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Rio Bravo

Je me suis jetée dans la douche dès que Red a fini d’ouvrir la porte de sa nouvelle planque secrète d’agent ultra secret, balançant mes vêtements à travers la salle pour me séparer de cette horrible odeur d’égout, me lançant dans la baignoire après avoir allumé l’eau bouillante. Enfin une bonne chose. Vingt minutes à frotter comme une tarée pour faire partir la boue sur la peau, vingt autres pour m’occuper de mes cheveux qui s’étaient imbibés de cette odeur écœurante.
Finalement, je mijote dans l’eau bouillante en chantonnant une horrible chanson pour apprécier le moment. Le pire est passé. Du moins, je l’espère. Et la présence de Bee barbotant dans l’eau ayant débordé de la baignoire me rassure déjà sur l’avenir. Je lui parle même, entre deux refrains mal chantés pour savoir s’il va bien, si je lui ai manqué parce que lui, oui, énormément, comme si une partie de moi m’avait été arrachée, et c’est pleine de joie que je lui dis ces choses en lui gratouillant le sommet du crâne avec ma main savonneuse. Ses kwak vigoureux me certifient qu’il ne me quittera plus jamais, et moi, je lui promets de ne plus jamais signer de contrat pour des bêtises comme celle-ci.

Nous voilà mieux.
Rassurés.

Mais si le pire moment est passé, il ne faut pas oublier que la mission n’est pas terminée et pour le moins incomplète. La famille Endemolia ne perd rien pour attendre ma vengeance ! La contre-attaque sera terrible, épouvantable, elle achèvera d’un seul coup ce groupuscule d’escrocs en leur faisant payer au centuple ce que j’ai éprouvé ces dernières semaines. On ne me vole pas un ami impunément, on ne me laisse pas pour morte sur une île pourrie, on ne me fait pas prendre un bain de boue avec des crocodiles ! Non mais ! Et d’ailleurs…

J’AI UN PLAN !

J’hurle ça en bondissant de ma baignoire, sans prendre le temps de rincer la mousse dans mes cheveux. Je prends juste la peine d’enfiler le peignoire à porter pour foncer comme une furie dans le salon ou attend Red depuis que je monopolise totalement égoïstement la salle de bain. Il pue, et je le lui souligne mesquinement. Mais au moins, il a pris le temps de se mettre à l’aise avec une bière et une tartelette à la fraise.

Regarde bien, et sois super attentif !

J’attrape la tartelette et la place devant lui, pour ensuite la lui désigner du doigt :

Ça, c’est eux !

Puis, je m’empare de la bouteille de bière pour la placer juste à côté de la pâtisserie :

Ça, c’est nous !

Jusque-là, Red a l’air de comprendre. En même temps, ce n’est pas la partie la plus compliquée de mon histoire. Je lui dis que je simplifie au maximum pour qu’il saisisse toute l’envergure de ce que je prévoie, alors il se concentre d’autant plus en acquiesçant, s’attendant probablement à une histoire très compliquée…

Voilà ce qu’on va faire !

J’attrape la bouteille de bière d’une main et l’écrase violemment sur le gâteau qui s’éclate en mille morceaux dans un splosh dégoutant. Au moins, l’idée de base est très claire pour l’un comme pour l’autre. Il n’y a pas de doute qu’avec ça, la famille Endemolia sera annihiler. Me reste juste à régler deux trois détails et tout roulera comme sur des roulettes ! Le regard dur et profond, les cheveux dégoulinants d'eau et de savon, j’avise Red pour voir ce qu’il pense de ma fabuleuse trouvaille. Il semble ne rien avoir à dire, probablement parce que cette idée est absolument géniale et infaillible. Mais son soupir à vite fait de me dire ce qu’il en pense vraiment : je le désespère.

Tout ce qu’il doit comprendre, c’est que j’ai réduit en bouillie son encas.

Non mais, forcément vu comme ça, ça n’a pas l’air très très clair, mais c’est symbolique ! On ne va pas vraiment écraser des tartelettes avec des bouteilles de bière, ça n’a aucun sens. Non, on va rentrer dans leur palace sans frapper à la porte, et puis… Non mais d’ailleurs, on va défoncer la porte, et on va les atomiser !

Nouveau silence.

Quoi ?

Qui s’éternise.

Ne me regarde pas comme ça, il y a bien un jour ou ce plan va marcher…
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-Mais oui bien sur. Écoute, je te laisse mon numéro, et tu me rappelle quand t'auras huit mille dorikis d'accord ? Et à ce moment la, le plan de la bouteille de bière qui écrase le gâteau, ok, on pourra y penser...

Dorikis ? Non c'est pas grave oublie... Mais très franchement, je sais pas ce que vaut le canard une fois tiré du bain, mais toi et moi on a aucune chance de se pointer la bas bouche en cœur et flingues à la main et d'en sortir autrement que les pieds devant. Alors ce serait pas mal de trouver un plan qui ne soit pas qu'une manière originale de se mettre des chaines aux pieds avant de se jeter à la mer... Hum ?

D'ailleurs, t'a oublié un truc dans ta mise en scène... Un truc carrément vital !


Piochant et avalant a regret un bout de gâteau sur sa veste, Red se lève pour un aller retour rapide dans la salle de bain d'ou il revient en poussant le baquet d'eau tiède laissé par le duo. Eau moussante ou il vient faire flotter délicatement le plateau qui contient les restes macabres du gâteau.

-Le Palazio, c'est une villa flottante ! Alors le plan, ça devrait plutôt être un truc comme ça.

Et joignant le geste à la parole Red décapsule la bière,et en boit une gorgée avant de verser le reste sur le gâteau. Le gâteau qui s'enfonce, qui penche, et qui soudain passe sous le niveau de l'eau et sombre au fond du baquet dans un glou glou sinistre émaillé de crème rageante et de mousse...

-On va pas vaporiser Endemol. On va les couler !


Je te laisse noyer ceux qui nagent encore, moi je vais me chercher un autre gouter...


    Gngnh.

    Regardez-le se la jouer grand stratège !  Son plan n’est qu’une pâle copie un poil plus sophistiquée du mien. Il joue au même jeu, en passant par en dessous. C’est sûrement plus sûr pour nous, mais c’est quand même du pareil au même. Et je ne dis pas ça parce que je transpire la mauvaise foi.

    Retirant les derniers morceaux de gâteau, je nettoie la baignoire et en profite pour me rincer. C’est bien beau d’avoir une idée « de génie », reste plus qu’à avoir l’équipement pour la mettre en place et s’en sortir vivant. Et je ne sais pas encore comment Red veut s’y prendre, mais ce qui est sûr, c’est qu’il ne va pas nous pousser des branchies pendant la nuit pour qu’on aille poser un stock de C4 imaginaire sous la structure du Palace Endemol. Alors, quand j’en ai fini avec la baignoire et la salle de bain, presque totalement remise à neuf, je me dirige d’un pas décidé vers le séjour où il se la coule douce :

    Ok ! Soit, ton plan est carrément coule. Note le jeu de mot. Mais comment comptes-tu le faire ce que tu veux faire sans passer par l’intérieur et le cas échéant appliquer mon plan qui consiste à frapper à la porte ? Ne me dis pas que tu vas reprendre les pailles, sinon, je te frappe.

    Pour ce que ça vaut.

    Et puis, j’imagine qu’ils ont pris leur mesure pour palier à ce genre d’idée saugrenue, non ? Comme tout navire ou ilot artificiel, la structure flottante doit être un poil renforcée ou au moins protégée, sinon surveillée. Je sais bien qu’ils n’ont pas l’air très futés, mais faudrait pas non plus les sous-estimer.

    Avoir un plan du palace, ou au moins une photo, ou pouvoir aller le voir de moi-même, m’aiderait sûrement à me faire une idée du machin et de comment nous en débarrasser. Mais Red ne va pas me sortir ça de sous son chapeau...

    Dernier point : J’imagine que tu ne caches pas ton attirail dans ta veste de James Bond. Va falloir s’en procurer et le préparer, n'est-ce pas ? Tu connais mieux le coin que moi. Qu’est-ce que je peux faire pour aider mise à part m'habiller en potiche et servir de lampadaire ?
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    -Tu sais pou... Lilou. Je sais que tu as du mal a t'y faire mais. Je suis un agent du Cipher Pol tu vois. Je suis un professionnel. Et quand je propose quelque chose c'est que je me suis déjà renseigné à fond sur le sujet...

    Et franchement, ça me gène que tu doutes de moi...

    Héhé ! Regarde ça !


    Et l'agent de brandir fièrement deux prospectus récupérés peu de temps auparavant chez un de ses nombreux indics locaux.

    -Mate ça. Endemol organise une grande fête à la villa. Le genre bal masqué, gâteau géant, danseurs, serveuses nues, drogues et alcool a gogo avec son sens de la mesure et du bon gout habituel. Et ce papier tu vois, c'est le programme des réjouissances.

    Celui la c'est pour toi. Tu t'y connais en plan et en bidule non ? Et ben figure toi que le boss a commandé pour sa soirée une pièce montée géante au meilleur pâtissier du coin, avec pour consigne qu'elle ressemble exactement à sa baraque de luxe. Et du coup le pâtissier, il a les plans, et aussi le droit d'aller interroger le constructeur pour être sur que la maquette colle. J’espère que tu t'y connais en gâteau, parce que te faire passer pour lui ça va être ton boulot !

    Moi pendant ce temps la je m'occuperais des courses, j'ai fait la session sabotage au Cipher Pol, c'est facile, beaucoup de poudre et mèche longue, je gère...

    Et pour la suite...


    Red point d'un doigt une ligne sur le deuxième flyers avant de se reculer et de tirer devant lui le rideau de fortune qui sépare la planque en deux pour faire croire qu'il y a deux piéces. Juste le temps de se changer a la vitesse de l'éclair pour réapparaitre transformé .

    -TADAM !


    -Je te présente le Rossignol de Goa ! J'espére que tu sais danser le flamenco ?

      TADAM !

      Rio Bravo Lilou_11

      Le rideau s'ouvre une nouvelle fois pour me laisser apparaitre dans une tenue de cuisinier préparer avec amour par l'agent Red. Il me regarde comme si j'étais son mannequin, faisant le tour pour voir si tous les raccords tombent juste. Et finalement, il se félicite pour le travail accompli. Je m'attends a tout, même à le voir prendre un accent de fashion styliste qui s'y connait trop en mode. Bee, à côté de moi, est quand à lui déguisé en assistant-cook... Moi, tout ce que je note, c'est que j'ai de très gros sourcil et une moustache qui me démange. Et devant mon manque total de réaction, Red s'inquiète :

      TADAM !
      Tu redis TADAM ! encore une fois et je te fais avaler ma fausse moustache...
      Kwak...

      Le voilà rassurer. Je me regarde dans la glace avec un air dépité, une veine palpite même à ma tempe camouflée par mes cheveux crépées. Il a même pensé à m'attacher les cheveux avec des baguettes chinoises... Ce type a le soucis du détail, visiblement... C'est sûrement pour ça qu'on dit que c'est là que le diable se cache...

      Roh, mais fais pas la gueule, ça te va bien je t'assure... Non mais vraiment, et le muffin sur les cheveux, ça rend tout ça super crédible.
      Je vais te buter.
      Si tu me dis ça avec une voix fluette, ça va pas le faire. Prends la grosse voix pour voir ?
      Je vais te buter.
      Ah oui, c'est terrifiant...

      Tout ce que je vois moi, c'est que je suis contrainte de me déguiser en homme pendant que cet idiot va parader dans son costard de dandy. Et qu'il est forcément beaucoup plus à l'aise que moi. Parce que j'ai beau être doué pour faire des cookies ou des crumbles aux pommes, je vais perdre sacrément en crédibilité devant ma pièce montée avec mon équipe. Et je sais d'avance qu'en voyant le résultat, la famille Endemolia va me lyncher et vouloir me pendre pendant le gala pour mettre de l'ambiance. Je préfèrerai qu'il me tue tout de suite.

      Et puis, je maintiens. Mon plan était quand même beaucoup plus sympa.

      Bon, on y va. Tiens, prend ça. Dès que tu auras appris à sourire, on sera bon, ça nous permettra de rester en contact.

      Red me tend un escargophone qu'il glisse dans ma poche. Il me montre le sien pour me rassurer et me prouver qu'il me laissera pas tomber. C'est toujours ça de pris...

      Et y'a pas un nom de code pour dire qu'on est dans la merde si on est dans la merde ? Enfin, j'imagine bien que l'idéal, c'est de ne pas se mettre dans la merde, mais hé... ça peut arriver.
      Je pense que dire simplement "je suis dans la merde", ça me fera comprendre qu'il faut te sauver les miches.
      Faisons comme ça.

      Red me conduit dehors, avant de m'indiquer une direction du doigt :

      Tu as rendez-vous. Dépêche-toi.

      Et de quitter la scène comme un magicien.
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      Et voila un plan qui roule comme un pet sur une toile cirée. Avec son déguisement à toute épreuve la rouquine va s'introduire sans aucun soucis à la soirée de bourges, et armé de sa classe naturelle et envahissante l'agent Red va faire de même.

      C'est toujours pareil les théories. Sur le papier c'est toujours parfaitement au poil et impossible à louper... Mais en pratique ça résiste rarement au dur contact avec la réalité. C'est d'ailleurs précisément pour ça qu'on l'appelle comme ça.

      Pratique, et réalité.


      Comment ça annulé ?
      Ben comme je vous dis m'sieur. Annulé. Messire Endemol a décidé qu'il ne goutait pas le flamenco et qu'il préférait le remplacer par une danse folklorique locale.
      Une danse folklorique locale ?!
      Des danseuses nues du cabaret le chat qui fume. Et puis il parait qu'il y aura des nains aussi.
      Des nains ?! On m'a viré pour des putains de nains ? Donnez moi des noms et je vais me les faire les petits salauds !
      Nains ou pas ça ne change rien. Vous êtes annulés, plus de flamenco, plus de gages, plus de soirée.
      Non non mais attendez, doit y avoir moyen de s'arranger ! Bon, pas de flamenco, très bien, mais si vous voulez je jongle aussi ? Et puis je touche ma bille en catch, si on déguise les nains y'a moyen de faire du spectacle. Hum?
      Désolé m'sieur. Le programme est déja défini. Bonne journée.

      CLAP

      NOOOOONNN !

      Et voila, réalité et retour sur terre avec un plan soudain à moitié foireux. C'est vraiment dommage, ce costume de danseur de flamenco plein de rubans et de dentelles était foutrement classe, va falloir trouver autre chose. Retour à la liste des événements de la soirée pour l'agent Red, la faille est la c'est sur, il suffit juste de mettre la main dessus et de faire confiance à son instinct.

      La !


      [...]


      Mais si Lilou, je t'assure, ça peut marcher.
      C'est n'importe quoi !
      Mais non pas du tout, c'est facile enfin, c'est juste qu'en plus de t'incruster dans l'équipe de pâtisserie et de récupérer le plan de la baraque tu t'arranges aussi pour m'aider à approcher la pièce montée. Et a partir de la je m'occupe de tout !
      Ben voyons...
      Enfin, tu me connais non ? J’estourbis la stripteaseuse, je la fous dehors, je prends sa place dans la pièce montée et je rentre à l'aise à la soirée. Et puis t'auras qu'a venir me chercher au bon moment pour me sortir de la.

      Je peux même emmener les explosifs ! Si ça c'est pas un argument de choc !

      Alors, on fais ça ?  

        Mon entrée en matière osée dans l'équipe préparant le gateau Endemol avait fait forte impression. L'accent italien et l'air renfrogné y faisant pour beaucoup. Il fallait au moins ça pour se faire accepter, surtout lorsqu'on balançait des mots qui mis l'un à côté de l'autre n'avait aucun sens ou quand on ne connaissait absolument rien au jargon employé dans la cuisine. Couteau dans la main, moustache frétillante, j'avais fini par me faire une place de choix en donnant des directives absurdes à tous les hommes sur place qui, devant ma prestance, n'avaient pas osé me rabrouer, ni même contredire ce que je balançai sans en comprendre un traitre mot.

        Au bout d'une heure dans long travail pour perfectionner ce maudit accent italien-moustachu, l'agent rouge revient vers moi, la queue entre les jambes en me proposant déjà un autre plan débile, devant l'arrière porte de la cuisine luxueuse dans laquelle j'exerce pour la journée.

        Ah pourquoi pas ! Et t'improvises le striptease pour qu'on sache pas que tu as pris la place de la bonne fille à l'intérieur ?

        Je lance un regard à Red qui en dit long sur ce que je pense de son plan génial. Comme si confronter une fois la pratique à la réalité ne lui suffisait pas. Je ne comprends pas pourquoi il insiste. Il a qu'à sortir une paille de son costume de super agent et y aller à la brasse jusqu'au palace, ça me fera des vacances... Non, à la place, faut qu'il vienne se foutre de moi et de mon muffin dans mon super habit de cuisinière. Bee, à côté, déguisé en assistant-cook, n'en pense pas moins à propos des plans fabuleux de Red. On aurait dut prendre mon idée, au moins, y'aurait pas eu de foirage comme celui-ci. Y'en aurait eu d'autre, mais pas avant que le plan en lui-même soit mis en branle.

        Déjà que m'intégrer à l'équipe de cuisine en toute discrétion, ça n'était pas une mince affaire, si en plus je dois maintenant l'intégrer lui et son costume à froufrou, nous voilà mal partis. Et puis, je dois récupérer les plans, les lui filer, m'inviter, faire un putain de gâteau dégueulasse,... J'ai d'autres chats à fouetter !

        Je peux te faire rentrer jusqu'aux cuisines du palace. Il faudra te débrouiller après et laisser la demoiselle faire son travail.

        Je parle de la demoiselle en désignant de la tête une pauvre fille dans un coin, habillée de dentelle et de froufrou (un peu comme Red), maquillée comme un camion volé qui n'a l'air de comprendre personne. Natasha (c'est son nom, et j'ai eu le temps de sympathisé avec) était la bonne fille venant tout droit de North Blue, censée être la surprise de Sieur Endemol. Une jolie blonde à la peau halée, pas forcément très futée mais au moins très belle. Autant dire qu'Endemolia ne se faisait pas chier.

        Le transport jusqu'au Palace se fera à vingt heures tapante. Ne sois pas en retard. Et va chercher ton équipement de super infiltré dans un gâteau, j'ai fort à faire !

        Parce que y'en a qui bosse plus que d'autre ici ! Bee s'ébroue devant lui pour le snober tandis que je lui ferme la porte de la cuisine de luxe au nez. Moustache toujours en place, toque sur la tête, les premières directives sont envoyés aux seconds de cuisine pour commencer à faire ce fabuleux gâteau. Et j'ai déjà un oeil très attentif sur les plans qui me sont offerts gratuitement, me servant de modèle pour la pièce montée.
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        Plutot sympa cette crème, ça colle un peu mais c'est gouttue.
        ...
        T'es pas très causante comme fille... L'habitude d'attendre dans les gâteaux ?
        Шта је ово?
        Oh ça ? C'est ma main.
        И Бен стави питање !
        Roh c'est bon je la mets ou je peux. C'est quand même pas ma faute si le gâteau est pas prévu pour deux.
        Да сам знао ја бих остао код куће подизање козе !
        Ouais ben si t'es pas contente de ton boulot fallait rester dans ta cambrousse hein. Franchement... Quand on se ballade en petite tenue dans un gâteau on fait pas sa mijaurée. Et inutile d'essayer de me faire croire que c'est pour payer tes édudes. On me la fait pas à moi !

        Baffe !

        Tiens c'est marrant, quand tu parles avec les mains on se comprend tout de suite mieux. Comme quoi la barrière de la langue...
        Прљави перверзњак ! Сероња !
        Hého ! C'est bon quoi ! Mais maintenant tu la fermes hein, sinon je t’assomme ! Non mais sans blague, je suis quand même un agent du Cipher Pol en mission moi hein ? Alors gaffe ou je t'avoine !

        Clic

        Et mais ?! D'ou tu sors ce flingue ?
        Умукни!
        Oui d'accord on s'en fout. Tire pas ! Je m'excuse ! Je suis désolé, c'est vrai que j'ai pas été cool mais... Quoi ? Que je sorte ? Euh...

        Reclic

        C'est bon ! C'est bon je sors ! Mais ça se paiera !


        Et sous le regard interloqué d'un saucier malchanceux, l'agent Red s'extrait du gâteau décidément trop petit pour deux. Gâteau que Natasha referme avec un empressement et une joie non dissimulée tout à fait blessante.

        C'est vrai non ? Elle avait qu'a faire un autre boulot si elle voulait pas qu'on la touche !
        Techniquement ça n'a rien à voir. Elle a le droit de disposer de son corps comme elle l'entend quel que soit ton travail.
        Euh... Ta gueule ? C'était une question rhétorique. Est ce que tu ferais pas mieux de te demander pourquoi je sors du gâteau au milieu de ta cuisine ?
        Moi je dis ça hein... Pourquoi vous sortez du gâteau au milieu de la cuisine ?
        Quoi ? Jamais vu un type habillé sortir d'un gâteau ? C'est ça le top du snobisme mon gars. Pas faire un truc classe, mais faire un truc qui viendrait à l'esprit de personne tellement c'est sans intérêt.
        Je pense que vous dites vraiment n'importe quoi...
        Ouais t'as raison. En plus je vois même pas pourquoi je perds du temps avec toi alors que je devrais me contenter de te laisser mourir. Tiens, dis bonjour à mon couteau !

        Une scène de liquidation sans histoire plus tard et le corps de l'apprenti saucier est soigneusement rangé et plié dans une des chambres froides, rayon viande fraichement équarrie. Et l'agent Red dans son nouveau costume finit de sortir les explosifs de sous le gâteau avant de les ranger consciencieusement dans la desserte à roue pleine de cocktails que le serveur était en train de remplir.

        Pas mauvais d'ailleurs ses cocktails.

        Et maintenant en route !

        La réception est par la, plus qu'a remettre la main sur Lilou et les plans. Facile pour Red.
          J'attends devant la porte d'entrée de la reception, caché derrière une ribambelle de types en costard cravate et ma toque de cuisinière confirmée. Je ne suis pas sûre de voir sieur Endemol dans le coin. En fait, je ne suis même pas sûre de savoir à quoi ressemble ce zouave. Puis, je me sens un peu stressée aussi. Je sautille d'une jambe sur l'autre en regardant constamment derrière moi en espérant voir apparaitre l'agent Red. Et pour l'instant, aucune trace de lui... Je me perds en sourire derrière ma fausse moustache qui frétille, en grands et gros mots avec l'accent italien pour faire sensation, avant d'entendre un petit sifflement derrière moi qui se répète trois fois avant que je ne me retourne. Red est là, près de la porte, et il me lance un regard noir. Bee sur mes talons, j'abrège une conversation chiante en roulant des épaules, et m'eclipse dignement et discrètement vers l'agent.
          Ce dernier m'attrape par l'épaule et me traine dans un coin distrait. Vrai que comme ça, on fait pas du tout louche, lui, moi et le canard... Mais je suis presque contente de le voir, je commençai à m'inquiéter de son taux de cholestérol...

          Ah enfin !
          Ouais ouais, abrège ! T'as les cartes ?
          Oui !
          Donne !
          Comment ça "donne" ?
          Bah, donne.
          S'il te plait Lilou ?
          Je viens d'me prendre un rateau par une striptease de North Blue, je vais pas en plus être poli !
          Ah bah, va falloir...
          ...
          Alors ?
          ...
          J'entends pas ?
          Peux-tu me passer les cartes, Lilou, s'il te plait ?
          Non.


          Nous sommes peut être à l'écart, mais la gueule de six pieds de long de Red se voit à des kilomètres. Je croise les bras sur ma poitrine et lance des petits coucous du bout des doigts aux gens qui nous voient de loin en se demandant ce qui tourne pas rond entre nous. Red ramène mon attention sur lui en claquant des doigts :

          Comment ça "non" ?
          Le directeur avait des ordres clairs, il devait les bruler une fois le gateau terminé.
          Attends... Quoi ?
          Je ne peux pas te donner les cartes, mais je me suis débrouillée autrement.
          Ah, tu les as recopié donc !
          Plus ou moins.
          Plus ou moins ? Comment on peut plus ou moins recopier quelque chose, Lilou ? File-moi le papier, la serviette ou la nappe, je m'en fous !
          J'avais pas de papier, de serviette ou de nappe en fait...
          Bon, tu l'as appris par coeur alors ?
          Non, t'es fou ! J'avais trop la flemme.
          Gngnhnhnghgnh... Bon, t'en as fait quoi ?
          Je les ai dessiné.
          Ou ?!
          Je peux pas tout te montrer par contre, alors ça serait bien que tu ne t'aventures pas au deuxième étage...
          FILE MOI LES PLANS !
          Oh ça va, t'énerve pas comme ça.


          Ma moustache décolle presque avec la gueulante qu'il vient de me mettre. Je me sens obligé de la recoller avant de soulever ma veste pour lui dévoiler mon ventre.

          Tiens, voilà.

          Un lourd silence tombe brutalement. Red a les yeux ronds en regardant ce que je lui montre.

          Je... Je suis sur le cul là.
          Ouais, c'est bien fait hein ? J'trouve que je m'en suis sortie.
          Tu... Tu t'es dessiné les plans sur... Tout le corps ?
          Ouaip, c'est ça.
          Donc le plan, c'est toi ?
          C'est joliment dit, hein ? Oui, c'est moi le plan.


          Je lui offre mon plus beau sourire et rajoute naïvement :

          Alors, tu veux aller ou ?
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          Ou c'est que je veux aller ? Et bien...

          Non... Franchement, y'a des mômes que des samouraï comme Gharr ne devraient pas laisser sortir dans le grand monde cruel une fois qu'ils sont tombés dessus. Et celle la a vraiment de la chance d’être tombé sur un type aussi aguerri que l'agent Red. Un type assez intègre et professionnel pour continuer de se comporter en gentleman quel que soit les circonstances et les perches qu'on lui tend.

          Et ben. Vu qu'on doit descendre au niveau des fondations aquatique de la maison pour essayer de faire sauter les piliers qui l’empêchent de sombrer. Je dirais qu'on va avoir besoin des plans des niveaux inférieurs qui a vue de nez doivent se trouver... A peu prés par la.

          Et retenant de justesse un sourire on ne peut plus narquois, l'agent Red désigne du doigt une zone qui s'étend globalement du nombril aux genoux de la rouquine.

          Je pense que tu vas pouvoir garder ton soutif, mais il va falloir que tu tombes le futal. Mais t’inquiètes, entre nous ça restera strictement professionnel. T'as qu'a voir ça comme une visite chez le médecin tu vois ?

          Baffe !

          Mais ça va pas !? Bordel mais qu'est ce que vous avez toutes ? C'est quand méme pas ma faute si t'as rien trouvé de mieux que de te foutre à poil pour qu'on puisse consulter le plan ! Merde quoi !

          Red ?
          Oui ?

          Occupé par ses problèmes de binôme red répond sans réfléchir une seconde trop vite. Oubliant un instant qu'un, il est sous couverture et donc a priori sous un faux nom, et deux qu'il n'y a personne ici censé connaitre le nom qu'il utilise au Cipher Pol.
          Une seconde inattention qui le voit tourner la téte trop vite vers le type qui l'interpelle et qui grille toutes ses chances de garder son anonymat au moment ou il croise le regard de Firekrom. Agent Firekrom, CP8. Deux mètres dix, cent quarante kilos de muscles, un esprit malsain dans un corps de brute. Et dans le regard une haine tenace pour le CP5, et plus particulièrement pour un agent Red qui lui a volé une victoire historique lors de la finale disputée du dernier tournoi de baseball intercp.

          Qu'est ce que tu fous la Red ?! Tu marches sur nos plates bandes ?
          Euh moi ? Non pas du tout je... Je travaille ici pendant mes vacances...

          Et pendant qu'il cligne désespérément des yeux en secouant spasmodiquement la tête pour signifier à Lilou de foutre le camp, Red cherche surtout les amis de Firekrom qui doivent se trouver dans le coin. Parce qu'on les connait les poseurs du CP8. Ils sont jamais seuls...

          Pas de bol mec, mais t'es tombé en plein milieu d'une de nos Op. Et je crois que je me faire une joie de te rajouter moi même sur le tableau des disparus en mission...

          Un, deux, trois, quatre... Au moins quatre.

          Salut Red, mignonne ta copine...

          Et cinq... avec celui qui vient d'apparaitre derrière Lilou.

          Dommage...
            C'est des copains à toi ?

            Quand le plus grand derrière moi me choppe par le bras avec son regard patibulaire, la réponse est relativement évidente pour tout le monde. Bee se retrouve tenu par les plumes pendant qu'on nous force à les suivre. Mais même si l'évidence crève les yeux, je ne peux m'empêcher de sortir :

            Non, apparemment, c'est pas des copains à toi.

            J'ai l'air maline. Je ne sais pas forcément vers où ils nous entrainent, mais y'a tellement plus urgent à régler que des histoires de collègues aux blagues douteuses. J'ai cru comprendre qu'ils appréciaient pas énormément Red, mais est-ce vraiment une raison pour s'occuper de son cas là, maintenant, alors que le temps presse ? J'ai l'impression qu'il faut tout faire ici...

            Bon, je vais les distraire pendant que tu trouves un plan pour nous sortir d'ici, d'acc ? je lâche ça à l'attention de Red dans un petit murmure carrément pas discret. Mais hé, on fait comme on peut avec ce qu'on a. En l'occurrence, on a pas grand chose pour nous, et faut quand même que je le précise : Alors, au cas où vous vous poseriez la question, je n'ai pas du tout dévoilé la première phase de mon idée géniale.

            Niveau idée géniale, je m'y connais de toute façon beaucoup plus que Red. Rien que la merde dans laquelle nous nous trouvons nous le dit. Par contre, je sais absolument pas comment m'y prendre pour les distraire. Donc j'annonce ça, mais j'sais pas tout à fait si ça va vraiment marcher. J'hésite entre le spectacle de claquette et feindre une allergie très grave à la connerie. Bon...

            Vous êtes agents secrets, vous savez ce genre de chose pas vrai ! Vous êtes drolement malins quand vous vous y mettez.

            Mais j'ai une arme terrifiante pour moi, une arme qui tape sur le système de tous les types l'ayant subit : Je suis une fille. Et parce que je suis une fille, je suis capable de parler pendant des heures sans m'arrêter. La nature m'a doté de ce pouvoir exceptionnel qui provoque des narcolepsies ou l'ennui mortel chez toutes les personnes participant à une discussion avec moi... Loin d'être seulement un pouvoir, c'est également une terrible malédiction ! Jetant un regard entendu à Red (traduisez ça par un clin d'oeil absolument pas discret), je commence :

            Au fait, j'peux savoir c'est quoi le problème avec Red ? Non parce qu'ok, il est bien relou avec ses plans qui foirent toujours et ses putains de mauvaises idées, mais faut parfois passer au-dessus de ce genre de choses ! Puis, c'est vraiment pas très très gentil de s'en prendre à un collègue, même s'il a des goûts suspects pour ses costumes ! C'est à cause de ses goûts suspects, c'est ça ? Vous savez que c'est pas une vraie bonne raison pour lui casser la gueule ? Bon, à la limite, vous lui collez une raclée et on en parle plus ! Mais de la à le tuer... Ou alors, c'est parce que ses plans foirent toujours, donc ? Mais, les gars... Est-ce vraiment de sa faute si les circonstances font que ? Non ! Regardez, là, présentement, on avait un plan pas trop mauvais mais loin d'être parfait pour s'occuper d'Endemol et y'a forcément eu un accro. C'était couru d'avance que ça allait pas marcher complètement, je le savais. Je dis pas ça contre-toi, Red, mais on aurait mieux fait de prendre mon idée ! C'est comme la fois ou...
            ...
            Enfin, moi je vous dis ça, mais j'aurais clairement pas apprécié si ça avait été moi. Faut dire que ma voisine, à l'époque, était plutôt du genre conciliante. Alors qu'à sa place, je lui aurais collé mon pied dans la tête avant de lui foutre dehors ! Sérieusement ! Confondre du carmin et du corail, y'a une limite à ce qui est tolérable en ce bas monde, et quand on demande une écharpe carmin, c'est pas pour se retrouver avec un rose saumon pisseux dégueulasse ! Vous êtes pas d'accord ? J'suis sûre que vous êtes du genre à comprendre ce genre de détails, à les saisir ! Vous avez l'air drôlement malins... Hin, qu'est-ce que tu en dis toi ? Tu veux que ? Je ferme la gueule ? Ah ouais mais c'est pas très très sympa de causer comme ça à une demoiselle... Ça me fait penser à...
            ...
            Bon les gars, vous vous êtes perdus c'est ça ? Vous voulez nous emmener ou en fait ? Non parce que ça fait vingt minutes qu'on tourne en rond alors que vous nous trainer je ne sais pas où... Vous vous êtes perdus, c'est ça ? Non mais ça va, on est entre nous, vous pouvez le dire que vous vous êtes perdus, je juge pas. Alors ? Oui ? HAHAHAHA, vous êtes tellement mauvais les gars ! Vous savez que ça coute rien de demander sa route parfois ? Vous êtes tellement comme ça, vous, les garçons... Fiers, avec un égo surdimentionnée que vous pouvez pas ravaler. Nous, les filles, on ne juge pas un garçon qui se perd. C'est attendrissant, ça donne l'impression qu'il a besoin de nous... Bon... Alors j'annonce, j'ai le plan de l'endroit, mais hors de question qu'on se rende aux sous-sols, d'accord ? Alors, j'connais bien le deuxième étage, et y'a ici aussi qu'à pas l'air trop mal ! Et je vous ai déjà parlé de... RED C'EST LE MOMENT J'AI ENDORMI LEUR VIGILAAAAAANCE !
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            Ce qui est dangereux avec les amateurs, c'est que contrairement à de vrais professionnels, ils sont capables de tenter brusquement absolument n'importe quoi.

            Comme ça par exemple. Franchement, qui peut être assez naïf pour croire qu'on peut détourner l'attention d'une bande d'agents surentrainés simplement en jouant les baratineuses preneuses de têtes ? C'est vrai quoi. Si les blondes avaient ce pouvoir, depuis le temps ça se saurait...

            ça se saurait ? Dans le crane de l'agent Red passent une série d'images obligeamment fourni par son subconscient aux aguets. Les visages de toutes ces filles que Gilles ramène en soirée, et qu'il ne drague qu'a un seul endroit, le département communication du Cipher Pol. Blondes, toutes sans exceptions, blondes.

            Mais alors ?

            Red marque un instant le pas, juste le temps de frapper sur le sol un point bien précis de sa semelle, celui qui permet de faire jaillir le bout de lame d'urgence spécial frappe discrète. Et personne ne réagit, l'infime déclic et le changement de rythme passant totalement inaperçus au milieu du verbiage assommant de Lilou.

            Magique, c'est magique !

            RED C'EST LE MOMENT J'AI ENDORMI LEUR VIGILAAAAAANCE !

            Red pile brutalement au milieu du couloir, et pendant que l'agent qui le suit lui, surpris, lui rentre dedans, sa lame lui traverse déjà la cheville. Le laissant tout surpris pendant que Red échappe a sa poigne pour plonger et rouler au sol. Juste le temps de liber sa lame et de se relever couteau au poing pour percuter l'agent qui tient Lilou en lui perforant sauvagement les cotes.

            Et comme Red a appris de puis longtemps à toujours repérer les sorties de secours avant d'agir, il plaque immédiatement Lilou contre le mur et l'ouverture qu'il y a remarqué un instant plus tôt. Envoyant la rouquine traverser la fine cloison avant de dégringoler dans le trou de ce qui s’avère être une sorte de passe plat inter étage.

            Et comme la survie passe avant la galanterie, Red saute en second.

            Pourvu que le canard soit assez mou pour amortir la chute...
              Entre pertes et fracas. Nous passons tous trois à travers le bas du passe-plat inter étage. Notre grabuge va certainement attirer les foules mais y’a un point positif à tout ça :

              Au moins, on est au sous-sol, ou pas loin…

              Je dis ça en me relevant péniblement, le souffle court en m’extirpant de Red qui m’écrase et en tentant d’épargner le pauvre Bee qui a ralenti notre chute comme il l’a pu. L’espace était trop étroit pour permettre au canard d’étendre ses ailes correctement, et mon poids additionné plus tard à celui de Red ayant triplé avec la chute n’a en rien aidé. Au bilan, nous nous sommes écrasés comme des enclumes, creusant le sol à l’endroit de l’impact. Et mettant un certain temps à nous remettre d’aplomb. Mais comme je l’ai fait remarquer : nous sommes au sous-sol, ou tout du moins très près. Des vertèbres craquent lorsque je m’étire et m’arrache une grimace de douleur. Heureusement que Bee est du genre confortable et molletonné, sinon, je l’aurais senti passer… En parlant de lui, il titube pour se remettre sur ses pattes, caquetant l’air éreinté.

              Du coup j’étais en train de penser…

              Je prends la parole après avoir regardé dans le pli de mon pantalon et indiqué la direction à prendre à mon vis-à-vis. Le sous-sol est fait d’un dédale de couloir et de pièces contenant la machinerie du navire-palais. Juste au-dessus de nous, les cuisines et les coulisses des employés, ou déjà l’agitation nous interpelle et nous pousse à presser le pas. Pas étonnant : vu la gueulante que j’ai poussé en chutant et les injures que j’ai à peine retenu à l’encontre de l’agent du Cipher Pol, tous les invités ont dut entendre et comprendre les échos parcourant les conduits d’aérations, perturbant un instant les célébrations…

              A partir du moment où on aura installé les bombes, tu nous as laissé combien de temps pour nous tirer d’ici avant de couler avec ?

              Le temps de remonter, courir, sortir, virer… Ou alors, Red s’était-il muni d’un moyen de déclencher à distance les flammes de l’enfer ? J’aurais dut m’occuper de la machinerie et lui de la cuisine, ça aurait été plus simple sans doute et plus fiable aussi. Mais ça doit être parce que j’ai pas encore tout à fait confiance en ce type. Quand on a autant d’identité que de costume, difficile de savoir à qui on a à faire…

              Et pour prendre le large, on y va à la nage ?

              Jetant un coup d’œil à Bee, je signifie à Red que malgré ses grands airs de canard, le bestiau ne peut pas nager. Et je n’ai aucune envie de partir en expédition sous-marine pour remettre la main dessus, surtout après tout le temps que ça m’a pris pour le retrouver et la couleur de notre peau après le passage dans les marais…

              Y’a une trappe qui mène plus bas, on devrait la prendre pour être sûr de toucher le fond du vaisseau…

              Pressant le pas, l’endroit se fait de plus en plus sombre et lugubre. Le cœur serré, nous poursuivons notre chemin avant de buter sur un carrelage plus élevé que les autres. Et en tâtonnant au sol, il ne nous faut pas bien longtemps pour comprendre qu’il s’agit de la trappe.

              Combien de temps avant qu’il déboule ?
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              Le souci en fait, c'est pas vraiment qu'ils nous poursuivent ici. Maintenant qu'on sait qu'ils sont la, on peut les perdre. Non, le souci, c'est que les explosifs, ils sont encore la haut dans la salle. Bien planqués dans mon chariot à cocktails.

              C'est pas de bol, j'aurais vraiment besoin d'un verre...


              Un verre et des idées claires, parce qu'on n'est plus dans un simple sabotage mais dans une opération nettement plus complexe, nettement plus CP en fait. Et que dans ce genre de chausses trappes l'important c'est pas d'agir, c'est de savoir. De savoir ce que l'équipe du CP8 est en train de manigancer dans le coin. Et si c'est assez mineur pour qu'ils perdent du temps à traquer l'agent Red.

              Tiens, rentre la.

              Un placard à balais. Statistiquement le moins bon endroit pour se cacher quand on vous cherche. Et donc du coup le dernier ou un agent cherchera un autre agent qui, fatalement, est censé étre au courant de ça. Logique non ?

              Un placard, des balais, et juste assez de place pour deux personnes et un den den de couleur. On ne dit pas noir, ce n'est pas politiquement correct. Un den den qui conformément à sa seule fonction, se met immédiatement à raconter tout ce que ses collègues sont en train de transmettre sur les ondes locales.

              -Chef, on a un souci, Red est dans le coin.
              -Red ?
              -Du CP5 !
              -Quoi ?! Impossible, y'a aucune opération de chez eux en cours ici !
              -Ben peut être. Mais Red est la. Et il nous a vu !
              -Merde ! Pourquoi vous l'avez pas descendu ?
              -On a essayé mais il a réussi à s'enfuir.
              -Rah, bandes d'incapables !
              -On fait quoi chef ?
              -On accélérè ! Je ne sais pas pourquoi il est la mais on ne prend pas de risques. On lance le plan B ! Il faut kidnapper Endemol tout de suite et le ramener au QG secret pour qu'on lui propose l'accord qu'il pourra pas refuser. Et tout faire sauter sur le champ. Red y passera comme les autres et il pourra même nous servir de bouc émissaire.
              -Ah ouais, bouc émissaire, ça c'est bien vu chef...
              -Au boulot ! Et ne vous loupez pas !
              -Clac


              Intéressant non? Je crois bien qu'on va nous mâcher le boulot au niveau du nettoyage. On fait quoi ? On laisse faire et on suit le colis en chef ?
                Ah bah non, moi j’préfère qu’on reste ici et qu’on attende que ça saute…

                Je lance à Red un regard qui en dit long sur ce que j’en pense. C’était vraiment une question, en plus ? Non mais sérieusement ? Bien sûr qu’on se tire et qu’on les suit, mais du coup, tous les autres, on en fait quoi ? Tous les gens sur ce navire qui viennent se la couler douce ou les employés qu’ont juste demandé à bosser ? On les laisse rentrer à la brasse avec cette connerie flottante sans leur donner l’opportunité de s’en tirer avec des brassards ? Je dois dire que j’suis stupéfaite par les méthodes des agents secrets qui en veulent à Red… Et je me demande si l’espion en face de moi est du genre à faire la même chose… Du coup, je n’ai aucune envie de revivre l’histoire du Titanic version Las Camp, et encore moins avec Red dans le rôle de Jack.

                Bon du coup, on se tire ou on se transforme en nourriture pour Roi des Mers ?

                Puis va dire ça dans un placard à peine assez large pour nous contenir tous les trois. Je ne sais pas trop sur quoi je marche là, mais mon équilibre est relativement précaire. Et on se décide finalement à sortir tous les trois, puisque ma deuxième proposition n’a pas l’air de convenir au barbu à côté de moi… Toute façon, faut qu’on remette la main sur les agents venus capturer le chef Endemol et faire sombrer la villa. Regardant une fausse montre sur mon poignée alors que nous refaisons le chemin en sens inverse, j’ajoute avec l’air sérieux :

                Combien de temps faut-il a une bande d’agents secret pour capturer la célébrité d’une soirée mondaine ayant plus d’une centaine d’invités et des gardes du corps armés, la sortir de là sans attirer l’attention et être assez loin pour tout faire sauter ?

                Et je demande ça avec la voix monotone qu’ont les enseignants lorsqu’ils dictent un problème mathématique à une classe à l’écoute… Reste à savoir si Red était un cancre lorsqu’il était à l’école ou une fouine qui avait réponse à tout ! J’ai du mal à le voir dans un costume trop propre, je paris forcément sur la première solution…

                Ils l’attraperont au moment où il est le plus vulnérable.
                Aux toilettes !

                La spontanéité avec laquelle je lui rétorque ça à l’air de désarçonner l’homme qui me fixe étrangement. Forcément, ça m’oblige aussi à expliquer ma pensée, parce qu’avec autant d’entrain de d’enthousiasme, y’a de quoi être un poil étonné :

                Avec le pantalon au bas des chevilles, je ne vois pas quand tu peux être plus vulnérable !

                Mon raisonnement se tient, non ?… En plus, le chef Endemol ne va pas amener sa clique de gardes du corps pour savoir s’il vise bien ou pas. Il suffit juste d’être déjà dans la salle d’eau, de le surprendre au bon moment puis d’extirper le colis ensuite. Je m’empresse de regarder les plans de la villa que j’ai dessiné sur le corps, en comptant attentivement les pièces que je recherche :

                Du coup il y a trois, quatre,… Cinq… SIX toilettes différentes dans la villa… On peut tirer aux dés, mais les probabilités ne seront pas de notre côté… Et on ne joue pas vraiment de chances jusqu’ici…
                Visons plutôt l’endroit où ils partiront. Y’a bien une sortie discrète ?
                Oui ! Je sais ! Une !

                Je me retourne, relève mon manteau de cuisinier légèrement et lui désigne du doigt une petite sortie au-dessus du rein :

                Juste là !

                Montrant l’issu de l’arrière de la villa, un passage partant d’un bureau jusqu’à la mer.
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                Belle chute de rein.
                Quoi ?!
                J'ai dit, le souci c'est qu'on a plus rien.
                Et pourquoi t'as dit ça ?
                Dis quoi ? Enfin Lilou, concentre toi un peu. On va devoir tendre un piége à des agents du Cipher Pol, on a pas de temps à perdre en bavardages !
                Quoi ?! Mais c’est toi qui !
                Allez allez on se dépêche !

                Et Red s'empresse de filer avant de se prendre dans la gueule un des nombreux trucs pouvant se transformer en projectiles et dont visiblement Lilou ne se sépare jamais.


                [...]

                Arrière du batiment. Les bruits de la fête sont étouffés par la distance, les quelques lanternes posées et la lumière venant des étages éclairent mollement une mer d'huile à l'air sale et une petite jetée discrète. Quelques mètres de ponton ou ne sont amarrés pour l'instant que deux petits esquifs. Une de ces chaloupes de loisir taillés comme un voilier qu'affectionnent les types qui ont du pognon et qui aiment bien jouer au marin. Et une barque plus massive. Une cabine de métal, pas de voile, et une roue a aube encastré a l’arrière dans une machinerie a vapeur. Des engins couteux.

                Attends !

                D'une main Red retient Lilou et canard qui s'engagent sur les planches. La bas dans la chaloupe a vapeur une lueur rougeoyante vient de l’avertir. Une clope, un garde.

                A tous les coups c'est avec ça que le CP compte filer. Et je suis sur que le type de garde a déjà été liquidé et remplacé par un agent. On va pas pouvoir s'embusquer la bas.

                Sauf si...

                Écoute, je vais passer par la flotte avec le canard. On nage jusque la bas, il fait diversion, je saute sur le bateau et je liquide ce guignol. Ensuite on s'installe et on n'a plus qu'a attendre les autres et a les dépouiller comme des touristes dans le grey terminal...


                Une seconde pour revalider le plan sans le seul canard incapable de nager du monde. Une minute pour se glisser à l'eau façon serpent sans faire d’éclaboussures, une inspiration prélude à la brasse coulée.

                -Lâchez moi bande de crétins ! Vous ne savez pas a qui vous avez affaire ! Je suis Endemol!
                -Et moi je suis celui qui va te péter tes dents ! Ferme ta gueule !


                Le plan parfait rejoint Red dans la flotte. Le CP8 est trop rapide.

                Et pendant que Red se retrouve comme un con dans l'eau a coté de la barque, Lilou et canard se retrouvent eux un poil coincé entre l'homme de garde et l'équipe de kidnappeurs.

                Manquerait plus qu'il y ait encore des crocos...
                  Oh putain ! Oh putain !

                  Y’a quelque chose d’assez récurrent avec Red, c’est que ses plans ne marchent jamais. Pas une fois, depuis qu’il a donné une idée, elle n’a été bonne ou proche d’être accompli. Il y a, à chaque fois, quelque chose qui vient compromettre le déroulement, et généralement un quelque chose qui vient de son monde à lui. Genre, là, typiquement : Des collègues véreux qui ne l’apprécient pas. Je commence à croire qu’il a un don, ou qu’il a gagné une médaille histoire de le féliciter pour toutes les idées pourries qu’il a pu avoir dans sa vie et que depuis, il étale sa philosophie de vie. Elles pourraient me laisser indifférente si elles ne me foutaient pas systématiquement dans une merde plus grosse et plus odorante à chaque fois. Pendant que monsieur nage parmi les cadavres au fond, moi, je suis toujours sur ce putain de ponton à me demander dans quel sens courir, alors qu’évidemment, si je pars dans un sens, je tombe sur les méchants, si je pars dans l’autre, je tombe sur les méchants et un cul de sac… Et que je suis bordée des deux côtés par de la flotte dégueulasse.

                  Qu’est-ce que je fais ?!

                  Red s’en balance, lui. Red bulle dans son coin et se fout de ma gueule discrètement. J’entends juste « bleuhblouhouglou » sans vraiment discerner ce que ça veut dire. Putain de lâcheur. Il me le paiera. Un peu comme sa remarque de tout à l’heure sur ma chute de reins. Il croit que je ne l’ai pas capté, mais il se fourvoie ! Le retour de bâton va faire mal ! Non beh hein, forcément. Démerde-toi Lilou, trouve une idée ! Et mon regard se pose sur le canard qui a l’air de buller autant que l’agent du cipher pol, sans vraiment capter l’urgence de la situation… Bon, il ne m’en voudra pas. Enfin pas trop longtemps ! Alors que les types approchent avec Endemol qui râle de sa voix grave, bien décidés à passer sans vraiment me voir mais si quand même. Je me jette sur le canard, le choppe par les flans et le balance en avant, droit sur les zouaves qu’arrivent en face d’un pas décidé :

                  GRENADE !

                  Et les types ont des réflexes, tout comme Bee qui, le temps de se remettre du lancer, se met à battre des ailes frénétiquement en arrivant au milieu, caquetant comme une sale bête furieuse. Poussant, griffant, pinçant, les agents qui se démènent pour le calmer en gueulant des « c’est quoi ces conneries ? », « Arrêtez le putain ! », « Protégez Endemol ! » et autres trucs à la con. Bon, j’en oublie de sauter à la flotte pour m’enfuir, mais Bee est rapidement maitrisé et calmé, alors que le meneur enlève les plumes qu’il a dans les oreilles pour me fixer ensuite avec un dédain marqué. Il m’estime un temps en se plantant devant moi, me regardant des pieds à la tête et de la tête au pied, alors que je reste planté là comme une parfaite idiote qui sait pas quoi faire. Ma capacité d’improvisation s’arrête nette, je n’ai plus aucune idée qui me vienne en tête…

                  Dégage gamine, va jouer ailleurs… Tu ne vois pas que les grandes personnes sont occupées ?

                  Et le gars me choppe par le bras, me pousse violemment et m’envoie à la mer sans m’en demander plus. Ses sbires suivent le mouvement en attrapant le canard en le balançant à ma suite. Sauf que la bête ne sachant pas nager, arrive juste à temps à se poser sur ma tête quand je refais surface. De l’eau me sortant par le nez et furieuse d’avoir été aussi mal considérée, les hommes reprennent leur route jusqu’au bout du ponton…

                  Lorsque je remonte sur le bois, impossible de retrouver Red. Bee s’ébroue et j’en fais de même en essorant mes cheveux qui portent maintenant une bonne odeur putride. La barque s’éloigne avec le chef Endemol, et Red ne refait pas surface.

                  Au moins, il y a une partie de son plan qui a donné des résultats. Il a sûrement eu le temps de prendre place là-bas, avec eux. Mais du coup, il aurait peut-être besoin de moi pour la partie dépouillage des touristes…

                  Allez Bee ! On y va !

                  Les vêtements qui dégoulinent et les bottes qui flottent, je prends le pas jusqu’au second navire qui n’attend que nous.
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                  Ah bravo le coup de main. Bravo vraiment...

                  Quelle idée d'aller prendre un bain de minuit juste au moment ou il faudrait agir, parce qu'au bilan, pendant que la rouquine s'amuse à faire trempette, le brave agent Red lui, se retrouve non seulement en premiére ligne, mais en plus isolé sur le flanc d'un bateau rempli de méchants rêvant de lui faire la peau. Chouette non ? Merci le travail d'équipe.

                  D'autant que la, c'est le topo global, mais y'a aussi les détails techniques. Comme le fait que l'eau est froide, que Red est accroché tant bien que mal a un des pare amarres de la chaloupe. Et qu'a mesure que la roue à aubes accélère derrière lui il a de plus en plus de mal à choisir entre sortir de l'eau pour arrêter de boire la tasse en courant le risque de se faire repérer, se déplacer pour trouver une meilleur place au risque de se faire happer par la roue ou rester la en attendant que ses doigts lâchent.

                  Réfléchis Red. Réfléchis...

                  D'abord, stopper la barque.

                  Suivant la ligne de vie qui entoure la chaloupe, Red se laisse glisser main après main le long de la corde vers l’arrière de la barque, jusqu’à se retrouver a deux doigts de passer les pieds dans la roue. Et la il cherche. Vu la puissance de l'engin il semble totalement illusoire d'essayer de coller un truc dedans, de toute façon Red n'a que des couteaux la ou il faudra au minima une bonne grosse poutre. Qu'est ce qu'on peut trafiquer d'autres dans une chaudière a vapeur. La cheminée ? La soupape !

                  Non non, mauvaise idée. Bloquer la soupape c'est un coup a faire sauter tout le monde, agent Red compris, et ce serait dommage, cheminée donc.

                  Profitant que le bloc cabine arrière ne comporte pas de hublots, machinerie oblige, Red se hisse à la force des bras à la poupe de la chaloupe. Et s'empresse de se rapprocher de la cheminée brulante. Red défait sa veste, sa ceinture. Et utilisant l'une pour maintenir l'autre, il s'empresse de bloquer l'échappement de fumée noire. Avant de se confectionner une ébauche de masque a gaz avec sa chemise trempée.

                  Ensuite, il n'y a plus qu'a attendre. Attendre que le fumée de charbon comprenne que la sortie habituelle est fermée, et en cherche une autre. Dans le joli habitacle fermé par exemple. Et effectivement ça ne rate pas. A l'intérieur ça gueule, ça tente de stopper la machine, et comme on n’arrête pas un feu comme ça, ça finit par ouvrir une trappe. Et pendant qu'une paisse fumée grasse se met a s'échapper du compartiment, Red attrape le type toussant qui sort la tête pour l’assommer d'une manchette et le balancer à la mer.

                  Juste avant de prendre une grande inspiration et de se glisser à l'intérieur. Dans le noir et la fumée.

                  -Bordel qu'est ce que tu fous ? Pourquoi tu fermes ?
                  -Je ferme pas !
                  BAFF !
                  -Hey, pourquoi tu me frappes ?
                  -C'est pas moi !
                  BAFF !
                  -Hey, mais t'es pas bob !
                  -C'est Red !
                  -Mais ou putain !?
                  -La  !
                  BANG !
                  -Argh...
                  -T'as buté Henry !
                  BANG !
                  -Mais arrête putain !


                  Pourvu que Lilou se dépêche...
                    Ooooh ça va, fais pas la gueule…
                    Kwak.
                    Tu veux que je m’excuse, c’est ça ? Franchement, ce n’était pas grand-chose…
                    Kwaak…
                    Ouuui booon, d’accord, j’ai un tout petit peu abusé, j’aurais dut te prévenir… Mais c’était une question de vie et de mort, Bee, tu peux le comprendre non ?
                    Kwak.
                    Non, là, tu abuses un tout petit peu ! Je te connaissais pas si rancunier !
                    Kwakwak.
                    Quoi ?!
                    KWAK.
                    Pfff, non mais alors là… Mais n’importe quoi…
                    Bwak…
                    De mieux en mieux ! Rajoute en une couche, va y ! Je vais bientôt sortir les violons…
                    Bwaaak..
                    Bon, je suis désolée ! Voilà ! Sincèrement désolée !

                    Tu viens m’aider maintenant ou il faut que je me roule par terre ?

                    Je te signale qu’on a un agent secret à sauver !

                    Tu t’en fous ?

                    Certes, moi aussi, mais sur le principe, c’est méchant, Bee. Très très méchant…
                    Kwak…
                    Ok, bah tu sais quoi, je vais me débrouiller seule ! Voilà ! et si jamais on le perd, ou qu’il meurt, bah ça sera entièrement de ta faute ! Espèce de sale canard têtu !
                    Kwak !
                    Rien à foutreuh !


                    Un soupir boudeur m’échappe alors que je m’échine à tendre la voile de notre navire. Celui de Red est en train de largement nous distancer et Bee ne fait rien pour me filer un coup d’aile. Il fait la tronche. Tout ça parce que je l’ai lancé sur les autres… Alors que franchement, n’ai-je pas déjà fait pire ? Je m’excuse, mais ça ne suffit pas, parce que monsieur le canard robot exige mieux, exige plus et je n’ai pas franchement le temps de donner plus. Du coup, sur mon bateau qui n’avance pas bien vite, j’ai l’air d’une parfaite idiote…

                    Pffff… Relou.

                    Et ça a beau fumer sévère, ça ne réduit pas des masses la distance… Sauf quand un énorme « BLAOUM » souffle les bases de la villa et envoie un grand courant d’air chaud qui gonfle la voile principale de notre bateau. J’ai à peine le temps de me raccrocher à une rambarde en essayant de rejoindre la barre et Bee de rouler bouler sur le pont jusqu’à se faire retenir par quelques meubles explosés sous le choc et le poids... Une vague nous fait presque voler au-dessus de la surface et avale l’écart qui nous sépare encore de la barque. Quelques mètres encore et un second retour de souffle nous propulse droit dans la taule du navire en face. Le bois fend celui ou est Red dans un bruit sourd et Bee, comme moi, n’avons rien tenté pour l’éviter. Derrière, les cris des gens toujours dans la villa coulant et rejoignant progressivement le fond et les poissons… Devant, les yeux ronds des quelques agents sur le pont de la barque braqué vers nous…

                    Ohoh…

                    Mais maintenant que le nez du voilier est dans le derrière de la barque, stoppant net les deux navires dans leurs progressions, reste une chose à déterminer…

                    Qui, de Red ou de moi, aura bientôt besoin d’aide.

                    Kwak.

                    Bonne conclusion.
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                    L'avantage de se battre seul contre plusieurs ennemis, c'est qu'on a pas besoin de faire attention au tir ami, et qu'une balle n'est jamais perdu. Une constatation encore plus vraie quand on se bat dans un espace de petite taille et sans aucune visibilité.

                    Et alors que Red est sur de toujours planter sa lame dans un bout de viande appartenant à l'ennemi, l'ennemi lui n'est sur de rien, et du coup, forcément, il fait des erreurs. Henry se prend une balle dans le dos, deux autres agents trop secondaires pour être autre chose qu'anonyme s'empoignent dans un coin de la cabine et se perforent joyeusement un peu partout avant d'aller se vider sur le sol dans l'indifférence générale, chacun persuadé jusqu'au bout d'avoir vaincu courageusement le méchant agent Red...

                    Red de son coté fait un sort fatal au premier type qui lui passe sous la main. Avant de se prendre une mandale du second qui le renvoie direct à l'extérieur a travers la vitre de la cabine. Une beigne caractéristique d'un agent que Red connait bien. Firekrom est vivant et il n'est pas content.

                    Heureusement il est maintenant tout seul avec un Endemol un poil sonné, ce qui réduit nettement son niveau de menace. Enfin nettement, au moins un petit peu.

                    Il gueule un truc, rendu incompréhensible par l'explosion derrière lui, ce qui le rend si possible encore plus furax. Et se jette sur Red juste au moment ou le bateau salvateur de Lilou percute la barque à vapeur par l’arrière. Secousse, Firekrom trébuche, Red en profite, grolle dans la gueule avec fracture du nez, et retombage violent de l'écoutille sur les doigts. Firekrom est un maitre dans l'art de désosser son prochain a mains nues, hors de question de l'affronter face à face. Il faut ruser.

                    Alors pendant que la brute broie l'écoutille pour sortir, Red lui file a l’arrière, sautant droit dans les bras de la rousse qui vient à sa rescousse. Pas le temps d'expliquer il faut agir. Red libère la cheminée, bloque la soupape de sureté, désengage la barque de la roue et saute dans le petit voilier. La roue se remet en marche, les barques s'éloignent l'une de l'autre, et un agent du cp8 en furie et pissant le sang par le nez surgit a l’arrière de son bateau en courant, sautant d'un bond gigantesque droit sur le voilier et ses proies. Pendant que Red de son coté, saisit immédiatement rousse et canard pour se jeter à l'eau.

                    Le temps que Firekrom réalise qu'il s'est fait eu, la corde que Red à attrapé s'est tendu et les entraine a la suite de la barque à vapeur pendant que le tueur du CP 8 se retrouve bêtement dans la chaloupe à la dérive. Probable qu'il hésite une seconde a sauter a l'eau, probable qu'il se dise qu’après tout il sait très bien manœuvrer un voilier et qu'il peut sans problème rattraper l'autre bateau, probable aussi qu'il se demande ce qu'est ce bruit de truc qui se consume qu'il entend. Probable.

                    Et puis la grenade laissé par Red explose et Firekrom quitte aussi l'histoire les pieds devants.

                    Place aux héros.

                    Blorps ! Lilou ! Faut que tu remontes la corde pour débloquer la soupape de sécurité ! Sinon ça va péter !
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