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Howling Dogz

Putain. Fais chier. Il pleut.

Après c'te croisière surprise, on avait tous besoin d'un petit peu de repos. Ces fous, ces sauvages tribaux, toute cette violence, tous ces cadavres... Truc de taré. Personne n'a aimé ce voyage. Personne n'aurait pu aimer ce voyage. Et moi, moi... Je m'attendais pas à ressentir ça.

On était tous lessivés, et tous nos vêtements puaient le sang et la saleté. Jamais vu autant de rouge sur du gris. Jamais vu autant de têtes sur des lances. Jamais vu une ambiance pareille, moi. C'en était presque beau. Et c'est pour ça qu'on est venu ici. Il nous fallait du repos de tout ça. Marre que tout le monde veuille notre peau, marre de se dire qu'en une journée, on a failli y passer trois fois. Marre de se dire que la prochaine, c'est pas sûr qu'on fasse les bons choix. C'est même pas sûr qu'il y ait un bon choix. C'est même pas sûr qu'on puisse le reconnaître. Marre de pas être sûr, marre de réfléchir, marre de penser de cette manière, tout simplement. Alors on est venu là.

Putain. Fais chier. Il pleut.

Ouais. Quand on est arrivé, on était plus épuisés qu'autre chose. Nos sourires factices qu'on instaurait, pour pas perdre la face. Ce faux sentiment d'assurance, parce qu'on est encore vivant. Cette reconnaissance sans cible, ce sentiment d'être vivant, de s'en être sorti. Cette joie qu'on aurait voulu ressentir. Conneries. Je sais pas pour eux, mais moi, tout me paraissait faux. Tout n'était que vaste mensonge. peut-être que j'ai pas les bonnes lunettes pour voir le monde ? Peut-être que j'me rend pas compte de tout ? J'en sais rien. Mais j'en ai rien à faire. Moi, ça m'a juste paru mensonger sur le coup, hypocrite, factice. Et je pense pas pouvoir être quelqu'un d'autre que moi, au final.

Je n'en veux pas, aux Despe, faut pas croire. Loin de là. Et d'ailleurs, je râle, mais j'aurais sûrement ressenti tout ça en temps normal. Pour de vrai, cette fois-ci. Mais non, non, non. C'est pas le cas. Donc moi, j'ai besoin de ma dose de réalité. J'ai pas envie de rester là, dans c'te foutue ville trois fois trop calme, pour un repos que j'aurais jamais, avec une famille qui cherche autre chose que ce que moi je veux trouver, pour le coup. J'ai pas besoin de ça. J'ai pas envie de panser mes blessures, d'être reconnaissant, ou d'apprendre de celles-ci. J'ai pas besoin de ça. Je veux ma dose de réalité. Je veux me rappeler que cet univers veut ma peau. Je veux me rappeler que chaque seconde est une bouffée sur la cigarette que je suis, je veux me rappeler que chaque pas sera peut-être mon dernier si je fais pas gaffe. Ce monde me veut mort. Si je l'oublie, je suis foutu.

Je tire sur ma clope. Une grosse bouffée. La voilà. La seule dose de réalité que j'ai sur Kage Berg. Une clope sous la pluie. Et je les sens, ces gouttelettes acérées qui martèlent mon corps. Je les sens, ces quasi-grêlons qui veulent me déchirer. Peut-être que j'ai pas les bonnes lunettes pour voir la vie. Peut-être bien. Mais j'ai pas l'impression que je serai heureux un jour. J'ai pas l'impression que je pourrais respirer une seconde, non. J'ai pas l'impression que d'avoir ce luxe-là. Aucun d'entre nous d'ailleurs. C'est ce que je pense. peut-être que c'est que sur le coup, peut-être que j'me trompe. En tout cas, je veux pas me mentir à moi-même. Sur un monde où tout est discutable, je veux au moins pouvoir être sûr d'une chose. Avoir un point fixe. Un 0.0.0. Et vu que tout est discutable, alors que ce point soit moi. Je serai ma vérité.


Tiens. Une fille. Elle marche dans ma direction. Ou je marche dans la sienne, au choix. Au sein de cette plaine abandonnée, trois fois trop calme pour ce que c'est. Qu'est-ce qu'elle fout là ? Ah, et puis merde qu'est-ce que j'en ai à foutre, au fond. Je suis pas en état de parler, de faire comme si de rien était. Ça m'a jamais intéressé d'être factice. Mais bon. Faut dire qu'elle passe pas inaperçue.

Des sacrées formes, c'te nana. Des habits qui rendaient honneurs à celles-ci aussi, sans passer dans le vulgaire. Un pull, tout ce qui a de plus simple. Une cigarette. Une posture un peu timide. Je vois pas ce qui était intéressant. Ah, un œil en moins aussi. Bon, ça au moins ça sortait de l'ordinaire. C'était peut-être ça. Ou peut-être pas. Peut-être que je me fais des idées. Je vois pas ce qui m'intrigue chez c'te fille. J'me suis peut-être trompé. Je passe à côté d'elle, sans dire un mot.

Et soudain, une autre sensation. Un sentiment de fragilité désespérée, un sentiment... étrange. Un truc s'émanait de cette fille, un truc... Un truc. Je pourrais pas dire plus. Un truc qui cloche, un truc qui change, un truc particulier. Ça me laisse pas de marbre. Je pense que ça doit être ça. Comme les fumeurs reconnaissent leurs semblables, j'ai peut-être trouvé de la folie dans ce p'tit bout de femme. Et je sens comme une connexion, comme une ressemblance malsaine.  Comme un lien qui se forme entre cette inconnue et moi. Comme... Comme...

Et je continue de marcher. Je me fais sûrement des idées. Et puis de toute manière, quelle importance ? On se serait oublié à la fin de cette conversation. Les fous, les fous, ils sont jamais très stables. On se serait tout simplement oublié. Mais... Remarque, vu qu'on se serait oublié, qu'est-ce qui changerait si on se parlait ? Si on se confiait, entre tarés ? Et puis, pour aller dans l'absurde, même si on se caressait en se chuchotant qu'on allait se mutiler sauvagement, qu'est-ce qui changerait ? On se serait oublié de toute façon. Je peux pas être le seul à ressentir ce truc. Alors pourquoi pas ?

Je m'arrête alors, et je me retourne. Je l'interpelle, avec mon large sourire plein de dents, qui n'est propre qu'à moi.

"Et si ma seule envie à ce moment, c'était de déchirer ta nuque avec mes dents ?"


Dernière édition par Axel "Chainsaw" Giriko le Mer 2 Juil 2014 - 23:31, édité 4 fois
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Kage Berg. J'avais aucune idée de ce que j'étais venue foutre là. Des vacances, drôles de vacances. Cet endroit était paumé, un véritable trou de verdure dans l'océan. De la verdure, plein de verdure et pas un péquenaud à l'horizon. Juste de l'herbe, des champs, une humidité ambiante qui me collait à la peau et ne voulait pas se lâcher. Comme on visite un monument touristique, j'avais fait le tour de l'île en long et en large. J'avais trouvé l'une des seules auberge du coin en arrivant, avec ses tarifs ridicules qui montraient bien à quel point les voyageurs se faisaient rare dans le coin. Et puis en fin de compte je m'étais paumée, dans la nature, dans ces herbes hautes et ces chemins boueux, au croisement de deux voies ridicules, au croisement des deux seuls chemins qui devaient exister dans ce bled. Mais finalement j'avais ce que je voulais, ce qui s'était fait rare dernièrement, cette solitude, cette quiétude, cette plénitude qui me revigorait. Ces dernières missions s'étaient avouées prenantes et m'avaient exténuée : pas de la fatigue non, mais des autres. J'avais juste besoin d'être seule, avec mes pensées, là. On m'avait conseillé cette île, Kage Berg, pour ça, on me l'avait dit que ça serait désert. Mais je pensais pas que ça le serait autant.

Je déambule, donc, profitant de ce grand bol d'air frais, qu'aucun être corrompu ne partage, qu'aucun pirate ne saccage. Tous coupables, tous pirates ; qu'importe les titres qu'ils se donnent, ce sont tous les mêmes, tous des criminels, tous des pirates. Alors désormais, je ne fais plus d'exception, je ne cherche plus à entendre leurs mensonges, ni à les comprendre. Je sais que cette force, ce manque d'humanité, c'est ce qui caractérise les bons agents du Cipher Pol. Je ne suis plus cette misérable fillette malhabile, non, je n'accorde plus aucun pardon. Et j'applique le code : tous pirates, tous coupables.

« J'aimerais voir cette île flamber ! » s'exclame une voix dans mon crâne.

Tranquillement, je sors une cigarette que j'allume. Non, cette île ne flambera pas, non, non. C'est vrai que c'est si tentant de détruire les choses, mais ça serait devenir pirate. Détruire des îles, détruire des villages, détruire des vies. Des fois je me demande ce que tu es vraiment, Bachibouzouk. Es-tu coupable, toi-aussi, ou juste à l'opposé de ma personnalité ? Toujours à me contredire, toujours à me rabaisser. Mais depuis quelques temps tu te fais moins présent, depuis quelques temps ta voix résonne beaucoup moins dans mon crâne. Les crises s'espacent, je le remarque et une simple cigarette suffit à les éteindre. Juste une petite dose de nicotine, pour diminuer le stress, pour faire taire cette voix. La fumée emplit ma bouche, fait le chemin jusqu'aux poumons et ressort paisiblement par le nez, dans ce paysage paisible, sous ce temps misérable mais paisible tout autant. Les gouttes de pluie ne sont pas violentes, elles ne s'écrasent pas comme des petites lances et vous provoquent des hématomes gros comme mon pouce, comme c'est le cas à Logue Town, non, c'est juste de la pluie. De la pluie banale, automnale, de la rosée.

Avançant dans l'arrière pays, je garde les yeux rivés sur le sol. C'est à peine si je vois venir vers moi un homme roux de grande carrure, si je le vois me croiser, si le fait qu'il darde sur mon son regard étrange me surprend, tandis que le mien ne se détourne pas des flaques qui parcourent le chemin. Curieuse quand même, je lève les yeux au dernier moment, rencontre son regard et la haine qui l'habite. Cette envie de sang qui dissimule quelque chose. Quelque chose que je connais bien, d'ailleurs, car c'est la différence. Lui aussi, lui aussi est différent. Mais bon, intérieurement, je hausse les épaules, je continue mon chemin. Des gens différents, il y en a des tas, partout ; c'est juste qu'en trouver un ici, dans cette étendue déserte, c'est étrange. Coup du sort ? J'en sais rien, on verra. Peut-être osera-t-il dire quelque chose : un mot, une phrase ; après tout, on est les deux seuls sur terre, cette terre. Et alors je m'arrêterai.

« Et si ma seule envie à ce moment, c'était de déchirer ta nuque avec mes dents ? »

Et je m'arrête, glacée, immobile comme une statue. Instinctivement, ces mot me provoquent des démangeaisons dans le cou, à l'endroit menacé. Par esprit de contradiction ou par insolence, j'ai envie de tout laisser là, de rester dos à lui, de lui tendre ma nuque, juste pour le plaisir de faire selon ses souhaits. Mais bon, ça serait pas intéressant, comme ça. Alors je me retourne, finalement, nos regards se rencontrent à nouveau, se sondent, s'apprécient. Dans ma tête, les questions s'enchaînent : qui est-il ? que veut-il ? se battre, me saigner à mort ? et pourquoi ? J'espère pas, je suis pas d'humeur. Aujourd'hui, je veux conserver mes armes dans mon dos, je les veux tues et l'environnement sain, de tout sang, de tout feu, de toute destruction.

« Qu'est-ce que ça peut me faire ? Tu serais déjà mort. » que je lui réponds donc, après ce long moment de silence.

Alors, je me rapproche de lui, lentement, je prends tous les risques, j'aime ça, j'aime ce danger et ses menaces. Le fait que nous soyons tous les deux, là, au milieu de ces prairies, qu'il n'y ait rien que Mère Nature autour de nous, ça m'apaise, me vide tout soupçon, de toute colère, de toute peur. Le gaillard ne bouge pas, ne fait pas un geste, ne menace pas de me mordre la nuque ou quoi que ce soit. J'agis en conséquence, selon mon envie en soit. Je me débarrasse de mon mégot d'une pichenette avant de m'avancer jusqu'à me retrouver à quelques centimètres de lui. Nettement plus petite, je suis là, contre son torse, un grand sourire m'habille le visage ; je penche la tête et les prunelles - ou ce qu'il en reste - plongées dans les siennes je lui demande :

« Et toi, es-tu coupable ? Hum... ? »


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Dim 29 Juin 2014 - 3:36, édité 1 fois
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Hé ben, voyez vous ça. Faut croire que je me suis pas trompé. Je la menace de mort, et elle vient vers moi. Y a vraiment qu'une tarée pour faire ce genre de trucs. Et je le sais mieux que quiconque.

Elle se tient là, plongeant ses yeux dans les miens, et mon sourire s'accentue seul. Comme une possibilité de se laisser aller, de s'ouvrir quelque part. Ce sourire qui transpire la folie. Ces dents qui rêvent de mordre dans une proie toujours plus grande, jusqu'à déchirer la voûte céleste de ses crocs. De mordre le biscuit lunaire, de goûter aux nuages. De dévorer cru chaque petite étoile qui symboliserait une réalité factice. Et ainsi peut-être trouver cette réalité manquante à mon esprit brisé.

Cette soif de liberté, d'action. Cette soif de sentiments pour compenser ceux que je n'ai pas pu trouver. Cette soif qui me semble toujours insatisfaite et qui bientôt pénètre le domaine du physique. S'épanouissant dans la violence, dans la brutalité inouïe d'un désir inassouvi, elle transcende ma raison. Et la seule pensée que j'ai, jeune fille, c'est mes dents qui se plantent dans ta peau et qui deviennent aussi rouges que tes lèvres.

"Je n'ai pas souvenir de ce qu'est l'innocence."

Et sans même bouger, sans m'éloigner d'un centimètre de ce corps qui me fait face, je porte ma cigarette à la bouche et j'aspire. J'aspire, comme pour retenir tous ces tourments qui sont miens. Toutes ces paroles que je ne veux pas dire. Toute cette violence, sans finalité, sans but. Ce chaos magistral. Voilà qu'on se mettait à parler, elle et moi. A demi-mots, sans trop se dire grand chose. Se confiant des secrets sans vouloir se connaître. Des conversations égoïstes, que chaque parti comprendrait comme il l'entend. Mais qu'espérer d'autre de la part de deux fous ?

Et ma main gauche s'approche doucement de son visage. Lentement, entretenant petit à petit cette animosité entre nous. Ce mélange d'instinct de survie et d'amour du danger. Ce mélange de violence et de désir. Et mon pouce parvient enfin au creux de sa joue, l'effleure à peine. Elle ne bronche pas, non. Elle n'aurait pas approché, si elle n'avait pas quelque part ce ressenti qui nous rapproche, elle et moi. Ma main tombe alors doucement dans le vide, et mes lèvres s'articulent. Elle libère cette gorge trop sèche de ce corps trop mutilé.

"Dans ce monde qui déborde de rage et de violence, comment veux-tu ne pas l'être, coupable ?"

Et j'entends mon diable jubiler. J'entend mon démon qui se marre. Il est encore heureux celui-là. Lui, coincé dans l'une des seules parties de moi qui n'a pas été retapée. Coincé dans ma nuque, me défonçant le crâne, triturant mes neurones. Juste assez pour que la douleur reste vive en permanence. Mon épine de Damoclès.

"Je crois que j'ai fini de me mentir à moi-même, à propos de ce jugement sans valeur. Ou peut-être que toi, ces illusions te font encore vivre ?"


Dernière édition par Axel "Chainsaw" Giriko le Mer 2 Juil 2014 - 23:33, édité 1 fois
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Donc il l'était, coupable. Il l'assumait, il le sentait et il savait très bien ce que je voulais dire. Non, je n'étais pas coupable, je n'étais pas pirate et je ne le serai jamais. Plus qu'une classe sociale, plus qu'un métier, le mot pirate désigne tout ce que j'abhorre, tout ce qui me donne la nausée. On peut être coupable sans être pirate, oui, mais dès l'instant ou le jugement est donné on le devient et on le reste, pirate. L'espace d'un instant, tandis que mes yeux demeuraient rivés dans les siens, il alla même jusqu'à effleurer ma joue droite de son pouce. Non, nous ne faisions pas partie de la même espèce.

« Ce ne sont pas des illusions. Si je te tue, là, maintenant, je ne serai pas coupable ; jamais. Pas pour avoir abattu un pirate. Tu es la lie de ce monde. »

Je lève la tête vers les cimes empyrées - tel un Ancien, je contemple - vers celles qui décident, celles qui jugent coupable ou non. Un paradis, probablement pas, un enfer non plus ; juste le destin, qui se tient au dessus de nous et menace de nous tomber dessus, constamment. L'innocence ? Crois-tu que je sois innocente ? Cela va faire bien trop longtemps que je l'ai perdue, cette innocence. Toutes sortes d'innocences, en réalité : ça et l'inconscience.

« Tu sais qui je suis, pourquoi te tiens-tu dans mon chemin ? » complété-je.

Ce ne sont pas des menaces, juste un avertissement. Il est fou, je le suis aussi, mais malgré moi. Les fous sont dangereux, imprévisibles et répugnants. Je suis répugnante, oui, ça m'arrive : d'en vouloir à des gens purs, de parfois juste me soulager en faisant couler du sang. Ça fait partie de n'importe qui, ces pulsions, mais c'est juste plus développé chez moi. Alors je recule d'un pas et dépasse l'homme sur sa gauche. Il ne bouge pas et peut-être va-t-il me briser la nuque ou me planter un poignard dans le dos. Peut-être. J'ai le sentiment de l'épargner, car il est comme moi, car il est intéressant et que ça change de ces individus peu loquaces et violents. Cet homme sait réfléchir, ainsi soit-il ; de toute manière les mots seuls ne suffisent pas à décider qui doit vivre ou mourir. Il faut des actes, il faut du sang. Et le seul sang qui peut couler, le seul sang qui peut décider de notre culpabilité, c'est celui de nous deux, pauvres hères en plein milieu de la route. Je continue donc, un pas, deux pas, trois pas. Lui, toujours immobile, m'attend, me devine. Je m'arrête alors, tourne la tête et prononce ces quelques mots :

« Et plutôt que de rester là, accompagne-moi boire un verre. »

Apprends-moi.
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Tsk. Conneries et billevesées, rien de plus.

Elle me déçoit soudain, cette fille. Mais peut-être que mes espoirs étaient infondés, irréalisables. Peut-être que même fous, nous n'étions pas semblables. Peut-être qu'elle n'est après tout que de la pâtée pour le chien que j'étais devenu. Mais bon.

"Moi ? Dans ton chemin ?"

Je me retourne alors vers elle. Je ne souris plus, non. Je la dévisageais, de haut, le menton en avant et les yeux presque condescendants. Parce que la magie part, parce que la fascination se lasse. Parce que tout change, rien n'est défini. Et surtout pas les rôles qu'elle nous attribue à tous les deux.

"Pas plus que tu n'es dans le mien. Pirates ou Marine, quelle est la différence, au fond ? Qu'est-ce qui justifie la violence si ce n'est l'envie de violence elle-même ?"

Je crois même entendre le petit diable articuler mes mots, dès qu'ils sortent de ma bouche. Pirates, Marine, Chasseurs, Révos... On est tous les mêmes. Rien ne justifie le sang versé, les corps déchirés ou les cadavres qui s'ammoncellent sur le champ de bataille. Rien n'est capable de le justifier. Car nous avons tous nos raisons, nos valeurs, certes. L'homme se bat toujours pour défendre quelque chose, dirait l'autre. Mais ça ne change en rien  la donne. Tous ces actes sont compréhensibles, mais pas justifiables. Et c'est peut-être parce que moi j'ai conscience de ça, que je suis considéré comme fou.

Je ne prône pas la barbarie. A aucun moment. C'est simplement que je ne me mens pas à moi-même. Je ne sais qu'il n'y a aucune différence notable entre chasseur et chassé, entre cavalier et destrier, entre dominant et dominé. Il n'y a aucune différence entre tous ces camps qui se forment sur cette planète, aucune. Tous assoiffés de sang et de pouvoir, comme les êtres humains empoisonnés par le désir, que nous sommes. Je ne suis pas négativiste, je suis réaliste. Ceci n'est pas une généralisation, c'est un constat.

Parce que des cons sur cette terre, il y en a bien trop. Et la première pierre jetée établira toujours un début de guerre.

Alors dis-moi, femme. Où est ta soi-disant morale là-dedans ? Où sont tes belles valeurs que tu défends ? Où sont les gens que tu rends heureux ? Et si jamais tu en trouves, alors regarde de l'autre côté de la barrière, et ose me dire, avec la plus profonde des certitudes, ose me dire que tu as bien fait le bon choix. Ose me dire qu'il y avait un bon choix à faire.

"Il n'y a jamais eu de bonnes décisions. Tu sais de quoi je parle, alors ne fais pas l'ignorante."

Je recule alors, et je craque ma nuque. Je me retourne et me rapproche d'un arbre à proximité. Et je m'y adosse lourdement, tombant de tout mon poids sur le sol. De toute cette centaine de kilos qui ne m'appartenait qu'à moitié. Ma blessure se ravive, cette déchirure sur mon torse. Alors j'ouvre mon mollet droit, et en sors une bouteille de whisky. Du bourbon. De maigre qualité. Je m'en plains pas, ça me suffit. Et je me décoche une rasade.

Je l'avale, rondement, et je sens la caresse douce de la flamenquiste piégée à l'intérieur caresser mon corps meurtri. Je m'en décoche une autre. Et rebelote. Je la vois presque cette danseuse. Juste à côté de mon petit démon personnel. Elle est même en train de lui faire une lap dance. Si ça, c'était pas du symbolisme, ma foi.

Et je reviens à la réalité en ouvrant mes yeux, et en observant ma compagne de misère au loin. Elle n'a pas bougé. Elle me regarde, m'observe, m'écoute. Espèce de tarée.

"Si tu en veux, Querida, va falloir que tu viennes en chercher."

Allez, viens. Rapproche-toi un peu plus du dévoreur que je suis. Rapproche toi un peu plus de mon asile personnel, à l'intérieur de cette bouteille de verre. T'es comme moi, de toute façon.

T'as que ça à faire.


Dernière édition par Axel "Chainsaw" Giriko le Mer 2 Juil 2014 - 23:36, édité 1 fois
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Une fiole, il imaginait que ça m'intéresserait, que noyer ma détresse dans l'alcool était ma lubie, cette façon faiblarde de faire passer la pilule. Peut-être, peut-être ça l'aurait été si je n'avais pas été aussi sensible aux effets secondaires de ce nectar amère, si en plus du mal qui me prenait systématiquement le lendemain, je ne perdais pas tous mes moyens gorgée par l'ivresse. Cependant, c'était cette soif infinie de curiosité qui me fit m'en retourner vers l'homme, adossé à son arbre et lui adresser la parole, répondant ainsi à son envie à peine dissimulée de me voir le rejoindre. Je ne pris pas de rinçade pour autant, repoussant sa bouteille de la main au lieu de la prendre comme il l'aurait probablement voulu. « On ne peut pas tout avoir, mon grand » pensais-je.

« Je ne bois pas d'alcool. »

Peut-être alors est-ce une grosse claque pour cette idée que tu te faisais auparavant, pensant que nous étions pareils, cependant tu te fourres le doigt dans l'œil mon gars. Si, on est différents et ça se résume au choix, ça se résume à cette envie de sang que toi tu ne sais pas contrôler, quand moi je n'en suis pas arrivée à un tel stade. Peut-être est-ce une question de temps, peut-être. Peut-être beaucoup de chose. Mais j'ai fait le bon choix et je me retrouve du bon côté de la barrière, pas toi.

« Et puis tu te méprends totalement, je n'ai pas de désir ni de besoin de violence, c'est l'apanage des pirates ou des Marines bas de gamme. Mon seul intérêt est de purifier les mers de ce fléau que l'on appelle la piraterie. C'est elle la responsable, c'est elle qui a fait ce que je suis désormais... »

Je m'avance un peu plus vers le rouquin et pose l'index de ma main gauche sur son torse.

« ...c'est elle qui a pris ma famille », finis-je.

Et je sais bien que ça ne te fait absolument rien d'être informé de la culpabilité que je reproche à ces pourritures de congénères, abattant leurs lames et pointant leurs canons sur des civils innocents. Et tout ceci dure depuis bien trop longtemps. Alors peut-être ai-je oui une tare, un pêché, cette violence comme tu dis qui n'est que la facette de ce besoin irrépressible...

« ...d'appliquer la Justice divine ! » laissé-je échapper.

Il n'y a pas de Dieu pas plus qu'il n'y a pas d'Enfer ou de Paradis. C'est ici l'enfer et c'est ici le paradis et, en poussant la logique plus loin, par une force inextricable d'empirisme, on devient un Dieu plus que l'on en est un. C'est cette histoire que j'ai lu, il y a bien longtemps, dans l'un de ces livres poussiéreux, mystérieux, où l'on évoque un Dieu de la mort humain. Peut-être ai-je alors aspiré secrètement à accomplir une œuvre équivoque et faucher la piraterie dans le creux de la Grande Serpe.

« Au fond, il n'y a pas de violence dans cette extermination ; les parasites mal-pensants n'ont aucun droit de cohabitation. A peine le choix a-t-il été fait que vous êtes déjà morts. Le choix existe, car la Justice le voit, la Justice a besoin d'un Dieu. Dès lors je deviendrai la Lame, puis la Main qui la contrôle. Est-ce une folie que de souhaiter devenir... Dieu ? »


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Mer 2 Juil 2014 - 22:57, édité 1 fois
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A cette question, je me prends une autre rasade. Faudrait savoir ce qu'elle veut, à la fin. C'est elle qui voulait un verre. Mais bon, ce genre de détails, je n'y fais jamais attention. C'est se prendre la tête pour rien. Non non, je prends juste mon temps de répondre à ces interrogations absurdes.

"Jamais entendu autant de stupidités à la suite."

Et elle au-dessus de moi, j'ai l'impression que son regard change. Comme le mien tout à l'heure. Ça relevait plus de la déception que de la fascination maintenant. Ou c'est peut-être juste une impression. Bah ! Peu importe de toute façon. Peut-être qu'on est pas pareils après tout. Ou peut-être qu'elle ne s'en rend pas encore compte, de cette violence qui l'habite. Parce qu'en effet, elle en a. Ça transpire dans toutes ses paroles, dans tous ces gestes, malgré le fait qu'elle essaie de le nier. Elle est tellement... maladroite, quelque part. Tellement ingénue, à sa façon. Malgré son expérience, ses problèmes, ses convictions. Elle ne se rend pas encore compte de tout. Et peut-être est-ce un peu condescendant de ma part de penser ça. Mais je n'ai jamais pu dire autre chose que ce que je pense.

Je me relève vers elle, rapprochant mon visage du sien, sans perdre l'index qu'elle a sur mon torse.

"Oui, c'est une folie. Parce que déjà, tu crois pouvoir l'être. Tu crois en la Justice, tu crois que tes actes ont une justification. Tu te permets de juger des hommes sur le simple fait qu'ils ont choisi d'être de l'autre côté de la barrière que toi."

Je me rapproche encore, et mes yeux plongent dans les siens. Son souffle devient perceptible, comme le mien le devient pour elle. Ma main glisse lentement, évite son sein, l'effleure presque, et se pose sur sa hanche. Cette étreinte est vraiment malsaine. Ce ne sont pas deux simples inconnus qui flirtent, non. Ce sont deux serpents qui se répugnent, qui se rapprochent juste dangereusement afin de bouffer l'autre. Ce sont deux mantes religieuses, se goûtant avant même de commencer à se toucher. Ceci n'est pas un câlin, non. C'est une provocation.

"Tu m'es semblable, que tu le veuilles ou non. Cette haine qui est tienne, ce dégoût profond pour la félonie, c'est juste de la violence qui tente de se justifier. La seule différence entre toi et moi, c'est que toi, tu as une cible, tandis que moi, je me fous de qui je vais bouffer. Tu te persuades que ce que tu fais est bien, mais tu n'en restes pas moins violente, imparfaite, folle à lier. Humaine."

Et un large sourire apparaît sur mon visage. Ce sourire démentiel, cette soif de sang, d'excitation. Ce sourire de drogué qui, à lui seul, efface toute la logique de ce monde.

"Parce que tu sais autant que moi, que le diable qui vit à l'intérieur de ta tête n'a pas entièrement tort."

J'agrippe alors cette hanche sur laquelle ma main s'est posée, et mes lèvres se rapprochent de son oreille droite. Je lui susurre, en même temps que le petit démon dans ma nuque, des mots doux, des mots d'amour.

"Si tu penses que mes paroles sont entièrement fausses, alors tue-moi."


Et je me détache doucement d'elle, pour retourner au pied de mon arbre. Je me décoche encore une balle alcoolique, et quémande la sienne. Les bras ouverts, mon regard fixe dans le sien. Je suis sans défense. Je la provoque. Parce que c'est ce qu'on fait depuis tout à l'heure après tout.

"Je suis un pirate. Alors qu'attends-tu pour me faire la peau ? Pour liquider la pourriture que je suis ?"

Mes pupilles se resserrent, elles la fixent, elles transpirent le délire, la folie furieuse. Elles reflètent la plus sombre partie de moi, et elles dévisagent ma partenaire. Elles demandent, non, elles exigent une action de sa part. Réagis, et prouve-moi que tu penses avoir raison. Fais-moi violence, et dis-moi après pourquoi ça n'en est pas à tes yeux. Exprime tes blessures, défoule-toi sur moi. Considère-moi comme celui qui t'as enlevé ta famille, histoire que ça te fasse du bien, et dis-moi après qu'est-ce qui t'as fait du bien exactement. Prouve-moi que j'ai tort, prouve-moi que ce que tu infliges à "mon espèce" est autre chose que de la pure soif de sang pour toi. Soulage-toi, je t'offre mon corps, juste pour que tu puisses te rendre compte que tu es aussi violente que moi. Vas-y.

"Tire-moi dessus, vite."


Dernière édition par Axel "Chainsaw" Giriko le Mer 2 Juil 2014 - 23:38, édité 2 fois
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J'avais jamais vu un pirate avec un sens du risque aussi prononcé. Il était franchement tentant d'en finir avec ce débat stupide en mettant fin à ses jours, comme il m'invitait gentiment à le faire ; mais autant d'un côté salir cet endroit de son sang odieux me révulsait tout autant que de gâcher mes vacances. Non, cette provocation me donnait singulièrement plus envie de lui tourner le dos et reprendre mes déambulations hasardeuses à travers le vert omniprésent de l'endroit, comme une tache noire et mauve dans une peinture où les couleurs n'ont rien à envier à la fraicheur des plantes.

« Y'a des milliers de raisons », dis-je tout simplement.

Qu'importe ce qu'il veuille me prouver, la piraterie est l'engeance du mal, que je le dise ou que je le pense, ça restera la vérité pure. On peut être libre sans commettre des crimes, car comme dit le proverbe : « notre liberté s'arrête là où commence celle des autres ». Et c'est là que le Gouvernement Mondial intervient : quand des hommes et des femmes débordent trop jusqu'à ne plus respecter les normes en vigueur de la société, quand ces immondices prennent la mer et volent des biens, pillent les honnêtes gens, tuent les enfants et violent les femmes pour tout laisser dans le sillon de leur passage, c'est lui qui rétablit la liberté. Cette équité, cette Justice. Je n'ai pour autant pas foi en ce système tyrannique et répressif, si ce n'est que si j'en étais à la tête, la piraterie serait asséchée et croupissant au fond des eaux des infinis océans. Peut-être, oui, ai-je sombré dans la folie, perdu la raison etc.

Toujours est-il que je trouve en cette organisation mondiale, ce diktat dissimulé, un hébergeur loquace et répondant à mes attentes. Avant je n'étais rien, un résidu de la société, trainant dans les rues, dormant dans des hôtels miteux, allant d'île en île pour effacer ma réputation et vendre mes armes en carton ; désormais tout ça est révolu. J'aurais pu en devenir une, de crapule, de pirate, d'assassin. J'aurais pu être n'importe qui de ces mécréants que j'ai pris plaisir à foutre en taule à chaque fois, qui se débattent toujours comme de beaux diables auprès de la Justice avant d'être finalement rattrapés, par moi. Et depuis, le nombre de fausses victimes qui crient leur désespoir, qui hurlent d'être privés de libertés, qui dans mon crâne se font d'autant plus de voix se retrouvent derrière les barreaux ou six pieds sous terre, dans le caveau qui leur revient de droit.

Alors, grand roux, que veux-tu donc changer dans cette voie que j'ai choisi, ce travail qui me complète et me rend heureuse mais me laisse juste assez taciturne pour continuer à savoir qui je suis, savoir ce que je veux être et savoir ce qu'il y a autour de moi. Tu veux que je te tue, là, maintenant, que je fauche ta vie misérable car tu aimes cette adrénaline qui coule dans tes veines quand tu sens la présence de Dieu tout près de toi. Tu sais de quoi je suis capable, tu sais de quoi je serai capable, tu le sens car tu me traites de folle ; car peut-être tu as raison ; car je suis peut-être celle qui mettra fin à tes jours et ceux de tous tes petits camarades polluant les océans. Tu sens cette ire se dégager, tu le sais ; et ce ne sont pas trois gouttes de sang au coin des lèvres qui vont étancher ma soif, il t'en faut peu pour l'avoir remarqué.

« La vraie question, c'est pourquoi tu ne m'as pas encore tuée ? Tu le regretteras... si tu me laisses en vie... »

Oh oui tu le regretteras, tu le sentiras quand tes proches pilleurs et violeurs tomberont un à un, quand un jour ça sera ton tour et que tu ploieras l'échine devant ma puissance aveuglante, quand j'aurai assez de pouvoir pour décider de qui doit vivre et qui doit mourir, en fonction du Choix, en fonction de la Justice. Je suis la Justice. Je. Suis. La. Justice ! Que peux-tu faire contre ça ? Hein ? Oui, tu as réussi à m'énerver, en me tendant ton cou frêle que j'aimerais voir ne plus rien supporter et ta tête rouler à tes pieds ; en me donnant envie d'épancher tout ce sang, de peindre le tableau en rouge, de sacrifier ton corps sur l'hôtel de la magnificence d'un Dieu que tu as aidé à créer.

Puis soudain, mon regard se voile de blanc, mes doigts se crispent : l'espace d'une seconde. Lentement mes forces me quittent, lentement mon sang cesse de bouillonner dans mes veines et mes joues se couvrent d'une pigmentation chaleureuse.

***
« Q-que... Q-qu'est-ce qu... »

Une crise, c'était une crise. Je recule, dévisage l'inconnu, effarée, effrayée, pitoyable. Qu'étais-je en train de dire ? Ce n'était pas moi. Jamais ma schizophrénie ne m'avait poussée aussi loin, comment était-ce arrivé ? De là à perdre le contrôle, de là à être cette personne totalement différente, de là à être Bachibouzouk. Depuis quand ? Cette homme, il l'avait mis hors de moi. Non, je ne veux plus penser à de telles choses. Je dois disparaître, je dois fuir. Alors je me retourne, je me mets à courir. De toutes mes forces, je me dégage de cette étreinte de folie, de cette invitation étrange, de cet homme qui sent le sang, qui cherche à faire de moi l'un des Leurs. Je négocie mal un virage, m'écroule dans une pente, fais des roulés-boulés piteux pour finir dans un buisson. Mal, ça fait mal, mais je m'en fiche, je me redresse.

Je dois partir d'ici !
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Je m'apprête à répondre, dans ce débat qui semble n'avoir aucune fin, quand soudain ma belle se fait la malle. Elle angoisse, elle balbutie. Et je vois dans ses yeux l'instabilité mentale que je cherche depuis tout à l'heure. Cette instabilité qui justifie le fait que je lui ai parlé, que je l'ai abordé. Ce diable derrière sa tête qui la trouble et la pétrifie. Bingo.

Et elle file, elle court, elle fuit. Où comptes-tu aller, ma jolie, si le danger est dans ta tête ? Et doucement, je lui emboîte le pas. Je marche juste derrière elle, qui tremble en courant. Je prends mon temps, car je sais que ce danger ne peut être évité. Le démon dans ta cervelle te rattrapera toujours. Surtout que, de ce que j'ai vu, t'as vraiment du mal avec lui.

La main gauche dans ma poche, la main droite tenant la bouteille, je continue de marcher, tranquillement. De grandes enjambées, mes pas qui rythment le rire dans ma nuque. Et je la vois, au loin, qui essaie de se faire la malle comme elle peut. Et soudain, elle titube, elle tombe, elle se ramasse. Brutalement, fatalement. Comme si le sol lui-même avait le goût de la fatalité. Je sais ce que c'est. Je suis passé par là.

Elle tente de se relever, alors qu'elle tient à peine debout. Elle tente de retrouver un équilibre, alors que son mental flanche. Elle essaie, difficilement, comme un papillon près de la flamme. Elle n'abandonne pas, elle ne se résigne pas, elle lutte. Comme chaque particule de son corps essaie de tenir tête à la gravité, je peux voir que chaque fragment de son esprit essaie de faire taire la bête. Et je la rattrape.

Je n'ai pas de sourire, non. Je ne suis pas enjoué. Ni particulièrement inquiet. Après tout, comme je l'ai dit, lorsque cette conversation prendra fin, on s'oubliera, elle et moi. Alors je ne l'aide pas à se relever. Alors je ne l'enfonce pas non plus. Je me contente de la regarder se battre, du haut de ma folie personnelle, en prenant mon propre analgésique orangé.

"Je ne tiens pas à te changer, étrangère. Pas plus que je ne tiens à ton sort. Raccroche-toi à ce que tu peux, ou crève dans ton coin si ça te chante. Mais tu peux tenter de te mentir à toi-même autant que tu veux..."

Et je m'accroupis, et je la fixe droit dans les yeux. Mon index touche ensuite sa tempe, et frappe dessus doucement, trois fois.

"... tu ne pourras jamais l'oublier."


Je me relève doucement, et m'éloigne un peu. Je me prépare à m'en aller, parce que je sais que cette conversation est finie. Je sais qu'elle ne peut plus me supporter. Alors je me contente de réprimer cette envie animale de lui mordre ses belles lèvres, de déchirer sa peau si douce. Cette noirceur, cette silhouette semblable à celle d'un magnifique papillon nocturne n'est plus qu'un souvenir désormais. Cette conversation est finie, et notre univers aussi.

Le ciel déjà gris s'assombrit un peu plus, l'éclat de la lune tente faiblement de déchirer les cumulo-nimbus rageurs. Les gouttes d'eau continuent de vouloir déchirer ma peau, alors qu'elles flottent sur la sienne. Cette pluie efface ce que l'on a partagé, toi et moi. Parce que chaque larme qui tombe de ce déluge me rappelle l'évanescence de nos propres vies.

Nous nous ressemblons, toi et moi. Parce que contrairement aux autres, on est capable de se bouffer soi-même. Entre les balles qu'on évite, et le sniper fou dans nos têtes ; entre les lames de l'adversaire et les crocs de nos démons. Entre le bruit ardent de la guerre et le bourdonnement silencieux de nos âmes, nous ne sommes qu'éphémères. Nous sommes simplement des étincelles dans la tornade, nous sommes juste des explosifs, des cigarettes. Toi et moi, on est juste deux chiens errants, hurlant à la lune.

Et parce qu'on est que ça, je sais que la prochaine fois qu'on se verra, s'il y en a une, on voudra se bouffer. J'aurais envie de dire que je t'aime. J'aurais envie de te prendre dans mes bras, pour réunir les cendres de notre univers, encore et encore. Mais nous ne savons faire que ça, toi et moi : se déchirer mutuellement jusqu'à ce que les mèches sur les bombes qui nous servent de cervelles se consument entièrement.


Et si tu me permets un fantasme, juste un seul, alors je voudrais quitter ce monde, dévoré par toi.

"Puisse ton cœur battre plus longtemps que le mien. Adieu, Papillon."


Putain. Fais chier. Il pleut.


Dernière édition par Axel "Chainsaw" Giriko le Jeu 3 Juil 2014 - 2:21, édité 1 fois
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Et tranquillement, alors que l'homme s'éloigne, les sentiments humains refont surface, me submergent. La peur part pour laisser place à sa fratrie : remords, haine, joie, amour. Mes battements de cœur cessent leur course inutile et reprennent leur trot habituel ; mon organe ne menace plus de bondir hors de ma cage thoracique. Je me redresse, remonte la pente et m'en retourne sur ce chemin au milieu de cet océan de verdure. Je jette un dernier regard en arrière : la tache noire s'éloigne, indécente, fugace, libre. C'est la fin des vacances. Adieu Kageberg, adieu mystérieux inconnu si semblable et pourtant si différent. Ami ou ennemi, je ne serai jamais sûre de tes sentiments.

Je crois qu'on appelle ça un coup de foudre.
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