alors que le petit groupe armé de la vigie chargé de surveiller l’arrivée de chaque nouveau convoi, afin de protéger les nouveaux exilés - on commençait d’ailleurs à essayer de tailler dans la roche de la falaise, des chemins de passages pour qu’on puisse accéder un peu plus facilement à l’île, mais là encore, ni cette entreprise ni le cheminement de ses semblants de sentiers n’étaient p sans risque. Les autorités extérieures commençaient à se rendre compte que tous les exilés ne périssaient pas comme espéré. Cependant, pour l’heure, ils ne semblaient représenter aucune menace. De toute façon, ils étaient coincés sur cette île maudite. -, ce jour-là, un épais brouillard recouvrait la terre et la mer. On ne parvenait à distinguer correctement l’horizon. Soudain, à l’entrée de la crique, la silhouette d’un navire se dessina à travers le manteau blanc de la brume. Ses voiles déchirées, son pont désert, le majestueux trois mâts avait tout d’un bateau fantôme. Du haut de la falaise, les membres de l’escorte observaient du mieux qui leur était permis cette étrange intrusion s’engouffrant au coeur de cette crique qui du fait de sa forme avait été baptisée : « Les bras de la mort ». Ceux qui n’attendent plus que vous pour vous attirer à elle et se repaître de votre âme. Alors qu’on pouvait croire le pont absolument désert, une silhouette se mit à se mouvoir. Une barque à la mer, une personne à son bord se mit à ramer vers la falaise. Dans la brume, on la perdit de vue. Instinct hors du commun ou chance insolente, cette personne glissa sur la mer choisissant la bonne grotte sans avoir besoin d’y être guidée.
On l’avait perdu de vue. Dans le doute, on se posta à la sortie du chemin escarpé au coeur de la roche. Et elle en ressortit. Elle parce que c’était une femme. Magnifique et mystérieuse, comme  si son apparition ne pouvait se faire qu’au coeur de la brume dont elle semblait être née. Entre brume et ténèbres, un rayon de soleil qui enflamme le coeur des hommes.


On l’accueillit au sein de ce qu’on appelait le « village ». On l’admirait tant elle était belle. On s’interrogeait sur son apparition des plus troublantes. On n’osait lui demander, elle impressionnait trop. Belle et intelligente, on la pensait médecin, mais aussi archéologue. Elle semblait ouverte à toutes les sciences. Les femmes la jalousaient. Les hommes la désiraient. Mais au fond, aucun n’osait la toucher. En un sens, elle faisait peur. Parce qu’elle paraissait irréelle. Une déesse envoyée pour les guider ? Un ange déchu complice du diable ? Un homme s’essaya à s’infiltrer dans sa couche, il l’en imprégna de son sang. On lui pardonna, parce qu’en silence on tendait à la vénérer. Peu osèrent lui parler, seuls les figures de proue qui se distinguaient déjà dans l’organisation sociale de la « tribu », se lièrent avec elle, l’incluant dans les groupes de pensées les plus actifs de la communauté. Elle fit partit des leaders. Elle répondait au nom de Harumi Igaarachi. Son nom, on l’associa à une grande beauté, cependant, il n’existe nulle trace d’une véritable description physique de cette femme, comme si elle n’avait jamais existé.
Et s’il était un homme influent parce qu’on le reconnaissait bon et généreux, pas des plus grands cerveaux réunis sur cette île, mais de ceux qui pensent le plus aux autres, avec lequel la Dame de l’île se lia d’amitié tout particulièrement sans doute fut-ce cet homme répondant au nom d’Edouard O’Connor.

******


Une loi tacite avait été convenu entre les habitants de la plage, prospectée par les hommes de foi qui voyait le diable dans le corps de cette femme. Puisque tous désiraient la même femme, que nul ne parviendrait à se mettre d’accord alors nul ne pourrait l’avoir. Pourtant, il se produisit quelque chose qui remua la société : la Dame tomba enceinte ! Qui était le père ? Qui avait osé ? Bien sûr, les suspicions se tournèrent vers le robuste Edouard. Cependant, on le pensait honnête et époux, père d’une petite fille récemment née, on ne poussa pas les accusations plus loin. Et la mère qui refusait d’en dire mot. Qui prétendait qu’il était enfant de l’île elle-même, on commença peu à peu à la penser dérangée d’esprit. On étouffa les rumeurs, en patientant, la naissance de l’enfant en révélera sans doute davantage sur la vérité de ses gènes. Mais le jour venu, le mystère n’en fut que d’autant plus grand. Le nouveau-né ne ressemblait à personne. Pas même à sa mère. Anomalie génétique, sa peau était d’un teint blême, plus blanc que la neige fraîchement tombée, les quelques cheveux sur son crâne étaient eux-aussi d’une blancheur immaculée. Seuls ses yeux paraissaient rouge de la couleur du sang. Il était albinos. On le voyait comme un monstre. Sa mère le vit comme une fragile et précieuse poupée de porcelaine. La pureté et la délicatesse de la peau de son enfant lui rappela les printemps et les pétales de fleurs de son île natale. Elle le nomma Sakura. Un nom de femme pour un enfant qu’on pensait frêle et fragile.


Son enfant né, la Dame préféra s’éloigner du village en développement. Les champs cultivés avaient peu à peu repoussé les prédateurs dans la forêt. Pour autant, il ne faisait pas bon de vivre isolé, mais elle n’avait pas peur. Elle était certaine de ne rien avoir à craindre et demanda donc à ce qu’on lui bâtisse une petite demeure où vivre avec son fils dont les villageois se méfiaient comme de la peste, sur le flanc de la colline qui se dégage de la plage, au pied de la falaise. Sakura grandit, à l’âge de deux ans, il n’était plus craint des ses semblables, il semblait si fragile. C’était à peine si on lui donnait dix ans d’espérance de vie. Il demeurait néanmoins différents.

Puis, la population de Shimakuma qui à défaut de croître de manière flagrante ne diminuait pas, entre nouveaux arrivants - de moins en moins fréquents, on commençait à se méfier de la vie qui pouvait s’organiser sur l’île -, naissance et décès : attaques des animaux sauvages ou maladies, s’embrasa à nouveau dans un scandale. Voilà que Harumi était une seconde fois enceinte ! Cette fois, plus de pitié, les « hommes de dieux » hurlèrent au blasphème et au sacrilège ! On accusa le malheureux Edouard qui fut condamné sans jugement. On le lyncha à mort puis exhiba son corps crucifié à titre d’exemple. La religion commençait à répandre de plus en plus son influence, dictée à la guise de ses représentants. Fière et indomptable, Harumi assista à l’exécution de son ami qui laissa derrière lui une veuve et une orpheline, Demetria. Elle ne dit mot et ne fit rien. Elle observa juste, le regard droit et la tête haute. La petite main de son enfant dans la sienne, Sakura lui aussi assista à son premier spectacle macabre. Aucune expression ne transparaissait jamais sur son visage, ce jour-là ne fit pas exception. On lui attribua l’incompréhension de la jeunesse alors que cet excès de violence faisait pleurer déjà bien des enfants qui ne comprenaient pas pour autant la signification de cette mort. Mais en vérité, Sakura ne ressentit rien. Les sentiments lui étaient inconnus. L’enfant n’avait tout simplement pas de coeur…


Si sa mère ne montra rien en public, elle n’en fut pas moins effondrée une fois à l’abri des regards dans sa demeure isolée. Endeuillée de la mort de son ami innocent, elle se retira des activités d’organisation et de développement du village en constante expansion. Et ce fut seule avec ses deux fils, car le second enfant fut un garçon également, au teint délicat du lys mais à la chevelure et aux yeux noirs jais. Les deux enfants se révèleraient très beaux en grandissant, mais si différents l’un de l’autre.



La mère ne s’éloignait plus guère de sa petite maison, seulement pour entretenir son lopin de terre et vérifier les pièges qu’elle avait posé afin d’obtenir un peu de viande. Les garçons ont grandi. Depuis qu’ils étaient en mesure de marcher, ils avaient pris pour habitude de se rendre régulièrement au village. On leur donnait parfois quelques nourritures afin qu’ils puissent diversifiés davantage leur alimentation. Rarement. On ne les appréciait guère. Et le cadet, Ritsuki ne les aimait pas non plus. Sakura lui semblait toujours constitué de cette même indifférence, à l’égard de son frère également. Il marchait si ce dernier voulait le suivre alors qu’il le fasse, s’il ne le voulait plus alors qu’il cesse. Aux iris pourpres de l’enfant la vie n’était pas plus compliquée que cela. De toute façon, lui, il pouvait se promener partout où il le désirait sur l’île. A l’âge de dix ans, il avait déjà traversé la forêt pour se rendre jusqu’à la petite plage. Il n’avait rien à craindre, ni des hommes ni des animaux. Il semblait intouchable. Il l’était. Une aura impératrice émanait de lui inconsciemment. Les hommes le pensaient faible du fait de son teint blafard qui donnait l’impression qu’il était constamment malade. La nature le savait tout-puissant. Elle avait trouvé en cet enfant son maitre et s’inclinait sur son passage.
Les hommes ignorants ne comprenaient rien, ils étaient incapables de ressentir l’existence exceptionnelle de ce petit garçon. Seule sa mère, et son frère  en était conscients bien qu’il refuse de l’admettre. Au fond, lui non plus, il n’était pas un garçon « ordinaire ». Mais si Sakura inspirait autant de dégoût de que de pitié à la population de l’île à cause de son apparence, lui le petit albinos, Ritsuki lui ne bénéficiait d’aucune compassion de leur part. L’aîné ressemblait à un fantôme, le cadet paraissait bel et bien vivant. Une menace pour l’avenir qui nécessitait qu’on le garde à l’oeil. Ainsi, il était d’avantage permis à Sakura de s’éloigner du sillage du village qu’à son frère. De plus, ce dernier n’était pas encore aussi habile que son aîné dans l’art de disparaître. Invisible, parce qu’il ne disait pas un mot, parce qu’il n’en valait pas la peine, Sakura passait parfois inaperçu alors que bien présent. Parce qu’il ne voulait pas être vu. Parce qu’il était au-dessus d’eux et qu’ils ne méritaient même pas de fouler la même terre que lui. Un jour, vous vous prosternerez, un jour vous l’acclamerez. Vous vénérerez celui qui rédigera votre destin de sa main.  Un dieu créateur, un dieu destructeur.
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Un jour sur la falaise, les pieds pendant dans le vide, assis au bord du précipice, Sakura était seul. Sa chevelure d’albâtre caressée par le vent, il écoutait. Il écoutait ses voix qu’il est seul à entendre, qui sont dans sa tête. Sa mère lui disait qu’il entendait les voix de l’île, de la nature et des éléments. Mais une nouvelle voix s’éleva dans sa tête ce jour-là. Inconnue, elle siffla à ses oreilles et résonna dans sa poitrine. Non, cette voix, ce cri de détresse n’était pas dans sa tête, elle était réelle ! Intrigué, ou non à en juger l’inexpression sur son visage et dans ses yeux, le garçon d’une dizaine d’année suivit la voix qui provenait du coeur de la roche. Il descendit le chemin escarpé qui s’enfonçait dans la falaise jusqu’à la grotte d’accès à l’île. Une fois le niveau de l’eau atteint, au lieu de chercher à s’avancer en direction de la sortie vers l’océan, l’enfant s’engouffra d’avantage dans les sombres profondeurs de la grotte. Un passage où seul un petit corps pouvait se glisser, Sakura se mit à ramper pour atteindre ce qui s’avéra être une autre grotte. Magnifique. Une surface rocheuses aux reflets dignes de l’obsidienne. Un miroir parfait où l’eau et la roche, l’endroit et l’envers se confondent. Un tel spectacle qu’on y décèlerait même une lueur admirative dans les yeux du garçon. A moins qu’il ne s’agisse seulement du reflet étincelant des pierres précieuses incrustées dans la roche à la surface de ses iris. Probablement. Néanmoins, ces pierres l’intriguèrent. L’enfant au teint d’albâtre s’en rapprocha, il l’effleura du bout de ses doigts. Chacun de ses gestes semblaient toujours si délicats, précautionneux, comme s’il avait l’impression de risquer de briser ses propres os s’il venait à forcer d’avantage. Il en était rien. Sakura avait simplement des sens si développés qu’une caresse équivalait à un touché pour lui. Et à cette infime caresse la pierre réagit. Une voix, un murmure, une mélodie sembla s’élever de part et d’autre de la grotte. Le garçon se retourna pour observer tout autour de lui. Une résonance imperceptible à l’oreille humaine, sauf les siennes. Des vibrations émanaient de cette étrange roche. Cependant, l’enfant était certain qu’il ne s’agissait pas là de la complainte qu’il avait entendu depuis le haut de la falaise. Impossible qu’il ait pu confondre avec le sifflement du vent…


Soudainement, il eut sa réponse. Depuis le fond de l’eau qui sillonnait dans la grotte, juste au bord de laquelle il se trouvait, une créature surgit brusquement. Sakura n’eut pas le temps de la discerner. Pour la première fois sans doute de sa vie, il fut surpris. Il en perdit l’équilibre et son pied glissa sur le revêtement pierreux humide. En l’espace de quelques secondes, il se retrouva immergé sous l’eau, plus profonde en cet endroit qu’on ne pourrait le croire. Ses yeux grands ouverts, il n’eut que le temps de bloquer sa respiration pour ne pas avaler de l’eau. Là, il discerna d’avantage la créature qui tournoyait dans l’eau, prête à bondir sur son repas. L’animal ressemblait à ces illustrations dans les livres que certains anciens marins s’essayaient à réaliser au village, un roi des mers. Un tout petit roi des mers. S’agirait-il d’un bébé qui se serait retrouver prisonnier de la grotte ? Il est vrai que la mer avait été agitée la nuit dernière. Ses instincts de chasseur ne devait par conséquent pas être très au point. Peut-être était-ce une chance de s’en sortir pour le jeune garçon ? Ou peut-être pas, car la créature fonçait déjà droit sur lui. Sakura tacha de se concentrer pour faire ressentir son aura impératrice au monstre mais au même instant, il fut lui-même quelque peu décontenancé par un filet de sang qu’il vit apparaître autour de lui, au coeur de l’eau. Dans sa chute, il s’était méchamment écorché le bras. La douleur étant un sentiment comme les autres, le garçon y était parfaitement insensible, il n’avait donc même pas remarqué sa blessure avant de la voir. Le sang sillonna jusqu’aux narines du monstre, Sakura crut son heure venue. Non, il n’avait pas peur. S’il devait être dévoré par cet animal alors il deviendrait cet animal. Cette rencontre n’était pas le fruit du hasard. S’il devait être ainsi, alors, il l’acceptait.


Pourtant, loin d’attiser encore d’avantage l’appétit furieux de la créature marine, orpheline et perdue, l’odeur de ce sang lui fit rouler les yeux, et, comme effrayée, elle fit brusquement volte-face pour disparaître dans les ténèbres des profondeurs de cette crevasse aquatique. Sakura n’en était pas sauvé pour autant. L’enfant s’enfonçait un peu plus profondément à chaque instant, et il ne savait pas nager. Le monstre partit, il commença à se débattre pour essayer de remonter à la surface. En vain. Il se retourna face à la roche pour tenter d’y trouver des points d’accroche qui pourraient lui permettre d’escalader la façade. Il essaya, mais lorsqu’il s’accrocha fermement à l’une des pierres précieuses, semblables à des saphirs mais d’une toute autre nature, celle-ci se décrocha et sa chute dans les abîmes se perpétua. La pierre entre ses doigts, sa résonance entonna ce qu’il assimila à une mélodie macabre. A cours d’oxygène, il se laissa choir, sans jamais fermé les yeux.  « Qu’il en soit ainsi » s’abandonna-t-il au gré du destin…


Ce fut alors qu’il sentit une force venir le pousser dans le dos et le ramener jusqu’à la surface. Une fois la tête hors de l’eau, de son museau le jeune monstre marin poussa le corps du garçon jusqu’a la terre ferme. Il fallut plusieurs instants à Sakura pour comprendre ce qui venait de se passer. Peut-être était-il fils de l’île et du démon, il n’en était pas dupe pour autant et ne se leurrait pas sur sa divine autorité. Le monstre ne lui était venu en aide juste parce qu’à l’inhalation de son sang, il avait reconnu en l’enfant son maitre. Non, il s’agissait d’autre chose… L’albinos observa la créature qui gardait une partie de son corps dressée hors l’eau, effectuant des mimiques fasciées significatives de soumission chez les animaux, tel le fait de mâchouiller dans le vide. Le monstre semblait fixer du regard un point bien précis. Les iris pourpres du garçon le suivirent et réalisèrent alors que toute l’attention de la créature revenait à la pierre que l’enfant tenait entre ses mains. Mais oui ! La résonance ! L’ouïe des monstres marins devait probablement y être beaucoup plus sensible que celle des humains ! Et dans le cas de l’orphelin, ces vibrations semblaient l’apaiser, le mettre en confiance. Sakura fit un essai en caressant une nouvelle fois la pierre étincelante qui confirma son hypothèse. Le monstre resterait-il donc dans cette grotte parce que, apeuré de se retrouver seul, il n’osait s’éloigner de sa seule source de réconfort ? Evidemment, pour un coeur aussi vide que celui de l’albinos, cette explication n’avait guère de sens. Il s’aventura donc à la recherche d’une autre explication. Du moins essaya-t-il, car alors qu’il tentait de se frayer un chemin en direction de ce qui devrait être une sortie vers la mer, l’enfant dût très vite renoncer. La voie terrestre était impraticable. Seule la voie des eaux pourrait lui permettre d’avancer un peu plus loin, mais si le monstre le suivait d’ors et déjà docilement, remettre sa vie entre les mains de la créature lui paraissait bien trop prématuré. Il rebroussa chemin et reviendrait dès le lendemain.

*******


Au fil des jours et des semaines qui suivirent, Sakura se rendit quotidiennement dans cette grotte, rendant visitant à « son » monstre dont il avait jalousement dissimulée l’existence à tout le village, même à sa mère et à son frère. A l’aide des pierres et de sa propre aura, le garçon dressa peu à peu la créature dont il se fera parfaitement obéir avec le temps. Ensemble, enfant sur le dos du monstre, ils purent alors explorer bien d’avantage la grotte et le chemin qui aurait dû les mener jusqu’à la mer. Comme l’enfant pouvait s’en douter,  en un endroit, le passage était trop obstrué pour que le monstre puisse le franchir. La montée des eaux de la mer agitée avait dû lui permettre de passer à l’allée, mais une fois le niveau retombé, l’animal demeurait prisonnier. S’il avait suffisamment de place pour se mouvoir dans ses eaux, il finirait par devenir trop grand. Sa croissance au cours des dernières semaines avait déjà été impressionnante. S’il ne rejoignait pas la mer prochainement, ce serait trop tard…


Alors, par une nuit où le vent balayait avec rage toute l’île, présageant la tempête, Sakura courut sous les trombes d’eau qui s’abattaient déjà sur la terre. Il entendait, la complainte du vent, les hurlements du monstre effrayé par les souvenirs ravivés de cette nuit où il avait été fait prisonnier de la roche, et les cris de son frère qui s’élevaient dans son dos :


« Sakura ! Sakura ! Reviens ! La tempête arrive ! Tu dois rentrer à la maison ! »

Mais l’aîné continuait d’avancer, son cadet courant derrière lui pour le rattraper. 



« Où est-ce que tu vas, Sakura ?! s’agaçait ce dernier. Qu’est-ce que tu vas faire à la crique ?! Tu risques de mourir si tu vas là-bas ! »

L’intéressé se retourna alors vivement. L’eau ruisselant le long de sa chevelure blanche et tout le long de son corps, il attendit son cadet brun. Les deux frères se firent face.

« Cela te dérangerait-il si je venais à mourir ce soir ? » rétorqua sèchement l’aîné.

Si Ritsuki fut surpris, ce ne fut pas par les paroles prononcés par son frère, mais par le simple fait de l’entendre parler. Par la suite, ce fut une conversation irréelle qui s’engagea entre deux garçons d’une dizaine d’année environ qui n’avaient anormalement rien de deux enfants :

« Si tu entends par là savoir si je te pleurerais ou non, tu connais la réponse. Mais mère n’en serait que d’autant plus ravagée !

- Elle serait heureuse de me savoir en parfaite communion avec la nature elle-même.

- Ne dis pas n’importe quoi ! On te croirait aussi fou qu’elle !

- Peut-être n’est-ce pas de la folie, peut-être est-ce vous qui ne comprenez pas.

- Je ne veux pas que tu meurs !
hurla alors le cadet. Je ne veux pas que tu me laisses seul avec mère ! Je ne veux pas que tu t’en ailles et que je sois le seul monstre du village ! »

Sur ces mots, Sakura ne répondit pas. Il se mura à nouveau dans ce silence qui lui était habituel. En principe, les deux frères n’avaient pas besoin de mots pour se comprendre. Ils semblaient communier entre eux par la pensée. Alors Ritsuki comprit lorsque son aîné lui tourna à nouveau les talons qu’il était inutile d’essayer de le faire renoncer à son intention de se rendre à la crique, mais que Sakura ne comptait par pour autant mourir ce soir.


Non, son seul objectif était de profiter de la montée des eaux pour faire sortir le jeune monstre marin de sa prison. Bien sûr, il prenait là le risque de voir la créature s’enfuir dans l’immensité de l’océan alors qu’il avait pris grand soin de la dresser pour s’en faire obéir, dans l’idée qu’un tel atout pourrait lui servir un jour ou l’autre. Cependant, s’il restait dans la grotte, le monstre ne serait bientôt plus qu’une carcasse sans vie totalement inutile.
Par une opération périlleuse qui manqua effectivement de lui couter la vie, après des minutes interminables au coeur de la tempête qui redoublait de rage à chaque instant, Sakura parvint à emmener le monstre jusqu’aux eaux de la crique, lui dont seule la résonance des pierres et la présence de son maitre qu’il avait associé à celles-ci, pouvait apaiser la peur qui lui nouait l’estomac face à la colère de la mer. Mais une fois à l’aise dans l’espace plus vaste de la crique, le roi des mers en devenir ne tarda pas à comprendre qu’il n’était plus ce petit rejeton vulnérable qui se faisait ballotter au gré des vagues et des courants comme autrefois. A présent, il avait suffisamment de force pour lutter, et un jour, il créerait ses propres courants.


Ce soir-là, quand Sakura rentra chez lui, détrempé, son Ritsuki l’attendait. Lorsque ce dernier vit son frère apparaître, il ne dit mot et partit se coucher. Leur mère, elle, dormait déjà depuis longtemps. Elle n’avait nulle crainte quant à l’avenir de son précieux fils. Celui-là même dont elle avait affublé d’un nom porteur d’une infinie délicatesse, celui auquel elle avait attribuée une appellation féminine. Etait-ce donc synonyme de divinité pour elle ?


*******


En ce temps-là, les autorités extérieures n’envoyaient plus guère de « bannis politique » sur l’île, notamment parce qu’ils avaient remarqué que l’extermination naturelle ne s’était pas déroulée comme espérée et que la vie se faisait de plus en plus dense là où il n’y aurait dû y avoir que mort et désolation. Un aubaine pour le monstre qui n’avait pas quitté la crique. Il ne disposait pas encore assez de courage pour cela, et chaque jour, il se reposait tapi dans la pénombre des profondeurs maritimes en attente de la visite de son maitre qui ne manquait pas de venir à chaque crépuscule. Là encore, Sakura avait conscience que le monstre ne pourrait demeurait caché ici éternellement. Il finirait par devenir trop grand et la crique trop peu profonde. Néanmoins, il voulait profiter de ce nouveau terrain d’exercice avant de se lancer dans le grand bain de l’océan. Tout d’abord, si son monstre voulait survivre, il allait devoir à apprendre à être plus courageux et surtout, beaucoup plus féroce ! La créature ne porterait pas le nom de roi des mers pour rien !


Ainsi, au fil du temps, l’adolescent venait parfois à disparaître des journées entières, mais seul son frère semblait le remarquer. Il se rendait en mer en compagnie de son redoutable ami. Lui aussi semblait être prédestiné par la nature, car après quelques déboires, il ne tarda pas à être victorieux de toutes ses altercations avec ses congénères, au large. Et il grandissait, grandissait. Si jeune, il n’avait pourtant plus à pâlir face aux semblables de son espèce. Il ne rentrait plus dans la crique que pour pouvoir s’y reposer la nuit, voire, il migra peu à peu de manière naturelle vers la barrière de corail qui longeait le sud de l’île. L’enfant l’y rejoignait par la plage. Personne ne se doutait de rien. Personne n’osait suivre l’albinos, à l’exception de son frère et aussi, de la surprenante Demetria, fille du défunt Edouard O’Connor, de quelques années l’aînée des deux garçons. Un jour, ces deux-là suivirent donc Sakura à travers la forêt. La fille croyait peut-être agir à l’insu de l’intéressé, mais Ritsuki lui était parfaitement conscient que son frère avait dû remarquer leur présence depuis bien longtemps. Sans doute fut-ce pour cette raison qu’ils purent traverser la forêt sans y périr. Une fois sur la plage, Sakura leur fit comprendre qu’il les avait repéré, toujours sans un mot, et pourtant, il accepta de leur dévoiler son secret. Elle fut surprise et émerveillée à la vue du fier monstre qui émergea de l’eau au loin, tandis que le brun lui sentit un fossé encore plus grand le séparer de son frère qui semblait toujours conserver une longueur d’avance sur lui. Ritsuki se sentait étrangement rattaché de loyauté envers son aîné tout comme il le considérait comme son rival. Il ne parvenait à se détacher d’aucun de ces deux sentiments.


A leur retour de la plage sud, à peine étaient-ils sortis de la forêt, marchant sur la colline à l’orée des champs, que les trois jeunes enfants aperçurent de la fumée s’élever dans le ciel en provenance du village. Cette fumée avait quelque chose d’inhabituelle. Pris d’un pressentiment, les deux garçons se mirent à courir en direction de la plage nord et leur camarade féminine les imita. Arrivée à destination, se frayant un chemin à travers la foule d’habitants rassemblée là, Ritsuki fut tétanisé par l’effroi, Demetria poussa un gémissement avant de monter sa main devant sa bouche, tandis que Sakura lui sembla demeurer parfaitement serein. Son visage toujours aussi inexpressif, il s’avança de quelques pas puis s’arrêta, le regard droit sur le bûcher qui avait été allumé et au coeur duquel on avait enchaîné leur mère, Harumi Igaarachi.
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« MÈRE ! MÈÈÈÈÈRE ! se mit soudainement à hurler Ritsuki, horrifié, révolté et révulsé par la vue de sa génitrice qu’on était en train de brûler vive. ARRÊTEZ ! MÈRE ! »


L’enfant accouru en direction du bûcher dans une course désespérée, mais au moment où il dépassa son frère, les bras solides de deux hommes adultes vinrent l’agripper pour le retenir fermement. On avait emmené Demetria plus loin afin qu’elle me soit pas témoin de cette vision macabre. On envisagea de retenir également Sakura mais personne n’osa poser ne serait-ce qu’un doigt sur lui. Par ailleurs, le jeune garçon n’avait toujours pas bougé. Il continuait de fixer le bûcher, sans un mot, sans la moindre expression sur son visage. Et silencieuse également depuis l’arrivée de ses deux enfants, la femme condamnée soutint le regard de son fils aîné. Tandis que les ombres des flammes se reflétèrent sur sa figure, un improbable sourire naquit sur ses lèvres. Puis, peu à peu, son visage se déforma sous la douleur et elle se mit à hurler alors que les flammes se délectaient de sa chair. Elle hurla, hurla, et hurla encore. Des cris stridents et déchirants, insupportables pour bien des spectateurs qui s’en détournèrent. Ritsuki sentit des larmes irrépressibles couler le long de ses joues. Et Sakura qui ne bougeait toujours pas !


Un seul homme semblait se ravir pleinement de cet effroyable spectacle. Cet homme qui porte la croix et prêche la soit-disant bonne parole ! Ne faisait-il pas déjà parti des bourreaux d’Edouard O’Connor ? Sakura était trop jeune à l’époque pour s’en souvenir, mais ce jour-ci, maintenant âgé de treize ans, il s’en souviendrait parfaitement. Non pas le jour où il aurait pleuré la mort de sa mère, ni le jour où il aurait eu le coeur déchiré et l’âme brisée par cette vision d’horreur, mais le jour où quelqu’un s’était cru permis lui ôter quelque chose qui lui appartenait ! Sa mère était l’une de ses possessions, tout comme son frère, personne en ce monde n’était autorisé à leur porter atteinte sans en payer le prix ! Et ce prix avait pour nom : la vie !


Le temps parut ralentir, presque se figer, tandis que seul l’albinos pouvait se mouvoir. Il se saisit du couteau qui se trouvait à la ceinture d’un des deux hommes maintenant son cadet. Puis, son regard pourpre rivé sur le prêcheur, l’enfant se dirigea vers ce dernier d’un pas solennel. L’homme qui criait à l’hérésie ne sembla remarquer son approche qu’au dernier moment alors que le reste de l’assemblée demeurait immobile, comme écrasé sous le poids de la soudaine atmosphère qui planait sur eux. Il était trop tard. Froidement, Sakura enfonça la lame qui perfora la chair de l’abdomen de l’homme. L’enfant put sentir une résistance au bout de sa lame. Une résistance qui finit par céder et et ouvrir la voie au fur et à mesure que le couteau se plongeait encore plus profondément. Le prêcheur baissa ses yeux vitreux et écarquillés sur le garçon, incrédule, soulevé par une atroce souffrance en provenance de son ventre, la sensation du sang qui remontait de le long de son oesophage. Et brusquement, sans ménagement, Sakura arracha la lame de ses entrailles. L’homme tomba à genou. D’un geste du pied, l’enfant le poussa à terre où il le laissa choir et agoniser, se vidant de son sang, certains de ses organes perforés. Le garçon jeta son arme dans le feu du brasier au coeur duquel sa mère avait cessé ses hurlements de douleurs. Ses yeux avaient révulsé, puis sa tête avait chu. Elle avait déjà rendu son dernier soupir. Il n’y avait plus rien à faire pour elle. L’albinos s’assit donc à genoux face aux flammes dans l’attende que celles-ci se consument et s’éteignent. Tout autour de lui, on était sous le choc, horrifié. On avait peur. Plus personne n’osait s’approcher, pas même pour récupérer le corps encore soulevé par ses derniers spasmes de l’homme qui venait d’être froidement exécuter. On lâcha Ritsuki et on s’éloigna. Mais l’enfant brun, plus bavard que son aîné ne l’entendit pas de cette oreille. Il se tourna vers tous ses lâches qui plutôt que d’affronter leur propre complicité à ces méfaits préféraient tourner le dos :

« Où allez-vous ?! s’écria-t-il. Revenez ! REVENEZ ! VOUS ETEZ SUFFISAMMENT TEMERAIRES POUR BRULER VIVE UNE PAUVRE FEMME MAIS VOUS N’AVEZ PAS LE COURAGE DE SUPPORTER LA VUE DES DEUX ORPHELINS QU’ELLE LAISSE DERRIÈRE ELLE ?! DERRIÈRE VOUS ?! REVENEZ ! POURQUOI ? POURQUOI AVEZ-VOUS FAIT ÇA ?! Pourquoi … »

Ses jambes ployèrent sous lui, il n’avait plus la force de se tenir debout et les larmes embuaient sa vue. Il tourna vivement la tête vers les restes du bûcher. Désespéré, il rampa jusqu’à celui-ci, tendit  la main vers ces flammes qui lui brûlèrent le bout des doigts. D’instinct, il reprit instantanément sa main qu’il vint serrer dans le creux de la seconde. Recroquevillé sur lui-même, Ritsuki se mit à hurler de douleurs. Des cris encore plus bouleversants que ceux de sa défunte mère précédemment. Titubant, haletant, ne cessant d’exprimer sa rage et sa douleur, le brun se releva pour se diriger vers son aîné. Là dans un excès de colère, indigné par l’impassibilité de ce dernier, le cadet leva la main sur son frère. Un geste qui fut intercepté par l’albinos avant qu’il n’aboutisse. Les doigts de Sakura se serrèrent sur le bras de Ritsuki qui se laissa choir à nouveau, cette fois effondré de larmes. A genoux face à son frère aîné, le cadet s’en remit à lui et se reposa sur ses jambes pour pleurer…


Pourquoi… Telle était la question. Le prêcheur qui considérait Harumi comme une abomination, une malédiction que leurs bourreaux avaient envoyée sur l’île, depuis sa toute première apparition, n’attendait qu’une bonne raison pour se débarrasser d’elle. Une occasion qui lui assurerait le soutien du reste de la population. Cette occasion s’était présentée en ce jour. Harumi vivait excentrée du reste du village avec ses deux enfants. En principe, elle subsistait en autonomie mais il demeurait un service qu’elle accomplissait. Une tâche que toute personne acceptait de déléguer sans difficulté. La femme était en quelque sorte devenue le croque-mort de l’île. Elle était celle qui s’occupait des corps des défunts, de décès de toute nature. On savait qu’elle emmenait les corps par-delà la colline, on supposait qu’elle les enterrait au loin de la plage. Comment aurait-il pu en être autrement ?
Il en était autrement ! Et le prêcheur venait de le découvrir en ce jour, alors que parmi les cadavres se trouvait celui de sa soeur et qu’il avait souhaité lui dire un dernier au revoir… Quelle horreur ne découvrit-il pas alors ! Pragmatique, insensible et pratiquante d’un tout autre culte, Harumi Igaraachi jugeait indignes tous ces corps d’infidèles de rejoindre la terre nourricière. Celle-ci n’en serait qu’offenser. Par contre, ceux qui ne s’offusqueraient pas de s’en repaître, étaient indéniablement les animaux sauvages de l’île auxquels Harumi offrait les morts. Les nourrir avec la chair des défunts n’était-ce pas mieux que d’attendre qu’ils viennent s’en prendre à ceux encore vivants ? Tout le monde ne pensait évidemment pas de la même façon, et on cria à l’hérésie. Et telle une sorcière, on la brûla vivante !


Quand le feu fut enfin éteint, Sakura fit signe à Ritsuki de se relever. Il l’envoya chercher une boîte dans leur maison et pendant ce temps, alors que le soleil entamait sa chute, l’albinos entreprit de rassembler les restes de sa mère. Les deux garçons, l’un toujours de marbre, l’autre écoeuré, les déposèrent dans le coffre rapporté par Ritsuki. Sakura voulut continuer seul, mais son cadet insista. Ensemble, ils traversèrent la forêt à la tombée de la nuit. Depuis la plage sud, dans l’eau de la lagune, les enfants offrirent les os de leur mère à l’océan…


Au lendemain, Ritsuki fut le seul à rentrer au village. A présent lui aussi, il pouvait se déplacer dans l’île sans grande crainte. S’il n’avait pas l’autorité impériale de son aîné, le brun semblait entretenir un lien particulier avec les reptiles, tout particulièrement les serpents qui abondaient sur Shimakuma. Ces derniers veillèrent sur sa maison, et quiconque se risquerait à approcher avec de mauvaises intentions verrait sa route subitement interrompue par une morsure mortelle.

Sakura lui s’établit en solitaire, en communion avec la nature sur la plage nord. Il y vécut pendant près de deux années avec pour seules visites humaines celles de son frère qui venait le voir de temps à autre, parfois accompagné de Demetria lorsque la jeune fille réussissait à échapper à la surveillance des villageois qui lui interdisaient d’approcher les Igaraachi, et ses nuits, il les passait à contempler la danse macabre et sensuelle des flammes qui éclairaient l’obscurité des ténèbres…

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Deux ans après l’immolation de leur mère, ses deux fils Sakura et Ritsuki étaient respectivement âgés de quinze et treize ans. Le premier vivait seul au sud, l’autre tentait de cohabiter avec les autres habitants. La vie aurait certainement pu rester ainsi, l’organisation au sein de l’île se stabilisait malgré les déboires et mauvaises récoltes qui s’abattaient sur la population au cours des deux dernières années, s’il n’y avait pas eu ces voiles au loin.


Assis sur la plage de sable fin au sud de l’île, sculptant dans le bois des inscriptions que sa défunte mère lui avait enseignées, un langage dont un certain nombre de personnes, certes une minorité mais non négligeable, possédait encore la science de la lecture et de l’écrire - Harumi l’avait transmise à ses deux fils à cette époque où la langue se perdait peu à peu - Sakura observa les voiles de bateau qui se dessinaient peu à peu au loin. Il n’y avait là qu’un seul navire. Inutile d’en envoyer d’avantage, par le sud, à cause de la barrière de corail, seuls les boulets de canons pouvaient atteindre l’île, pas même une barque. Ou du moins, l’adolescent aux yeux pourpres ne leur conseillait pas de s’y aventurer. De toute façon, il était déjà trop tard. Le jeune homme attendait, patiemment, presque curieux du spectacle qu’il pouvait prédire lorsqu’il fut interrompu par la voix de son cadet qui débarquait en courant, à bout de souffle. En son for intérieur, Sakura se dit que Ritsuki était encore bien insouciant pour s’être précipité de la sorte afin de le prévenir.


« Sakura ! Sakura ! Des… Des navires !  haletait-il en mettant enfin à terme à sa course. Il y en vient de toute part ! Des galères avec des rameurs par le nord ! D’autres tentent de se rapprocher de la falaise pour l’escalader par l’est ! Ils vont sans doute tenter une percée par la crique à l’ouest ! Ils ne devraient pas tarder à apparaître par le sud ! désigna-t-il l’horizon où il n’y avait plus rien d’autres que l’immensité de l’océan. Les gens du village disent qu’ils sont venus pour nous exterminer ! »

L’aîné des deux frères se releva en soupirant. De son index, il désigna l’océan.

« Il n’y a plus rien au sud, » lui dit-il dans ton neutre, presque morne.

Et le cadavre d’une épave remonta à la surface de l’eau où elle gît au milieu de ses propres décombres. L’albinos se retourna vers son cadet :

« Retourne au village leur dire de rassembler tous les hommes forts et surtout ceux qu’ils savent tirer au fusil et l’arc, sur le pourtour de la crique. A l’est, s’ils veulent se rapprocher de la falaise, ils vont s’en rapprocher, ils vont même l’embrasser au point d’en saigner. Quant au nord… »

La perspective de laisser les habitants se faire massacrer par les tirs de canons ne lui était pas des plus désagréable mais il avait d’autres projets. Cette île et son peuple seraient sien, il en avait décidé ainsi, il en avait été destiné ainsi depuis le début. Alors à l’instar de sa mère, il ne me permettrait à personne de le déposséder ce qui lui appartient impunément. Sans plus d’explication, l’adolescent commença à remonter la plage en direction de la forêt, faisant comprendre à son frère qu’ils se présenteraient au village ensemble finalement.

« Attends, Sakura ! lui emboita-t-il le pas. Tu… Tu peux vraiment te faire obéir de ce monstre ? »

Une question à laquelle l’intéressé ne vit pas la nécessité de répondre.



Les deux frères débarquèrent au village sous le tollé de véhémence des habitants. Ces derniers les huèrent, les injurièrent de s’en aller, qu’ils étaient les seuls fautifs de ce mauvais sort ! Les fils Igaarachi étaient responsables de cette attaque contre laquelle les bagnards et leurs encore jeunes descendants n’avaient rien pour se défendre. Sakura traversa les rues de ce qui ressemblait de plus en plus à un village, dressé sur les flancs de collines à l’orée de la plage, puis continua son chemin sur le sable fin jusqu’à la lisière où les vagues agonisante vinrent effleurer la plante de ses pieds avant de s’en retourner pour mieux renaître dans les bras de leur mère. Derrière lui, Ritsuki s’acharnait à faire entendre raison aux villageois. Il leur indiquait comme son frère le lui avait dit précédemment, de se préparer à cerner les attaquants qui s’aventureraient dans la crique à l’ouest depuis le haut des falaises. On lui rétorquait par l’assaut de l’est. Un regard vers la silhouette de son aîné tournant le dos, le cadet lui accorda son confiance et soutint face aux habitants qu’il leur suffisait d’envoyer quelques éclaireurs pour constater que menace il ne devait plus y avoir à l’est. Et le sud alors ? Il prétendit que personne n’était venu pas le sud. On renchérit avec le nord. Comme pour imposer le silence de toute cette populace qui l’avait suivit sur la plage, Sakura levant la main vers le ciel. On se tut, intrigué, frustré et toujours effrayé. Dans la tête de l’albinos, il pouvait déjà entendre le son tambour annonçant le début d’une sublime symphonie. Celle de la mort qui glisse sous les flots, de ses âmes encore ignorantes de leur funeste et imminent destin. Ah ! Ils se souviendront d’avoir voulu souiller cette terre qu’il avait décidé sienne ! Oh oui ! Par-delà le trépas, dans les méandres de l’autre rive, ils se souviendront encore de cet effroi qui sera venu les happer dans une violence fulgurante ! Tel un chef d’orchestre, sa pierre qu’il avait fait bague à son doigt, en harmonie avec le vent, l’adolescent vit retentir les instruments de son délice, qu’entre chaque note de musique irréelle retentissent les cris   lointains des condamnés, le craquement du bois qui ploie entre les mâchoires immenses et acérées du messager du jugement dernier ! Ah quelle douce mélodie qui l’enivra alors dans son corps jusqu’à effleurer son âme. Il était maitre tout puissant, dieu de vie ou de mort et de cet éclat naîtra le respect et la crainte qui lui permettront d’instaurer peu à peu ses desseins. Il serait roi, il serait démon et dément ou cette île ne serait rien !


Et dernière lui, alors qu’à l’horizon une créature monstrueuse et indiscernable, telle une ombre refusant de révéler son véritable visage, on demeura immobile, stupéfait et effaré à la fois. Que venait-on de voir ? Pourquoi cet enfant semblait-il avoir un rapport avec ce spectacle inespéré et effroyable ? N’était-ce pas que le fruit du hasard ? Un monstre marin qui venait de passer par là et qui par conséquent leur avait dans une chance inouïe sauver la vie ? Et s’il avait toujours vécu à leur insu ? Il semblait tellement plus grand que tous les autres monstres dont ils avaient eu vent de l’existence jusqu’à lors. Seraient-ils donc eux-même irrémédiablement prisonniers ? Les ébauches de navires qu’ils avaient entrepris de construire depuis quelques mois, les nouvelles générations rêvant à retourner dans ce monde dont les parents avaient été bannis, seraient-elles donc vaines ? Tant de questions dans les esprits de la population qu’il leur fallut plusieurs instants avant de se mouvoir à nouveau. Puis, brusquement, on se mit à courir dans tous les sens. On dit de prendre les armes, de rassembler les hommes et s’en aller pour les hauteurs de la crique. On envoya également deux hommes à l’est, les meilleurs coureurs, pour qu’ils reviennent transmettre le rapport de la situation. Plus tard, à leur retour, ils n’annoncèrent d’avoir vu qu’épaves et cadavres balloter au gré des vagues rieuses du malheur de ces idiots qui avaient cru pouvoir violer ce trésor de la nature. Tous ce qu’ils purent en toucher ce fut la roche implacable de la falaise contre laquelle les navires furent violemment projetés et qui refusa de se laisser gravir par qui que ce soit.


A l’ouest, on se défendit avec toutes les flèches et fusils qu’on avait à disposition. On tenta du décrocher des morceaux de roches pour que celle-ci à défaut d’atteindre sa cible, agita suffisamment l’eau pour renverser les barques détachés des navires principaux. Que ceux-ci repoussent chemin, et ils furent accueilli comme il se doit dans la gueule du monstre. Quelques malheureux parvinrent à se frayer un chemin jusqu’au somment de la falaise où ils se firent cueillir. On voulut les abattre, mais Sakura s’y opposa. Il avait d’autres projets pour eux. Il voulut qu’on les garde simplement prisonniers pour le moment et qu’on en fasse de même pour les quelques survivants qui atteindront probablement la plage nord. On obéit, ne sachant que trop penser. On doutait encore. Ce garçon était de retour et semblait ne pas vouloir repartir à son exil. Devait-on l’accepter ou le rejeter ? Quel en serait le prix ? Alors on commença par attendre le lendemain, ce jour nouveau à le soleil pointa à l’horizon suite à une tentative de destruction si lamentable qu’elle n’engendra que pure perte du côté des assaillants.


Aux premières lueurs de l’aube, Sakura demanda qu’on lui fournisse deux barques, celles qui servaient aux pêcheurs qui ne s’éloignaient jamais dans les eaux profondes environnantes. Dans la première, il monta, accompagné de son frère. Ils ramèrent, un bon moment, jusqu’aux eaux profondes où le monstre avait attaqué les navires étrangers la veille. Ils attendirent. Il ne se passa rien. On envoya alors la seconde barque où l’on avait forcé les prisonniers à monter. Ceux-là n’avaient plus guère d’autre choix que d’obéir. De toute façon, s’ils restaient là, ils se feraient inexorablement exécutés. Ils ramèrent à leur tour, la peur au ventre, le coeur battant à tout rompre, les membres flageolants. L’attente du châtiment ultime se faisaient insoutenable. Depuis la plage, on observait avec attention et perplexité. Puis, brusquement, comme appâter par les flots la barque des prisonniers disparue. Il n’en remonta qu’une rame à laquelle une main détachée de son bras était restée agrippée. Le monstre n’avait eu qu’à se glisse sous eux et à ouvrir son immense gueule pour les aspirer à lui. Les deux frères patientèrent encore un peu, quand surgit enfin la tête du monstre hors de l’eau depuis les fonds marins. Sans doute s’attendit-on sur la plage à ce que les deux garçons se fassent à leur tour dévorer. Le cadet dut également être traversé par cette pensée ne serait-ce que quelques secondes. Mais il n’en fut rien. L’albinos et le monstre semblèrent communiquer simplement par le regard, et la créature s’en retourna là d’où elle venait.  L’avènement de Sakura était en marche !
*******




Malgré ce tour spectaculaire qui démontra aux habitants à quel point ils étaient dorénavant entre les doigts d’un adolescent pour le moins inquiétant, on se plia aux volontés et aux ordres de Sakura que partiellement, et celui-ci doté d’une grande finesse d’esprit eut l’intelligence de ne pas s’imposer comme un tyran. Par le biais de son cadet qui parlait toujours à sa place, les frères requirent une année auprès de la population pour que l’aîné fasse ses preuves en tant que leader. Quelle belle année ! Après deux ans de mauvaises récoltes et de climat capricieux, la terre se révéla à nouveau généreuse et le temps clément ! Une aubaine pour permettre au jeune chef de faire en sorte que les esprits associent  ce mauvais sort qui s’en était allé avec son retour parmi eux. Par ailleurs avec son arrivée au « pouvoir » qui ne se concrétisera qu’au bout de deux ans réellement, les évolutions dans les conditions de vie et innovations redoublèrent. Le village se fit peu à peu ville. On fit les louanges de ce monarque qui avait apporté la grâce de la nature avec lui. Ce peuple autrefois constamment soumis à cette peur omniprésente dans leur vie se sentit apaiser, protéger sous son joug qu’il répandit toujours un peu plus. On le fit sacré roi. Il renonça à son nom de naissance pour revendiquer celui d’Edward, en référence à ce supposé père, du moins de son frère qui s’était fait lyncher puis crucifié pour son agonie. De roi, il devint Dieu, ou plutôt démon comme il le proclamait lui-même. Et on le suivit ! Car n’était-on pas des exclus rejeter par cette société qui les avait bannis en ce lieu qu’on disait appartenir au diable ? Oui, ils étaient le peuple élu des enfers et se riraient de toutes ces divinités qui avaient permis que leurs noms et honneurs soient ainsi bafoués par le passé. Dans la démence si glaciale de son souverain, ce fut tout un peuple qui s’engouffra au fil des ans.


Edward fit bâtir des maisons, des écoles, des semblants d’hôpitaux et des bateaux. Il lança également la construction d’un palais et d’un temple, là où se trouvait autrefois la modeste maison de sa défunte génitrice. Il voulait que son royaume prospère toujours plus. Il voulait tout créer, magnifier. Mais, on manquait de matériaux. Alors, sur les navires qu’il avait fait ériger à cet escient, il envoya des hommes préalablement formés notamment pour se battre, voguer sur les mers du monde extérieur. Sous le commandement de son frère auquel il avait révéler le secret des pierres et des leurs effets sur certaines des créatures les plus monstrueuses, et offert une afin de lui permettre de quitter l’île sans risque, ces équipages pillèrent les bateaux qui eurent le malheur de croiser leur chemin. Ils s’en prenaient principalement à des marchands auxquels ils dérobaient des biens parmi les plus luxueux. Au fil du temps, ce ne fut plus seulement un navire mais presque toute une armada de ses combattants surentraînés et surtout indifférent à la mort qui sillonnèrent les océans. Fourbe, ils capturèrent d’imminents nobles, voire monarques voyageant sur les flots afin d’entreprendre des négociations de commerces forcés avec certains royaumes. Cette « tradition » se perpétua pendant près d’un siècle, donc même au-delà du règne de Edward Igaarachi et du commandement de son cadet qui transmit les flambeaux à son propre fils.


Néanmoins, n’enterrons pas de suite le premier des souverains car il s’en passa encore des bouleversement s sous son règne. Outre cette formation aux combats des pillards dont les plus âgés puis leurs descendants devinrent ensuite ceux qu’on appela les moines du Temple du Démon et seuls véritables soldats de l’île, le roi révéla quelques secrets de cette terre à son peuple, notamment les différentes mines de minerais ou même de pierres précieuses qui se trouvaient sur l’île. On entreprit alors d’exploiter le flanc de la montagne volcaniques regorgeant de richesses, et les carrières dissimulées au coeur de la forêt. Cependant, la faune n’en demeurait pas moins hostile. Il fallut protéger les travailleurs. La fonction de soldat des pillards-moines redoubla de nécessité. Les escortes devinrent peu à peu leur fonction principale, et notamment les escortes funèbres.


Car sans doute s’il y ait une réussite dont le Roi Edward Igaarachi devait se délecter en silence, fut-ce ses idéaux et ses croyances qu’il parvint à insuffler à son peuple. Ah ! Ils allaient payer pour les fautes passées ! Comble de l’ironie, ils s’en satisferaient les idiots ! Certes, les premières générations furent certainement les plus septiques mais à partir du moment où ils acceptèrent de se plier à de telles pratiques, la machine était en marche, aux générations à venir d’en consolider les rouages. Cette satisfaction lui venait principalement des rituels mortuaires qu’il avait réussi à immiscer dans les moeurs. Afin d’éloigner les bêtes de la ville en constante expansion, le cimetière fut établit sur la plage sud. Là, en retour à la nature, et en offrande aux animaux, comme sa mère le faisait avant lui, on crucifia les morts. Les femmes et les enfants se dressaient en haut des mâts afin que les différents charognards ou grands animaux se repaissent de leur chair et de leurs entrailles. Le principe était semblable pour les hommes qui eux devaient avoir les mains également perforés d’un pieux les rattachant au bois, dans une position à genoux pour que les animaux terrestres de petites et moyennes tailles puissent s’adonner avec plaisir à ce buffet. Cette idée lui était venu de ce triste spectacle dont le roi fut témoin dans son enfance. Mais, il ne s’arrêta pas là. Les moines, les plus fervents soldats du démon qui en vinrent à considérer ce traitement comme un privilège, sentant la mort venir devaient être immolé par le feu avant leur dernier soupir avant que leurs hurlements portent leurs âmes jusqu’au ciel où le démon s’en emplissait les narines au coeur de leur linceul de fumée. Ensuite, les os devaient être récupérés pour être jeter à la mer, il en allait de même pour les squelettes crucifiés où il ne restait plus le moindre lambeaux de chair. Une offrande à la nature, une offrande au ciel et une offrande à la mer, qu’en était-il de la terre nourricière ? Les enterrements furent interdits, qualifiés de blasphèmes. Seule la royauté était digne de s’offre à la terre sans la souillée. Le jour venu, alors qu’il n’était pas vieux et d’apparence encore bien portant, quand son palais et son temple furent achevé, que son hériter lui parut prêt à lui succéder, Edward se fit enterrer vive sous une stèle de marbre au coeur du temple de ce nouveau culte qu’il avait instauré. Bien des rumeurs coururent au fil des siècles au sujet de son repos éternel…



Pour que le roi eut un fils, il fallut qu’il eut une femme. Ce fut au retour de l’un de ces longs voyages sur les mers que Ritsuki eut la désagréable surprise d’apprendre l’union de son aîné avec la belle et énigmatique Demetria. Au fond sans doute était-il épris d’elle, lui aussi. Cependant, dans le doute de leur consanguinité, jamais on ne lui aurait permis d’épouser cette femme. Si la consanguinité entre frère et soeur était absolument inenvisageable, il n’était pas de même pour les cousins et cousines. Par conséquent, le second roi Jotaro Igaraachi fut mariée à Seiren Igaraachi, fille de Ritsuki et de sa femme dont on ne trouva jamais nul témoignage sur son identité, son apparence, voire son existence même.


Le second roi différa quelque peu de son père. Jotaro fut d’une nature plus douce, presque bienfaisante. Il se consacra principalement à ce que son royaume progressa et prospéra encore et toujours plus. Sans doute fut-ce sous son règne que Shimakuma commença véritablement à se couvrir de ses plus beaux apparats. Le jeune roi n’osait cependant pas défaire ce que son père avait instauré, notamment au niveau des rituels devenus sacrés. D’un part, par respect pour son géniteur, d’autre part, pour ne pas froisser son peuple qui en proie à une transe de dévotion semblait s’être épris de cette cruauté qui s’infiltrera tant et si bien dans les pores de sa peau qu’elle en deviendra naturelle et anodine. Par ailleurs, si le roi était plus modéré, la reine, elle, s’accorda justement à faire perdurer les coutumes les plus cruelles et sanglantes qui caractérisaient le royaume du démon. Seiren prit entre ses doigts les rênes du culte et du temple, sacralisant même le mythe du premier roi.


Les uses et coutumes s’inscrivirent irrémédiablement dans les moeurs et le quotidien. Si bien que, si les premiers souverains furent tous relativement d’une nature cruelle et sadique - avec le consenti du peuple -, au fil des générations, quelques uns en vinrent à s’adoucir, cependant, il ne pouvait défaire ce qui avait été inculqué depuis des siècles à la population au risque que celle-ci se révolte. Avec le temps, la science des écritures sacrées qui ornait le temple se perdit. Seuls de rares exceptions étaient encore en mesure de les déchiffrer. Là, encore, il fallait savoir lire entre les lignes pour comprendre le véritable dessein du tout premier roi : construire pour pouvoir mieux détruire. Le souverain, le démon qui méprisait son propre peuple avait promis sa perte. Sur ces murs, il l’avait écrit. Car si le début du message prophétique persistait encore dans la mémoire de tous, à tel point que le roi lui-même ne pouvait en dévier et qui sait ô combien il aurait souhaité pouvoir le faire ! le mystère veut que la suite se soit en partie effacée du marbre et des mémoires. Pourtant, n’est-ce pas le plus important ? La dernière promesse d’un roi pour son royaume :

« Et au treizième chant du treizième avènement par le feu… »
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« Qu’est-ce que tu lis petit frère ?! »

Le jeune garçon sursauta lorsque sa soeur arriva dans son dos par surprise pour jeter un regard par-dessus son épaule. Par réflexe, il ferma précipitamment le vieux livret qu’il tenait entre ses mains. Trop tard pour avoir empêcher les yeux malicieux de sa jumelle de saisir quelques écritures :

« Oh ! Ce sont des symboles du langage sacré ? Tu sais les lire ? Je peux voir ? Allez ! Dis-moi de quoi ça parle ! »

La jeune fille d’une bonne dizaine d’années, bientôt onze, sautillait pour attraper ce fameux ouvrage que son frère brandissait alors au-dessus de sa tête après s’être relevé de sa position assise à même le sol. Les deux enfants étaient jumeaux, et bien que fille et garçon, ils présentaient certaines caractéristiques physiques relativement similaires. Néanmoins, le garçon était plus grand que sa soeur qui aurait beau sauter avec acharnement, ne parviendrait pas à atteindre le livre.

« Pourquoi tu ne veux pas me le dire ? » cessa-t-elle de s’agiter pour croiser les bras devant elle et  feindre une moue boudeuse.

Le visage de son frère n’était pas aussi expressif et démonstratif que le sien. Il semblait doté d’une beauté figée dans le marbre mais dont l’intensité de son regard laissait transparaître l’infinie tendresse qu’il avait pour sa petite soeur.

« Oh ! comprit-elle alors, sa figure s’illuminant à nouveau d’une malice enfantine. C’est un livre interdit ?! Tu l’as volé au Maître ??? »

Tandis que la petite fille trépignait d’avantage, jubilant à cette perspective, un subtil sourire se peint de la pointe du plus fin des pinceaux sur les lèvres de son frère devant lesquels il vint déposer son index en signe de discrétion :

« Ce sera notre secret, n’est-ce pas ? »

La fillette qui vouait un amour et une admiration inégalable à son jumeau ne put qu’en demeurer muette de fascination, ses yeux pétillants des étoiles étincelantes de l’insouciance de l’enfance.

« Ne restons pas là, dit le garçon de sa voix si calme, si sereine pour son âge. On pourrait nous surprendre et nous allons finir par être en retard à la cérémonie du Nouvel An. »

Sa jumelle retrouva aussitôt la parole et s’exaltait déjà à la perspective de cette soirée dont l’île toute entière était si impatiente. Les deux enfants quittèrent donc la sombre pièce dans laquelle ils s’étaient cachés pour rejoindre les vastes et lumineuses pièces du palais où les domestiques se chargeraient de leurs parures de cérémonie. Plus de huit cents ans ont passé depuis l’arrivée des premiers habitants sur l’île, probablement même neuf cents. Ces deux enfants ne sont nuls autres que les lointains descendants du tout premier roi : Andréa et Jared Igaarachi, le futur et treizième roi de la dynastie.
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Depuis, la fenêtre de son anti-chambre, ses longs doigts fins et si raffinés écartant légèrement les légers rideaux soyeux, la reine observa le cortège qui s’éloignait au loin, gravissant les collines, s’enfonçant vers la forêt. La retraite aux flambeaux constituées d’au moins un membre de chaque famille vivant sur Shimakuma entamait sa marche au crépuscule jusqu’à la plage sud. La reine dont la blonde chevelure décoiffée retombait sur ses épaules délicates, apparition angélique qui fut l’objet de quelques polémiques par le passé. Descendante de la famille Igaarachi, on se demanda si elle n’était pas la honte de sa lignée de ressembler ainsi à une fleur si précieuse et si pure. Peut-être était-ce là toute l’ironie de sa destinée ? L’amour de son peuple lui fut rendu pleinement lorsqu’elle donna naissance au jeune prince, le fameux treizième roi.


Une perle de mélancolie se refléta dans son regard au bleu de la profondeur des océans. Instinctivement à la vue de ce cortège annuel, elle déposa une main sur son ventre. Là où elle avait porté en elle ses trois enfants. Une si sombre pensée s’épanouit dans son esprit. Ses yeux se levèrent au ciel où brillaient déjà tant d’étoiles alors que le soleil n’avait pas encore tiré sa pleine révérence à l’horizon. La nuit s’annonçait douce et pourtant dans son coeur, elle était si froide. Ô comme la gracieuse Reine avait en horreur ce rituel de célébration de la nouvelle année ! La cruauté de ses ancêtres dont le même sang coulait dans ses veines et celles de ses enfants éveillait en elle sur profonde colère. Mais une colère qu’en tant que souveraine, elle avait appris à taire.


Une pensée pour sa défunte soeur cadette qui quelques années auparavant se jeta de la falaise pour se donner la mort. Son mari mortellement blessé par un animal sauvage avait rendu l’âme la semaine passée. Au comble du désespoir, réalisant l’affreux visage de la mort et les affres insoutenables du deuil, la soeur de la reine avait voulu se dresser contre les lois divines pour épargner à son fils le sombre destin qui lui était promis. Personne ne put rien y faire. Elle se tua après avoir cru sauvé son fils en le condamnant à la morsure d’un serpent, mais le reptile n’atteignit jamais sa cible, et le neveu du couple royal devint orphelin. Sous la coupe des souverains, il deviendra comme il se doit un moine combattant, qui un jour sera brûlé vivant pour satisfaire l’avide cruauté du Démon.


Personne ne peut se soustraire aux lois divines, pas même le roi et la reine. Pourtant, ô combien cette dernière souhaiterait pouvoir s’y extraire ! Il n’en sera rien. Contrevenir à ses règles offenseraient le peuple, qui empoisonnés par ses propres croyances se soulèveraient assurément contre ses souverains. Alors la Reine pleure en silence le sacrifice que tout le monde attend. Elle regarde la lune et la maudit ; astre dont la pâle beauté rappelle celle de son plus sournois ancêtre, le tout premier des rois de l’île.
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Le cortège de plusieurs centaines de personnes étaient composés d’individus de toute extraction sociale, de tout âge et de tout sexe. La joie se lisait sur leurs visages en liesse. Les enfants riaient et courraient, mais bientôt ils seront fatigués car la route était longue et l’heure tardive. Rares étaient ces jeunes enfants qui participaient à cette retraite aux flambeaux, notamment, car au-delà de l’insouciance par laquelle tout individu semblait bercé, la route n’était pas sans danger. La mine sombre et le regard attentif, les valeureux moines combattant escortaient le cortège et s’assuraient de la sécurité de tous. Par chance, le bruit et les flammes de leurs torches effrayaient la plupart des animaux sauvages. A l’exception des funérailles auxquelles certains proches des défunts tenaient absolument à assister, on ne se rendait jamais guère sur la plage sud, à moins d’être moine, en une autre occasion que la Fête de la nouvelle année.


Les plus renommés parmi les moines escortaient un groupe tout particulier : celui composé des membres de la famille royale. Comme chaque année, le roi se devait d’assister à la cérémonie. Il était accompagné de ses enfants, la princesse Cassy, le prince héritier Jared, la cadette Andréa et enfin, son neveu Cameron, l’orphelin. Pour le moment, les enfants marchaient en silence, même si les bavardages étaient au bord des lèvres de certains, principalement les deux derniers qui brûlaient certainement d’envie de se chercher querelle comme ils le faisaient si souvent. Cependant, la princesse Andréa était tempérée par la présence de son jumeau si digne et silencieux. Quant au garçon, il ne souhaitait jamais déplaire à sa cousine, princesse aînée et portrait de la reine.


La nuit avait répandu sous sombre manteau parsemé d’éclat étincelant sur l’immensité du ciel lorsque l’ensemble du cortège atteignit enfin la plage. Là, de nombreux piliers étaient plantés, jusqu’aux pointes des falaises environnantes. On avait pris soin de détacher tous les squelettes des défunts au cours de l’année qui s’achevait. Cependant, l’odeur de la mort persistait dans l’atmosphère. Ce soir, pour célébrer la nouvelle année, on adresserait quelques sacrifices au démon afin que cette année soit toujours aussi favorable que les précédentes. Les condamnés furent montés sur des mâts qui ressemblaient forts à des croix. Criminels à accuser sans jugement mais avec la certitude de tout un peuple, afin de les purifier, après avoir été crucifiés, ils seraient immolés par le feu. Louée soit la grande clémence du roi qui leur accorde un tel privilège ! Ainsi pensait la population aveuglée par la folie de sa foi. On commença par les attachés au bois à l’aide de pieux plantés dans la chair de leurs mains et de leurs pieds. Ils serrèrent les dents, se mordirent les lèvres parfois même jusqu’au sang, des larmes de douleurs perlant au coin des  yeux, voire coulant sur leurs joues, ils n’émirent cependant pas le moindre cri. On regardait, à l’affut, prêt à lyncher le premier qui aurait la faiblesse d’émettre le moindre gémissement. La foule toute entière de spectateurs brûlait de désir d’allumer elle-même le bûcher dont les flammes viendraient bientôt dévorer la chair de ces coupables de crimes et délits de toutes natures. Ah ! Elle n’attendait que cela, l’infâme, de voir ces brasiers s’enflammer et la fumée monter jusqu’au ciel. Des plus anciens ou plus jeunes, la même impatience pointait dans leur coeur. Enfin, le feu fut allumé, et les cris de douleurs purent retentir tandis que les éclats de voix festifs de la foule leur firent échos. Quelques condamnés ne virent cependant pas de bûcher sous leurs pieds. Encore plus coupable que tous les autres, ils auraient dû être châtiés l’an passé, peut-être plusieurs années auparavant même. Ils étaient coupables d’un crime pour lequel un innocent avait été immolé avant eux. Ils n’auraient donc plus ce privilège et attendraient donc ainsi crucifiés que les animaux viennent se repaître de leur chair, promis à une lente agonie…


Les ombres flamboyantes se reflétaient sur le visage enfantin de la plus jeune des princesses dont les yeux d’un bleu cyan brillaient d’admiration et du jubilation. Pour l’enfant, il s’agissait là de l’un des plus beaux spectacles qu’il soit. Il n’y avait là rien d’abominable ou de cruel. Son innocence était leurrée par ces croyances qui se riaient en vérité de ses propres fidèles. Pourtant, autour d’elle, les visages ne faisaient pas preuve d’autant d’enthousiasme. Le regard du roi était droit et franc. Aucune émotion ne transparaissait sur les traits de son visage, ni dégoût, ni sourire. La princesse aînée tâchait de se cacher discrètement derrière l’épaule de son cousin. Un rictus moqueur sur les lèvres de celui-ci, il ne put se retenir à la vue de l’expression si naïve de la cadette :

« Le spectacle à l’air de te plaire, ça tombe rudement bien que tu aimes tant les flammes ! » ironisa-t-il.

Mécontente, Cassy donna un léger coup de coude dans les côtes de Cameron. Andréa, elle ,lui jeta un regard défiant. Elle n’avait pas compris pourquoi son cousin disait une telle chose mais elle était prête à répliquer lorsque ce fut Jared qui prit la parole le premier :

« Et, tu as tout intérêt à les aimer autant, Cameron. »

La voix du prince héritier se faisant toujours aussi glaciale que d’accoutumé. Il n’y avait aucune pointe de moquerie ou de méchanceté dans ses paroles. Pas plus que son visage n’exprimait la moindre émotion. Il avait raison et l’intéressé le savait parfaitement. La princesse aînée dût se retenir de laisser s’échapper un sanglot. Son frère posa sur elle un regard. Cassy possédait un coeur bien trop tendre et généreux pour vivre en cette terre. Sa vie ne s’annonçait que souffrance et chagrin. Cameron lui était le fils de la soeur de la Reine, par conséquent, il n’avait d’autre destin que celui de devenir moine. Quant à Andréa… Les yeux de Jared se posèrent un instant avant de s’en détourner sur cette silhouette ignorante pour laquelle il avait tant d’amour. La tête redressée, un masque de marbre fixant ses traits, il affronta la danse des flammes de son regard inflexible. Dans l’ombre, son poing serré faisait frémir son bras d’une colère sourde. Le futur roi ne parvenait plus à évincer de son esprit les derniers mots qu’il avait eu le temps de déchiffrer à la lecture de cet ouvrage mystérieux qu’il avait déniché. Cette phrase prophétique dont la mémoire commune ne s’était rappelé que du premier vers tandis que le temps avait effacé la chute. Leur propre chute :

"Et au treizième chant, du treizième avènement, par le feu, l’élu offrira sa moitié au démon.
Le coeur rongé par la douleur, il soufflera sur la flamme et brûlera son jardin tout entier."
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