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-Haha. Que dirait votre supérieur s’il savait que vous avez fait déplacer le navire simplement pour venir prendre votre chèque ?
-« Toutes mes félicitations, Sigurd ! J’ignorais que vous étiez doué aux mots croisés. Cinq millions, hein ? Eh bah, de mon temps, on gagnait pas autant au bingo… ». Probablement. Ou un truc dans le genre, s’excusa le capitaine Dogaku. M’enfin c’est pas important, tant qu’on quadrille la zone, ils sont contents.

Dans son dos, un sifflement réprobateur se fit entendre aussitôt. Comme bien souvent, Sigurd pouvait sentir les émanations négatives de sa commissaire darder dans sa direction. Elle lui avait déjà fait part de son avis sur la question.

« Le Tarmac est un bâtiment de la milice du royaume, Capitaine. Et non pas votre carrosse privé. J’espère que vous n’en ferez pas une habitude… n’est ce pas ? ».

Mais qu’à cela ne tienne. Aujourd’hui, il était d’excellente humeur, au point tel que même Haylor ne pourrait pas l’affecter. Ca n’est pas comme si elle-même avait voulu miner son allégresse. Passé les récriminations qu’il lui incombait d’administrer à son collègue, elle avait accueilli la nouvelle avec une gaieté surprenante.

« Mais une fois cela dit… félicitations. »

*
* *
*

Deux jours plus tôt, Dogaku avait reçu un appel, par escargophone, lui signifiant qu’il venait de remporter le concours annuel des cruciverbistes de la frange septentrionale de North Blue. Il avait surtout participé pour le plaisir du jeu, comme chaque année. Mais en l’espace de quelques heures, la seule idée de toucher un chèque de cinq millions de berries lui avait fait perdre toute notion de la réalité. Aussitôt, il avait réagencé les trajectoires de patrouilles standards pour pouvoir aller chercher son du au plus vite. Au diable les procédures : il avait annoncé la nouvelle à son vieux colonel, qui lui avait dit de foncer. Depuis, il ne s’écoulait pas une heure sans que Dogaku ne réfléchisse à ce qu’il pourrait s’offrir avec une telle somme.

Des vacances ? Il travaillait dans l’armée, et n’avait guère le temps d’en prendre. Son travail n’avait rien de fatiguant, mais il s’agissait d’abord de passer le cap des premières années. Quand il serait bien en place, il pourrait prendre son temps. En attendant, il prenait simplement ses aises.

Alors, quoi ? Quand il passait le temps, il aimait bien faire la sieste. Se promener. Et les jeux de société. A moins d’acquérir l’édition collector du vingtième anniversaire d’Age Of Navires, il n’avait là pas de quoi débourser un seul million.
Quand il dépensait de l’argent, c’était généralement en restaurants. Mais même pour ça, il avait déjà de quoi ne pas payer. Une lettre de son ancien employeur, remise pour services rendus au cours d’une épidémie de Rouboule du mouton, qui lui permettait de pouvoir s’y rendre à moitié prix jusqu’à la fin de ses jours.

De ce fait, il était un peu perdu. Ca ne l’avait pas empêché d’aller papillonner un peu partout sur le navire, à la recherche de bonnes idées. Il y connaissait pas mal de monde, et rares étaient ceux qui ne l’avaient pas félicité de bonne foi. Le simple fait de bavarder avec lui leur ferait plaisir.

Et sans surprise, la première personne qu’il partit consulter était…

-Dîtes, Nat’, qu’est ce que vous feriez, vous, avec cinq millions ?
-Moi ? Ben euh…

La lieutenante, une petite blonde aux cheveux crépus, n’avait pas su quoi répondre. Comme d’habitude, il l’avait coincée au réfectoire. A l’heure du souper, cette fois.

-Boah, vous pourriez… économiser pour acheter une maison ? Tant qu’on est dans l’armée, on est nourris-logés-blanchis, mais après ça…
-A moins de se la jouer vieux gradé avec ses appart’ de fonction, mwarharharh. J’en connais pas mal qui planchent là-dessus. Mais ouais, compléta Dogaku. Mwarharharh. Rien d’autre ?
-Désolée, rien qui me vient comme ça.
-Boah, nan. Pas grave.

La lieutenante Gurgenidze regarda fixement son bouillon, pensive. Elle réfléchissait à toute vitesse, même. Dogaku ne l’avait pas consultée au hasard. S’il y avait quelqu’un qui avait toujours quelque chose à dire sur le Tarmac, c’était bien elle.

-Attendez, si, je sais, continua-t-elle. Je m’achèterais un piano. Ma cabine est assez grande pour ça, ici.
-Vous jouez du piano ?, s’étonna le capitaine. Vous ?
-Surprise ! On peut être dans les commandos et avoir du bon goût, vous savez ?

-J’aurais jamais cru.
-J’aurais jamais cru qu’en plus de faire des mots croisés, vous puissiez être bon, vous savez ?
-Oh. C’est ça, bravo. Dîtes tout de suite que j’ai une tête d’idiot ?
-Ah bah si j’ai le droit…
-Pas le droit.
-Chi hi hin.
Ou alors, si j’avais une grosse somme d’argent qui dormait, je financerais les travaux des ingénieurs du navire pour qu’ils travaillent sur des trucs intéressants. Des trucs qui m’intéressent, en tout cas. Comme ce super flambeur qu’on a réussi à récupérer sur les Bark Knights le mois dernier et que je…
-Le lance-flamme reste consigné sur le navire jusqu’à nouvel ordre, insista mollement Dogaku. A moins qu’on tombe sur du très gros poisson, hors de question que je vous autorise à faire usage de ce truc.
-Nan, je parle pas du lance-flammes, je parle de l’autre. Le Shishkebab.
-Le bout de fer incandescent ? C’est mort.
-Une épée qui s’enflamme, le corrigea la lieutenante. Et elle est très bien.
-Je vous répète que…

Tout en faisant la morale à sa collègue, Dogaku se mit à réfléchir à sa proposition.

Financer les travaux des ingénieurs… là, il y avait de l’idée. A plusieurs reprises, il avait essayé de les convaincre de produire des jouets qui l’intéressaient, lui. En particulier, un prototype de char d’assaut pour l’équipage. Ca ne devait pas être bien dur : à partir d’un chariot qu’on renforcerait de plusieurs plaques d’acier, on obtiendrait déjà un joli bunker. Restait à y ajouter un moteur, trouver un moyen efficace de faire avancer ça, et il aurait là de quoi faire fureur lorsqu’il s’agirait de déployer ses hommes au sol.

Après, y ajouter un ou deux canons pour avoir une véritable puissance de feu… ça ne se refusait pas vraiment, si c’était possible. Restait à produire en masse l’appareil, et la vie de tout le monde s’en trouverait diablement améliorée.

Manque de chance, pour de tels travaux, les investissements nécessaires tiendraient plus des cinquante millions que des cinq millions. Et il ne comptait guère sur son commandement pour cotiser à son projet. Les subventions étaient l’apanage des grands noms ; en attendant, il pouvait continuer à rêver.

Tout ça, ça ne l’avançait pas à grand-chose.

*
* *
*

-Bon, allez hop, s’exclama finalement Dogaku. Faîtes passer le mot, aujourd’hui c’est la fête. Quartier libre pour tout l’équipage jusqu’à demain neuf heures. Tous ceux qui ne sont pas de garde, s’entend. Et… parait qu’ils ont une excellente limonade à la goyave, dans le coin, pour ceux que ça intéresserait.

C’était une magnifique fin de journée. Et sa sacoche contenait un magnifique chèque de cinq millions de berries. Le mousse qu’il venait d’envoyer en messager disparut au détour d’un coin de rue, et les trois autres soldats qui l’accompagnaient se dispersèrent pour prendre du bon temps. Ne restaient que lui et la commissaire, Haylor, qui se mirent en route vers le navire. Elle l’avait accompagné pour achever de peaufiner avec lui les derniers détails de son projet du jour, et avait renvoyé ses conclusions un peu plus tôt via l’un de ses larbins.

Maintenant, ils marchaient tous les deux, côte à côte, sans rien avoir à se dire de particulier. Comme d’habitude.
Jusqu’à ce que Sigurd entame la discussion d’une plaisanterie maladroite. Comme d’habitude.

-Harhar. N’empêche. Vous pouvez pas dire que toutes ces grilles que j’ai rempli au lieu de faire mes devoirs auront servit à rien, maintenant.
-Remplir vos dossiers, Capitaine. Ce ne sont pas vos dev…
-…
-…
-…
-Parfois, j’ai l’impression que vous faîtes exprès de m’énerver, reprit-elle sombrement.
-Mwarharharh, ricana doucement l’autre. Pas faux, pour le coup. Désolé, je voulais pas. Euh, je veux dire… désolé, insista-t-il plus sérieusement.

La jeune femme ne répondit pas, et se contenta de continuer à avancer. Elle faisait la moue à sa manière, presque imperceptible, mais qui dégageait aux alentours une aura d’ondes négatives facilement perceptibles. Craignant de l’avoir mis dans de très mauvaises dispositions, ce qui résultait généralement sur une fin de semaine tempétueuse pour lui et ses sbires, il tenta aussitôt de désamorcer son erreur.

-Beuh. Hammerfest, il lisait des BD, lui, quand il traînait pour la paperasse. Les mots croisés, c’est moins pire, à coté.

Voilà. Lui parler des grands noms de la milice, et en particulier de ceux qu’il avait eu la chance de côtoyer pendant plus d’un an, ça lui faisait généralement du bien.

-Ca aussi, il me semble déjà vous avoir surpris en train de le faire, répliqua-t-elle en souriant faiblement, moqueuse. Lire des bandes dessinées.
-Ce dont je me souviens, c’est surtout que vous les avez donné en pâture à votre escargophone tellement vous étiez furax. Il bouffe vraiment tout, c’te bestiau.
-Hihihi. J’ai fait ça ? Vraiment ?
-Ouaip.
-Hihi hihi
-Aw. Et vous trouvez ça drôle ?
-Pfhihihi… parfaitement.
-Tsss. C’est pad’jeu.

La commissaire n’avait pas eu tort, quand elle avait accusé son collègue de l’énerver volontairement. C’était tout simplement qu’il savait intuitivement flatter ses penchants sadiques. Quand il faisait l’idiot, Haylor trouvait le capitaine désespérément navrant, mais éprouvait quand même un plaisir coupable lorsqu'elle lui remontait les bretelles. Du moins, quand elle n’était pas ivre de rage, bien sûr.

Voyant maintenant que Sigurd avait une mine déconfite, elle estima que c’était cette fois à son tour de renouer le dialogue. Mais sans idée particulière, elle se raccrocha à la même chose que tout le monde ces derniers jours.

-Et si ce n’est pas indiscret… je suis curieuse. Qu’avez-vous prévu de faire avec cet argent ?
-Abandonner mon poste dans la milice et vivre avec un train de vie populaire jusqu’au restant de mes jours, répondit-il d’une voix grave.
-…
-…
-… vous plaisantez ?
-Evidemment.
J’imagine que ça va juste être mis de coté… en attendant que je puisse financer mes colonnes de blindés. Ca serait chouette, ça. Ou une maison, haha.
-Des colonnes… ?
-Boh, oubliez ça.

-Hum. Si vous comptez laisser votre argent dormir, la milice tient pour son personnel un fond de pension spécifique. Si cela peut vous intéresser, je pense que…

Evidemment. Haylor était une commissaire. Pour information, cela n’avait rien à voir avec la police. Dans les armées, les commissaires étaient les bras de l’Administration, chargés de tout ce qui relevait de la logistique, de la gestion, du juridique et du financier. Impossible de tenir une organisation sans eux. Haylor, en particulier, était une excellente commissaire. Et une excellente financière, dont la rémunération était probablement tout aussi conséquente.

Ce qui, forcément, donna des idées à Dogaku.

-Tiens, je me demandais. Si vous touchiez cinq millions… vous feriez quoi, vous ?
-Moi ?
-Eh, oui.
-…
-J’ai déjà posé la question à pas mal de monde, pour prendre des idées. C’était assez rigolo, d’entendre les lubies de chacun. A votre tour.
-Non. Ca ne vous regarde pas.
-Rhooo…
-…
-Vous voulez pas jouer le jeu ?
-…
-Allez, imaginez qu’on tombe sur une carte au trésor, et qu’on parvienne à le déterrer tous les deux.
-Ce qui est fortement peu probable…
-Qui sait, un jour…
bref. Qu’est ce que vous feriez ?

Haylor resta muette face à l’insistance de son compagnon. Elle lui lança un regard amer, lui signifiant clairement de ne pas poursuivre sur ce fil là. Quoi qu’il fasse, la miss ne parlerait pas. Pour la même raison qu’elle refuserait, six mois plus tard, d’exposer ses motivations lorsqu’elle viendrait s’associer à Dogaku, afin de récupérer le trésor du capitaine Kebabopoulos. Tout ça était développé plus en détail un peu plus bas dans ce sous-forum, dans le récit d’à coté.

Consciente d’avoir considérablement assombrit l’atmosphère, la commissaire essaya de s’adoucir, et reprit.

-Mais… hum. Ce que je veux dire, c’est… si je devais faire une folie… je prendrais un million. Juste un million. Et j’irais faire ce qui me plait.
-Par exemple ?, demanda doucement Sigurd, en espérant la faire parler.
-Ma foi, pour commencer… j’irais passer une soirée dans un restaurant gastronomique. De la cuisine phrançaise, je pense.
-Connais pas. C’est où, ça ?
-Un peu plus loin, au sud-ouest. Ils ont plusieurs spécialités, de nombreux chefs particulièrement réputés dans le monde entier, et… il s’agit d’une cuisine extrêmement diversifiée, expliqua-t-elle. Du foie gras, des huîtres, du bon vin… des pâtisseries à n’en plus finir…

Dogaku ne put s’empêcher de sourire, en voyant la jeune femme s’exprimer avec une ferveur diablement inhabituelle. Elle lui donnait l’air de rêver, avec des pépites d’or plein les yeux. Lorsqu’elle remarqua l’insupportable sourire idiot du capitaine, Haylor reprit aussitôt contenance, l’air pincée.

-Haha. C’est super marrant, de vous voir parler de bouffe comme si vous en étiez amoureuse. Chavais pas que vous étiez un ventre.
-Espèce de…
ce n’est pas une goinfrerie. C’est une cuisine très raffinée, se défendit-elle.
-Mwarharharh. Et vous en parlez très bien, répondit-il en essayant de la rassurer. J’irais tester un jour, si j’ai l’occasion.
-Humph.
-Je tenterais, vraiment. Mwarharharh. D’autres idées à me suggérer ?
-Non. Si c’est pour que vous vous moquiez de moi, je vais m’en passer.
-Meuh. Allez-y, je me moquerais pas.
-…
-Promis.
-…
-S’il vous plait ?
-…
-Ah, zut. Vexée ?
-Non, souffla-t-elle. Ou plutôt, oui. Enfin… ce que je veux dire, c’est… hhhhhh… vous êtes exaspérant, Capitaine. Assez ! Ne dîtes plus un mot tant que nous ne serons pas retournés sur le navire.
-M’enfin…
-Plus un mot, appuya Haylor.
-… okay, silence radio.
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