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Retrouvailles fraternelles

Quelques semaines après cette CONVERSATION

Spoiler:

Une matinée comme une autre sur les chantiers de Bliss. Un réveil parfait pour Tania Virlimo, levée le doux bruit de la mer ce fracassante contre les bateaux en attente de réparation. Tout semblait indiquer une belle journée pour la jeune femme, se levant et après s'être étirée et lavée, elle revêtit l'armure de sa grand-mère. Ce symbole ne représentait pour elle qu'un souvenir d'une promesse faite à un homme qui l'avait abandonné, un frère qu'elle avait décidé de considérer comme mort, mais qu'elle espérait, au fond d'elle-même, encore en vie et heureux.

Séchant ses larmes quotidiennes et mettant fin à ce rituel matinal de nostalgie, elle sortit de sa chambre et observa le chantier sous elle. Il était à peine 8h du matin, mais tous ses employés étaient là et commençaient leur journée par l'inspection des deux navires qu'on leur avait confiés. Rien de bien folichon, elle avait donc sa matinée de libre pour faire ses courses. Elle sortit donc, après avoir annoncé à ses quatre employés qu'elle s'absentait et qu'elle leur laissait la boutique pour la matinée. Le soleil se finissait de chasser la nuit quand la rousse atteignit le quartier commerçant. Elle salua la plupart des clients qui la connaissaient, discutant tranquillement avec les marchands, tant et si bien que le soleil avait atteint son zénith quand elle rejoignit le chantier. Soudain Rémy, le plus jeune de l'équipe, vient la voir.

-Chef, on a reçu de la visite, un mec qui disait vous connaitre.

-Et tu peux me dire qui c'était ?

-Ben en fait je l'ai vu qu'à moitié, il s'était planqué derrière un carton mais de ce que j'ai vu il était plutôt grand et brun mais surtout il portait une armure... Bleue, je crois.

Tania s'arrêta. Non, pour elle ça semblait impossible. Mais cette description... Non, elle se refusait d'y croire. Elle attrapa pourtant le col du bleu de travail de son vis-à-vis, plantant son regard sombre dans lequel on voyait se mélanger la colère et un bonheur immense.

-Où ? Où est-il partit ? Dis-le-moi ! Vite !

-Arrrgh ! Dans... Dans vo... Votre bureau... j'é... Étouffe pa... Patronne.

La seconde du chantier lâcha le petit après lui avoir flanqué un petit coup sur la tête. Elle n'aimait pas être appelée patronne, encore plus quand un fantôme ressurgissait du passé. Ce titre était réservé à l'homme-poisson qui lui avait tout appris et pour qui elle travaillait et personne d'autre. Oubliant sa rancœur pour un si petit détail, elle monta les marches. Elle s'arrêta devant la porte. Stressée, elle ne savait comment réagir. Que faire à présent ? Elle lui ferait payer son absence, mais après ? Non, elle ne devait pas lui pardonner, cinq ans d'absence, c'était trop violent pour pardonner aussi facilement. Ainsi, elle l'accueillerait comme un étranger... Avec des coups sur la tête en plus. C'est avec cette motivation qu'elle mit un gros coup de pied dans la fine porte de bois, l'arrachant de ses gonds et allant s'écraser sur la personne qui attendait. Cette personne se releva, vira la porte et regarda la jeune femme les yeux rouges de rage. Ainsi, Tania sut qu'elle venait de faire une énorme connerie

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-Rémy, au fait le mec en bleu s'est barré, car il avait marre de l'attendre, il a dit qu'il reviendrait dans une heure.

-Merde, mais il y a bien quelqu'un non dans le bureau actuellement non ?

-Oui, mais ce n'est pas une visite qui fera plaisir à la Rouge.

-La chef? Mais pourquoi ?

-C'est un pirate qui l'attend : Roger Edouard Dumoulin, et on ne peut pas dire qu'il s'entend bien avec Elias et Tania. J'espère juste qu'elle ne fera pas de bêtise.

Le cri de rage qui suivit suffit à faire comprendre aux deux hommes qu'ils avaient tort.
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Roger Edouard Dumoulin, ou Red comme il aimait se faire nommer, était un petit criminel assez connu à Bliss. Principalement par le surnom qu'il s'était donné, et le peu de ressemblance avec le tristement célèbre capitaine du même nom. Si le véritable Red inspirait la terreur et la classe, ce Red là inspirait pitié et dégout. Ses longs cheveux roux et gras tombant en un immonde fouillis d'où l'on pouvait voir les poux se battre. Son haleine, empestant l'alcool immonde des tavernes des coins reculés de Bliss, dès qu'il ouvrait la bouche, s'accompagnait d'un spectacle de dents noir et jaune. Son rire gras et immonde accompagnait toujours sa démarche titubante, et quand il marchait dans les rues, on pouvait entendre les cris des personnes qu'il frappait au hasard. Arrêté de nombreuse fois, il purgeait ses courtes peines pour ressortir et recommencer. Colérique, rancunier, criminel, mais pas assez, il était l'une des nombreuses taches sur Bliss et le savait.

Aussi quand il vit la porte lui foncer dessus, il eut à peine le temps de mettre son bras en barrière pour éviter de se la prendre sur son nez gras et protubérant. Le choc fut violent, c'était comme un courant électrique qui lui traversa son énorme bras rempli de graisse. L'élan de la course de la porte le faisant tomber sur le sol se redressant tout en envoyant la porte vers son assaillante en lâchant un hurlement bestial.

- Tania ! Tania ! Tania ! Tu viens de faire ta dernière bêtise !

Il se jeta sur l'ombre rouge la plaquant contre le mur et tentant de lui écraser la tête. La rousse esquivant, il récupéra le fusil de la rousse, qu'elle rangeait toujours contre son bureau, pour la frapper avec la crosse. Le fusil rencontra le mur et la transperça et un éclat de bois érafla la joue de la jeune fille. Cet effort lui couta ses dernières forces. Le bandit arma son bras et lança son coup en vissant cette fois le front de Tania et il y eut un choc.

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Elias:

Elias Tobias, homme poisson et chef du petit chantier dans lequel Tania bossait, profitait tranquillement de sa matinée. Se levant tard, se baladant sur les différents chantiers, discutant avec les commerçants et les fournisseurs, négociant les prix et prenant les nouvelles commandes. Il rentra à son lieu de travail et discuta avec les employés. Apprenant que Dumoulin était dans le bureau de Tania, il fonça pour aller la sauver, alerté par le bruit d'un choc contre le mur. Quand il arriva, une silhouette drapée de bleu se tenait déjà devant la porte. Un bâton tenu à deux mains, il venait de bloquer un coup qu'allait infliger le criminel à sa collègue. En le voyant, cette silhouette, repoussa Red puis s'enfuit en courant. Voulant savoir ce qui était arrivé à l'élue de son cœur, Elias rentra dans le bureau. Le criminel était contre le mur du fond et s'apprêtait à repartir à l'assaut avec l'arme à feu. Aussitôt, il fonça sur l'intrus et d'un violent coup de poing l'éjecta hors de la pièce en lui faisant traverser la fenêtre.

-Ne reviens plus ici Roger ! Tu reviens, j'appelle la marine et je m'assure que tu croupisses en prison pour de longues années.

Du bas du bâtiment Red se releva, tombé d'un étage, il s'en sortait plutôt bien : juste quelques douleurs au niveau du dos et du ventre, là où le poing d'Elias l'avait frappé.

- Elias, sale erreur de la nature, je te jure que je reviendrais, et là personne ne pourra m'arrêter, ni toi, ni la marine, ni personne.

Regardant Edouard partir, l'homme-poisson se tourna finalement vers sa collaboratrice, lui tendant le fusil qu'il lui avait offert à ses débuts.

- Tiens, récupère-le Tania. Que s'est-il passé pour qu'il t'agresse ?

- Je lui ai envoyé la porte dans la figure. Je croyais que c'était quelqu'un d'autre, quelqu'un que je n'ai pas vu depuis longtemps.

- Rappelle moi donc de ne jamais partir sans toi durant longtemps, si c'est comme ça que tu fêtes des retrouvailles, dit-il en riant de bon cœur, Au fait, tu sais qui s'était la silhouette en bleu ?

-Une silhouette bleue ? , s'écria la rousse, Où ? Elle est partie où ?

La jeune Virlimo partit comme une furie du bureau pour inspecter le reste du chantier. Deux bateaux en réparation au centre, posés sur des calles, un bateau accroché au ponton de leur société subissait son test d'étanchéité. Pourtant nulle part, il n'y avait la présence de la silhouette bleue, pourtant une plume, tombant sur son épaule, força Elias à lever les yeux.

-Dis Tania, tu as déjà vu ce perroquet à tête de singe ?, dit-il en le pointant du doigt.

-Pecker ! Viens là ! , cria-t-elle après avoir levé les yeux.

Obéissant à l'ordre donné par la rousse, le volatile atterri sur son épaule et tendit d'une patte la lettre qu'il tenait. La jeune femme la récupéra et la lit en silence. Quand ce fut fait, elle récupéra sa veste et fonça vers la sortie en criant :

- Je reviens ce soir ! Nettoie mon bureau et promis, je t'expliquerais tout.

- Et bien patron, vous ne lui dîtes rien ?

- Vu comment elle a éclaté la porte d'un seul coup de pied, je prendrais aucun risque, laissa échapper l'homme poisson en regardant la porte du chantier se fermer, Bon les ouvriers au boulot, ils ne vont pas se réparer tout seuls les bateaux.

Et c'est ainsi que de douloureuses retrouvailles commencèrent, qui aurait pu deviner qu'un cœur se serait brisé et qu'une âme commencerait à se fissurer, en ce beau début d'année 1626 ?
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Tajic avait tout étudié, tout calculer. La distance entre la taverne et le médecin le plus proche, le lieu où il risquait le moins de se faire entendre. Pourtant, rien, rien n'aurait pût le préparer à la correction que lui infligeait sa sœur. Les coups pleuvaient, à gauche, à droite, en haut, en face. Tania devait posséder plus de cent bras pour pouvoir enchaîner les coups aussi vite. Les blessures s'accumulaient, Tajic saignait comme jamais. Pourtant, à aucun moment un son n'était sorti de sa bouche. Les cinq années d'absences étaient en train d'être payées ! Un prix très dure pour le chercheur, mais sa sœur avait dû souffrir mille fois plus de son absence. Il assumerait sa bêtise jusqu'au bout ! Chaque coup que Tania lui portait devait être l'équivalent d'une larme versée pendant ses cinq longues années... Étrangement cela rendait Tajic heureux. Oui, heureux ! Lui qui avait peur du monde entier, qui ne s'était jamais senti grand, fort, intelligent ou charismatique... Lui aussi, il avait des gens qui versaient des larmes pour lui. C'est pour cela qu'il accueillit chaque coup avec le sourire aux lèvres. Chaque nouveau saignement était pour lui une manière de remercier sa sœur, la seule femme depuis qu'il était parti qui avait, et qui était en train, de pleurer pour lui. Oui. Les larmes aux yeux, Tania baissait l'intensité de ses coups, jusqu'à ce qu'il ne soit plus que de douces caresses, sur le visage de son cher frère, et que les cris de rage ne soient plus que de légers sanglots.

Relevant la tête, l'homme drapé de bleu croisa le regard sombre, trempé de larmes, de la rousse. Se penchant cette dernière pris la tête de son frère dans ses bras. Lui mouillant les cheveux des dernières larmes qu'elle avait versées pour lui.

-Je... Suis rentré, laissa échapper la victime en prenant lui aussi sa sœur dans ses bras.

-Bon... Re... Retour, crétin de frère, sanglota la rousse.

Les deux Virlimo restèrent durant de longues minutes, assis à même le sol. Pleurant de joie, de tristesse pour ce temps perdu. Les habitués de la taverne avaient assisté à toute la scène, mais aucun n'avait osé intervenir par peur de devenir une victime collatéral de la colère de Tania. Quand les deux se relevèrent, la plupart se poussèrent et les laissèrent s'installer sur une table à part. S'asseyant devant sa sœur Tajic commença, tout en essuyant tout le sang qu'il avait sur le visage.

-Tu frappais moins fort dans mes souvenirs.

-En même temps, ça fait cinq ans que tu es parti sans donner de nouvelles.

-Je... Suis désolé.

-À quoi bon t'excuser ? Qu'as-tu fait pendant ces cinq années ?

-J'ai exploré le monde, fait des rencontres, je me suis même fait un ou deux amis.

Tania eut un rictus d'étonnement. Tajic avec des amis ? Impressionnant, il avait dû bien évoluer pendant tout ce temps. La rousse sortit son fume-cigarette noir et, après en avoir mis une au bout, elle l'alluma.

-Depuis quand tu fumes Tania ?

-Depuis quand tu as des amis Tajic ?

Elle avait dit sa phrase après avoir avalé la première bouffée, la meilleure selon elle. Celle grâce à laquelle elle parvenait à garder son calme, à se recentrer et surtout à garder le sourire face à un mec qui revenait comme une fleur après cinq ans. Tajic, quant à lui, regardait ses pieds, accusant le coup, qui n'était pas réellement pensé, il le savait. Mais, le lecteur savait aussi que si sa sœur disait lui avoir pardonné, rien n'était moins sûr actuellement.

Le silence régnait en mettre maintenant entre le frère et la sœur. Un silence glacial. Les témoins de la scène avaient l'impression d'assister à une confrontation entre la maitresse et le serviteur. La chevelure rousse de Tania, parfaitement lissée, s'opposait aux cheveux brun et gris, complètement emmêlés, de Tajic. La rousse se tenait de manière détendue, un bras sur le dossier du canapé sur lequel elle était callée, l'autre main tenant de manière noble le fume-cigarette, au bout duquel la source de calme de la Virlimo se consumait. Le brun, quant à lui, se tenait recroquevillé, plié en deux, regardant ses pieds, comme un enfant pris en faute. Son regard allait d'un coin à un autre, cherchant un moyen de briser le piège du silence. Avec un visage totalement dénudé d'expression, la seconde de chantier attendit que son vis-à-vis parle.

-Maman, m'a dit, au denden, que tu bossais sur le chantier, tout va bien pour toi ?

-Ça va, oui. C'est donc ainsi que tu m'as retrouvé. Je crois ne pas dire de bêtise si je te dis que Papa n'a pas dû apprécier ton retour, n'est-ce pas ?

-Effectivement... Il m'a raccroché au nez.

-Il ne changera pas, notre bon vieux paternel. Et Maman a dit vrai, je suis actuellement second chef de chantier, pour une petite entreprise. Mais dit moi, pourquoi venir maintenant ?

-J'ai un autre livre de grand-mère. À l'intérieur j'ai trouvé le lieu de la cachette du troisième.

-...

-Tania, j'aimerais que tu m'aides.

-Tu reviens pour ça ?, cracha la reine à son serviteur d'une voix polaire. Cinq années, Tajic ! CINQ PUTAINS D'ANNÉES ET JE DOIS TE DIRE : Ok, très bien, allons-y ? NON MAIS TU CROIT QUOI ? TAJIC, TU DISPARAÎT ET REAPPARAIT QUAND TU AS DES ENMMERDES ? ET EN PLUS JE DOIS T'ACCUEILLIR A BRAS OUVERTS ????!!!! TU NE VAUT PAS MIEUX QUE CES SALES PIRATES, TU M'ENTEND ?!

-Tania, je...

-IL N'Y A PAS DE TANIA QUI TIENNE !! J'AI UN BOULOT, UNE VIE, UNE MAISON. TOI TU N'AS RIEN !!! ET JE DEVRAIS ABANDONNER TOUT CELA POUR TOI ??!! NE TE MOQUE PAS DE MOI, FREROT, QUELLE EST LA VRAIE RAISON ?!

La Virlimo était devenue aussi rouge que sa chevelure et tremblait de colère. Son frère, quant à lui, était sur le point de disparaitre au travers du canapé, tremblant de peur. Pourtant s'armant de courage, il releva la tête et affronta le démon qu'il avait en face de lui.

-Tania... ce que je vais te demander doit rester entre nous... Je ne te demande pas de m'aider moi... Mais d'aider... La Révolution.
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