"Mission de reconnaissance et d'espionnage sur Clockwork Island" menée par le lieutenant Craig Kamina
JOUR 1
Je dois évaluer leurs moyens, leur nombre, leur moral, l'état de leurs troupes. Je dois dresser un bilan complet de l'organisation du peuple sous-marin qui occupe les profondeurs de l'île de l'horloge.
En vue d'une implantation de la marine sur l'île, pour secourir les survivants humains qui s'accrochent à leurs monceaux de terre là-haut, qui mènent une lutte quotidienne pour protéger les leurs et leurs maigres ressources des menaces à branchies hérissées de crocs que sont mes congénères.
On m'a demandé de tenir un journal de bord au jour le jour à propos de ma situation et de mes découvertes là-dessous. En voici le premier chapitre. Ne vous attendez pas à lire une popote objective écrite avec amour par un esprit critique et serein : à peine arrivé que je me sens déjà proie au stress et à la paranoïa, et tant que vous ne m'aurez pas extirpé de ce guêpier, ça n'ira pas en s'arrangeant, si vous voyez ce que je veux dire.
Vous êtes prévenus.
Je suis arrivé sans encombre parmi Eux, camouflé sous l'identité d'un esclave évadé en quête d'un refuge chaleureux. Ils me connaissent sous le nom de "Plaga". J'ai bricolé à ce personnage une histoire larmoyante, à base de drames personnels et de sévices collectifs. Je suis Plaga, un jeune homme-poisson auquel on a volé la dignité, qui chantait, dansait et sautait dans des cerceaux pour récolter les applaudissements de son généreux maître et de sa démoniaque petite famille, qu'on pouvait caillasser des pires qualificatifs puisque son existence s'arrêtait là où les désirs de celui qui tenait sa laisse commençaient.
Voilà, grosso modo, quel genre de costume je me suis cousu pour m'immiscer dans leur communauté sans risquer d'éveiller le moindre soupçon. J'ai toujours été doué pour inventer des histoires tristes, mais je n'aurais jamais pensé que j'adopterai un jour l'une d'elle comme couverture.
Usurper la peine d'un misérable pour acheter leur pitié et leur sympathie me file la gerbe, mais je me doute que mes états d'âme n'intéresseront pas le brave et veule bureaucrate qui s'enverra mon rapport. Alors je ne m'étendrai pas beaucoup plus dessus.
Seulement quelques plaintes à formuler. Pas des masses, pas de quoi remplir une introduction, rassurez-vous. Je ne suis pas quelqu'un de si ronchon que ça.
D'abord, ce coquard. Vous me direz que le commandant a simplement voulu parfaire mon déguisement d'affranchi et donner plus de crédibilité à mes bobards, mais moi, je vous répondrai qu'il est surtout un sacré raciste doublé d'un remarquable opportuniste qu'attendait le moindre prétexte pour cogner l'homme-poisson de service.
De plus,ce fils de le commandant m'a, comme convenu, imprimé un faux tatouage simulant mon appartenance au zoo du dragon céleste Saint Glinglin. Etait-il vraiment nécessaire de me l'apposer sur la fesse droite ?
Montrer ma marque à mes hôtes, outre le sentiment de honte évident que provoque un baissement de pantalon et une exposition du fessier, m'aura également infligé une réputation de gros dégueulasse car [...]
[...] Voilà qui conclut mes cinq pages de doléances. J'espère qu'elles seront lues et comprises, et j'espère surtout qu'elles seront prises en compte dans le cahier des charges de l'expédition.
Concernant le déroulement de la mission en elle-même.
Je suis arrivé aujourd'hui. Les autochtones m'ont aussitôt adopté, et mon faux passé les a beaucoup émus.
C'est un homme-baleine du nom d'Owen qui m'a parrainé dans ma demande d'intégration à la communauté, mais à vrai dire, il me semble que c'était gagné d'avance. La population ici est très réceptive aux sanglots des leurs, et le climat de la cité sous-marine me semble être d'une fraternité chaleureuse bien plus puissante qu'une "simple" complicité de race.
Tous sont unis dans leurs tourments mais une fois immergés dans la cité, tous consentent à laisser leurs passés douloureux derrière eux pour s'atteler à la transformation des ruines immergées en un espèce de sanctuaire, offrant un asile bienveillant aux exclus ou aux affranchis à travers le monde entier.
M'acquitter de mes instructions et poignarder ce joli monde droit dans l'aileron jusqu'à en transpercer le coeur, je ne vous mentirai pas, je trouverai ça infâme.
Et j'espère que, le jour J, vous aurez prévu une solution d'exfiltration qui m'évitera d'avoir à affronter leurs regards.
Pour l'instant, je loge chez Owen. J'espère arriver à m'esquiver quelques minutes chaque jour pour remonter à la surface, prendre l'air et écrire de nouvelles pages de rapport, mais je ne garantis rien. Mentir, chez moi, ça relève déjà de l'exploit. Alors mentir tandis que ma vie -et le succès- en dépendent...
Demain, je dois rencontrer Krak. J'ai le trac.
JOUR 1
Je dois évaluer leurs moyens, leur nombre, leur moral, l'état de leurs troupes. Je dois dresser un bilan complet de l'organisation du peuple sous-marin qui occupe les profondeurs de l'île de l'horloge.
En vue d'une implantation de la marine sur l'île, pour secourir les survivants humains qui s'accrochent à leurs monceaux de terre là-haut, qui mènent une lutte quotidienne pour protéger les leurs et leurs maigres ressources des menaces à branchies hérissées de crocs que sont mes congénères.
On m'a demandé de tenir un journal de bord au jour le jour à propos de ma situation et de mes découvertes là-dessous. En voici le premier chapitre. Ne vous attendez pas à lire une popote objective écrite avec amour par un esprit critique et serein : à peine arrivé que je me sens déjà proie au stress et à la paranoïa, et tant que vous ne m'aurez pas extirpé de ce guêpier, ça n'ira pas en s'arrangeant, si vous voyez ce que je veux dire.
Vous êtes prévenus.
Je suis arrivé sans encombre parmi Eux, camouflé sous l'identité d'un esclave évadé en quête d'un refuge chaleureux. Ils me connaissent sous le nom de "Plaga". J'ai bricolé à ce personnage une histoire larmoyante, à base de drames personnels et de sévices collectifs. Je suis Plaga, un jeune homme-poisson auquel on a volé la dignité, qui chantait, dansait et sautait dans des cerceaux pour récolter les applaudissements de son généreux maître et de sa démoniaque petite famille, qu'on pouvait caillasser des pires qualificatifs puisque son existence s'arrêtait là où les désirs de celui qui tenait sa laisse commençaient.
Voilà, grosso modo, quel genre de costume je me suis cousu pour m'immiscer dans leur communauté sans risquer d'éveiller le moindre soupçon. J'ai toujours été doué pour inventer des histoires tristes, mais je n'aurais jamais pensé que j'adopterai un jour l'une d'elle comme couverture.
Usurper la peine d'un misérable pour acheter leur pitié et leur sympathie me file la gerbe, mais je me doute que mes états d'âme n'intéresseront pas le brave et veule bureaucrate qui s'enverra mon rapport. Alors je ne m'étendrai pas beaucoup plus dessus.
Seulement quelques plaintes à formuler. Pas des masses, pas de quoi remplir une introduction, rassurez-vous. Je ne suis pas quelqu'un de si ronchon que ça.
D'abord, ce coquard. Vous me direz que le commandant a simplement voulu parfaire mon déguisement d'affranchi et donner plus de crédibilité à mes bobards, mais moi, je vous répondrai qu'il est surtout un sacré raciste doublé d'un remarquable opportuniste qu'attendait le moindre prétexte pour cogner l'homme-poisson de service.
De plus,
Montrer ma marque à mes hôtes, outre le sentiment de honte évident que provoque un baissement de pantalon et une exposition du fessier, m'aura également infligé une réputation de gros dégueulasse car [...]
[...] Voilà qui conclut mes cinq pages de doléances. J'espère qu'elles seront lues et comprises, et j'espère surtout qu'elles seront prises en compte dans le cahier des charges de l'expédition.
Concernant le déroulement de la mission en elle-même.
Je suis arrivé aujourd'hui. Les autochtones m'ont aussitôt adopté, et mon faux passé les a beaucoup émus.
C'est un homme-baleine du nom d'Owen qui m'a parrainé dans ma demande d'intégration à la communauté, mais à vrai dire, il me semble que c'était gagné d'avance. La population ici est très réceptive aux sanglots des leurs, et le climat de la cité sous-marine me semble être d'une fraternité chaleureuse bien plus puissante qu'une "simple" complicité de race.
Tous sont unis dans leurs tourments mais une fois immergés dans la cité, tous consentent à laisser leurs passés douloureux derrière eux pour s'atteler à la transformation des ruines immergées en un espèce de sanctuaire, offrant un asile bienveillant aux exclus ou aux affranchis à travers le monde entier.
M'acquitter de mes instructions et poignarder ce joli monde droit dans l'aileron jusqu'à en transpercer le coeur, je ne vous mentirai pas, je trouverai ça infâme.
Et j'espère que, le jour J, vous aurez prévu une solution d'exfiltration qui m'évitera d'avoir à affronter leurs regards.
Pour l'instant, je loge chez Owen. J'espère arriver à m'esquiver quelques minutes chaque jour pour remonter à la surface, prendre l'air et écrire de nouvelles pages de rapport, mais je ne garantis rien. Mentir, chez moi, ça relève déjà de l'exploit. Alors mentir tandis que ma vie -et le succès- en dépendent...
Demain, je dois rencontrer Krak. J'ai le trac.
Dernière édition par Craig Kamina le Jeu 18 Déc 2014 - 22:01, édité 1 fois