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La Shabale?! [Annabella / Craig / Eirik]


"Alors tout s'passe bien capitaine?"

Petit, roux, grassouillet, non, ce n'était évidemment pas le responsable du navire, mais la flatterie était un bon moyen d'initier une conversation. Nous n'étions plus très loin d'Inari à présent, aussi, ces derniers jours m'étais-je attelé à collecter ragots et bavardages. Qu'allait-donc faire un assassin sur cette terre de foi? Disons que les élucubrations fantasques du Fada avaient attiré mon attention : nous n'avions aucun rapport avec cette île. Depuis ma nomination en tant que Maestro de Vérité, la plupart de mon activité tournait autour de North blue. Or, justement, tout comme l'eau stagnante croupie, nous devions étendre notre influence si nous voulions rester d'actualité. Bref, à bord du Tonton Tapis, un navire marchand d'un sympathisant à notre cause, j'allais vers la pieuse Inari.
Notre conversation passa des politesses aux banalités, pour finalement atterrir sur un sujet qui me tenait à cœur : l'avis du ventru sur la faune locale.


"Vous savez, nous on passe souvent par ici, et tant qu'vous parlez pas religion, y sont plutôt tranquilles. Le colonel Kojevic vous posera de problème, il est bien trop occupé à choyer sa fille pour fouiner dans vos affaires.

-Mes affaires? Je ne fais que du tourisme voyons. Le ton était ironique, évidemment.

-C'est ça. Méfiez-vous de Baresta Yoshi par contre... Il bien plus éveillé que son supérieur, et puis... Sa voix faiblit, son regard s'assombrit, il pesait ses mot. Et puis on dit des choses sur lui, sur lui, et cette secte.

-Hum, et c'est quoi cette secte?

-Ah ça messire on en parle pas! Tout ce que je peux vous dire, c'est de prendre garde aux étoiles."

Je n'en apprendrai pas plus, car tout ceux que je questionnai à ce propos me donnèrent la même réponse. Chaque pays avait sa face cachée, et peut-être avais-je mis le doigt dessus. Après quelques jours de voyages, me voila enfin à destination. Un port quelconque, si ce n'étaient la myriade de stands vendants bricoles et zinzins. On ne mentait pas, cette île était le parfait mélange entre un temple et un marché. Trônant fièrement à une bonne centaine de mètres du sol, le Boru Bodur forcerait le plus hardi des athées à croire en quelque chose. Qu'importe qu'il croie que son ombre soit l'incarnation du fils au treizième degré de Madar, Dieu de la roche carrée, l'important était que cette pierre volante imposait la foi. Ayant bien compris cela, une multitude de négoces s'étendaient sous l'île céleste. Alors que je m'éloignais du port, les rues pavés m'emmenèrent entre vers ces prêtres marchands. Je fus d'ailleurs bien tenté d'acheter une figurine en l'honneur de Potassius, le Dieu des bananes, mais le vendeur entra soudain dans un grand débat avec son voisin. J'ai cru comprendre qu'il était question d'Agrumâte, déesse des agrumes, et d'une éventuelle liaison entre elle et le Dieu sus-nommé.
Quoiqu'il en soit, si je pouvais supporter quinze minutes de cette zizanie, il me fallut rapidement un peu de calme, et m'éloignant de l'allée principale, je constatai avec plaisir que toute l'île n'avait pas cette extravagance. Des gens étendant leurs linges, d'autres nettoyant le pas de la porte, ou encore des enfants jouant dans une cour. On se rapprochait d'un cadre de vie un peu plus sain, et pour couronner le tout, une patrouille de cette chère marine traversa la rue. Ils me virent, et ne firent rien... quoi de pus normal, j'étais un parfait inconnu. N'ayant pas vraiment de repères, je décidai de suivre l'arc-en ciel, soit dans mon cas une des grandes chaînes reliant l'île céleste à la terre ferme. On ne pouvait les manquer, et contrairement au reflet de la lumière sur des gouttes de pluie, elles avaient bien un point d'ancrage. Arpentant les ruelles afin d'éviter la foule, j'arrivai bientôt à destination, et vous pouvez imaginer mon bonheur de retrouver mon marché à ciel ouvert.

Particularité, ici on ne prêchait pas la bonne parole. Le bâtiment le plus proche de la chaîne était une sorte de parc, soit le "parking" des nacelles en partance pour le bout de terre flottant. On m'en avait déjà parlé de ce moyen de transport, qui, fiable et ingénieux, était également onéreux. Qui disait onéreux, disait pas pour moi. J'examinai alors les autres bizarreries, et fichtre, ils avaient de l'imagination les autochtones. Allant du simple canon au pédalo volant, les alternatives ne manquaient pas. Tu m'étonnes que la marine soit débordée, quel foutoir!


"Oh, Mon, Dieu!"

Il y a des moments dans la vie où l'on sait qu'on est en face de son destin. J'étais avec mon destin, il me faisait face, juste là, à coté du trampoline géant. Fier et élégant, puissant et agile, il avait la classe d'un pure sang arabe, et la force du Mustang. Son bec brillant, ses serres acérés, je l'avais trouvé, mon moyen de transport : Un beau et gros Coq géant. Près d'un vieux monsieur, il somnolait, attaché à son poteau, négligé de tous. Je dus faire un effort surhumain pour ne pas tout de suite sauter sur son dos, me contentant de me dandiner au loin, admirant l'amour de ma vie.

"HALTEEEEEEEEEEEEEEEE!"

Gredin, brigand, comment osait-il? Courant comme si ma vie en dépendait, je fonçai vers le fameux poulet. Personne ne me le volera, PERSONNE! Peut-être pensait-il passer inaperçu, mais je l'avais vu moi, ce scélérat s'approchant de Mon Coq. Mieux que ne l'aurait fait un vétéran du rugby, je plaquai l'individu. Qu'importe les bonnes manières, la faim justifiait les moyens.

"CECI    EST    MON    COQ!"

Mon cœur battait la chamade, mon souffle haletant trahissait mon désespoir. J'avais agi en parfait idiot, sautant sur un inconnu qui n'était probablement pas intéressée par cet animal volant. Ceci dit le mal était fait, et plutôt que de reconnaître mon erreur, je m'enfonçai d'avantage ; en plus d'un plaquage, ma victime fut gratifié d'un regard assassin. Et ouai, on ne se mettait pas entre un homme et sa voiture.
    Eh bien, Kamina. Toujours aussi mauvais, votre café.
    J'me suis encore trompé dans les doses.
    Que ça ne se reproduise plus, alors. Je passe l'éponge une dernière fois.
    Le filtre est mort, aussi.
    Vous le manipulez comme une brute.
    Non, mon commandant.
    Si. Partez donc en patrouille, et profitez en pour racheter des filtres au passage. Au retour, vous vous laverez. Votre horrible fumet m'a obligé a aérer mon bureau ce matin.
    Hmm.
    Allez, filez.

    Mon grand sourire forcé me traverse la gueule, j'lui balance l'image de mes crocs dans ses grands yeux froids et perçants. Des yeux de prédateur, comme les miens. J'acquiesse d'un mouvement de tête, j'fais demi-tour sans plus de mots, la posture faussement fière. Et j'm'engage dans les couloirs, l'esprit bouillant de sales sentiments. Ce mec est subtil, moi pas. J'aimerais m'défouler, mais les vilains mots boudent, et les coups tordus et vengeurs, j'connais mal. J'sais toujours pas être méchant. Trop mauvais, j'vais devoir me contenter de lancer des fléchettes sur une photo de lui. J'le fais déjà souvent intérieurement. Sérieux, quel salaud. Yoshi est pas comme ça avec les autres. Il est plus flexible. Moins oppressant. Moins tyrannique. Moins con. Ça saute aux yeux : il a quelque chose contre les homme-poissons. En trois jours que j'suis là, j'crois qu'il s'est bloqué sur la mentalité du bon vieil esclavagiste des familles : tu sens l'poisson, donc t'es forcément un animal. Fais moi l'café, nettoies mon bureau, lèches moi les pieds. Et fermes ta gueule.

    Et c'est ce que j'fais, j'la ferme. Parce qu'il est mon supérieur hiérarchique, parce que de sales rumeurs lui prêtent une personnalité carrément tordue que j'lui aurais soupçonné même sans ragots, parce qu'il a certainement les bras bien plus longs que les miens, tout simplement. Comme d'hab, j'me sens paralysé par une impuissance mêlée à une paresse rassurante. Mais j'me sens posséder une certaine sagesse. Sagesse de mettre mes rancoeurs au placard pour éviter qu'elles viennent marcher sur mes ambitions. Mais la vérité, c'est qu'en ces cinq années aux côtés de la justice hypocrite de la surface, j'me sens toujours autant passif et inutile. Tss.

    Bon, les autres soldats sont plus courtois et moins racistes, c'est d'jà ça. En passant le pallier d'la base, les deux collègues qui lézardent souvent dans la cour me saluent. 'sont plutôt amicaux avec moi. On a mangé ensemble au réfectoire hier, ils m'ont un peu causé des moeurs locales et des ragots douteux sur l'commandant et la Cabale. Un grand obèse avec un nez difforme, et son copain à la peau tellement sèche qu'elle a la texture d'un désert rocheux. Entre laiderons à drôles de gueules, on s'comprends, j'suppose.

    On s'échange quelques politesses, puis j'traverse la cour de la base. Puis la grande porte principale. Et j'me lance seul à travers les rues bondées du "centre" d'Inari. Ma parano latente et mon agoraphobie me tabourrinant joyeusement les sens. Nuisances. Boucan. Religieux et leurs babioles mal foutues mais lucratives. 'tain de touristes. C'est eux les pires, car un homme-poisson qui démembre et mange personne, c'est apparemment à leurs yeux une attraction comme une autre. V'là un de ces curieux qui me montre du doigt, l'air inquiet. Un gosse qui essaye de m'toucher, sa mère qui crie son stress et m'perce un tympan. Un autre m'aborde.

    Bon... jour ? Homme-poisson ?
    Euh... Salut.
    Photo ? Moi ? Avec moi ?
    Non.
    Photo ?
    Moi pas photo, toi dégager.

    J'me tire en pressant l'allure, j'nage à travers la foule. J'm'arrange rapidement pour m'en extirper, et me réfugier dans les ruelles plus calmes. Et à force de persévérance, j'réussis, et j'savoure. Je soupire longuement. Pffff. J'ai d'jà vu et connu pas mal de lieux et de situations qu'j'aurais volontiers qualifiés d'enfers, mais Inari est un bagne d'un tout autre genre. Un bagne coloré et vivant, foutrement original, qui m'affiche un grand sourire ainsi que des paysages magnifiques. Etrangement, cette ambiance de spiritualité bizarroïde m'inspire, et ce gros rocher flottant enchaîné m'fout un vertige métaphysique inexplicable à chaque fois que j'lève la tête. Il me plaît, ce caillou volant prisonnier. Si ça continue, j'vais même finir par lui prêter une âme et me mettre à prier quelque chose, moi aussi. Parce que l'aut' bon Dieu barbu, l'est un peu trop haut-perché et taquin pour moi, tenant mon destin farceur en laisse, un peu trop loin de moi pour que j'puisse lui tendre la main. Il peut toujours courir, ouais. J'prierai jamais ce mégalo excentrique, y en a déjà trop ici-bas. Bref. Cette île a quelque chose de cool. De merveilleux.

    Mais cette foutue activité, ces marchands gueulards, ces cultistes illuminés, et bien sûr ces connards de touristes, me filent comme une véritable névrose à chaque fois j'sors en ville. Bon. J'exagère. Les coins reculés sont plus reposants. J'débouche sur le parking de nacelles pour l'île flottante, qui est plutôt tranquille, bizarrement. J'vais commencer ma patrouille en douceur ici. J'me recentre un peu, j'vais éviter de m'égarer en plus de pensées vaines et en ressassements. Faut que j'me concentre...

    Mignon, ce coq géant.

    HALTEEEEEEEEEEEEEEEE!

    Pas l'temps d'me retourner, ma poitrine se fait enfoncer, j'me viande gueule contre terre. Et instantanément, j'l'ai mauvaise. Très mauvaise. L'mec me hurle des conneries dessus. Il veut m'faire bouffer ma bonne humeur, c'est ça ? J'étais de putain de bonne humeur, là, fils de pute. A peu près. En me relevant, j'le fusille des yeux.

    C'est quoi ton problème ?

    Il se permet d'me rendre mes sales regards, en plus. Il a pas peur d'se foutre de la gueule d'un requin de la marine, ce... Oh. Mon uniforme. Comment j'ai pu oublier ça. Partir en patrouille sans manteau de la marine. Juste le froc réglementaire, et mon blouson, mes godasses civils. Quel couillon. Vraiment, bravo. J'applaudis ma distraction, impressionnante. Au lieu de ruminer toutes ces conneries, j'ferais mieux d'me coller des post-its sur la face pour pas oublier des trucs aussi stupides.

    Bah ! J'sors mon badge, j'lui montre. Pas pour l'arrêter, pas même pour l'intimider. Juste pour m'en débarasser vite, juste le faire décamper, lui et son foutu coq.
    Lieutenant Craig Kamina, humble serviteur de la justice schizophrène d'un gouvernement hypocrite. Et pas bien fier de l'être, mais bon.


    Dernière édition par Craig Kamina le Lun 14 Avr 2014 - 2:47, édité 2 fois
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    - Non mais t'as pas pigé le vieux, je m'en fout des figurines en bois de sapin de ton dieu Zdedededex !

    Maudite soit l'idée que j'avais eu de venir ici. Car en fait, je n'avais eu de cesse d'être harcelée chaque jour depuis mon arrivée au port. Tantôt le dieu des Bananes ou le dieu des Sadomasochistes, je pense même pas en avoir fait le tour. Pour une fois que j'avais des congés, je pensais en profiter pour faire un brin de tourisme, mais il s'était malheureusement avéré qu'au lieu de tomber sur une petite île sympathique peuplée de pagodes et temples en tout genres, j'étais arrivée sur l'une des plus grosses foires au pigeons de North Blue.

    Car ouais, tous ces gens qui courbaient l'échine devant les stands de charlatans vendeurs de confettis pour ces pieux candides pléonastiques n'avaient, pour la plus grande partie, rien vu d'autre de religieux que les porte-clefs en forme de croix ou en mains de Fatima. Pourtant il était là, le grand symbole des dignes églises, juste au dessus de nos caboches : une île flottante, on la voyait bien et on la voyait de loin. Ainsi en arrivant je m'étais empressée d'aller noter mentalement le prix de ces foutus tickets de nacelles. Il m'avait fallu un bon moment pour récupérer des couleurs après une telle surprise, on avait pas le droit de faire payer aussi cher juste pour monter sur un caillou qui flotte. M'enfin bref, hôtel miteux comme d'hab', quand on a le "braccino corto" on fait avec.

    A l'instar donc des deux jours précédents, je déambule sur la place du marché en me demandant quelle direction je vais prendre pour atterrir dans une taverne quelconque et me boire un bon panaché. Car le proverbe est bien connu : toutes les routes mènent à l'alcool ! Ici exceptionnellement. Il est phénomène notoire que les bons prêtres aiment le bon vin et que les moines cultivent l'hydromel. Quoi ? Je tombe dans les stéréotypes archétypiques des bonshommes de foi ? Non, jamais ! Cela va faire un assez bon bout de temps que je traine ici pour les reconnaître ceux-ci, à leurs joues pourpres, leur sourire malicieux, leur soutane toute tâchée de rouge et de jaune. Bon pas tous, mais une bonne partie hein. Après trois minutes je débusque finalement mon lieu de recueil, héhé. C'est pas un saloon à la western ou encore un bar avec des véritables fenêtres, mais ça tient debout comme bistrot. Je pousse donc le lourd battant en bois qui barre l'entrée et m'avance jusqu'au bar. L'intérieur est minable, mais ça sent bon la bière. C'est un gros gaillard attifé d'un chiffon essuyeur de verres qui m'aborde. J'lui dis :

    - Un panaché garçon.

    - On en a pas. Faut prendre plus fort.

    - Un whisky alors.

    Ouais j'me lâche, des fois que je tiendrais l'alcool. Je tente, le whisky c'est bon, mais j'ai une propension à devenir saoule trop rapidement.

    ***
    - Hic ! Et là tu vois... *Hips* J'lui ai dis bin fort : "TA GUEULE" ! Car tu vois - hic - sa came en forme de teub de dieu de m'deux *hips* j'en v'lais pas !

    Ah merde, qu'est-ce que je raconte, j'suis probablement pétée. Je parle à mon écureuil, mais ça c'est normal. Il paraît que l'étape la plus importante, c'est quand on s'en rend compte, ça précède la galette. Je prie pour que ça arrive pas. Purée, fait chaud dans ce bar. Faut que j'taille la route, que j'me dis. Je pose un bras sur la table, me soulève, pose un autre, encore un autre. Ça fait trois bras, j'ai pas trois bras, rah c'est dur. Pour la peine je me rassois, petit moment de relaxation avant de repartir. Un pas en avant, un pas en arrière ou quelque chose comme ça. De l'autre côté de la planche horizontale montée sur tréteaux, Balisto me zieute de ses deux yeux innocents.

    - Vous voulez que je vous porte, madame ?

    Pwahahaha ! C'est marrant, même si ça le serait probablement moins en temps normal, mais j'ai envie de rire. On se fait chier dans cette ville, bordel, un peu d'action ça fait du bien. Moi tout ça, ça me donne envie de pioncer. A ces pensées je colle donc le front contre la table, c'est pas si inconfortable. Enfin faut dire aussi que je suis bien anesthésiée.

    - Tiens tu le croiras jamais, mais la preuve que la Marine c'est vraiment des ripoux !

    Hmm ? Je relève la tête, les yeux dans les cheveux ou peut-être le contraire. Qui c'est qui parle de la police comme ça, que j'lui fasse comprendre qui c'est le chef. Quoi que c'est vrai que les Marines c'est une belle bande de branquignols. Bwah, mieux vaut continuer à écouter, je suis pas vraiment en capacité de mettre les voiles, alors me faire passer pour un gardien de la paix en civil... L'homme a pas peur, il hausse même la voix petit à petit que le contenu de son verre descend, sur la table à côté. Son compagnon reste silencieux.

    - Tu sais que le Commandant Baresta est bien réputé pour trainer avec la Cabale, là, ces assassins... mais si tu sais ! Et bien figure-toi que y'a pas très longtemps, je l'ai vu trainer dans les rues, vers vingt-trois heures, incognito. Il attendait devant une porte. Moi il m'a pas vu, j'étais sur un toit en train de changer des tuiles. Mais je l'ai bien remarqué, c'était lui, pas de doute. Au début je pensais qu'il venait se payer une fille de joie, tu sais que y'en a des tas dans ce quartier là, mais en fait non, c'était un homme qui a ouvert et l'a fait entrer avant d'fermer aussi sec. Je suis sûr que c'est là que se trouve le quartier général de la Cabale, ma main à couper !

    Le temps que la petite histoire se termine, Balisto était retourné se réfugier dans mon soutien-gorge et ma tête avait cessé de tourner. Les bouffées de chaleur s'en allaient tant bien que mal et il me semblait même possible de me lever. Je devais choper ce mec, là. Il avait de bonnes infos. Toute cette histoire de corruption, ça m'avait titillé l'oreille et ça m'redonnait la pêche. Tiens bah ça tombe bien, le voilà qui paye l'addition et qui sort avec son camarade. Allez, un bras, puis deux, on pousse ! Pwah, relevée !

    ***
    - Tu vas me dire - hic - où je peux trouver l'entrée de cette guilde d'assassins dont - hic - tu parlais dans la taverne !

    - Oui bien sûr, mais s'il-vous-plait, retenez votre écureuil ! Ahh, ça fait mal !

    - Balisto, arrête s'teup. *Hips*

    Le super-héros miniature cesse sa sombre besogne, laissant des morsures d'incisives très profondes au niveau des doigts de la main du pauvre gaillard. Pissant le sang, ce dernier avait fini par abdiquer, après une longue minute de résistance. C'est que quand j'ai la tête dans les vapes, je suis plutôt impatiente et qu'un flot d'excitation bouillonnait en moi depuis que j'avais appris pour le Commandant, héhé. A la sortie du bar j'avais donc filé, dans une trajectoire en zigzag bien trop sinueuse, les deux hommes jusqu'à ce qu'il ne reste plus que l'indic'. J'avais alors tapé un mini-sprint diagonal jusqu'à lui et avais lâché ma bête féroce sur sa main gauche. Et là je ne sais par quel miracle je tiens debout, mais je tiens. Car, argh, trop d'efforts, ça soulève l'estomac. Au final je me pose dos contre un mur, hoquetant, tandis que ma pauvre victime se relève, l'écureuil accroché à l'épaule.

    - Si tu décampes - hips - il te bouffera la jugulaire, compris ?

    - Ou-oui mam'zelle ! Je vous y conduis, c'est pas très loin d'ici !

    Quelques rues plus loin, le bozo s'arrête devant une porte rouillée et dissimulée dans l'ombre. Il m'indique que c'est ici, je le libère, ajustant mon haut tandis que ma bestiole s'y glisse tendrement. Je prends mon petit calepin, trace du mieux que je peux un plan de la ville et y colle un point pour désigner l'endroit. Bon, ça ressemble à rien, mais j'imagine que sobre j'arriverai à le déchiffrer. Peut-être.

    ***
    Au retour vers l’hôtel je passe par le parc à nacelles pour couper. Phénomène étrange : y'a embrouille entre un mec louche et un homme-poisson ressemblant à un chien de l'espace à côté d'un coq géant. Tout ça c'est trop bizarre pour moi, faut pas me montrer ces choses-là. Je sens une boule de sentiments remonter. Je tends le bras pour chercher une surface contre laquelle m'appuyer.

    Beurrrgh.

    Ça y est, c'est sorti, mes bolos de ce midi avec un zeste de whisky. Mes pensées se font plus claires, directement, mon corps plus lourd mais moins douloureux. Je prends un mouchoir, m'essuie la bouche. Personne m'a vu ? Allez on rentre ! Je ferais bien une petite sieste. Pis ce soir j'irais bien faire un tour du côté de cette secte, doit bien y avoir un moyen d'y entrer ! On dit qu'ils tuent les gens selon la disposition des étoiles, hum ?

    Ah, quelle connerie cette religion.
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    Je marche tranquillement vers mon point de rendez-vous. Voilà trois jours qu’ils m’avaient contacté pour un job, trois jours à errer dans cette immense attrape nigaud. Pas que la foi m’ait jamais irrité, chacun la sienne après tout, mais se faire agresser à tous les coins de rue pour qu’on achète telle ou telle babiole ou bien parce qu’on a effectué le troisième signe du 6ème verset du 7ème bouquin divin et qu’il faut, en retenant vos pulsions meurtrières, vous expliquer quand à votre geste blasphémateur… Y en a marre ! Je balance donc des regards noirs autour de moi, défiant quiconque souhaitant venir m’emmerder un peu plus. Ironie, blague céleste ou que sais-je encore. Tout mon self contrôle est mis à rude épreuve quand je sens la chose molle sur laquelle je viens de marcher.

    -Quelle chance vous avez, y marcher du pied gauche le deuxième jour de la semaine dERGH

    Tiens ! Tu la sens ta chance maintenant ?! Je laisse le type légèrement déboussolé se remettre de sa mandale, accélère le pas et bouscule quelques touristes et loco au passage, les laissant débattre sur mon signe astrologique ou le trouble de mes chakras. Je continu à marcher ainsi pendant plusieurs longues minutes. Il faut que je me calme, pas bon d’arriver devant un client quand on est déjà sur les nerfs. Je prends donc le temps de me poser contre une échoppe et d’observer la foule le temps de quelques grandes inspirations.

    Une mère qui fait le marcher avec son gosse tous deux avec une pousse d’arbre sur la tête, un tourisme à l’air béat qui prend en photo tous ce qu’il voit. Hum ? Du coin de l’œil j’aperçois une gamine. Pas plus bizarre que les autres si ce n’est sa façon de trébucher tous les 10 mètres. Son pantalon comme son haut sont d’ailleurs déchirés en de nombreux endroits.

    J’l’observe s’approcher et la stop quand elle arrive à ma portée. Me regarde pas comme ça j’vais pas t’bouffer. Assis toi là plutôt. Assis j’ai dit ! Rhaa me r’gardez pas comme ça j’vais rien lui faire. J’traverse la rue sous le regard interrogateur de vendeurs prêt à intervenir au moindre souci. Je m’arrête devant un marchand dont les marchandises m’avaient interpellé la veille. Deux comme ça et trois de celle-ci,  ouais, peut-être un comme ça aussi. Après avoir payé le marchand pour quelques bouts de tissus de pas trop mauvaise qualité je reviens vers la petite qui se demande clairement ce que je peux bien lui vouloir.

    Je lui fais faire un rapide tour sur elle-même. Observe sa conformation. Après quelques minutes de réflexion, je lui ordonne de s’asseoir. D’abord le pantalon. Taillé le long du genou droit, puis rattaché le tissu noir en faisant bien attention à laisser apparaître la couture de la bonne manière. Défaire les poches existantes, les remplacer par un simple tissu grenat cousu dans un premier temps, puis le violet sombre.

    Les idées s’enchaînent et s’entremêlent ainsi dans ma tête. Après avoir bien ordonné tout cela je me lance. Les ciseaux dans une main, une aiguille dans l’autre, mes gestes se font si rapides qu’elle la jeune fille semble en avoir le tournis. Un trou ici, une taille là. Mon esprit est concentré au maximum sur ma tâche.

    -Voilà ça devrait faire l’affaire.

    Je laisse filer la môme qui repart en courant non sans me lancer un grand sourire et faire de grand geste de la main, trébuche, se relève, puis repart heureuse des nouveaux habits fraîchement créés pour elle. Du coin de l’œil, j’observe l’attroupement de curieux formé autour de moi. Quelques vendeurs se sont même laissés aller, une fois rassurés, à profiter du petit spectacle improvisé, heureux qu’on puisse attirer du monde non loin de leur stand. A croire qu’ils n’ont jamais vu quelqu’un retravailler un tissu aussi simple en quelques minutes… Et d’un coup le brouhaha de cette foutu ville revient à mes oreilles. Les quelques minutes de répit accorder par ce bref travail s’envole et de nouveau les nuisances sonores parviennent à mes oreilles. Les badauds retournent pour la plupart à leurs occupations.

    -Monsieur Hawks. Monsieur Hawks.

    Un type encapuchonné me fait signe de le suivre paniqué. C’est qu’il me ferait presque sentir parano à toujours regarder à droite à gauche en marchant. Je le suis à une certaine distance comme il avait été convenu jusqu’à une partie de l’île moins peuplée. Pourquoi vers la zone des nacelles ? Mon regard ce tourne instinctivement vers le gros caillou volant relié par des chaînes. Impressionnant ça au moins c’est certain.

    Tapis dans un coin sombre non loin du point d’amarrage de l’une des chaînes, l’homme décide enfin de se calmer. Assez en tout cas pour se retourner vers moi et me parler. Fiuu vue de plus il est grand le bougre, et plutôt costaud. Pas le même type qui m’avait embauché.    

    -Vous êtes bien le mercenaire M.Hawks ? J’acquiesce d’un signe de tête pour le laisser continuer. Bien. Melquiorre vous a-t-il déjà mis au courant pour… ? Bien. Prenez ceci, la moitié vous sera versée à la fin de votre contrat. Comme notre « arrangement » le spécifie aucun homme de la cabale ne doit être blessé. Notre ordre a subi quelque remaniement interne et nous aimerions que vous empêchiez notre « chef » de …

    -HALTEEEEEEEEEEEEEEEE!

    Un rapide coup d’œil pour voir un abruti plaquer au sol un grand poiscaille. Rien d’alarmant en soit à part que mon interlocuteur venait de s’envoler. Disparu. C’malin, j’espère qu’il n’avait rien d’important à me transmettre. Je tourne les talons non sans contourner une ivrogne lâcher sa galette presque incognito. Bon comment je m’y prends maintenant.
      Un marin... super! Quelle était la probabilité que ma première rencontre ici soit un représentant de l'ordre, habillé en civil, et  de surcroît homme-poisson. Il devait bien se marrer là le destin non? M'enfin, surpris moi-même, je restai un instant bouche bée, regardant le badge comme s'il s'agissait d'un tableau de grand maître. Non... au final, ce n'était peut-être pas une si mauvaise chose. J'avais besoin d'informations sur cette ville, et un gendarme serait surement en mesure de m'éclairer. Me relevant vivement, je fis tout mon possible pour avoir l'air gêné. Un sourire crispé, des mains ne sachant pas où se mettre, bref, j'avais l'air bête, mais sincère.

      "Toutes mes excuses..."

      Sans doute pensait-il en avoir fini avec moi, mais il venait de supplanter le coq volant dans ma liste des attractions locales. Me plantant juste en face de lui, je lui tendis la main, ajoutant au geste un sourire fort de mes 32 dents blanches.

      "Alfred Thompson, enchanté! Ne lui laissant pas le temps de se défiler, j’enchaînai dans la bonne humeur. Je suis vraiment confus... eh... MONSIEUR!"

      Brusque changement, mon ton passant du mielleux à l'injonctif, je pointai le vieux monsieur du doigt, ne manquant pas d'ailleurs de le faire sursauter.

      "Eh...Vo-us désirez? Dit-il d'une voix tremblotante.

      -Nous désirons? Evidemment que nous désirons! Ne voyez pas que notre cher ami s'impatiente?! Oui, il s'agissait bien de l'homme-marine-poisson, devenu pour l'occasion -mon cher ami-. La Marine s'est enfin décidée a accrédité les MTA, alias, Modes de transports alternatifs, et voila que vous nous faites attendre!

      Parfait, j'avais touché la corde sensible. Eus-je lancé ce mensonge qu'un cercle se forma autour de nous. Evidemment, le gouvernement ne s'était nullement opposé aux solutions diverses et variées proposant de rejoindre l’îlot, mais il n'avait pas non plus donné son soutien. Or qui disait soutien disait publicité gratuite, et moyens de convaincre le client qu'un vélo ailé était parfaitement viable. Ainsi, marchands et passants trouvèrent un intérêt soudain à notre conversation, rendant toute suite plus difficile toute défilade de -mon cher ami. D'ailleurs, un clin d’œil à l'attention de ce dernier lui murmura de me faire confiance.

      "Ah-eh... Ah Bon?

      -MAIS COMMENT CA ah-eh bon? Tu sais ce que ça signifie? On parle du gouvernement là! Si avant ta volaille faisait trois voyages par semaine, ça deviendra trois voyages par jour! Acclamation générale, les promesses de berrys ça faisaient toujours mouche.

      -Ah ouai c'est bien ça...

      -Ben voila, bien sûr que c'est bien! Bref, je vais simplifier pour toi. Tu vois le monsieur là? Et ben lui et moi on va tester devant tous les citoyens ici présents ton canasson géant afin de prouver que ça déchire!

      -Mouai... vous savez moi ça m'dépasse tout ça là. Mais si vous voulez Bibine, ça vous fera...

      -T'inquiète pas! C'est l'état qui paye! D'ailleurs vois ça avec mon pote là, moi j'm'occupe de tester l'truc!"

      Sitôt dit, sitôt fait, mon piège c'était refermé. J'avais bien géré le timing, chaque réponse ne laissait pas la place à une intervention extérieure. L'enthousiasme de la foule aidant, le vieux se laissa convaincre, me donnant d'une main tremblante les rênes du fameux Coq géant. Avant de prendre celle-ci, je pris toutefois le soin de me rapprocher de mon partenaire du jour, lui lâchant quelques mots dans l'oreille. Puis, sans me faire prier, je montai sur l'animal, et sous l'acclamation de la foule, je pris mon envol. Un peu lente au démarrage, la bête commença à courir, le trot devenant un galop effréné. Aucun doute que j'avais la classe, enfin, autant que l'aurait eu un dromadaire funambule. Qu'importe, l'important était que ma monture prit son envol. Jusque là, tout n'avait été que pitreries, mais une fois dans les airs, je renouai avec mon calme habituel. C'était tout simplement merveilleux. Le tout fut toutefois laborieux, mais après quelques échauffements, la volaille prit de l'altitude. Je m'envolai.

      Spoiler:
        Il me prend à part, m'embarque dans une mascarade débile et me fait des clins d'oeil. C'est quoi, ça ? Gardant volontairement mon air interrogateur et suspicieux malgré ses invitations à jouer son jeu, par pur esprit de contradiction, j'le fixe davantage que les marchands alentours qui se regroupent pour écouter sa tirade. Et forcément, comme me voici au centre de l'attention aux côtés de ce gars surexcité, j'deviens franchement gêné. Surtout qu'en civil, j'suis qu'un homme-poisson comme un autre, humf. Une drôle de bestiole de foire. J'ai sûrement déjà ma réput' dans le coin. Pas bien aimable, pas bien propre, j'sens qu'ils doivent se poser des questions concernant l'titre d'émissaire du gouvernement que cet Alfred me prête. Mais peu m'importe. J'veux simplement savoir où il veut en venir.

        Ayant entourloupé l'vieux, il attrape les rênes du coq. Et qui sait qui va raquer ? Bibi, comme d'hab. J'hésite à l'arrêter tout de suite, ou à lui faire une remarque timide, ou à direct élever la voix. J'sais pas, merde. Dans tous les cas, ce sera pathétique et j'aurai l'air super con. La routine, qu... Il se penche à mon oreille, me sussure une adresse. J'le quitte pas des yeux alors qu'il part s'envoler comme une plume après avoir bien installé son bien lourd mystère. Pff. J'soupire un coup, ça me détend. Partagé entre amertume et consternation, il a au moins réussi à salement piquer ma curiosité. J'vais pas résister à l'envie de suivre ses instructions. Même si c'est clairement pas l'genre de type qu'il fait bon de suivre lorsqu'on est un bon vieux marine reprit déjà au moins une bonne dizaine de fois pour insurbordination et qui s'est déjà pris tout un tas de sanctions disciplinaires dans sa drôle de tête de requin gris. J'vais encore m'embarquer dans quelque chose de tendu, j'le sens. Et ironiquement, j'ai l'espoir que j'vais adorer ça. Ouais... Lécher les pieds d'un commandant efféminé tordu raciste tyrannique hautain et surtout efféminé, ou m'lancer dans quelque chose de craignos et d'intéressant aux côtés d'un type fringué comme un clochard qui transpire le louche. Y a vraiment matière à hésiter, là ? Banco pour le clochard.

        300 berrys !
        Quoi ?
        Eh bien, c'est 300 berrys le tour de...
        Hmm.
        C'est bien vous qui réglez, c'est ça ? C'est ce que votre ami a d...
        Tiens. A plus.
        Mais... Et pour l'accord ?
        Ça conviendra pas.
        Mais vous n'avez même pas...

        Me voilà les poches vides. Plus de quoi m'fournir en filtres à cafés. Les poches vides, et de drôles de doutes dans mon esprit. Les derniers mots du mec se sont installés dans ma tête et raisonnent maintenant stupidement comme une espèce de promesse d'aventure, ou d'occasions. J'm'emporte et m'envole rapidement. Si ça se peut, c'est juste un touriste ivrogne qui a plus toute sa tête et qui m'a littéralement donné rendez-vous pour mes beaux yeux de merlan. C'est que la trogne ahurie que j'tire quand j'suis étonné peut sûrement constituer une attraction en soi dans le coin, voire un culte à son effigie. Mais je m'accroche au p'tit espoir qu'il m'a lancé, et j'réorganise mon emploi du temps. Deux heures, ça me laisse le temps de retourner chercher mon uniforme... ainsi que mon arme lourde, sait-on jamais.

        J'laisse donc ces pauvres types regarder leur poisson d'or se barrer tranquillement avec leurs espoirs de fortune, tandis que le dingue au coq commence son rodéo là-haut. Retour à la base.
        Je marche dans du vomi tout frais en passant, du pied gauche. Présage d'une bonne fin de journée ? Ça marche aussi avec le vomi ? J'prendrai une douche rapide en rentrant, comme me l'a demandé Yoshi. Parce que là, j'commence effectivement à shlinguer très violent. J'me donne à moi-même des hauts-de-coeur, c'est dire. Alors que j'me relance dans les rues bondées, un cordon sanitaire se forme rapidement autour de moi. P'tain. Tout ces regards en se pinçant le nez. Me rendent dingues. J'tiens plus, j'cours en serrant fort les dents pour me détendre, rêvant d'avance des douches de la base, leur blancheur, leur silence, la solitude. Et j'cours, j'cours, encore plus vite, puant la mer et le vomi, et l'air à moitié désespéré. Faut m'comprendre. ARRÊTEZ D'ME MATER, TOUS, MERDE.

        Faut pas que j'oublie de reprendre un peu de fric pour les filtres du commandant, aussi, il serait capable d'me coller aux corvées des matelots pour ça.

        ...
        _________________________

        Y a un truc que j'devais penser à faire, mais il a du s'retrouver écrasé sous mes autres pensées. Reposez en paix, douces priorités.

        Me voilà mieux équipés, alors que j'emprunte de nouveau la grande porte de la base pour reprendre un nouveau bain de foule. Mon manteau blanc, mon marteau de guerre solidement fixé tête en bas dans mon dos. Et bien sûr, après une grosse douche, j'sens encore fort le savon. Bien que j'me réfugie toujours dans des démarches faussement nobles et fières et que j'mens allègrement pour laisser penser que j'suis un poiscaille épanoui et totalement intégré dans la marine, j'suis forcé d'm'avouer que le blanc et les petits galons me vont bien. Si j'ai pas l'allure ni la prestance et ni bien sûr le physique d'un grand officier, j'en ai au moins les... fringues. Et... l'aura ? J'intimide comme cela, oui. Mon apparence de prédateur marin, fusionnée à celle d'un rude lieutenant qui en a vu de dures. Les touristes arrêtent de me prendre pour un con, quand j'suis sapé comme ça. Ils me respectent tous, comme ils respectent une grande autori...

        Homme-poisson marine ? Marine guerrier ? Photo ?
        Je t'avais pas demandé de dégager tout à l'heure ?
        Dieu-Poisson ? Photo ?
        Euh...

        J'passe mon chemin, pendant qu'le taré m'improvise des espèces de prières, et j'm'échappe en me glissant aussi fluidement que possible dans la foule. Le port va être bondé du même genre d'activités. Touristes, marchands, illuminés. Parfois ils en sont deux à la fois, et il est aussi possible de cumuler les trois. Faut que j'm'y fasse. Quelle île hyperactive, un enfer débordant de légéreté et de bonne humeur. J'me remémore ma destination en zigzaguant à travers la foule. Quai 5, tonton tapis. Me rendre au rendez-vous d'un étranger pendant ma patrouille, c'est pas super protocolaire... Mais rien de tel qu'un peu de risque et de mystère pour égayer une banale journée, ça m'éloigne le passé du crâne et m'permet de parier un peu sur le futur, pour une fois.

        Le port s'ouvre à moi, lui et ses terrasses gorgées d'un soleil qui commence à offrir ses dernières lueurs, et ses touristes à peine débarqués qui s'retrouvent aussitôt assaillis par des fanatiques délirants et par des marchands de camelotes. Quai 5... C'est plus loin.
        Au fur et à mesure de ma progression sur les quais, moins de populace, moins de bruit, moins de nuisances. J'dirais que ça m'fait des vacances, d'un autre côté ça me rassure guère et m'amène à appréhender la vraie nature de mon clochard. Ça sent un peu l'embuscade. J'déboule sur le quai 5, retranché par rapport au reste du port, ressemblant même carrément à un quai désaffecté. Juste deux ou trois navires amarrés ici et là, des coques de noix un peu sordides dont les capitaines devaient même pas pouvoir se payer un ponton décent.

        Et le tonton tapis, l'est bien décrépit. J'm'arrête devant, au milieu d'une tonne de caisse. Puis... J'attends. La tête vide, l'coeur qui palpite. C'est que j'ai hâte de savoir ce qu'il peut vouloir me raconter de si secret, là, dans ce recoin paumé, louche et puant, alors que j'ai fais l'EFFORT de m'faire une toilette et d'arborer ma tenue d'officier. Qui, pour le coup, accroît encore un peu plus mon malaise. Me donne l'impression d'être un ripou qui attend le diable pour négocier avec lui. J'kifferais pas que des collèges me surprennent ici.

        J'le reconnais vite quand il apparaît de l'autre côté du quai. J'pars moi-même à sa rencontre.

        ... Alors ?

        Pas franchement d'humeur à ce qu'il m'embarque dans une autre comédie, j'lui fais comprendre que j'suis impatient qu'il se dévoile à moi sans fioritures. J'ai repris confiance, l'avoir seul face à moi me donne l'illusion de pouvoir décrypter sur sa face s'il cherche à me faire un coup tordu ou pas. Illusion parfaitement débile, car j'ai déjà bien du mal à contrôler mes propres émotions, c'est pas pour pouvoir lire dans celles des autres. Tsss.
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        - Regarde maman ! Une clocharde !

        J'ouvre fébrilement les yeux. Ma tête tourne, des étoiles dansent, les nausées vont et viennent au gré d'une puissante migraine qui me lancine au niveau du crâne. Tout semble m'agresser : que ce soit le soleil éclatant, la chaleur qui règne ou même le petit son aigu qui traine dans mon oreille gauche et ne veut pas s'en aller.

        - Hein, heu, quoi ?! Quelle gneuuh... quelle heure il est ?!

        Je roule sur moi-même et me redresse en me tenant au mur. Le temps d'avoir finalement l'air d'un véritable homo-sapiens, le gosse et sa mère sont déjà loin. Balisto sort son museau tout en se passant de façon étrangement anthropomorphique la patte gauche sur l'une de ses longues moustaches.

        - C'est toujours l'après-midi, vous vous êtes endormie ma dame... Si je peux vous conseiller de vous rendre à l’hôtel pour vous faire une toil-

        J'interromps la voix dans ma tête en saisissant le petit animal d'un maladroit coup de paluche, provoquant un couinement de surprise chez le superhéros écureuil, avant de le fourguer brusquement dans mon décolleté.

        - Ah j'aurais pas dit mieux moi-même ! Purée ma tête... Et de me mettre en route en ruminant : C'était qu'un verre pourtant, rien qu'un verre...

        En chemin je repasse par la place centrale. C'est plutôt bondé mais y'a bien un soldat de la Marine qui arrive facilement à se frayer un chemin à travers la foule, légèrement péteux le gars. Je reste étonnée de voir que c'est un homme-poisson, le lieutenant que voilà. Je demeure quelques secondes de plus à l'observer, certaine que sa tronche de berger allemand extraterrestre me dit quelque chose. Mais dès que j'essaye de réfléchir, ma caboche me fait bien trop mal, même si carrément moins qu'avant. J'ai au moins ce don de récupérer très vite, même si pour ça il m'avait fallu dormir dans la rue. Je continue donc de trottiner cahin-caha vers l'auberge miteuse où j'avais élu domicile.

        ***
        - A on je jent bienj aprej june bonne douje, gnéjéjé.

        Plutôt deux fois qu'une, je me brosse les dents, car s'il y a bien une chose que j'arrive pas à supporter, c'est la mauvaise haleine, autant pour moi que pour les autres. Je m'actionne rapidement en décrivant des mouvements répétitifs sur mes incisives, canines, prémolaires puis molaires parfaitement lustrées que j'entretiens soigneusement. Bon je sais que le détail est pas forcément très saisissant, mais j'aime bien. Une fois la tâche finie je sors sans prendre la peine d'enrouler mes cheveux dans une serviette. Pas le temps, pas l'envie, puis je suis pas là pour me faire belle. J'enfile rapidement des habits propres sentant bon la fraicheur de la lessive, puis je décampe. J'suis pas spécialement désireuse de rester enfermée dans ma chambre à pioncer ou recouvrer mes forces, alors que la ville commence tout juste à me livrer ses secrets !

        ***
        Je trépigne d'insatisfaction, déçue après avoir fait plusieurs fois le tour du port pour récolter d'autres informations. Rien. Au fond, j'aurais bien aimé trouver plus d'indications sur ces satanés assassins, mais en dehors de leur foutu repaire ils pouvaient être n'importe qui et n'importe où. Même l'autre gugusse qui se baladait partout avec son appareil photo et que j'avais surpris à me suivre pouvait être suspect.

        - Bon, tu veux quoi, le vieux ?

        - Bonjour ? Femme borgne ? Œil, combat, guerrière amazone ? Photo ?

        - Non.

        - Déesse borgne ? Photo avec moi ?

        - J't'ai déjà dit non, non ? C'est toujours non.

        Je commence déjà à m'éloigner du bonhomme quand j'entends une voix dans ma tête. Au fond de moi je me dis : non c'est pas possible. Et bien si, haha !

        - Prend une photo avec lui, héhéhé !

        Et comme si ça suffisait pas, j'entends aussi la voix de Balisto qui enchaine :

        - On vous dérange mademoiselle, voulez vous que je morde cet individu ?

        - RAH NON !

        Voilà, l'autre m'a entendu, il se rapproche tandis que je plaque les mains contre mes tempes pour lutter contre le mal de crâne.

        - Déesse en colère ? Changé d'avis, photo ?

        - Bon allez, toi prendre moi photo, puis toi foutre la paix à moi ensuite.

        - Alors vous venir avec moi !

        - Hein ? Que quoi ? Aller où ? Tu veux pas juste une photo ?

        L'ancêtre ne m'a visiblement pas entendue et se met en branle comme une vieille mobylette. D'abord il trottine jusqu'à la sortie de la place, puis augmente sensiblement la cadence dans la grande rue, avant d'adopter une démarche finalement normale à proximité d'un labyrinthe de petites ruelles. Ça pue ça. L'homme me fait signe d'avancer, de continuer à le suivre, ce que je fais sans rechigner. Au fond je sais que si je tombe dans un piège, j'aurai probablement suffisamment le temps de le voir venir et de me défendre sans problème. Je ne suis plus la petite infiltrée de 1621 qui ne sait même pas se battre à main nues, c'était l'une des choses sur lesquelles je m'étais le plus concentrée récemment avec Era Cles.

        - Venez, ici, près de moi.

        J'étais de plus en plus surprise. L'individu conjuguait ses verbes, tout ça n'était donc qu'une vaste duperie. J'avance tout de même, il semble avoir quelque chose à me proposer. Dans le doute, je décroche incognito l'un de mes pistolets et le garde en main dans mon dos. L'homme m'annonce subitement, dans un flot de murmures :

        - En fait, je tiens à vous proposer de rejoindre notre Dieu, oui, au nom de la religion, au nom de Dieu ! Nous prions pour les pêcheurs et tentons de les sauver à l'aide des signes dans les étoiles, que le grand Dieu tout miséricordieux les garde... Quand je vous ai vue, j'ai tout de suite pensé que vous pourriez être une prophétesse, au nom de Dieu bien entendu.

        Des étoiles, un Dieu, sauver des pêcheurs ? J'écarquille les yeux ; la chance venait-elle de me sourire ? L'olibrius avait tout l'air d'un recruteur de la Cabale, mais comment en être sûr... Bah, je me disais bien qu'il était louche quand même, depuis un moment, à le voir trainer au marché, à demander aux gens musclés ou relativement effrayants s'ils voulaient bien prendre une photo avec lui. Mais le gars me semblait aussi plutôt innocent, il n'avait pas la charpente ni la discrétion d'un assassin. Peut-être était-ce voulu ? Peut-être...

        - Je suis intéressée par ton grand Dieu ô combien tout puissant. Dis m'en plus vieil homme, comment je deviens une prophétesse pour le Seigneur ?

        En réponse il me colle son vieux bout d'index tout tordu sur la bouche, comme si j'avais parlé trop fort. Y'a pas un chat dans les rues et il a l'air niais au point de ne pas comprendre que la seule menace environnante, c'est moi. C'est définitivement le plus mauvais recruteur que j'aie jamais vu.

        - Venez seule ce soir au port, il y a un bateau amarré qui s'appelle "La Belle Estropiée", c'est là que nous vous dirons tout ce qu'il y a à savoir et ferons de vous une descendante des étoiles, au nom du Saint-Esprit.

        Le port ? Un bateau ? Merde, c'est pas l'endroit que m'avait indiqué le couvreur. Pourtant pas de doute, des sectes religieuses d'assassins bouffées aux théories sur la disposition des planètes, y'en a pas deux sur Inari. Ils doivent selon toute probabilité changer régulièrement de lieu pour leurs obscures réunions, les bougres. Le crouton me fait une grimace et, sans même dire au revoir, retourne à ses préoccupations en demandant à des touristes lambdas s'ils veulent bien prendre une photo avec lui. Bah, banco pour La Belle Estropiée ce soir alors. De toute façon j'ai totalement oublié où se trouve le prétendu repaire de toute à l'heure.

        Et puis la carte que j'avais tracé sous l'emprise de l'alcool était tout bonnement illisible.
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        - L’ambiance est électrique, les deux hommes se regardent les yeux dans les yeux, personnes ne semblent vouloir lâcher. Qui aurait cru que le grand Kankane se ferait défier ! Mais voilà un nouveau chalenger qui entre en scène. La foule retient son souffle, attendant les évènements qui suivront et…

        Vingt bonnes minutes que je supporte leur connerie, que je regarde se grand type à la figure émacié taper sur tous c’qui bouge. Et pas moyen de se dépêtrer de cette masse. Un tas d’abrutis qui poussent pour voir ça de plus près et un tas qui repartent le visage en sang. Me laisse pas le choix. Tranquillement j’entre sur le ring improvisé. Les têtes se tournent vers moi. Juste le temps de mettre quelques taloches au commentateur improvisé et me voilà au centre de tous les regards. Les deux gus déjà me jettent des regards hostiles, mais ce n’est pas comme si j’cherchais à leur piquer la vedette. J’me serais bien passé de devoir me farcir tout ça moi.

        J’esquive un premier coup, qui se voulait traître, de la part du champion. Une frappe de bienvenue, hein ? J’en ai autant à ton service. Echangeant quelques amabilités, le géant et moi testons nos forces respectives. Bien, s’il a la force j’ai la vitesse. Je pars, non sans douleur, une droite appuyée avant de lui balancer mon genou en plein visage. S’il douille, je n’ai pas le temps d’en profiter. A terre, je roule sur le côté le temps de retrouver mes esprits et esquiver un deuxième coup du challenger.

        Rapidement je bondis sur mes jambes. Ça tangue légèrement, mais c’n’est pas bien grave. Je jette un coup d’œil à ma droite, le grand ne semble pas avoir apprécié mon coup. Moi qui comptais lui en offrir plein d’autre. Les regards se croisent. Chacun pense à son prochain mouvement. Pour ma part le mien est dans ma main. Reste à voir c’que vont faire les deux autres. Et enfin ils s’bougent. Le challenger, plus large que long, me fonce droit dessus dans un tacle. Je saute et l’accueil le genou dans sa mâchoire puis écrase sa tête au sol. Roulé boulé pour esquiver ce qui ressemble à un High angle senton bomb et voir le champion écraser sa victime après une pirouette assez spectaculaire.

        Il se frotte les yeux. Cadeau héhé. La poussière que j’avais en main finit dans les yeux du champion. Ma course se stop face au soldat qui vient s’interposer. Trouble à l’ordre public qu’il dit. Ok ok on arrête. Moi ? Juste un type de passage. Bah quoi, fallait bien que j’me dépêtre de cette foule comme j’pouvais. La foule se disperse peu à peu et chacun reprend ses occupations.

        Oh, pousses pas ! Comme si devoir me débarrasser de ce garde ne suffisait pas. Je fouille d’instinct mes poches. Merde. J’me tourne brusquement le temps de voir le type tenter de s’éclipser avec mon porte-monnaie. Heureusement que l’enveloppe de pognon était en sureté dans mon m… Je tape un sprint pour le rattraper. Et à voir son empressement, il a dû comprendre qu’il était grillé.

        Après quelques minutes de courses je le perds de vue. Pas moyen qu’il s’en tire comme ça. Rien où que je regarde. Il c’est vraiment échappé. D’ailleurs il faut croire que j’ai aussi paumé le marine et c’n’est pas une mauvaise chose par contre.

        -KYAAAAAAAAAA !!!


        Je fonce automatiquement vers le cri. Obligé de jouer des coudes pour pouvoir m’approcher du cercle qui se forme. Il est là. Les orbites vidées de toutes vies, du sang lui coulant d’une blessure en plein cœur. C’con pour lui. Je me penche pour ramasser l’enveloppe discrètement. Un dernier coup d’œil au cadavre et je file dans la foule. Le travail avait été rapide. Il ne l’avait pas vu venir et les passant non plus à c’que je peux entendre. Pro… Quand à mon enveloppe ? Vide. Quoi que. Un mot y a été laissé. « Ce soir sur le bord est de quai vos biens vous serons rendus ». Intéressant. Pas que j’le sente bien, mais faut bien je commence mon taf quelque part.