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Au service secret de la rousse

On lui avait demandé de désigner un équipier pour une mission. Il s'était présenté, lui même. On lui avait dit que ce serait dangereux. Il avait répondu un mot: justement. On lui avait expliqué de quoi il retournait. Il n'avait rien dit. On lui avait demandé s'il était toujours volontaire. Il avait hoché la tête et était parti.

Pour ceux qui me suivent de temps à autres, vous avez peut-être en tête mon opinion de on. Du coup, j'vais vous passer le laïus habituel à ce sujet. J'dirai juste ça: Sèb', il aime faire simple, continuer d'écouter ç'aurait rendu les choses plus compliqué. Du coup, il passa prendre les cliques et les claques qu'on voulait bien lui attribuer, et avait quitté le campement.
Sa cible: Edgar White, alias 'Pieds lestes'. Pour l'atteindre, il faudrait passer inaperçu, dans son cas, ça signifiait laisser derrière lui son équipement habituel. Pas d'armure, pas d'arbalète, nada. On l'avait relooké de la tête aux pieds, sous l’œil impératif d'une rousse de la brigade scientifique.

Sebastian ne savait pas quoi penser de ces gens. Ils avaient tendance à tout rendre compliqué. Du coup, il avait beaucoup hoché du chef et évité de poser trop de questions durant les explications de l'ingénieure générale. Au final, il avait passé plus de temps à faire trainer son regard sur l'atelier, se retenant aussi bien qu'il le pouvait de toucher les différents bidules qui s'y baladaient. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour se décider à improviser comme il le pourrait tout au long de la mission.

Après tout, White ne saurait jamais ce qui lui arriverait, si Sèb' lui même n'en avait aucune idée.

Trouver la taverne où White résidait avait été plutôt aisé. Certains établissements s'étaient vantés de l'héberger après son arrivée, disait-on. Aujourd'hui, ils n'en restait plus grand chose. Ainsi, les directives pour trouver le recruteur de Flist étaient assez claires, quelqu'un les avait même données à une certaine commandante d'élite qui avait fait suivre l'information. L'atteindre, en revanche, était loin d'être aussi simple. À peine entré dans le luxueux bar, Sebastian senti le poids de l'ambiance fléchissant sous l'odeur d'alcool, de sang et de sueur caractéristique d'une fausse planque. Tout le monde était là pour la même raison: attirer l'attention, montrer qu'il valait mieux que le reste et, par dessus tout, ne pas être le premier à se prendre le coup de poing qui le mettrait au tapis avant même que l'homme que tous attendaient ne se montre.

Sebastian s'assit au bar, et à peine eut-il commandé que deux hommes larges comme des étagères étaient venus l'épauler. Délicate attention, que le marin avait senti venir, raison pour laquelle trois verres lui furent servis, dont un sirop à la menthe et un martini sec, au shaker, pas à la cuiller, s'il vous plait.

Autant dire que, pendant que le lieutenant-colonel vidait son whisky, le gorille au martini se serait moqué de l'autre, si son breuvage n'était pas dans un verre à pied un peu trop efféminé à son goût. En plus, il n'aimait pas les olives.


Dernière édition par Sebastian Archibald Mavim le Mar 26 Aoû 2014 - 11:44, édité 1 fois
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Lieutenant-Colonel, on m’a dit de venir vous équiper.

Lorsque la rousse apparut, ce fut encore en pyjama et à peine sortie du lit, les cheveux en bataille et les cernes aussi grosses que des poches de pantalon. De toute évidence, la nuit fut pénible et ce n’était pas de gaieté de cœur qu’elle se leva pour faire un relooking complet à un parfait inconnu.

On va commencer par le classique si vous voulez bien.

Sortant une immense pochette de sous la table, elle l’étala brutalement sur la surface en la dépliant avec une force qu’on ne pouvait pas lui soupçonner, pianotant au-dessus des instruments avant d’en sortir un et de le présenter à l’homme en face d’elle qui gardait son calme et son assurance pour faire bonne figure. La voix encore endormie et pas vraiment professionnelle, elle débuta ses explications sans grande conviction :

Voici un déguisement pour Dendencaméra ! Agrafez le sur votre épaule et nous verrons tout ce que vous verrez, ça nous permettra éventuellement de voir d’autres choses que vous ne capterez pas dans le feu de l’action…

A bien y regarder, le perroquet avait tout l’air d’être simplement empaillé. Et juste mal empaillée en fait. Son œil vitreux semblait simplement vide, ses plumes placées dans le mauvais sens, et lorsque la rousse lui signifia que Bee se chargerait d’imiter le bruit du perroquet pour faire plus crédible, inutile de dire qu’il n’y en avait déjà plus beaucoup de la crédibilité.

Ça, ce n’est pas simplement un cache œil…

Voilà qu’elle passa à autre chose sans prévenir au préalable, jetant dans les mains de son vis-à-vis le dit cache œil de pirate en tirant sur l’élastique. Sous la couture, un petit renflement dur signalait à Mavim qu’il y avait en effet un dispositif à l’intérieur.

C’est un scanner qui vous permettra de voir les objets métalliques sur vos adversaires.

Elle ne présenta pas les malfaçons de ces créations rafistolées, l’homme allait y être assez vite confronté. Mais au fait que ce dernier était plus un guerrier qu’un scientifique averti, elle s’inquiéta tout de même pour lui :

Ça va aller, monsieur ?
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KWAAK


Durant un instant, Sebastian c'était demandé ce qu'il faisait là, dans ces chaussures, accoutré comme la pire caricature du parfait petit pirate. Tout y était: tricorne, cache-œil, faux crochet et le reste des accessoires qu'on s'attend à trouver sur un digne représentant de la flibuste. Mais le perroquet mécanique mit fin à cette série de questionnement en éructant son avertissement strident. Quelqu'un, quelque part, lui servait-il d'ange gardien résolument posé sur son épaule ? Ou était-ce là le simple fruit du hasard ?

Il n'empêche que le marin sursauta, et eut juste le temps de voir venir le poing qui lui fonçait dessus.

Durant ses années de service en tant que chef de milice d'une cité-état aux mœurs aussi stables que le vol d'un hanneton sous méthamphétamines, l'actuel lieutenant-colonel avait obtenu certains reflex qui s'étaient prouvé salvateurs en plus d'une situation. Ce fut une fois de plus le cas cette fois-ci, alors qu'il plongea en arrière, renversant son tabouret dans le même mouvement. Il évita ainsi un coup qui promettait de lui briser la mâchoire, au prix d'une bosse à l'arrière de son crâne.

Heureusement, ses deux aimables camarades de beuverie l'aidèrent à se relever.

Tout autour, des rires commencèrent à s'élever. Quelqu'un prenait visiblement plaisir à voir un vieillard se faire rétamer d'une telle façon. Sebastian Archibald Mavim connaissait bien ce genre d'individu. Il savait aussi que, d'ici quelques instants, ce seraient ces mêmes personnes qui commenceraient de parier sur qui des deux mastodontes ou de l'ancêtre remporteraient le combat. Mais il n'était pas là pour se faire remarquer par ces petites frappes. C'était White qu'il voulait.

Les semelles errant à une douzaine de pouces du sol, c'était le moment ou jamais de faire preuve d'une verve audacieuse. Et c'était un rayon qu'il connaissait bien. S'il l'avait pu, il se serait même allumé un cigare, tiens...

"S'cusez moi les gars, j'savais pas qu'z'étiez sous médoc, j'vous aurais pris du p'tit lait."

Raccrochant sa formalité habituelle au même crochet d'où pendait son uniforme, Mavim s'était permis d'adopter les accents rocailleux et vulgaires qu'il avait côtoyé durant toute sa vie. Il se demandait, alors qu'on s’évertuait à se servir de lui comme serpillère, s'il serait possible qu'il prenne goût à cette langue si franche et à fleur de peau. Puis il se dit qu'il était temps d'arrêter les divergences philosophiques et de se concentrer un peu plus sur le concret.

Il se souvint qu'il y avait quelque chose de spécial à propos du cache-œil. Détecter les armes des adversaires, ou quelque chose du genre. Un petit levier, très discret, se trouvait sur la sangle, derrière la tête. Une foule de détails lui étaient revenus alors qu'il se relevait. Il ne savait pas exactement ce qui lui avait mis la puce à l'oreille, même si l'éventail de sous-vêtement que les pirates lui présentaient devait être une piste viable. En revanche, pas la trace d'un poignard dissimulé dans une botte, ou de la botte d'ailleurs.
Sebastian, dans un soupir, éteignit le dispositif qui avait dut s'enclencher durant sa chute. Il préférait nettement la version habillée de ses assaillants. Ces derniers s'avançaient en ricanant, d'ailleurs. L'infiltré lâcha un épais cracha au sol. Les choses sérieuses allaient commencer.
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Ne touchez pas à ça…

Difficile de maintenir la concentration du type en face d’elle, qui a l’air beaucoup intéressé par ce qui ne concernait pas son équipement que par ce qu’elle lui présentait. Elle tenta néanmoins d’éveiller sa curiosité en lui plaçant entre les mains un vulgaire stylo à plume. Devant la mine troublée de l’homme, elle tenta d’être plus explicite :

C’est un stylo.

Evidemment. Ça, il l’avait remarqué. Même un guerrier comme lui avait une fois tenue un stylo entre ses mains. Peut-être même qu’il savait s’en servir et écrire. Alors avant de le voir se fâcher, elle reprit l’objet de ses mains et mima des explications :

Tournez le bouchon et il crachera de l’encre. Appuyez sur le bouchon et il transformera l’encre en fumée pour vous permettre de vous enfuir.

Rien de plus simple. Un petit objet bien utile qu’elle avait mis au point il y a quelques années et que Yoru, son collègue samouraï, avait eu l’occasion d’appréhender en mission. Il s’était plaint en ce temps là d’une malfaçon tout à fait dérangeante qui avait fait explosée l’outil. Désormais, la dite malfaçon était réparé, même s’il y avait sans doute toujours des dysfonctionnements…

Vous ne pourrez l’utiliser qu’une seule fois, choisissez bien le bon moment.
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À quoi ça ressemble, un bon moment ? C'est le genre de choses qu'on pense toujours pouvoir reconnaître, mais qu'au final nous passe toujours sous notre nez. Alors cessez de chercher le bon et profiter de ce que vous avez.

Mavim aurait pu faire ce sermon. Mavim aurait pu en faire beaucoup d'autres, tous en relation avec les engins qui lui remplissaient les poches. Mais pour cela, il aurait fallu qu'il sache précisément ce qu'il y avait dedans. Beaucoup de monde le suspectait d'être au summum de l'organisation, le roi de la planification ou quelque chose du même goût. La vérité, c'est qu'il est simplement très très routinier. Il aime l'ordre, oui, notamment parce que ça peut éviter bien des surprises, généralement mauvaises pour lui.

En conclusion : pour perturber un Mavim, ôtez lui son armure habituelle, et flanquez lui un mauvais déguisement fait à votre sauce sur le dos. Effet garanti.

Aussi, lorsqu'il se retrouva avec le stylo dans la main, il lui fallu un instant pour raviver ses souvenirs. Appuyer sur quoi pour quoi ? Sur le bouchon pour propulser l'encre, ça paraissait logique. Relevant le poing, comme la rousse le lui avait montré, il enfonça le bouchon, visant les yeux de son adversaire.

Et tout devint noir.

Quelque chose avait du clocher. Plus par précaution que par reflex, le lieutenant-colonel se laissa tomber ventre à terre, espérant éviter un éventuel coup à l'aveugle pouvant lui être destiné. Se souvenant du cache-œil, il réenclencha le dispositif. Le résultat fut quelques peu brumeux, mais il parvenait tout de même à voir quelque chose à travers l'épais nuage d'encre.

Les pirates, de leur côté, suivaient le son répété d'un perroquet mécanique. Ils avaient reconnu le cri caractéristique, et espéraient trouver son propriétaire. Ils ne s'attendaient pas à le voir ailleurs que sur son épaule, après tout, ses yeux rougeoyant ne laissaient aucun doute sur sa nature artificielle...

Pendant ce temps, derrière le comptoir, le propriétaire de l'établissement astiquait son service à thé, bien planqué derrière une épaisse tôle d'acier qu'il avait mise en place peu après les débuts de son commerce sur Jaya. Une fois à l'abri, il avait vu les tasses et c'était dit qu'il serait temps de les dépoussiérer. Et comme un tavernier aime bien avoir les mains occupées, il s'était mis à l'ouvrage sans plus tarder.

Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'un intrus lui adressa la parole :

"J'aimerais une petite bouteille de votre pire liqueur."

"Euh, pour les bourses modestes, nous avons une bière qui..."

Le vieillard secoua la tête.

"La bière, ça va pas le faire. Il me faudrait quelque chose de bien relevé, genre vodka, whisky ou autre. Mais qui soit pas dommage, vous auriez ça ?"

"Euh... Regardez derrière vous... Voilà, derrière la serpillière..."

Il était difficile de croire que son visage puisse plus se froncer, mais le contenu du flacon y était parvenu.

"Qu'est-ce que c'est ? Jamais senti un truc pareil !"

"C'est mon beau-frère qui la distille..."

Sous le regard inquisiteur, le tavernier se senti obligé de prolonger les explications :

"Je m'en sers pour déboucher les toilettes..."

"Parfait. Je vous prends ceci aussi"

"Attendez, ceci n'est pas à vendre..."

"Je n'compte rien acheter..."

"Je ne crois pas que ceci me plaise beaucoup. Je vous prierais de bien vouloir sortir calmement de mon établissement !"

Le tavernier n'avait jamais été très autoritaire. Étonnamment, c'est ce qui avait fait son succès. Personne n'aime être servi par quelqu'un qui exige que vous posiez votre verre sur un morceau de carton sans sembler le demander comme si c'était une mauvaise blague. Ainsi, il ne chercha pas à protester plus longtemps après avoir lâché son chiffon. Estomaqué, il regarda son client fourrer le torchon dans le goulot, retourner la bouteille quelque instants pour qu'il s'imbibe bien du contenu avant de lui mettre le feu.

Alors que le brouillard se dissipait, les pirates avaient enfin réussi à encercler le volatile. À leur grande surprise, il bougeait tout seul, agitant les ailes et sautillant tout autours d'eux. À leur encore plus grande surprise, une boule de feu de taille respectable apparu entre leurs pieds.
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Lieutenant, prenez ceci…

D’une poche, elle sortit rapidement une petite boite de bonbons qu’elle fourra dans la main de l’homme en face d’elle. La boite en question était un grand pied surmonté d’une petite tête d’animal qui ressemblait à un chien à la langue tirée. A l’intérieur, les sucreries étaient des petites gélules de couleurs et odorantes donnant vite envie de saliver… Le voyant déjà comprendre ce qu’il avait en main, prêt à se mettre un des bonbons sous la langue, elle l’interrompit dans son mouvement avec tant de fougue et de ferveur qu’il en sursauta :

Et-ne-les-mangez-sous-aucun-prétexte !

Elle manqua même de le traiter de fou furieux. De lui faire la morale, en lui demandant si ses parents ne lui avaient pas appris en étant jeune à ne pas accepter les bonbons que donnent les inconnus mal intentionnés, même s’ils sont des femmes et roux ! Mais elle s’en abstint, difficilement ceci dit, en essayant de reprendre son sérieux et sa contenance…

Par contre, visez le nez ou les yeux avec, précisa-t-elle avec une moue innocente et les yeux brillants : ça vous aidera beaucoup.

Et enfin, elle fit le listing : les rouges étaient au piment, les vertes à l’acide, les bleus au fumier, les jaunes s'enflammaient aux contacts de certains liquides,...
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Pendant, qu'au centre de la salle, le feu prenait gentiment de l'importance, les clients s'agitaient, tous à leur propre façon, à la fois unique et personnelle. Certains fuyaient, tout simplement, alors que d'autres riaient aux éclats. Un homme se roulait par terre alors qu'un autre tentait d'étouffer l'incendie avec son manteau. D'une volée d'escaliers apparurent trois pirates, les hommes de White visiblement, décidés à calmer le jeu.

Mais Sebastian ne comptait pas les laisser faire. Un signe depuis le comptoir, un coup de feu, un homme mort, silence, ou presque.

S'infiltrer dans un nid de pirate seul ? Pas fou le vieux !

Le pompier improvisé s'effondra et s'embrasa. Tout le monde se leva d'un coup. Personne ne savait d'où venait le tir, mais tous craignaient d'être la prochaine cible. Sauf bien entendu les marins d'élite qui occupaient la place depuis plusieurs heures déjà.

"Qui a fait ça ?"


D'un coin sombre, une chope vide plana jusqu'à l'arrière de la tête du troufion descendu de l'étage. Un cri pour faire revenir le calme, une insulte bien pensée et un coup de tabouret adroitement placé plus tard, la situation dégénère en mêlée générale alors que le lieutenant-colonel est déjà au sommet de l'escalier. Il aperçoit une porte qui se referme alors que tout le monde sort des chambres pour voir ce qui se passe en bas. Sebastian colle l'oreille contre le bois un instant.

"..le prévenir !"

"Et puis quoi ? Ils vont bien se calmer..."

"Ouais, tu veux vraiment le déranger ?"

"Y'a le feu les gars !"

"Ah, ouais, quand même..."

"Ok, toi, vas le réveiller !

"Pourquoi moi ? Pieds Lestes t'as à la bonne toi au moins !"

Il n'en fallu pas plus à Sebastian pour comprendre qu'il était à la bonne place: ce devait être l'antichambre de White. En même temps, la large porte double aurait pu lui suffire: ce devait être une suite assez luxueuse pour le standing du pirate. Mavim fouilla ses poches, il devait bien lui rester quelque chose d'utile. Il trouva le petit distributeur de bonbon. La scientifique ne lui avait pas dit s'il y avait une sorte de système de projection dedans, il allait devoir le découvrir sur le moment.
Soucieux de ne pas rater son entrée, le marin entrouvrit la porte avant de l'enfoncer d'un grand coup de pied. Il tira la tête de chien en arrière, et toute la boite parti en morceau, laissant une cinquantaine de petites boules s'éparpiller dans toute la salle. Le cri d'intimidation prévu resta bloqué au fond de la gorge de Sebastian, et les pirates éclatèrent de rire. Le sourire aux lèvres, ils dégainèrent leurs épées.

De ce qui suivit, Sebastian Archibald Mavim n'en est pas tout à fait sûr. Il se souvient juste d'entendre le craquement distinct d'une des gélules suivit d'une explosion, puis de voir un pirate s'écraser au plafond, et d'y rester. Les deux restants ne firent pas plus belle figure. Le premier eut le réflexe de plonger sous la table, d'où un gaz vert et des étouffement ne tardèrent pas d'échapper. Le second, quant à lui, glissa sur une bonbon et s'effondra au sol, qui se mit à grésiller. L'effet ne semblait pas être des plus confortable.

Bouche bée, le marin contempla le spectacle sans vraiment réussir à y croire. Machinalement, il leva un cigare jusqu'à ses lèvres, mais se ravisa juste avant d'allumer son briquet. Il n'était pas certain que l'air de l'antichambre ne soit devenu inflammable...
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Il y a ça aussi...

La rousse sortit de sa caisse une paire de gants disposant d'une épaisse couche de métal sur le sommet que l'on aurait pu assimiler à des renforcés, ainsi qu'une plaque de métal de la taille d'une paume au moins qu'elle plaça juste devant le nez de son vis-à-vis :

Collez-le sur le dos, le ventre, ou le front d'une personne, à votre bon coeur, enfilez ces gants et vos coups iront directement là où il y a l'aimant.

Malin, non ? Elle donna même l'exemple en collant le dispositif sur le front du mousse à ses côtés, et lui assena ensuite un coup à la direction à la base pas évidente mais qui atterrit évidemment au bon endroit. Inutile d'en dire plus sur l'utilisation en elle-même, puisqu'elle pensa le Lieutenant en face d'elle assez apte pour coller des gnons plutôt douloureux. Par contre :

Veillez à coller l'aimant dans le bon sens, hein... Un côté, il attire, l'autre, il repousse... Bref, d'un côté vous aurez l'air d'un dieu, de l'autre, d'un sacré boloss, réfléchissez bien à ce que vous voulez être... Et laissez vos mouvements assez souples pour que la magnétisation fonctionne. Si vous résistez, vous n'y arriverez pas et ce dispositif vous sera tout simplement inutile.
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Debout au milieu de l'ambiance chaotique, Mavim prit le temps de faire le point sur la situation. Le bruit provenant de la grande salle se calmait doucement, ce qui voulait dire que l'ordre y revenait.

"Non de... Qu'est-ce que... Euh... Lieute-"

"Pas de grade."

"Euh... Oui... Nous avons le contrôle de la grande salle."

"Bien, poursuivez selon le plan."

Machinalement, le soldat déguisé en pirate salua et disparu. Ils étaient censés restés incognitos, mais les habitudes ont la vie dure dans ce genre de situation. Sebastian ne dit rien et se tourna vers la porte, toujours fermée, à l'autre bout de la salle. Même s'il était effectivement endormi, le boucan avait forcément dû le réveiller. Il faudrait le prendre en compte pour pénétrer dans la chambre à coucher.
Soudain, le cœur de Sebastian s'emballa. Il venait de voir l'ombre de l'autre côté de la serrure disparaitre. Il n'avait plus le temps: Pieds-Lestes devait être en train de l'observer tout ce temps, et fuyait peut-être déjà. Le marin fonça vers la porte, l'ouvrit sans s'arrêter. La fenêtre était ouverte, il alla voir s'il pouvait encore voir le pirate courir.

Derrière lui, la porte claqua, et la clé tourna dans la serrure. Il s'était fait roulé.

Cette fois-ci, la porte brisa son élan, mais le loquet ne résista pas à la charge. Avec une grimace, Sebastian se souvint de la blessure qu'il avait à l'épaule. Il ne prit pas le temps de vérifier si le bandage s'était défait. Il fonça à la suite du pirate, récupérant les derniers objets contenus dans son manteau avant de s'en défaire. Le gant et son aimant. À quoi cela pourrait-il lui servir dans ce genre de situation ?
Mavim n'était de loin pas aussi rapide que sa cible, et les hommes en bas ne parviendraient pas à l'arrêter. Le soldat s'arrêta dans le corridor et réfléchit. S'il ne se trompait pas, la fenêtre de la chambre à coucher devait donner au dessus de l'entrée. Sans plus hésiter, il fit volte face et sprinta à travers l'antichambre et se jeta dans le vide. Sous lui, un homme apparu juste à temps pour amortir sa chute.

Pour une fois que le vétéran était chanceux, ce fut son âge qui lui joua des tours. Edgar White fut le premier à se remettre sur ses pieds. À la vue des hommes sortant de la taverne, il comprit qu'il ferait mieux de ne pas rester là plus longtemps et prit ses jambes à son cou. Sebastian senti qu'on l'aidait à se relever, mais fit signe qu'il pouvait se débrouiller seul.

"On devrait le poursuivre, non ?"

"Pas la peine..."

"Vous abandonnez déjà, lieu-"

BA-OUM

"Non, ça va."

Sebastian avait tout préparé avant de sauter hors du débit de boisson, qui commençait à sérieusement fumer d'ailleurs. Heureusement, il avait prit quelques petits extras, comme les bâtons de dynamite qu'il avait glissé dans sa ceinture. Il en avait rempli le gant de la rousse, un pour chaque doigt, et était parvenu à le coller dans le dos de White grâce à la plaque métallique. Heureusement, sinon il se serait retrouvé avec les explosifs qu'il avait allumés durant sa chute entre les mains.

Le lieutenant-colonel s'approcha du corps fumant. Il devait vérifié que le travail était bien terminé, et que c'était bien White qui venait d'exploser. Du pied, il tourna l'homme étendu au sol, et reconnu le visage bien ordonné du surnommé Pieds-Lestes. À son grand étonnement, l'homme respirait encore, mais avait de la peine à bouger. Sebastian le plaqua au sol avec son pied, lui coupant le souffle net. Il tendit la main et quelqu'un y plaça un fusil. D'un geste précis, le vieillard assena un coup de crosse sur le front de sa cible et l'assomma. Il attrapa ensuite ses vêtements et le chargea sur son épaule avant de rendre le fusil à son propriétaire.

"Faites en sorte qu'on ne nous suive pas."

Ces mots étaient plus destinés aux spectateurs de l'action qu'au soldat. Derrière l'ordre transparaissait une vraie menace, laissant des doutes sur le reste de pouls d'un éventuel filateur. durant son briefing, on avait prévenu Mavim que sa cible fuirait si elle le repérait. Comme quoi, il aurait mieux fait de faire face cette fois-ci. Il aurait au moins eu une chance d'en caser une, comme ça.
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