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Où vais-je ? J’ignore de le savoir.

Le pied à terre, enfin. Une grande bouchée d’air frais. Les sens encore en alerte, je décontracte progressivement.

PFFIOUUU…
...


J’entends un craquement derrière moi, puis un autre qui talonne le premier. Puis une voix grave, au ton peu sympathique.

- EH TOI, QU’EST-CE QUE TU FOUS LA !

Pas le temps de me retourner, je m’enfuie à toute vitesse sans vraiment prêter attention à où je me rends. Pas encore moyen d’être tranquille, même après un voyage pareil. Mes battements de cœur ne cessent d’accélérer. Un coup de feu retentit, la balle frôle mon mollet gauche, nu, et vient se loger dans le sol. Je fais abstraction des beuglements incessant provenant de derrière moi et ne ralentit pas ma course. Le ventre noué, j’ai l’impression que mes côtes vont se briser sous la pression intérieure.

(...)

Je repousse les cheveux hydratés par ma sueur me coupant la vue tandis que j’avance à pas rapides mais discrets sur un sol terreux.
J’avais réussi à me réfugier dans la forêt à proximité, mais c’est à croire que les gens dans ce monde sont tous fous. Bref, maintenant, je suis dans mon élément, je n’ai plus rien à craindre. Je m’adosse contre un arbre et je scrute les environs. Je relève la tête et une puissante lueur inattendue m’éblouit malgré le branchage filtrant celle-ci et mes lunettes teintée pourtant bien disposées sur mon nez. Décidément, je ne me suis toujours pas habitué à ce soleil.

Ici, les arbres ressemblaient à des jeunes pousses de ceux que l’on pouvait trouver sur Zaun bien qu’ils soient plus nombreux, à peine quelques mètres de hauteur, dotés uniquement d’un faible feuillage. Ils semblaient si impuissants. Par simple curiosité, je cherche un tronc imposant. Peut-être que je suis capable de le briser ? Je retire mes chaussures de peur de les abîmer et je scrute rapidement l’arbuste en face de moi. C’était définitivement le plus gros dans les environs. Je prends un peu de recul, j’accélère et je bondis les deux jambes tendues en avant à pleine puissance.
Le choc transmet des vibrations tout le long de mon corps jusqu’au sommet de mon crâne, de quoi soulever mes cheveux collés sur mon front et presque faire tomber mes lunettes pourtant bien fixées sur mes oreilles.

Je perds l’équilibre.

Je me fracasse le dos sur le sol. Une douleur torride traverse mes pieds et remonte jusqu’à mes cuisses. Une autre suit la première de très près et se propage dans toute mon échine.
Un grincement. Un crac. J’ouvre les yeux que j’avais fermés par réflexe lors du choc au sol et je distingue le tronc esquinté par le temps et par moi-même qui s’effondre. Je suis sur sa trajectoire.

Mon instinct me fait rouler sur le côté et alors que je me redresse pour tenter de m’échapper, je suis plaqué au sol par une branche qui m’arrache la peau au niveau des épaules.

Je parviens à m’extirper et constate tout de suite l’ampleur des dégâts. Ce ne sont pas mes nombreuses entailles qui me paraissaient les plus importantes. Non. Ma chemise et mon short fétiches. Les deux étaient tailladés de parts et d’autres, en plus d’être tâchés par mon propre sang.

- ET MERDE ! J’SUIS VRAIMENT TROP CON !

Je suis  plus du tout présentable maintenant, qu’est ce qui va arriver si je croise quelqu’un, une femme par exemple, est-ce qu’elle va me considérer comme un pauvre déchet ? J'essaie de me dépoussiérer en frottant, mais rien n'y fait. Mes habits sont foutus.
Je marche sur un débris.

- OUTCH !

L’écharde s’enfonce dans la plante de mon pied. C’est fou comme ce genre de petites choses peut faire souffrir. Je me tords et j’essaie de la retirer, impossible. C’est vrai, j’avais retiré mes chaussures. Je suis encore plus stupide que je le pensais. Après quelques secondes de recherche infructueuse, je me rends compte de ce qui se passe. Elles se sont retrouvées sous ce putain de tronc. Les gens vont vraiment me prendre pour un clochard maintenant…
J’avais jamais été mis en difficulté comme ça auparavant, il va falloir que je trouve quelque chose pour y remédier.


Un bruissement suspect se propage dans l’air. Je m’immobilise et tend l’oreille.

BANG !


Un coup de feu éclate. L’écho est le bruit des oiseaux qui se dispersent après la surprise. Puis le silence règne.


Dernière édition par Epsen Airy le Dim 26 Jan 2014 - 12:15, édité 2 fois
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Un mauvais pressentiment, j’escalade en vitesse un  arbre et j’improvise en me cachant dans quelques branchages. Quelque chose arrivait, c’était certain. De là-haut, j’avais une plutôt bonne vue, d’autant que l’arbre que je venais d’abattre laissait une fenêtre de vision assez grande. Cependant, un simple regard en hauteur et ma couverture serait grillée si quelqu’un arrivait dans les parages.
D’ailleurs, j’entends un bruit.

- Je t’avais pourtant dit de n’en parler à personne pauvre abruti, tu pensais vraiment pouvoir me rouler ? On dirait que même tes pauvres amis sont aussi stupides que toi.

Je distingue les bruits de pas de deux personnes. On dirait que mon ami est en train de corriger quelqu’un. Bizarre, je pensais que les gens n’avaient pas tendance à se balader dans les forêts en temps normal. Enfin, ce qui est sûr, c’est que mes deux invités s’approchent à grand pas. Il faut que je reste calme, s’ils ne me remarquent pas, je ne risque rien.

J’aperçois les silhouettes des deux personnages qui s’approchent. Plus ils s’avancent, plus le bruit haletant de la respiration de l’un d’entre eux devient fort. Le coup de feu, c’était pas pour chasser le gibier, à moins que l’on puisse considérer l’homme comme un gibier.
Si je veux, je peux partir maintenant et m’enfuir. Mais est-ce que je suis assez cruel pour laisser cet homme se faire tuer pour une raison qui m’est encore inconnue ? Non… De toute façon, il faut bien que je trouve de quoi m’habiller, et mes amis ont sûrement ce que je recherche.

J’arrive à atteindre l’arbre d’à côté et je me rapproche tranquillement des deux nouveaux protagonistes. L’un d’eux s’écrase dans un grand fracas contre l’arbre exact sur lequel je me tiens. J’ai été un peu trop gourmand. Je m’empresse de me cacher, mais je n’ai pas pu rater tout le sang qui dégoulinait sur sa face enrobée d’une bonne couche de graisse. L’autre arrive.

- Pitié, j’te jure, j’te jure… J’en ai parlé à personne, y'a personne d'autre que nous deux qui est au courant… Ce bruit, c’était surement un animal ou quelque chose comme ça, y’a pas à s’inquiéter, j’te ju…

- Tu répètes encore une fois ça et j’te fais éclater la cervelle. Et évite de l’ouvrir tant que je t’ai pas donné le droit à la parole, gros tas.


Je ne peux m’empêcher de lancer un coup d’œil. C’est vrai que l’homme au sol était vraiment graisseux… Enfin, en tout cas, il a un flingue pointé droit sur sa face. L’autre est plus grand, plutôt baraqué de ce que je peux voir, même si ça tête est séparée en deux parties inégales par une immonde cicatrice. Il a quelque chose accroché à la ceinture.
Pas étonnant qu’il ait pris le dessus. Bien qu’il garde un œil sur le gros, il reste sur ses gardes, et il scrute les environs. Il pense qu’ils ne sont pas seuls, et il a bien raison, mais comment peut-il le savoir ? Quelques détails m'échappent. Il redresse la tête. Je m’aplatis le plus possible pour me cacher derrière le tronc de l’arbre sur lequel je suis perché. Je retiens mon souffle pendant quelques secondes de silence. Je crois qu’il ne m’a pas vu, tant mieux. Il continue enfin son discours alors que l’autre respire si fort qu’on l’entendrait à une vingtaine de mètres.

- Fini de jouer maintenant. On l’a tous les deux entendus, le mec qui a gueulé quelque chose y’a pas deux minutes. Du coup tu vas aussi m’expliquer comment un « animal » peut faire tomber un arbre de cette envergure.

Il pointe alors du bout de son arme l’arbre que je venais d’abattre à l’instant. C’est à croire que j’ai un don pour attirer le danger.
Le gros tente de se redresser pendant que le calibre n’est pas pointé sur lui. C’est peine perdue.

- Eh là, reste tranquille mon petit cochon, j’en ai pas fini avec toi. Les accidents ça arrive vite, tu sais. Tu vas me dire ce que tu sais maintenant si tu veux pas leur dire adieu.

Cette fois-ci, c’est plus la face qu’il pointe. Non, il vise plus bas. Je jette un coup d’œil et je me retire rapidement. C’est la pire des choses qu’on puisse faire à un homme ça, c’est mesquin. J’avale ma salive accumulée et je la sens glisser le long de ma gorge.  Est-ce que je dois l’aider ? Le temps est compté et le gros ne pourra jamais lui donner la réponse qu’il attend, sa vie dépend de moi maintenant. La situation est plus délicate que je ne le pensais et ça ne fait qu’empirer.

- J’te jure, je.., je sais pas d…

Bang. Un silence -noir, ou rouge- s’empare de la forêt entière. Cette fois, pas d’écho, les oiseaux se sont déjà tous envolés après tout ce raffut. Je me risque à jeter un coup d’œil.
Je déglutine avec la main devant la bouche pour éviter de briser le silence.
Alors il était sérieux. Il l’a descendu.

- Je l’avais prévenu pourtant. Et merde, pourquoi c’est toujours moi qui m’tape le sale boulot ? Qu’est-ce que j’en fais du corps maintenant ? Le boss va vouloir que je m’en débarrasse moi-même, mais sérieux, ce gros lard doit peser une tonne.

Dès que je retire ma main, je sens comme une envie irrépressible qui m’arrache la gorge. Il fallait que ça arrive maintenant alors ? C’est trop tard. Je tousse et je brise le silence à mon tour. Plus le choix, maintenant je dois agir en vitesse. Je bondis et je tente d’agripper la branche de l’arbre d’à côté. Apparemment les hommes sont proches du singe. C’est pas mon cas. La branche craque, je m’effondre au sol comme un vulgaire sac de pomme de terre.

- Je vois que mon petit cochon avait ramené de la famille. T’es un peu moins imposant qu’t’on pote, alors bon, je vais t’appeler Porcinet. Pas d’objections ?


Dernière édition par Epsen Airy le Mar 4 Fév 2014 - 23:54, édité 4 fois
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Le danger de mort, ça fait toujours de l’effet. Ma poitrine vibre à un intervalle régulier rapide. J’ai mes raisons pour me défendre, mais j’ai rarement était confronté à ça. Un face à face réel. Pas de fioritures, pas de pitié à attendre de l’un ou de l’autre. Il avait descendu ce pauvre gars devant mes yeux, et ça, à cause de moi. C’est trop tard pour culpabiliser. C’est triste pour lui mais je dois passer par-dessus ces évènements et me concentrer. J’essaie de m’auto convaincre. Toute façon, c’est pas ce gusse qui va me faire peur, je viens quand même de péter un arbre à ma seule force physique… Je tente de l'amadouer.

- Hey, mon ami !.. Je crois qu’il y a une malencontreuse erreur sur la personne, j’ai-

Il me coupe la parole.

- Déjà, c’est moi qui ai l’flingue, c’est moi qui parle, qui pose mes conditions, et toi tu la fermes sale déchet.

Il fait une pause. L’espace d’un instant, il me quitte des yeux pour attraper quelque chose dans sa poche. J’aurais pu lui faire exploser la cervelle à mon tour, parce que oui, j’ai un flingue aussi, mais il est trop stupide pour s’en rendre compte. De toute façon, je suis pas aussi cruel que ça, j’ai quand même une estime de la vie supérieure à la sienne. Et surtout, je n’ai jamais fait ce genre de chose, abattre un homme de sang-froid. Tant que la situation n’est pas critique, je vais juste me contenter de calmer le jeu.

Il sort une cigarette, l’allume et la met à sa bouche. Il aspire un grand coup et ferme ses yeux pendant une petite seconde, histoire de savourer. C’est vraiment pas un professionnel. J’hésite à le maitriser et lui faire cracher quelques informations, mais je crois qu’il a peut-être quelque chose d’intéressant à me dire.

- Tu sais quoi ? Toi et ton p’tit copain, vous aviez essayés de me baiser. Mais on me baise pas. Depuis l’début j’ai un temps d’avance sur vous. Vous croyiez vraiment que j’étais en possession d’un Meitou d’une valeur d’un million ? Et qu’en plus j’allais vous faire un prix à cinq-cents mille parce que j’vous aime bien.

Il rit, puis son rire se transforme en toux. De quoi il parle bordel ? Il reprend.

- Je savais bien que ton pote pouvais pas posséder cinq-cents mille toute façon, mais bon, on sait jamais, les pigeons de nos jours c’est monnaie courante, et au pire j’aurais pu lui faire pression et il aurait déboursé dans tous les cas. Ahahah.

J’ai jamais vu un rire forcé pareil. Il fait une autre pause. Il écrase sa cigarette à peine entamée au sol et il tapote quelque chose accroché à sa ceinture avec sa main libre. Pour l’instant, c’était caché derrière sa jambe, mais je n’allais pas tarder à découvrir de quoi il s’agissait.
Là, il dégaine. Un sabre scintillant sort de son fourreau.
J’ai bien fait d’attendre. Il baisse son revolver et admire son arme. A vrai dire, ça se voit que c’est pas un sabre de qualité supérieure, mais il semble tout de même l’admirer d’une façon assez obscure.

- Cette chose doit pas valoir plus de cent-milles berry, c’est le boss qui me l’a offert pour ma promotion, j’me suis dit que j’allais l’utiliser pour faire couiner un abruti, en l’occurrence, le petit cochon de toute à l’heure. L’échange, c’était de la merde… Malheureusement, j’ai été trop gourmand et maintenant, il couinera plus jamais, alors bon, je m’en remets à toi, Porcinet. Cette fois, je vais cuisiner le bétail à vif.

Un, deux pas. Il s’élance sur moi. Il y a quelque chose d’étrange dans ses yeux. Ses veines sont en ébullition. Il transpire à grosses gouttes. Ce mec-là, il est pas tranquille, comme celui du bateau de toute à l’heure. C’est à croire que je suis tombé sur un asile.
Il tient son sabre comme un débutant, mais je n’ai pas envie de le blesser, j’ai déjà causé bien trop de mal aujourd’hui.
J’esquive son attaque, j’agrippe son bras et je le repousse d’un gros coup de pied au niveau de l’estomac. Il est au sol, lâche prise sur son arme et s’agrippe le ventre en essayant de reprendre sa respiration, haletant. Un amateur.
Je dois lui poser quelques questions.

- Dis-moi, ici, les gens sont tous fêlés comme toi ?

Il rit, même si ça le fait souffrir, il rit. Cette fois-ci, il est sérieux. Je ne comprends pas vraiment pourquoi.

- Entre nous, le plus fêlé de nous deux, c’est toi. Il toussote et continues son discours péniblement. Tu te rends compte de ce que tu fais ? Tu t’attaques à plus fort que toi. Tu regretteras bien rapidement et tu prieras surement un pauvre Dieu fictif pour qu’il t’accorde sa grâce mais ce sera déjà trop tard.

Il se rend au moins compte de ce qu’il dit ? C’est lui qui mange la terre en ce moment. C’est lui qui devrait penser à s’en remettre à Dieu. Il tire son flingue de sa ceinture.

- Ohoh, tout doux le berger, c’est pas comme si j’allais t’achever. Après tout, c’est pas ta faute si t’es malade. Tout ce que je veux c’est récupérer ce que t’as fait tomber et déguerpir d’ici.

C’est vrai, sur Zaun, y’a plein de gens qui perdaient les pédales pour des raisons obscures. J’imagine que ça doit être pareil partout.

- Tu crois pouvoir déguerpir vivant ? Me fais pas rire. Je salirai pas mon honneur, quitte à me faire baiser. Et tu vas t’faire baiser aussi, crois pas y échapper, on déconne pas avec les sept familles et la mafia.

Les sept familles ? Sa fille -(ma-fille-a)- ? Me baiser ? Ce type a perdu un boulon. J’y comprends plus rien.

Il me vise. A vrai dire, je ne m’y attendais pas. Même le plus fou des hommes comprendrait qu’il faut abandonner. C’est quoi cette obstination primitive pour défendre un soi-disant honneur ? J’ai jamais voulu en finir avec lui.

Le temps semble s'écouler au ralenti. Je croise son regard. Effrayant. C’est pas du bluff, si je fais rien, il va tirer, c’est indescriptible mais ça se voit, il suffit d’avoir les yeux en face des trous.

Bang.


Ma balle le transperce de part en part au niveau de l’abdomen. Il tombe sur le flanc. Pendant quelques secondes qui me parurent interminables, il crache du sang qui semble provenir du fond de ses intestins. Puis, plus un bruit. Il s’est éteint.

Je m’effondre. Je suis complètement bouillant. Je ne peux pas retenir mes larmes. Je pensais qu’on ne se ressemblait pas du tout. Pourtant, j’ai l’impression de ressentir exactement la même chose que j’avais lu dans son regard quelques secondes auparavant. Haine, peur, souffrance, folie. Je lâche mon arme, mes mains sont comme tétanisées.
J’ai sommairement exécuté cet homme, comme il l’a fait à l'instant pour le gros. Je pensais avoir mes raisons. Il avait les siennes également. Je pensais que c’était un fou. Peut-être que j’en suis un également ? Tant de questions qui pullulent dans mon esprit. Je prends ma tête en main.


C’est dur de l’avouer. Je frissonne.
Finalement, on n’était pas si différents.

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