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Instinct Sauvage

Le craquement des feuilles et des branches mortes sous mes pieds rythment la cacophonie des insectes et des oiseaux de la forêt luxuriante. Le chahut s'arrête pas. Il m'accompagne a chaque nouvelle enjambée, perpétré par des bestioles qui grouillent, qui volent, qui rampent, qui luisent dans un tintamarre inimaginable. Le soleil est à son zénith et la chaleur étouffante, j’en sue à grosses gouttes et ressens tous ce qui m’entourent comme si je me trouvais dans une bulle. Je les entends passer, à mes oreilles, devant mon nez. Je les sens monter le long de mes jambes, tenter de conquérir un autre monde. Ma main vient régulièrement écraser les moustiques qui se glissent dans mon cou, comme dégager les fourmis qui grimpent le long de mes mollets comme un humain grimpe l’olympe.
Mes bottes écrasent à nouveau et je pressens le cri d’agonie des quelques bestioles sous mes semelles. Progressant dans cette jungle abondante en couleur comme en végétations, je regarde droit devant moi en tentant de déterminer si je vais bien. Je crois que je tourne en rond. Certainement, vu que je sais pas ou j’vais. Le vacarme environnant a vite rendu confus mon haki. Le soleil et la chaleur qui tapent sur ma tête comme un marteau sur un clou a fini de me désorienter. J’ai du mal à me focaliser sur les détails. Quelques voix humaines perdues au milieu de la jungle que j’arrive même plus à percevoir. Elles sont qu’un murmure au sein d’un concert de conneries en tout genre.

Un oiseau agite ses ailes, un autre saute sur une branche en hauteur. Ils piaillent parce qu’ils savent le faire. J’décide de m’arrêter et pose mes fesses sur un tronc arraché, recouvert d’une mousse qui rend l’tout un poil plus confortable. J’étends mes jambes, j’redresse la nuque. Mon dos craque et une vague de soulagement m’prend. Ça fait du bien quand ça s’arrête. Reste encore cette chaleur pesante et c’manque d’air. J’commence à être a cours d’eau également. Mais j’me sens pas trop mal, et j’ai l’temps de faire la part des choses entre c’qui est pertinent et c’qui l’est pas.
J’ouvre les yeux, regarde devant moi. J’ai le pressentiment qui m’titille l’instinct de survie. Un bruissement m’fait me lever plus vite que prévu. J’ai la tête qui tourne un poil mais j’me resaisie bien vite pour faire face à ce qui arrive.
Ou ce qui part.

J’attends.

Un petit claquement de langue retentit plus loin. Suivi d’un petit rire d’enfant qui m’fait reprendre ma route pour retrouver l’môme paumé au milieu du trou du cul du monde. Mes pas écrasent encore des branches, et il me semble discerner par endroit la silhouette agile d’un jeune sauvage haut comme trois pommes dans une tenue digne de chez lui. Ses pieds effleurent à peine le sol, il bondit comme un chat, comme s’il ne pesait rien. J’accélère le pas, sans dire un mot. J’fais tellement d’bruit qu’il peut pas ne pas m’entendre arriver. J’y vais avec la grâce d’un éléphant en charge et j’enjambe, j’avance, je traverse des buissons et des lianes en chassant une ombre qui progresse si vite dans cet amas de plantes.
Un pas, deux de plus, j’bondis pour éviter une racine immense et transperce un rideau de liane…

Enfin, tu es là.

Le village. Les autochtones autour qui m’ont vu arriver m’regardent comme si j’étais folle. J’ai l’air. Des feuilles plein les cheveux, dans une tenue pas forcément appropriée à la survie en pleine jungle. J’regarde partout autour, près des maisons en bambou, comme des attroupements qu’attendent le bon dieu. Pas une trace de ce gamin que j’ai suivi tantôt.

Tu l’as vu ?
Vu qui ?


J’réalise. J’mets une main sur ma tête et m’rends compte que la chaleur m’a grillé quelques neurones. J’ai halluciné. Mais dans mon malheur, j’ai retrouvé ma route. Le Haki m’a pas laissé en reste, c’est déjà ça. J’fais un signe de la main au guerrier d’vant moi :

Rien.

C’est tout ce que je peux dire. Vu c’qu’il m’aime, s’il sait que j’délire il pourrait en profiter pour tenter d’me faire tuer en disant qu’c’est contagieux. J’veux pas lui laisser cette chance.

Moi aussi, ça m’fait plaisir de te voir, Booba.

Faux sourire, j’remets bien mes lunettes sur mon nez et vais pour prendre des nouvelles du p’tit monde. Mais Booba me lance un regard grave et m’indique un chemin du bout du doigt :

Mujo veut te parler.


Dernière édition par Michaela Hope le Ven 31 Jan 2014 - 22:51, édité 1 fois
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Tu es déjà une grande prêtresse, Michæla. Il n’est pas faux de dire que tu en as plus fait pour nous quelques jours que tous les autres avant toi en des années. Aujourd’hui, les miens voient la fin de cet enfer. Ils savent que le sang souillera encore leur terre, mais que des jours meilleurs arrivent, ou nous ne serons pas réduit à l’état d’attraction pour des touristes en mal d’aventure.

Il se penche en avant pour me servir dans une coupelle son alcool de fruits exotiques. Il m’invite a boire en fumant sa pipe. Son bandeau retient ses cheveux grisonnants. Il me fixe de ses petits yeux plissés et ridés, dont je distingue même pas l’iris. Booba, à côté, se tient contre le mur le plus proche en me regardant comme pour être prêt à réagir si je tente quoique ce soit. Je me mets à mon aise sur ce tabouret en osier, calant un coussin en plume sous mon fessier. L’alcool est fort. Il me pique le nez. Mais je tiens bon.

Je t’ai dit que j’espérais une prêtresse plus en chair et en muscles.
Je me souviens. C’était pas flatteur.
Tu m’en vois désolée. Mais c’est toujours une possibilité que je te propose d’envisager.

Attendez…


Je repose mon verre avec un arrière goût de banane au fond de la gorge. Je tape contre mon buste comme pour marqué ma puissance. C’est un peu comme ça que font les gorilles, nan ? Et je m’avance pour la discussion, regardant le vieux droit dans les yeux :

Vous voulez vraiment que j’ressemble à un monstre de muscles ? Ça commence à être vraiment vexant, vous savez ? Maintenant qu’vous m’avez, vous pourriez vous contenter de c’que j’suis. Ou j’peux aussi très bien partir trouver un peuple qui m’aimera comme je suis !
Non. Il n’est pas question de ça.
Il est question de ?
Il est question de t’offrir l’opportunité d’être légitime aux yeux de nos dieux.


L’homme marque une pause. Son visage reste comme impassible à tous sentiment. Il n’en exprime pas. Juste cette infinie « sagesse » dont il fait toujours preuve depuis que je le connais.

Continue Papi…
J’ai rassemblé le conseil des sages, hier soir, pour parler de cette possibilité. Et nous avons été presque tous unanime… Sur l’idée de te confier l’un des biens de notre peuple. Qui te rendra forte.
Presque ?
Booba n’a pas été de cet avis.


Un petit rire m’échappe. Booba. Je jette un coup d’œil en arrière, par-dessus mon épaule, pour voir le fier guerrier rester froid devant cette déclaration. Il assume. C’est déjà ça. Et ça m’étonne pas venant de lui. Un vague sourire plus tard, j’invite le vieux à reprendre :

Nous avons des coutumes et des croyances. Lorsqu’un prêtre se montre digne de nos adorations, nous l’envoyons se former auprès de nos Dieux. Puisqu’il est choisi par la voix de la Nature, il se doit de la confronter pour obtenir encore plus de force et d’assise auprès de notre peuple. Une fois cette formation effectuée, il n’y a rien qui peut détrôner le prêtre. Mais pour ça, il se doit de survivre et de passer toutes les épreuves mises sur sa route jusqu’à la puissance et la reconnaissance des Dieux. La première épreuve se nomme la Résilience. Le prêtre se doit d’endurer la puissance qui l’a désignée comme prêtre le temps qu’il faudra.
Combien de temps ?
Jusqu’à ce qu’il rencontre la seconde épreuve.
Rencontre ?
Le réceptacle totémique. Le prêtre croisera la créature qui l’a choisi et se devra de lui survivre sans la sacrifier. Une fois la bête rencontrée, le prêtre pourra se rendre jusqu’à l’épreuve de chance sur la terre sacrée. Enfin, il y a l’épreuve de foi. Dont nous parlerons quand tu auras effectué toutes les autres épreuves.
Bien.
Ne te méprends pas, Prêtresse. Rien est aisé, tu n’auras le droit à aucune aide, ni aucun bien pour te servir. Tout devra se faire par tes propres moyens, sans une quelconque intervention extérieur, excepté celle des Dieux. Tout doit venir de toi, et seulement de toi. Si tu n’y survis pas, ou si tu abandonnes en cours de route, c’est que tu n’es pas faite pour être notre Prêtresse, et tu seras radiée si tu vis encore. Nous ne t’accordons pas une faveur, Prêtresse. Loin de là. Nous le savons. Aucun prêtre jusqu’ici n’a survécu à cette formation, excepté le Tokoloshe. Et il est fort probable que tu n’y survives pas toi-même, ou que tu ne la mènes pas à son terme... Dès que tu passeras cette porte et si tu acceptes, Booba te conduira à la lisière de la jungle. Ou tu seras livrée aux Dieux. S’ils t’aiment et te reconnaissent dignes, tu t’en sortiras. Si non, tu le sauras bien assez vite. Et il te faudra prouver ta valeur.


Le vieux marque une pause pour s’hydrater le gosier. Il a tellement parlé, ça doit pas être simple pour un papi d’baver autant sur des conneries pareilles. Enfin, ça, j’le dirais pas même si j’le pense très fort.

Des questions ?
Juste une.


J’me tourne.

Pourquoi refuser, Booba ?

L’homme me regarde dans les yeux et affiche un p’tit air méprisant qui m’fait sourire. Il m’aime pas beaucoup, ce garçon. Et c’est peu dire. Alors, il m’explique avec un voix teinté d’un dédain certain que j’apprécie moyennement :

Pour nous épargner une déception et une perte de temps supplémentaire. Tu n’es pas d’ici, tu n’es pas des nôtres et je ne te fais pas confiance. Tu as juste énormément de chance et c’est bien tout ce que tu as pour toi. Je ne crois pas que tu survivras à cette formation, et je ne crois pas non plus qu’un quelconque de nos Dieux soient vraiment de ton côté. Tout ce qu’est cette opportunité est une perte de temps. Rien d’autre. Tu ne la mérites même pas. Tu n’y arriveras de toute façon pas, c’est une formation au-dessus de tes moyens comme de tes croyances. Tokoloshe disait y avoir vécu une expérience de vie insoutenable comme incroyable, qu’il avait tout fait pour se montrer digne des dieux sans forcément y arriver, et qu’il n’avait eu que leur indulgence. Toi, tu n’es pas une prêtresse, tu es juste une voie du Chaos parce que tu sers un Dieu de Chaos. Et nous avons besoin de toi pour justement faire le Chaos. Rien d’autre. Quand tout ça sera fini et que nous aurons nos terres, tu pourras partir sans qu’on ne te coupe la tête et tu pourras éventuellement être la bienvenue pour des vacances… Tu n’auras donc pas mon approbation.

Il me cherche, le Booba. Il cherche à me pousser dans mes retranchements. Il cherche à m’faire comprendre que j’suis pas chez moi ici. Ce qu’il ne comprend pas, c’qu’partout ou un Saigneur pose les pieds, ce partout lui appartient. Et maintenant qu’un putain d’piaf m’a donné la légitimité pour être c’que j’suis aux yeux des autres, ça va être dur de m’en priver. Il est con. C’est tout ce qu’il est.

Soit.

Et j’me dois de le lui prouver.

J’accepte.
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J’espérais plier cette histoire avant la tombée de la nuit. Je me suis largement fourvoyée sur mes propres capacités à survivre face à la nature.

Ça fait des heures que j’avance dans la jungle sans vraiment savoir où je vais ni d’où je viens. La lisière du village a disparu depuis bien longtemps, comme la voix de Booba et des autres autochtones. Je me suis enfoncée en cherchant à aller au plus profond de l’île, sans vraiment savoir si c’était la bonne direction. Comme s’il y avait une bonne direction… Maintenant, il est trop tard pour vraiment faire demi-tour et s’attendre à arriver quelque part. Inutile de rechercher la plage, qui est bien trop loin pour être perçu là ou je me trouve. Le vieux a eu raison sur un point : je suis seule.
Sur un autre : jeter l’éponge serait quand même beaucoup plus simple. Mais de quoi j’aurais l’air après mes grands mots et mes grands airs si je reviens après une poignée d’heures ? D’une grande gueule. C’est bien c’que je suis dans le fond. J’le sais. Mais rabattre le clapet de Booba était une opportunité trop belle pour la laisser passer. Alors j’me rassure comme je peux en m’disant qu’une nuit ou deux dans une jungle, c’est pas une si mauvaise idée. Ça pourrait être largement pire. J’ai toujours su me débrouiller, et l’endroit a beaucoup à m’offrir.

J’me pose deux minutes. Les arbres cachent le soleil et je sais pas encore dans combien de temps il va pouvoir se coucher. J’suis partie assez tard et j’ai marché assez longtemps. Mes jambes sont usées et lacérées par des ronces que j’ai traversées. Les plaies me démangent et les moustiques s’affolent déjà autour de moi. L’ambiance s’est également rafraîchie. Autant d’indications qui me précisent qu’il est temps de dresser un camp avec ce que je peux. Trouver à dormir, trouver à manger, faire un feu pour pas mourir de froid…

*

Une noix de coco s’éclate par terre quand je termine de la décrocher. J’coupe les palmes de l’arbre avec mon couteau de fortune fait d’une branche et d’un caillou éclaté et redescends juste après. Le temps de ramasser mon bien, j’profite de la fissure sur la noix pour me désaltérer et me nourrir un peu. J’aurais un abri pour la nuit. Avec la quantité de mousse qu’il y a sur les arbres et les pierres, qui jonche le sol, j’aurais même un matelas douillet. Avec ces palmes, un toit sur ma tête. Et je ne manque pas de petit bois pour me faire un feu.
Finalement, Booba est vraiment un con. J’m’en sors pas si mal pour une première soirée. Ça manque un peu de viande et j’ai pas forcément le courage d’aller chasser là, comme ça. Mais on a vu pire. J’pourrais citer cinquante soirées que j’ai passé dans des galères monstres, plus mal lotie que je le suis, maintenant. Au moins, j’ai des fruits et de la chaleur, de quoi tenir jusqu’à demain sans problème. J’m’en veux un peu de pas avoir regardé une carte de l’île avant de rejoindre le village. Ils avaient ça, entre autres machins super pratiques pour une expédition, à l’hôtel. Ça aurait pu m’être très utile pour m’orienter vers les terres sacrées en attendant mon animal totem.

D’ailleurs, j’sais pas trop c’qu’il branle celui-là. On a pas forcément rendez-vous, mais si c’était possible de pas trop s’attarder sur ces conneries et de s’rendre directement au point ou je vais chercher la boule magique qui me rend grave puissante, ça serait cool. J’ai vraiment b’soin d’attendre après un animal, d’ailleurs ? Non parce qu’au pire, on s’en branle non ? J’vois pas trop ce que ça change au délire si j’dois récupérer une relique à la con dans une grotte paumée…

Advienne que pourra.
En espérant que j’croiserai pas Anthrax.

J’apprécierai vraiment pas l’avoir comme animal totem, lui, par contre.
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Il flotte.

Comme vache qui pisse. Et tous mes beaux projets que j’avais tantôt avec l’espoir de réussir à survivre en forêt sont en train de se noyer sous mes yeux. Il s’est mis à pleuvoir à seaux quand j’ai commencé à faire mon feu. Le petit bois s’est gorgé d’eau et il m’a été impossible de retenter l’expérience. Mon abri s’est effondré au bout d’une heure, ne pouvant supporter le poids de la pluie. Il fait froid. Je me gèle. Et mes provisions de bouffe ont été dérobé par une bande de singes opportunistes qui s’sont barrés avec dès qu’j’ai commencé à m’en faire pour mon feu.
Maintenant, je suis dans la merde.
Le pire, dans tout ça, c’est que le bruit incessant de la pluie fait un écho qui brouille mon haki. J’ai pas pu voir venir l’attaque des macaques furieux parce que mon ouïe était encombrée et mon attention focalisée sur totalement autre chose. Bilan, j’me suis faite avoir comme une bleue, à se demander à quoi me sert ce don soit-disant des dieux… Et en parlant d’eux, si c’est une « mise à l’épreuve » de mes couilles, elle est franchement PAS TRES TRES DROLE. L’ironie, c’est que je me focalise sur cette idée… Les sauvages m’ont retournée le cerveau, et maintenant je m’attends au châtiment divin alors que, putain, ça m’ressemble pas d’moisir sur place pour des conneries mystiques ! J’ai pas passé trois années de merde à pourrir chez des pirates sans foi ni loi pour attendre comme une idiote sous la flotte que la foudre me frappe !

Mais non, hein. Cette connerie m’a prise de court et maintenant je sais plus comment réagir. J’ai trop pris la confiance, j’ai trop cru qu’mon haki m’sauvera toujours la face. Aujourd’hui, j’me retrouve avec mon couteau en caillou et ma poisse ordinaire au milieu d’un environnement hostile à pas pouvoir réfléchir. Et putain, je me gèle !
Bon… Au moins, j’suis pas totalement en reste. Faut se rassurer comme on peut et garder le moral. Eventuellement dormir un peu pour s’remettre en selle dans quelques heures. Je peux pas m’permettre d’abandonner pour si peu. Y’a pire. Y’a toujours pire. J’ai trouvé un toit de fortune dans le tronc creusé d’un arbre. Mais l’eau s’y infiltre et j’ai beau trembler comme une feuille ou me recroqueviller sur moi-même pour me réchauffer, rien y fait. Au-dessus de ma tête, j’entends les cris des singes qui se pavanent comme une bande de p’tits branleurs en brandissant MON bien. MON repas.

J’ai la rancune tenace. Ça se payera !

Et j’ai à peine balancé ça à la gueule des macaques que l’un d’entre eux, se marrant plus fort que les autres, se pète la gueule à cause d’une branche qui craque au mauvais moment. Un cri suraigu se perd dans la nuit, suivi d’un bruit sourd. Et puis plus rien. Les autres ferment leurs gueules en s’rendant compte que leur copain vient d’être bouffé par la jungle lugubre et qu’il est maintenant la proie de tous les dangers… Enfin, j’pense pas qu’un singe soit aussi philosophe et qu’il pense vraiment ça. Mais dans les grandes lignes, ils doivent se dire qu’ça sent le pâté pour leur pote, paix à son âme.

Moi, je me dis juste : A MOI LA BARBAQUE !

J’décolle de mon trou sans demander mon reste. J’ai tellement les crocs que j’pourrais ne pas le faire cuir, l’autre couillon. J’avale la distance, bondis comme une tigresse en essayant de déterminer où peut se trouver cette petite enflure. Mais ma vue est brouillée et j’entends rien. S’il est mort, sa voix intérieure me parviendra plus. Elle sera éteinte. Un mouvement dans les feuilles attire mon attention et la silhouette du gamin autochtone de tantôt me revient. Il est là. Et il me fixe en me faisant une grimace terrifiante derrière son masque en os, en claquant sa langue bruyamment. Il tape contre son buste pour m’impressionné et décampe vitesse grand V dans la direction ou j’me rends.
J’peux faire d’une pierre deux coups. Il se dirige vers là ou mon singe est tombé. Si je le choppe, j’pourrais balayé le terrain pour retrouver ma bouffe. Alors je fonce, j’traverse et j’bouscule ce qu’il y a devant moi, sans prendre de gants. Il s’échappe et court vite, bondissant de-ci de-là comme s’il était qu’une ombre. Je le vois agiter des feuilles, c’est comme ça que j’arrive à suivre sa route. Parfois, je m’arrête pour reprendre mon souffle, qu’une poignée de secondes parce qu’il m’en faut pas plus et que le gamin a pas plus à m’offrir.

Il ralentit. Ou j’accélère. En tout cas, il perd du terrain et je vais pouvoir le rattraper. Je manque de me bouffer une branche dans la tronche mais l’évite au dernier moment. J’fonce droit devant, vers le gamin qui s’est arrêté sur une grosse racine. J’vais le chopper par le flanc et le plaquer au sol ! Je vais l’avoir !

Je saute !
J’le tiens !

Hein ?!

AIE !

Il m’a échappé ! Comment ?! J’me rétame par terre et roule-boule dans la boue. J’en bouffe au passage et j’peux certifier que c’est pas très bon. Je tente de me relever mais mon pied glisse à cause de l’eau, et j’ai de la terre dans les yeux. Ça pique un peu….

Putain de merde !

Un grognement retentit et il vient pas de moi. En face de moi. J’ai peut-être les yeux qui brûlent mais je me force à les garder ouverts parce qu'il faut que je vois ça. Il faut que je vois à quel point ça sent pas bon pour moi. Et quand je dis ça, c’est que dans le trouble, je distingue une forme allongée, haute sur patte, le pelage beige tacheté de noir. Je distingue une tête ronde avec des babines retroussées qui me montrent des crocs acérés. Le grognement vient du fond de cette gorge. Et j’distingue surtout que la bête tient dans sa gueule mon repas.

MON repas. Qui me passe ENCORE sous le nez.

Mais j’reste plantée là, à fixer mon nouveau voisin sans bouger d’un pouce. Ça sent la connerie mystique de l’animal totem à plein nez. Alors je préfère rien faire en attendant de voir où ça va me mener. Ses deux yeux luisent d’une malice mauvaise, mais au lieu de m’attaquer ou de tenter quoique ce soit, le léopard se retourne et me snobe royalement. Il saute par-dessus une racine et grogne après une feuille, d'ou provient un mouvement en même temps d’un miaulement mal assuré.
La bête me jette un dernier coup d’œil pour voir si je m’approche pas. Elle me tient à distance avec un regard ferme et menaçant. Elle me chipe mon casse-dalle sans même me dire merci. Elle surveille en même temps son bambin qu’a pas l’air très habile et qui la suit comme il peut. Elle surveille encore avant de disparaître.

Sale bête.
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Il fait jour et la température est remontée.

Il y a pourtant toujours cette humidité ambiante qui m’aide pas à me réchauffer. Je me sens moite et pourtant glacée à l’intérieur. Cette différence dans mon propre corps me rend malade. Pire que ça, mon estomac est tout retourné. J’ai abandonné mon singe à la broche pour le laisser à une maman léopard et son bébé léopard, parce que je préférais tellement manger ces affreuses petites baies difformes et dégoûtantes.

Mon ventre d’ordinaire en béton armé s’en remet pas. J’ai l’impression qu’il tente de se digérer lui-même ou alors qu’il joue au super huit pour le fun, ou qu’il tente de dissoudre un parpaing avec du sirop d’érable. C’est dire comme ça va être compliqué. Je vais vomir. Je vomis. Et pendant quelques secondes à peine, je suis soulagée d’un poids énorme qui me comprime le ventre depuis des heures. J’ai passé l’une des nuits les plus horribles de ma vie, à rendre mes tripes en suppliant pour qu’elles y passent et que ça se termine vite, et à me geler les miches sans réussir à me réchauffer. La pluie s’est arrêtée au petit matin, dès les premiers rayons du soleil, laissant place à la cacophonie habituelle des petits animaux dégueulasses de la nature.
Moi, je suis là, assise dans mon tronc d’arbre, malade comme un chien à vouloir en crever, avec une fièvre de cheval et les boyaux qui dansent la samba. Rien à me mettre sous la dent. Mais le pire du pire, c’est que l’immonde petit connard d’autochtone que j’hallucine depuis quelques jours m’a tenu la jambe une grande partie de la nuit en me faisant des danses tribales débiles. Je peux pas lui dire mais je le hais profondément. Il m’a pas laissé une minute de répit avec ses conneries, tapant sur son buste, bondissant d’un bout à l’autre, poussant des petits bruits d’animaux, allant du serpent à l’oiseau. Les noms d’oiseaux qui me viennent quand je le vois, je les garde pour moi. Là, il est devant moi, joue à l’idiot. Je le vois se mettre la tête en bas, en plein dans la boue pour s’aider de ses bras et redresser les jambes. Il me fait des grimaces derrière son masque.

Et il retombe, comme s’il avait fait une roue, bondissant tel un fauve pour claquer férocement des dents à quelques centimètres de mon nez ! J’pourrais jurer sentir sa mauvaise haleine… Cette hallucination finira par me tuer.

Il faut que je bouge. Je peux pas rester ici.

Quand j’arrive enfin à m’extirper de mon trou, c’est pour voir mes jambes trembler au point d’avoir du mal à marcher. Mais j’y arrive en sentant comme si, à l’intérieur, mes os se faisaient aspirer la moelle et mes muscles se vidaient de leur sang. Comme si quelque chose me pompait l’énergie vitale. J’avance quand même, suivant du coin de l’œil l’autre petite teigne qui se tient devant moi et me pousse à le suivre d’un signe de main. J’ai envie de l’ignorer. Je pourrais l’ignorer.

Mais j’ai aussi cette envie irrépressible de lui péter les dents. Quand j’aurais assez de force pour courir -parce que je l’aurais dès que j’aurais pris le rythme-, je lui casserai la tronche. Foi de moi…

Bon.

En attendant, ça a pas l’air vraiment bien parti pour. J’m’accroche pourtant. Ma vision se trouble et il me semble qu’il disparaît. J’le revois venir par instant, en me tenant aux arbres qui passent à côté. Il est de plus en plus loin, de moins en moins net. J’entends ses claquements de langue entre le tintamarre des oiseaux de la jungle. Je me prends les pieds dans une racine et me casse la gueule en avant. J’ai même pas eu le réflexe de mettre les bras pour me rattraper. Ma joue est ouverte par une pierre mal placée. Ça saigne.

J’ai dû tomber inconsciente. Mais quand j’ouvre les yeux, j’ai la tronche bien visible et un peu trop proche à mon gout du môme sauvage. Il fait la grimace accompagnée de petits bruits de gorge. Soudainement, ses yeux s'illuminent d'une malice mauvaise... Je vois ses gros doigts s’approcher de mes yeux, gros doigts pleins de sang, je pourrais jurer les sentir sur ma plaie… Puis quand il comprend que je le vois et que je sais ce qu'il me fait, il saute brusquement en arrière, hurle comme un diable et disparaît en se jetant dieu sait où. Moi, j’ai juste eu le réflexe de me reculer d’un bon mètre en le voyant si proche… Et j’ai l’idée de regarder partout sur moi pour voir s’il a rien touché ou déplacé. J’ai toujours mal au ventre, le gout du sang et de la boue sur les lèvres, la joue bien ouverte également… Mais bizarrement, je me sens un poil mieux. Plus fraîche. Je pousse un long soupir et me redresse, pour enfin jeter un coup d’œil à ce qui m’entoure.

Arbres immenses, forêt verdoyante, animaux omniprésents, boue et pierres mélangées, une odeur de mousse et d’humidité. J’écoute… Le bruissement de l’eau me laisse sur le cul…

Un ruisseau s’écoule à, à peine, quelques pas de moi. Je me lève sans réfléchir et me précipite dedans. Boire. Me rincer. Être propre, laver cette nuit d’enfer pour commencer une journée peut-être un peu meilleure. Un point de repère inespéré au milieu de ce labyrinthe… Je pourrais me mettre à pleurer si j’étais pas aussi crevée et affamée. Quoique, être crevée et affamée peut être aussi une raison pour pleurer comme une fillette. Mais j’m’appelle pas Jack, je sais me tenir quand une tuile me tombe sur la tête. Non, pour le coup, je préfère même éclater de rire combien même ça me fait mal au bide. Je ris à m’en tenir les côtes et c’est peut-être le rire d’une folle furieuse qu’est sur le point d’y passer, mais putain que ça fait du bien.

Je comprends…
Quand je vois du coin de l’œil l’autre gamin se tenir sur un rocher, me fixer en grondant et en me claquant des dents pour me faire bouger, je comprends que le gosse a cherché à me sauver. C’est pas une hallucination.

C’est pas que ça.

J’saurais pas dire c’que t’es. Mais j’t’en dois une.

J’ai à peine dit ça qu’il gonfle le buste et pousse un hurlement strident. La nature se tait pour l’écouter crier.

Et moi, j’affiche un p’tit sourire mauvais.
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Instinct Sauvage Tokolo11

Je me suis posée en attendant d'aller mieux. Contre un tronc, au bord de l'eau et à l'abri du soleil. L'humidité est ici moins lourde et étouffante que dans la jungle, et il y a même un souffle d'air. J'ai mastiqué un morceau de gingembre pour calmer les nausées et les vomissements. Depuis quelques heures, mon estomac fait plus le grand huit et ma fièvre a même baissé. J'ai moins de sueurs froides, moins de tremblement. J'peux dire que je me sens vraiment mieux.
Plusieurs animaux de la forêt sont même venus me tenir compagnie quelques secondes, pour s'abreuver. J'ai pas eu la force de me lever pour les chasser, mais en restant près d'un point d'eau sans bouger, on a plus de chance d'attraper de la viande fraîche qui vient innocemment. ça m'a donné l'idée de pêché. Avec des moyens assez rudimentaires, certes. Mais au moins, la pêche, ça exige pas de courir dans la jungle après un macaque. Il me suffit d'attendre et de voir ce qu'il se passe.  

Le gamin est à côté.

C'est peut-être pas un gamin...

Il joue dans la flotte en bondissant de rocher en rocher. J'crois qu'il voudrait bien que je me presse, mais je suis trop calée pour avoir envie de me bouger. Je sais que dans pas longtemps, va falloir que je me lève pour commencer à trouver de quoi faire du feu, mais hé... ça peut encore attendre. Je pose ma tête contre le tronc et ferme déjà les yeux. J'ai l'ouie coupé du reste du monde. En fait, je me suis rendue compte que quand le gosse était devant moi, en train de faire son zouave, je percevais les choses comme si elles étaient enrobées dans du coton. Moins précises, de fait.
J'ai essayé de comprendre ce qu'il pouvait être, et ce qu'il foutait là. J'ai essayé, mais la fatigue m'a pris trop vite et j'me suis mise à faire une sieste bien méritée. J'ai du mal à penser, et pour l'instant, je m'inquiète pas plus que ça de sa présence. Il m'a bien sauvé la vie, non ? Quand il me jettera dans la gueule du loup, je dirais sans doute pas la même chose. Mais j'y suis pas encore.

Je relève ma canne de fortune et attrape le poisson qui lutte au bout. J'le décroche et m'affaire à le préparer. Il le mérite bien. J'attrape quelques herbes sèches, des branches mortes et commence même à me faire un feu. J'me dis que c'est le bon moment, parce que la température a sensiblement baissé. J'ai quand même perdu une journée à absolument rien foutre. Bon, c'est pas fondamentalement très grave, malgré les petites affaires préparées par Jack le Saigneur et en route actuellement : Si j'suis un poil en retard, il m'en tiendra pas rigueur.

Ma lame de fortune tranche la chair. Je l'embroche sur un bâton et le plante au-dessus du feu qui crépite doucement. Le gamin s'est planté de l'autre côté des flammes et me regarde avec des yeux lourds derrière son masque d'os. Il me montre toutes ses dents comme un singe le ferait pour m'intimider. Mais j'trouve presque son regard rassurant, ça prouve qu'il veille sur moi...

Ce soir, mon repas sera bon.

Pas du grand luxe certes. Mais toujours meilleur que la nuit dernière.
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Au petit matin, je me suis remise en route.

Sur une jungle toujours endormie, bien plus au fait désormais de ce qui m'attendait. J'avais passé l'une des meilleures nuits de ma vie, comparée à la précédente qui avait été particulièrement atroce. Alors que je m'étais relevée, pliant mes "bagages" pour éteindre définitivement le feu, le gamin s'était dressé devant moi, me fixant de toute sa petite hauteur avec une mine sérieuse et fâchée. J'l'avais repoussé, d'un revers d'esprit, retournant à mes occupations pour me remettre en route. Couteau de fortune à ma ceinture, un peu de bambou pour tenir la route, de l'aloe vera pour les égratignures, et la barbaque pour le déjeuner. J'étais parée à affronter cette jungle hostile qui s'était déchaînée sur moi sans me laisser de répit ces derniers temps et à la réduire en cendre. Pour ce que ça vaut, j'étais aussi un peu plus confiante, parce que j'avais un vrai filet de sécurité. Me suffisait de jeter un coup d'oeil à l'hallucination qui se baladait autour de moi depuis trois jours déjà...

Un pas devant l'autre. J'avance prudemment pour longer le courant d'eau que j'ai réussi à trouver. Au bout d'une heure, c'est sur un point d'eau immense que je tombe, point d'eau qui fait office de carrefour à la rivière, qui se transforme ici en fleuve. Quatre séparations, quatre bras, je vise le principal et m'enfonce sous l'eau pour remonter le courant et prendre la voie la plus rapide. Ou celle que j'imagine la plus rapide pour éviter d'avoir à contourner toute cette histoire. Le gamin barbote déjà de l'autre côté de l'étendu d'eau, me faisant de grand signe pour que je presse l'allure.
Mais ça me prend un temps fou malgré les vociférations du sale gosse. Principalement parce que l'eau est glacée (chose qu'on pourrait trouver parfaitement étonnante en plein milieu d'une jungle où il fait si chaud) et que progresser dedans est aussi éprouvant que de lutter dans des sables mouvants. Mais en gagnant l'autre bord, je reprends mon ascension là où je l'avais laissée, m'enfonçant progressivement dans une jungle encore plus fournie et hostile que celle que je quitte. Sans regarder en arrière, n'écoutant que mon courage et l'affreux gamin qui me pousse à avancer dans cette direction.

Jusque là, je peux dire que ça va. J'repense aux légendes de la tribu des sauvages, à ce Tokoloshe, et d'une certaine manière, j'ai l'impression de m'en sortir pas si mal que ça. Que ça pourrait être mieux, mais j'dois être l'une des seules a être allée aussi loin dans cette folle aventure, que ça forge les nerfs et la patience. Faudrait que je change d'allure, que j'accélère parce qu'ils doivent déjà me penser morte là-bas (surtout l'enfoiré de Booba) et j'aimerais pas retrouver ma tombe ou devoir justifier que je suis bien vivante.

Pfff.

La chaleur recommence à taper en début d'après midi.

Le soleil, qui pourtant est caché par les immenses arbres, arrive à faire passer sa chaleur. J'ai comme l'impression d'être sous une immense serre, avec un air chaud qui me crame les poumons. J'suffoque. Ma peau brûle, j'ai l'impression que mes joues prennent feu et que mon cerveau sous mon afro est en train de bouillir. J'en ai sûrement marre de marcher aussi, mais mon hallucination me permet aucune pause et j'dois dire que m'arrêter maintenant m'empêcherait de me remettre en route après. Alors, j'ai un objectif en tête : arriver jusqu'au temple et aviser en conséquence.

Pour ce que ça vaut.
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Le temple est là.

Devant mon nez, au sommet de cette petite montagne, enfoncé dans la roche. Creusé dans elle peut-être même. Sur trois étages, supportés tous trois par des colonnes et des statues de trois bons mètres à chaque fois... J'saurais pas dire comment ils ont fait ça. Des sculptures de bonshommes en pagnes se dressent, supportant les étages sur leurs têtes couvertes de feuilles. Des colonnes sont entourées de lianes, et la porte d'entrée, ou celle que je suppose être la porte d'entrée, dégueule de racines qui vomissent sur les étages du bas.
Mais tout ce que je vois, c'est ce contre-bas immense qui me sépare encore de ma cible. Dans l'eau, à mes pieds, des formes longues bougent dangereusement, créant des remous par endroit. Les nénuphars tapissent la surface et une colonie de petits insectes vont et viennent d'une fleur à l'autre... Les algues qui remontent sont d'un vert peu rassurant, et j'ai l'impression par moment d'apercevoir des gueules béantes prêtes à me croquer une jambe. Je penche la tête pour regarder ce contre-bas. Une chute de trois mètres dans un bassin de la mort. J'sais pas ce que ça vaut, et j'pense pas que mon karma va vouloir me sauver les miches sur ce coup là. Aucun moyen de contourner, ni de passer au travers sans se mouiller au moins les fringues.

Clairement, ça pue l'angoisse.

J'attrape un morceau de mon repas et le balance à la flotte. Et avant même que la bouffe touche la surface de l'eau, une sale gueule béante l'a choppée au vol, l'engloutissant sans demander son reste, avant de sombrer à nouveau dans les profondeurs lugubres du bassin. De l'autre côté de la rive, je note un petit escalier en colimaçon, remontant vers l'entrée du temple.

M'indiquant subtilement que j'vais devoir me faire croquer pour avoir ce que je veux.

Merde.

Le gamin se tient à côté de moi. Il bouge pas d'un poil, reste totalement stoïque face à l'épreuve qui m'attend. J'crois qu'il sait pas ce que j'dois faire. C'que j'peux faire. Moi non plus je sais pas. Et comme il a pas l'air prêt de m'aider, j'vais faire ce que je sais le mieux faire.

Foncer sans réfléchir.

Alors j'prends mon élan, de quelques pas en arrière et fonce comme une furie, tête la première dans cette bassine à emmerdes. J'entends à peine les cris furibonds de l'autre môme. Le froid à l'entrée me sidère un temps, avant que j'me reprenne en battant des pieds et en nageant la brasse. J'remonte à la surface, le nénuphar sur le sommet du crâne, avant d'sentir déjà une mâchoire s'enfoncer dans ma cuisse. Et l'coup part plus vite que mon ombre, s'imprimant dans la petite joue d'un sale poisson. L'animal est propulsé en arrière, mais le pire est déjà fait et la plaie saigne.
J'nage. J'dois pas m'arrêter. Même si je sens tout le long de mes jambes des morsures qui m'empêchent par instant d'reprendre mon souffle. J'nage sans m'arrêter. La voix suraiguë et affolée à l'autre bout m'indique la direction que je dois prendre. Je vois que dal, rencontre mille algues sur le chemin vers la libération. Mes jambes battent pendant que j'prie pour que le mouvement perturbe les p'tites merdes qu'ont faim.  

Et j'arrive enfin. De l'autre côté, en titubant. J'préfère pas regarder en bas pour pas voir le résultat de ce fou moment de grande natation... Pourtant, le sang dégouline de mes cuisses et y'a encore un sale bestiau accroché à mon short. J'le vois. Mes yeux le fusillent du regard tandis que son p'tit globe capte qu'il va pas tarder à crever... Et j'l'attrape à pleines mains, arrachant un morceau de tissus pour l'écarteler en petit morceau.

Le cri du coeur suit.

J'monte trois marches et m'écroule pour voir les dégâts. J'aurais pas assez d'aloé pour tout désinfecter. J'déchire mon T-shirt, bande les plus grosses plaies après les avoir lavées avec l'eau saine que j'ai apportée. J'serre les dents comme une grande... J'me suis mise dans cette merde comme une grande, alors faut savoir assumer ses conneries. Saloperies de Piranhas...

Et j'lance un regard furieux au gamin qui est réapparu à côté d'moi, qui m'a pas dit c'qui allait m'attendre. Il jacte pas un mot. Vaut mieux ouais.

Vaut mieux qu'il l'ouvre plus...
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J'avance en titubant, me tenant aux parois à côté de moi. Mes genoux sont éreintés par la montée. Trois cent dix huit marches. Et je sais plus combien d'tuiles tombées sur le coin de la figure. J'ai de bonnes raisons d'être fatiguée. Mais faut abréger, et abréger vite. Alors j'avance et attrape une torche, allume un feu pour éclairer mon chemin. Faut bien ça, y'a pas d'lumière là-dedans. J'sens une lourde humidité, et il y fait plus noir qu'dans la tête de Walters Scott.
Le gosse est resté à l'entrée. J'arrive à mettre un pied devant l'autre, j'vois à plus d'un mètre devant moi. La chance est de nouveau avec moi. Faut bien qu'elle tourne de temps en temps.

J'sens que ça descend. J'suis le mouvement, une main contre les murs pour vérifier que j'rêve pas. Les pierres sont trempées, il y a fait soudainement beaucoup plus frais. J'constate l'écart de température avec l'extérieur. J'respire déjà mieux et j'prends même l'initiative de coller mes jambes nues sur le mur, l'temps d'une pause. J'peux vous dire que ça soulage, pour c'que ça vaut. J'reprends ma route quand mon souffle le veut bien. Et j'avance encore un poil avant d'arriver dans une sorte d'anti-chambre.
Y'a trois ouvertures devant moi et qu'une seule possibilité. J'prends celle en face, en m'disant que de toute façon, j'aurais qu'à revenir en arrière. Et j'reviens en arrière au bout de vingt minutes, finissant dans un cul de sac couvert de toiles d'araignées. Deuxième possibilité, j'prends à gauche. Et retour à la case départ encore une fois, après être tombé sur un nid à serpents.

Dernière option.

Et forcément, c'est la bonne. J'aurais du commencer par là, sachant pertinemment que ma malchance me tromperait à nouveau. Mais hé, c'est comme ça que les gens apprennent. Les gosses mettent longtemps les doigts dans la prise avant d'comprendre que ça pique et qu'ça rend con. Faut croire que j'comprends pas toujours tout très vite.
Un autre pas devant, je sens mon pied s'enfoncer fort dans un sol meuble. Bien sûr, j'ai pas le réflexe de m'arrêter tout de suite, et c'est l'autre qui rentre dans cette boue dégueulasse. Jusqu'au mollet, j'suis coincée, et pas la peine de lutter longtemps pour comprendre que j'me fais lentement absorbé quand j'essaye d'en sortir. Un sourire crispé, j'éclate de rire pour moi en regardant au plafond. Dieu a beaucoup d'mal à être original, bizarrement...

T'as pas mieux, nan ? Parce que depuis qu'j'ai pénétré dans c'te putain d'jungle, tu m'en as servi des plus hard core que ça ! Tu t'dégonfles, là ! Tu d'viens mauvais mon vieux !

Et j'ai à peine dit ça que j'vois l'ombre du gamin qu'j'ai laissé à l'entrée ramper vers moi. Il pousse des petits bruits visqueux, qui se répercutent très vite contre les parois. Il avance, vite, comme une petite araignée qui se faufile. Et il se plante devant moi, claquant des dents, prêt à me mordre...

Oh putain...

J'me retourne brusquement, j'comprends tout à fait c'qu'il a voulu me dire... Je suis visiblement dans la mauvaise toile. J'agite ma torche, pour la baisser par terre et regarder autour de moi. Et j'les vois arriver, toutes ces petites araignées qui descendent des murs et tentent de s'approcher de moi. Mais la flamme les crame et les fait reculer. Elles s'affolent d'autant plus, s'énervent même, crachent en dressant les crocs...

J'aurais dû fermer ma gueule !

L'une prend feu. Elle se tord, recule, blesse l'autre. J'le maintiens à distance, essayant d'me retirer de mon bourbier. J'me penche sur le sol, me traîne, tente finalement de me retourner pour sortir mes jambes de ce trou infâme. J'arrive à me glisser, à jouer sur le poids. J'suis recouverte d'une boue visqueuse, mes mains manquent de s'enfoncer. Et j'éloigne ces bestioles du mieux que j'peux. Mon haki me fait ressentir toutes ces pattes sur mon corps qui remontent, passent sous mes vêtements. Le long de ma colonne, plantant leurs petites dents dans ma chair... Je suis pas petite nature d'ordinaire, mais ça me dégoûte...

Quand j'arrive à me remettre debout, agitant ma torche tout autour de moi, j'décampe vitesse grand V.

Monde dégueulasse.
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J'arrête de courir au bout de vingt longues minutes... A bout de souffle, épuisée. Je me pose contre le mur et tombe à terre en tentant de reprendre de l'air.  J'ai jamais couru aussi vite de ma putain de vie. Jamais ! Et les images qui me reviennent en tête quand je ferme les yeux me dégoûtent... Toutes ces bestioles, sur moi, remontant, sur mes bras, le long de mes jambes... J'en ai des sueurs froides. Une haine sombre bat à mes tempes et gronde dans mes entrailles.

Booba vaut pas le coup que j'me pousse dans mes retranchements comme ça. Il vaut pas que j'manque d'y perdre la vie. Il vaut rien, et j'aurais dû lui arracher la mâchoire avant de lui coller mon pied au cul ! J'ai pas à faire mes preuves pour des putains de sauvages qui valent pas deux berries ! Pour une terre qui appartient à personne ! J'suis une putain de pirate ! J'ai pas de coeur et un égo plus gros que Marie Joie ! Maintenant, j'suis fermement convaincue par les préceptes de Jack... Si j'pouvais douter, et m'dire qu'un peuple sur une île comme celle-ci pouvait être chouette, j'ai totalement changé d'avis.

Qu'ils crèvent tous dans d'affreuses souffrances et qu'on rase l'endroit !
Toute cette faune de merde ! Couic ! Cette flore, cramée ! En cendres !

Et rien à foutre de la culture et de l'histoire ! J'emmerde l'Histoire !

PUTAIN !

Calme.
Il faut que je retrouve mon calme. Je prends une grande inspiration et me remets sur mes jambes. J'ai fait le plus gros, le plus chiant. C'est la fin. Ça a intérêt à être la fin, sinon je rase l'endroit, sans pitié.

Je fais un pas et sous mon pied, je sens la dalle s'enfoncer.

Putain.

A peine prononcé que le sol s'ouvre brutalement en deux et que j'me retrouve irrémédiablement attirée par la gravité. Droit vers des piques dressées prêtes à m'embrocher. Je me tends brutalement, plante les mains dans le mur que j'entame et me crée un appuie de fortune, le temps de me retenir pour éviter de finir empalée. A quelques centimètres de l'oeil, je me tiens contractée au-dessus, maintenue comme un pont entre les deux parois opposées...

Je hais Dieu.
Et Dieu me hait.
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Un pas après l'autre. Une prise après l'autre.

Faut bien que cette enfance dans un cirque me serve... Je remonte comme je peux, pestant contre l'humanité toute entière. Déversant un flot d'insultes en tous genres, devant le constat terrible qui m'était tombé sous les yeux : Dieu aimait pas tous ses enfants. Il les portait pas dans son coeur. Et même parfois, il s'acharnait volontairement sur eux. Mais à ce cher père spirituel, j'ai une adresse : J'en ai rien à foutre que tu puisses pas me saquer. Parce que t'es qu'une misérable petite enflure et qu'un jour, j'écraserai ta création sous ma grosse botte crasseuse. Je cracherai sur toutes tes décisions. Je contredirai tous tes choix.
Et c'est sûrement parce que je suis cette gosse impétueuse que tu peux pas me piffer. Mais sache, mon gros, que c'est parce que tes décisions depuis le commencement ont toutes été qu'un enchaînement grossier de conneries en tous genres, que t'as merdé dès le début. Dès le jour où tu t'es dit qu'ça pouvait être une bonne idée de me faire vivre. Tu regrettes, j'le sais. Tu regrettes et tu tentes de réparer ton erreur. Et c'est pour ça que tu t'acharnes. C'est aussi pour ça que j'm'en vais te prouver chaque jour que tu peux faire que j'en ai rien à carrer de tes tentatives. J'franchirai tout, et c'est pas un trou avec des piques qui va m'arrêter.
Tu t'fourres le doigt dans l'oeil, jusqu'au coude...

Parce que t'as fait une autre connerie, c'est d'me donner une raison de me battre et de vivre. C'est d'me donner ma fille. C'est d'me faire partir à l'aventure avec des crasses immondes pour retrouver la chair de ma chair. Alors quoi hein ? ça sera quoi l'épreuve suivante ? Un petit couloir avec des murs qui se rapprochent ? Un trou sans fond ? Un nid d'abeilles ? Mais come on ! J'attends tout ça ! J'attends de pied ferme !

Souffle.

J'ai même fini de remonter la pente. Mes jambes me tirent, mes bras sont engourdis. Mais ça va. Je me pose par terre et reprends ma respiration à nouveau. J'ai l'impression d'avoir fait que ça depuis que je suis ici : Reprendre ma respiration. Une tuile, une pause. C'est comme un cercle vicieux où rien change.

Quand je me remets debout pour reprendre ma quête, c'est sur une pierre du mur que ma main s'enfonce. La poisse attire la poisse, et définitivement, je suis vernie. Pas de temps à perdre, je sais déjà ce que ça annonce, et à peine sur mes jambes que je trace déjà ma route sans prendre le temps de regarder en arrière. Un bruit sourd attire mon attention, et j'ai l'impression en courant comme une dératée que les murs se rapprochent un peu trop. Un peu trop vite...
Deux solutions s'offrent à moi : Courir encore plus vite, ou m'offrir une chance de m'en sortir. Et cette chance, je la prends.

Déjà lancée, je ferme mon poing et l'envoie de toutes mes forces s'écraser contre la parois à ma droite. Cette dernière grince dangereusement, avant qu'une fissure de la transcende dans toute sa longueur. Tout s'arrête, et je profite de ce répit pour parcourir la distance du couloir. Je suis la fissure que j'ai moi-même creusée, jusqu'à ce que je me rende compte que cette dernière perce vers le plafond, commençant à grignoter dessus.
Et là, quand une pierre manque de me tomber sur la tête, je comprends que la chance que je me suis donnée s'est retournée contre moi. Enfin, sur le principe, ça me change pas vraiment de d'habitude. Disons que ça fait un moment que je me suis faite au fait que ma vie était en carton mâché. Mais à ce point, quand même, je commence à m'en étonner.

Plus le choix, il faut courir.

Et que je le veuille ou non, non seulement le mur que j'ai pas touché continue sa course lente pour tenter de me broyer, mais en plus le plafond a fermement décidé de jouer au plus con. J'enjambe, j'explose les pierres qui veulent me couper le chemin, je grimpe en essayant de pas mourir écrasé et c'est là que je vois la lumière au bout du tunnel se dessiner. En espérant très fort que ça signifie pas que je vais mourir.
Dernière ligne droite avant que je finisse en bouillie, à quelques mètres le passage est trop étroit pour que je continue de face. Alors, en pas chassés, j'avance toujours, inlassablement, la main tendue en espérant que ça change quelque chose à cette grosse blague tragique...

La lumière m'aveugle.
Je passe.
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Aie...

Je mets ma main devant mes yeux pour essayer de me faire à la lumière. J'ai du mal à discerner les formes, c'est peut-être con, mais je crois que y'a des pierres qui tombent du ciel droit sur ma tête... J'soupire, tente de m'y faire. Quand enfin la vision me revient, c'est le petit rire crétin d'Anthrax que j'entends. J'crois que j'hallucine complet et que tout va mal pour moi, mais en voyant cette petite tête de noeud aller et venir sur les lianes au plafond, je le sais...

Le sort s'acharne.

Comment t'es arrivé là, sombre crétin ?

Il rit aux éclats, sans prendre la peine de seulement me répondre et me balance une autre pierre à la tête. Cette dernière fait un vague mouvement en arrière, tandis qu'une veine se met à taper sur mon front. Je fronce les sourcils, et un sourire crispé s'affiche à nouveau. Je suis couverte de boue et de sang, complètement épuisée.... Et il veut encore jouer avec mes nerfs ? Son petit rire de vipère me tape d'ores et déjà sur le système, et l'entendre se foutre de ma gueule aurait de quoi me mettre hors de moi.
Mais non. Je garde mon calme. Je me concentre sur ce qu'il y a autour de moi.

Un endroit que je qualifierai de solennel. Ou d'immenses colonnes s'alignent et s'ordonnent par taille, pour aller vers une sorte d'immense trône central où doit être le fameux pouvoir que je viens chercher. Les pierres sont recouvertes de mousses, mes pieds trempent dans une petite flaque d'humidité. J'avance vers la plus basse de toute pour monter dessus et vais pour franchir la seconde à côté. Mais à peine mon pied se met dessus qu'elle s'effrite brutalement et s'effondre sur elle-même. Par chance, j'y avais posé que le pied.
Je m'en retourne vers une autre, qui est vraisemblablement plus solide et qui supporte mon poids. Un peu plus en hauteur, j'ai deux choix qui s'offrent à nouveau à moi. Je pars à gauche, vers une colonne plus haute que la précédente, grimpant sur celle-ci adroitement pour m'élever à nouveau. Je prends confiance, et peut-être un peu trop, parce que quand je vais pour poursuivre mes choix, la colonne s'effrite alors que mes deux pieds sont sur elle. J'enjambe rapidement jusqu'à la suivante, qui s'effondre à son tour, avant de me ramasser sur une dernière qui tient la route, pour cette fois.

Je dois être à sept mètres du sol. Le cul posé sur le plat mousseux de la colonne. Nouveau soupire. Anthrax me balance un nouveau caillou sur le sommet du crâne. Je souris. Je vais le buter.

Mon pied se pose sur la colonne centrale. Et de ma hauteur, je prends conscience de la pièce qui m'entoure. Je tourne sur moi-même, et passe mes yeux sur les sculptures sur les murs. Des sculptures d'immenses bestioles, des animaux de la jungle. Je croise l'oeil affûté d'un aigle que le temps a trop fait vieillir, devant les dents acérés mais émoussés d'un serpent, devant les ailes ouvertes d'une chauve-souris qui veut se faire trop grande, devant le regard perçant d'un rhinocéros prêt à m'embrocher. Puis je m'arrête, devant celui que je connais déjà. La gueule ouverte, dévoilant ses crocs tranchants, l'oeil fâché, le museau froncé. Le léopard de marbre me fixe intensément.
Et enfin, mes yeux se posent sur ce fruit, posé simplement sur sa stèle...

Mhh...

Je pourrais peser le pour et le contre. Je pourrais m'interroger longtemps sur ce que je dois faire. Mais la balance a déjà penché : je n'ai pas fait tout ça pour rien. Et si c'est vraiment ce que je suppose être, alors je l'ai vraiment mérité. Quand je vais pour poser ma main sur le fruit, une petite voix dans ma tête m'arrête. Est-ce que je dois ? Qu'est-ce que j'aurai ? Qu'est-ce que ça fera ? Et si je me retrouve à avoir un pouvoir qui me donne une affreuse coupe de punk ? Ou pire, qui me fait perdre la tête ? Ou pire, qui me rend con comme Joseph ? Si ça me change radicalement, au point où je pourrais plus me reconnaitre dans le miroir ?

Et si...

Et depuis quand j'ai peur ?

J'attrape le fruit et croque un grand coup dedans.
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Le goût est immonde. Et rien a l'air de changer.

Je mâche pourtant. J'avale à contre coeur ce truc immonde... Comment a fait Jack ? L'a-t-il bouffé en entier ? Est-ce qu'on a le droit de vomir ? Qu'est-ce que ça va faire bon dieu de merde ?

Je pose le machin, secoue la tête. J'suis trop bête. Je sais vraiment pas à quoi je m'attendais, comme s'il y avait vraiment un super pouvoir à m'offrir à la sortie. C'était du vent. Un tissus de connerie, un piège gros dans lequel j'ai foncé. Booba voulait se débarrasser de moi, comme tous les autres de la tribu. Ils voulaient que je crève dans cette histoire. Z'ont jamais vraiment pu me piffer de toute façon. Faut dire que j'suis pas d'chez eux, que j'ai rien à leur offrir. Ça fait un peu mal au coeur de voir que l'affection vient pas avec les actes. Parce qu'au fond, j'ai fait pour eux, nan ?

Me regarde pas comme ça, gamin. M'regarde pas derrière ton masque comme si j'étais une pauvre ratée. J'le sais déjà. Je sais aussi que t'as fait tout ce que t'as pu pour m'aider. J'ai compris au moins ce que t'étais... La part consciente de ma folie latente. Comme Jack avec Jamie Lee. T'es mon Jamie Lee. Enfin, un truc de ce genre là. Et j'sais pas si c'est une très bonne nouvelle pour moi. Pas la peine de me faire cette grimace, je-

Aie !

Je me retourne avec le regard noir vers cette crasse d'Anthrax qui vient de me renvoyer un caillou à la gueule. J'vais vraiment finir par le buter, un de ces quatre ! J'en ai même très envie maintenant ! Au moins, mon air de tueuse a fini de le faire rire. Il pendouille sur une liane en me regardant avec des yeux exorbités, et j'crois qu'entre deux cris de pucelle, il lâche des grossièretés de type choqué.

J'aime pas les chats !

Des restes de mon légume du démon, je pige encore quand il balance des conneries... Je fronce un sourcil, me retourne, et cherche à comprendre ce qu'il bave. Mes mains sont recouvertes d'une fourrure tachetée. La langue qui passe sur mes dents m'apprend que j'ai des canines vraiment mégapointues. J'affiche un sourire pétillant d'une malice mauvaise, me retournant vers Anthrax... Il a l'air en colère, particulièrement énervé de ce qu'il voit sous ses yeux. Le petit macaque à son papa se balance nerveusement au bout de sa plante, avant qu'enfin le cosmos rétablisse l'équilibre du monde et que sa prise craque sous son poids. Anthrax n'a pas le temps de se rattraper à quoique ce soit...

La chute est terrible et il manque de s'écraser par terre. Heureusement, une colonne le réceptionne, et voyant qu'elle s'effrite pas, je choisis de prendre mon élan pour aller lui bouffer le derche. Le bond qui suit est prodigieux, et je m'impressionne moi-même ! J'ai la sensation de décoller, de pouvoir m'envoler ! Je ricoche sur une autre colonne avant d'atterrir et de chopper Anthrax dans la gueule ! Je suis un chat ! Je suis un putain de gros chat ! Et dieu que c'est plus classe qu'un lézard ou un truc du genre !
Sauf que...

Sauf qu'en me réceptionnant, je contrôle pas ma force, ni mon poids et presque immédiatement, la colonne se fend à son pied. Elle vacille alors qu'Anthrax et moi tentons de rétablir l'équilibre. Le singe se faufile dans mon cou et s'accroche à mes oreilles en tirant brutalement dessus :

BOUGE DE LAAAAA !

Je me fais pas prier, je vais bondir et refaire le chemin jusqu'au centre. J'y arrive même. Sauf que quand on se retourne tous les deux, rassurés de pas être tombés de si haut, on se rend compte que toutes les colonnes jouent aux dominos entre elles ! Et une à une, elles s'effondrent sur les autres, me coupant tout chemin de sortie :

On doit s'tirer !
Non pas par là !


Anthrax tire sur mes moustaches cette fois et m'oblige à rugir de douleur ! Sale crasse ! ça fait un mal de chien- Non, de chat !

Par là !

Il me montre du doigt la gueule béante du serpent, m'ordonnant de foncer dedans. Mais moi, je crois qu'il est con.

Mais n'importe quoi ! Si elles tombent toute, on va être bloqué là !
BOUUUUUUUUUUUGE !


Et il tire un violent coup sur ma queue cette fois. Et j'saurais pas dire pourquoi, je me sens dans l'obligation de lui obéir. Alors je saute, toutes griffes dehors, m'accrochant de justesse au rebord de la gueule. Anthrax se hisse en me tirant les poils, rentre à l'intérieur d'un trou que j'avais même pas vu. Et alors que la dernière colonne rencontre le mur, elle provoque une énorme fissure qui sépare la paroi en deux, gangrenant ensuite la coupelle qui se fait pas prier pour s'effondrer.

Moi, je me fais pas prier pour me glisser dans l'issue d'Anthrax...

Et à la force des bras, je tire, je tire pour disparaître dans un trou qui ressemble étrangement plus à un toboggan gigantesque... Une lumière vive m'aveugle à nouveau, et je me retrouve projeté à toute vitesse vers celle-ci !

Je décolle !

Et j'atterris dans un roulé-boulé magistral dans un tas de ronces.
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Enlève moi çaaaaa !
Reste tranquille, grognasse !
Ca graaaaatte !
Gnhinhinhin !... Voilà !
Bouhouuuu j'en ai marre...
Roh, t'vas pas faire ta chochotte hein ! C'était pas si dur ! C'était même plutôt drole ! On recommence ?
Va crever, charogne ! Je veux un lit ! Je veux bouffer ! Je veux qu'on me bichonne ! Je veux rentrer à l'hotel ! Et... D'ailleurs, comment t'es arrivé ici, fouille-merde ?
J'me promène. Narmol quoi ! C'est un chouette coin, ça m'rappelle chez moi...
Tu me ferais presque chialer.
Ca m'faisait ma petite visite, j'pouvais jouer et balancer du caca sur les autres touristes-tête-de-noeud ! Hinhinhin, je suis diabolique ! Hinhinhinhin ! Y'a un autre temple là-bas ! Tu veux qu'on aille le casser ?
Nooooon... Je veux rentrer...
Roh allez ! Il est chouette ! Y'a la sale gueule d'un nain zombie dessus ! Hinhinhinhin  !
Un nain zombie ?
Ouais ! C'est comme ça qu'on l'appelle que Pilou-Pilou m'a dit ! Tokoloshe le nain zombie !
Tu t'es cultivé, dis-moi...
J'ai étalé de la boue sur sa sale gueule de peinture rupestre hier soir ! Hinhinhinhin !
Je vois... Et il ressemble à quoi, ce nain zombie ?
Tu veux dire, derrière la boue ?
Oui, pauvre con...
Bah, il porte un masque en os ! Et il a une grosse tresse ! Et il est petit, fin, c'est un nain quoi... Et...
Non c'est bon. Je vois.
Bah quoi ? tu le connais ? C'est ta mère ? Hinhinhin ! Aie ! Pas les moustaches ! Pas les moustaches ! Nan !
Alors tu vas fermer ta gueule et m'écouter m'épancher sur le sens de la vie, sale crasse !
Oui madame, oui madame ! Tout mais pas les moustaches !
Je crois que mon haki, c'est le Tokoloshe.
Ah ouais...
Ouais...
Mais t'es une grande malade ! En fait ! T'es qu'une pauvre folle comme Jack ! Vous êtes un équipage de barjots pas finis ! On vous a bercés trop près du mur !
... Ta gueule ?
Oui madame, pardon madame.
C'est quand que le pouvoir du fruit passe et que je te comprends plus ?
Hi.
On rentre.
C'est par là madame.
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Démarche assurée et lente.

Les branches sèches craquent sous ces pas félins, piétinant la terre du village d'autochtones. Booba sort de sa hutte et avance vers les lieux du grabuge. Il perce la foule avec sur ses talons Mujo qui demande d'une voix forte et sèche que tout le monde se calme et s'écarte. Pourtant, autour, c'est l'incompréhension autant que l'effervesence. La foule s'amasse, les lances sont même tendues pour m'empêcher d'avancer plus près. Pourtant, je bouge pas d'un pouce. Je suis plantée, là, au milieu de ce monde qui gravite autour de moi, me regardant avec des yeux exorbités.
Fixant ce pelage brillant, cette gueule anormalement animale, d'où un simple sourire affiche des crocs aiguisés. La queue dans mon dos, à laquelle je me suis pas faite, bat la mesure sur la terre battue. Elle présente mon humeur. Et je suis clairement pas de bonne humeur. On me verra pas faire des ronrons tout de suite, pour sûr. Suffit de voir l'état de mes vêtements et les blessures qui parsèment mes cuisses pour comprendre que j'en ai gros sur la patate.

Mujo pointe le bout de son nez, derrière la silhouette de Booba qui me tire une gueule de trois kilomètres. Il s'en remet pas. Le papi a côté reste impassible et stoïque, se contentant de s'approcher à l'aide de sa canne pour finalement se planter devant moi.

Tu es rentrée...

Il dit ça comme s'il avait besoin de l'entendre pour y croire. C'est pas lui que j'ai le plus laissé sur le cul, visiblement. Les hommes se taisent autour, écoutant Mujo qui s'est tourné vers eux pour prendre la parole :

La grande prêtresse est de retour !

L'annonce faite, tous dressent les mains en l'air en m'acclamant solennellement. Anthrax, sur mon épaule, se sent plus : il sautille comme un dingue, traitant au passage tous ces gens de vulgaires larbins ! Il réclame une banane en se proclamant roi de la jungle. Un grognement du fond de la gorge le calme immédiatemment, le poussant à se jeter dans mes cheveux pour se cacher de mon courroux.
Et l'acclamation s'arrête pas en si bon chemin, car déjà les tambours sont sortis et le feu de joie allumé. Les sauvages se mettent à danser, tapant sur les peaux de bêtes tendues, chantant après la nuit en me remerciant de ce retour. Je sens des mains toucher les miennes. Des mains de femmes qui me collent un tissus trempé sur les bras pour essuyer la terre et la boue. Je frémis d'horreur déjà mais préfère ne pas réagir. Et on me jette sur les épaules une toge rigide, faites de peaux de bêtes séchées et d'os d'animaux.

On me pousse vers l'avant, droit vers Booba qui a pas bougé d'un cheveu. Il me détaille, de haut en bas, toujours sur le cul. Et enfin, la question sort :

Mais comment... ?

Avec un étonnement sincère sur le visage. Et peut-être une vague joie de voir que le chaos sera encore de leur côté dans les jours à venir. Je me penche à son oreille, le sourire narquois marqué sur la risette qui révèle les crocs :

Tokoloshe m'a aidée.

Mes yeux en amande l'invite a regarder en arrière. Une vision qu'il verra probablement pas, mais que je connais maintenant par coeur. La silhouette trapue d'un homme grand comme un enfant, les épaules voutées et le regard dur, caché derrière son masque d'os. Le nain se redresse, et dans un mouvement brusque tape sur son torse en hurlant à pleins poumons.

Et la Nature se tait pour l'écouter hurler.
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