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Les mailles du filet

"Mission de reconnaissance et d'espionnage sur Clockwork Island" menée par le lieutenant Craig Kamina

JOUR 1

Je dois évaluer leurs moyens, leur nombre, leur moral, l'état de leurs troupes. Je dois dresser un bilan complet de l'organisation du peuple sous-marin qui occupe les profondeurs de l'île de l'horloge.

En vue d'une implantation de la marine sur l'île, pour secourir les survivants humains qui s'accrochent à leurs monceaux de terre là-haut, qui mènent une lutte quotidienne pour protéger les leurs et leurs maigres ressources des menaces à branchies hérissées de crocs que sont mes congénères.

On m'a demandé de tenir un journal de bord au jour le jour à propos de ma situation et de mes découvertes là-dessous. En voici le premier chapitre. Ne vous attendez pas à lire une popote objective écrite avec amour par un esprit critique et serein : à peine arrivé que je me sens déjà proie au stress et à la paranoïa, et tant que vous ne m'aurez pas extirpé de ce guêpier, ça n'ira pas en s'arrangeant, si vous voyez ce que je veux dire.

Vous êtes prévenus.

Je suis arrivé sans encombre parmi Eux, camouflé sous l'identité d'un esclave évadé en quête d'un refuge chaleureux. Ils me connaissent sous le nom de "Plaga". J'ai bricolé à ce personnage une histoire larmoyante, à base de drames personnels et de sévices collectifs. Je suis Plaga, un jeune homme-poisson auquel on a volé la dignité, qui chantait, dansait et sautait dans des cerceaux pour récolter les applaudissements de son généreux maître et de sa démoniaque petite famille, qu'on pouvait caillasser des pires qualificatifs puisque son existence s'arrêtait là où les désirs de celui qui tenait sa laisse commençaient.

Voilà, grosso modo, quel genre de costume je me suis cousu pour m'immiscer dans leur communauté sans risquer d'éveiller le moindre soupçon. J'ai toujours été doué pour inventer des histoires tristes, mais je n'aurais jamais pensé que j'adopterai un jour l'une d'elle comme couverture.

Usurper la peine d'un misérable pour acheter leur pitié et leur sympathie me file la gerbe, mais je me doute que mes états d'âme n'intéresseront pas le brave et veule bureaucrate qui s'enverra mon rapport. Alors je ne m'étendrai pas beaucoup plus dessus.

Seulement quelques plaintes à formuler. Pas des masses, pas de quoi remplir une introduction, rassurez-vous. Je ne suis pas quelqu'un de si ronchon que ça.

D'abord, ce coquard. Vous me direz que le commandant a simplement voulu parfaire mon déguisement d'affranchi et donner plus de crédibilité à mes bobards, mais moi, je vous répondrai qu'il est surtout un sacré raciste doublé d'un remarquable opportuniste qu'attendait le moindre prétexte pour cogner l'homme-poisson de service.

De plus, ce fils de le commandant m'a, comme convenu, imprimé un faux tatouage simulant mon appartenance au zoo du dragon céleste Saint Glinglin. Etait-il vraiment nécessaire de me l'apposer sur la fesse droite ?

Montrer ma marque à mes hôtes, outre le sentiment de honte évident que provoque un baissement de pantalon et une exposition du fessier, m'aura également infligé une réputation de gros dégueulasse car [...]

[...] Voilà qui conclut mes cinq pages de doléances. J'espère qu'elles seront lues et comprises, et j'espère surtout qu'elles seront prises en compte dans le cahier des charges de l'expédition.

Concernant le déroulement de la mission en elle-même.

Je suis arrivé aujourd'hui. Les autochtones m'ont aussitôt adopté, et mon faux passé les a beaucoup émus.

C'est un homme-baleine du nom d'Owen qui m'a parrainé dans ma demande d'intégration à la communauté, mais à vrai dire, il me semble que c'était gagné d'avance. La population ici est très réceptive aux sanglots des leurs, et le climat de la cité sous-marine me semble être d'une fraternité chaleureuse bien plus puissante qu'une "simple" complicité de race.

Tous sont unis dans leurs tourments mais une fois immergés dans la cité, tous consentent à laisser leurs passés douloureux derrière eux pour s'atteler à la transformation des ruines immergées en un espèce de sanctuaire, offrant un asile bienveillant aux exclus ou aux affranchis à travers le monde entier.

M'acquitter de mes instructions et poignarder ce joli monde droit dans l'aileron jusqu'à en transpercer le coeur, je ne vous mentirai pas, je trouverai ça infâme.

Et j'espère que, le jour J, vous aurez prévu une solution d'exfiltration qui m'évitera d'avoir à affronter leurs regards.

Pour l'instant, je loge chez Owen. J'espère arriver à m'esquiver quelques minutes chaque jour pour remonter à la surface, prendre l'air et écrire de nouvelles pages de rapport, mais je ne garantis rien. Mentir, chez moi, ça relève déjà de l'exploit. Alors mentir tandis que ma vie -et le succès- en dépendent...

Demain, je dois rencontrer Krak. J'ai le trac.


Dernière édition par Craig Kamina le Jeu 18 Déc 2014 - 22:01, édité 1 fois
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"Mission de reconnaissance et d'espionnage sur Clockwork Island" menée par le lieutenant Craig Kamina

JOUR 2


Déjà, je vais très vite avoir la flemme de réecrire cette intro chaque jour. Vous êtes prévenus.

Je ne suis pas sûr que mon premier contact avec le boss du coin se soit bien passé. Faut comprendre en gros que ça aurait pu être pire, mais aussi bien mieux. Je n'ai ni le charisme, ni le tonus pour me hisser au niveau des maîtres. Je veux dire, ça viendra peut-être avec le temps, à force de moi-même grandir et de développer mon aura, à force de gargariser mon talent (j'en ai ?). Mais aujourd'hui, je suis encore loin d'être capable d'affronter leur prestance sans me laisser submerger. Encore une digression. Il faut que je replace les choses dans leur contexte, d'expliquer sans chercher à légitimer mes bourdes. Ça va finir par ressembler à une putain d'évaluation de psy couchée à l'écrit, mais j'ai besoin de cracher ce qui me pèse sur le coeur avant que ça ne me suinte par tous les pores et que ça finisse par me trahir.

En bref, Krak m'a fait craquer.

Ça aurait pu être pire, ou mieux. Bon, j'ai merdé, pour tout dire. Merdé, c'est le mot, je me suis écrasé au fond de ma cuvette de timidité et Krak n'a qu'a eu tirer la chasse pour me faire disparaître. J'ouvrais la gueule, rien n'en sortait. Il m'a demandé de lui raconter mon histoire -bien la quatrième fois que je la répète, celle-là-, mais rien n'est sorti. Pour en revenir à mon adorable métaphore sur la merde, j'étais comme totalement constipé.

Ils ont interprété mon silence comme le sceau officiel du traumatisme. Vous savez, qu'on m'aurait fait subir des choses assez affreuses pour m'en faire tomber la langue. Quelques jours en paix suffisent à la retrouver, qu'ils m'ont dit. Et que si j'avais le moindre souci, je devais pas hésiter à en causer aux copains voire à Krak lui-même, qui se prétend capable de comprendre ce que je ressens. Enfin, ce que ressentirait un vrai esclave sorti d'un vrai enfer.

Cet échec m'a servi, finalement, vous devez penser. Et d'un côté, oui, je jouais sacrément bien la catatonie, ça les a pris aux tripes. Mais la vérité, c'était que ce qui me tétanisait à m'en rendre raide comme un cadavre, c'était bien la trouille. Intimidé, je patauge dans mes mensonges. J'ai peur de me contredire, de paraître louche, d'être cerné par un poiscaille assez malin pour déchirer mon déguisement -et c'est pas dur- et je me sens seul, démesurément seul. Du coup, j'ai rien dis, sinon mon nom, qu'ils m'ont fait répéter trois fois avant d'enfin paner ce que je bégayais.

Si j'étais grillé, vous n'arriveriez pas à temps pour me sauver. Et est-ce que vous essayeriez, déjà ?

Je tiendrai pas, vous êtes prévenus.

J'ai eu une petite crise d'angoisse il y a à peine quelques minutes. Très courte, les crocs qui claquent et la respiration qui s'emballe. Le palpitant qui se débat en moi comme s'il était vivant. Un petit pétage de plombs, en somme. C'est grâce à lui que j'ai pu m'esquiver le temps de griffonner cette deuxième partie. Je vais mieux, je pense à l'avenir.

J'espère que vous descendrez quand même récupérer mes restes lorsque cet affreux cirque connaîtra son bouquet final tant attendu. Est-ce que je finirai offert à un lynchage public ou plutôt réduit en bâtonnets par Krak en toute discrétion pour ne pas attiser la panique et la parano chez ses protégés ? Dans le cas où j'aurais omis de le préciser sur mon assurance-vie, je tiens à être incinéré et que mes cendres soient balancées à l'océan. Je ne me sentirais pas à ma place dans un cimetière.

J'essaye demain de prendre contact avec les intermédiaires à qui je dois transmettre mes rapports. Je prie pour qu'ils sachent se faire discrets, ou il ne restera effectivement que ce qui sert de dieu à mon espèce pour me sauver...
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"Mission de reconnaissance et d'espionnage sur Clockwork Island" menée par le lieutenant Craig Kamina

JOUR 4

Je me suis souvenu d'une chanson qui me plaisait, hier, que j'utilisais pour dissiper la tension et éloigner les fantômes quand j'étais gosse. Je n'ai pu me rappeler que du début. "Sur son petit bateau, il était parti tôt, oubliait ses parents, se pensait cou-ra-geux, mais il é-tait trem-blant, ce n'était qu'un enfant, si petit, déjà preux, il défiait l'o-cé-an" ♪

Et à force de creuser dans ma mémoire gelée par la trouille, j'en ai oublié de gribouiller mon rapport d'hier. V'là pourquoi il n'y a pas eu de Jour 3. Ça vous la coupe ? Moi aussi.

Je suis cuistot. Ils l'ont décidé hier. Chacun apporte sa pierre à l'édifice commun, selon ce qu'il sait et aime faire. Vous n'êtes pas sans savoir -j'espère- que je sors d'un stage de grands toubibs à Drum, mais mentionner posséder des connaissances médicales pointues alors que je suis censé être un ex-poiscaille d'aquarium tout juste bon à danser dans des cerceaux m'aurait paru déplacé.

Ma couverture est suffisamment fragile comme ça sans que je décide en plus de me débattre dedans. Donc voilà. Ils croient que je suis un bon à rien, ils l'acceptent sans broncher, plein de compassion envers mon insouciance volée. Ils pensent qu'apprendre à cuisiner me forgera de bons outils pour démarrer dans ma "vraie" vie. Puis c'est sympa, la cuisine. On découvre de nouvelles saveurs, de nouvelles couleurs, de nouvelles odeurs.

Je hais les crevettes.
Ces petits yeux noirs qui te mirent lorsque tu leur sectionnes le cou, c'est terrifiant.
Demain, je joindrai à mon rapport le poème complet, si je parviens à vous le recomposer.
Désolé, c'est bien la seule chose qui parvient héroïquement -et inexplicablement- à me détendre.

Les anecdotes qui vous intéressent :
-Ils s'entraînent au combat ici. Ça grouille de matos rouillé qu'ils ont récupéré je-ne-sais-où. Sabres, armures, même des arbalètes, de mauvaises qualités, mais en nombre. De quoi faire mal, très très bobo, assurément, aux communautés de primates d'humains glandouillant là-haut, mais aussi -et surtout- protéger leur lot de sirènes éplorées et de têtards traumatisés...
-Ils savent que la marine est ici. Idem, aucune idée du comment. Et je jurerais sur une pile de bible que j'y suis pour rien. Ils savent qu'elle est ici, mais -vous vous en doutez- pas pourquoi. S'il y a une quelconque fuite de votre côté, je suis bon pour finir pané. J'essaye de vous faire confiance. Par pitié, me décevez pas.
-Causer avec eux et entendre les ragots m'a convaincu qu'ils vous détestaient (humains) c'est pas le scoop du siècle, mais s'il vous restait quelques doutes à ce propos, n'en ayez plus aucun désormais. Les plus tarés d'entre eux apprécieraient vous croquer dans le lard.
-Du coup, la diplomatie, ben. Non, quoi...
-J'en ai marre. Ouais, ça fait même pas une semaine. Mais j'en ai déjà marre. Vous avez lu mon dossier, avant d'me noyer dans ces mers bondées de violence ? Doit bien y être noté "PARANOÏAQUE" en gras taille 20 dans un coin, non ?

Je suis le cuistot d'une troupe de guerriers fanatiques qui rêvent d'un horizon meilleur pour leurs semblables, quitte à teinter le ciel de sang.
Un paradis pour les homme-poissons, un enfer pour les humains. V'là leur projet.
Quatrième jour au purgatoire.
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"Mission de reconnaissance et d'espionnage sur Clockwork Island" Lieutenant Craig Kamina

Jour 5


Je suis resté enfermé toute la journée dans leur cuisine, à pétrir des fruits marins. A l'heure où je griffonne mon rapport, on a plus d'autres lumières ici que celles bombardées par la Lune.

Sur son petit bateau, Il était parti tôt
Oubliait ses parents, Se pensait courageux
Seul sous son ciel bleu, Les embruns l'embrassant
Mais il était tremblant, Ce n'était qu'un enfant
Si petit, déjà preux, Il défiait l'océan

Cette putain de comptine m'a trotté dans la tête... toute la journée, faisant un boucan d'enfer et brisant le flux de mes pensées. J'ai chantonné un peu tout en préparant le ragoût de cachalot de ce midi, le chef cuistot a trouvé ça mignon. Il m'a dit, "Plaga, si je me mets à chialer dans le plat, ça va ruiner tout le dosage du sel, penses-y". Alors j'ai fermé mon clapet, et n'ai jamais rien bafouillé d'autre que de quoi détourner l'attention sur mon passé.

Le chef cuistot est un poulpe débonnaire qui ferait pas de mal à une mouche, ou en tout cas, si les mouches étaient capables de nager à cette profondeur sans exploser, il ne leur ferait pas de mal. Je n'ai pas envie d'étendre un rapport sur lui. Sachez juste qu'il ne présente pas le moindre risque, même s'il manipule des ustensiles tranchants.

J'aurais une journée d'anecdotes croustillantes sur la communauté à compiler. Vous saviez que Krak a développer une allergie aux huîtres préparées par le chef ? Inutile d'espérer utiliser cette info pour l'attaquer, ça ne lui provoque qu'une crise d'urticaire foudroyante parfaitement indolore, et apparemment très drôle.

Je suppose que vous vous en foutez. Voilà ce que j'ai appris, messieurs les galonnés :
-Ils sont une cinquantaine.
-Les structure des îlots sont très fragiles. Une explosion sous-marine pourrait en couler certaines.
-Ils savent précisément où sont situées toutes les colonies de survivants. Il est probable qu'ils les espionnent de loin, et que c'est ainsi qu'ils ont su pour la marine...
-Il existe des infos "top secrètes" uniquement accessibles à Krak et à ses miliciens préférées. Le chef cuistot le sait parce qu'il a surpris une discussions compromettante entre le Krak et l'Edwig, son second.

Vu la personnalité de Krak, il ne doit planquer ces infos que pour préserver ses protégés. Je suppose que je dois quand même creuser de ce côté... et ça va être très difficile et bien risqué, de me faufiler dans l'entourage du grand manitou sans éveiller de soupçons. Ça pourrait même me tuer, pas vrai ?

J'attendrai d'être plus intégré avant de tenter le coup, et non, ce n'est pas de la peur, de la procrastination ou une anxiété démesurée, c'est juste de la putain de prudence. Je sais que le temps file, ce n'est pas une raison pour le dépenser n'importe comment.

Putain. Laissez moi gérer.
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Jour 7


Une semaine. Je commence à perdre la notion du temps. Ici, le temps a la vie dure. Je veux dire, on le tue. Beaucoup. Bien fait pour le temps. Il nous tue, non ? Alors, tuer le temps, c'est pas si choquant que ça.

Bref, je me suis ennuyé ce matin, tandis que j'ai sué toute l'après-midi. Pour me rapprocher des confidences de Krak, j'ai décidé de devenir un de leur soldat, pour le moment. Ils ont eu du mal à croire que le requin-minet qui chante des comptines aient réellement envie de souiller son âme du sang des hommes. Alors je suis, disons, en période d'essai. Je simule la maladresse aux entraînements, je fais mine d'être absolument étrangers aux arcanes guerriers des compatriotes. Escrime ? J'sais pas. Karaté aquatique ? J'sais pas. Claques dans la gueule ? J'sais pas plus.

Pas fameux, pas glorieux, honteux autant pour moi que pour ma culpabilité, mais ça renforce leur confiance en moi. Je tourne leur compassion à mon avantage. Certains me surprotègent tellement qu'ils n'hésiteraient pas à sauter à la gorge de quiconque commencerait à m'accuser de trahison ! Ça paraît dingue, mais c'est la réalité. J'ai fais mon trou dans leur communauté, un trou chaleureux qui j'espère ne se changera pas en tombe.

J'aime pas ça. C'est utile, mais j'aime pas. Exploiter la bienveillance des gens, ça m'effraie. Je me surprends. Je suis plus calculateur que je croyais. Tellement calculateur que j'arrivais à me bluffer moi-même, qui sait.

Bref. Le matin, c'est cuisine. L'après-midi, entraînement à la castagne. Le soir, cuisine. La nuit, gribouillage.
J'observe mon emploi du temps se figer peu à peu comme une partition sans la moindre dissonance. J'imaginais qu'ils vivaient au jour le jour, sans réels buts ni organisation. Mais en réalité, dès lors qu'on décidé de donner sa vie à la communauté en devenant soldat, Krak impose une certaine discipline pour coordonner tout ce joli monde avide de revanche -et de paix-. C'est pas une soldatesque débraillée, mais une vraie milice qui s'organise là-dessous.

J'ai les cernes qui me tombent jusqu'aux joues, sans déconner. Mes nuits sont courtes et riches en sensations fortes, vous imaginez pas. Je me retourne toutes les trois secondes en me rendant au point de dépôt livrer mon rapport, persuadé d'être surveillé. Persuadé d'être dévoilé. Rebelote au retour, jusqu'à ma petite cage douillette. Et tenter de dormir en débordant d'idées noires, ça me vrille la tête.

Bref. Le sommeil, bof. Trois ou quatre heures de dodo, secouées en plus par des cauchemars, ça vous blinde pas un homme-poiscaille aussi flippé que moi. Je mange bien, au moins...

RAS à part ça.
Ah ouais, y a pas eu de jour 6. Normal, j'ai loupé le coche hier.
A demain
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Jour 8


J'attends que vous dénichiez un moyen de m'exfiltrer au plus vite. Sans prendre de gants : j'ai buté Owen, sauvez moi. Tant qu'il en est encore temps.

Vous saviez, je me demandais si j'étais surveillé durant mes escapades nocturnes. Je mettais ça sur le compte de ma parano, de mes sentiments confus, de ma culpabilité et de mes scrupules complotant dans mes entrailles pour leur imposer leur tyrannie. Mais rien de tout cela, c'était mon putain de sixième sens qui me hurlait que oui, mes fesses étaient en grand danger, qu'Owen n'était pas le parent attentionné que je croyais "posséder".

Ouais Owen, la baleine qui m'avait hébergé les premiers jours, intégré, parrainé, bah,
Merde. On dirait qu'il nourrissait des soupçons envers moi depuis tout ce temps. J'en ai les os qui couinent et la gueule figée dans une genre de stupeur post-traumatique.

Le seul fait de coucher sur papier ce que j'ai du lui faire me fait prendre des risques inconsidérés. Si ce papelard était intercepté par l'un des camarades, je suis bon pour le lynchage public. Je servirai de hors d'oeuvres pour leurs rois des mers. Le plat de résistance sera ces chieurs de survivants. Ouais, si je tombe, je les emporte tous avec moi. Clairement.

Donc, leur peau dépend de mes écailles. On est d'accord, au vu des circonstances, que je rentrerai bientôt à la maison ? Quand ils se rendront compte de la disparition d'un des leurs, ils incrimineront les peaux roses, c'est certain. Mais s'ils retrouvent le corps de ce pauvre Owen, ils se poseront des questions. Une morsure de requin, ça ne se confond pas avec les marques que laissent l'outillage humain, parole de toubib, parole de jeune poiscaille dans la fleur de l'âge qui conserve une once de bon sens dans sa tornade de peur.

Quand il m'a surpris, on était à la Surface. Je venais d'enterrer mon rapport au point de dépôt. Lui était là, dans les ombres, je m'en souviens comme si je le revivais, encore et encore. Voyant que je l'ai vu, c'est comme s'il avait pris peur, et moi aussi. Il a aussitôt plongé, moi aussi. Mais je nageais plus vite, j'ai rapidement rattrapé son gros cul de baleine et bousculé par la panique, je lui ai mordu à pleines dents dans son gros bedon gras lorsqu'il s'est retourné pour tenter d'affronter son. Poursuivant. Chasseur. Traître.

Ses hurlements se sont perdus en grappes de bulles sous l'eau. Sous un îlot anonyme connu uniquement de la lune, enveloppé par des quintaux d'abysses sombres, personne ne vous entend crier. Son cadavre, je l'ai laissé là-bas, dans une alcôve secrète tapissée de mousse ingrate et d'algues belliqueuses qui émane désormais un atroce fumet de sang, comme si on y avait éventrés et comprimés des milliers de petits poissons.

Un tombeau d'un silence absolu. Et les deux yeux injectés de terreur de la baleine ouverte pour vous accueillir lorsque vous vous faufilez à travers les brumes d'hémoglobine. L'horreur. Quand je ferme les mirettes, je le revois, Owen, sa peur, son incompréhension, son visage bloqué dans l'agonie, comme s'il se refusait à rejoindre les limbes, comme s'il avait décidé de me hanter jusqu'au trépas, putain !

C'était pas un guerrier. Il s'est vidé de façon atroce, un vrai ballon de baudruche se ratatinant au milieu de fumigènes sous-marines écarlates. Ouais, je préfère m'en souvenir sous formes d'une blinde de métaphores décalées. C'est sûrement une forme de refoulement à la con, qui veut emmurer la vérité derrière de solides couches épaisses de conneries pour que je ne puisse plus ne serait-ce qu'apercevoir les orteils du monstre qui est né en moi après l'acte.

Péter un plomb. Me rendre, leur expliquer ce que j'ai fais, implorer leur clémence et me la jouer une énième fois martyr du gouvernement mondial. Si j'en arrive à cette extrémité de l'extrême, ça pourrait -presque- me sauver la vie. Ils me croiront si je leur raconte que vous me faites chanter, que si je les espionnais pas, vous tueriez ma ptite femelle, mes ptits alevins et mon ptit hippocampe domestique.

Parce que cette foi qu'ils ont en leurs congénères serait sans aucun doute assez solide pour encaisser un tel coup dur. Tout le contraire de ma frêle confiance en vous.

Je vous jure que j'en suis capable. Donnez moi une assurance que je ne suis pas un élément jetable, ou je chierai sans vergogne dans les rouages de votre plan si méticuleusement travaillé.
Traînez pas.

SAUVEZ MOI
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Jour 10


J'étais pas en état, hier, j'ai rien écris. Aujourd'hui, ça va mieux. La disparition d'Owen commence à inquiéter. Ça fait une petite vingtaine d'heures qu'ils ont remarqué qu'il manquait à l'appel, que je squattais seul sa maison. A leurs questions, je n'ai répondu que la bardée de "J'sais pas" habituelle, entre deux p'tits gémissements crispés.

Ils sont persuadés qu'il a été une victime de la marine -ce qui, techniquement, n'est pas vraiment faux- qui l'aurait exécuté parce qu'il aurait découvert quelque chose de compromettant, ou qu'ils auraient simplement enlevés pour lui tirer les anguilles du nez, à propos des secrets les plus mystiques de la communauté. S'ils savaient...

Voilà le terrible procès d'intention auquel je n'ai pas pu m'opposer. Je ne peux que vous prévenir que les représailles prévues suivront le flot de rage qui se déverse des bouches des plus furieux H24. En un jour, la mentalité générale a dégringolée : on est passé d'une amère méfiance à une haine des plus acides.

Les représailles seront disproportionnées, préparez-vous y. Faut s'imaginer que j'ai balancé un rocher dans une flaque, et que ça a provoqué un tsunami. C'est démesuré, et ça n'a aucun sens, comme la débauche de violence qui gronde autour de moi.

Moi, je me fais tout petit. Je pose plein de questions sur Owen, je joue la panique et le stress, le doute et la parano, autant de sentiments qui me sont bien familiers et qui, ironiquement, s'intègrent pile poil à l'état d'esprit du jeune Plaga.

Le jeune Plaga qui pensait avoir trouvé un paradis où raser les sordides bases de son ancienne vie pour en rebâtir de plus saines. Mais qui découvre que, non, même ici, les humains n'arrêteront jamais d'en vouloir à sa chair et à son âme, que c'est même peut-être pour lui que la marine est ici, que Saint Glinglin l'aimait trop, de cet amour pervers, de cette affection putride, il l'aimait trop pour le laisser s'échapper sans invoquer ses pouvoirs pour le repêcher et redoubler de cruauté envers lui, qu'il ferait mieux d'en finir tout de suite plutôt que risquer de compromettre le sort entier de la communauté à cause de sa sinueuse et sombre histoire personnelle...

Voilà ma couverture, qui devient de moins en moins confortable au fur et à mesure que je la renforce en béton armé pour ne laisser filtrer aucun soupçon. Le drame de mon personnage devient gras, tandis que je deviens sans-gêne. Mon sens de l'honneur a été proprement dissolu dans toute cette pagaille, seul mon instinct de survie subsiste. Le malaise atteint son putain de paroxysme.

La situation est stabilisée mais je vous cache pas que je sens son pouls s'emballer...
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Mission de reconnaissance et d'espionnage sur Clockwork Island - Kamina

Jour 11


D'accord, la situation vous échappe complètement, avouez-le. Avouez-le, merde, au lieu d'entretenir le silence radio pour soi-disant ne pas me "détourner de ma mission", avouez-le que vous vous êtes brûlé les doigts sur ce coup-là, arrêtez de jouer avec le feu, vous là-haut, les pyromanes galonnés qui passez la chair à canon à la moulinette, et sortez nous de là !

Le matelot va bien. Ils l'ont cruellement amoché, mais il va bien. Je sais comment ça s'est passé. La classique : il s'est éloigné du reste de la meute pour partir pisser dans un fourré, et les gros bras écailleux de mes congénères ont choisi cet instant-là pour capturer la brebis galeuse, lui coller une rouste qui le marquera à vie, le colorier d'hématomes sans se lasser, puis finir la sanglante phrase sur un poing final.

Ils lui ont carré un de ces dials qui servent de branchies artificielles aux humains. Qui convertissent la flotte en air. A moins que ça ne soit qu'un pauvre stock à l'autonomie limitée. J'en sais rien. Un réfugié de Skypiea en avait ramené un lot, apparemment, inusité jusque là, forcément. Maintenant qu'ils ont un otage, ils vont le rentabiliser comme jamais, croyez moi.

En ma présence, ils évitent de trop le brutaliser. Histoire de pas m'effrayer. Je sens que je deviens un poids mort pour eux, que ma compagnie les empêche de boucler leur funeste besogne aussi vite qu'ils en auraient envie. Seul Krak et ses cracks ont le droit de faire mumuse avec le matelot, et la tragédie de ce pauvre type ne durera pas plus de deux actes, si vous voulez mon avis :

-Ils l'interrogent. Que fait la marine ici ? Pourquoi maintenant ? Qui sont les têtes pensantes de l'opération, à décapiter au plus vite ? Où est Owen, que lui avez vous fait ? Et le soldat dépassé et branlant de leur répondre qu'il en sait rien, qu'il n'est qu'un simple matelot, qu'il ne veut pas mourir, qu'il a une famille et qui les sature de supplications tout en soûlant le ciel de prières, il s'accroche à ses maigres espoirs tout en faisant le deuil de sa dignité.

-Et après lui avoir arraché des réponses, je vous le donne dans le mille, ils le tueront. Je peux rien y faire, si ce n'est retarder l'échéance.

Et espérer que je ne serai pas le prochain. Vous la sentiez venir, celle-là ? L'égoïsme inconsolable du poiscaille qui sent l'étau se resserrer autour de lui, qui commence sérieusement à manquer d'air au milieu de cette atmosphère viciée.
Sait-il qui je suis ? Je n'ai rien pu lire de compréhensible au fond de ses mirettes vitreuses lorsqu'il m'a vu la première fois. Je n'ai rien pu déduire de nos contacts. C'est comme s'il avait coulé dans une catatonie dont il n'émergeait que le temps d'invoquer sa famille, ses supérieurs, la miséricorde divine et celle des poiscailles tellement hargneux qu'ils en deviennent plus sadiques que leurs anciens bourreaux.

En guise de dernière bravade, vous pensez qu'il pourrait cracher mon nom ? Je devine ce que vous pensez, et je vous emmerde profondément ! Je suis dans la panade, il l'est aussi et bien plus que moi, certes; mais si votre plan dégénère aussi dégueulassement, c'est uniquement parce qu'il était totalement gangrené de base.

-Ils savaient que la marine était là avant même que vous ne me balanciez parmi eux
-La cadence d'un rapport mini tous les deux jours me fait courir des risques absurdes et superflus
-Je vous hurle que je le sens pas depuis le début et vous m'avez catapulté là-dedans quand même

Ouais, je vous emmerde. Je devine ce que vous pensez. Je suis lâche. Un mauvais élément. Un homme-poisson qui ne fait que confirmer les préjugés sur la race maudite des océans. Un bâtard qui se sent pas à l'aise chez les siens, autant qu'il en chie à gober le légendaire sens de la camaraderie de la marine. Pour avoir eu le temps de laisser macérer ce genre d'idées noires, oui, j'approuve, les congénères à branchies, les camarades à casquettes, j'en ai soupé. C'est seulement dans la solitude que je retrouverai ma quiétude.

Je vous emmerde parce que, merde ! Vous m'avez forcé à saccager mes fondations ! Ma ptite éthique personnelle, vachement susceptible, dégoûté d'elle-même, écoeurée par mon reflet ! Ma confiance en moi, si bancale, que la moindre tempête ébranle. Je suis tout frileux, réveillez vous ! Violence froide et haine glaciale, y a de quoi me lacérer de putains d'engelures à vie !
Je suis piégé entre le devoir et mes misérables sentiments. Et à me débattre dans ce filet inextricable depuis bientôt deux semaines, entendant les pas de la folie lentement se rapprocher...
J'ai un plan, moi aussi. Il vient de me traverser la tête avec la vélocité d'une balle de fusil.
J'ai un plan pour déchirer les mailles du filet
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Mission de reconnaissance et d'espionnage sur Clockwork Island - Kamina

Jour 14


Riverson connaissait mon rôle, et j'ai pu connaître celui de Riverson. J'avais eu l'occasion de me retrouver en tête à tête avec lui et d'échanger davantage que quelques regards de larves humaines ou presque-humaines. Quatre jours sous pression, autant la sous-marine que celle de ses ravisseurs, lui ont lavé la cervelle plus blanche que blanche, si bien que j'ai du m'y reprendre à plusieurs fois pour tirer de lui du plus consistant qu'une pléthore de lamentations languissantes. J'ai appris son nom, et ceux de ses enfants. Je lui ai refilé ma gamelle du midi avant de chuter pour de bon dans ce puits de compassion sans fond. J'ai versé des larmes qui ne se sont jamais écoulées à ses pieds, mais diluées à travers les nauséabondes vapeurs d'hémoglobines qui s'échappaient de sa carcasse

Il est mort ce matin. A l'heure où vous lirez mon conte, vous aurez peut-être déjà déniché son cadavre du côté du campement "alpha" de survivants, comme ils l'appellent. Ce n'est PAS un avertissement, mais une déclaration de guerre en bonne et due forme. Oeil pour oeil, croc pour croc, ces conneries-là, vous saisirez. Le cercle vicieux roulait depuis quelques temps et rien n'a été fait pour l'enrayer, donc, le voici qui s'emballe tandis qu'on dégringole une très dangereuse pente.

Les tambours tonnent, le sang va pleuvoir. Ça va être infect. Le nausée me hurle à toute instant l'imminence de l'heure critique.
Je prévois que vous profiteriez de ma présence parmi leurs rangs pour m'exfiltrer. Je suis un putain de devin, donc ça va se passer. J'avais prévu que tout partirait en couilles, c'est parti en couilles. J'avais prévu que j'allais disjoncter, je disjoncte. Je prévois que je rentrerai à la maison demain, je rentrerai.

Si vous comptez tenter une initiative, à votre guise. Mais évitez de vous la jouer traqueurs nocturnes, j'ai vraiment besoin de pioncer.
Bah, je suis con. Prendre d'assaut une forteresse sous-marine débordante d'homme-poissons bouillants sous leurs tendres écailles, dont le vocabulaire s'est réduit à "Vendetta", "Race", "Destin", "Frères", "Soeurs" et "Sang", ça serait de la pure inconscience doublée de connerie. Mais on sait jamais.
Je recommande que vous fortifiez les défenses de tous les camps survivants, sans exception. Les poiscailles veulent être autant mortels, fulgurants et imprévisibles que la foudre, on ne sait pas quand ni où ils frapperont.

A compter de la lecture de cette bafouille, vous aurez une dizaine d'heures grand max avant que la pelote de mailles qu'a été cette opération ne se dénoue pour de bon.

Quant à moi, j'attends avec impatience et terreur que les murmures du chaos mutent en hurlement.

Bonne chance, à demain.
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Conclusions de la mission de reconnaissance et d'espionnage sur Clockwork Island

Je ne pourrai plus jamais opérer dans cette région, désormais. Ne serait-ce que parce qu'elle déterrerait des souvenirs perturbants, mais aussi et surtout parce que je suis grillé. Grillé, métaphoriquement, mais je le serais littéralement, probablement, si je reposais une patte là-bas.

Repose en paix, Edwig. C'est bel et bien moi qui ait profité de la confusion de la bataille pour le buter, le suivant favori de Krak. Avec lui dans les parages, simuler ma mort pour être abandonné et ramassé par les Mouettes n'aurait pas fonctionné. Il était du genre à cracher sur les corps des humains, mais à chérir et honorer ceux de ses comparses. Il m'aurait cueilli et fleuri. Et on serait reparti pour un tour...

Donc je l'ai tué d'un misérable carreau dans la nuque, un carreau rouillé d'une arbalète qui déraillait, afin de me libérer des entraves que représentaient son sens de l'honneur. Il m'aurait pas lâché d'une semelle, il me pensait sous sa responsabilité. Il était plus balèze que moi, bien plus, et m'aurait vite maîtrisé si j'avais décampé sous ses yeux. Il devenait pour moi un triste boulet, tandis que moi je suis devenu un monstre délesté de son coeur.

Les secondes qu'ont mis les homme-poissons à écarquiller grand leurs mirettes m'ont offert le répit nécessaire à la fuite. Je crois qu'ils ont aussitôt compris que j'étais, depuis le début, le loup du troupeau, qu'ils pensaient bien loin, au chaud dans un galion de la marine. J'ai abusé d'eux, j'ai tué un de leur compagnon, aimé de tous, l'Owen qui m'avait offert le gîte les premiers jours, j'ai tué un protecteur, un gardien, un héros, l'Edwig en qui Krak plaça le sort du gros de ses troupes.

Et leurs blasphèmes portés par le vent envers moi et ma sainte mission me résonnent encore et encore dans le crâne.

Ça y est, j'ai largué ma position de martyr. Me voici traître.
A l'heure qu'il est, rentrés dans leurs petits foyers à pleurer leurs morts, ils doivent rêver de me voir pendu au clair de lune. Ils ne savent pas que ma culpabilité me tuera bien avant eux !

Ils me prennent pour un fauteur de troubles, un émissaire du chaos. Je dirais que j'ai juste fais ce qu'il fallait pour me tirer de là en vie. J'ai très vite perdu la foi en ma mission. Je ne sais même pas si je l'ai eue ne serait-ce qu'un bref instant le long de cette affreuse aventure. Nous avons débarqué le sourire aux lèvres auprès des survivants humains, et le couteau derrière le dos auprès des homme-poissons. Nous avons envenimé une plaie dont nous ne connaissions pas la gravité.

Mon nom restera gravé dans les esprits comme celui du pire judas de leur communauté, celui qui ébranla leur toute-confiance en leurs congénères. Je leur ai pris leur foi. Il est logique qu'en contrepartie, je sois privé de la mienne aussi.

Oui, mes rapports précédents traduisent un état psychologique instable et désordonné. Mais je nie toute implication dans le meurtre direct de Riverson, quoiqu'en dise mon supérieur. Selon lui, je l'ai tué car il menaçait de dévoiler ma nature d'espion aux autres lascars. Vous pensez que j'en suis capable ? Que j'aurais pu me rabaisser à ça ?

Si vous pensez que mes rapports ne sont que tissus d'épanchements vaseux et de mensonges pour camoufler des "manigances", envoyez donc un autre poisson. Vous n'en avez pas ? Alors vous pourriez vous remettre en question. Pourquoi si peu d'homme-poissons dans la marine ? La réponse est sous vos putains d'yeux.

Conclusion de la mission : Echec.
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Journal intime de Craig


La situation restera toxique un bon bout de temps, les autochtones de tout bords devront s'habituer à craindre leur voisin autant qu'à le méconnaître. Cette bataille n'a été que le prologue de ce que je prévois être une longue histoire de guerre, de souffrance et de malheur. Toujours la même rengaine des siècles passés. Les méprisés face aux méprisables, dont les rôles s'inversent au gré du point de vue.
Un jour, peut-être les enfants de leurs enfants contempleront un horizon moins sombre que celui qui se couvre sous nos yeux aujourd'hui.

Ils gommeront peut-être la sinistre page qu'on leur impose, ils ne l'oublieront pas, mais tourneront la page. Humains comme homme-poissons, derrière les peaux et les masques, ils ne l'admettront jamais mais ils sont de la même race. Leur âme dégouline du même désir de paix insatiable, et tous piégés dans leurs corps lentement pourrissants, ils grandissent et apprennent à vivre dans un monde qui se meurt. Ils s'en rendront compte, un jour, j'en ai aucun doute. Ils se rendront compte que sous l'écorce, nous sommes tous du même bois.

Je devrai outrepasser ce que j'ai fais et ce que je suis devenu, moi aussi.

La peur m'a fichu des baffes. Elle m'a réveillé. Péter un plomb m'est trop familier. Et me confesser à un journal intime ne m'apporte qu'un maigre réconfort, qui ne réparera pas mes erreurs. Mon journal intime me connaît mieux que personne. Je sais qu'il me comprendra mieux que personne, assurément. Peut-être que Frangin m'aurait foutu une beigne bien méritée s'il pouvait savoir ce que j'ai fais aux homme-poissons, aux camarades, aux survivants, à la marine, à tout le monde, sous le coup de la panique, "pour survivre".

Je ne suis toujours pas un héros. Je ne sais même pas si je suis un soldat...
Une camisole me siérait bien. Le silence autoritaire et la folie domptée d'un asile tranquille.
T'as vu ça, journal ? On dirait que je commence à envisager l'idée de m'effondrer sur moi-même. Ça empêcherait ce foutu monde de m'écrabouiller.
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