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Ce n'est qu'un au revoir


C'est fou, dès que je remets les pieds sur cette île, ô combien symbolique, je ne peux m'empêcher d'avoir un flashback, me projetant dans les tréfonds de ma mémoire visuelle. Je revois toujours et encore cette image après la bataille au sommet. J'étais jeune à l'époque, mais je m'en souviens comme si c'était hier. On regardait ça d'un peu loin nous autres géants. Je me souviens de ce symbole, à moitié détruit. Mais aujourd'hui, cet ancêtre a désormais fière allure. Tel un phénix, il a été reconstruit sur ses cendres et bien qu'il ne soit plus utilisé comme jadis, il n'en reste pas moins un lieu important pour la marine. C'est donc sur cette île fortifié au possible que j'ai rendez-vous aujourd'hui. Comme d'habitude, depuis cinq ans maintenant, mon arrivée provoque un attroupement. Les gosses m'entourent dès que j'ai posé les pieds sur le ponton, ce qui m'oblige à ne plus bouger, histoire de ne pas en écrabouiller un...  On se marre bien, j'distribue des friandises à foison et surtout, ce qu'ils aiment particulièrement, c'est que je les balance à la flotte. Ensuite ils se servent de mon épaule et de mon bras comme toboggan pour finir à la baille. On termine en général le petit rituel par une attaque en règle sur le géant afin de me mettre à l'eau. Vous les verriez, ils s’agglutinent tous autour de mon pied et me soulève tous en hurlant d'effort. Je les aide un peu, héhé, en levant mon pied et en basculant en arrière, provoquant au passage une bombe dans l'eau, noyant la moitié du quai. Les enfants sont tous aux anges, les gardes trempés un peu moins mais qu'est ce qu'on rigole. Ils sont trop mignons, j'crois que ça va beaucoup me manquer. Il y a bien d'autres géants mais ils sont moins délicats que moi alors ils ne veulent jamais jouer avec les enfants, de peur de les envoyer trop loin...

Une fois les enfants rentré chez eux, je peux enfin faire ce pourquoi je suis venu. Je m'installe contre le premier mur d'enceinte et j'attends. Il ne devrait pas tarder. Il a accepté de se déplacer, surement par amitié. J'essaye de me souvenir depuis quand nous nous connaissons, 30 ans, au moins. J'espère qu'il ne me fera pas un scandale et qu'il acceptera ma requête, après tout, ami ou pas, il n'en reste pas moins mon supérieur hiérarchique et je ne tiens pas à être qualifié de déserteur. Plus j'y repense, plus je me rends compte qu'à part numéro 2, je suis le plus vieux médecin de l'ordre. J'en ai vu passer des temps et je risque encore d'en voir passer. C'est les aléas d'une vie de géant aux côtés des humains. Nous avons presque trois fois leur espérance de vie, ce n'est pas étonnant que nous connaissions tant de monde sur plusieurs générations. Quoi qu'il en soit, je dois convaincre Ambroise de me laisser quitter la Marine, plus facile à dire qu'à faire.

Alors soldat, on fait la sieste ? Garde à vous !

Ambroise "Peste Blanche" Charcotte
Biologiste de renom, Médecin Général des Armées



Fua fua fua, toujours la tête dans la lune Eugène, ça fait plaisir de te voir !

Haha, pardon Ambroise et moi aussi je suis content de te revoir, tu as une bonne mine. je pensais justement à notre passé commun.

En mal j'espère ! En tout cas ! Bon tu m'as fait venir pour quoi ? T'es resté mystérieux au Den Den. J'espère que c'est pas pour la visite médicale annuelle des géants que tu m'as fait venir, j'ai d'autres pirates à fouetter !

Non non, rassure toi Ambroise, rien à voir, je voulais t'entretenir d'un sujet un peu plus grave et qui va surement ne pas te plaire.

Si tu veux une augmentation, c'est niet ! Ou alors tu vas m'apprendre que tu as enfin trouvé chaussure à ton pied en matière de femme et que tu attends un petit et que tu souhaites des congés en plus ?

Non, je...

Je quoi ? Je deviens Pirate, je deviens Révolutionnaire ? Accouche bon sang !

Laisse moi parl...

Tu retournes sur Erbaf ? Tu veux changer d'affectation ? Tu as un cancer ? Tu es enceinte ! J'ai pas toute la journée, j'ai des cultures sur le feu !

Je veux quitter la Marine.

Voilà, je l'ai dit, c'est fait. Je le regarde, il me regarde, silence de plomb. J'suis pas plus soulagé qu'avant d'avoir lâché l'information. Il a fait beaucoup de chemin pour venir jusqu'ici et entendre que je souhaite me tirer. J'ai un pincement au cœur, j'imagine que lui aussi vu la tête qu'il tire. Il pose ses mains sur ses hanches et baisse la tête vers le sol puis il l'agite de gauche à droite. Je n'ose rien dire, je suis plus ancien que lui sur bien des domaines et pourtant, il est bien plus compétent que moi dans certains domaines. Sa carrière dans la Marine en est la preuve, il est arrivé au sommet, il ne manque pas de volonté, j'espère qu'il ne se méprend pas sur mes intentions. Il relève soudainement la tête, me dévisage avec un regard dur. Le regard qu'on les médecins quand ils doivent annoncer une mauvaise nouvelle sans laisser voir leur chagrin.

Non

Non tu ne quitteras pas à la Marine, je ne le veux pas et puis d'abord, pourquoi je te prie ?


Car comme toi il y a dix ans, j'ai...

Nous sommes amis mais si tu évoques ce passage douloureux, tu risques de ne plus pouvoir aller à la selle tellement je t'aurai botté le cul.

Drum ! Drum putain, tu veux tout savoir pourquoi je veux quitter la Marine ? Car l'académie, notre académie, la mienne, la tienne s'est faite raser ! Il n'y a plus rien, plus rien du tout, de la neige et des débris. Voilà tout ce que nous aurons à léguer à nos futures générations si personne ne fait rien. L'ordre est moribond, l'académie détruite, il faut y remédier. Je vais donc quitter la Marine après 5 années de bons et loyaux services pour me consacrer à la reconstruction de l'académie médicale sur Drum et regrouper l'ordre. Il faudra aussi embaucher pour combler l'immense vide qu'a laissé nos morts. Tu t'en souviens de nos morts Ambroise !?

Ils te hantent ? Il faut passer à autre chose l'ami.

Et comment qu'ils me hantent, chaque jour qui passe met un peu plus en avant mon inutilité. Je n'étais pas là pour la bataille, je n'ai pu que constater les faits et ça me laisse un gout amer dans la bouche. J'ai du mal à me regarder en face, la culpabilité me ronge et ne rien faire pour arranger la situation dégrade chaque jour mon envie de travail pour la Marine. Je veux rebâtir ce que l'on nous a légué.

Et pourquoi faire ? Attendre que d'autres pirates ou révolutionnaires viennent à nouveau tout saccager ? Non, ta place est avec nous, au combat contre ce fléau. Tu ne trouveras jamais la rédemption en renouant avec le passé, il faut faire peau neuve. Maintenant, si tu y tiens, je peux t'accorder une année sabbatique pour la reconstruction de l'académie mais pas te laisser partir.

Je n'ai pas envie de combattre qui que ce soit, je veux juste faire de la médecine, soigner des gens et enseigner aux futures générations comment le faire. J'ai accepté ce poste dans la Marine pour m'occuper de l'escouade des géants, le reste c'était du bonus.

Et donc tu as l'impression de n'avoir rien accompli ? De perdre ton temps ? Je peux te prouver le contraire, si tu me laisses te montrer ton dossier, il n'y a que des missions positives. Tu es un élément important pour moi, tu es l'avenir de ce service. Eugène, tu dois rester dans la Marine, ensemble nous pouvons sauver ceux qui nous sauveront de la Piraterie.

Je te le demande comme une faveur, d'ami à ami, laisse moi partir Ambroise. Tu sais bien que tu ne peux me retenir, que mon esprit est déjà là bas. Si il faut endosser le rôle de déserteur, je suis prêt à l'assumer. Mais je ne veux pas perdre ton amitié, nous nous connaissons depuis trente ans, j'ai souvenir de toi, un amoureux de la médecine qui enseigne sur Drum. Tu étais la joie de vivre incarnée et il y a eu cet incident. Il t'a changé et je respecte tes choix, je te demande juste de respecter les miens.

Quel gâchis, si seulement j'avais ta force et ta carrure de géant pour écraser les pirates, j'en profiterai.

Si seulement j'avais ta précision et ta petitesse d'humain pour soigner les enfants, j'en profiterai.
    L'entrevue avec Ambroise s'est plutôt bien déroulée, je crois qu'il boude un peu mais ça lui passera. Il ne m'a pas fait mettre aux fers, c'est déjà un bon point. Il est parti, l'air pensif, retrouver son laboratoire. Pour ma part, j'ai d'autres personnes à voir avant de plier bagage pour de bon. J'avoue être quand même soulagé, j'appréhendais ce discussion. Maintenant, il va falloir être diplomate et se montrer droit car les prochains sur ma liste sont beaucoup moins inoffensifs qu'Ambroise. J'ai intérêt à me montrer clair et honnête avec eux car plus que des marines, ceux sont des géants, ma division, mes camarades, mes frères de race.

    En règle général, j'ai un ordre bien établi pour les visites médicales avec eux, la hiérarchie avant tout et cette fois ne va pas déroger à la règle. Comme d'habitude, on nous a prêté un hangar pour que j'installe mon matos et qu'on fasse patienter les sept géants. Je tiens au secret médical, question de principe, eux par contre, rien à foutre de la pudeur. Ils seraient capables de se mettre nus comme des vers devant l'amiral en chef si il le fallait. C'est pour ça que j'insiste vraiment sur le fait qu'ils doivent être à jeun et surtout sobre depuis une semaine pour la visite, afin d'éviter les problèmes. Je les ai prévenus un peu tard cette fois ci mais j'avais d'autres choses à faire, et pour cause, quitter la marine ne se fait pas comme ça, en un claquement de doigt. J'ai du remplir une tonne de paperasse rébarbative. Maintenant c'est fait, je serais désormais plus qu'un simple civil aux yeux du monde entier. Je regagne ma liberté et les projets qui s’annoncent sont ambitieux, j'ai hâte de m'y mettre. Cependant, une dernière formalité à faire avec la marine. Faire la visite médicale annuelle de la division géante. Ambroise me l'a demandé, j'exécute et je l'ai même rassuré en lui disant qu'ils pourront venir sur Drum et que je m'en occuperai encore pour les prochaines années, il n'a pas trouvé à redire.

    En entrant dans le hangar, je reconnais directement mes frères, pas besoin de baisser la tête, ça me fait toujours drôle. J'ai l'impression qu'à force de côtoyer des humains, j'en oublie ma constitution énormissime. En me voyant, tous me saluent à leur façon. Je renifle l'air pour savoir si ils sont sobres, visiblement oui. Tant mieux, j'ai toujours le mauvais souvenir d'il y a cinq ans, lors de notre première rencontre, j'ai du me battre avec Osfrid car il croyait que je lui voulais du tord alors que je ne souhaitais que lui faire une prise de sang. Il faut dire que la médecine pour eux n'avait jamais été qu'un mot dans un dictionnaire. Personne n'étant apte à les soigner, ils se débrouillaient tout seuls. Et ce n'est pas un fait isolé, sur Erbaf, avant mon retour sur l'île, c'était pareil. Les géants sont plutôt robustes et esquives facilement toutes les petites maladies. Mais pour le reste, ils étaient au balbutiement de la médecine. Désormais, ça va beaucoup mieux, je peux espérer faire une piqûre sans me prendre un coup de hache. Ils ont bonnes mines, ou presque. Par contre, le moral semble n'être pas au beau fixe.

    Bonjour à tous, je suis heureux de vous revoir. Je vois que vous êtes en pleine discussion, il est vrai que sans ce rendez-vous annuel nous n'avons pas vraiment l'occasion de nous voir tous ensemble. Entamons dès maintenant si vous le voulez bien, plus vite nous aurons terminé, plus vite vous pourrez retourner à vos discussions.

    Je passe derrière les voiles opaques de cuirassés qu'ils ont tendu pour faire une séparation et j'appelle le chef de la division, mon commandant, le Contre Amiral Heltarson. Je ferme les yeux un instant et je l'écoute venir. Il dégage quelque chose de grandiose chez lui, c'est une force de la nature. Tout vibre sur son passage, il impose à son environnement une sorte d'aura presque palpable. Même aveugle, je reconnaîtrais ses pas entre tous. Sa voix également, si lourde qu'on dirait une enclume vous peser sur les épaules.

    Arnald Heltarson
    Atchoum



    Toujours un plaisir Doc'

    Balivernes, je sais que vous détestez ça. Merci quand même amiral, vous semblez en forme, je me trompe ?

    On ne peut rien te cacher, toujours le nez fin que vous avez. Je suis en pleine forme il est vrai, et pour cause, nous ne faisons rien, on piétine jours après jours alors je m'occupe comme je peux et j'essaye de maintenir une cohésion de groupe mais ce n'est pas facile.

    J'ai du mal regarder les dernières informations car j'avais cru lire que la marine était complètement débordé depuis les dernières mesures et qu'on ne manquait pas de vauriens à remettre dans le droit chemin. Comment l'expliquez-vous ? Et votre éternuement s'estompe ?

    Haha, toujours le mot pour rire Eugène, elle est bonne mais hélas oui, mon éternuement s'estompe et rien n'est plus frustrant pour moi. Les pirates rodent partout mais on nous cantonne à de la manutention ou ici et là à des tâches subalternes. Je reste calme à l'extérieur mais en mon fort intérieur, je bouillie d'aller éternuer sur ces pirates, petits et grands sauf que ces messieurs en haut lieu préfèrent leurs machines "Pacifista" à nous. Nous sommes devenus encombrants pour eux ! C'est un non sens total.

    Je reste muet et pour cause, ce n'est pas le moment de le contredire et d'ailleurs, je pense comme lui. Je commence mon auscultation. Vêtu c'est un monstre, torse nu, c'est un monstre sur-musclé. Je commence à comprendre ce qu'il entend pas "s'occuper comme on peut". Sa musculature était déjà formidable par le passé, elle est désormais colossal. Je révise mon anatomie en voyant des muscles qui sont d'habitude bien camoufler dans le corps. Quelle puissance... C'est une machine de guerre, un lion à qui l'on demande d'être végétarien. Connaissant son tempérament, j'imagine combien ça doit être douloureux pour lui. Ce que je vais lui annoncer, risque d'en rajouter une couche... J'ouvre la bouche mais il me coupe la parole.

    Au fait, pourquoi faire notre visite médicale avec trois mois d'avance ? Vous qui êtes la régularité incarnée, y a t-il quelque chose de spécial ?

    On ne peut rien vous cacher amiral. Je quitte la marine et de ce fait, votre division. J'ai l'aval du QG de la section scientifique. Cette visite anticipée est mon pot de départ. Je tiens à vous remercier pour toutes ces années que nous avons passés ensemble. Vous êtes un grand leader, je suis honoré d'avoir servi à vos côtés et ne vous méprenez pas sur mes intentions, elles sont louables. Je retourne rebâtir l'académie de médecine sur Drum.

    Hmphf

    J'assurerai vos prochaines visites médicales depuis Drum, c'est entendu également avec le QG. A ce propos, j'ai une offre à vous faire. Délocalisez votre division et venez avec moi sur Drum. Vous êtes les bienvenue. La marine cherche à y implanter une base depuis belle lurette. Les événements de Drum ont ouverts une porte et le QG en a profité. Actuellement il y a un équipage de la marine là bas qui fait des "réparations" sur son navire. Ce n'est qu'un prétexte et il ne sera pas éternel, le Roi est fermement opposé à l'installation d'une base du gouvernement sur son royaume. Si vous débarquez avec votre division sous couvert d'une mission humanitaire pour aider à la reconstruction  de l'académie, le Roi n'osera pas s'y opposer de peur de se mettre les toubibs 20 à dos et le QG de la marine sera ravi d'avoir enfin sa base là bas. Une fois l'académie reconstruite, vos hommes seront vu pas la population d'une façon positive et le Roi ne pourra plus alors vous chasser sans être traité d'ingrat. Vous faites deux pierres d'un coup, vous retrouvez une division active et complète et vous retrouvez une activité car ça n'en manque pas sur Drum. De plus, beaucoup de jeunes pirates en provenance des blues passent par chez nous, vous y serez beaucoup plus utile qu'aujourd'hui à faire office de grues et porte-charges. Qu'en dites-vous ?    

    L'offre est alléchante, si je demande à l'Amiral Fuuryuko ça peut passer. Je dois réfléchir. Nous en avons fini ?

    J’acquiesce de la tête, son bilan de santé est plus que positif, il rutile et montre une forme scintillante. Je valide son dossier que je classe dans mon sac et je lui demande de me faire appeler Lotar. Nous nous saluons avec les formes, lui aussi me quitte pensif.
      Je me sens vieux en regardant les petits humains mais devant Prof, je prends toujours un coup de jeune. Du haut de ses 290 ans, il est surement l'aînés de notre peuple. Mon respect envers lui est immense, tous mes diplômes ne sont rien à côté de son histoire. J'aime l'entendre me raconter le "passé". Pas celui des livres qui restent génériques mais le passé réel, comment les gens vivaient, se battaient, se soignaient, etc. C'est un puits d'information que je ne cesse de regarder à chaque visite. Prof est de par son histoire un être de paix bien que jadis, il fut la main du chaos comme il le dit lui même. Plus les ans passent, plus il s’adoucit. Je le remarque dans la tonalité de sa voix. Il n'est pas grabataire, loin de là, il est d'une force et d'une prestance remarquable. Si j'arrive à la moitié de sa forme à son âge, je m'estimerai chanceux. Un seul point m'inquiète depuis toujours et il continuera de le faire, c'est son cœur, j'entends un souffle résiduel au ventricule droit sans même poser mon stéthoscope sur son torse. Héritage d'une folle jeunesse et d'excès en tout genre j'imagine.

      Bonjour lord Drakul, je vois que vous transpirez la forme, la prostate ne vous fait pas trop souffrir ?

      Cesse donc de me taquiner jeune coq et garde tes salamalecs pour les gradés ! Tu verras à mon âge, enfin si tu y arrives, la gueule que t'aura. J'arrive encore à battre Frodo au concours de boisson alors laisse ma vessie tranquille !

      Hahaha, j'arrête j'arrête.

      Je l’ausculte, lui prend sa tension et lui fait une prise de sang afin de vérifier ultérieurement quelques bricoles, comme le diabète. Je vérifie ses articulations, tout va bien. Il reste étonnamment souple et ne souffre d'aucune ostéoporose. Quand je le vois, si serein, il me rappelle mon grand-père.  

      Vous allez me manquer Prof.

      Tu te ramollis fiston, j'ai pas encore un pied dans l'drakkar funèbre.

      C'était pas à ça que je pensais. C'est pas vous qui partez, c'est moi. Je retourne sur Drum m'occuper de l'académie de médecine.

      Allons bon, t'es pas un peu maboule des fois ? Faut pas quitter la marine comme ça, c'est pas bon pour tout le monde, je sais que tout n'est pas rose mais si il n'y a plus de géants dans la marine, on va au delà de graves ennuis.

      Expliquez moi.

      Pour un médecin, je trouve que tu lis pas beaucoup de livre mon gars. C'était il n'y a pas si longtemps, j'étais jeune...

      Tout est relatif

      Cesse de m'interpeller frisotin. Avant, il n'y avait que peu de monde sur ce qu'ils appellent le Nouveau Monde. Nous les géants d'Erbaf, nous étions les maîtres de ce territoire et quelques fois, des explorations nous rapprochaient des humains. Nous étions craint tels des dieux. Les livres des petits humains nous dépeignaient comme des monstres sanguinaires. Et je dois avouer qu'ils n'étaient pas vraiment dans le faux. Notre assurance était à notre hauteur, colossal. Rien ne nous faisait peur alors nous en profitions pour piller, voler, tuer en toute impunité. Nous étions classifiés dans les manuels au même rang que les Roi des Mers, c'est te dire la bienveillance que l'on nous portait..

      Ce n'est qu'un au revoir Giant-monsters-boogie-men-scary-illustration-drawing-john-kenn-don-post-it-note-_imagesia-com_p7b2
      Illustration trouvée dans un manuel scolaire humain d'époque.

      Mais un jour, un homme dont le nom n'est qu'un lointain souvenir a tué l'un des nôtres. L'humain était moins fort mais plus rusé, il a tendu un piège sournois et a réussi à abattre l'un des nôtres. Notre Roi, qui plus est. Fous de rage, nous nous sommes vengés sur une ville humaine qui aujourd'hui n'est plus. Nous avons attaqué à la nuit tombée. Leurs armées furent décimées et toute la ville fut vandalisée. Notre acte de vengeance entraîna des représailles et la vengeance en appelant à une autre, les géants devinrent les ennemis des humains. Nous n'étions plus des monstres à leurs yeux, nous étions désormais une menace à exterminer.

      Ce n'est qu'un au revoir 606-max_imagesia-com_p7g8

      Pendant une décennie, nous enchaînions les guerres, embuscades, raids, en pure pertes. Tout ce que l'on ramenait n'étaient que des morts. Notre peuple si fier et si présomptueux créa son propre Némésis en voulant se croire supérieur à l'humain. Au final, beaucoup de tristesses et de larmes furent versées sur Erbaf. C'était un cercle vicieux et il fallait y mettre fin sans quoi, nous courrions à notre extinction. Je fus chargé par le nouveau Roi d'Erbaf d'aller négocier une paix durable avec les humains. Chose qui fut faite sans trop de difficultés. Tout le monde en avait marre, ça ne rimait à rien tout ce sang versé. Même moi, fier guerrier, je me rendais compte de l'étroitesse d'esprit dont nous faisions part. J'avais perdu deux fils contre les humains, j'étais las de tout ceci. N'ayant plus d'attache sur Erbaf, je me fis porter volontaire pour intégrer la marine humaine et ainsi, nous représenter aux yeux des humains, pour qu'ils comprennent que nous étions comme eux, en plus grand. Les cinquante premières années ne furent pas sans rancœurs, pour eux comme pour moi. Mais deux générations après, tout allait déjà mieux, les plaies avaient cicatrisées et la paix était revenue. Désormais et grâce à notre prestation avec la marine, les géants ne font plus peurs et sont considérés l'égaux des hommes. Voilà pourquoi tu ne dois pas nous quitter. Tu te dois de poursuivre mon oeuvre, tu entends jeune pousse ?  

      J'entends et je comprends votre point de vue. Je connaissais cette histoire mais racontée par vous, c'est autrement plus saisissant. Merci pour cette tranche de vie et rassurez vous, j'essaye moi aussi de pérenniser votre héritage. Je travaille dur pour soigner les humains malgré ma taille disproportionnée. En faisant de la médecine, je contribue à votre oeuvre.  

      Oui, c'est pas faux mais la marine reste beaucoup plus représentative, c'est un modèle pour les humains. Une assurance pour la paix. Tu devrais réfléchir car il suffit que les hommes de bien ne fassent rien pour que le mal triomphe.

      Je reste sur mon idée mais je vous promets de méditer vos sages paroles et d'en faire un leitmotiv. Vous pouvez vous rhabiller maintenant. Tout est parfait, vous êtes en pleine forme, apte au service pour les trente prochaines années au moins !

      Haha, vil flatteur !
        Ce qui est bien avec Osfrid, alias Grincheux, c'est qu'au premier coup d'oeil, vous pouvez savoir si il est dans ses bons jours ou non. Visiblement aujourd'hui est un jour sans. Faudra que je m'y fasse, comme souvent d'ailleurs. Il traîne des pieds et ronchonne en me disant bonjour, il semble ruminer quelque chose. Je fais mine de rien et je continue ce que j'ai à faire. Je peux voir qu'au premier coup d'oeil sa corpulence s'est développée, lui qui n'était déjà pas très fin, il semble maintenant engoncé dans ses vêtements. Il a gagné un double menton et ses doigts ressemblent plus à des saucisses qu'autre chose. Enfin, de très grosses saucisses, ça reste un géant quand même. Quand il se déplace, tout gigote, on dirait un gâteau à la gélatine. Faudrait que je lui fasse une prise de sang pour contrôler sa glycémie mais j'imagine que ça va être très compliqué... Je cherche les mots pour lui demander gentillement et lui faire comprendre que c'est important. Il ne me regarde même pas, il est perturbé et finit par cracher son malaise en pivotant sa tête et en me regardant.

        Osfrid Eldjárn
        Grincheux



        Tu rends compte ! Moi jardinier ! Voilà un mois que je coupe des saloperies d'arbres.

        Bûcheron

        Quoi ?

        Si tu coupes des arbres, tu es un bucheron, le jardinier, c'est pour le jardin.

        Pareil, ils sont petits les arbres, et m'énerve pas l'toubib ! J'ai du respect pour toi mais ça va pas m'empêcher de te coller une mandale.

        Je le sais, allonge toi que je t'ausculte, si il te plaît.

        Bha il me plaît pas

        Osfrid...

        Ouais ouais, Osfrid par ci, Osfrid par là, ça commence à m'gonfler. J'suis un guerrier, pas un putain de jardinier. C'est moi qui m'colle ça car Gunvor voulait pas l'faire. Sur le coup j'ai bien ri, j'ai cru que c'était une mauvaise blague qu'on lui faisait. L'ingénieur naval qui lui a demandé ça a de la chance qu'on surnomme sa hache "Timide" sans quoi c'est pour son cercueil qu'on aurait du aller couper du bois. J'ai beaucoup moins ri quand Arnald m'a confié le boulot; Pff...

        Construire des navires est un but louable... Plus que la destruction de qui ou quoi que ce soit. Non ?

        Mouais... Ça me démange de me casser de la marine, retourner sur Erbaf pour mettre quelques baffes.

        En parlant de quitter la marine... Je m'en retourne sur Drum, j'ai suggéré à Arnald de muter la division là bas. Vous seriez mieux au grand air qu'ici à tourner en rond.

        Enfin un mec qui pense à nous ! J'comprends que tu partes, moi aussi les humains me répugnent. J'espère que le chef va te suivre car t'es un mec en or que j'apprécie. J'voudrais pas te perdre de vue.

        Aucun risque et tu sais que c'est réciproque. Et c'est justement pour me consacrer un peu plus aux humains que je quitte la marine.

        J'sais pas comment tu fais. Ils sont tellement riquiquis et pourtant, ils te regardent de haut, comme si tu n'étais qu'une sous-merde.

        En te mettant à leur taille, tu en apprendrais beaucoup sur eux.

        Tu es surement dans le vrai mais tu vois, j'bouffe pour quatre pour compenser l'inaction alors j'peux plus trop me baisser. Héhéhéhé

        Osfrid, ton sens de l'humour devrait lui aussi faire un régime sec.

        Salaud haha ! Je peux y aller ? J'ai la dalle.

        Oui, tu peux mais essaye de faire autre chose que manger, ça ne te fait pas du bien. Tu devrais essayer la lecture...

        J'sais pas lire.

        Ok...


          La discussion a un peu duré avec Osfrid, derrière son côté rochon se cache une personne franche et sincère. Si tout le monde pouvait être comme lui, on y gagnerait tous. Le suivant par contre, est pour moi un mystère. On l'appelle Frodo mais personne ne connaît sa réelle identité. Il se murmure même qu'il n'est pas d'Erbaf et ça ne m'étonnerait qu'à moitié. Pourquoi c'est un mystère ? Car on ne sait presque rien sur lui, il ne parle presque jamais et se contente d'avoir une attitude oisive. Son seul intérêt semble être la maltraitance de son enveloppe charnelle. Son hygiène est inexistante, c'est un calvaire. On dirait un clodo, c'est un supplice à chaque fois que je dois lui faire un bilan de santé. Il y a tant à dire, tout autant à écrire... Il ne prend pas compte de mes remarques, il semble imperméable à la critique. Cependant, il est redoutable au combat, quand il daigne en prendre part. Il n'égale pas nos grosses brutes de la division mais c'est une sacrée tête. Foutrement bien bâtie qui arrive à faire des miracles. Je l'ai déjà vu faire des équations complexes sur une voile de cuirassé avant de se moucher dedans. Il est assez répugnant et aujourd'hui ne déroge pas à la règle. Rien qu'à l'odeur je sais que c'est lui. Quand il gratte sa barbe, on s'attend toujours à voir sortir des animaux coincés dedans. Les civilités sont méconnues à ses yeux, au même titre que le mot civilisation je crois bien...

          Frodo
          Simplet



          Bonjour Frodo, j'imagine que le savon que je t'ai offert l'autre fois est encore dans son emballage ?

          ...

          Hum... Ouais, bon, comme d'habitude, tu connais la routine, enlève tes... frusques, si il te plaît.

          Il le fait avec une lenteur agaçante. Je constate encore une fois des plaies suintantes lié au manque d'hygiène. Je désinfecte abondamment, il grogne de douleur, rien à foutre, j'insiste. Il a des escarres sur tout le corps, des champignons poussent à même ses aisselles. Il ressemble plus à un troll qu'à un géant. Je ne sais plus que faire de lui, il n'est pas méchant mais on dirait qu'il vit sur une autre planète. Ses yeux sont injectés de sang, si je lui faisais une prise de sang, j'suis sur que je décèlerai des substances prohibés. Pour l'alcool, je sais que dès que je transmets les convocations, il est placé sous la surveillance de Prof pour le sevrer.

          Frodo, ton bilan de santé est catastrophique, tu vas finir pas avoir une grave infection. Tes pieds sont noires, on dirait qu'ils sont à moitié moisis, tu risques l'amputation si tu poursuis sur cette route. Essaye de te laver comme je te l'ai déjà dit l'année dernière. Va te baigner dans l'eau de mer au moins une fois par semaine.

          ...

          Toujours aussi loquasse... Tu sais que c'est frustrant ?

          ...

          Bon... t'es apte au service mais je t'avoue que je me demande pourquoi ils ne t'ont pas encore viré, ton uniforme est sale à en crever. Je suis sûr que tu ne t'es pas changé depuis l'année dernière. Franchement, c'est immonde, tu pues. Les autres doivent être habitué et comme tu couches dehors personne ne dit rien mais au moins, je sais pourquoi c'est à toi qu'on demande de surveiller le bétail. T'es pareil qu'eux niveau odeur. Tu empestes.

          ...

          Je n'ai même pas envie de continuer à lui parler, je parle à un mur. Je ne lui apprend même pas pour mon départ, il n'en aurait rien à faire, c'est certain. Je lui fais un signe de la main pour lui dire de déguerpir et je me pince l'arête du nez. Il est fatiguant, c'est un gros bébé de 15 mètres de haut qui n'est même pas propre. J'avais déjà eu une discussion houleuse avec Arnald à son sujet et au final, il comprenait mes arguments mais ne pouvait pas les accepter car Frodo était un atout malgré ses défauts évidents. J'ouvre la porte arrière du hangar pour aérer un peu mon espace de travail car ça fouette vraiment trop. J'en profite pour faire une petite pause et regarder l'activité des humains sur les dock de Marine Ford. Ce sont des fourmis qui chargent et déchargent les navires de guerre. Moi aussi je vais bientôt grimper sur un navire. Plus que 3 patients à voir. Espérons qu'ils seront plus intéressant que Frodo...
            Rien ne m'énerve plus que les gens quine prennent pas soin d'eux alors qu'ils le peuvent. La santé est tellement fragile pour certain qu'il est insoutenable de voir quelqu'un qui n'a aucun problème en particuliers gâcher un tel trésor. Frodo m'a toujours agacé pour ça, je l'apprécie bien, sauf le jour de la visite médicale annuelle. Bref... passons, il faut que je passe à autre chose, ou plutôt à quelqu'un d'autre. Quelqu'un de plus vivace et il me semble que Magnus fera parfaitement l'affaire. Je l'appelle et avant même d'avoir le temps de finir son nom, le voilà déjà devant moi.

            Magnús Sigríðarson
            Dormeur



            J'suis trop au taquet Doc !

            Je vois ça ! Que t'est-il arrivé ?

            Arnald m'a réveillé ce matin en me jetant un cuirassé à la tronche.

            Ha d'accord...


            Magnus est narcoleptique, il s'endort à peu près n'importe où et n'importe comment. J'ai souvenir de lui lors d'un repas à l'amirauté. On avait convié toute la division géante à table pour fêter une mission réussie. Frodo s'était lavé, enfin, on l'avait aidé à se laver... Tout le monde était sur son 31, tout le gratin de la marine était là. La salle de réception pourtant si grande peinait à contenir notre division en entière. Tout allait bien jusqu'à ce que Magnus s'endorme brutalement et chute en plein sur le banquet, explosant le buffet et le dispersant dans l'ensemble de la pièce, sur les invités y compris. Depuis, étrangement, nous n'avons plus jamais été convié à une seule réception à l'amirauté...

            Mais aujourd'hui il est en pleine forme, bien éveillé alors j'en profite, je discute un peu avec lui. Il est sympa, il est vraiment abordable, surement l'un des plus sociale d'entre nous. Il est un peu tête en l'air mais sinon c'est un vrai ange gardien. Jamais un mot plus haut que l'autre, toujours prêt à rendre service et à aider. Son caractère est vraiment une aubaine pour la marine, j'espère qu'ils le savent. En attendant, son auscultation est tout à fait positive. Il est en pleine forme mise à part sa narcolepsie. Il s'en ait d'ailleurs très bien acclimaté puisqu'il a développé le Tekkai quand il dort de façon à ne pas être trop dérangé. Car ce qu'il essaye de nier c'est qu'il adore dormir et glander. C'est un gentil fainéant, il veut bien vous aider mais si vous pouvez vous passer de lui, ce n'est que mieux. Il me fait beaucoup rire avec ça d'ailleurs. Il est d'une mauvaise fois à ce sujet, c'est magnifique, j'en ris à chaque fois. Allez hop, lui aussi je signe apte pour le service. J'griffonne la feuille et j'vais pour lui annoncer que je quitte la Marine quand celui ci se met à siffloter une musique que je connais. Mon stylo se fige, je le regarde, il me regarde en continuant de siffler. Je reconnais cette musique, comment lui peut-il la connaître ? Il voit bien que je le dévisage avec stupeur. Il s'arrête de siffloter et me demande si je vais bien.

            Magnus, où as-tu entendu cet air ?

            Bha quoi ? Qu'est-ce qu'il a cet air ? C'est rien...

            Réponds ! Je te prie, c'est important pour moi.

            Bha c'est Stigand qui siffloté ça l'autre jour, ça m'est resté en tête, voilà tout.

            Stigand ? Le Stigand ? L'autre jour ?

            Yep... C'est quoi le malaise Doc ? Je l'ai vu l'autre jour sur Grand Line, il te salue d'ailleurs. Il m'a dit qu'il passerait te voir bientôt à propos d'une affaire.

            ...


            Il continue à parler mais je ne l'écoute déjà plus. Mon esprit est concentré sur un autre géant. Stigand, le messager d'Erbaf. Je l'avais presque oublié lui et pourtant, il plane sur moi comme une épée de Damoclès. Je l'ai revu l'année dernière et je m'en serai bien passé. Sa présence dans le secteur n'augure rien de bon et le mot laissé à Magnus à mon intention certifie le cataclysme approchant. Je congédie Magnus qui ne tient plus en place et je m'isole un peu.

            Quand le messager parle, on l'écoute.
              Les propos de Magnus résonnent encore en moi. J'étais déjà dissipé après avoir ausculté Frodo, maintenant je suis carrément préoccupé. Il faut que j'en finisse et que je me mette en route. J'essaye de me concentrer même si ce n'est pas simple. Trop de nostalgie, trop de projets, je perds un peu les pédales. Je fais venir le sage Gunvor. Avec lui tout est simple pour peu que l'on parle de nature et d'animaux. Il me fait rire, dans sa barbe il cache une volière. D'habitude on parle beaucoup mais pour cette fois je me contente des rudiments, quelques civilités et je lui annonce surtout mon départ de la division et mes projets. Il me félicite et me demande de ne pas trop couper d'arbre pour reconstruire l'académie. Je lui en fait la promesse. Il est content, moi aussi, son état de santé est bon même si une note d'hygiène ne ferait pas de mal.  

              Merci Gunvor pour ces bons moments, ce n'est qu'un au revoir ?

              Espérons le mon ami.


              Ensuite je fais entrer Bernulf, le plus capricieux. Il a dans sa main une vache totalement terrifié, il la grattouille comme un enfant chatouillerait son hamster. Je le regarde, dubitatif, il m'informe que ça fait partie de sa thérapie. J'hausse un sourcil, il m'explique qu'il ne doit pas l’abîmer sinon Gunvor lui en colle une. Logiquement, il pourrait tuer Gunvor mais après il aurait à faire avec Arnald dont j'imagine qu'il se tient à carreau. L'est pas très futé Bernulf et heureusement qu'il s'est calmé car au début, j'en ai chié pour l'ausculter. Là aussi je fais vite, je lui explique que je pars mais sans rien divulguer, après tout, il n'a pas à le savoir si le projet de délocalisation échoue. Je reste toujours sur mes gardes avec lui et je ne suis pas le seul d'ailleurs, l'ombre de Gunvor se profile dans les voiles des navires qui me servent de rideaux. J'signe son papier et j'range mes affaires, voilà, j'en ai fini de mon boulot pour la Marine. C'était ma dernière corvée. J'passe le rideau de voiles les yeux rivés à mes chaussures. Fait chier, la mélancolie m'envahie, j'pensais bien avoir à l'affronter mais bien plus tard, en regardant Marine Ford s'éloignait à l'horizon. Visiblement, c'est plus précoce. J'reste digne quand même et j'fais face à ma Division, mes amies. Ils sont tous là, me faisant face, comme la première fois que je les ai vu il y à cinq années de cela.

              Merci

              Merci à toi Doc, sans toi, on aurait clairsemé les rangs depuis quelques temps

              Mais non, vous êtes robustes. J'espère que vous ne prenez pas trop mal ma décision. Sachez le bien, c'est pour un objectif qui m'est cher que je fais ça, pas par plaisir. Je vous apprécie les gars.

              C'est réciproque, on est tous un peu sur les fesses mais bon, c'est ainsi.

              J'garde des souvenirs précieusement incrusté dans ma carcasse et j'espère bientôt vous revoir sur Drum, vous y serez toujours les bienvenue. Maintenant, il est temps pour moi d'y aller. J'ai enfilé ma tenue civile comme vous pouvez le constater, j'ai laissé derrière les rideaux mon uniforme. C'est une page de ma longue vie qui se tourne. Place désormais à ce que je sais faire de mieux.

              Boire ?

              Hahaha... Allez messieurs, trinquons et ensuite je file.


              Il n'y a pas d'au revoir sans un verre chez les géants. C'est une tradition et je m'y plie sans rechigner. Un petit remontant me fera du bien... Trois heures plus tard, j'suis légèrement cramoisi et j'déambule sur les quais à la recherche de la chaloupe (une ancienne caravelle modifiée) que l'on m'accorde en guise de cadeau de départ, merci Ambroise. J'crois quelques officiers, ils ont l'air choqués que je ne les salue pas de façon réglementaire. J'avoue être dans mes songes et ce n'est qu'une fois sur la caravelle que je reprends mon sérieux. je me mets à ramer pour quitter le sanctuaire de la Marine. Je repense à tout ce que j'ai fait grâce à la Marine. J'ai voyagé et rencontré des tas de gens incroyables. J'ai œuvré pour la justice et la sécurité dans ce monde, modestement mais tout de même. Je suis vraiment nostalgique maintenant. Un mélange de bons moments et d'épreuves. Si je devais le refaire ? Sans l'ombre d'un doute. Mais désormais, ma tête n'a plus qu'un objectif et il est temps d'en convoquer les protagonistes. J'ouvre mon sac et j'dépose délicatement des DenDen sur le pont de la caravelle. J'ouvre une conférence téléphonique.  

              Chères consœurs et confrères, voici pour vous venu le temps d'un retour sur Drum. Je compte sur vous, le Roi organise une cérémonie pour commémorer le premier anniversaire des événements.