La machine démarre.

Il y a un peu plus de trente ans, ici, à Logue Town, Kurogane Shinobu voyait le jour. Et aujourd'hui, Kuro y revenait. Ce n'était pas la première fois, mais, comme à chaque fois qu'elle remettait les pieds ici, la plus charmante des autiste se sentait mal à l'aise. D'une certaine façon, elle devait appréhender de revoir ses parents. Elle n'avait jamais repris contact avec eux depuis qu'ils l'avaient vendu comme on se sépare d'une vieille armoire. Certes, à cette époque, elle était trop jeune et trop stupide pour comprendre ce qu'il se passait. Mais aujourd'hui, après plus de vingt ans, elle digérait mal cet abandon. Elle leur en voulait. Et de fait, elle n'avait rien à leur dire. Pour elle, ils étaient comme morts. Seulement, elle avait toujours dans un coin de sa tête l'idée qu'elle avait bien des parents comme tout le monde et que, même si elle s'était construite sans eux, ils n'étaient pas totalement des étrangers pour elle.

Elle errait donc dans les rue, hagarde. Cherchant du regard un endroit où aller. Le plus dur pour Kuro étant de ne pas marcher sur les jointures des pavés. Oui, pour une raison obscure, la musicienne refusait de poser le pied sur l'interstice en béton qui séparait deux carreaux de carrelage, ou, comme c'est la cas dans les rues de Logue Town, deux pavés. Elle essayait de profiter de l'escale du navire de croisière qui l'avait embauché dans son orchestre, mais, pour elle, il lui était impossible de pleinement profiter de sa pause. Elle serait bien allée à la confiserie s'acheter des bonbons, mais elle était fermée depuis son passage précédent.

Soudain, il se mit à pleuvoir. Enfin, ce n'était pas quelque chose d'inattendu pour une personne qui aurait un tant soit peu levé le nez en l'air pour voir les nuages gris et menaçants s'amonceler au dessus de l'île. Mais Kuro était typiquement le genre de personne qui se laisserait surprendre par ce genre de choses. Pourtant le petit brin de femme aimait bien la pluie. Mais seulement lorsqu'elle était à l'abri et bien au chaud. Présentement, l'eau qui tombait sur la ville n'épargnait pas notre héroïne. Et autant Kuro aimait l'eau, autant, elle préférait largement prendre une douche lorsque c'était elle qui ouvrait le robinet.

Il fallait donc vite trouver un abri. Sinon la pluie allait ruiner son brushing. Ce qui serait bibliquement catastrophique. Elle se mit donc à courir. Mais l'eau avait rendu les pavés glissants. Et Kuro, tellement concentrée à vérifier qu'elle mettait bien le pied sur les pavés. D'ailleurs, elle était tellement dans son truc qu'elle ne vit pas un jeune homme sortir d'un bar/hôtel/brasserie.

Patatras!

Ce qui devait arriver arriva! Kuro télescopa le brave Adell qui tomba sur le pavé. Heureusement pour le petit brin de femme, elle bascula par dessus le garçon. Ce qui lui évita de souiller ses habits. Se relevant, elle apostropha l'inconnu.

"Hé, espèce de mâle autruche! Regardes un peu où tu vas! T'as failli salir Kuro!"

Kuro regarde incrédule le monsieur le parler. Elle penche la tête à droite, cligne des yeux deux fois, puis bascule sa tête sur la gauche pour cligner des yeux par deux fois. Puis, enfin, sa tête retourne s'incliner sur la droite et, oh surprise! Elle cligne encore deux fois ses yeux. Elle ne pige goutte à ce que ce type aux cheveux rouges raconte. Et, de toutes façons, elle s'en fiche un peu. Le petit brin de femme à toujours été plus intéressée par ce qu'elle disait que par ce que les autres pouvaient répondre. C'est alors qu'un mot arriva dans les oreilles de notre Kuro nationale.

Ce type voulait offrir un truc à Kuro. Pourquoi, elle ne le savait pas vraiment! Elle s'en fichait un peu d'ailleurs. Elle allait avoir un cadeau! En plus on est même pas à Noël ou pour son anniversaire. C'était aussi cool qu'inattendu. Puis soudain, elle se souvient d'un conseil précieux de son Papi.

"Kuro, ne mange pas la neige jaune!"

Non, ce n'est pas celui là.

"Kuro, il ne faut pas suivre un inconnu!"

Argh! Cruel dilemme! Il y avait un cadeau à le clef... mais pour ça, il fallait suivre un type inconnu. Ce qui n'était pas bien. Après tout, les inconnus, c'est un peu comme les oiseaux, on ne sait jamais ce qu'ils ont dans la tête. Donc, voilà Kuro en train d'hésiter. C'est alors que le jeune rouquin eut la bonne idée de se présenter. Ouf! Elle pouvait enfin le suivre sans risques! Et surtout, avoir son cadeau! Seulement, il commit un terrible impair. Il venait de tapoter la tête de la mini-nana.

"Hé! Pas touche à Kuro!"

Elle recule très vite de deux pas, hors de portes des mains pleines de doigts de ce type.

"On ne touche pas Kuro! C'est maaaaaal! Enfin... Salut Adèle! T'es une fille? T'as une drôle de couleur de cheveux, tes parents le savent? Et puis, pourquoi tu portes une cravate, les filles ne portent pas de cravate. Sauf chez le notaire mais Kuro ne sait pas trop pourquoi. Enfin, le plus important, c'est vrai que t'as un cadeau pour Kuro?"

Et voilà la petite qui regardait le pirate avec des étoiles plein les yeux.

Étrangement, le garçon essayait de faire comprendre à la mini-nana qu'il était bien un homme. Ce n'était pas une des choses les plus évidente. En effet, il avait certes une voix un peu plus grave qu'une fille, et franchement peu de poitrine (même moins que Kuro, c'est pour dire!) mais ça ne suffisait pas à le définir comme homme. En tout cas, pas aux yeux de notre héroïne.

Enfin, comme elle est naturellement douée pour faire confiance aux gens et à accepter des choses sans forcement avoir à les comprendre. Elle ne protesta pas. Adell était maintenant une homme. Une garçon un peu efféminé, mais un gars quand même. Après tout, elle n'allait pas lui demander de baisser son slip pour avoir confirmation! En fait, si, Kuro était carrément capable de ce genre de choses. D'ailleurs, elle allait le lui proposer quand il commit un impair!

Il parla d'oiseaux. Immédiatement, le frêle petit corps de Kuro se raidit. Ils était là! Ils l'avaient suivi! Ils sont partout! Argh! Elle ne sera jamais tranquille. Depuis qu'elle sait, et qu'eux savent qu'elle sait... sa vie était devenue un enfer à cause de ces satanés piafs conspirateurs! Ou constipateurs, Kuro ne savait jamais lequel des deux était le bon. Mais une chose était sûre à présent. C'était un oiseau déguisé! Il venait bien de dire qu'il avait deux ailes! Comme un oiseau! En plus, il essayait de s'envoler devant elle. Comme pour la narguer.

Ce devait être un oiseau déguisé! Ou pire, un hybride homme-oiseau. Certainement le fruit d'un amour incestueux entre une petite femme peu regardante et un gros oiseau en manque d'affection. Une amour oizoophile. Eurk! Dégoutant! Kuro ne voulait pas d'un pote oiseau. Ou à moitié oiseau. Non, non et non. Chaque cellule de son être refusait cette possibilité.

Mais il y avait un cadeau. Et la grande question qui secouait les neurones du petit brin de femme était la suivante. Doit-on accepter le cadeau d'un ennemi? D'ailleurs, était-ce vraiment un cadeau? Les oiseaux sont vils et sournois; ils savent certainement ce qu'aime Kuro, la seule personne qui a percé leur terrible complot à jour. Si ça se trouve, c'est juste une manière de l'embobiner pour mieux... non! Il ne valait mieux pas y penser.

C'est alors qu'il lui tourna le dos. Il avait rendez-vous avec une fille. "Histoire" qu'elle s’appelait. Quel drôle de nom. Encore une enfant non désirée que les parent voulurent punir en lui filant le prénom le plus naze qui soit. Comme Adell par exemple...

Hé mais hé! Il lui fait un clin d’œil? C'est quoi ce type qui à un rendez-vous avec une fille et qui fait du rentre dedans à une autre? Inadmissible! Mais tellement dans la façon de faire des oiseaux. Rhaaa! Elle enrageait intérieurement. Il fallait qu'elle fasse quelque chose. Alors, profitant qu'il lui tourne le dos, la petite femme se sentit dans l'obligation de faire quelque chose. Elle sortit un de ses fameux révolvers et cala l'embout du canon à la base de la nuque de l'horrible hybride.

"Kuro sait qui t'es, espèce de canard! Kuro ne te laissera pas faire! Kuro sait que t'es de mèche avec les oiseaux! T'as même dit que t'avais deux ailes comme eux! Sale oiseau! Kuro déteste les oiseaux! Avec leur sale bec d'oiseau! Leurs plumes d'oiseau! Rhaaaa! Kuro les hait! Et Kuro te hait aussi espèce d'oiseau-garou!"

Le jeune garçon venait de dévier le canon de l'arme de la mini-nana. Au premier mouvement, elle aurait pu et du tirer. Mais elle ne l'avait pas fait. Pourquoi? Elle-même l'ignorait. Peut-être parce qu'elle n'aimait pas tuer des gens. Peut-être parce qu'elle avait un doute. Peut-être que son cerveau avait buggé. En tous cas, Adell était encore en vie et la pistolera venait de ranger son arme dans son étui.

Sans s'en rendre vraiment compte, elle suivait ce type. Elle se demandait encore s'il était un oiseau ou pas. Après tout, elle était super forte, si ça s'avérait être un piège, elle lui ferait deux ou trois trous de balle supplémentaires et l'affaire serait réglée. Même s'il avait des renforts ornithologiques, la plus braves des sniper saurait en venir à bout. Seulement, il y avait une difficulté pas si inattendue que ça. Les pavés. Kuro se refusait à marcher sur les jointures entre les carreaux. Pourquoi? Nul ne le savait, mais elle préfèrerait mourir que de mettre le pied dessus.

Soudain, il se retourna et lui demanda un truc. Le quartier marchand? Trop facile, Kuro connait Logue Town comme sa poche. Enfin, certainement mieux, vu les choses improbables qu'elle pouvait en sortir. Malheureusement, au moment où elle allait lui répondre et le guider à destination. Un homme de petite taille (plus petit que Kuro, c'est pour dire!) fit irruption dans la conversation. La mini-nana aurait sans doute compris quelque chose si elle avait suivi les aventures pleines de pectine de l'homme-pomme. Mais comme ce n'était pas le cas, elle regardait ses pieds d'un air absent. Après tout, si quelque chose là dedans la concernait, on le lui aurait dit. Par le plus incroyable des hasards hasardeux, elle se trouvait au pied de son hôtel. A la vitesse de l'éclair, elle alla chercher sa malle et revint pile au moment où Adell lui demanda un truc.

"Tu veux aller à l’échafaud? Et tu veux que Kuro t'y amène? Trooooop facile! Vite vite Adell Dugland! Suis Kuro!"

Et voilà que Kuro filait comme une balle, toujours en ne marchant uniquement sur les pavés. Mais pourquoi avait-elle appelé Adell "Dugland"? Tout simplement parce que le nain l'avait nommé ainsi, et qu'il y avait répondu. Donc, logiquement, pour la pistolera, l'homme-explosif était Adell Dugland!